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Horns, d’Alexandre Aja

par Avr 4, 2015Chimères Animées0 commentaires

La dualité portée par le thème de l’Ange et du Démon est un classique du fantastique. Elle porte souvent la problématique de la connaissance et du choix entre le Bien et le Mal, l’Idéal et les Instincts.

Je ne suis pas un grand amateur des films d’Alexandre Aja (La colline a des yeux, Mirrors, Haute tension), dont le fantastique tourne trop souvent à mon goût vers l’horrifique facile, mais je me suis laissé attirer par l’affiche du dernier en date, Horns, dont l’esthétique semblait plus se rapprocher d’un Pan’s Labyrinth (Guillermo del Toro) que d’un Saw.
Je dois avouer aussi que le fait d’y trouver Daniel « Harry Potter » Radcliffe affublé de cornes de bélier à la manière d’un faune en t-shirt et blouson de cuir m’a vraiment intrigué.

L'affiche de Horns

L’affiche de Horns

Le pitch est extrêmement simple, et très attirant : accusé du viol et du meurtre de sa petite amie Merrin Williams (Juno Temple), Ignatius « Ig » Perrish (Daniel Radcliffe), rongé par cette disparition, remarque dès le lendemain que des cornes poussent inexplicablement et très rapidement sur son crâne. En sa présence, désormais, les habitants de sa petite ville ne peuvent plus s’empêcher de confesser et de se laisser aller à leurs penchants les plus inavouables. Il va se servir de ce pouvoir pour découvrir qui lui a enlevé l’amour de sa vie.

L’intrigue hésite ensuite entre plusieurs genres et plusieurs thèmes : la fable merveilleuse, la bluette mélodramatique (une révélation très prévisible sur la défunte Merrin), l’étude de mœurs, le conte fantastique noir. À vrai dire, on a parfois du mal à s’y retrouver tant le film prétend explorer d’angles différents.

Mais l’intérêt réside véritablement ailleurs.

L’ambiance qu’installe la caméra d’Aja est pour moi le premier et le plus important. Toutes proportions gardées, on se retrouve un peu dans un « Twin Peaks biblique » : les personnages secondaires déjantés et cachant des secrets sombres et décalés, la figure angélique de la jeune fille assassinée après avoir été violée, les décors du nord-ouest des États Unis (forêt mystérieuse, petite ville, climat océanique), et ce fantastique d’abord insidieux puis progressivement de plus en plus prégnant. La musique est également très présente, ce qui renforce l’analogie avec la série culte de Lynch.

Cette caméra joue aussi avec le thème de la dualité : le mouvement de panoramique/plongée du début du film entre le plan du paradis perdu (couleurs chaudes, Ig et Merrin près de l’Arbre comme Adam et Ève, allongés l’un près de l’autre têtes bêches, leurs visages inversés comme des figures de tarot divinatoire) et celui de l’enfer (Ig étendu au sol, avec la gueule de bois après s’être saoulé pour oublier la mort de sa bien-aimée) est une véritable réussite à la fois sur le plan esthétique que sur le plan symbolique de la descente aux enfers. On retrouve à plusieurs reprises ces brusques transitions de plans comme autant de ruptures dans le réel, d’intrusions du Mal dans la réalité, ou de flash-back dans le présent, venant à la fois éclairer les événements et les assombrir de leurs révélations crues. Aja use aussi des symboles et les détourne : les serpents qui s’enroulent autour d’un bras ou d’un bâton, les talismans protecteurs.

Ensuite, la qualité esthétique des décors, des costumes, le soin pris dans la gestion des couleurs, font que l’esprit s’attache immédiatement à cet univers à la fois intrigant et dérangeant.

Enfin, voir Daniel Radcliffe parvenir à effacer l’image du petit sorcier de Privet Drive qui aurait pu lui coller à la peau pour endosser celle d’un jeune adulte torturé et lui-même possédé par l’ivresse du pouvoir comme par une culpabilité et une violence ambiguës n’est pas le moindre des plaisirs. Il devient rapidement très crédible, et parfaitement à l’aise dans ce jeu à contre-courant de ce que l’on connaissait de lui après la saga adaptée de J.K. Rowlings.

Ainsi, malgré une intrigue parfois prévisible et un éclairage trop hésitant, malgré une fin un peu trop grand guignol ou le manque de constance dans l’angle d’approche, Horns reste pour moi une réussite en matière de mélange entre film noir, conte fantastique, et éléments bibliques.

Toutes choses qui, justement, sont les ingrédients de base de ce qui occupe actuellement mon écriture.

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