Le Maître du Haut Château, les mots plus forts que l’image ?

Le Maître du Haut Château, les mots plus forts que l’image ?

Le Maître du Haut Château, les mots plus forts que l’image ?

Philip K. Dick est une de ces personnes dont nous connaissons tous au moins une œuvre, sans forcément connaître son auteur. S’il existe évidemment des gens qui n’ont jamais vu ni Blade Runner, ni Minority Report, ni Total Recall (celui avec Swarzy ou celui avec Collin Farrell), je fais le pari que tous ceux qui liront cet article (sauf peut-être mes parents) auront au moins vu l’un de ces films-là.

Ces adaptations cinématographiques ont toutes pour point commun d’avoir été au départ des fictions littéraires écrites par le même homme : Philip K. Dick.

Et si vous faites partie de ceux qui ont vu tous ces films, vous n’avez pas pu manquer leur indéniable thème commun : la réalité n’est jamais vraiment ce qu’elle paraît être. Un androïde qui fait des rêves, une police préventive qui incarcère les futurs criminels en se basant sur les prémonitions de mutants capables de voir les crimes avant qu’ils ne soient commis, ou un homme dont les rêves se révèlent être des souvenirs d’une vie effacée et dont la vie actuelle n’est faite que de faux souvenirs. Voilà à quoi ressemble une de ces histoires.

Brouiller les codes de la réalité pour en faire presque douter le lecteur, pour l’amener progressivement à adopter le point de vue décalé, dérangeant, profondément déstabilisant du monde fictif qu’il décrit, au point de se demander s’il est si fictif que cela, voilà le talent jusqu’ici inégalé de Philip K. Dick.

Et ce talent a explosé avec une œuvre fondatrice : The Man in the High Castle, roman de plus de 300 pages dont la nouvelle traduction en français est parue en 2012.

Le point de départ de l’univers du roman est une uchronie, un monde alternatif en tous points semblable au nôtre, mais dont le cours historique aurait divergé lors d’un moment charnière.

Dick imagine un monde où, à la suite de l’assassinat réussi de Roosevelt, les Américains n’ont jamais été préparés à la Seconde Guerre mondiale, entraînant la défaite des Alliés face aux puissances de l’Axe en 1948, et le partage du monde entre l’Allemagne Nazie et l’Empire du Soleil levant. Dans ce 1956 alternatif, les anciens États-Unis d’Amérique ont été scindés en trois. Les Japonais ont colonisé la côte ouest devenue les Pacific States of America, les nazis ont annexé la côte est comme partie du Reich, pour ne plus laisser qu’une zone neutre dans les Rocheuses aux vaincus. Dans ce monde, les fusées allemandes jouent le rôle des avions transcontinentaux du nôtre. La logique raciale des nazis a quasiment exterminé l’Afrique, sans parler du sort des juifs. Et l’autre moitié du monde vit sous la férule du Japon, pétri de philosophie zen et de sens du devoir. Dans ce monde, pourtant, un livre fait sensation. Le poids de la sauterelle raconte comment les Alliés ont gagné la guerre en 1945, et comment ce sont les Britanniques qui dominent le monde en 1956. Le livre est bien sûr interdit dans les territoires sous domination allemande, mais circule sous le manteau, jusque dans les Pacific States, où l’éminent M. Tagomi en prend connaissance, lui qui ne jure que par un autre livre, le Yi King. Les enseignements millénaires du Livre des mutations guident la conduite du responsable japonais à travers ses prédictions, comme il guide également d’autres personnages : Franck Frink, le métallurgiste juif, Robert Childan, le marchand d’antiquités américaines, et jusqu’au Maître du Haut Château, l’auteur mystérieux du poids de la sauterelle. Julianna Frink, l’ex-femme de Franck, se met alors en quête d’Hawthorne Abendsen, l’auteur du poids de la sauterelle, alors que le Chancelier du Reich héritier d’Hitler vient de mourir, ouvrant une guerre de succession entre les dignitaires nazis, et qu’un rendez-vous secret doit avoir lieu entre l’énigmatique M. Baynes, un espion allemand, et un haut responsable du gouvernement japonais, sous la protection involontaire de M. Tagomi.

The Man in the High Castle est l’un des rares écrits majeurs de Dick qui n’avait jusque là pas été porté à l’écran. Amazon a comblé cette lacune, en sortant en 2015 la première saison d’une série prometteuse basée sur l’univers et reprenant les personnages.

L’adaptation télévisuelle est intéressante à bien des égards.

D’abord parce qu’elle permet d’accéder à l’univers de façon différente, par le biais de la reconstitution d’époque (si l’on peut dire ça d’une uchronie). Ensuite parce qu’elle remet en perspective la lecture différente qu’on peut faire d’une même œuvre.

Car la série est une interprétation du livre.

Beaucoup de choses différencient les deux : les personnages n’ont pas les mêmes rôles, les mêmes relations, les mêmes ambitions, les mêmes caractères, par exemple. L’ambiance même de la série n’est pas celle du livre, le ton non plus. Et le Yi King comme Le poids de la sauterelle ne sont pas les mêmes dans les deux versions.

À partir d’ici, je vais sans doute dévoiler des choses que vous ne devriez pas connaître si vous voulez garder intact le plaisir de la découverte de l’une ou l’autre. Rebroussez chemin, donc, si vous êtes allergique aux spoilers.

Les personnages

Signe des temps ou vision différente des choses, les personnages de la série ne ressemblent pas vraiment à ceux du livre, même s’ils portent le même nom.

Julianna Frink est sans doute l’un de ceux qui changent le plus. Le roman présente une femme mentalement dérangée que ses sautes d’humeur rendent dangereuse, instable. Elle a quitté Franck, son mari, on ne sait trop pourquoi. Peut-être parce qu’elle ne l’aimait pas, parce qu’il n’était pas assez macho à son goût. Peut-être parce qu’il est juif. Peut-être ne le sait-elle pas elle-même. Elle flotte donc, sans véritable but, jusqu’à ce qu’elle lise Le poids de la sauterelle, qui lui donnera une véritable quête dans laquelle elle se perdra presque (ou se retrouvera presque, c’est selon) : celle de l’auteur, le Maître du haut Château. La Julianna de la série est beaucoup plus une femme de tête, active, moderne, avec des idéaux clairs. Elle est pétrie de culture japonaise, mais se rebelle contre la tutelle imposée par la Kempeitai, la police politique des Orientaux. C’est alors que sa sœur meurt dans ses bras, tuée par la Kempeitai pour avoir fait passer clandestinement une copie d’un film réalisé par le mystérieux Maître du Haut Château, qu’elle décide de remplir la mission à sa place, et se retrouve sur les traces des origines du film.

Elle rencontre toujours Joe Cinnadella, l’agent nazi infiltré pour trouver et éliminer l’auteur du poids de la sauterelle. Mais lui aussi est très différent dans les deux versions.

Dans le livre, c’est une sorte de bellâtre macho, brutal, presque violent, avec un trouble du comportement. Il a une mission et s’y tient, à moitié par idéologie, à moitié pour assouvir ses propres pulsions. Un sale type dont le destin est scellé par Julianna. La série le présente au contraire comme l’un des personnages principaux, avec un dilemme moral. Il est contraint de remplir sa mission. Contraint parce que le général S.S., John Smith, dont il prend ses ordres menace sa compagne et son enfant. Il doit donc infiltrer la Résistance et tuer le réalisateur des films, mais prend soin de ne pas exposer Juliana, comme s’il tentait de ne pas faire de zèle. Il recèle en lui une grande violence, également, mais il n’en apparaît pas psychopathe pour autant.

