Le Serpent à Plume ouvre sa propre librairie… virtuelle

Le Serpent à Plume ouvre sa propre librairie… virtuelle

Le Serpent à Plume ouvre sa propre librairie… virtuelle

À première vue, d’aucuns pourraient juger que la décision d’ouvrir un espace numérique de vente de mes livres sur le Nid du Serpent à Plume soit un contresens, voire ramer à contre-courant de l’air du temps, ou pire, commettre une erreur tragique. Il est vrai que, si l’on se fie à l’actualité récente en ce début d’année 2025 dans le milieu des littératures de l’imaginaire, on a de quoi ressentir une pointe de frilosité : après le piratage de leur site en novembre-décembre, les éditeurs bien connus des Moutons électriques, qui publient rien moins que tous les écrits de Jean-Philippe Jaworski, ont annoncé qu’ils mettaient la clef sous la porte. Cela fait suite à la renaissance in-extremis d’une autre maison d’édition historique du genre, ActuSF, en 2024, après plusieurs mois d’incertitude.

Comme lecteur, je ressens cette fermeture comme une perte cruelle. Le travail des maisons d’édition dans l’imaginaire, notamment des petites maisons indépendantes comme l’étaient Les Moutons électriques, est indispensable à la diffusion du genre.

Malgré mon clair militantisme pour l’indépendance et la réalisation de livre par les auteurs et les autrices elles-mêmes depuis l’ouverture de ce Nid virtuel, je sais que la vitalité de l’imaginaire francophone tient pour une grande part à l’édition traditionnelle et à des maisons comme Les Moutons électriques, L’Atalante, ActuSF, La Volte, et j’en passe.

Alors quoi ? Dans un paysage politique et médiatique de plus en plus tendu, où la culture est malmenée, où les idées d’extrême droite ont non seulement droit de cité, mais sont surtout en passe de gagner contre l’Humanisme qui me tient tant à cœur, où les seules œuvres qui surnagent sont celles qui ont une force de frappe médiatique conséquente, celles qui ont une présence sur les réseaux dyssociaux, celles qui sont adaptées par Netflix et consorts ou qui possèdent un lectorat-auditoire déjà bien installé, il faudrait donc baisser les bras et se résigner ?

Ce n’est pas dans ma nature.

Ce n’est pas dans ma culture.

Si je dois rester largement méconnu — et c’est avec certitude ce qui sera mon destin d’artiste — ce ne sera pas faute d’avoir tracé mon chemin, porté haut mes valeurs, comme les Chevaliers de la Table ronde les couleurs d’une Dame. L’une de mes citations fétiches est extraite de la pièce Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand. La voici :

CYRANO

[…]

Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais !

Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !

Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !

Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là ! Vous êtes mille ?

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !

Le Mensonge ?

[Il frappe de son épée le vide.]

Tiens, tiens ! Ha ! Ha ! les Compromis,

Les Préjugés, les Lâchetés !…

[Il frappe.]

Que je pactise ?

Jamais, jamais ! Ah ! te voilà, toi, la Sottise !

Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

[Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant.]

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !

Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose

Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

Mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tache,

J’emporte malgré vous,

[Il s’élance l’épée haute.]

Et c’est…

[L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.]

ROXANE, [se penchant sur lui et lui baisant le front]

C’est ?…

CYRANO, [rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant]

Mon panache.

Ainsi donc, l’air du temps est à la concentration des pouvoirs, aux plateformes et aux monopoles. Tout cela ne me plaît guère. Mais je crois qu’il peut y avoir de la place, une place minuscule, une place dans les marges, pour une autre façon de faire. La Toile a encore un certain pouvoir, même (et surtout) si nous refusons de nous plier aux algorithmes.

Toute une autre tendance de notre époque est à la décentralisation, à la déconcentration.

Certes, le risque en est la fragmentation, la dilution.

Mais c’est aussi le gage de l’indépendance.

Il se trouve que, depuis quelque temps, la fréquentation de ce Nid Virtuel recommence à monter. Est-ce par la diffusion des Consultations extraordinaires ? Je ne sais. Mais je pense qu’il est bien plus efficace et authentique de proposer mes œuvres directement ici que sur une plateforme. De plus, moi qui, pour le moment, ne me déplace pas en salon littéraire (les raisons en sont principalement : un métier principal qui me prend beaucoup de temps, une vie personnelle que je ne veux pas sacrifier, la priorité donnée à la création elle-même), j’ai peu de contacts avec mes lecteurs et mes lectrices. Et j’avoue que cela me manque.

Ouvrir un espace de vente directe de mes œuvres ici ouvrira peut-être à plus de commentaires, plus d’échanges. Ou pas. Je n’ai pas une communauté assez large pour ouvrir un serveur Discord, alors je pense qu’il est d’abord utile de donner à voir ce que je fais ici.

La boutique

Cependant, si vous me suivez depuis quelques années, ou que vous avez suffisamment lu d’articles ici, vous devez vous douter que je ne vais pas ouvrir une boutique classique. Oui, je le sais, cela risque donc de ne pas «marcher» aussi bien que si je faisais les choses selon ce que l’on trouve déjà ailleurs, selon ce qui est conseillé ou prescrit, habituellement.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, je cherche plus à construire quelque chose qui me ressemble qu’à appliquer ce qui est censé marcher. Car, si l’on y réfléchit, pouvons-nous citer un exemple d’un écrivain qui vive de la vente de ses livres sur un site internet ? Ou même sur des plateformes numériques ? Personnellement, j’en suis bien incapable, et pas seulement parce que les chiffres de ventes restent toujours un secret. C’est juste parce que cela n’existe pas. Ou pas encore…

Je suis donc déterminé à intégrer ma «boutique» dans l’univers du Serpent à Plume.

D’abord, cela ne se nommera pas une boutique. Comme écrivain, je suis persuadé du pouvoir des mots et notamment du pouvoir des Noms. C’est d’ailleurs une des constantes de mes univers imaginaires, où la magie, le surnaturel, le pouvoir que mes protagonistes ont sur leur monde ou leur réalité leur vient de leur connaissance des mots. De même, les noms de mes protagonistes ne sont jamais innocents, ils ont toujours une signification et un rôle dans le récit.

Il n’y a donc pas de raison que l’endroit de ce Nid Virtuel où vous pourrez acheter mes œuvres échappe à la règle.

Cet endroit se nommera La Grande Bibliothèque.

Une référence à celle d’Alexandrie, bien évidemment.

Mais aussi une simple salle dans la section plus large, déjà existante, de la Caverne du Serpent, la section des Merveilles à télécharger.

Je vois cette Grande Bibliothèque comme partie d’un continuum entre les différentes créations que je libère dans le grand monde : les petites astuces que je publie dans des articles, les modèles que j’offre (modèles pour des logiciels que j’utilise, par exemple), les univers de jeu de rôle auxquels je donne accès aux Ptérophidiennes & Ptérophidiens, les personnes abonnées à ma lettre d’écaille & de plume, et tout ce que je donne à mes Mécènes sur Patreon (comme les livrets des épisodes de ma podfiction, Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux).

C’est ainsi que la Grande Bibliothèque, si elle reste la première étape dans l’exploration de la Caverne du Serpent, n’en est que l’entrée, et qu’il reste possible de découvrir d’autres salles sans s’y arrêter.

Pour autant, c’est là que vous trouverez ce qui m’est le plus précieux.

Il y aura pourtant une autre entrée, mise en avant lors de l’accès à la page principale du site et qui se fera vite oublier si vous continuez vers le bas de la page.

Pourquoi seulement les versions numériques et audio ?

Alors que je clame haut et fort que je désire être indépendant des plateformes, je laisse les versions papier de mes livres en vente sur Books on Demand, et je ne les propose pas ici, ce n’est pas logique.

Outre que la vente par internet de produits physiques est beaucoup plus complexe que la vente de produits numériques (ce que sont les versions électronique et audio), donc pas forcément ce dans quoi je veux me lancer au tout début de l’ouverture de ma librairie virtuelle, je voudrais aussi, pour le moment du moins, privilégier la vente via des librairies physiques. Car, bien sûr, l’une des forces de mon partenariat avec BoD reste la possibilité pour vous de commander mes ouvrages par l’intermédiaire de votre libraire de chair et d’os préféré. Cela vous permettra de soutenir les petites librairies, entre autres.

Tableau de Petrus Christus, peintre flamand du XVe siècle

Le prix

Alors, je ne gagnerai pas une fortune en vendant mes œuvres, et, de toute façon, là n’a jamais été mon objectif en publiant ce que je crée. Si un prix doit être fixé, c’est que la société dans laquelle nous vivons considère que la valeur de la création, comme la valeur du travail, doit se mesurer en argent ou en or, fussent-ils numériques. Ce qui est gratuit est hélas synonyme de «sans valeur» pour beaucoup d’entre nos contemporains.

J’existe comme artiste, donc je donne un prix à ce que je crée. Et je le fixe librement. Du moins le plus librement possible.

Je déteste les prix en «,99». Je les trouve déloyaux, manipulateurs, trompeurs.

Si je suis contraint d’utiliser de tels prix pour les livres numériques, afin qu’ils puissent être distribués par les plateformes, telles qu’Apple Books ou Kobo, rien ne me force à m’y plier pour les livres audio. Ces derniers ont donc un prix «rond».

Plus encore, je pense que les œuvres numériques, n’ayant pas de matérialité par définition, ne nécessitant donc pas de frais de stockage (si ce n’est un peu d’espace disque), doivent être proposées pour un prix plus abordable que la version papier. Une version audio demande beaucoup de temps pour être produite, c’est vrai. Et cela mérite d’être valorisé par un prix plus haut.

Aussi ai-je décidé de proposer un prix unique pour toutes mes versions numériques EPUB : 5,99 €. Mais aussi un prix unique pour toutes mes versions audio : 18,00 €.

Poker d’Étoiles, le livre audio

Et justement, le déclencheur de toute cette réflexion est l’aboutissement de la production de mon premier livre audio, à partir du texte de mon premier roman, Poker d’Étoiles. Plein d’enthousiasme après mon expérience dans la podfiction avec Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux, j’ai décidé de transposer ce que j’avais appris de nouveau à mes projets de livres audio. Et j’ai passé beaucoup, beaucoup de temps à peaufiner cette version d’un peu plus de dix heures d’écoute. Avec quelques effets sonores (assez peu, finalement), mais aussi et surtout un travail plus approfondi sur le contrôle de l’enregistrement et sur le mixage.

Une fois le livre audio terminé, je me suis naturellement demandé comment le faire naître dans le vaste monde.

