Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)

Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)

Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)

Comme je le dis souvent, aimer écrire, c’est d’abord aimer lire. Je ne fais pas exception à cette règle-ci. Si je pouvais, je lirais plus encore que je ne puis le faire actuellement. Je rêve de retrouver le temps où je pouvais passer des journées entières plongé dans les pages d’un bon roman, ou des nuits, d’ailleurs…

Cependant, avec les années, l’expérience, l’âge, mais aussi avec la profusion de livres publiés chaque année, je crois que nous sommes tous confrontés à un paradoxe fondamental : il y a de plus en plus de bouquins à lire, mais sans doute devenons-nous plus difficiles (en tous les cas je deviens plus difficile). Car il y a de moins en moins d’ouvrages qui me transportent vraiment, ou simplement qui me font vraiment envie, et comme j’ai moins de temps pour lire, je suis parfois paralysé…

Comment choisir ?

On peut, comme moi, s’en tenir à son intuition. C’est parfois un bon indicateur. Pas toujours.

On peut, comme avant, choisir de faire confiance à une maison d’édition (par exemple, je suis assez fan des productions des Moutons électriques, ou de l’Atalante, comme de certains auteurs chez Bragelonne). Mais ça ne suffit pas non plus, car si l’on refuse de sortir des sentiers battus, on ne découvrira pas des auteurs qui ont fait un autre choix que ce circuit-là, comme l’ami Olivier Saraja.

Alors nous avons trouvé, poussés en cela par les grands acteurs de la distribution, mais aussi par une tendance de fond de la société, divers moyens pour nous aider à choisir, puisque ni la couverture ni la quatrième de couverture ne sont plus suffisantes pour nous guider vraiment, et parce que nous nous sommes éloignés de nos libraires. Ces derniers pourtant pouvaient apprendre à connaître nos goûts et devenir nos initiateurs vers une œuvre, un auteur, un genre. Eux aussi, cependant, sont pris dans le courant de cette lame de fond. L’abondance.

Pour pallier ce manque, nous nous sommes tournés vers des concentrateurs, des diffuseurs présents partout, comme Amazon. Puis vers des influenceurs, des blogueurs, des booktubeuses et des bookstagrammeuses. Enfin vers des réseaux sociaux, comme Goodreads, par exemple.

Ces systèmes ont un commun un postulat de base : la recommandation se fondera sur des avis argumentés et sur une note.

Les avis et critiques se multiplient donc, ce qui est une bonne chose. Encore faut-il qu’ils soient sincères et vraiment structurés. Ce n’est pas toujours le cas sur des sites comme Amazon, car les livres n’échappent pas au biais des avis «ouais c’est nul» ou «trop d’la balle», que nous avons tous croisés dans nos pérégrinations sur le site marchand.

Les notes se multiplient aussi.

Elles servent à construire une note globale à partir des avis des lecteurs/acheteurs sur Amazon, note globale qui entrera dans un algorithme censé cerner vos goûts et vous recommander d’autres œuvres similaires.

Elles servent à guider rapidement le lecteur potentiel sur les critiques construites des booktubeuses et des blogueurs littéraires. Ce sera la même chose, le même rôle, sur Goodreads ou Babelio.

C’est donc souvent une note qui va déterminer le «sex-appeal» du livre que vous convoitez. Et c’est cette note qui va influencer votre décision de l’acheter ou pas, de le lire ou pas.

Où est donc le problème, me demandera-t-on (ou pas) ?

Le problème, pour moi, a à voir avec l’idée de norme qui sous-tend tout notation chiffrée

Que l’on s’entende bien, je comprends l’intérêt des notes dans le cadre scolaire, pour nous aider à nous situer par rapport à l’acquisition de certains savoirs, de certaines compétences. Je suis un joueur de jeu de rôle, après tout, et la notation des caractéristiques et compétences de mes alter ego de papier ne me pose aucun problème philosophique. Que ce soit sur 5 dans les systèmes du World of Darkness (comme d’ailleurs les notations sur Amazon et consorts), sur 18 comme dans l’ancêtre D&D, ou sur 100 comme dans les jeux construits sur le Basic System de Chaosium, les notes attribuées aux capacités des personnages permettent de les situer dans une norme et de mesurer leurs aptitudes facilement.

J’ai par contre beaucoup de mal, et de plus en plus, à concevoir qu’une œuvre artistique ou culturelle puisse être notée, donc jugée en référence à une norme, fût-elle la norme du plaisir qu’elle procure.

Et j’aimerais m’en expliquer ici.

La notation, la note & l’algorithme

Une note n’est en effet jamais un chiffre isolé.

Si je dis que j’attribue 4 étoiles au dernier livre que j’ai lu, cela aura un sens différent si la note maximale possible est 5 ou 100. Le chiffre que j’attribue, ce nombre d’étoiles, est donc toujours contenu dans une échelle dont le minimum et le maximum sont connus par convention. Il est donc indissociable d’une référence.

Cette référence peut être très personnelle (je peux décider de noter sur 4, sur 5, sur 8, sur 10, sur 20, sur 100, cela ne changera que l’estimation que j’aurai de la valeur attribuée sur l’échelle choisie). Je peux aussi décider que 0 est la note la plus basse, ou bien que l’on pourra noter seulement à partir de 1, ou même que la note peut descendre à -1 ou -10.

Et pourtant, comme cette échelle est une référence, elle va devenir l’aune à laquelle je vais mesurer toutes les œuvres comparables. Tous les livres, toutes les séries par exemple. Et si elle me fournit un cadre reproductible, elle va devenir également une référence pour d’autres. Car lorsque je voudrai partager mon ressenti avec d’autres (comme sur Amazon par exemple), je vais devoir le faire en adoptant une référence. La mienne ou celle de mon interlocuteur. Dans les deux cas, la référence choisie fournit un cadre qu’il sera tentant de reproduire pour pouvoir bien se comprendre.

Je vais donc de fait créer une norme.

Ou m’y conformer si je choisis d’utiliser le système de notation d’Amazon en nombre d’étoiles sur 5, par exemple.

Norme naturelle contre norme culturelle

Depuis les deux articles sur le quantified self en médecine que j’ai commis sur ce blog, vous savez que je fais modérément confiance aux normes dans le domaine de la santé.

Dans celui des œuvres artistiques ou culturelles, je ne fais pas que m’en méfier : je les trouve vérolées dès le départ. Car il existe une grande différence entre les normes issues des systèmes de notation et celles issues de la mesure de la Nature : la possibilité de s’en écarter.

Dans la Nature, comme nous en avons discuté avec le quantified self, la norme est déterminée par la proportion d’individus dont la note se situe sur un nombre donné. La représentation de cette norme sur un graphique va donc être une courbe de Gauss, car un nombre non négligeable d’individus vont s’écarter naturellement de la note moyenne, parfois de façon forte, dans un sens ou dans l’autre. Il sera donc possible de trouver des individus exagérément grands ou exagérément petits par rapport à la norme. Il sera même possible de sortir des valeurs «normales» pour être considéré comme exceptionnel ou pathologique.

Dans un système de notation chiffrée des œuvres artistiques ou culturelles, on ne peut pas sortir des valeurs qui bornent l’échelle. On ne peut pas noter un livre que l’on trouve extraordinaire comme ayant 6 étoiles sur Amazon, ou descendre en flammes celui que l’on trouve vraiment trop mauvais en lui donnant une note de -3 étoiles.

Le défaut inhérent à toute échelle de notation fermée est donc celui-ci : toutes les œuvres sont notées selon un pied d’égalité par rapport à une attente standardisée, un barème en quelque sorte.

C’est ce qui me gêne profondément : les critères de notation.

Car tout cela sous-entend que l’on peut juger d’une œuvre suivant des critères précis, reproductibles, standardisés.

Le mythe de l’objectivité en matière artistique, un mythe totalement antinomique pour moi.

Objectivité de façade, subjectivité inavouée et non assumée

Soyons clairs.

Je suis un esprit scientifique, formé à la compréhension du monde à travers des faits reproductibles, et je pense fermement que c’est la meilleure façon que l’Humanité ait pu trouver pour expliquer le monde et le décrire, car cette vision permet de construire découverte après découverte des fondations solides pour apprendre comment fonctionne l’univers qui nous a fait naître.

Pourtant, si les lois de la Nature sont scientifiques, mathématiques, physiques, il reste à prouver que les «lois artistiques» aient une réelle existence. Malgré la création récente d’Intelligences Artificielles capables de pondre des textes longs (romans par exemple) ou des tableaux, avec un certain succès, il reste une chose que l’on ne maîtrise pas : l’appréciation individuelle des qualités intrinsèques d’une œuvre, par la résonnance unique qu’elle va créer chez la personne qui va la recevoir.

Une œuvre artistique ou culturelle c’est essentiellement un discours sur le monde, une façon de l’interpréter, non plus de façon objective et froide comme une théorie scientifique, mais au contraire en y mettant toute la subjectivité possible de l’auteur ou de l’autrice. Cette interprétation, cette vision unique du monde, est inscrite dans l’œuvre, parfois au corps défendant de son créateur, de par des événements de vie qui vont avoir façonné sa manière de considérer la vie, la mort, l’univers.