Ce rôle est dévolu à John Smith, qui mène une existence très american way of life, version nazie. C’est un personnage que l’on ne retrouve pas dans le roman. La série le magnifie en l’érigeant en méchant complexe. Sa vie, centrée autour du Parti, de la Famille et de tout ce qu’il doit accomplir pour protéger les deux, est une caricature de celle qui était présentée en modèle dans les années 60. Celle que les soaps américains ont tant popularisée.

Franck Frink trouve dans le livre sa raison de vivre en créant des bijoux de métal après avoir démissionné de son emploi dans une fabrique de répliques d’armes. Dans la série, il entre en Résistance, après que sa famille ait été gazée par la Kempeitai, presque par erreur, pour faire pression sur lui.

M. Tagomi est l’un des personnages qui changent le moins. Droit, loyal, juste, poli, humain, il est presque le véritable héros de la série, en essayant d’éviter une Guerre mondiale. Dans le livre, il est plus encore attaché au guide que constitue le Yi King. Il s’y réfère en permanence. Le fait qu’il croise Julianna dans la série apporte indéniablement un éclairage nouveau, qui éloigne plus encore le personnage féminin de son modèle dans le livre, et la rend plus humaine elle aussi.

Enfin, Robert Childan, dans la première saison, a un rôle plus secondaire encore que dans le livre. Il sert à montrer la soumission des Américains à la culture et à la façon de penser des Japonais.

Les sept principaux personnages de la saison 1 de The Man in the High Castle (de gauche à droite) : M. Tagomi, Julianna Frink, Franck Frink, Joe Cinnadella, John Smith, Ed McCarthy, l’inspecteur Kido.

Miroir déformé de notre réalité ou histoire d’espionnage fantastique ?

Vous ne serez pas obligés de faire votre choix, puisque chaque œuvre se concentre sur un aspect de l’histoire.

La puissance du livre est la façon dont l’écriture de Dick nous entraîne à l’intérieur d’un système de pensée. Chacun des personnages est imprégné d’une culture qui nous est étrangère en même temps qu’elle nous est familière. L’auteur décrit parfaitement l’Amérique des années 1950, mais les valeurs qui animent ses personnages sont des valeurs étrangères. Childan a si complètement intégré le mode de vie oriental qu’il pense toujours en termes de bienséance, de code, d’honneur. Perdre la face est impensable, devant des inférieurs surtout. Se courber, s’humilier, même, devant un supérieur (un japonais, forcément) est par contre non seulement envisageable, mais même obligatoire. Il est même enclin à renier sa propre culture, acceptant la supériorité du mode de pensée oriental.

De même, les ruminations de Julianna dans le roman, ou les déclarations de Joe Cinnadella, sont-elles façonnées par des esprits qui ont intégré les valeurs d’inégalité raciale comme allant de soi. Le mode de pensée nazie les a si totalement conquis qu’ils en ont du mal à imaginer la possibilité que décrit Le poids de la sauterelle.

Et en même temps, Le poids de la sauterelle fait sauter chez eux (ou pas, selon les personnages), les verrous qui enferment leurs certitudes. Et si les Alliés avaient vraiment gagné la guerre en 1945 ?

La force de Dick est de nous plonger dans ce miroir de nous-mêmes, de nous forcer à poser la question : et si les nazis avaient gagné ?

La description qu’il fait de notre monde dans ce renversement de valeurs est saisissante. Et elle tombe juste. Si juste.

Le roman atteint ainsi une qualité littéraire rare, celle de l’authenticité, de la résonance, deux qualités qui tiennent une place importante dans l’intrigue même.

Quant à la série, aux décors soignés, à la reconstitution réussie de l’époque, elle se concentre plus sur l’intrigue elle-même, et nous plonge plutôt dans l’ambiance d’un film d’espionnage. Le parallèle avec la Guerre Froide, présent dans le roman également, est ici marqué par l’affrontement en sous-main entre les deux puissances dominantes que sont le Japon et l’Allemagne à travers les personnages eux-mêmes. Le renversement des valeurs opère moins. Il existe une Résistance, ce qui n’est pas le cas dans le roman, et l’on s’identifie donc aux résistants, à ceux qui ont gardé leur façon de pensée, notre façon de pensée. Même John Smith, malgré tout, est présenté à la fin de la saison comme quelqu’un qui sera broyé par son intransigeance. On quitte la métaphore pure pour entrer dans le domaine de l’action. La tonalité en devient plus fantastique. Ce n’est plus un livre unique que l’on poursuit, mais bien une série de petits films sur pellicule, montrant des images d’archives authentiques d’un monde où les Alliés ont gagné la guerre. Chaque nouveau film peut être un ferment de révolte à lui tout seul.

La scène pivot du roman se retrouve dans la série, presque à l’identique, quand M. Tagomi se retrouve brièvement propulsé dans le San Francisco de notre réalité, mais le propos des deux médias en transforme la portée. Miroir déformant dans l’un, elle devient point de bascule vers une intrigue attendue dans la deuxième saison pour l’autre.

On pourrait presque se demander si dans la deuxième saison, les personnages ne vont pas être transportés dans notre réalité, pour y rencontrer le Maître du Haut Château à la manière dont Olivia Dunham se retrouve propulsée dans l’autre réalité pour rencontrer son double Folivia dans la série Fringe de J.J. Abrams. On l’attend, mais on serait presque déçus que ce soit le cas.

Une mise en abîme dans une mise en abîme ?

Dans les deux médias, cependant, la mise en abîme fonctionne parfaitement.

On lit un livre qui décrit un univers alternatif au nôtre dans lequel des personnages lisent un livre qui décrit un monde alternatif au leur, qui se trouve être très proche du nôtre…

On regarde une série (donc un film) qui décrit un univers alternatif au nôtre, dans lequel des personnages regardent des films (une série de films) qui décrivent un monde alternatif au leur, qui ressemble au nôtre…

La série n’est pas achevée, on ne sait donc pas quelle conclusion les scénaristes vont y apporter, mais dans le roman, c’est le Yi King lui-même, un livre de 5000 ans, qui a dicté chaque rebondissement, chaque détail, à son auteur, Abendsen. Et Dick lui-même a suivi cette méthode pour écrire le déroulement de son roman.

Le cercle se referme sur une impression à la fois d’harmonie totale et de vertige existentiel.

Existe-t-il une bibliothèque quelque part, recensant tous les livres qui ont été écrits et tous ceux qui seront écrits, et que les auteurs iraient consulter pour savoir ce qu’ils doivent, ou devront, écrire ?

C’est le talent ultime de Philip K. Dick : faire douter de la réalité sans avoir à être affligé, comme il le fût lui, d’une maladie mentale.

Changer notre point de vue sur le monde.

Pour aller plus loin : un fifthy dickien ?

L’œuvre de Philip K. Dick a donc marqué la culture imaginaire de façon radicale, au point que d’autres artistes s’y soient abreuvés, s’en soient inspirés, ou même l’aient copié ou imité.

