Flash Forward, la série qui retourne vers le futur

par Nov 29, 2014Chimères Animées2 commentaires

Nous allons bientôt fêter les trente ans de Retour vers le Futur (Back to the Future, Robert Zemeckis), précisément le 23 octobre 2015, et cet anniversaire commence déjà à susciter quelques défis et autres réflexions sur la Toile.

Dans une autre vie, lorsque j’étais un rédacteur très régulier et très impliqué de V.I.T.R.I.O.L., un fanzine de jeux de rôle que j’avais contribué à créer avec plusieurs camarades de jeu, j’avais déjà exploré ce thème, à la fois de façon littéraire et de façon plus explicative.

Vous ne connaissez pas V.I.T.R.I.O.L. ? Honte à vous ! Sachez que ce fanzine a eu à son heure de gloire un tirage à… pas moins de… cent exemplaires ! Sur la région toulousaine… Si, si… A l’époque (le 15 septembre 1995, pour ce numéro 4 intitulé Somewhere in Time), c’était une assez grosse performance pour un fanzine dédié au jeu de rôle, et plus largement à l’imaginaire. Bientôt vingt ans, donc, que mes camarades et moi-même avons exploré les facettes du voyage dans le temps dans ce numéro.

La couverture du numéro 4 de VITRIOL, sur le voyage dans le Temps... oui, le prix est en Francs Français...

La couverture du numéro 4 de VITRIOL, sur le voyage dans le Temps… oui, le prix est en Francs Français…

Et vingt ans après, le voyage dans le temps est encore une question qui tourne dans ma tête, et qui réapparaît périodiquement dans ma vie, puisqu’après l’expérience V.I.T.R.I.O.L., j’ai participé il y a quelques années au tournage d’un court-métrage professionnel, Demain la Veille, dont le thème était l’inversion de la course du temps. Elle a même été réactivée après la vision de Flash Forward, une série américaine datant de 2009, qui a à mon avis renouvelé un peu la façon dont on peut envisager ce thème.

En effet, le voyage dans le temps se fait habituellement vers le passé, rarement vers le futur (à l’exception notable de la Planète des Singes, ou de Retour vers le Futur 2), mais surtout, il implique toujours un voyage (d’où le nom, me direz-vous…). Le héros est souvent arraché à son époque pour vivre des aventures qui auront une répercussion extrême puisqu’elles modifieront l’écoulement du temps, l’histoire, la sienne ou celle de l’Humanité tout entière, voire la réalité elle-même. Il est en tous les cas privé de repères, doit faire très attention à ne pas modifier des événements fondateurs de sa propre histoire ou de son propre futur.

Le postulat pris par Flash Forward est un peu différent : un beau jour, les habitants de la planète entière ont perdu connaissance au même instant pendant deux minutes et dix-sept secondes, durant lesquelles ils ont eu une « vision » de leur futur exactement six mois plus tard. Et cette vision partagée par toute l’Humanité change radicalement la vie de tous.

Petit avant-goût en images :

https://www.youtube.com/watch?v=ksp3_QnWAm8

Il ne s’agit donc pas vraiment d’un voyage dans le temps, bien que la première saison décrive le parcours que plusieurs personnages clefs font jusqu’à la date fatidique de leur vision.
On se trouve donc à mi-chemin entre la parabole sur le Destin et les paradoxes temporels classiques (et si je change une de mes actions, est-ce que je vais changer le futur?). La question n’est donc plus « que dois-je préserver de ce que je sais du déroulement des événements ? », mais plus « mes actions sont-elles déterminées par le futur que j’ai aperçu ? ».

Et les personnages y répondent de façon très diverse : de celui (Demetri) qui n’ayant pas eu de vision, en conclu qu’il sera mort six mois plus tard et essaie à tout prix de comprendre ce qui est sensé lui arriver pour survivre, à un autre (Aaron) qui se voit retrouver sa fille en Afghanistan alors qu’il la croyait morte, et qui va tout faire pour que sa vision se réalise.