À l’autre bout de la chaîne, le lecteur ou la lectrice va percevoir ce message, et il va entrer en résonnance avec son propre parcours, ses propres attentes, ses propres désirs, craintes, traumatismes, espoirs, forces, faiblesses. Bref, avec toute une galaxie d’étoiles, et non pas seulement 5…

La tentative de noter une œuvre selon des critères bien définis ressemble donc pour moi à vouloir faire entrer un rond dans un carré, ou toute une galaxie dans une pierre précieuse. Même si cela peut vous rappeler le twist final d’un film montrant deux hommes en costume noir dont l’un est Will Smith, je crois qu’on y perd fatalement quelque chose.

Que se passe-t-il donc quand on impose à quelqu’un ou que l’on s’impose à soi-même de noter sur 5 ou sur 100 une œuvre ?

On s’oblige à renoncer à la complexité, à la nuance, à notre propre système de valeurs, pour faire coller notre ressenti, le transposer, dans un système de notation qui nous est plus ou moins étranger.

On va engager une estimation, une approximation, du résultat.

Peut-être que la réalisation du film était superbe, mais que le scénario était faible. Combien ça vaut ? Un 3 sur 5 ? Mais si pour moi un film c’est d’abord un scénario, est-ce que ça ne vaudrait pas plutôt 1 sur 5 ?

L’estimation, l’approximation, va se faire donc avec une réelle subjectivité.

Et l’on arrive au paradoxe ultime.

On construit un système de valeur censé être totalement objectif, à savoir une note chiffrée recoupée statistiquement par des algorithmes robustes que l’on juge représentatifs car dégageant des tendances grâce à la puissance du nombre de réponses.

Mais on le construit à travers une telle variété d’échelles individuelles totalement différentes et parfois opposées les unes aux autres, qu’on le base sur la plus grande des subjectivités.

En gros, on construit la Tour de Babel avec des moellons en guimauve.

Fatalement, l’édifice a quelques défauts…

Le plus grand est de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : nous faire croire que l’objectivité est possible en matière artistique.

Je défends la thèse inverse : l’Art est une subjectivité qui rencontre une multitude d’autres subjectivités.

L’Art est pure subjectivité.

Pourquoi ne pas l’assumer ?

La réponse est simple : parce que tout le système de notation ne sert qu’à une chose. Vendre.

Le nerf de la guerre

Là encore, une petite mise au point s’impose.

Je trouve que diffuser une œuvre le plus largement possible est souhaitable, et donc la vendre, même contre rien, aussi – une œuvre gratuite se vend quand même, si, si, il faut convaincre l’autre de la lire ou la regarder, et ce n’est pas si facile même quand c’est gratuit, ou surtout quand c’est gratuit, d’ailleurs.

C’est non seulement souhaitable, mais c’est in fine le but réel de toute œuvre artistique ou culturelle.

Car si l’Art est pure subjectivité, l’Art est aussi pur partage.

Ce que chaque œuvre exprime est fait pour toucher l’autre. Pour que cette vision unique du monde soit vue par d’autres, qui l’adopteront, l’aimeront, la contempleront simplement, ou la rejetteront.

Et si l’artiste peut vivre décemment grâce à ce qu’il ou elle produit, c’est encore mieux. C’est la reconnaissance par la société de son travail, de son métier. Car créer est aussi un métier pour beaucoup. Un vrai métier.

Et comme tous les métiers, il doit permettre à celui qui l’exerce de vivre dignement.

Donc vendre son œuvre est un objectif noble.

C’est la manière dont la notation systématique et l’utilisation extensive des algorithmes ont transformé les moyens d’atteindre cet objectif qui me gêne.

Le système dont j’ai démontré plus haut l’incohérence (faire croire à une évaluation objective d’une œuvre sur des critères purement subjectifs par essence) n’a comme finalité que de vendre en essayant d’attirer le lecteur (ou le spectateur) par un biais que je rapprocherais volontiers du biais cognitif connu sous le nom d’effet de mode, ou du biais d’influence sociale. Il voudrait que plus la note est élevée, plus le nombre de personnes qui sont censées avoir donné une bonne note est élevé, et plus l’on va avoir tendance à penser que le livre (ou le produit) va nous convenir.

Alors qu’il n’en est rien.

La note est là pour nous influencer, puisque c’est ce que nous lui avions demandé.

Mais elle le fait avec de mauvais arguments.

Elle nous influence en nous trompant sur ce qu’elle représente.

Pour une autre façon de mettre une œuvre en avant : la diversité des points de vue

La note est donc, je crois, une mauvaise façon d’apprécier un livre, une série, un film, toute autre œuvre artistique ou culturelle. J’oserais même dire que la note est une mauvaise façon d’apprécier aussi les services ou les gens, mais tel n’est pas le propos ici, et je me limiterai pour cet article à conclure sur le sujet artistique seul.

Et cependant, nous en revenons au dilemme présenté en introduction : comment s’y retrouver parmi tous les titres existants et à venir, comment choisir notre prochain bouquin ?

J’ai bien une proposition à faire, qui n’est pas actuellement mise en œuvre, et qui pourtant aurait la possibilité de l’être.

Et je vais vous surprendre ou vous choquer après tout le discours qui précède : elle dépend de la puissance des algorithmes.

Mais bien sûr, ces algorithmes ne seraient pas basés sur une note attribuée subjectivement par les lecteurs ou les lectrices.

Si l’on revient au but recherché, c’est plus simple à comprendre.

Ce que je demande est de trouver des livres susceptibles de me plaire, avec une certaine incertitude également. Car parfois, un livre peut me toucher alors qu’au départ ce n’était pas gagné.

Je cherche des recommandations.

Celles que font pour moi Amazon, ou même l’algorithme de Goodreads ne me conviennent pas, car elles sont basées en partie sur les notes obtenues par les œuvres qui potentiellement pourraient entrer dans mes genres littéraires de prédilection.

Comment alors se passer des notes pour concevoir des recommandations de lecture plus justes ?

Se servir des avis structurés des lecteurs, des blogueurs, des booktubeuses, des bookstagrammeuses.

Chaque critique structurée n’est autre qu’un texte, que des algorithmes pourraient explorer, pour en extraire des adjectifs récurrents censés décrire une œuvre à travers les avis qu’elle recueille sur différents supports.

  • Par exemple, l’algorithme va chercher sur internet tous les avis construits sur Le Choix des Anges (il ne va pas en trouver beaucoup, c’est vrai). Il va en extraire une liste d’adjectifs avec un indice de récurrence pour chacun. Puis il va construire un profil évolutif du livre suivant les avis recueillis.
  • Lorsque je vais avoir lu un livre, j’indique simplement à l’algorithme si le livre a répondu à mes attentes ou pas. Dans les deux cas, je peux rédiger un avis structuré et écrit, qui viendra enrichir l’algorithme.
  • Et en se basant sur le profil du livre que je viens de terminer, il peut comparer avec sa base de données, et sortir une liste d’œuvres qui contiennent des adjectifs similaires.
  • Au fil de mes lectures, l’algorithme va apprendre ce qui a le plus de chance de me plaire et va donc affiner ses suggestions et recommandations.

Mais pour introduire un peu de variété et me permettre de découvrir quelques pépites qui lui échapperaient (au cas aussi où mes goûts changent), l’algorithme pourrait faire une pondération en fonction d’un indice que je fixerais dans mes préférences. Un indice baptisé «surprends-moi» noté, lui, par contre, de 1 à 10. Ce serait la variabilité que l’algorithme pourrait s’autoriser afin de faire des recommandations hors champ de mes goûts stricts.

On peut aussi garder une certaine couche de recommandations sociales (car les meilleurs influenceurs, ce sont souvent les vrais amis qui ont les mêmes goûts que nous) comme on peut déjà le faire avec Goodreads.

Des recommandations idéales

Bref, mon système idéal serait basé sur trois listes de recommandations.

  • Une liste algorithmique pure extraite des lectures qui m’ont touchées et construite d’après l’analyse des adjectifs utilisés par d’autres lecteurs pour chroniquer ou critiquer le livre.
  • Une liste de recommandations «surprises» basée sur une variabilité suivant des critères que je fixerais librement (genre littéraire, longueur du texte, sujets, etc.).
  • Une liste de recommandations sociales issues des chroniques de lecteurs que je suivrais (booktubeuses, blogueuses littéraires, contacts sur Goodreads).

Tout ceci n’existe pas encore, hélas.

Mais si certains d’entre vous s’y connaissent en algorithmique, en exploitation des big datas et en programmation, je suis disponible pour créer une startup… 😉

Ma ligne de conduite : comment je fais pour vivre sans donner de note

En attendant ce système (qui aura certainement des défauts lui aussi), j’ai donc résolu de ne plus noter de façon chiffrée les livres que je lis, les séries ou les films que je vois.

Je ne désire pas entretenir l’habitude que nous avons tous prise de noter tout et n’importe quoi à tout bout de champ. Je ne donne donc plus aucune note.

Et si j’ai un avis tranché, je l’écris en bon français, et j’en fais profiter l’auteur ou l’autrice d’abord, et mes camarades ensuite.

Car de mon point de vue, les algorithmes actuellement en place n’ont aucune valeur, et je ne désire pas cautionner leur fonctionnement en entrant dans le moule. Je suis conscient de fausser ainsi les choses, de façon marginale car je ne suis pas un grand influenceur, mais peut-être suffisamment pour que d’autres suivent mon exemple, ou peut-être – qui sait ? – pour que d’autres systèmes de recommandation soient créés.