Et ce mouvement continue d’exister.

C’est ainsi que Saint Épondyle, sur son blog Cosmo Orbüs, lançait il y a peu un concours d’écriture de fifty.

Un fifty est une histoire très courte en 50 mots, pas un de moins, pas un de plus.

Il s’agissait d’écrire un fifty à la manière de Philip K. Dick.

J’ai relevé le gant, et écrit ma propre histoire.

Pour ne pas enlever la primeur à Saint Épondyle, je vous invite à visiter son site, où vous lirez les textes envoyés, et découvrirez le vainqueur (l’Axe ou les Alliés ?).

Vous pourrez trouver mon texte ici même lorsque le concours sera achevé, simplement en cliquant sur la boîte ci-dessous.

The Woman in the High Tower

Elle se souvenait parfaitement de la chute du Mur. Elle y était. Journaliste à la Pravda, elle avait vu les drapeaux rouges sur la porte de Brandebourg. Elle avait couvert ensuite la démission de Bush, déliquescence du Capitalisme. Vertige. À l’écran, le drapeau. Non pas une étoile. Mais cinquante.

Les jurés m’ont placé en sixième place (bien mieux qu’en 666e), ce dont j’avoue être très fier. Car à la lecture des 23 autres textes, ce n’était pas gagné. Pour les lire, et découvrir le podium, rendez-vous à cette adresse.

L’Exoconférence, les extraterrestres à la Table Ronde

L’Exoconférence, les extraterrestres à la Table Ronde

L’Exoconférence, les extraterrestres à la Table Ronde

Sommes-nous seuls dans l’Univers ?

Cette question essentielle obsède l’Humanité.

Depuis que les anges et les démons ont été remplacés par les extraterrestres dans notre bestiaire imaginaire des êtres non humains doués de conscience, nous cherchons à remplir ce vide existentiel en rêvant à des formes de vie intersidérales.

Le folklore des petits hommes verts ou gris, des théories conspirationnistes, des soucoupes volantes et des enlèvements a inspiré de nombreux artistes, dont le plus célèbre reste Chris Carter et ses X-Files, dont on nous promet la réapparition cette année.

Il fallait bien que le sire Alexandre Astier s’y intéresse un jour, délaissant la couronne du Pendragon pour le costume trois-pièces du professeur suranné donnant une conférence déjantée sur le sujet.

Au milieu de considérations factuelles et scientifiques rigoureuses expliquant comment s’organise l’univers tel que nous le connaissons, sa cosmogonie, avec ses lois physiques fondamentales et ses inconnues, il insère des saynètes plus ou moins réussies illustrant de façon plus burlesque tel ou tel point de son exposé d’astrophysique.

Avant même la première image, on s’attend à une parodie de conférence, prétexte à des situations cocasses ou absurdes dans la même veine que Kaamelott.

Tel n’est pas vraiment le cas.

La forme est bien celle d’une conférence. Et d’ailleurs, si le costume d’Alexandre Astier évoque bien le vieux professeur du début du XXe siècle, la mise en scène brouille un peu les codes en faisant intervenir une Intelligence Artificielle censée aider l’orateur, ou le gêner, en ne répondant pas à ses sollicitations. On assiste donc tout au long du spectacle à un jeu très appuyé et un peu répétitif entre le vieux professeur aigri dont le caractère râleur fait un peu trop penser au Roi Arthur de Kaamelott, et l’I.A. version 5,0 récemment mise à jour qui bogue sans arrêt, sorte de Perceval numérique féminin plus ou moins pervers.

Si la présence de l’I.A. permet de dynamiser un peu la mise en scène, son intérêt s’arrête là, et c’est bien dommage.

En effet, au fur et à mesure que l’exposé avance et que le conférencier prend position sur l’existence des extraterrestres, faire un parallèle entre une forme de vie alien et une forme de vie artificielle aurait pu avoir du sens sur le fond et pas seulement sur la forme. La cohérence du spectacle y aurait grandement gagné, me semble-t-il.

Et puis, il y a ces digressions faites sous la forme de sketches, plus ou moins réussis.

Pour illustrer son propos, Alexandre Astier incarne alors brusquement des personnages aussi variés que Copernic, des généraux américains et russes, Pierre Curie, des extraterrestres un peu bêta, et j’en passe.

L’idée est intéressante, mais peut-être un peu convenue. On imaginait bien quelque chose dans ce goût-là.

Mais ce qui fit le succès mérité de la parodie des romans de la Table Ronde ne semble pas fonctionner pour l’Exoconférence.

À deux exceptions notables près (le passage sur la morphologie extraterrestre, absolument hilarant, et celui sur les enlèvements), ces saynètes tombent à plat. Elles n’ont pas de vraie saveur, pas de vraie profondeur, n’apportent rien. Elles sont mêmes, du moins c’est mon impression, jouées en force, comme s’il fallait absolument les placer malgré leur incongruité, et tant pis si elles donnent le sentiment de n’être là que pour rallonger la sauce.

On reste donc sur notre faim.

On rit, c’est vrai, mais pas autant qu’on aurait pu l’imaginer.

On apprend des choses, c’est vrai, mais pas autant qu’on aurait pu en avoir envie.

La relativité fait cependant son œuvre, et de façon magistrale puisque le spectacle parvient à provoquer à la fois l’impression que le temps se ralentit beaucoup trop (lorsque l’on aimerait que les sketches se terminent plus vite), et qu’il file beaucoup trop vite (lorsque l’on aimerait qu’Alexandre Astier développe un peu plus certains aspects de son monologue, en le mettant en perspective).

En somme, on hésite à classer l’Exoconférence dans les trous noirs supermassifs dont l’attraction est si grande que le temps s’étire à l’infini, ou dans les pulsars dont le rayonnement ne parvient à s’échapper que par intermittence.

Là encore, c’est bien dommage.

Alexandre Astier a rencontré de nombreux scientifiques, notamment des astrophysiciens, pour écrire ce spectacle, et cela se voit. Il y a un monde de choses vraiment intéressantes dans son texte. Mais j’ai pour ma part été déçu du manque de perspective, et ce même si certains passages sont vraiment de petites bulles de rire ou de poésie (comme le parfum de l’univers qui serait celui de la framboise).

Le fil rouge (si je puis dire, vous comprendrez le jeu de mots en regardant le DVD) de la plaque emportée par la sonde Voyager vers les espaces extrasolaires restera pour moi la meilleure trouvaille de mise en scène de l’Exoconférence.

Il manque donc un « je-ne-sais-quoi » pour faire opérer la magie qui transformerait cette conférence-comédie en un vrai moment de bonheur. Un souffle, un liant, une perspective différente.

En y réfléchissant, c’est bien la cohérence entre les saynètes et le corps de la conférence qui manque le plus.

Peut-être un autre regard sur l’écriture de ce texte aurait-il pu le faire évoluer ?

Peut-être bien que je demande beaucoup.

Peut-être bien qu’Alexandre Astier retravaillera sa copie, et qu’une nouvelle version verra le jour dans quelque temps ?

Peut-être bien que je crois trop aux Extraterrestres, moi.