Il était évident pour moi que j’allais éviter Audible, bras armé d’Amazon dans le commerce des livres audio, parce que je veux promouvoir un autre modèle, et que mes valeurs n’entrent pas en résonance (c’est le cas de le dire) avec celles du géant américain. J’aurais pu me tourner vers les plateformes qui distribuent déjà les autres formats de mes livres, comme BoD ou 7Switch. Mais j’ai réfléchi au fait que la distribution directe pouvait aussi avoir tous les avantages que je vous présente un peu plus haut, plus certains autres.

En ce XXVe siècle où les humains ont colonisé d’autres systèmes solaires, Sean et Eddy survivent de parties de poker et de contrebande, grâce à leur audace et à Démosthène, la très susceptible Intelligence Artificielle qui pilote leur vaisseau.
Alors que Sean vient de perdre une nouvelle partie de poker, une jeune femme apparaît littéralement dans sa vie, lui transmettant à la fois des ennemis sans scrupules déterminés à l’éliminer, une responsabilité aux dimensions du cosmos et un amour qui le mènera à trouver sa place dans cet univers.

Format de fichier

m4b, mp3

Durée de lecture

10:00:48

18,00 

Ptérophidiens & Mécènes

Car, en France, le prix d’un livre physique ou numérique est fixé une fois pour toutes, et il n’est donc pas possible de consentir des rabais, sauf pour les livres audio, qui sont pour l’instant dans un vide juridique.

Cela me permet de faire une chose impossible pour les versions numériques (et a fortiori pour les versions papier) : récompenser la fidélité de celles & ceux qui me suivent depuis longtemps avec un peu plus qu’un rabais de 5 %, le seul qui soit autorisé pour les formats plus «anciens».

D’abord, j’avais envie de récompenser mes correspondants, celles & ceux qui lisent et parfois répondent à ma lettre d’écaille & de plume, ce long message que j’envoie tous les trois mois, les 1er février, 1er mai, 1er août et 1er novembre de chaque année, dates des anciennes fêtes celtes d’Imbolc, Beltaine, Lughnasadh, et Samhain. Lors de ces échanges, je livre certaines de mes réflexions sur… sur beaucoup de sujets en fait. Principalement sur ma façon de créer, ma vision de l’art, mais aussi sur beaucoup d’autres sujets qui m’ont touché dans les trois mois passés. J’y déroule aussi toutes les découvertes culturelles ou scientifiques que j’ai faites durant le trimestre écoulé, mes coups de cœur musicaux ou littéraires. Et j’ai la chance d’avoir de véritables correspondances avec plusieurs de ces personnes. Certaines me suivent d’ailleurs depuis plusieurs années.

Et j’avais donc envie de les remercier, avec une réduction de 20 % sur la version audio de Poker d’Étoiles, via un code de réduction à utiliser dans la Grande Bibliothèque.

Ensuite, malgré la confidentialité de ce que je crée, j’ai décidé d’ouvrir une page sur Patreon, la plateforme de micromécénat, certes américaine, mais bien mieux positionnée éthiquement que son équivalent français, dont je ne citerai même pas le nom.

J’ai peu de Mécènes, mais leur geste me touche suffisamment pour que je décide de leur offrir la version audio de Poker d’Étoiles, via là encore un code de réduction à utiliser dans la Grande Bibliothèque. Oui. Leur offrir.

C’est ma façon de les remercier.

Les portes de la Grande Bibliothèque s’ouvrent

Le Gardien vous attend.

Demandez-lui ce que vous cherchez, et, en bon bibliothécaire, il vous le trouvera.

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Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux

Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux

Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux

De quoi et de qui parlons-nous ?

Lorsque j’écris cet article, en janvier 2025, internet est principalement dominé par des plateformes clamant être des «lieux d’échange et de libre expression» où l’on est censé pouvoir discuter avec d’autres humains sur tous les sujets que nous voulons, sans frontières et sans jugement.

Ça, c’est l’affichage.

La réalité est toute autre.

En réalité, ces plateformes sont de gigantesques entreprises commerciales captant les conversations des personnes qui y sont inscrites pour nourrir des algorithmes qui biaisent lesdites conversations, dans le but de garder l’attention desdites personnes le plus longtemps possible, afin de leur montrer des textes ou des images ciblées à l’aide des profils de personnalité construits à partir des données récoltées.

Ces textes et images ciblées peuvent être des publicités à visée commerciales réalisées au profit d’entreprises qui payent les plateformes, mais peuvent également être des fausses informations, des rumeurs, de la propagande politique ou idéologique.

Le point commun est cependant de manipuler le comportement des personnes qui utilisent ces plateformes.

Voici pour le «quoi».

Intéressons-nous donc à «qui», à travers un inventaire.

À tout seigneur, tout honneur : commençons par les fondateurs.

Facebook, qui a également avalé Instagram et WhatsApp, puis a créé Threads, et les a regroupés dans un sac appelé Meta. Jusqu’à il y a peu, la manipulation était commerciale, avec des publicités que même vous ou moi pouvions acheter afin de toucher de quelques centaines à plusieurs milliers d’individus, et des publicités de propagande, servant les intérêts d’acteurs politiques qui, eux, achetaient l’accès à des millions de personnes. Par exemple, la société Cambridge Analytica a utilisé la plateforme pour influencer le vote de centaines de milliers de personnes lors des élections américaines de 2016 et du referendum britannique sur le Brexit. Mais le fond restait commercial, car Meta elle-même n’avait pas d’autre but que son propre profit financier. En 2025, suivant l’exemple du Twitter d’Elon Musk (voir juste un petit peu plus bas), Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et pionnier de ces réseaux dyssociaux, décide de donner dans la propagande idéologique en autorisant les propos haineux envers certaines catégories de personnes (femmes, transgenres, entre autres) et de favoriser la diffusion de mensonges en arrêtant toute modération des propos et images sur ses plateformes.

Twitter, rebaptisé selon l’antépénultième lettre de l’alphabet latin par son nouveau propriétaire Elan Musk, s’est transformée de l’agora d’invectives et de harcèlement qu’elle était déjà avant son rachat, en outil de propagande viriliste, xénophobe, obscurantiste (promouvant des propos et idées antiscientifiques), complotiste, au service d’un seul. Le tout-puissant algorithme de la plateforme est ainsi le maître pour tous ses utilisateurs, sauf pour son propriétaire, unique personne au monde à pouvoir décider de montrer ses tweets à l’ensemble des captifs de la plateforme.

YouTube, depuis très longtemps propriété de Google dans le gigantesque conglomérat Alphabet, augmente d’année en année la dose de publicité qu’il impose à toutes les personnes qui y regardent n’importe quelle vidéo, et force sans que l’on puisse s’y opposer la lecture automatique d’autres vidéos déterminées par l’algorithme.

Mais d’autres se sont ensuite construits sur les mêmes modèles.

TikTok, entreprise soumise à la loi chinoise et dont les données sont donc toutes traitées sur le sol de l’Empire du Milieu, vise autant à faire de l’argent qu’à d’autres objectifs qui pourraient être décidés par les autorités d’un pays où la démocratie n’a pas le même sens que dans notre culture.

Snapchat, réseau au départ censé permettre la disparition automatique des messages envoyés, s’en sert pour cibler de la publicité.

Je ne compte pour le moment pas Bluesky ni Mastodon dans cette liste, leur caractère dyssocial n’étant pas établi, par jeunesse pour le premier et par conception pour le deuxième.

Pourtant, même ces deux exceptions ne trouvent pas beaucoup grâce à mes yeux, car Bluesky est centralisé, pour le moment uniquement maintenu par son entreprise d’origine, dont l’objectif reste le profit, et les deux solutions ont en commun avec toutes les autres, y compris les toxiques, de nous engager à rester concentrés sur leur flux (et ce, même si Mastodon a abandonné le flux infini).

Bref, vous l’aurez compris, je crois que, loin de nous libérer, ces outils nous emprisonnent individuellement et collectivement. Ils nous tiennent captifs. Mais nous en sommes bien les complices.

De la servitude volontaire (à l’ère numérique)

Je vous engage à relire ce petit texte du XVIe siècle qu’est le traité Le discours de la servitude volontaire, d’Étienne de la Boétie. Il suffit de remplacer quelques mots pour y lire une description parfaite de la situation dans laquelle nous sommes cinq siècles plus tard face aux réseaux dyssociaux.

L’argument le plus percutant de ce livre est la façon dont il démonte la mécanique de l’aliénation : le fait simple que le règne d’un tyran ne tient que parce qu’il enrôle d’autres personnes dans la même fonction, à une échelle plus petite, et que ces personnes feront de même à leur tour, et ainsi de suite.

Cette mécanique implacable est à l’œuvre dans nos rapports avec les réseaux dyssociaux d’une façon si évidente que nous ne le voyons même pas.

Car nous devenons, du simple fait d’avoir des followers ou d’être un follower nous-mêmes, non seulement captifs de ceux qui nous suivent et de ceux que nous suivons, mais aussi leurs geôliers. En effet, nous ne pouvons pas partir du réseau, car nous avons peur de perdre le contact avec eux, et eux ne peuvent pas partir, car ils ont peur de perdre contact avec nous.

Les victimes sont elles-mêmes des bourreaux.

Les consommateurs deviennent des dealers.

Et tout ce beau monde est prisonnier du système pervers qu’il nourrit.

Volontairement.

Parce que, bien évidemment que nous pouvons partir. Qu’est-ce qu’un réseau dyssocial comme Twitter ou Facebook, en fait ? Un annuaire où nous savons trouver des gens pour échanger avec eux. En y réfléchissant, vous connaissez forcément des moyens d’interagir avec ces gens autrement, avec d’autres moyens de communication. Là, comme ça, au débotté, on peut en trouver quatre : une adresse mail, un numéro de téléphone, une autre application de contact respectueuse, elle, de la vie privée, comme Signal, ou un rendez-vous dans un bar. Ce qui nous retient, en réalité, c’est la peur.

Et c’est pourquoi nous ne voulons pas partir. Parce que nous avons peur de ne pas trouver de clients autrement, parce que nous avons peur de rater des informations importantes, parce que nous avons peur de devenir invisibles dans un monde où la visibilité est devenue vitale, etc.

Si l’on pousse très honnêtement jusqu’au bout les raisons de ce refus de changer, on trouvera, au-delà des fausses excuses que nous pouvons servir à nous-mêmes comme aux autres, la simple habitude. C’est tellement plus simple, facile et confortable de ne pas changer, de ne pas risquer.

Car changer implique une prise de risque, donc du courage.

Bien sûr que, si nous sommes seuls à partir des réseaux, cela ne changera rien, et qu’il faudrait être des milliers, voire des millions, à le faire pour que ça fonctionne. Et personne ne le fera, si ?