La réalisation de livre (problématique de « l’autoédition »)

Reste un problème majeur dans cette posture que j’ai décidé d’adopter : ne plus noter les livres dits autoédités, c’est faire perdre de la visibilité à mes camarades qui ne disposent que du système de notation d’Amazon pour se faire connaître et toucher leur lectorat.

Nombreux sont en effet mes pairs à dépendre du système de notation pour être mis en avant par la plateforme et être proposés dans les recommandations faites à des lecteurs qui ne les connaissaient pas auparavant.

Ne plus noter, c’est leur faire perdre des chances.

Que faire alors, si je ne veux pas cautionner le système tout en essayant d’aider ces auteurs et autrices à trouver leur public ?

Mettre systématiquement la note maximale.

Là encore, je sors du cadre de référence, sciemment, en faussant la note globale en faveur de l’auteur, et en montrant que le système est basé sur une incohérence. Et je donne un coup de pouce à celui ou celle qui s’est démené pour écrire son bouquin. Il se peut même que ma note maximale ne soit pas en accord avec ce que j’ai pensé du livre. Qu’à cela ne tienne : je rédige un avis qui éclairera ma critique, mais je laisse le nombre d’étoiles maximal, la note maximale, pour que le livre gagne en visibilité.

Ainsi, je ne pénalise pas les réalisateurs et réalisatrices de livres.

La Société des Lectures Analogiques

Si vous trouvez une certaine résonnance entre vos propres valeurs et ce que je viens d’exposer, alors vous êtes prêts à entrer dans la Société des Lectures Analogiques, qui défend la liberté d’apprécier un monde qui parle avant tout en mots, et non en chiffres.

Les inscriptions sont ouvertes sous les commentaires !

Bientôt, nous serons le monde.

Bientôt…

J’espère…

Vous êtes là ?

Ouh ouh ?

Il y a quelqu’un ?…

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Projet : Rocfou

Projet : Rocfou

Projet : Rocfou

J’ai déjà évoqué en quelques mots le nouveau projet qui occupe mon esprit littéraire en cette année 2019.

Comme toujours, il m’a fallu mûrir et digérer nombre d’influences afin de parvenir à une idée suffisamment claire pour savoir ce que je voulais vraiment exprimer. Cette digestion a commencé il y a des années, et elle continue son œuvre même maintenant, alors que je pose enfin les briques de ce que sera Rocfou. C’est un travail qui se fait pour une large part dans l’ombre, dans des impressions, des idées qui surgissent sans crier gare, des intuitions sur ce qui pourrait bien faire corps avec le reste de la recette, sur des envies et des coups de cœur.

Comme tout travail de créativité, ses détours sont sinueux et surprenants.

Et c’est parce que j’ai toujours aimé découvrir les coulisses de cette créativité, un peu comme les making of du cinéma, que j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui de la façon dont ce projet, Rocfou, évolue, grandit, régresse parfois pour mieux rebondir ensuite.

J’aime à penser qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, possède une vie propre. Ce n’est certes pas une vie au sens premier du terme, encore que le concept me séduise grandement, mais tout comme un être vivant, la création se nourrit et croît. Elle peut aussi se voir empêchée par une affection, se développer plus rapidement grâce à de bons soins, elle peut se tromper de chemin parfois et trouver des raccourcis qui lui feront emprunter des sentiers plus ardus ou plus aisés.

C’est de quelques-uns de ces aspects pour Rocfou dont je voudrais vous parler aujourd’hui.

Au commencement était le jeu de rôle

La genèse du projet Rocfou commence il y a une bonne dizaine d’années, un soir chez Obi-Wan, en présence de Sixte et de Phil. Nous évoquons les univers de jeu de rôle que nous aimerions explorer, et la fantasy vient naturellement.

À cette époque, nous avions envie d’une sorte de fantasy légère, et l’idée d’un groupe de trois antihéros émergea assez naturellement. Deux personnages seraient frères, l’un fragile, fantasque et intellectuel, devenu moine bien malgré lui, et le deuxième une sorte de colosse chevalier sans trop de subtilité, mais héritier du titre de noblesse de la famille. Le troisième larron serait l’écuyer du colosse, une sorte d’aventurier cynique volontiers filou à ses heures.

Ainsi naquirent Étienne et Eustâche, les deux rejetons de la lignée mal famée des Rocfou, et Béric, leur compagnon d’aventure.

Autour d’un verre, nous avons rapidement brossé les traits de ce que devrait être le monde dans lequel ils évolueraient, des piliers qui sont encore aujourd’hui à la base de mon projet.

  • Une époque ressemblant un peu à l’Europe mérovingienne, sous l’influence de la chanson de Roland et des légendes celtiques.
  • Une magie rare et peu puissante, d’autant plus crainte qu’elle n’est plus qu’un souvenir dans l’esprit des gens, une vague superstition, une rumeur de sorcellerie.
  • Une religion monothéiste peinant à se frayer un chemin dans des croyances bien plus anciennes et très ancrées dans la population.

Sixte nous a concocté un premier scénario. Son frère Phil s’est entiché de Béric, Obi-Wan a donné corps à Eustâche, pendant que je me suis glissé dans la peau d’Étienne, le frangin érudit et un peu magicien sur les bords, soupçonné d’avoir du sang féérique, et moine défroqué venant arracher son aîné à ses obligations de Seigneur de Rocfou pour partir à l’aventure.

Le trio d’antihéros en a ainsi vécu quelques unes, d’aventures, de joutes en tournois, d’intrigues de palais en mystères ruraux, jusqu’à ce que le temps fasse son effet et que nous passions à autre chose.

Entre temps, nous avions développé leur histoire, compris quelle était l’origine du nom des Rocfou, et les trois personnages sont restés dans nos esprits, un peu comme d’anciens camarades que l’on a perdu de vue depuis longtemps, mais dont on aime à se rappeler les noms et les souvenirs qui nous lient à eux.

Le temps a passé.

La fantasy a été marquée par Game of Thrones avec le succès de la série, et je me suis pris à imaginer ce que l’on pourrait montrer différemment. Comment une saga de fantasy avec des intrigues politiques, des dragons, des dangers, une magie ancienne et oubliée pourrait susciter une autre ambiance.

Et puis j’ai découvert Symbaroum, grâce à Jérôme, l’un des nouveaux compagnons de notre table de jeu.

Ce fut une révélation. Il ne manquait à Rocfou qu’une touche de dark fantasy pour devenir une histoire véritablement marquante. Cela changeait un peu la tonalité d’origine, résolument légère, presque parodique, «à la Willow».

Mais cela me permettrait de développer certaines idées qui me sont chères depuis longtemps, et qui dormaient dans un coin de mon esprit. Un peuple des Fées plus conforme à la tradition celte : étrange et inquiétant, imprévisible et cruel, même dans ses bienfaits. Le prix de la magie. Le prix des légendes, de la connaissance comme de l’ignorance. Et la gémellité, cette obsession qui me suit depuis ma tendre enfance, ce mystère qui me fascine alors que je ne l’ai jamais vécu puisque je n’ai pas de jumeau.

Il sera donc question de tout cela dans Rocfou, mais d’autres choses encore qui me sont apparu au fil du temps.

Tout cela grâce, au départ, à un univers de jeu de rôle…

La construction d’un monde

Toute histoire commence par la création d’un monde. Même celles se déroulant dans notre réalité impliquent de concevoir le monde intérieur des personnages, comme leur environnement immédiat, leurs relations, leurs désirs. Le travail est juste plus vaste lorsque l’on décide de raconter une histoire se déroulant dans un monde imaginaire.

J’avais déjà de bonnes bases en reprenant ce que le groupe de jeu avait construit au fil des années, et que j’avais moi-même enrichi pour mon plaisir, mais le propos de départ ayant changé, le monde ne pouvait pas être repris à l’identique. Il avait tout autant besoin d’être approfondi et harmonisé afin que sa cohérence interne en soit renforcée.

Je suis donc pratiquement reparti du début, en gardant à l’esprit les principes exposés plus haut.

Pour cela, j’écris ce que les scénaristes de séries télévisées appellent une bible. Il s’agit d’un document qui sert de référence constante et qui détaille l’univers dans lequel l’intrigue va évoluer.

Cette bible se constitue d’abord par des notes jetées en vrac dans un carnet, qui dans mon cas est numérique, ce qui me permet de retraiter chaque note dans différents environnements de travail (carte heuristique, liste, etc.) sans avoir à tout ré-écrire à chaque fois.

J’approfondis chaque note par un texte explicatif, parfois relié à d’autres points, et pour cela j’utilise Scrivener. Sa faculté à créer des liens internes et à organiser des dossiers et fichiers hiérarchisés m’aide énormément. En plus, j’ai la bible constamment à portée de main quand je rédige, et cela me fait gagner un temps fou.

J’organise certaines notes entre elles avec une architecture visuelle en carte heuristique avec Scapple, surtout lors de la conception de l’intrigue.

Et pendant tout ce travail, je visualise le monde physique dans lequel vont évoluer mes personnages en recherchant des images qui pourront soutenir mes descriptions, et surtout en le cartographiant. Car depuis longtemps on sait qu’on ne connaît bien un monde que si on est capable de s’y orienter. Depuis le périple d’Ulysse, puis les cartes du tendre du XVIIe siècle jusqu’à la Terre du Millieu de Tolkien, il n’est pas de monde imaginaire ou légendaire qui ne se construise en fixant des côtes, des cités, des montagnes et des mers. Même lorsque ces cartes ne sont ensuite pas livrées au public pour plonger le lecteur dans une époque où ce que l’on savait du monde était parcellaire et rapporté par d’autres, l’auteur doit les tracer pour devenir un véritable démiurge.