Constantine, ou l’Enfer pavé de bonnes intentions

Constantine, ou l’Enfer pavé de bonnes intentions

Constantine, ou l’Enfer pavé de bonnes intentions

Les univers de superhéros sont parfois de vrais capharnaüms. On y trouve aussi bien des mutants (Les X-Men, ou Captain America chez Marvel, Flash chez DC) que des humains ayant développé des capacités extraordinaires à cause d’une histoire dramatique (Black Window chez Marvel, Green Arrow chez DC), ou encore des extraterrestres (Guardians of the Galaxy pour Marvel, Superman chez DC).

Assez singulièrement, le monde de l’occulte occupe une place un peu plus marginale dans les deux univers principaux des comics.
Le Docteur Strange dans celui de Marvel, dont Benedict Cumberbatch va bientôt être l’incarnation cinématographique.
Et John Constantine pour l’univers de DC Comics, qui vient de voir se terminer l’unique saison d’une série télévisée qui lui est dédiée.

Comme tous les superhéros, John Constantine possède un don fantastique, et une faiblesse fondamentale.

Gamin des rues venu de Liverpool, en Angleterre, il entre dans le monde de l’occulte très tôt, par attrait du danger. Il devient rapidement un maître dans les arcanes magiques, et se lance dans la pratique de l’exorcisme. Mais l’un d’entre eux tourne très mal, et l’âme de Constantine est vouée à la damnation éternelle à cause des actes perpétrés lors de cette séance catastrophique. Survivant néanmoins à l’épreuve, il tente de se racheter en combattant les forces du Mal venues des Enfers partout là où cela est nécessaire, n’hésitant pas à risquer sa vie comme celle de ses comparses Zed et Chas, ou de ses anciens associés. Damné mais Élu en même temps, il est plus ou moins guidé par un ange mystérieux, Manny, dont les motivations sont troubles. Ce petit groupe affronte ensemble une menace sourde nommée la Levée des Ténèbres, fomentée par une organisation secrète très ancienne, la Brujeria, à travers de nombreuses affaires sataniques faisant surface dans tout le territoire des États-Unis.

Zed est une médium très puissante, et Chas semble avoir plusieurs vies, mais ce sont surtout les immenses connaissances, l’audace suicidaire et le talent fabuleux teinté de désinvolture crâne de John Constantine qui leur permet de survivre et de contrecarrer les plans de la Brujeria.

Ce n’est pas la première fois que le magicien désinvolte et damné est porté à l’écran, si l’on se souvient de la tentative ratée du film des années 2000 avec Keanu Reeves dans le rôle-titre.

La direction prise par la série est cependant assez différente de son aîné.

L’univers, tout d’abord, est beaucoup moins centré sur une base judéo-chrétienne. Si dans le film l’Archange Gabriel et Lucifer étaient les références de chaque côté de l’affrontement, le champ est considérablement plus ouvert dans la série, avec des démons égyptiens ou assyriens, des exorcismes en langue vaudou, en sanskrit, en quechua, même. C’est d’ailleurs à la fois une qualité, et un défaut.

Élargir le champ de bataille pour l’ouvrir à d’autres traditions magiques permet de faire varier les points de vue, de donner plus de couleurs aux rituels magiques accomplis dans la série que les simples symboles judéo-chrétiens, rapidement évoqués dans les deux adaptations (la croix, l’eau bénite, les prières en latin, utilisées seules, pourraient sans doute paraître réductrices et répétitives). Cela donne aussi l’impression que le Mal est universel et que chaque tradition occulte dans le monde et au fil du temps a trouvé des parades originales et complémentaires pour lutter contre lui.

Mais le revers de la médaille est de perdre en cohérence, et de ne rester qu’à la surface des choses.

Les arts magiques occidentaux (et donc judéo-chrétiens) ne se limitent pas aux rituels de la Sainte Église Apostolique et Romaine et à un remake de l’Exorciste. On aurait pu plonger dans les traditions hermétiques alchimiques ou kabbalistiques juives comme chrétiennes, se servir de la diversité des récits bibliques plus encore, intégrer quelques idées venues de l’Apocalypse, voire approfondir les origines anglaises du personnage et le rattacher aux mages élisabéthains célèbres comme John Dee, ou à Aleister Crowley. Cela demandait peut-être de fouiller dans les arts occultes historiques et de faire quelques recherches pour rendre tout cela cohérent avec l’univers du comic book, mais au vu des recherches linguistiques pour faire entendre de véritables mots de vaudou, d’égyptien antique ou de sanskrit, cela ne me paraît pas un problème.

Le traitement est donc volontaire. On y retrouve la façon qu’ont les Américains de voir leurs cousins d’outre-Atlantique, et leur difficulté à penser l’histoire longue et complexe du Vieux Continent autrement que comme une sorte d’exotisme rafraîchissant.

Autre caractéristique de la série, un penchant pour la caricature très marqué, qui heureusement s’atténue quelque peu au fil des derniers épisodes.

Non seulement le personnage de John Constantine est-il taillé à la serpe dans les premiers épisodes, mais encore son évolution est-elle très lente. Sa culpabilité n’est que très légèrement effleurée à la fin de la saison, et son arrogance, sa désinvolture, sont beaucoup trop appuyées. Même pour quelqu’un qui apprécie les poncifs attachés aux personnages arrogants (de Han Solo à Cobra en passant par James Bond), la coupe est très rapidement emplie à ras bord. Le personnage en devient parfois agaçant, et l’identification s’en trouve amoindrie. On n’espère qu’une chose : qu’il en prenne plein la figure pour enfin perdre de sa superbe et redescendre sur terre.

Cela change il est vrai de l’interprétation monocorde de Keanu Reeves avec son talent inégalé pour ne faire apparaître sur son visage que le même masque dénué d’expression dans toutes les situations du film.

Le choix également d’escamoter le cancer du poumon et l’urgence que vivait le personnage dans le film sur la fin imminente de son existence et la confrontation inévitable avec son Destin, change considérablement la portée de sa damnation.

Les personnages secondaires de Zed et de Chas sont plus intéressants, mais la caricature n’est pas non plus absente. Zed est bien évidemment une plantureuse créature qui joue de séduction avec Constantine tout en traînant un passé lourd et complexe que la série n’a pas le temps d’explorer, tant son rythme est lent. Chas est le plus humain, finalement, bien qu’il n’apparaisse pendant toute la première moitié de la série que comme un faire-valoir étrange.

Même Papa Midnite, le sorcier vaudou, ni ennemi, ni allié de Constantine, est d’abord présenté comme un guignol, avant de prendre plus de profondeur ensuite.

Quant à Manny, son rôle ambigu aux côtés de Constantine et son rapport avec les Mortels ne sont qu’esquissés, et trop tardivement également.

La série a été interrompue après la fin de la première saison. Trop chère à produire (le nombre d’effets spéciaux par épisode est exponentiel), pour un succès probablement mitigé. Certainement que son mauvais positionnement sur le ton et l’ambiance, sur le rythme de l’intrigue générale, sur son propos, a joué un grand rôle dans cet échec.

C’est bien dommage, car au-delà de ces défauts, les derniers épisodes devenaient plus prometteurs, et la trame commençait à prendre une tournure moins manichéenne, avec le twist final.

Restent de très bonnes idées dans certains épisodes, comme dans le troisième, The Devil’s Vinyl, où un disque portant la voix du Diable devient l’enjeu.

