Le livre électronique et moi

par Fév 22, 2014L'encre & la plume4 commentaires

J’ai découvert la lecture très tôt, et très tôt la lecture m’a captivé. Depuis l’âge de 7-8 ans, et jusqu’à maintenant, j’ai dévoré des livres et des livres, sur presque tous les sujets possibles.

Comme beaucoup d’amoureux des livres, ce ne sont pas seulement les mots qui m’ont attiré, ni même les idées, les concepts ou les histoires, la langue ou les sonorités, mais aussi un plaisir presque charnel à tenir entre mes mains la couverture, à passer mon doigt sur le papier, à sentir les odeurs de l’encre. La lecture est également une expérience tactile, au premier sens du terme, sensuelle.

J’ai donc tout naturellement rempli ma demeure de dizaines de bouquins qui ont commencé à être à l’étroit entre leurs étagères de bois, puis qui, à force de se presser pour faire de la place aux nouveaux, se sont entassés par centaines dans des bibliothèques surchargées mais ô combien précieuses. Le trésor ainsi amassé ressemble parfois au butin d’Alexandre le Grand après la prise de Babylone… Il m’arrive d’ailleurs encore de rêver posséder chez moi (dans un hypothétique château, hein, entendons-nous bien) une bibliothèque absolue comme celle que Jean-Jacques Annaud a portée à l’écran dans Le Nom de la Rose, où seraient entreposés, non seulement tous les livres déjà écrits comme dans une Grande Bibliothèque d’Alexandrie moderne, mais également tous les livres qui seront écrits un jour. Un lieu à la fois grandiose, labyrinthique et mythique, et dont je serais le gardien bien évidemment…

En parallèle, je rêvais dans mes jeunes années de ces scènes de science-fiction où les hologrammes présentent des ouvrages projetés dans le vide en caractères futuristes dans une lumière bleutée ou verdâtre et où le lecteur peut jouer avec les caractères, les mots, les paragraphes pour les agencer d’une façon différente. Comme s’il pouvait jouer avec le texte et en découvrir des significations cachées. Une sorte de kabbale numérique qui pourrait même convoquer les esprits qui dorment dans les flots d’information et invoquer des entités virtuelles… Ghost in the Shell quand tu nous tiens…

Jusqu’à l’apparition des liseuses et autres tablettes, personne n’imaginait que ce fantasme se réaliserait. Mais depuis l’arrivée des Kindle, Kobo et autres iPad, le paradigme de la lecture se transforme peu à peu. Aux États-Unis, 20% des ventes de livre sont des ventes électroniques. En France seulement 3% (chiffres du Syndicat National de l’Édition pour 2012) mais avec une progression constante.

Tout à la fois donc attiré par et réticent envers ce bouleversement comme le Dragon et le Phœnix se disputant leur proie, je me suis essayé très tardivement à la lecture électronique, il y a un peu plus d’un an. Comparée à la lecture de pdf sur ordinateur (une horreur difficilement supportable même devant un écran de 24 pouces affichant le texte sur la totalité de l’espace), le même pdf sur une tablette m’est apparu comme le jour après la nuit. Mais il me manquait encore quelque chose, et c’est le format epub qui s’est imposé à moi. Si le plaisir sensuel du papier manque vraiment (et ce n’est pas le contact du métal ou du verre qui peut le remplacer), le confort de lecture est similaire. Plus encore, la flexibilité du support numérique permet de bénéficier de notes de bas de page immédiatement accessibles, des définitions des mots, d’une prise de note (oui, une prise de note, ce que le respect du papier m’a toujours interdit de faire sur un véritable livre), du choix de la taille des caractères. Grâce au mode « nuit » les insomnies n’ont plus la même couleur…

Avec la nouvelle norme (l’epub3), on peut même découvrir des livres mêlant des vidéos, de la musique, des sons. Il est vrai que pour l’instant ces dernières nouveautés tiennent un peu du gadget, il reste encore à attendre des livres qui feront le pari d’une mise en page vraiment adaptée aux écrans. Pas une sorte de magazine calqué sur le papier, et que l’on trouvera de toutes façons moins beau que sur le support réel. Pas non plus un étalage de technologie inutile ou vaine. Mais bien des œuvres cohérentes, où les différents « bonus » seront des apports intelligents au texte lui-même.

Et puis transporter dans une simple tablette sa propre Bibliothèque d’Alexandrie n’est plus une utopie, pour peu qu’on ait une capacité de stockage suffisante à disposition. Et comme je ne lis pas que des romans, je peux avoir une quantité incroyable de textes de référence toujours à portée. Effet secondaire bénéfique : la possibilité de référencer des entrées précises dans certains textes, de faire des recherches sur un mot, facilitent la vie. J’ai donc adopté la tablette le plus systématiquement possible pour les documents de travail, mais aussi pour les documents servant en cours ou pendant la préparation d’une partie de jeu de rôle.

Enfin, le livre numérique permet sans doute aux auteurs de s’affranchir en grande partie de la barrière de l’éditeur, en lui redonnant la possibilité de publier lui-même son texte. Si bien sûr il possède quelques connaissances dans la fabrication du support numérique.

Bien évidemment je lis et je lirai encore des livres papier (je ne me suis pour l’instant pas résolu à acheter autre chose que la version papier du dernier Jaworski, je ne sais pas bien pourquoi, le support électronique ne m’attirait pas vraiment), mais j’ai l’impression d’avoir été « harponné » par le livre électronique.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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