Et bien, retournons l’argument.

Si personne ne lance le signal de départ, comment donc les millions d’autres vont-ils avoir ce signal ?

«Un chemin d’un millier de li commence par un seul pas», dit un proverbe chinois sans doute inventé.

Ce pas, c’est à nous de le faire, sinon, rien ne changera, de cela nous pouvons en être certains. Et nous n’aurons plus la légitimité pour nous plaindre de ce que nous aurons choisi en conscience de perpétuer, auquel nous aurons choisi de collaborer, comme des complices.

Cela implique un certain courage et de faire des deuils.

Mais je vais vous faire un aveu : être en dehors des réseaux dyssociaux m’a rendu à moi-même, beaucoup plus que les «deuils» que j’ai eu à accomplir pour m’en sortir ne m’ont blessé.

Alors, si ce qui précède ne vous a pas convaincu, j’ai d’autres arguments à faire valoir. Des raisons qui pourraient faire pencher votre balance intérieure.

Les raisons égoïstes et pourtant légitimes

D’abord, quitter les réseaux dyssociaux vous sera profitable à vous, soyez-en sûrs et certaines.

Se libérer du temps (de cerveau disponible ou physique)

Vous ne serez plus un zombi faisant défiler les posts de façon automatique sans vous rappeler du dixième de ce que vous avez vu. On prétend que les réseaux nous apportent de l’information. C’est se mentir. Pouvez-vous citer réellement une information qui vous a marqué dans le dernier scrolling que vous avez passé une heure à effectuer ? Je veux dire, une véritable information, qui valait le temps que vous avez passé à voir des mêmes, des photos de chats, ou des insultes ? Je parie que non. Mieux : savez-vous combien de temps vous passez chaque jour sur ces applications à faire défiler des centaines de messages qui ne vous apportent rien ?

Et bien, quelle que soit la réponse, imaginez que vous pourriez utiliser ce temps à bien d’autres choses : discuter avec des amis en chair et en os, lire un bon bouquin, ou en écrire un, qui sait ? Vous pourriez même aller faire du sport, prendre soin de vous ou de vos proches…

Se libérer une capacité à réfléchir par soi-même

Je vous ai parlé plus haut du scandale de Cambridge Analytica. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg. Les réseaux dyssociaux sont le terrain de jeu de personnes qui veulent vous influencer. Je ne parle pas seulement des influenceurs, qui affichent clairement la couleur. Non, eux, au moins, ils disent ce qu’ils font. Je parle plutôt de toutes ces manipulations cachées de l’algorithme qui orientent les messages que vous voyez apparaître dans votre fil, en fonction de ce qui retiendra le plus votre attention, pour modifier subtilement vos comportements. Qu’ils soient électoraux, commerciaux, ou même personnels.

Car vous ne choisissez pas ce que vous allez voir.

C’est l’algorithme qui choisit pour vous. Toujours de façon orientée.

Et si vous croyez que vous allez voir les publications des gens que vous suivez… vous êtes bien naïfs.

Tous les algorithmes, en tête celui d’Instagram, amputent votre fil de certaines publications auxquelles pourtant vous êtes abonné. Chez Meta, la proportion de ce que vous manquez peut aller très loin.

Vous sortir de ces réseaux vous permettra de réellement choisir ce que vous voyez, et de vous faire réellement une opinion, car, de plus, vous échapperez aux mensonges éhontés ou non, qui tentent de vous manipuler.

Se libérer des trolls

Vous n’avez pas pu y échapper.

Les trolls existent véritablement dans notre monde. Ils ont leur royaume sur internet. Et leurs cavernes sont les gouffres puants des réseaux dyssociaux.

Toujours prêts à critiquer ce que vous faites ou dites, ils utilisent la mauvaise foi, les insultes, les mensonges, le harcèlement. Parfois la violence physique, même.

Quitter ces grottes ne vous empêchera pas d’en croiser un ou deux de temps à autre sur un blog, en commentaire d’articles. Mais cela vous épargnera la multitude de leurs semblables qui hante les réseaux. Vous pourrez donc, lorsque ce sera le cas, presque en rire, et il vous sera plus facile de les berner pour attendre patiemment que les rayons du soleil viennent les pétrifier dans leur bêtise crasse.

Se libérer des bots

Savez-vous qu’une partie des comptes que vous suivez a de grandes chances d’être en réalité constituée par des bots ? Des programmes informatiques, parfois téléguidés par des sociétés ou des États, de manière à vous influencer ? L’explosion des IA génératives du type de ChatGPT a encore considérablement augmenté la proportion de ces faux comptes que vous prenez sûrement pour de véritables personnes de chair et d’os… et qui ne sont en réalité que des imposteurs.

Avant le rachat de Twitter par Elon Musk, le chiffre de 5 % de faux comptes ou de bots était avancé par la plateforme. Musk, sans preuve, avait argué qu’ils seraient plutôt 20 %. Mais admettons que 5 % soient vrais, cela veut dire que sur 100 comptes que vous suivez, 5 sont faux et que vous ne le savez pas…

Je ne sais pas vous, mais moi, ça me ferait peur.

Se libérer (un peu) de la publicité

Vous n’avez pas pu manquer de le remarquer également : les réseaux dyssociaux sont remplis de publicité. Jusqu’à prendre la place des posts des gens que vous suivez. La proportion de messages publicitaires par rapport aux messages des gens que vous suivez est parfois énorme.

Partir des réseaux dyssociaux vous libérera d’une partie de ces annonces non sollicitées.

Bien sûr, le reste de la Toile est aussi colonisée par la publicité. Mais une source de moins ne vous ferait-elle pas du bien ?

Retrouver le plaisir d’échanger

La meilleure raison de quitter les réseaux dyssociaux reste pour moi de retrouver une qualité d’échange avec d’autres personnes dont vous ne vous souvenez même pas, avant les flame-wars, les insultes et les incompréhensions.

L’algorithme est dirigé pour maximiser vos interactions négatives, afin de vous faire rester le plus longtemps possible et de vous exposer le plus possible à la publicité. Il est aussi orienté pour favoriser les discours clivants, souvent haineux, insultants ou provoquants.

Il est sain de ne pas avoir les mêmes opinions, car, à l’image de ce qui se passe dans la nature, la diversité est gage de survie : plus il y a d’opinions et plus des idées intéressantes peuvent être à disposition pour résoudre un problème, tout comme une diversité génétique importante permet à une espèce de mieux s’adapter à des changements d’environnement.

Mais diversité ne veut pas dire combat à tout prix !

La discussion peut et doit être constructive.

Mais à trois conditions qui sont rarement réunies sur les réseaux : l’honnêteté intellectuelle et le respect et la prise en compte réelle des arguments de l’autre, en acceptant de pouvoir se remettre en question de bonne foi.

Une combinaison totalement contraire aux pratiques des réseaux dyssociaux, de par leur conception elle-même.

Les quitter vous permettra de discuter à nouveau sereinement avec les gens que vous croiserez dans la rue ou même sur des blogs, car votre visibilité ne dépendra pas du nombre d’insultes que vous lui balancerez à la figure.

Les raisons politiques

Pourtant, au-delà des raisons personnelles qui pourront vous soulager vous-mêmes, il existe bien d’autres arguments qui peuvent motiver votre départ des réseaux dyssociaux. Ce sont les arguments politiques, c’est-à-dire ceux qui touchent à l’orientation que vous voulez donner à la société dans laquelle nous vivons.

Pour cela, je vais présumer que les valeurs qui basent vos opinions, quel que soit votre bord politique, sont celles qui respectent la démocratie.

Encore faut-il définir ce que l’on appelle démocratie. Je me fonde sur la définition historique de cette notion, telle qu’elle est née et a grandi dans le siècle des Lumières. En voici les caractéristiques principales :

  • La prise en compte des opinions différentes des vôtres,
  • La tolérance envers tous les points de vue,
  • Un cadre fixé par ce que l’on appelle l’État de droit, un ensemble de règles dont la plus importante est la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et médiatique.

Ces conditions ne sont par exemple pas réunies dans les dictatures assumées bien évidemment, mais également dans les théocraties (Dieu est au-dessus de la Loi, ce qui est l’inverse d’une démocratie), les soi-disant démocraties populaires (il n’y a qu’une opinion valable, et refus de la pluralité). Elles ne le sont pas non plus dans les soi-disant démocraties illibérales (il n’y existe plus de séparation des pouvoirs).

Si vous n’adhérez pas à ces principes de base, évidemment, mon discours ne pourra que combattre vos idées. Je vous invite donc à passer votre chemin.

Si par contre vous êtes persuadés de leur validité, quel que soit votre bord politique, qu’il soit de gauche, de droite, de l’extrême centre, progressiste ou conservateur, je gage que les arguments qui suivent peuvent vous parler.

Privilégier la discussion longue

Être en démocratie, c’est accepter le débat, et donc la confrontation respectueuse et polie des arguments pour dégager, sinon un consensus, du moins une majorité adhérant à un compromis. Pour cela, chaque partie originellement opposée aux autres va faire un pas dans la direction de ceux avec lesquels elle n’est au départ pas d’accord. Elle va écouter les arguments des autres et, lorsqu’ils sont de bonne foi, toutes les parties vont adapter alors leur vision pour les prendre en compte.

Cela nécessite d’accepter de faire évoluer ses opinions pour prendre en compte en toute bonne foi des idées auxquelles nous n’avions pas pensé seul. C’est l’inverse de vouloir convaincre l’autre, ou de se laisser dicter sa conduite. C’est simplement accepter que seuls, nous ne possédons pas la Vérité. Car le débat est une collaboration.

Pour cela, il faut se laisser de l’espace et du temps.

Il faut aussi savoir réellement écouter l’autre, sans penser uniquement à contredire ses idées ou à rester concentrés sur les nôtres.

Il faut pouvoir déployer des arguments, les examiner conjointement avec les autres parties, qui au départ, ne pensent pas comme nous. Il faut analyser ces arguments, regarder ce qu’ils peuvent apporter de constructif, et les intégrer au corpus commun sur lequel toutes les parties vont se mettre d’accord.

Un processus qui, vous l’avez déjà compris, est l’opposé de ce qui est privilégié sur les réseaux dyssociaux.

Quitter ces silos de guerre permanente entre gens persuadés de détenir LA vérité vous permettra de recommencer à vraiment discuter avec les autres êtres humains.

Même s’il faut pour cela se rééduquer un peu, éviter les punchlines et les raccourcis faciles auxquels nous avons été habitués.