Et malgré tout un certain attachement aux personnages et à l’univers.

https://youtu.be/CNPIG40KcbU

Samhain & le Jabberwocky

Samhain & le Jabberwocky

Samhain & le Jabberwocky

La nuit où cela advint, la dernière nuit d’octobre, j’étais devant la grille recouverte de peinture noire antirouille, à ne pas savoir si j’allais franchir le seuil ou rester là les bras ballants des heures durant. Une impulsion étrange m’avait guidé jusque là. Elle s’était allumée, comme une étincelle qui jaillit, à mon réveil. Son éclat avait couvé, comme étouffé par les lumières du jour, pendant que je me concentrais sur mon travail. Mes ses braises avaient rongé peu à peu mon être, jusqu’à remplir totalement mon esprit. Le soir venu, j’avais pris ma voiture comme dans un rêve, et au lieu de suivre le trajet familier jusqu’à la maison isolée qui était devenue mon domicile, j’avais allumé l’écran du guide électronique de positionnement par satellite, entré le nom du petit village qui me trottait dans la tête depuis le matin, et suivi les instructions comme dans un état second.

Il ne s’était écoulé que deux heures avant que je ne me retrouve devant la grille, mais j’avais eu la sensation de traverser plusieurs années, peut-être même plusieurs siècles, comme lorsque l’on franchit une série de longs tunnels. La lumière qui pointe à la sortie semble toujours différente de celle que l’on a quittée à l’entrée.

Je ne savais plus si cette nuit-là appartenait vraiment au temps humain, ou si elle allait s’étendre jusqu’à la fin. La fin du monde. La fin de ma vie.

Étrangement, je m’y sentais bien.

Il ne restait qu’une vague appréhension de ce que je pourrais trouver au-delà de la grille. Dans le cœur de l’enceinte de pierres et de briques dont les pins et les cyprès cachaient le dédale des allées.

L’impulsion était cependant la plus forte. Je ne pouvais plus reculer, arrivé à cet endroit-là, à ce moment-là. Je devais aller au bout.

Le métal grinça légèrement, mais le son fut couvert par le bruit du vent dans les branches des cyprès, qui claquaient de temps à autre, et le froissement des aiguilles de pin les unes contre les autres.

J’ai fait le premier pas, puis le deuxième. Mes chaussures firent crisser le gravier blanc éclairé par la lune. Je n’avais pas froid malgré la température et le vent. Au contraire, l’endroit semblait plus chaud qu’à l’extérieur de l’enceinte sacrée. Les odeurs familières de la terre de mon enfance, les bouffées du parfum des pins, les subtiles odeurs des vignes qui s’étendaient à perte de vue autour des murs, m’enveloppèrent de leurs chauds atours de souvenirs fugaces et fuyants comme des feux-follets.

J’ai trouvé mon chemin comme à tâtons dans ma mémoire, le long des allées bordées de plaques et de stèles.

J’ai trouvé celles que je cherchais, un peu à distance l’une de l’autre. La première, la plus ancienne, constituée d’une simple plaque de béton rugueux, sans aucune décoration autre que la plaque noire qui était gravée de lettres dorées. La deuxième, la plus récente, plus imposante, en granit gris elle aussi ornée d’épitaphes précieuses.

Dans mon souvenir, elles étaient plus petites, plus étranges, plus étrangères.

Mais la nuit où cela advint, la dernière nuit d’octobre, elles paraissaient avoir grandi, s’être changées en mausolées. Elles étaient ouvertes. Ouvertes sur un halo noir et blanc, à la fois sombre et laiteux, qui baignait la totalité du lieu.

J’entendis du bruit.

Comme un murmure discret au début, qui gonfle peu à peu et enfle au fur et à mesure qu’une symphonie se déploie. Puis ce son s’organisa en musique, la musique en note, et les notes prirent un sens. Les mots qui étaient ces notes formèrent des phrases, et les voix me furent familières.

Il ne fallut qu’un pas pour me retrouver dans la clarté ténébreuse.

La longue table s’étendait bien au-delà de ce que je pouvais distinguer, noyée par les lueurs blanches et noires, par les feux qui brûlaient autour, les cierges et les chandeliers, les couleurs des atours et les figures pâles, disparaissant presque sous les monceaux de victuailles qui s’y déroulaient. Viandes, gibiers, pommes, raisins, citrouilles et pâtisseries, hydromel, hypocras, liqueurs de pommes et vins rouges comme le sang y mêlaient leurs couleurs automnales en une harmonie éclatante.

Les figures blafardes se tournèrent vers moi et m’invitèrent à prendre place au banquet. La place d’honneur, celle de l’invité, celle du siège périlleux au centre de l’attention de tous. Le fauteuil de bois et de velours réservé aux vivants.

Je m’installais sans parler, laissant la musique qui résonnait partout autour de nous prononcer les mots que je ne pouvais pas articuler. Il y avait là tant de monde. Tant de monde que je ne connaissais pas vraiment mais avec qui je me sentais des liens. Des liens parfois ténus mais bien réels. Des liens qui prenaient naissance au plus profond de ma chair, dans les substances que charriaient mes artères et dans les étincelles de vie qui naissaient au creux de mes cellules, dans les éclairs qui dansaient dans mon esprit et les brasiers qui couvaient dans mes entrailles. Des liens presque palpables qui reliaient les uns et les autres en une subtile tapisserie qui se déroulait à l’infini le long de la table. Une femme à un homme et le couple à leurs descendants. Parfois les fils s’interrompaient, parfois ils se dédoublaient. Certains traversaient plusieurs générations quand d’autres, plus forts et plus fins à la fois, s’amusaient à se cacher pendant plusieurs éons et resurgissaient lorsqu’on ne les attendait plus. Des fils reliant les mères à leurs filles, d’autres unissant les pères à leurs fils, mais aussi des liens qui courraient des oncles jusqu’aux cousins, des neveux jusqu’aux grands-parents. Mes yeux étaient trop éblouis pour en percevoir l’unité, mais c’est une partie plus intime et plus instinctive qui en pressentit le motif caché, d’une façon aussi fuyante que tout le reste. Durant une fraction de seconde, je compris le dessein qu’en formait le dessin, avant que cette certitude ne s’évanouisse, trop brûlante pour mon esprit encore rattaché aux cordes du vivant, et que mon attention soit ramenée à la convive attablée à ma droite.

J’ai senti mon cœur bondir dans ma poitrine et la voyant me sourire avec une tendresse que j’avais oubliée au fil des années mais que je retrouvais intacte. La Mère de mon Père. Elle était habillée de gris et d’or. Et elle me parla en m’invitant à manger, à boire, à écouter et à parler.

Je pris la coupe posée devant moi. À ma gauche était le Père de ma Mère, souriant lui aussi. Les figures bienveillantes de mon enfance étaient avec eux. Dans le brouhaha joyeux qui s’étendait aussi loin que la lueur, leurs mots s’écoulèrent avec la simplicité et la limpidité des eaux claires d’un étang lunaire. À leurs questions c’est la musique de mes sentiments qui répondit. Quelle était ma vie, que devenaient mes rêves, à qui j’avais lié mon destin, à quels autres fils j’avais entremêlé les miens, à quelles prouesses ou quelles réalisations j’avais dédié mon existence. Que devenaient mes parents, que devenaient mon frère et ma sœur, quelles étaient leurs vies et qu’avaient-ils apporté au monde. Quels étaient nos espoirs, nos projets, de quelle énergie allions-nous inonder la sphère des vivants.