On retrouve les paradoxes temporels dans l’enquête que le personnage principal, Mark Benford (joué par Joseph Fiennes, le frère de Ralph-Voldemort), agent spécial du FBI, mène sur ce que tout le monde appelle le Blackout. Dans sa vision, il était devant un tableau résumant son enquête. Il possède donc certains indices parce qu’il les a appris pendant sa vision. Le futur lui a donc donné les clefs qui lui permettent d’arriver jusqu’à l’avenir. Mais s’il n’avait pas eu de vision, jamais il n’aurait enquêté…

La Mosaïque dans la vision de Mark Benford, qui lui permet d'enquêter sur le Blackout

La Mosaïque dans la vision de Mark Benford, qui lui permet d’enquêter sur le Blackout

La série exploite aussi quelques idées issues des théories quantiques et déjà en vogue en 1985 lors de la sortie de Retour vers le Futur. Cependant, en lieu et place de l’excentrique Doc et de ses expressions fameuses (« Nom de Zeus »), de ses discours incompréhensibles sur la nature de l’espace-temps et de son côté « professeur Tournesol », Flash Forward met en scène plusieurs scientifiques aux caractères beaucoup plus sérieux et parfois opposés, démêlant ainsi la vieille image du savant fou en plusieurs de ses composantes.

Il y a Lloyd, persuadé d’être à l’origine du Blackout à cause d’une expérience et rongé par une culpabilité double puisque sa femme a perdu la vie lors de cet événement (eh oui, les gens qui s’endorment au volant ont souvent des accidents…), et son ami-opposé Simon (joué par un Dominic Monaghan parfaitement flippant), brillantissime mais un brin sociopathe, uniquement préoccupé par lui-même et son lourd secret. Il y a D. Gibbons (ou Dyson Frost), que l’on pense être le responsable véritable et le créateur du Blackout, une sorte d’illuminé qui n’en est pas à son coup d’essai et qui cherche à atteindre un but mystérieux en explorant les futurs possibles de plus en plus loin.

On est plongé dans les paradoxes du chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant tant qu’on a pas regardé dans sa boîte si le poison l’avait tué ou laissé en vie, ou dans le principe d’incertitude de Heisenberg (le vrai, pas Walter White, hein…) qui empêche de tout connaître d’une particule.

De ce point de vue, la série est très bien faite, et je me suis trouvé frustré qu’elle n’ait pas eu la chance d’être poursuivie au-delà de la première saison, prometteuse. La fin est d’ailleurs assez bien fichue, avec un saut dans le temps de l’histoire elle-même.

Par contre, je comprends très bien pourquoi elle n’a pas eu beaucoup de succès d’un point de vue télévisuel pur. Les personnages, pour fouillés qu’ils aient été, sont parfois beaucoup trop caricaturaux (Mark Benford et ses réactions parfois très primaires pour un agent spécial du FBI dont on attendrait beaucoup plus de retenue, même avec sa faiblesse alcoolique), ou adoptent un comportement difficilement plausible (Olivia, la femme de Mark, médecin, qui a des réactions très étranges pour le spectateur à propos de sa vision la montrant six mois plus tard amoureuse folle d’un autre homme alors qu’elle est le jour du Blackout aussi attachée à son mari qu’on puisse l’être).

En résumé, Flash Forward est une bonne série à voir lorsqu’on s’intéresse au voyage dans le temps, notamment à sa variante théorique dite « des écluses temporelles » (révisez Retour vers le Futur, Doc Brown en parle, ou lisez V.I.T.RI.O.L. n°4, si vous avez la chance de le posséder).

J’aurais bien vu une saison 2, mais hélas, il faut se contenter de la seule première… et pourquoi pas inventer la suite dans un roman ou un scénario de jeu de rôle ?

ChallengeRVLF-Retourverslefutur

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