C’est ainsi que la construction du monde de Rocfou se fait pas à pas.

Bien entendu, tout n’est pas fixé d’emblée, et il reste de nombreuses zones inconnues, même pour moi. Je ne fais au départ que tracer les grandes lignes de ce qui sera le cadre de l’intrigue. Comme tous les rôlistes le savent, il vaut mieux partir de ce qui est le plus proche des protagonistes, et agrandir le cadre au fur et à mesure, si l’on excepte les grands principes qui dirigent le monde lui-même, comme la nature de la magie, la religion, la culture des peuples. Même si tout cela est brossé un peu grossièrement.

Les détails prendront place naturellement durant la rédaction, ou plus tard même, avec les besoins.

Je m’assure juste que chaque détail rajouté soit cohérent avec le reste, et c’est pour cela que la bible est si utile.

Exemple d’article de la bible : la magie dans le monde de Rocfou

Voici à quoi peut ressembler une note décrivant certains principes du monde.

Celle-ci s’occupe de la place de la magie dans Rocfou.

La magie dans Rocfou

Les contes et les légendes d’autrefois contiennent tous leur dose de magie, y compris en Grande Terre. De nos jours, les superstitions et les croyances ont remplacé les certitudes de jadis, et le Don des Ombres et des Lumières, s’il est encore synonyme d’un respect craintif et d’une grande méfiance, est surtout vu comme un feu éteint avec les dernières lueurs de l’Ancienne Foi. Les prêtres du Dieu Lumineux enseignent en effet que les seuls véritables prodiges sont l’œuvre des saints et que le reste n’est que maléfices et sorcellerie inspirée par les démons Fomori.

Le nom, cependant, est resté, et il arrive tout de même que l’on attribue certaines merveilles à des êtres touchés par les Ombres et les Lumières.

Car ainsi est appelée la magie, même si le terme magie ne convient peut-être pas tout à fait. Il s’agit bien de tordre ou violer les lois de la physique et de la biologie, mais d’une façon généralement très discrète. Les prodiges stupéfiants de boules de feu, de châteaux édifiés en une nuit ou autres réalisations d’importance ont toujours été l’apanage des races aînées : les Fées, les Dieux, les Démons, et bien évidemment, les Dragons, qui sont connus pour avoir été l’âme même de la magie. Leur disparition est d’ailleurs généralement considérée comme la cause de l’affaiblissement progressif de la magie, et des prodiges que cette dernière permet de nos jours.

On explique cela par le fait que les Dragons étaient constitués de l’essence même du monde. Leur magie était donc capable de modeler la réalité aussi simplement que de bouger une patte.

Chaque peuple a appris des Dragons une magie différente, adaptée à sa propre existence, mais de moindre importance.

Seuls les Fomori, les noirs démons jadis vaincus par les Dieux, possédaient leur propre et mortelle sorcellerie.

Les Puissances, les Dieux, régissent un domaine particulier de la vie sur la Grande Terre, et les miracles dont ils sont capables sont tous contraints par ce domaine en particulier. Mais avec leur retrait hors du temps, peu de miracles ont été vus depuis plus de mille ans.

Les Fées, eux, ont une magie plus subtile et en un sens plus libre. Ils peuvent altérer la réalité grâce à des illusions, nommées enchantements, qui sont si réalistes qu’elles peuvent supplanter la véritable texture du monde, s’ils consentent à un sacrifice. Ce sacrifice est généralement coûteux et cruel, et plus l’enchantement est grand ou puissant, plus le sacrifice est vicieux et cruel. Cependant, la règle subtile et dangereuse dont les humains ne connaissent pas forcément l’existence est que ce sacrifice doit être consenti par la personne qui désire l’enchantement, pas par le magicien. De nombreux humains ont ainsi été piégés par les Fées. Néanmoins, tous ceux qui sont encore au fait des anciennes traditions savent que la magie des fées à une faiblesse, nommée geiss. Un geiss est une condition très particulière que doit respecter chaque Fée, en permanence, sous peine de perdre à la fois ses pouvoirs et sa très grande longévité. Certaine Fée ne pourra mentir aux enfants, une autre devra boire seulement du lait, etc. Découvrir le geiss d’une Fée et parvenir à le lui faire enfreindre est la seule façon de détruire la magie d’un tel être.

Bien évidemment, plus aucune Fée n’a été vue dans tous les Royaumes de la Grande Terre depuis près de sept siècles.

Enfin, le Don des Ombres et des Lumières est la forme de magie que les Fées et certains Dragons apprirent aux humains dans les premiers temps de l’Histoire. C’est une forme affaiblie de la magie des Fées, l’art des illusions et des enchantements, qui cependant peuvent prendre réalité durablement si l’on consent à un sacrifice, mais, à cause de la nature des humains, ce sacrifice doit être fait par le magicien lui-même, ce qui freine considérablement les velléités de changement définitif dans la trame du monde. Sans ce sacrifice, l’enchantement ne supplante la réalité qu’un temps assez court, généralement jusqu’à ce que le soleil ou la lune se couche.

Pratiquer ce Don est très rare. En effet, il se trouve que seuls les humains jumeaux peuvent développer cette capacité. Et comme il est dans la nature de la magie de toujours avoir un prix, les humains nés avec ce talent souffrent également d’une tare physique ou psychique, d’une maladie ou d’une infirmité quelconque, qui rend leur existence précaire au mieux, dangereuse à tout le moins.

Ainsi sont craints tous ceux qui souffrent d’une affection chronique, et on les soupçonne très vite d’être des magiciens, ou, pire, des sorciers voués aux forces maléfiques.

Exemple de cartographie

En gardant à l’esprit le principe de détailler d’abord ce qui sera le plus proche des personnages, puis d’agrandir le périmètre au fur et à mesure des besoins, il revient tout de même au démiurge de voir un peu au-delà. C’est pourquoi le tracé des côtes de la Grande Terre est si vaste par rapport à la région de Rocfou, un petit coin perdu du Royaume de Miliath, le Royaume du Miel, au nord-ouest, près de la grande chaîne des Montagnes des Dragons.

L’histoire prenant ses racines loin dans le passé, à l’époque où les derniers Dragons vivaient encore, il était aussi nécessaire de regarder l’évolution de certains paramètres. Ainsi, sur le tracé des côtes, j’ai gribouillé plusieurs cartes décrivant, par exemple, l’aire de répartition des différents peuples (première carte) et les divisions politiques actuelles (deuxième carte), même si certaines ne sont pas totalement figées et si je ne sais même pas encore quels noms auront les territoires concernés, ni s’ils auront une importante quelconque dans le récit.

Il est essentiel de se laisser des pans entiers à découvrir soi-même au fil de l’écriture, de laisser la place à des idées actuelles de se développer, ou à des idées futures d’émerger et de prendre toute l’ampleur qu’elles méritent.

Dans mon fonctionnement, l’écrivain structural et l’écrivain jardinier cohabitent véritablement, même si j’ai tendance à incarner plus facilement le premier que le second.

La conception d’une intrigue

L’étape de l’intrigue est entremêlée avec celle du monde, car l’une et l’autre se nourrissent mutuellement. Un détail dans l’univers va donner une idée d’événement, un événement va prendre place dans un décor spécifique et faire naître une particularité de l’univers.

Je procède là encore par notes diverses, reliées dans une carte heuristique.

La pensée créative est une pensée analogique : elle va établir des liens entre plusieurs idées, plusieurs concepts. Des liens qui sont logiques et d’autres moins. Il peut s’agir d’impressions, d’ambiances, d’images, de sons. Et ces liens font émerger à leur tour une idée ou un concept qui seront parfois très éloignés des sensations premières. Par exemple si l’évocation d’une symphonie et d’un soir de pluie pouvait donner naissance à l’idée d’une scène où un personnage découvre le secret de sa naissance.

C’est ainsi que mes notes sont des phrases ou des bouts de phrases, reliées à des mots qui décrivent plus précisément mes impressions. Et ensuite, j’essaie de visualiser le tout comme une scène, ou dans une scène déjà «découverte» dans mon plan.

C’est dans cette phase que je structure un peu les événements. J’essaie de suivre le chemin de l’histoire, de façon grossière, comme on le ferait à grands pas, sans se préoccuper des détails. Je survole la carte heuristique, et je la vois de très haut, pour n’en distinguer que les contours les plus importants, les nœuds réellement les plus forts. Ce n’est qu’ensuite, lorsque je vais rédiger, que je reprends ce chemin, à pied cette fois, en m’autorisant à explorer des endroits que je n’avais pas prévus en premier lieu, en musardant, furetant, en m’attardant sur des détails qui peuvent ensuite se révéler être de véritables détours ou des pans entiers de l’histoire qui m’étaient inconnus jusque là.

Je reprendrai ensuite chacun de ces détours, chacun de ces nouveaux pans de l’intrigue, pour les relier le plus harmonieusement possible au reste, et que le tout prenne une forme et un fond qui me satisfassent.

J’en suis actuellement au tout début, à l’étape où chaque note se déploie indépendamment des autres, pour être reliée ensuite à tout le reste. J’explore.