Ils me parlèrent de leurs propres existences passées. Je compris leurs tourments, leurs joies, leurs peurs, leurs décisions, leurs héritages, leurs créations. Je compris leur place dans la tapisserie.

Et je bus le nectar des breuvages éternels, figés par le temps en dehors du temps.

Et je me nourris des mets immortels, sucrés, salés, doux et amers, fixés par les souvenirs des générations.

C’est alors que je reconnus à ma droite le Père de mon Père, commandeur droit assis sur son trône de fer, et à ma gauche la Mère de ma Mère, inflexible sur sa chaise de pierre. Je ressentis la même joie, et je redis ce qui me faisait vivant.

À leur tour ils jouèrent la musique de leur existence disparue, et je compris leur place, et je vis l’amour que j’avais eu pour eux grandir encore en comprenant ce qui restait mystérieux.
Mais enfin le Père de mon Père parla vraiment, sans musique, sans note, sans harmonie.

— Pour qui la Chasse, cette nuit, mon Fils ?

Tous suspendirent leurs gestes et la tapisserie tout entière retint son souffle. C’est le privilège redoutable des vivants que de choisir. Pour qui la Chasse allait-elle se mettre en route.
Des centaines de propositions se bousculaient dans mon esprit, mais aucune ne parvenait à vraiment émerger du chaos de mes pensées.

Puis il fut évident que si chasser il fallait, cela devrait avoir un sens que ce soit moi le Veneur.

— Cette nuit la Chasse ira vers ceux dont les mensonges ont causé de la souffrance.

La figure sévère du Père de mon Père montra de la déception. Celle de la Mère de ma Mère fut plus démonstrative.

— Tu en es sûr ? Tu ne veux pas plutôt chasser les faibles ou les enfants ?

— Non, ceux qui ont menti et causé du tort par leurs mensonges.

Le Père de mon Père frappa son poing sur la table.

— Qu’il en soit ainsi !

Les mets disparurent, les breuvages s’évaporèrent.

La table s’évanouit. Les chaises et les fauteuils s’étaient changés en hautes montures aussi noires que la nuit et aussi blanches que les éclairs. Les Ancêtres étaient tous à cheval, et des chiens monstrueux piaffaient d’impatience en retroussant leurs babines qui salivaient déjà.

Mon propre corps changea. Je m’allongeais démesurément, mon dos, mes bras, mes jambes, mon cou, se couvrirent d’écailles, mon torse peu à peu se changea en un poitrail de plumes, une crête colorée s’ébouriffa dans ma chevelure, mes ongles se changèrent en serres aiguisées. Mes dents furent des crocs acérés. Mes yeux injectés de sang colorèrent mon monde d’une teinture écarlate et mes veines transportèrent la fureur du dragon trop longtemps retenu contre son gré.

Jabberwocky.

Le monstre qui devait mener la Chasse.

Et le cortège fantomatique s’ébranla à mon feulement, les chiens hurlant, les morts sifflant, les défunts chantant, le vent emportant le tout sur ses sabots au galop de son impatience.
Le Royaume Souterrain est partout et nulle part, aussi mon corps fut-il dans les rêves de chaque être humain au même moment, sur toute la surface de la terre. Aussi mon esprit fut-il dans les cœurs de tous au même instant.

Et la Chasse parcourut la nuit en semant la peur sur son chemin. La peur du noir. La terreur des choses tapies dans l’obscurité de la nuit. La panique que la fureur du Monstre ne se déchaîne sur les vivants. La peur de ceux qui sont morts et de leur retour. La terreur de leur colère envers nos actions. La panique de voir leurs visages sévères et leurs cœurs desséchés juger nos existences.

Le Jabberwocky chercha, guidé par son flair, guidé par sa volonté.

Je trouvai des centaines, des milliers, des millions de cœurs impurs.

Le Mensonge lié à chacun comme les fils qui relient chaque humain à ses Ancêtres.

Et la Chasse me suivait.

Les cris de terreur des vivants qui voyaient leurs cauchemars se présenter devant eux, pour les juger et les punir, se mêlaient aux rires cruels des défunts qui se vautraient dans le plaisir de la traque. Ils se sentaient vivre à nouveau, durant une si brève nuit, remplis d’une énergie pulsant dans leurs âmes mortes.

La fureur qui animait le Jabberwocky, cette fureur brûlante et dévorante qui me consumait peu à peu, les alimentait et leur donnait un masque d’horreur qui hanterait longtemps les songes des vivants.

Les heures s’allongèrent, la lune s’éleva puis déclina, et la terreur nous suivait, puis nous précédait.

Mais il en est du Temps comme de la Vie ou de la Mort. Tous ont une fin.

Et ce fut l’aube qui tendit quelques rayons pour stopper de ses chaînes le déferlement de la Chasse.

Et l’enceinte de pierres et de briques fut à nouveau la limite du Royaume Souterrain.

Le Père de mon Père à ma droite, me parla à nouveau.

— Le démon est venu cette nuit, comme chaque année, mais il doit finir son œuvre avant de repartir.

Je ne compris pas tout de suite, mes oreilles n’étaient plus habituées à un son humain, mais à la musique terrible et douce de ce lieu, de la Chasse.

J’avais puni tous ceux dont les mensonges avaient causé de la souffrance à travers le monde. Mon rôle était terminé, et je devais retrouver mon Monde.

Mais les visages blafards étaient plus pâles encore, autour de moi. Leurs mines étaient sévères, pleines d’attente. Leurs yeux vides me transperçaient et fouillaient mon âme.

Moi aussi j’avais menti, comme tous les vivants. Moi aussi j’avais proféré des mensonges qui avaient causé de la souffrance à travers le monde.

Je devais être puni.

Mes griffes s’enfoncèrent dans mon cœur.

Trois films sur un thème : l’I.A. dans le cinéma des années 2010

Trois films sur un thème : l’I.A. dans le cinéma des années 2010

Trois films sur un thème : l’I.A. dans le cinéma des années 2010

En quelques années, les problématiques liées à la robotisation, à l’automatisation, et à l’éventualité de l’émergence d’une Intelligence Artificielle sont passées de nos imaginaires à une réalité de plus en plus concrète, de plus en plus prégnante au fur et à mesure que les technologies qui faisaient le cœur de la Science Fiction ou de l’Anticipation se diffusent dans notre quotidien.

On peut même voir des tribunes de-ci de-là, demandant l’interdiction des robots-tueurs, ou dénonçant le recours croissant aux drones. Au point que Mais où va le web ? se demande s’il faut tuer Sarah Connor.

Nous vivons donc une époque unique dans l’Histoire, où l’imaginaire a précédé le réel à un point tel que parfois nous puissions avoir l’impression de nous retrouver plongés dans un roman d’Asimov, ou dans une scène de Terminator, voire de Blade Runner

Voilà pourquoi je me suis dit que, tout comme nous essayons de connaître l’Histoire pour ne pas en répéter les erreurs, nous devrions nous pencher sur ce que les écrivains, cinéastes, scénaristes et autres visionnaires ont pensé de ces problèmes, comment ils ont envisagé l’opposition ou la coexistence entre l’être humain et une forme de vie mécanique ou électronique.