Privilégier la courtoisie

Car il faut aussi réapprendre la courtoisie, la vraie, celle qui consiste à laisser l’autre développer ses arguments, à lui laisser suffisamment de temps de parole ou d’écrit, pour développer sa vision, et voir ce qui peut y être intéressant pour la nôtre.

L’autre est une chance, pas un problème.

Et il est donc logique d’être poli avec lui ou elle. Ce qui implique donc de :

  • Ne pas lui couper la parole,
  • Ne pas l’insulter sciemment,
  • S’excuser si on l’a fait involontairement,
  • Ne pas réfuter ses arguments par principe,
  • Ne pas les dénigrer,
  • Ne pas se laisser guider par ses propres émotions,
  • Considérer son point de vue comme ayant autant d’importance que le nôtre.

C’est-à-dire :

Privilégier la tolérance

Là encore, être tolérant, ce n’est pas accepter n’importe quoi.

On peut être tolérant avec toutes les idées et tous les comportements qui ont la même tolérance envers les autres et qui respectent la Loi, seule habilitée à dire ce qui est permis ou pas.

Ainsi, la «tolérance» que prônent Twitter et son propriétaire n’est en réalité qu’une absence de loi autre que la sienne. N’est pas tolérant celui qui, dans notre pays en 2025, accepte qu’on traite quelqu’un de «malade mental» parce que son orientation sexuelle est différente. Non, cela n’est pas de la tolérance, c’est le contraire, de l’intolérance.

Avec toutes les autres idées, celles qui n’enfreignent pas la loi et sont tolérantes avec les autres idées en retour, nous pouvons être en désaccord, mais nous pouvons les accepter comme faisant partie de la diversité de notre société. Et c’est bien.

Privilégier la qualité

En quittant les réseaux dyssociaux, vous privilégierez donc la qualité de vos échanges avec les autres, et vous contribuerez à promouvoir une forme de société où le débat est possible, souhaitable, apaisé et constructif. Vous diffuserez donc autour de vous cette vision que, ensemble, nous pouvons affronter les problèmes qui se posent à nous, et les régler grâce aux solutions que nous aurons construites de façon collaborative, y compris avec des choses auxquelles nous n’avions pas pensé de prime abord.

Vous deviendrez des influenceurs de démocratie.

Reprendre le pouvoir à ceux qui tentent de régir nos vies

Ainsi, vous confisquerez le pouvoir aux quelques personnes qui tentent de régir votre vie, qu’elle soit personnelle ou politique. Vous serez pleinement dans la discussion publique, la vraie, celle qui fera avancer vos idées, pas celle de quelques milliardaires dont le seul intérêt est le leur.

Reprendre le pouvoir sur la façon dont le monde évolue

Enfin, en quittant les réseaux dyssociaux, vous pourrez prendre votre véritable place dans les décisions qui changent le monde dans lequel nous vivons. Vous aurez une réelle prise sur ce qu’il faut faire pour s’adapter aux changements inéluctables, pour empêcher des catastrophes, pour améliorer la vie, pour construire des projets. Vous aurez un poids, car vous ne serez plus complice de ce que vous refusez.

Comment faire ?

«C’est bien beau, germain, ce discours politique, mais, concrètement, comment on fait pour s’en sortir, de ces pièges ?»

Très bonne question.

Je vais vous donner ma vision de la solution, qui n’est peut-être pas la solution qui vous ira, mais qui sera sans doute, je l’espère, un point de départ pour vous permettre de construire la vôtre.

À mon sens, puisqu’«un voyage d’un millier de li commence par un seul pas», la première chose à faire est de prendre conscience du problème, puis de décider de sortir de ce piège. D’où cet article. Ces deux étapes ne sont pas les plus faciles, car beaucoup d’entre nous vont rester dans le déni («non, ça va, je gère») ou dans l’évitement («mais c’est pas possible pour moi de partir, j’ai tous mes contacts professionnels sur ces réseaux»).

Mais une fois que cela est décidé, alors, pour moi, il existe deux voies.

La première, pour la majorité d’entre nous, qui ne nous servons pas des réseaux pour vendre ou trouver des clients. Elle consiste en trois phases simples :

  1. Annoncer le départ sur chacun des réseaux dyssociaux où vous êtes, éventuellement en expliquant brièvement pourquoi, et en donnant une date, ainsi qu’un moyen de vous joindre ou de vous retrouver ailleurs. Quant à cet ailleurs, voyez plus bas quels sont mes conseils. Cette annonce a de fortes chances d’être bloquée par l’algorithme et de ne jamais atteindre vos abonnés. Alors, je vous conseille de le faire par message privé, à votre rythme si vous avez de très nombreux followers.
  2. Trouver un ailleurs, c’est là le plus complexe. Lisez la section suivante pour voir ce que je propose, sachant que rien n’est parfait et que vous expérimenterez obligatoirement des changements dans vos habitudes, dans les fonctionnalités possibles, et que vous perdrez inévitablement quelques personnes dans votre transition. Mais vous en gagnerez aussi, j’en suis certain. Installez-vous dans ce nouveau lieu, et accueillez peu à peu vos contacts, anciens ou nouveaux. Apprivoisez le fonctionnement et l’ambiance.
  3. Fermez votre compte sur les réseaux dyssociaux au jour choisi et annoncé, en n’oubliant pas auparavant de récupérer les données que chacun a engrangées sur vous (et vous verrez que la somme est proprement gigantesque). Ensuite, vous pouvez profiter de votre nouvelle liberté.

Deuxième voie, pour celles & ceux d’entre nous qui utilisent les réseaux dyssociaux pour vendre leurs créations ou pour tisser du lien. Elle est similaire, à deux détails près :

  1. Votre ailleurs devra obligatoirement vous permettre d’être indépendant. Je pense que les plateformes de micromécénat sont une bonne alternative, comme Patreon, par exemple. Mais vous pouvez également investir Discord, qui vous dédie un espace dont vous serez maître. Le mieux est encore d’interfacer tout cela avec votre propre site ou blog.
  2. Vous êtes peut-être suivie par de très très nombreux followers (genre des milliers ou dizaines de milliers) et faire un message privé à chacune et chacun sera impossible ou coûteux. Vous allez donc devoir ruser avec l’algorithme. Au lieu d’écrire dans le corps du tweet, glissez le message dans une image, ou dans un petit morceau audio. Ou bien organisez un live où vous annoncerez la nouvelle en avant-première.

Par quoi remplacer ?

Si vous tenez vraiment à remplacer un réseau dyssocial par une autre plateforme, alors je vous conseille, comme tout le monde, d’aller sur Bluesky ou sur Mastodon, ou sur toutes les applications du Fediverse.

Mais sachez que la première est également une entreprise privée à but lucratif et que, tôt ou tard, vous serez confronté à beaucoup des défauts que l’on peut reprocher à Twitter et aux autres : extension de la publicité, captation de l’attention pour vous retenir et vous faire visionner ces publicités, contournement de la modération (cela a déjà commencé), invasion des discours complotistes, haineux, mensongers, voire des bots.

Quant à la seconde, son fonctionnement est moins intuitif, mais plus respectueux. Cependant, Mastodon garde en lui une tare originelle : par conception, même si la limite est plus lâche, la discussion est bridée à 500 caractères par message. Il n’est pas possible de réellement discuter en 500 caractères.

La troisième solution est la «moins pire» : pas d’algorithme, pas de publicité, interconnexion, décentralisation, modération assurée par les «instances» elles-mêmes, donc plus réactives.

Mais à mon sens, le rêve d’un forum mondial universel, même sans algorithme, ne pourrait tenir qu’avec une modération sévère. Et c’est là que le bât blesse : aucune modération n’est assez souple ni assez réactive pour intervenir de façon à ce que l’instantanéité de ces réseaux ne soit presque anéantie. Donc, tôt ou tard, les mêmes trolls séviront partout ailleurs, dès qu’une taille critique aura été atteinte par un réseau.

«Alors, par quoi remplacer ces lieux de discussion, hein, Germain ?»

Vous avez bien raison de me poser la question.

Il se trouve que j’y ai déjà répondu dans deux autres articles qui, s’ils datent déjà de quelques années, sont toujours d’actualité, car les solutions qu’ils proposent sont toujours fonctionnelles. Pour vous donner l’eau à la bouche, sachez qu’il est possible de se constituer soi-même un mini-réseau réellement social, en se servant d’outils que je vous présente pas à pas dans ces deux articles, et qui se nomment blogs, sites internet (pour les gens que vous voulez suivre), flux RSS (pour vous permettre de les suivre), et commentaires (pour vous permettre d’interagir).

À mon tour donc, de vous poser une simple question :

Quand allez-vous briser vos chaînes et vous libérer ?

Pour aller plus loin

RSS, sur l’écume des flux & reflux des océans numériques

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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2024

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2024

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2024

Depuis mon premier article, consacré aux podcasts que j’écoutais en 2020, l’eau des océans virtuels n’a cessé de s’écouler, tout autant qu’elle a passé sous les ponts temporels. J’ai moi-même commis une podfiction, une fiction sous la forme d’un podcast.

Si je continue à en écouter, chaque jour durant mes trajets en voiture, mes chaînes et émissions préférées ont quelque peu changé. Certaines ne sont plus actives (Sur les épaules de Darwin, Agence tous Geeks), et c’est bien dommage. Mais j’en ai découvert d’autres, qui sont nées depuis ou qui avaient auparavant échappé à mes oreilles.

Alors, un peu comme un guide qui défriche régulièrement les sentiers qu’il parcourt, je mets à jour mes cartes d’exploration. Embarquez avec moi sur les ondes de 2024 !

Les précédentes découvertes

La liste qui suit ne présentera que les ajouts à mes précédentes découvertes. Vous pourrez donc sans aucun doute trouver d’autres podcasts encore en lisant ou en relisant ce que j’avais publié en 2020.

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2020

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2020

Podcasts pour découvrir le monde tel qu’il est ou tel qu’il fut

Nota Bene, le podcast

Au départ, il y a une chaîne YouTube, Nota Bene, créée et dirigée par Benjamin Brillaud, passionné d’Histoire et d’archéologie, qui travaille, me semble-t-il, de façon très sérieuse. Mais je suis un peu réticent envers YouTube, et lorsqu’un podcast est apparu, je me suis naturellement abonné.

Je ne le regrette pas. Même si l’on perd l’image, on gagne, je trouve, en immersion. La voix de Benjamin est très radiophonique. Et l’on apprend beaucoup de choses. Sur des sujets très divers. Les épisodes sont en général assez longs, entre 30 minutes et plus de 2 heures lorsqu’il s’agit de captures de streams YouTube.