C’est une phase déroutante, car on n’écrit pas encore, mais passionnante parce qu’on défriche, et frustrante parce qu’on ne voit pas encore vraiment où tout cela mènera.

L’envie d’une autre fantasy

Comme souvent chez moi, deux désirs presque opposés coexistent.

D’abord écrire une saga de fantasy, de «vraie» fantasy, avec des Dragons. Avec des légendes. Avec des héros et un monde qui change, se trouve bouleversé par des combats épiques, des mythes qui se créent.

Et puis écrire une fresque plus fantastique et personnelle qu’héroïque, sans manichéisme, mais avec des nuances de gris, avec cette ambiance mystérieuse que donne la magie diffuse, cruelle, sacrificielle. Un mélange de low fantasy et de dark fantasy, où les seuls êtres non humains sont disparus ou presque (pas d’elfes élancés ni de nains trapus, pas de gobelins, de trolls ou d’orques) où les rares êtres Fées sont des créatures étranges, incompréhensibles et dangereuses, où le plus grand danger vient souvent de soi-même, où les Dragons ne sont plus présents que dans des chuchotements multiséculaires qui résonnent encore aux oreilles de rares personnes aussi maudites que bénites.

La gageure est simple : donner corps à ce mélange. Et lui donner corps dans un alliage aussi beau que solide.

Autant dire que je ne suis pas encore sorti de l’auberge (où comme il se doit dans tout bon module de l’ancêtre D&D un mystérieux commanditaire m’a confié ma mission ?).

Un bel objet

Enfin, un livre, c’est aussi un objet.

Et avec Rocfou j’ai envie d’aller plus loin dans la conception d’un bel objet, car pour moi le beau est dans le signifiant du texte, mais aussi dans sa présentation.

Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, me diront certains.

Et bien non. Traitez-moi de vil esthète si cela vous chante, mais pour moi le flacon a aussi son importance dans l’ivresse. Et je l’assume. Jusque dans les livres que j’écris. Car un livre peut être un bel objet, un de ceux qui marquent, par son contenu autant que par lui-même.

Ce peut être un objet numérique, auquel je trouve l’on ne prend pas assez soin du détail. Même si le support échappe complètement aux mains de l’auteur (je ne pourrai pas décider sur quelle marque de liseuse ou de tablette, voire de smartphone ou d’ordinateur vous lirez mes productions), je pense sincèrement qu’un simple fichier ePub peut apporter au plaisir de lire s’il répond à trois critères :

  • Un confort de lecture qui s’adapte aux particularités et envies de chacun. C’est d’ailleurs la grande force du livre électronique sur le livre physique que cette adaptabilité, rendant possible la lecture même aux personnes souffrant de difficultés visuelles.
  • Une mise en cohérence de la forme avec le fond du texte. Il ne faut pas oublier que la typographie peut être elle-même signifiante et que certaines mises en forme peuvent avoir un impact sur l’immersion du lecteur dans l’histoire. Au même titre que la réalisation, la lumière, les éclairages, la photographie et parfois les effets spéciaux peuvent apporter quelque chose au cinéma ou en série télévisée (je pense aux textos visualisés directement dans certains épisodes de la série Sherlock de la BBC), je suis convaincu que la typographie peut rendre certains passages plus immersifs dans un écrit (dans le même exemple des textos, pour n’en prendre qu’un).
  • Une esthétique globale dans une identité éditoriale. Pour qu’un fichier soit plus qu’un bête agencement de code informatique et donc qu’un texte soit plus qu’un simple affichage de caractères sur un écran, il est nécessaire de lui donner… du caractère, si je puis dire sans mauvais jeu de mots. Donc de penser la mise en forme pour que cette esthétique soit la plus identifiable possible. Qu’elle type l’œuvre, l’auteur, ou la collection.

Mais un livre c’est aussi, plus traditionnellement, un objet physique, un agencement de feuilles de papier savamment reliées, avec sa forme, mais aussi son toucher. La matérialité a encore de quoi séduire. Et dans ce domaine également, j’ai envie de changer un peu.

Cela fait quelques années que nous nous côtoyons sur cet espace virtuel, et que régulièrement je parle de l’impression à la demande et des opportunités qu’elle a offertes à la réalisation de livre (ce que d’aucuns appellent l’auto-édition). J’ai même commis un ou deux articles expliquant comment s’y prendre avec le poids lourd du marché, Amazon.

Mais outre que le modèle économique et social du géant américain ne me convient pas vraiment (mais c’est un autre débat, que nous aurons sans doute un jour), la finition de l’objet livre par Amazon, pour être à la hauteur de standards professionnels, est limitée.

Il n’existe pas de reliure cousue chez Amazon, et pas même chez son concurrent le plus direct, lulu.

On ne peut pas choisir la matière de la couverture (ou bien si, seulement entre souple et dure).

Or, c’est aussi avec des détails comme ceux-là que l’on crée un bel objet. J’aimerais une reliure cousue pour les deux ou trois tomes de la série que devrait devenir Rocfou, parce que c’est plus solide, parce que c’est plus beau aussi. J’aimerais une couverture dure, également. Je me penche sur la lisibilité de la maquette, la police de caractère, le papier.

Bref, je veux renouer avec le plaisir simple de posséder une œuvre précieuse, non pas forcément par son coût, mais parce que quelqu’un a pris le temps de la réaliser pour moi.

Encore une fois : le contenu et le contenant peuvent se répondre.

Time will tell

Tout cela fait beaucoup, devez-vous penser.

Je suis bien d’accord. Il me reste du chemin à parcourir avant de livrer Rocfou entre vos mains et à vos yeux ébahis.

Mais pour le moment mon plan se déroule sans accroc majeur (et vous savez combien j’adore qu’un plan se déroule sans accroc) et la rédaction du premier tome devrait débuter avec l’été, au mois de juin probablement.

Ce premier tome dont le titre est déjà tout trouvé : Les Héritiers du Dragon.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Post Librum Blues

Post Librum Blues

Post Librum Blues

Le Choix des Anges est né il y a maintenant pratiquement quatre mois.

Il est maintenant un enfant dont il faut encore guider les premiers pas, prometteurs mais hésitants.

Les retours sont très encourageants, venant de personnes qui me connaissent parfaitement, très bien, bien, moyennement, ou même pas du tout. Le livre est parvenu à toucher des gens au-delà de mon cercle amical, et parfois à les toucher profondément. Certaines personnes m’ont même contacté pour me parler de leur ressenti. Des personnes que je ne connaissais pas auparavant.

Une nouvelle phase commence pour le livre, en même temps qu’une s’achève pour l’écrivain, son géniteur.

Car la gestation a duré six ans.

Six années à vivre avec les mêmes protagonistes, avec leurs interrogations, leurs obsessions, leurs désirs, leurs doutes, leurs souffrances. Six années à mettre en place l’intrigue, à mettre en mots la narration, à mettre en scène les réactions.

Vint enfin l’accouchement.

Il s’est fait dans la douleur, malgré l’autohypnose, la maîtrise de la respiration, le soutien de l’entourage, et l’obstination.

La pression de délivrer un produit le plus professionnel possible malgré mon inexpérience a dépassé mes récentes capacités à apaiser mon anxiété naturelle. J’ai portant passé les différentes épreuves avec assez d’aisance, malgré les accrocs inévitables.

Si tout s’est parfaitement passé pour la version papier, la version électronique Kindle reste bloquée chez Amazon, malgré mes efforts et ceux d’Immatériel, la plateforme de distribution que j’ai choisie. Je suis donc privé du principal canal de distribution électronique qu’est le Kindle… Heureusement, les versions ePub, elles, sont disponibles sur de nombreuses autres librairies en ligne, notamment 7switch.

Je commence à diffuser la version papier de façon plus traditionnelle, chez des libraires spécialisés.

Mais les hormones de la délivrance ont vu leur taux sanguin brutalement chuter.

L’écrivain en moi s’est retrouvé dans la phase délicate de l’après.

Cette phase où le vide provoqué par la fin d’un projet laisse tout loisir aux diverses angoisses de se déchaîner.

Et si je ne savais plus rien raconter d’autre ?

Et si mes différents projets, pourtant si nombreux, étaient complètement inintéressants, creux, banals, comme de simples redites sans rien d’original ?

Et si ma vision n’était finalement qu’une vacuité, ou pire, une fatuité ?

Cette phase où toutes les idées se bousculent et où l’esprit est incapable de les organiser, de les hiérarchiser, de les choisir.

Cette phase où le cerveau peine à se projeter vers une autre aventure, non parce qu’il n’en a plus envie, mais parce qu’il ne sait plus où regarder.

J’ai redécouvert ce qu’en référence à la dépression du post-partum j’ai nommé le Post Librum Blues, cette sensation désagréable d’avoir des neurones en compote et une tristesse floue, un vague à l’âme tenace et une estime de soi en berne.

Je ne savais même plus de quoi j’avais envie de parler dans la prochaine aventure, et même si une prochaine aventure serait possible.

Pourtant, les idées bouillonnaient dans ma tête.

Les images, les bouts d’intrigue, s’entrechoquaient dans des collisions désordonnées.

Mon esprit était vide de sens mais pas vide d’activité.

Le chaos s’y était installé.