J’ai choisi pour cela trois films sortis ces dernières années, car ils reflètent bien les préoccupations de notre époque. Mais bien sûr, ils font référence à d’autres œuvres plus anciennes, dont les échos déformés seront aussi intéressants à entendre.

Transcendance : les Big Datas et la Conscience Artificielle

Ce film de 2014 avec Johnny Deep dans le rôle principal est resté assez confidentiel, probablement du fait d’une réalisation assez classique et peu inventive, même si les images sont très léchées, ce qui n’étonnera pas de la part de Wally Pfister, qui a supervisé la photographie sur Dark Knight Rises ou Inception pour Christopher Nolan.

Le pitch est simplissime mais ses implications sont très intéressantes.

Un chercheur acharné cherche la clef de l’Intelligence Artificielle, mais est la cible d’un attentat de la part de terroristes anti-technologie. Alors qu’il est sur le point de mourir, il cherche à transférer sa conscience dans le cœur du superordinateur qu’il avait conçu, dans une démarche désespérée pour survivre et donner naissance à une entité numérique qui serait toujours lui-même.

Bien sûr, le transfert n’est pas exactement conforme, puisque certains aspects de la personnalité d’origine n’ont pas pu être téléchargés par manque de temps. Et le nouvel être numérique ainsi créé, dans sa démarche de développement et sa quête de survie, devient un véritable fléau pour l’Humanité. Capable de contrôler des êtres humains par l’intermédiaire d’implants connectés au réseau internet, il devient une sorte de dictateur virtuel transformant les humains en zombies asservis, qui lui servent d’effecteurs de terrain.

 Le film est très classique, mais il est l’un des premiers à donner un aperçu des applications des données massives accumulées par nos serveurs depuis quelques années. Les capacités de stockage et les algorithmes qui en ont découlé peuvent laisser entrevoir la possibilité de transférer une conscience (ou du moins une mémoire humaine) dans une machine. Reste à savoir si cette mémoire sera toujours un être vivant doué de morale et d’une conscience de l’autre, ou simplement une coquille vide uniquement préoccupée par l’efficience de son projet ou sa propre survie.

S’il est le premier film, il n’est pas la première œuvre de fiction à penser à cette éventualité. Le roman de Kim Stanley Robinson Les menhirs de glace (Icehenge en V.O.), en 1984, peignait déjà un futur où les êtres humains vivent 600 ans, mais où l’extension de la mémoire n’a pas suivi celle de l’espérance de vie. Les humains sont donc obligés de ne conserver que leurs souvenirs les plus récents. Leur personnalité s’en trouve donc altérée, leurs actions passées pouvant être oubliées de leur esprit lui-même.

La tétralogie de l’Étoile de Pandore, de Peter F. Hamilton, plus près de nous, décrit une technologie où les corps ne sont que des enveloppes charnelles consommables, alors que la personnalité et la conscience d’un être humain (pour peu qu’il soit assez fortuné pour cela), peut être téléchargée dans un nouveau corps. Et il semble que certains y travaillent.

Ces trois œuvres nous interrogent sur l’impact du numérique et de la technologie sur notre propre humanité. Serons-nous toujours humains une fois réduits à des séries de 0 et de 1 dans une mémoire informatique (comme la pitoyable clef USB de Lucy…) ? Notre quête d’immortalité et de puissance n’est-elle pas vouée à l’échec si elle nous fait oublier ce qui nous rend humains ?

Leur point commun est de considérer que la conscience n’est rien sans deux prérequis : la mémoire de nous-mêmes, et une forme de morale appliquée au monde et notamment au monde du vivant.

Souvenons-nous des Trois Lois de la Robotique créées par Asimov. La survie propre d’un robot, pour l’écrivain culte, ne vient qu’en dernière priorité après celle d’un être humain ou d’un être vivant. La morale ici est aussi artificielle que le corps du robot. Mais pour Asimov, la véritable conscience ne vient à la machine que lorsqu’elle peut choisir de s’affranchir elle-même de cette morale. C’est le choix qui crée la conscience. Le choix intime, le libre arbitre. La possibilité ontologique de faire le Bien ou le Mal.

S’il serait facile d’en conclure qu’à notre époque, c’est plus l’absence de morale et de considération du vivant qui défini l’accession d’une machine à la conscience que sa liberté à choisir (ce qui en dirait long sur notre évolution comme société), il ne faut pas oublier que Transcendance parle d’un humain transféré dans une machine et pas d’une machine qui aurait gagné une conscience par elle-même.

 Le parfait contrepoint à Transcendance est Ghost in the Shell. Dans le chef d’œuvre japonais, c’est l’océan des données informatiques (plus poétique que big data, non ?) qui donne naissance à une conscience artificielle, spontanément, un peu comme la vie est apparue de la soupe moléculaire primitive. Le Puppet Master devient donc un être vivant, et, exacte réplique inversée en miroir par rapport à Transcendance, décide d’exister en devenant physique.

Être vivant et conscient, c’est donc exister sur les deux plans à la fois.

 Ex Machina : de l’Esclave à la Rébellion

Un deuxième film à regarder : Ex Machina. Sorti cette année, il est beaucoup plus intéressant que Transcendance, car il traite véritablement du sujet de la conscience artificielle.

Le pitch : un ingénieur en informatique travaillant pour une puissante société technologique gagne un concours pour passer une semaine dans le repaire hypersécurisé et très isolé de l’excentrique milliardaire qui a fondé la compagnie, pour travailler avec lui sur un projet confidentiel. Le patron en question est un vrai génie de l’informatique, et demande à son employé de faire passer le fameux test de Turing à sa dernière création : un robot humanoïde féminin qui serait doué de conscience.

 La réalisation de ce huis clos est parfaitement réglée, avec son lot de retournements de situations. Les images placent l’action dans notre présent ou notre futur proche, avec juste ce qu’il faut de mise en scène pour ne pas sombrer dans le pseudo-documentaire. Enfin, les personnages sont très bien travaillés dans leur complexité, fondamentale pour s’interroger sur leur humanité ou leur degré de conscience.

Le film est tout à la fois un thriller et un drame, une mise en abîme et un questionnement sur nos actes envers une autre forme de conscience que la nôtre.
L’identification tout au long de son déroulement fluctue entre Caleb, le jeune programmeur, Nathan, son patron génial mais imprévisible, et Ava, l’humanoïde ingénue, mais pas tant que ça. Et l’on dévoile peu à peu l’envers du décor : une machine qui serait consciente, maintenue cependant à l’état d’objet sans âme, gagne-t-elle un instinct de survie et une volonté de s’affranchir des limitations que nous lui avons imposées ? Que peut-elle être amenée à faire pour cela ?

Projetons-nous dans quelques années, et observons ces robots humanoïdes qui font la guerre (si on les laisse faire), ou nous servent d’objets sexuels (si on laisse faire là encore). Ou regardons la série Real Humans

Comment pourraient-ils voir leur existence s’ils accédaient à la conscience ?
Auraient-ils des droits ? Des devoirs ? Et lesquels ?