Méta de choc

Gloire à mon épouse, Sandrine, pour m’avoir fait découvrir ce podcast, dont l’ambition est de développer une métacritique de la pensée, c’est-à-dire de nous interroger sur la façon dont nous pensons. En gros, penser sur la pensée et ses mécanismes, c’est-à-dire essentiellement ses biais, les fameux biais cognitifs. Le tout appliqué aux croyances modernes.

C’est d’ailleurs cet angle qui est à la fois la force et la faiblesse de ce podcast.

Il s’agit d’une force, car les croyances modernes de type new age sont une parfaite matière d’expérimentation pour appliquer des règles d’hygiène de pensée basique. Par exemple se défaire des biais des arguments d’autorité, dépister les erreurs statistiques, les erreurs méthodologiques, etc. On peut également brasser des connaissances scientifiques actuelles (le dernier épisode en date au moment où j’écris cet article est centré sur les expériences de sortie de corps, et, s’il est un peu long, il présente des faits stupéfiants qui remettent les choses à leur place : dans la boîte crânienne).

Et c’est aussi une faiblesse car il peut parfois donner l’impression de «s’acharner» sur le new age. En ce sens, l’écoute de L’esprit critique, le podcast, est un sain complément, pour élargir un peu le spectre.

Les contes des mille et une sciences

Cédric Villani, mathématicien connu, nous livre trois courtes saisons sur l’histoire d’un concept scientifique à chaque fois.

On a parfois un peu de mal à suivre parce que c’est assez court, mais c’est un bon complément à La science CQFD et l’écriture est plutôt bien faite.

L’entretien archéologique

Depuis peu, cette émission de France Culture est adossée, le vendredi, à Sciences Chrono, un spin off de La Science CQFD animé par Antoine Beauchamp, mais auparavant, c’était une émission à part entière, créée par un véritable archéologue, Vincent Charpentier.

Comme son nom l’indique, il s’agit d’un entretien avec un ou une archéologue au sujet de découvertes récentes, et toujours en détaillant les méthodes utilisées, les hypothèses que les découvertes permettent de poser ou d’imaginer, en remettant en perspective par rapport aux connaissances actuelles. Bref, c’est réellement un entretien scientifique : on se base sur les faits, on compare à ce que l’on sait déjà, on pose des questions à la lumière de cette confrontation, on donne des pistes.

Le spectre des sujets est impressionnant, couvrant pratiquement toutes les époques et toute la planète.

C’est sans doute un peu plus technique mais c’est passionnant.

Infra

Par les mêmes créatrices que Chasseurs de science dont je parlais il y a quatre ans, Infra est le type même de l’émission «méta», c’est-à-dire de celle qui pourrait être son propre sujet. En effet, il s’agit de prendre un fait relié au monde du son (depuis le claquement des bulles des papiers protecteurs jusqu’aux ondes émises par notre globe terrestre) et de l’expliquer scientifiquement mais aussi sociologiquement, psychologiquement, etc. Là encore, la voix est une composante importante du plaisir de cette écoute. Les textes sont bien écrits et très didactiques.

J’attends avec impatience le prochain épisode, le dernier datant d’avril 2024.

L’esprit critique, le podcast

Encore un podcast un peu frustrant parce qu’on attend un nouvel épisode avec impatience.

Un poil plus politique que Méta de choc, il est aussi construit différemment.

Il s’agit de replacer des faits derrière des concepts ou des phrases entendues dans l’actualité.

L’auteur mise sur l’intelligence de son auditoire, ce que j’apprécie toujours.

Le dernier épisode date de janvier 2024, j’espère que le podcast n’est pas en fin de vie…

La science, CQFD

La méthode scientifique est morte, vive La science CQFD ! L’équipe qui entourait Nicolas Martin dans la seconde a repris le flambeau avec la première sous la houlette de Natacha Triou, et avec brio. Toujours aussi claire, toujours aussi passionnante, l’émission nous promène de physique pure en mathématiques, de biologie en archéologie, de médecine en informatique, pour nous donner à la fois une culture scientifique et une analyse des dernières théories en date, qu’elles soient affirmées ou discutées. On y retrouve aussi le tropisme de l’équipe pour la SF, ce qui ne gâche rien, vous en conviendrez avec moi.

C’est presque mon écoute quotidienne.

Podcasts pour imaginer le monde

C’est plus que de la SF

Lloyd Chéry est journaliste, co-rédacteur en chef de la célèbre revue de SF Métal hurlant, et maintenant scénariste de bande dessinée. C’est surtout un très grand connaisseur de science-fiction et l’un de ses meilleurs guides. En effet, loin de s’adresser seulement aux érudits du genre, il permet vraiment de découvrir classiques et perles rares à travers ses entretiens.

Chaque épisode s’intéresse à une œuvre de SF à travers soit l’interview de son créateur ou de sa créatrice, soit une analyse avec des spécialistes. On prend le temps, là encore, en presque 50 minutes à chaque fois, parfois plus. Et, chose rarissime, si vous parlez une langue étrangère, les auteurs et autrices sont traduits seulement après leurs propres mots, c’est-à-dire que vous pourrez entendre la voix et le propos de Hugh Howey directement en anglais sans surcouche de traduction, puis seulement dans un second temps cette traduction. Même chose pour Kim Stanley Robinson, ou d’autres encore.

C’est plus que de la fantasy

Petit frère de C’est plus que de la SF, ce podcast s’intéresse, comme vous vous en douterez, à la fantasy, avec le même principe. Seul défaut : je pense que c’est une émission actuellement en sommeil. Mais vous pourrez y écouter le trop rare Jean-Philippe Jaworski, à propos de sa trilogie du Chevalier aux épines.

Callisto

Le même Benjamin Brillaud qui officie sur Nota Bene prête sa voix au projet de son épouse, Calie Brillaud, sur ce podcast qui veut chaque semaine raconter une légende ou un mythe. Si cela vous rappelle Contes des soirs perdus, c’est normal, c’est un peu le même créneau (de château ? Ah ah…) cependant il y a de grandes différences entre les deux émissions.

D’abord, les épisodes sont beaucoup plus courts. À mon humble avis, un peu trop courts. On est à peine entré dans l’ambiance que c’est déjà fini, même si l’habillage sonore est très bien fichu. D’ailleurs, certaines histoires méritent plusieurs épisodes, et sans doute que les créateurs s’en sont rendu compte, puisque parmi les derniers en date au moment où j’écris ces lignes, il y a deux épisodes sur un héros perse, Rostam.

Mais cela est compensé par une voix très radiophonique comme je le disais plus haut, vraiment très agréable, qui fait beaucoup pour la réussite de ces petites capsules d’imaginaire. L’écriture est un peu trop style indirect, et j’aimerais beaucoup voir ce que cela donne en narration plus «théâtralisée», parce que clairement, avec cette voix, c’est du gâchis de ne pas endosser un peu plus un rôle.

Hôtel Gorgias

Alors même que je terminais le tournage de ma propre podfiction, Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux, Alexandra, ma belle-sœur, m’a suggéré d’écouter cette série, lauréate, excusez du peu, du prix de la révélation lors de l’édition 2022 du Paris Podcast festival. Écrit par Roman Facerias-Lacoste, cette fiction tourne autour d’un hôtel très particulier, aux clients étranges et au personnel non moins surprenant.

Il y est question d’enfers, de crimes, de surnaturel.

L’écriture est bien maîtrisée, sur des épisodes courts, en général moins de 20 minutes, et avec une ambiance sonore très travaillée. Les voix sont bien choisies et les comédiens et comédiennes tiennent bien leurs rôles.

Un petit bijou, vraiment.

Quand les dieux rôdaient sur la terre

Enfin, pour celles & ceux parmi vous qui aiment, comme moi, la mythologie grecque, cette émission de France Inter est une ressource précieuse. Pierre Judet de la Combe revient en effet en détail sur des événements mythologiques en les éclairant par des liens avec d’autres légendes, ou en les remettant en perspective. Son phrasé inhabituel n’est pas désagréable mais il peut surprendre ou rebuter. De mon point de vue, il participe, avec sa scansion un peu monotone, à plonger dans l’émission comme dans un poème homérique ou une chanson de geste.

Vous ne serez pas surpris lorsque je vous avouerai que c’est une des bases de travail pour l’écriture de la saison 2 des Consultations extraordinaires de Belladone Mercier.

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Les consultations extraordinaires, la carte heuristique de la saison 1

Les consultations extraordinaires, la playlist de la saison 1

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La Playlist commentée

Walk Like An Egyptian
Le titre de la saison était évident, et j’aime aussi son côté enlevé, ce qui souligne bien l’ambiance humoristique que j’avais envie d’imprimer à cette podfiction.

Knocking on Heaven’s Door
Deux versions de cette chanson se battaient en duel dans mes oreilles : celle de Dylan, l’originelle, une merveille de simplicité et celle des Guns, qui a le parfum de mon adolescence. Comme souvent, j’ai décidé de ne pas choisir, et j’ai écouté les deux versions avec autant de plaisir. Je trouve qu’elles se répondent bien l’une l’autre, et ce contraste a été aussi une manière pour moi de travailler les paradoxes que Thot affronte avec l’aide de Belladone et Adélaïde. Bien entendu, ce titre fait référence au fait que Thot soit bloqué dans les mondes des humains mais aussi à un décor particulièrement important dans la série, la porte monumentale d’un temple conservé dans la salle 324 du Musée du Louvre, qu’empruntent tous les dieux égyptiens ou presque pour venir visiter leur psychologue.

Eye of The Tiger

L’Œil du Tigre m’a immédiatement fait penser à l’Œil d’Horus, même si ce dernier est un faucon. Parce que c’est une chanson sur le fait de devoir se battre pour survivre, et que la vie du dieu Horus est exactement ce genre d’existence. Depuis son enfance, comme le Heraklès grec, il a été la cible des manigances d’un autre dieu : Seth, jaloux de la famille de son frère Osiris.

J’ai écouté deux versions là aussi : la version originale de Survivor, et la version plus moderne d’Amel Bent.

Can’t Stand Losing You

J’ai mis du temps à comprendre ce que pouvait être le traumatisme psychologique de la déesse Isis. Le premier jet de son épisode sonnait faux. Jusqu’à ce que je réalise que son concept fondateur est celui de la pleureuse. Alors, j’ai fait une association d’idées avec ce morceau de The Police qui introduit en plus une notion d’immaturité. Dans le single, il est question d’un homme qui ne peut pas se résoudre à une rupture amoureuse, et en arrive à un chantage affectif. C’est assez pathétique. La déesse, elle, ne peut se résoudre au deuil de son divin époux, ni à laisser son fils voler de ses propres ailes. Elle a besoin de «lâcher prise», comme on dit de nos jours. C’est d’ailleurs pour cela que le titre suivant était le premier thème de cet épisode sur la déesse-mère des Égyptiens.

