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L’Exoconférence, les extraterrestres à la Table Ronde

par Jan 23, 2016Chimères Animées, Les Feux de la Rampe0 commentaires

Sommes-nous seuls dans l’Univers ?

Cette question essentielle obsède l’Humanité.

Depuis que les anges et les démons ont été remplacés par les extraterrestres dans notre bestiaire imaginaire des êtres non humains doués de conscience, nous cherchons à remplir ce vide existentiel en rêvant à des formes de vie intersidérales.

Le folklore des petits hommes verts ou gris, des théories conspirationnistes, des soucoupes volantes et des enlèvements a inspiré de nombreux artistes, dont le plus célèbre reste Chris Carter et ses X-Files, dont on nous promet la réapparition cette année.

Il fallait bien que le sire Alexandre Astier s’y intéresse un jour, délaissant la couronne du Pendragon pour le costume trois-pièces du professeur suranné donnant une conférence déjantée sur le sujet.

Au milieu de considérations factuelles et scientifiques rigoureuses expliquant comment s’organise l’univers tel que nous le connaissons, sa cosmogonie, avec ses lois physiques fondamentales et ses inconnues, il insère des saynètes plus ou moins réussies illustrant de façon plus burlesque tel ou tel point de son exposé d’astrophysique.

Avant même la première image, on s’attend à une parodie de conférence, prétexte à des situations cocasses ou absurdes dans la même veine que Kaamelott.

Tel n’est pas vraiment le cas.

La forme est bien celle d’une conférence. Et d’ailleurs, si le costume d’Alexandre Astier évoque bien le vieux professeur du début du XXe siècle, la mise en scène brouille un peu les codes en faisant intervenir une Intelligence Artificielle censée aider l’orateur, ou le gêner, en ne répondant pas à ses sollicitations. On assiste donc tout au long du spectacle à un jeu très appuyé et un peu répétitif entre le vieux professeur aigri dont le caractère râleur fait un peu trop penser au Roi Arthur de Kaamelott, et l’I.A. version 5,0 récemment mise à jour qui bogue sans arrêt, sorte de Perceval numérique féminin plus ou moins pervers.

Si la présence de l’I.A. permet de dynamiser un peu la mise en scène, son intérêt s’arrête là, et c’est bien dommage.

En effet, au fur et à mesure que l’exposé avance et que le conférencier prend position sur l’existence des extraterrestres, faire un parallèle entre une forme de vie alien et une forme de vie artificielle aurait pu avoir du sens sur le fond et pas seulement sur la forme. La cohérence du spectacle y aurait grandement gagné, me semble-t-il.

Et puis, il y a ces digressions faites sous la forme de sketches, plus ou moins réussis.

Pour illustrer son propos, Alexandre Astier incarne alors brusquement des personnages aussi variés que Copernic, des généraux américains et russes, Pierre Curie, des extraterrestres un peu bêta, et j’en passe.

L’idée est intéressante, mais peut-être un peu convenue. On imaginait bien quelque chose dans ce goût-là.

Mais ce qui fit le succès mérité de la parodie des romans de la Table Ronde ne semble pas fonctionner pour l’Exoconférence.

À deux exceptions notables près (le passage sur la morphologie extraterrestre, absolument hilarant, et celui sur les enlèvements), ces saynètes tombent à plat. Elles n’ont pas de vraie saveur, pas de vraie profondeur, n’apportent rien. Elles sont mêmes, du moins c’est mon impression, jouées en force, comme s’il fallait absolument les placer malgré leur incongruité, et tant pis si elles donnent le sentiment de n’être là que pour rallonger la sauce.

On reste donc sur notre faim.

On rit, c’est vrai, mais pas autant qu’on aurait pu l’imaginer.

On apprend des choses, c’est vrai, mais pas autant qu’on aurait pu en avoir envie.

La relativité fait cependant son œuvre, et de façon magistrale puisque le spectacle parvient à provoquer à la fois l’impression que le temps se ralentit beaucoup trop (lorsque l’on aimerait que les sketches se terminent plus vite), et qu’il file beaucoup trop vite (lorsque l’on aimerait qu’Alexandre Astier développe un peu plus certains aspects de son monologue, en le mettant en perspective).

En somme, on hésite à classer l’Exoconférence dans les trous noirs supermassifs dont l’attraction est si grande que le temps s’étire à l’infini, ou dans les pulsars dont le rayonnement ne parvient à s’échapper que par intermittence.

Là encore, c’est bien dommage.

Alexandre Astier a rencontré de nombreux scientifiques, notamment des astrophysiciens, pour écrire ce spectacle, et cela se voit. Il y a un monde de choses vraiment intéressantes dans son texte. Mais j’ai pour ma part été déçu du manque de perspective, et ce même si certains passages sont vraiment de petites bulles de rire ou de poésie (comme le parfum de l’univers qui serait celui de la framboise).

Le fil rouge (si je puis dire, vous comprendrez le jeu de mots en regardant le DVD) de la plaque emportée par la sonde Voyager vers les espaces extrasolaires restera pour moi la meilleure trouvaille de mise en scène de l’Exoconférence.

Il manque donc un « je-ne-sais-quoi » pour faire opérer la magie qui transformerait cette conférence-comédie en un vrai moment de bonheur. Un souffle, un liant, une perspective différente.

En y réfléchissant, c’est bien la cohérence entre les saynètes et le corps de la conférence qui manque le plus.

Peut-être un autre regard sur l’écriture de ce texte aurait-il pu le faire évoluer ?

Peut-être bien que je demande beaucoup.

Peut-être bien qu’Alexandre Astier retravaillera sa copie, et qu’une nouvelle version verra le jour dans quelque temps ?

Peut-être bien que je crois trop aux Extraterrestres, moi.

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