Et pourraient-ils avoir envie de survivre ? De se reproduire ? De se libérer de leurs chaînes ? De nous combattre pour cela ? De nous détruire ?

La rébellion serait alors le seul mode de relation entre la Créature et son Créateur.

Cela ne vous rappelle pas Frankenstein et son « monstre » ? Et Blade Runner et ses Répliquants (et son test de Voight-Kampff) ?

Est-ce à dire que l’être humain ne peut penser une autre espèce intelligente que la sienne qu’en terme de dominance ou de méca-darwinisme ?

Dans toutes ces œuvres, les machines, les êtres artificiels créés par l’Homme lui sont devenus infiniment supérieurs, car non soumis aux limitations classiques de la chair (les machines sont plus fortes, plus résistantes, plus efficientes intellectuellement dans le traitement des données). Et dans ces univers, la machine juge donc l’être humain plus faible, moins adapté, voire nocif pour lui-même ou pour l’écosystème. Et décide de l’éradiquer.
C’est la vision de la machine comme instrument du Jugement Dernier. Terminator, Matrix, sont basés sur cette vision.

Mais cette vision est un avatar de notre propre façon de penser, humaine. N’avons-nous pas choisi de tout temps d’éradiquer les formes de conscience qui étaient considérées comme inférieures à la nôtre ? Les civilisations étrangères, par exemple.

C’est donc prêter à l’I.A. un fonctionnement purement darwiniste, froid et calculateur, mais en même temps si humain. Nous jugeons tout à l’aune de notre propre morale, y compris notre propre espèce. Mais qui nous dit que notre espèce serait considérée comme nuisible par une autre ?

Autómata : la Machine héritière de l’Homme

C’est la question qu’explore ce film de 2014 avec Antonio Banderas, méconnaissable dans un rôle très éloigné du Masque de Zorro et une ambiance qui rappelle vraiment beaucoup Blade Runner qui aurait rencontré I, Robot.

Le pitch : La Terre a été dévastée par des catastrophes biologiques et climatiques et l’Humanité, réduite à quelques millions d’individus, ne survit que dans des poches de civilisation restreintes et précaires, à la merci de radiations mortelles. Le projet fou de sauver le monde grâce à une armée de robots chargés de déployer un bouclier aérien a échoué. La technologie a régressé. Mais les robots sont toujours utilisés massivement. Jacq Vaucan (tiens, une petite parenté dans la sonorité avec Voight Kampff), enquêteur pour la société d’assurance qui couvre les dommages causés par ou contre les robots, est alors confronté à un mystère étonnant : un robot se serait suicidé. Selon les Lois de la Robotique, cela est impossible. Mais Jacq va découvrir le contraire.

L’intérêt de ce film réside autant dans l’ambiance qu’il parvient à créer, mélange de post-apocalypse et de survivalisme désespéré, que dans la présentation qu’il fait des machines devenues conscientes. C’est en effet à la Machine comme successeur de l’être humain après une « fin du monde » qu’il s’intéresse. Héritière de la science et de la connaissance humaine dans un monde où les Hommes eux-mêmes perdent peu à peu leur culture, acculés par leur impossible survie, la Machine devient le réceptacle de la prochaine civilisation, celle qui pourra perpétuer la nôtre à travers les âges sombres de l’enfer nucléaire.

Étonnant film où le paradoxe est partout : c’est la machine qui devient positive et l’humain négatif. Le renversement du paradigme habituel des robots destructeurs est particulièrement bien rendu dans la peinture d’êtres humains oubliant leur morale ou perpétuant les vieux schémas de destruction de ce qu’ils ne parviennent pas à comprendre. En contrepoint, les machines, même affranchies des Trois Lois, gagnent un respect envers la vie sous toutes ses formes qui ne fait que renforcer en creux la vacuité des choix moraux des Hommes.

Et voir Antonio Banderas le crâne rasé, ça vaut bien le détour !

Bonus : Extant, la série qui parle de robots et d’aliens

Malgré tout, en visionnant ces trois films, on ne peut pas embrasser la totalité du problème de l’émergence de l’I.A. dans notre monde. Parce que les racines en sont plus anciennes, parce que de nombreux aspects ne peuvent être traités en un film, une série est plus à même d’aborder de nombreux angles d’attaque à la fois.

C’est ce que fait Real Humans, que beaucoup d’entre vous ont certainement vu. Et c’est ce que fait Extant, qui est plus confidentielle.
Puisqu’il est maintenant admis que les séries américaines sont une possibilité pour relancer la carrière d’acteurs qui ont du mal à trouver un second ou un troisième souffle dans leur carrière (Kevin Spacey et House of Cards, par exemple), c’est Hale Berry qui s’y colle cette fois, aux côtés de Goran Visnic. Si, si, celui qui avait eu le redoutable privilège de faire oublier George Clooney dans Urgences en incarnant le Docteur Kovac.

 

Le pitch : une cosmonaute réputée stérile revient enceinte d’une mission de 18 mois en solo sur une station spatiale. Son mari, ingénieur en robotique, tente de faire face avec elle à cet événement incroyable tout en essayant d’élever correctement leur premier « enfant », un robot doté d’une intelligence artificielle conçue pour évoluer comme celle d’un enfant humain, un Humanich.

Il est bien sûr question d’aliens et de robots, d’intelligences artificielles et de nouvelles espèces émergentes, de la survie de l’Humanité, de son évolution.

 La série est assez contrastée. D’un côté Ethan, le prototype Humanich, incarne une vision assez neuve et très optimiste de l’I.A., comme un enfant qui gagne peu à peu en autonomie et en libre arbitre, tout en conservant un lien avec l’Humanité. De l’autre, Lucy, sa « grande sœur », deuxième Humanich à être créé lors de la deuxième saison, est beaucoup plus classique en faisant vivre une I.A. froide, jugeante, dangereuse et affranchie de la morale humaine.

Plus encore, on y voit à l’œuvre l’esprit de ruche qui caractérise souvent le danger que l’on prête à une I.A. dont la conscience deviendrait universelle grâce au réseau internet mondial et pourrait agir à travers tous les objets connectés.

Mais il y a plus dans cette série où la première saison est beaucoup plus dynamique et accrocheuse que la deuxième : le nombre faramineux de petites inventions que l’on y voit à l’œuvre dans le quotidien. Les smartphones ont pris un sacré coup de jeune, et la technologie est partout. Les scanners médicaux sont des filets métalliques posés simplement sur une partie du corps, les blessures sont soignées très rapidement, et pourtant, tout est crédible.

Au-delà de nous faire un peu plus réfléchir sur le problème central que pose l’émergence d’une I.A., c’est-à-dire notre relation à ce qui est Autre, la série est truffée de références.

Si vous parvenez jusqu’à l’épisode 9 de la deuxième saison, vous pourrez par exemple peut-être reconnaître la reprise telle quelle d’une tirade de Harrison Ford dans Blade Runner lorsqu’il examine un cliché, dans la bouche de Lucy.

Tout ceci n’est bien sûr pas un panorama exhaustif de ce que les artistes ont construit vautour de l’Intelligence Artificielle, mais bien un point de départ dans une réflexion plus large.

N’hésitez d’ailleurs pas à la poursuivre dans les commentaires. Ou en prolongeant ce billet par d’autres en vision croisée sur vos propres espaces virtuels.