Penser à chacun de mes projets mis patiemment de côté pendant des années m’était intolérable. Car je ne parvenais pas à en mener un au bout de sa logique.

Fée du logis ? Rocfou ? Sur les genoux d’Isis ? Tarot ? La tribu perdue ? Grande Armada ?

L’envie elle-même m’avait déserté. Je ne savais plus quoi choisir ni comment le choisir. Toutes les potentialités se mélangeaient. Les loups-garous se perdaient en Égypte ancienne pendant que Napoléon rencontrait Élisabeth I et des dragons… L’alliage ainsi présenté aurait pu avoir lui-même un sens si mes pensées ne s’étaient pas senties paralysées à la seule évocation des multiples choix nécessaires à la construction d’un monde et d’une intrigue cohérentes.

Cela fait quatre mois.

Cela vient de prendre fin.

Je sais enfin vers quoi j’ai envie de me projeter pendant plusieurs mois, peut-être plusieurs années.

Et je vous en parlerai ici de temps à autre, au fil de l’avancée du projet.

Ce nouvel enfant va changer complètement d’ambiance, de paradigme.

Plus de narration à la première personne, mais plusieurs points de vue entremêlés.

Plus d’atmosphère rétrofuturiste mais une époque inspirée des temps mérovingiens et carolingiens.

Plus d’ésotérisme mais un monde où la magie est un lointain passé, une réminiscence mystérieuse, où les légendes tenaces racontent une époque héroïque.

Une histoire de fraternités et d’amours contrariés. Une histoire d’amitiés brisées et retrouvées.

Une histoire d’anciens dragons et d’antiques passages secrets sous les montagnes.

Une forêt profonde où des tribus barbares adorent encore des dieux oubliés, des raids sanglants, des guerres saintes, des tournois et des espions dans de grandes cités aux murailles épaisses.

Des monstres humains et d’autres qui le deviennent de moins en moins.

Une aventure, une quête, aussi bien intérieure qu’héroïque.

Un projet qui a un nom hérité d’un monde né d’un jeu de rôle.

Le fou du roc.

Rocfou.

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Je ne suis pas un auteur autoédité, je suis un réalisauteur, un réalisateur de livre

Je ne suis pas un auteur autoédité, je suis un réalisauteur, un réalisateur de livre

Je ne suis pas un auteur autoédité, je suis un réalisauteur, un réalisateur de livre

Writer is coming…

C’est le slogan qui à mon sens pourrait résumer la période que nous vivons. Une époque où les moyens de production artistique, notamment des écrits, sont devenus si accessibles que le nombre de personnes qui se lancent dans l’aventure comme on se jette à l’eau est exponentiel.

Plus encore, à l’image des bouleversements qui sont annoncés dans le monde de Westeros par le retour d’un hiver permanent et celui, concomitant, des Marcheurs blancs, l’apparition de cette horde d’auteurs qui ne dépendent plus du système de l’édition classique pour trouver des lecteurs est en train de faire exploser la politique si familière des Royaumes éditoriaux.

Alors oui, Writer is coming.

Pourtant, la révolution ne sera véritablement accomplie que lorsque ceux-là mêmes qui la font ne se définiront pas en référence au vieux système. Pour le moment, nous nous nommons en effet nous-mêmes “auteurs autoédités”, faisant nôtre une définition qui n’est finalement qu’une survivance d’un paradigme que nous avons refusé de suivre.

Pour véritablement être nous-mêmes, il faut nous nommer.

Le mot est notre domaine. Le nom, le Nom, ont un pouvoir que les écrivains comprennent sans doute mieux que quiconque dans notre société. Nommer une chose, s’est se donner un pouvoir dessus.

Alors, nommons-nous.

Mais de quel mot ?

Puisqu’il ne saurait être question de se dire simplement éditeurs, puisque ce nom ne définit pas la réalité de ce que nous sommes, même si nous endossons la fonction de l’éditeur, ni même indépendants, puisque tous ceux qui ont refusé le système de l’édition classique n’ont pas tous le même modèle de production et que nombre d’entre nous font appel à des prestataires comme Amazon ou d’autres plateformes, numériques ou non, il faut trouver autre chose, quelque chose qui a trait à l’essence même de ce que nous faisons.

Alors quoi ? Écrivains, romanciers, nouvellistes ?

Non. Chacun de ces mots porte une réduction en lui-même.

Nous ne faisons pas qu’écrire nos histoires. Nous les habillons en maquettes, nous en choisissons la couverture, le papier, la mise en page, la mise en forme. Nous les promouvons.

Nous n’écrivons pas tous des romans. Pas tous des nouvelles ou des novellas. Certains s’essaient dans plusieurs genres.

Non, je pense qu’il faut inventer un mot. Le faire naître lui aussi, comme nous faisons naître nos histoires.

On aurait pu remettre au goût du jour un vieux mot latin, grec ou sanskrit. Après tout, autor ou auctor, qui du latin ont donné auteur en français, aurait pu avoir un synonyme dans la langue de Cicéron. Editor, qui donna éditeur en français, lui aussi aurait pu avoir un lointain équivalent.

On aurait pu se servir de la langue dominante de notre époque, l’anglais. Puisqu’author et authoring ne désignent pas seulement l’auteur et son acte d’écriture, mais aussi une véritable création qui va au-delà du simple acte de trouver les mots.

Je pense que cela aussi aurait été réducteur, car le mot n’aurait pas véritablement recouvré toute la richesse de ce qui est désormais l’acte de créer soi-même un ouvrage depuis l’écriture jusqu’à la vente.

Aussi, il me semble intéressant de nous tourner vers un autre domaine de création pour nous inspirer.

Le cinéma.

Le réalisauteur, réalisateur de livre

Le cinéma, comme le théâtre, est par essence un domaine collaboratif et pluriel.

Un film naît rarement du travail d’une seule personne, mais peut porter la vision de celle qui est aux commandes, à travers tout le processus que l’on appelle la production, et qui va de la préproduction, à savoir la conception et l’écriture du scénario, la recherche et la fabrication des costumes, des décors, des accessoires, le casting des acteurs, le découpage des séquences, le story-board, jusqu’au tournage lui-même et enfin à la postproduction comme le choix des musiques, le mixage des sons, l’étalonnage et le choix des couleurs, les effets spéciaux.

La seule personne qui est aux commandes de bout en bout, véritablement en charge de l’aspect artistique du film, c’est le réalisateur.

Qu’il ait ou non le final cut n’est pas finalement le point essentiel. C’est lui l’artisan, même dans le cas où le producteur prend le pouvoir sur quelques décisions stratégiques.

Il n’est peut-être pas véritablement le scénariste, mais il n’est pas non plus le décorateur ou l’accessoiriste. Ou plutôt, il est le chef d’orchestre de tous ces instruments mis au service du film qu’il met au monde.

Un réalisauteur, un réalisateur de livre, conçoit son œuvre de la même façon.

La pré-production d’un livre

Lorsqu’une idée de film germe dans l’esprit d’un scénariste se déroule le même processus de création que dans celui d’un auteur écrivain. La forme du récit a beau être très différente, ils créent tous deux un monde, des décors, des accessoires, des personnages, une intrigue pour lier le tout. Ils cherchent des inspirations, de la documentation, font parfois appel à d’autres personnes, des spécialistes d’un domaine précis, pour les aider à déterminer la vraisemblance de telle ou telle action, de telle ou telle décision.

Dans la fabrique du cinéma, le réalisateur, même s’il n’est pas lui-même le scénariste, va être étroitement associé à ce processus. Il prendra même le dessus sur le scénariste lorsqu’il sera question de faire sortir l’histoire de son cadre de papier.

Il va donner des directives pour le casting, discuter des décors qui seront vus à l’écran et de ceux qui ne seront pas visibles, mais qui serviront la cohérence de l’histoire. Il va parfois retravailler les dialogues en répétition avec les acteurs comme un écrivain qui peaufine les siens pour les rendre plus fluides ou plus naturels, pour mieux évoquer le caractère du personnage qui les prononce ou pour rendre une ambiance particulière dans une scène.

Tout le travail de préproduction consiste à construire les éléments nécessaires à la mise en images d’un film.

Tout ce travail qu’un écrivain accomplit lorsqu’il prépare son intrigue, qu’il imagine ses décors, ses costumes, ses accessoires, ses personnages, lorsqu’il met en marche la mécanique bien huilée de sa trame narrative.

En choisissant d’écrire à la troisième personne ou à la première personne, en choisissant un seul point de vue omniscient ou une multiplicité de points de vue narratifs en fonction de plusieurs personnages, il place sa caméra, décide de la valeur de sa focale, de la valeur du plan, des mouvements de caméra.

Le story-board du réalisateur est aussi celui de l’écrivain.

Le tournage d’un livre

Une fois la préparation terminée, un réalisateur n’attend qu’une chose : tourner enfin son film. Le budget a été bouclé, tout a été prévu, anticipé, pour le garder sous contrôle. Pour éviter les accidents, pour recruter le personnel technique.

L’écrivain n’a habituellement pas de budget à gérer pour l’écriture d’un livre, ce qui lui laisse plus de marge de manœuvre, une immense liberté, et lui permet une débauche de moyens que seuls les plus grands réalisateurs peuvent se permettre de rêver posséder pour tourner un film.

Mais lui aussi est confronté à l’angoisse du tournage, de son tournage. La rédaction.

