Superproduction… théâtrale
Le 28 février prochain aura lieu la première de Un drôle de cadeau, la pièce de Jean Bouchaud que mes camarades de la Compagnie Raymond Crocotte et moi-même allons jouer au festival Théâtre d’Hiver de la Mairie de Toulouse.
Comme vous le savez déjà, la distribution de cette pièce nous a déjà posé quelques problèmes, puisque, outre mon arrivée pour jouer le rôle de Marcel Feuillard suite à l’indisponibilité du premier comédien chargé du rôle, c’est une remplaçante pour celui de Léone Chalière qu’il nous a fallu chercher…
Malgré trois candidatures, nous n’avons pas pu trouver de successeur à Emmanuelle Bost, qui, heureusement, a pu différer son départ pour les forêts mystérieuses de Bretagne afin de jouer avec nous une ultime fois.
Mais ces petits tracas ne nous ont pas découragés, et puisque tout est bien qui finit bien, je peux donc vous parler… et vous montrer… à quoi nous avons occupé notre temps.
Car pour cette nouvelle production, la Compagnie Raymond Crocotte a carrément changé de dimensions, et s’est lancée dans une débauche de moyens jamais connue par la troupe depuis sa naissance en 2006. Une profusion de décors, d’accessoires, des costumes, des visuels… bref : une superproduction digne d’Hollywood dans notre référentiel de compagnie amateur !
Certes nous sommes huit comédiens sur scène, mais nous avions déjà l’habitude d’être nombreux depuis notre adaptation de Psychanalyse des Contes de Fées.
C’est surtout le contexte historique et la pièce elle-même qui ont demandé beaucoup de travail dans la recherche de réalisme visuel et scénique, comme le « pitch » écrit par Corinne Jacquet, notre metteuse en scène, le laisse deviner :
Le Vietnam s’appelle Indochine, Picasso dessine des colombes, les Français remercient Mister Marshall qui leur envoie des dollars et du coca-cola… Nous sommes en 1949 et Staline va avoir 70 ans. La petite cellule du Parti Communiste du 14e arrondissement de Paris ne fait vraiment pas honneur au camarade Maurice Thorez : pas une seule adhésion depuis des mois, affiches non collées, journaux non diffusés, livres non vendus s’amoncellent dans le local donnant sur l’arrière-cour d’un petit immeuble entre la loge des époux Scarfati et les escaliers qui montent aux étages.
Roger Blot, croque-mort, Josyane Terson, vendeuse, Marcel Feuillard, ouvrier, Suzanne Lalande, institutrice, tous militants du PCF, désespèrent Léone Chalière, représentante de la direction fédérale… Or, la cellule « Élisa Verlet » se doit elle aussi de trouver un cadeau pour « le petit père des peuples ». Il n’est jamais facile de choisir un cadeau d’anniversaire mais imaginez la difficulté d’en trouver un qui plaise à Joseph Staline ! Les camarades de la cellule finiront cependant par dénicher pour l’occasion un drôle de cadeau qui fera l’effet d’une bombe à Moscou…
Cette pièce, en traitant d’un sujet historique grave sur le ton de la comédie, rassemble à la fois les qualités du vaudeville et du plus profond des drames. On pense à Prévert, à René Clair mais aussi à Feydeau et à sa folle mécanique burlesque. Du rire, de la tendresse et au final une réflexion sur le dogmatisme : ce qui arrive quand l’homme cesse de penser par lui-même.
Et c’est donc tout naturellement que nous avons dû réutiliser la structure modulable de décor qu’avait déjà réalisée Frédéric Dalmasso pour Échauffements Climatiques, afin de construire un espace scénique séparant la cour d’immeuble du local de la cellule Élisa Verlet. Cette structure a été recouverte de toiles amovibles grâce à un système de scratch (merci à Sabine et à Liliane pour la couture), qui ont été peintes en trompe-l’œil par Monique Mazarguil, son talent d’illustratrice mis une fois encore au service de la troupe.
C’est ensuite le bronze d’art qui tient une place centrale dans l’histoire qui a été sculpté. Nous avons également trouvé un vieil électrophone, des portraits de Lénine et de Staline qui correspondaient à ce qui était décrit dans la pièce (cherchez Lénine avec une casquette dans une bonne résolution sur internet… vous aurez du travail…). Au chapitre des accessoires, le poêle qui sert de chauffage aux camarades en ce mois de décembre 1949 a été réalisé par Frédéric qui décidément, pourrait être engagé comme décorateur/accessoiriste dans une production de cinéma (tiens… ça me donne une idée pour mon prochain opus…)
Enfin, c’est la maquette du camp de travail en allumettes, réalisée par Xavier Fouchet (alias le flic ancien collabo Désiré Scarfati dans la pièce).
Et pour les costumes, même recherche intensive de véracité, à partir de photographies d’époque, pas faciles à trouver non plus.
Enfin, les visuels. Une cellule du Part Communiste Français recèle des trésors : des affiches de propagande, des revues officielles (L’Union Soviétique parue de 1949 à 1963, Études Soviétiques qui lui ressemblait beaucoup), des journaux (L’Humanité bien sûr), des livres (l’autobiographie de Maurice Thorez intitulée Fils du Peuple)…
Et pour la touche finale, un magazine osé de l’époque, Paris-Hollywood, dont la reconstitution de la couverture a été un véritable plaisir pour moi…
Tout ceci sans oublier de faux billets de l’époque (c’est fou ce que les francs semblent désuets maintenant), des cartes de membres du PCF, un vélo datant du milieu des années 50 récupéré dans une association de passionnés…
Le souci du détail est allé assez loin, et, toutes proportions gardées, je me suis souvenu de ce que les équipes de Weta Workshop ont accompli pour la saga de Peter Jackson dans la Terre du Milieu. Leur credo était que plus les détails étaient soignés et « faisaient vrais », plus l’immersion était forte pour le spectateur, qui pouvait plonger dans un monde cohérent jusqu’au plus petit bouton de manchette.
Il reste à savoir si nous aurons autant de succès avec Un drôle de Cadeau que la bande de Frodon et Sam… J’ai comme un doute : nous n’avons pas d’acteur de synthèse programmé en motion capture…