You Can’t Hurry Love

Lorsque j’ai écrit le premier jet de l’épisode qui était consacré à Isis, j’avais déjà l’idée d’une femme qui veut tout contrôler autour d’elle, sans doute à cause du deuil de son époux. Sachant que ce dernier avait été émasculé après avoir été tué puis découpé en morceaux et finalement reconstitué et ressuscité, je me suis dit que nous avions affaire à une forte femme, une main de fer dans un gant d’acier, et qu’elle voulait à tout prix que les autres l’aiment.

Le titre des Supremes est tout naturellement venu à mon esprit. Il sonne comme un conseil qu’une mère aurait pu donner à Isis, mais qu’elle aurait pu entendre de la part de Belladone. On ne contrôle pas les émotions des autres. Mais j’avoue avoir une préférence pour la reprise de Phil Collins. Elle est tout aussi acidulée, mais plus dynamique.

Honky Tonk Women

Hathor et Sekhmet ont beau être les deux faces d’une seule et même figure divine, elles me font l’impression d’être comme ces vieux couples qui se chamaillent en permanence mais ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre.

Surtout, leur point commun est l’ivresse, l’inconséquence, l’instinct, l’impulsion.

Je me suis imaginé d’abord qu’elles pouvaient s’inscrire aux Alcooliques Anonymes.

Et j’ai eu l’image mentale de deux piliers de bar… d’où la chanson des Rolling Stones, comme un double clin d’œil. D’abord, littéralement, pour illustrer leur addiction. Ensuite, en hommage à un épisode de Cowboy Bebop que j’affectionne particulièrement…

Not An Addict

J’ai pourtant hésité avec ce titre-là pour Hathor et Sekhmet. Il illustrait parfaitement le trouble psychologique dont je voulais affubler les deux déesses, mais j’ai fini par l’écarter car je trouvais son rythme et son ton trop «noir» pour l’ambiance que je voulais donner à l’épisode. Parce que :

The Ballad Of Lucy Jordan

Je voulais pour Hathor, Sekhmet, Claude et surtout Adélaïde comme une sorte de road movie humoristique. J’ai eu dans la tête durant toute l’écriture de l’épisode la chanson de Marianne Faithfull qui figure dans la bande originale de Thelma & Louise. Ce film est une perle, mais c’est surtout pour moi l’archétype du road movie, un récit initiatique, un voyage initiatique, dont je voulais m’inspirer pour construire la structure de l’épisode. Il fallait que les quatre personnages vivent une succession de rencontres qui changent à la fois leurs rapports entre eux et leurs rapports au monde. L’illustration que les événements de la vie peuvent nous inciter à changer.

Stayin' Alive

J’ai eu pour Osiris le même genre de problème que pour son épouse divine. Je ne savais pas bien quel était son traumatisme.

Tout s’est débloqué lorsque j’ai compris que ce n’était pas un traumatisme qui lui posait problème, mais bien la façon dont ce traumatisme avait changé sa «vie» puisqu’il avait impliqué non seulement sa mort, mais une série de traumatismes additionnels.

Comment aurais-je réagi si j’avais été assassiné par mon propre frère, puis découpé en morceaux par le même, puis reconstitué par ma femme, puis ressuscité par elle, avant de me rendre compte que manquait mon sexe et qu’il allait falloir que mon épouse me greffe un organe articfiel pour pouvoir s’accoupler avec moi et donner naissance à notre fils ?

Je me suis dit que c’était un peu beaucoup à supporter, même pour un dieu. J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé de divinité qui ait subi autant de chocs physiques et psychiques, dans aucun autre panthéon.

Donc, le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) s’est imposé.

Et le titre des Bee Gee’s était une façon de se dire que, malgré tout, Osiris était resté vivant mais pas vraiment, car le SSPT lui avait «bouffé la vie».

(I Can't Get No) Satisfaction

Pourtant, j’étais parti au départ sur une tout autre idée.

Osiris est le dieu de la renaissance de la nature, car il a pu engendrer même en étant mort. Pourtant, sans que ce soit vraiment lui qui se soit accouplé.

Les Rolling Stones se sont donc à nouveau montrés.

J’ai fini par abandonner ce titre quand j’ai réalisé que l’émasculation n’était que l’un des multiples traumas qu’avait dû vivre le Souverain du Royaume d’Occident…

Bad

Le frère d’Isis et Osiris, Seth, m’a posé le même problème.

Comment montrer cet affrontement fratricide ? Comment questionner la figure de Seth, le mal-aimé par excellence ?

C’est quand j’ai compris que son problème était d’être coincé dans un rôle qu’il n’avait pas forcément envie de jouer au départ que j’ai songé au titre de Michael Jackson.

Jealousy

Parce qu’au départ, je m’étais simplement arrêté à la jalousie que Seth pouvait incarner. Jaloux de son frère désigné pour régner. Jaloux de sa sœur pour le pouvoir qu’elle avait dérobé à Râ sans même avoir été châtiée ensuite pour cela. Jaloux de son neveu pour avoir hérité de ce qu’il considère toujours comme lui appartenant.

Le titre d’Iggy Pop est lancinant, avec une ambiance de rengaine militaire (les tambours, le riff de guitare répétitif, les paroles récitées comme un mantra).

Bring Me To Life

Je me suis fixé sur le morceau d’Evanescence seulement quelques jours avant la sortie de l’épisode final.

Oh, il est vrai que ce titre tournait depuis le début, quand j’ai eu l’idée de faire revivre des momies au cœur du Musée du Louvre. La chanson a ces contrepoints de growl ténu, cette façon qu’ont les chanteurs de musique metal de produire des sonorités très noires et funèbres, voire inquiétantes, et toujours désagréables, qui me parlent depuis toujours des «non-morts», que ce soient des vampires, des zombies, ou des momies.

Et pourtant, il y a aussi cette voix assez mélodieuse qui supplie, qui appelle à l’aide.

Cela m’a semblé coller avec la deuxième partie, où la confrontation entre Karl Gustav et les autres prenait des airs de drame, voire de tragédie, humoristique autant qu’existentielle.

Bitter Sweet Symphony

Le dernier épisode de la saison est celui qui m’a posé le plus de problèmes sur le choix d’un titre.

Jusqu’à quelques jours de la publication, le morceau de The Verve était mon choix. Car la conclusion de la saison devait avoir un goût doux-amer, montrer que la vie est affaire de bonnes et de mauvaises choses et de comment on pouvait tout de même continuer son existence malgré tout.

C’est aussi une chanson sur la volonté de changement, la possibilité de changement.

Et c’était bien le propos de la discussion entre Karl Gustav et les divinités égyptiennes.

J’ai cependant gardé ce titre pour illustrer la première partie de l’épisode double, car il peut aussi, je crois, s’appliquer aux momies qui essaient de retrouver leur identité propre, qui se remémorent leurs vies.

Tonight, Tonight

Quant à la deuxième partie de l’épisode 7, j’ai longtemps hésité avec l’un des morceaux les plus connus des Smashing Pumpkins. Car lui aussi parle de la vie, du changement, de ce que nous devons laisser derrière nous pour l’accepter.

Et la répétition des mots «Believe in me» («crois en moi»), faisait écho avec le problème principal des divinités égyptiennes, et leur désir profond que l’on croit en elles.

You Learn

Pourtant, c’est le morceau d’Alanis Morissette qui a failli remporter la mise.

Lui aussi parle de la vie et de ce qu’elle implique. Apprendre. Apprendre de tout ce que nous ressentons, subissons, vivons.

Une très belle chanson dont je voulais que les dieux égyptiens puissent profiter.

Boulevard of Broken Dreams

Enfin, alors que les seules images nettes dans mon esprit pour cet épisode final étaient celles de momies se promenant dans Paris (ce que finalement elles n’ont pas vraiment fait), j’avais les sonorités lourdes du plus beau morceau de Green Day (selon moi) dans les oreilles. J’avais initialement pensé que cet épisode serait l’occasion de s’intéresser à la dépression nerveuse des momies du Louvre, et cette ballade dans la solitude pouvait très bien suggérer tout cela.

Vous avez remarqué ?

Chaque épisode des Consultations extraordinaires emprunte son titre à un morceau de musique.

Pourquoi ?

D’abord parce que je suis né dans une famille de musiciens, et que la musique fait tout naturellement partie de mon environnement normal. J’ai besoin de musique, presque constamment. Surtout quand j’écris. J’ai besoin de musique pour me plonger dans l’ambiance de ce que j’écris, pour m’immerger dans un autre état de conscience, dans un état de flow où mon être tout entier est tendu vers les mots qui coulent de mes doigts.

Ensuite parce que, lorsque j’ai commencé à réfléchir à quelles divinités allait s’intéresser la première saison de ma podfiction, mon cerveau a tout de suite pensé à Walk Like An Egyptian comme titre. Il n’en fallait pas plus pour que l’idée de nommer chaque épisode d’après le titre d’une chanson connue ne s’impose.

Enfin, parce que chaque divinité consultant Belladone Mercier et son étudiante devait souffrir d’un trouble psychologique distinct, et que ce thème pouvait très bien se résumer ou s’illustrer par une chanson. La perte de mémoire de Thot et ses tentatives désespérées pour se souvenir d’une chose qu’il ne pouvait même pas se rappeler avoir oubliée a fait surgir l’image d’un pauvre hère coincé dans le monde des humains et cherchant à regagner son propre univers divin : Knocking On Heaven’s Door s’est imposé. Et il en est ainsi pour les autres épisodes.

Parfois, le titre a changé lorsque l’écriture de l’épisode a abouti à traiter un autre thème que celui auquel j’avais d’abord pensé. Par exemple, l’épisode 3 s’est d’abord intitulé You Can’t Hurry Love, avant que je ne comprenne que le thème d’Isis n’était pas véritablement l’impatience et la volonté de contrôle dans son couple, mais bien la tristesse et la peur issues de son deuil d’Osiris. Quand je l’ai réalisé, j’ai changé le titre pour Can’t Stand Losing You.

Le choix a été personnel. Il fallait que ce soit à chaque fois un morceau que j’aime moi-même écouter. C’est sans doute pour cela que ce sont surtout des morceaux de pop ou de rock. Pourtant, il fallait aussi que ce soit à chaque fois un morceau connu de beaucoup de monde. Impossible pour moi de plaquer un titre obscur de Cocteau Twins, de Dead Can Dance, ou même d’autres artistes seulement célèbres parmi les geeks de mon âge (avancé).

Je suis écrivain, mais mon imaginaire est aussi nourri par le cinéma, il m’est donc naturel de penser mes scènes en termes musicaux et sonores.