Car de la même manière qu’une foule d’imprévus vient toujours compliquer ou modifier une séquence tournée par la caméra par rapport à ce qui avait été anticipé en préproduction, la rédaction d’une scène peut parfois complètement changer ce qui avait été prévu en amont.

L’écrivain peut être confronté au caprice de ses acteurs (en comprenant que son personnage devrait agir d’une autre manière que ce qu’il avait imaginé au départ, par exemple), à des lumières ou des couleurs légèrement différentes de ce qu’il avait voulu au départ, à des sons différents.

De la même manière, un écrivain peut rédiger ses scènes dans le désordre, comme un réalisateur qui tournerait tous les plans dans un décor particulier, peu importe leur ordre dans la narration finale, avant de se concentrer sur un autre décor bien différent disponible seulement ensuite.

L’acte de créer demande souvent des allers et retours entre différents moments, différents endroits, différentes ambiances. Il peut être plus inspirant pour l’écrivain de rédiger la fin de son livre avant le début, puis morceau par morceau dans un ordre complètement indépendant de son ordre narratif final.

Le tournage d’un livre prend fin lorsque la rédaction est terminée, mais le travail du réalisateur ne s’arrête pas là.

La post-production d’un livre

Au cinéma, le réalisateur supervise également les phases finales de la fabrication du film.

Il collabore au montage, quand il ne le fait pas lui même.

On a coutume de dire qu’il existe trois films : le film que l’on a imaginé, le film que l’on a tourné, et le film une fois monté dans l’ordre définitif de la narration des scènes, qui est parfois très différent de l’ordre prévu au départ. Pour un livre, le même aphorisme est sans doute valable. C’est bien d’ailleurs pour cela que les outils d’écriture comme Scrivener sont si essentiels : ils permettent de ré-arranger, de ré-organiser, de chambouler complètement l’ordre narratif, l’enchaînement des scènes, des séquences et des chapitres d’un livre comme un logiciel de montage est capable de le faire pour une vidéo ou un film.

Le montage peut même être vu comme une façon de corriger le film, de la même façon qu’un écrivain se relit et corrige ou fait corriger son manuscrit, en s’assurant qu’il n’y reste pas d’incohérence, de faute, de coquille.

Mais une fois le montage terminé, le film n’est pas encore prêt. Il manque des étapes essentielles comme le mixage du son ou les effets spéciaux. Dans un livre, par nature, ces étapes ont été souvent complétées lors du tournage.

Quant à la touche finale, l’étalonnage, c’est pour moi là que l’écrivain rejoint vraiment le réalisateur.

Étalonner un film signifie s’assurer de la cohérence des couleurs entre les plans d’une même séquence afin que, tournés à des moments différents, ils soient à l’écran comme une continuité narrative sans couture, mais aussi choisir les couleurs dominantes de l’ensemble du film en fonction des ambiances désirées, du style du film, des scènes elles-mêmes.

C’est véritablement l’habillage final du film, ce qui va lui donner son identité.

Pour un livre, si cette étape d’étalonnage peut se comprendre dans l’écriture elle-même, elle peut également se comprendre comme la mise en page du texte brut, comme sa mise en scène, sa coloration en un tout, en une œuvre cohérente. Les mots ici représentent bien l’image brute montée, et la page serait l’écrin de couleurs de ces images.

Ainsi, étalonner un livre serait pour moi l’équivalent du processus éditorial de création de la maquette, de choix des fontes, de choix du format du papier, de sa qualité, de la couverture. Ainsi, étalonner un livre numérique consisterait à créer le fichier ePub lui-même.

Lorsque le film sort du banc d’étalonnage, il est prêt à être visionné.

Lorsque le livre sort de cette étape ultime, il est prêt à être lu.

Production et collaborations

Le réalisateur est alors sollicité pour la dernière partie de la conception. En général c’est, avec les acteurs, pour en faire la promotion. Il est rare que lui-même plonge dans le travail de trouver un diffuseur, et c’est là que les rôles de l’auteur et du réalisateur peuvent bifurquer.

Car lorsque l’on choisit de se passer d’éditeur, c’est comme si l’on choisissait de se passer de producteur, et il faut alors soi-même remplir le rôle plus ingrat de celui qui gère les finances et rémunère les prestataires qui ont contribué à l’œuvre (figurants et acteurs, équipe technique, compositeur, sont généralement peu payés dans un livre, mais il se peut qu’il faille signer un chèque à l’illustrateur de la couverture, au correcteur, ou à d’autres encore).

On pourrait cependant arguer que certains réalisateurs mettent la main à la poche en plus de la mettre à la pâte et coproduisent leur œuvre.

Et c’est vrai.

Car finalement, la fabrication d’un livre comme celle d’un film n’est jamais, jamais, jamais, contrairement à ce que l’on peut penser, un acte solitaire.

La création comme une série de rôles et de fonctions

On parle de chaîne du livre pour une bonne raison.

Il est rare de maîtriser toutes les compétences qui peuvent faire naître un film (être un assez bon menuisier pour construire un décor, un assez bon couturier pour créer les costumes, un assez bon électricien pour gérer les machineries, un assez bon connaisseur des lois de l’optique pour gérer la profondeur de champ, un assez bon compositeur pour écrire la musique et un assez bon joueur de cornemuse, piano, cymbales et flûtiau pour l’interpréter ensuite).

Il est finalement assez rare de maîtriser toutes celles qui peuvent faire naître un livre. Car si nous savons écrire, si nous pouvons apprendre à nous servir de logiciels de mise en page, ou même de Photoshop pour concevoir une couverture, nous aurons rarement les compétences pour fabriquer notre papier. Et ce, même si nous apprenons à relier nos pages après les avoir assemblées. On peut également avoir envie, et non besoin, du regard d’un autre pour créer une couverture, pour s’assurer que le manuscrit “tient la route” tant par sa logique que par sa forme, par son orthographe et sa grammaire.

Je vois donc les choses comme un film où différentes fonctions, différents postes, sont à pourvoir.

Et où le réalisateur peut choisir de distribuer chacun de ces rôles à lui-même ou à d’autres.

Comme le réalisateur, l’auteur dit “autoédité” est le véritable créateur, car c’est celui qui a la vision d’ensemble, le seul qui du début jusqu’à la fin, donne le tempo, fait les choix stratégiques, et les assume.

Dans mon cas, je suis l’auteur, le correcteur, le maquettiste, le créateur de livre numérique, et l’éditeur. Je peux décider de m’entourer ou pas de bêta-lecteurs, de correcteurs, d’illustrateurs, d’imprimeur, de distributeur, de diffuseur.

Mais je reste le seul à décider in fine de chaque choix.

Je suis le réalisateur de mon livre.

Je suis réalisauteur.

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Making of a book, partie 4 : du fichier au papier

Making of a book, partie 4 : du fichier au papier

Making of a book, partie 4 : du fichier au papier

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Introduction

Une fois que votre livre a été écrit, mis en page et doté d’une couverture, ou peut-être même bien avant que toutes ces étapes aient été franchies, vous devez accomplir certaines formalités si vous désirez aller jusqu’à l’éditer vous-même.

Car si le travail de l’auteur s’arrête généralement à l’écriture du texte, le rôle de l’éditeur consiste à véritablement le faire naître au monde. Pour cela, comme s’il s’agissait d’un être vivant, présenter un livre au reste de l’univers requiert quelques règles et quelques rituels.

ISBN

Votre livre a un titre, ce qui sera son nom. Il a un ou plusieurs auteurs, un ou plusieurs illustrateurs, un ou plusieurs contributeurs, qui seront ses parents. Il a une date de publication, qui sera sa date de naissance.

Comme pour la venue au monde d’un enfant, votre premier geste sera donc de déclarer sa naissance à l’état civil.

Dans le monde de l’édition, un acte de naissance porte le nom exotique et un peu barbare d’ISBN ou Internation Serial Book Number. Ce code à 13 chiffres sera l’identifiant unique du livre, un peu comme sa carte d’identité. Il permet de connaître le type de publication, sa zone géographique, l’éditeur, et le numéro de l’ouvrage chez l’éditeur.

L’obtenir est assez simple en France. Il suffit de contacter l’AFNIL (Agence Francophone pour la Numérotation Internationale du Livre) via son site internet. Par retour de mail, vous recevrez un identifiant d’éditeur, un segment d’ISBN, et une liste de numéros ISBN à utiliser sur ce segment, dans l’ordre chronologique de vos publications.

Il vous suffira de garder cette liste en lieu sûr et de noter, par exemple comme je le fais dans un fichier, à quelle édition correspond chaque numéro ISBN que vous utiliserez.

Ainsi, l’ISBN de la première édition brochée du Choix des Anges est 9 791 093 734 019.

Ce sésame sera indispensable pour déclarer la naissance de votre enfant de papier, car si l’ISBN est sa carte d’identité, l’officier de l’état civil qui enregistrera sa venue au monde n’est autre, dans notre pays, que la Bibliothèque Nationale de France (BnF) via son Dépôt légal.

Dépôt légal

Prenant racine dans la pratique des copistes de la célèbre Bibliothèque d’Alexandrie, qui confisquaient chaque livre pour le copier et en entreposer ainsi un exemplaire au sein de la gigantesque institution, le dépôt légal est une manière pour chaque pays de conserver son patrimoine écrit à l’abri des destructions et des pertes.

Ainsi, chaque livre qui est publié en France doit être conservé en un exemplaire à la Bibliothèque Nationale.