Et comme pour la sortie d’un film, la réalisation des Consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux implique aussi celle d’une bande originale.

Alors je cède bien volontiers à l’envie de vous livrer la playlist qui a accompagné l’écriture de la première saison.

Elle est disponible sur Apple Music, car c’est le service de streaming que j’utilise, mais la liste ne contient pas des titres qu’une autre plateforme (par exemple française ou suédoise) ne puisse vous fournir. Vous pouvez donc aisément la reconstituer vous-même dans votre service préféré.

Retrouver Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Dans les coulisses des Consultations extraordinaires : Manue, consultante psychologue

Dans les coulisses des Consultations extraordinaires : Manue, consultante psychologue

Les consultations extraordinaires, c’est un télescopage entre deux univers : la mythologie, avec ses histoires parfois très étranges, et la psychologie, activité humaine par essence. Deux mondes qui a priori n’avaient pas grand-chose en commun, jusqu’à ce qu’on réfléchisse au premier à travers le prisme du second.

Comme je ne suis moi-même pas psychologue de métier, il semblait nécessaire de soumettre le texte de cette première saison à une certaine validation, afin de ne pas raconter trop de bêtises. Car si les divinités qui viennent consulter sont bien évidemment loin de la complexité des êtres humains qui font la démarche d’aller voir un ou une psychologue, il était important pour moi de les traiter comme de véritables patients et patientes. D’abord parce que cela renforce l’impression de réalité, ensuite parce que les archétypes que ces divinités représentent sont intimement liés à nos propres peurs, espoirs, valeurs, bref, à notre propre humanité.

Il me semblait aussi fondamental de présenter la psychologie moderne, loin des clichés hérités de la psychanalyse.

Je devais donc trouver une consultante qui pourrait me dire où je faisais fausse route et où je tombais juste.

Ce fut le rôle de Manue, dont le point de vue sur Les consultations extraordinaires est celui d’une professionnelle de la santé mentale.

Parcours

Manue (tu permets que je t’appelle Manue ?), nous nous connaissons depuis de nombreuses années maintenant. Nous avons même travaillé ensemble, pendant quelques mois. Mais pourrais-tu esquisser un peu ton parcours de psychologue, pour nos lecteurs ?

L’intérêt pour la psychologie clinique vient de mon expérience de vie qui m’a fait côtoyer des personnes pour gérer des angoisses sévères et l’ado presque adulte qui rencontre la psychologie en cours de philosophie. En particulier du cours sur l’inconscient émerge un souvenir quelque peu traumatique qui refait surface de nulle part, mais dont le ressenti et la charge émotionnelle ne font aucun doute sur le fait de son vécu. Aujourd’hui, on parlerait de « levée d’amnésie traumatique ». Ça a fait ouah ! sur plusieurs plans, dont la curiosité intellectuelle. Et dans ce parcours, également, la confrontation avec les institutions psychiatriques et la souffrance que j’y perçois, les maltraitances institutionnelles, la difficulté des familles et des amis à apaiser. Je ne sais pas trop dire si c’est une vocation ou une mission, toutefois accompagner les personnes abîmées par la vie et mettre en œuvre le meilleur de moi pour leur permettre de trouver un peu de réconfort, de stabilité et de sécurité est ce qui m’habite dans mon métier.

Pourquoi Les consultations extraordinaires ?

Nous nous connaissons bien, comme je le dis plus haut. Tu as même lu ce que j’écris. Mais qu’est-ce qui t’a poussée à accepter de lire et donner ton éclairage sur Les consultations extraordinaires ?

J’aime lire et je suis curieuse des univers que tu proposes. Dans tes précédents écrits, il y a le style, le choix du vocabulaire, l’univers. Les consultations extraordinaires, j’avais ouï dire que la mythologie y était invitée et plus jeune j’avais de l’intérêt pour la Grèce Antique alors comme la madeleine de Proust je me suis laissée tenter. Je ne suis pas sûre d’avoir apporté beaucoup d’éclairage et si j’ai apporté une petite contribution, c’est avec plaisir.

Les consultations extraordinaires et la psychologie

Dans Les consultations extraordinaires, il est question de mythologie, mais aussi de psychologie. J’ai essayé de mettre en relation les deux domaines, pour les éclairer l’un l’autre.

Qu’est-ce qui te semble résulter de cette rencontre ?

Souvent les mythes, et à tort selon mon point de vue, ont été le support d’interprétations quelque peu farfelues à mon goût en psychologie. Ici, que nenni, je me suis marrée, j’ai trouvé drôle de mettre en lien l’univers des Dieux, quelques-unes de leurs caractéristiques transformées en symptômes, ça fonctionne bien.

Quel est l’épisode qui te semble le plus intéressant ?

Il y en a sept dans cette première saison. Tu en as peut-être un que tu préfères ? Ou pas. Et quelle en serait la raison ?

Je l’ai lue deux fois avec autant d’engouement à chaque fois. Je dirais que le premier [épisode] m’est familier et en cela sans doute j’y ai plongé aisément, la rencontre avec les protagonistes, l’environnement du cabinet, du Louvre, ça m’a parlé.

Le dernier chapitre est venu me questionner sur la place du symptôme et comment le patient peut se l’approprier, se définir avec ; également la place du thérapeute, la question de la demande et de la plainte.

Un rappel d’aller là où le patient veut aller et pas de vouloir à sa place en démélangeant les besoins et désirs de chaque état du Moi, parfois ça fait du monde en séance.

Quel est celui que tu trouves le plus drôle ?

D’emblée j’ai visualisé la scène et ses protagonistes : Honky Tonk Women, Sekhmet et Hathor à Paris, quelle joyeuse et drôle débandade !

Celui qui est le plus réussi ?

Je n’ai pas la compétence de répondre en termes de réussite. Simplement j’ai aimé le lire et relire c’était pour moi à la fois familier et rafraîchissant un bon moment de détente. Merci.

Merci à toi, Manue !

J’ai dix ans… et si tu m’ crois pas…

J’ai dix ans… et si tu m’ crois pas…

J’ai dix ans… et si tu m’ crois pas…

Je ne sacrifie plus aux billets de blog des bilans annuels depuis plusieurs années. Je ne suis pas un adepte des anniversaires de blog non plus. Pourtant, dans cet article, je vais tenter de recenser tout ce que la tenue de cet espace sur la Toile a changé dans ma vie. Parce que oui, créer un site, s’astreindre à écrire des articles de blog régulièrement, à l’entretenir, s’exposer sur internet, ça peut changer des choses. Et au départ, c’est même pour ça que je me suis lancé.

J’ai dix ans.

Et alors ?

Dix ans que je suis un Serpent à Plume

À sa naissance, ce site était essentiellement un blog. Je ne savais pas très bien ce que j’allais y publier, si ce n’était des billets qui auraient été un peu comme les feuillets d’un carnet de bord, d’un journal de voyage, à la manière des explorateurs du XIXe siècle et du début du XXe. Je savais seulement que je devais écrire. Je venais de traverser six longues années de désert d’écriture, après avoir réussi à (mal) publier mon premier roman et à produire, réaliser, monter, un moyen-métrage.

Après ces six années où ma vie personnelle avait connu divers bouleversements, je me sentais à nouveau suffisamment solide pour laisser émerger cette envie chevillée au corps, ce besoin viscéral de jouer avec les mots. Mais j’avais besoin d’une excuse, d’un prétexte, pour cela. J’avais besoin d’un alibi.

Ouvrir un blog, écrire à propos de mes lectures, de mes découvertes artistiques, de mon regard sur certaines œuvres, me semblait la parfaite justification à mon installation sur ce morceau d’internet.

D’emblée, pourtant, il m’a semblé évident d’assumer une double nature. Celle du Serpent à Plume.

Parce que j’avais déjà conscience depuis longtemps que mes centres d’intérêt se situaient dans deux grands domaines, que d’aucuns considèrent comme peu compatibles et qui pourtant ont réussi à se nourrir l’un l’autre : le domaine scientifique et du soin, et le domaine de l’écriture et de l’art du conteur en général.

Dix scipline d’écriture

Et pour écrire, j’ai écrit. C’était le premier objectif de d’écaille & de plume, et il a été atteint assez vite. J’ai commencé par deux articles par mois, puis même lorsque j’ai ralenti le rythme à un par mois, je n’ai jamais vraiment lâché. Cette discipline a, comme je l’avais prévu, débouché sur d’autres écrits. J’ai compris que cette dynamique, qui me prenait du temps, c’est vrai, me permettait de prendre des habitudes, des réflexes, et que cela finirait par m’entraîner à entamer à nouveau des écrits longs. J’ai donc, depuis dix ans, deux romans supplémentaires à mon actif, voire un troisième si l’on compte la série de podfiction des Consultations extraordinaires, dont le volume de signes couchés par écrit est comparable à ce que l’on attend en général d’un écrit long, et l’intrigue n’a rien à envier à mes autres travaux romanesques.

Cette discipline m’a aussi amené à apprivoiser des outils qui m’avaient intimidé auparavant, comme Scrivener, et donc à augmenter ma productivité d’écriture. J’en ai même fait toute une série de tutoriels, parfois techniques, sur comment s’en servir, puis comment concrètement fabriquer un fichier de livre, destiné à être imprimé ou à être publié sous forme électronique, voire audio.

J’ai ressenti un vrai plaisir à retrouver les sensations de graver un univers dans les octets d’un ordinateur.

J’ai mobilisé tout ce que j’avais appris jusque là dans des domaines connexes, comme l’interprétation d’un rôle au théâtre ou dans un jeu de rôle, les mécanismes de narration du cinéma, mes lectures, les centaines de films que j’avais ingurgités pendant mon enfance et mon adolescence.

Écrire est devenu une deuxième nature, exactement comme j’en avais le projet en ouvrant d’écaille & de plume.

Et rien que pour ça, cette expérience est une réussite totale.

Dix mentions publique

Ouvrir et tenir un blog, c’est s’exposer.

Ça peut paraître évident de l’énoncer aussi simplement que ça, mais c’est loin d’être aussi facile qu’on le pense, même pour quelqu’un qui a l’habitude de la scène. Dans un rôle, le comédien se dilue, et ce que vous voyez devant vous lors d’une pièce de théâtre, ce n’est pas un être humain, c’est un personnage qui se glisse dans les traits d’un être humain. Donc ce n’est pas vraiment moi. Sur d’écaille & de plume, ce que j’écris et publie, même lorsqu’il s’agit d’un tutoriel technique sur Scrivener, c’est bien moi. Et quand il s’agit d’un coup de gueule contre une réforme imbécile du système de santé, c’est plus encore moi.

Parce que j’ai choisi d’écrire sous ma véritable identité et non sous un pseudonyme, d’assumer qui je suis, je m’expose cent fois plus.

Parce que je suis médecin, c’est une exposition plus délicate encore.

Et lorsque j’étais encore dans un cabinet libéral, ça pouvait donner lieu à une confusion qui aurait pu être dangereuse. C’est pourquoi j’ai toujours gardé une ligne de conduite simple, mais stricte : lorsque je publie ici quelque chose qui a trait au soin, c’est toujours selon le point de vue du citoyen, jamais pour décrire une technique ou un traitement, jamais pour expliquer une maladie. Parfois, ce fut pour expliquer la distance nécessaire avec des procédés dont nous devons rester critiques.

Étonnamment (ou pas), alors que le réflexe de «googliser» tout le monde est assez universel, seuls cinq patients durant mon exercice libéral ont découvert ma double vie (et me l’ont dit, peut-être y en a-t-il eu beaucoup plus qui ne me l’ont pas déclaré).

J’ai même été interviewé (par ma propre sœur, d’accord) à propos d’un de mes romans.

Pour quelqu’un d’assez timide au départ, cette exposition n’a pas toujours été simple à gérer.

Mais avec le recul, je trouve que j’ai plutôt bien géré la chose.

Je commence à réellement prendre plaisir à expliquer ce que j’écris, pourquoi je l’écris.

Bientôt, si ça se trouve, vous pourrez me rencontrer dans un salon littéraire1

Dix-lué dans l’Océan Virtuel

C’est tout le paradoxe de notre époque.

On ouvre un blog pour s’exposer au regard des autres… mais ces autres peinent à nous trouver parmi les milliards d’autres sites qui peuplent la Toile infinie (ou presque).

Après la brève envolée des deux années Covid19 (2020 et 2021 ont porté d’écaille & de plume vers des «sommets» de visibilité qu’il n’avait jamais atteints, avec 8 700 pages affichées par an à chaque fois), mon nid virtuel est retombé dans l’ombre qui était la sienne depuis le début. La faute à je ne sais pas vraiment quoi.

Pas à mon absence des réseaux dyssociaux, en tous les cas, car mon départ d’Instagram et de ce qui s’appelait encore Twitter à l’époque n’a eu aucun effet sur la fréquentation du site, qui est restée confidentielle même lorsque j’étais un membre actif de cette économie de l’attention aux effets délétères.

Je ne publie pas sur une ligne éditoriale bien précise (je me revendique éclectique et guidé par ma seule envie), et à chaque fois que j’ai essayé de me tenir à des contraintes de publication, je n’ai pas vraiment tenu. C’est en effet l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire pour attirer des lecteurs et des lectrices.

J’écris des articles en général assez longs, ce qui est également, lit-on souvent, un gage d’éviter le succès.

Je ne publie plus très régulièrement, ce qui achève de me classer parmi les «petits blogs un peu bizarres».

Et puis il est vrai que je ne suis pas vraiment présent ou assidu hors-ligne.

Pourtant, j’ai rencontré pendant ces dix années en ligne plusieurs personnes qui semblent trouver l’endroit, si ce n’est son propriétaire, intéressant. Et c’est finalement ce que je retiens. Peu importent les chiffres, de toute façon je ne pense pas qu’ils soient si importants que cela à prendre en compte, puisque je milite par exemple pour arrêter de noter tout et n’importe quoi.

J’ai installé une page de liens vers les sites et les blogs que j’apprécie via un flux RSS sur ce site, mais aussi une catégorie entière d’articles sur mes découvertes, histoire de prolonger un réseau d’affinités qui me tient à cœur, en partie pour ressusciter les anciens webrings.

J’ai noué quelques relations virtuelles, et montré comment, à mon avis, il était possible de retrouver un internet plus apaisé, en se servant des mêmes flux RSS pour s’affranchir des réseaux dyssociaux. Même si bien sûr je n’ai pu, à moi tout seul, inverser la tendance qui veut que tout le monde ou presque utilise ces damnés pièges attentionnels.

Dix articles-phares et dix articles qui résument d’écaille & de plume

En dix ans, certains de mes articles ont eu plus de succès que les autres, et constituent sans doute ce qui attire mon lectorat. Voici lesquels.

Parce que d’écaille & de plume a commencé comme ça : en faisant des liens entre des œuvres différentes sur un même thème. Celui-ci en particulier semble beaucoup plaire. Sans doute que la vague bit-lit y est pour quelque chose.

Pourquoi on se contrefiche souvent de savoir si vous avez une fracture de l’orteil et autres considérations sur l’opportunité des examens médicaux complémentaires

Pourquoi on se contrefiche souvent de savoir si vous avez une fracture de l’orteil et autres considérations sur l’opportunité des examens médicaux complémentaires

Je suis très étonné de voir que cet article pourtant un peu technique et surtout à rebrousse-poil des demandes fréquentes des patients soit le deuxième plus populaire du blog. Peut-être que sa lecture fait réfléchir. On n’est d’ailleurs pas obligé d’être d’accord avec moi. Il suffit de bien vouloir prendre en considération les arguments que j’y développe.

Le rôliste en moi jubile, parce que ma proposition dans cet article n’est pas autre chose que donner un grand coup de pied dans la façon dont les scénarios de jeu de rôle sont écrits. Et apparemment, ça parle à certaines personnes. Bien que je n’aie encore pas vu de tentative d’écrire de scénario selon la méthode que je propose…

Les articles qui proposent des tutoriels sont souvent populaires sur le net. Et c’est donc légitimement que celui-ci fait partie de mes best-read. La fonction de compilation du logiciel d’écriture Scrivener est tellement complexe et intimidante que ma tentative d’en expliciter les bases ne peut qu’attirer le regard… et les clics.

J’en parle plus bas car cet article est l’un des jalons importants du blog, mais je suis là encore assez étonné de voir qu’il figure dans les cinq plus lus depuis l’ouverture.

Il a été rare jusqu’à présent que je chronique un jeu de rôle. Mais avec Les Lames du Cardinal, c’est bien plutôt un univers entier qui est passé sous mes Fourches caudines. Et je suis heureux que cela soit beaucoup lu.

Plus encore que tous mes autres articles sur le jeu de rôle, celui-ci est ma fierté. Il formalise une façon de mener des parties comme des épisodes d’une série, en se focalisant sur beaucoup d’aspects matériels.

Là encore, un tutoriel, sur la façon de concevoir un livre. Je crois bien que cela sert à beaucoup de réalisauteurs et réalisautrices.

Au commencement d’écaille & de plume, il y avait ces liens que je faisais entre plusieurs œuvres qui traitaient le même thème. Et celui-ci était le premier. Les films que j’y analyse valent d’ailleurs le coup d’être visionnés.

Troisième tutoriel dans les dix articles les plus lus sur d’écaille & de plume, là encore pour tenter de démystifier et de simplifier la création d’un livre, électronique cette fois-ci.

Pourtant, je retiendrai plutôt les articles qui ont, selon moi, jalonné l’histoire d’écaille & de plume par leur importance pour moi, qui ont marqué mon évolution. En voici la liste.

Cet article m’a permis de poser ma discipline d’écriture, à travers mes lectures comme à travers ma propre expérimentation des divers conseils trouvés en ligne ou ailleurs, prodigués par toutes sortes de créateurs. Premier sur ma liste, il est fondateur.

Deuxième article sur la création, qui présente mon obsession de mélanger les genres et les techniques de narration en profitant de ce que d’autres arts ont infusé comme habitudes au «public». C’est probablement le plus «technique d’écriture» de mes articles.

Avec celui-ci, j’ai eu envie de tordre le cou à une idée préconçue et à clamer que je ne m’y conformais pas. Pour la petite histoire, il me valut l’honneur d’être contacté par une journaliste connue pour un projet de reportage, durant la pandémie, qui ne vit pas le jour, et par deux étudiantes en journalisme pour une interview sous forme de podcast.

Prélude à ma décision de quitter mon cabinet libéral, j’avais dans cet article en forme de manifeste essayé d’exposer ce qui pour moi faisait l’acte de soigner, un peu à rebours des injonctions actuelles.

Lorsque j’ai décidé de fermer mon cabinet de médecine générale en libéral, j’ai accepté de tourner une page de ma vie, définitivement. Je devais dire «adieu» à beaucoup de choses qui ont été importantes pour moi.

Dans l’époque qui est la nôtre, plutôt sombre, j’ai envie de semer des graines de lumière. Cet article parle de séries qui font la même chose.

Parfois, il y a des moments de doutes quand on tient un blog. Ce fut pendant l’un de ces moments que j’ai décidé d’écrire une petite histoire qui expliquerait comment je me sentais en l’extériorisant façon «examen clinique médical».

Après mon manifeste de 2014, j’ai voulu affirmer ce qu’était devenue, pour moi, l’autoédition. Quelque chose de plus, en tous les cas, que quelqu’un qui publie seul un livre.

Dans ma série de révoltes contre les travers de notre société (ou du moins ce que je perçois comme des travers), cet article est central. La manie du chiffre et de la notation pourrit bien des choses, et j’explique pourquoi. J’explique même comment on pourrait remplacer ça.

Enfin, la remise au goût du jour de la «vieille» technologie des flux RSS est un autre de mes chevaux de bataille. Et dans cet article j’explique pourquoi mais surtout comment, nous pouvons suivre les gens que nous avons envie sans dépendre des algorithmes.

Dix alogues

Parmi les tournants pris par d’écaille & de plume, il y en a un qui a plus d’importance que les autres : mon investissement dans la lettre d’écaille & de plume, ma newsletter quadriannuelle. En l’absence de réseaux dyssociaux, et en mon absence physique sur des salons de littérature ou de dédicace, elle a été le vecteur d’une véritable relation avec plusieurs de mes lecteurs et lectrices. À travers elle, j’ai pu recruter des silhouettes sonores pour le dernier épisode des Consultations extraordinaires.

C’est donc par elle que je vais réellement fêter cet anniversaire, pas comme les autres tout au long de cette année 2024.

Pour découvrir comment, une seule solution : s’y abonner…

Pour comprendre pourquoi cette newsletter…

Et si tu m’crois pas, hey… t’ar ta gueule à la récré

Je ne sais pas pour combien de temps encore d’écaille & de plume existera. À l’heure où j’écris ces lignes, j’espère que ce sera pour au moins dix années de plus. Mon objectif est de continuer à l’alimenter très longtemps, à y rêver et à y créer au moins autant.

Et si tu m’crois pas…


  1. Bon, cela dit, je pense que vous avez encore un peu de temps devant vous.  ↩︎

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