Pour ce faire, il vous suffit là encore de vous rendre sur internet, sur le site de la BnF. Vous y déclarez la publication de votre livre, et téléchargez le bordereau d’envoi de l’exemplaire que vous destinez au dépôt légal.

Mieux vaut faire cette déclaration un peu en avance par rapport à la publication effective de votre livre, car la BnF doit avoir reçu son exemplaire au plus tard le jour de la mise à disposition au public de votre œuvre.

Impression à la demande

Les démarches administratives liées au livre terminées, vous pouvez penser au plus important : comment le faire imprimer et distribuer à moindres frais pour vous et vos lecteurs, avec une qualité satisfaisante.

Le temps où les technologies imposaient d’imprimer en très grande quantité pour diminuer le coût de chaque exemplaire est heureusement révolu, et l’avènement de ce que l’on appelle l’impression à la demande permet deux révolutions majeures.

La première est de rendre le coût d’impression d’un seul exemplaire pratiquement égal à celui d’un millier, donc d’éviter aux auteurs comme aux éditeurs de débourser une somme faramineuse comme mise de départ. Cette grande révolution a encouragé l’apparition de l’auto-édition, et la rend non seulement possible, mais viable. Elle rend d’ailleurs l’importance et la nécessité de l’éditeur plus fragile, comme je vous l’avais exposé il y a quelques années déjà. À tel point que l’on peut se demander si entrer dans une maison d’édition lorsque l’on est auteur est véritablement une bonne idée.

Je vous spoile : à mon avis plus du tout. Cet avis est d’ailleurs partagé par quelques-uns dans le monde du livre, et pas des moindres

La seconde est le corollaire direct. Auparavant, quand on devait faire imprimer cinq mille exemplaires d’un roman dès sa naissance, et que l’on n’en vendait qu’une dizaine, la détestable habitude de l’industrie qui ne pouvait s’offrir en plus du coût de l’impression celui du stockage improductif de tant de papier dans des entrepôts pleins à craquer était de les envoyer au pilon : les exemplaires restants (soit quatre mille neuf cent quatre-vingt-dix dans notre exemple) étaient détruits. Oui. Détruits. Purement et simplement. Comme un autodafé institutionnalisé… En plus du geste symbolique qui m’arrache le cœur rien que d’y penser, le gâchis de ressources financières et écologiques est absolument incroyable…

Imprimer votre livre passera donc obligatoirement, même si vous avez des reins financiers solides, par de l’impression à la demande.

Plusieurs options s’offrent à vous.

Les plus connues sont lulu.com et CreateSpace, filiale d’Amazon, même si cette dernière est contestée.

Pour ma première expérience en auto-édition, j’ai tout de même choisi CreateSpace.

Pourquoi ?

Parce que je voulais essayer de limiter le nombre d’intermédiaires et qu’au final Amazon est une plaque tournante du monde de l’auto-édition. J’entends les critiques qui lui sont formulées, notamment par Neil Jonunsi, dont j’admire la démarche. Sa réflexion et mes propres envies se rejoignent peu à peu, et il est probable que mes prochains livres soient imprimés et distribués autrement.

CreateSpace : processus de commande de votre livre

Pour illustrer ce processus, prenons l’exemple du Choix des Anges.

Première étape, créer un compte sur CreateSpace, via leur site, puis accepter leurs conditions d’utilisation.

Sélectionner Set up your book now pour commencer vous-même la conception. Puisque tous vos fichiers sont désormais prêts grâce aux épisodes précédents de cette série d’articles, cela va aller très vite.

L’étape suivante consiste à enregistrer les données principales de votre livre. Son titre, son auteur (vous !), de quelle édition il s’agit (une première édition, probablement).

Puis l’on vous demande s’il s’agit d’un livre en noir et blanc ou en couleur. Bien évidemment un roman n’a que rarement besoin de pages intérieures en couleur, j’ai donc choisi noir et blanc. Vous devez aussi trancher un débat philosophique qui agite les forums d’auteurs en deux camps irréconciliables. Ce débat qui change la face du monde à chacune de ses itérations est le suivant : papier blanc ou papier crème ? Je fais résolument partie des prosélytes du papier blanc, mais j’admets à ma table les fanatiques du papier crème, je ne suis pas sectaire…

Puis on vous demande d’indiquer la fameuse trim size, ou taille de coupe de votre livre. Son format. Pour Le Choix des Anges, j’ai choisi un format A5 (148mmx210mm) qui n’est hélas pas un standard pour Amazon (les anglo-saxons et leurs unités non métriques !). J’ai dû sélectionner une custom trim size (ou taille de coupe personnalisée), qui correspond pour du A5 à 5,83 pouces par 8,27 pouces.

Veillez à sélectionner la case Ends before the end of the page dans l’option bleed. Cela indique à CreateSpace que vous n’avez pas d’images intérieures qui doivent être imprimées jusqu’au bord de la page, ou d’autres « bords perdus ». Si vous passiez outre, l’outil risquerait de redimensionner votre maquette pour amener votre texte jusqu’au bord de la page. Or, comme nous l’avons vu dans l’épisode 2 de cette série, une marge confortable est souhaitable sinon indispensable pour la lecture.

Cochez la case Interior reviewer, qui lancera automatiquement un processus de visualisation de votre maquette, afin de vérifier que chaque page soit bien positionnée.

Et vous pouvez enfin indiquer en cliquant sur Browse le chemin sur votre ordinateur du fichier de votre maquette intérieure. Après quelques minutes d’attente, ce fichier aura été téléversé vers les serveurs de CreateSpace.

Là, le site va automatiquement analyser votre fichier pour détecter d’éventuelles erreurs dans votre maquette.

Une fois ce travail effectué, cliquez sur le bouton qui vous propose de lancer l’outil de révision (Launch Interior Reviewer) et vérifier dans cet outil que vos pages s’affichent comme vous le désirez (ce qui, si vous avez suivi mes conseils, ne devrait poser aucun problème).

Étape suivante, la couverture. Là encore un débat philosophique vous attend. Couverture brillante (glossy) ou mate ? Chacun ses préférences. J’ai opté pour la finition brillante, j’avoue, au hasard…

Vous pouvez téléverser le fichier de votre couverture, vous savez, celui que nous avons préparé dans l’épisode précédent ?

Une page récapitulative vous permet de vérifier que vous n’avez rien oublié ou que vous n’avez pas commis d’erreur.

Enfin, vous sélectionnez votre Canal de distribution.

Canal de distribution

Imprimer le livre, c’est bien, le distribuer pour qu’il soit vu et lu par le plus grand monde, c’est mieux.

Autant les technologies d’impression à la demande permettent de s’affranchir des coûts et des principales difficultés de l’impression, autant le dilemme de la distribution la plus large possible reste presque entier.

La distribution et la diffusion feraient d’ailleurs un bon sujet pour de nombreux articles en soi, tant elles sont le principal point d’achoppement de la production d’un livre.

Néanmoins, si vous avez choisi Amazon via sa filiale CreateSpace, votre propre choix sera plus facile, car ce sera Amazon qui se chargera, via son site, de la distribution à vos lecteurs. On peut détester cela (et je le comprends), mais Amazon, de par sa notoriété, pourra toucher un public énorme de lecteurs potentiels. Il suffira de dire : « mon livre est disponible chez Amazon », et toute personne intéressée pourra facilement le trouver et le commander, pour se le faire livrer dans presque tous les pays du monde.

Vous devez donc indiquer à CreateSpace pour quels canaux de distribution vous optez.

Il en existe trois.

Amazon aux USA, sur le site amazon.com, diffuse dans le monde entier. Si en plus vous avez opté pour une taille de papier dans les standards d’Amazon, vous pourrez aussi être distribué, via l’option Expanded dans les bibliothèques et les librairies du réseau américain d’Amazon.

Amazon Europe, pour les livres imprimés sur le continent. C’est l’option la plus intéressante.

Amazon UK, pour les livres imprimés en Grande-Bretagne.

Au final, ces trois possibilités n’ont que peu d’importance sur l’étendue de votre audience, mais en auront plus sur les royalties que vous allez toucher. Le calcul de la marge d’Amazon et du coût d’impression est en effet dépendant du canal par lequel votre lecteur aura commandé son livre.

Prix du livre

Vous devez tout d’abord savoir qu’en France le prix d’un livre doit être unique, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être vendu à un prix différent chez un vendeur et chez un autre. Le prix de votre ouvrage sera donc le même pour tous vos acheteurs, ce qui ne veut pas dire qu’il ne pourra pas évoluer dans le temps.

Cela étant posé, votre livre aura fatalement un coût d’impression et un coût dû à la marge prise par Amazon. Le prix de votre livre sera donc influencé par ce coût, et au minimum égal.

Vous pouvez décider de vendre à prix coûtant, mais « tout travail mérite salaire » et vous avez sans doute sué sang et eau pour écrire votre ouvrage. Outre la reconnaissance et la satisfaction d’être lu, que ce long travail vous permette une rémunération, même faible, ne serait que justice.

On peut débattre à l’envi du juste prix d’un livre, de la juste rémunération d’un auteur.

Au final, faites comme vous le sentez.

Bien évidemment, votre livre se vendra peu si vous fixez son prix à 150 € (ou alors il faudra qu’il soit imprimé avec une tranche dorée à l’or fin, ce que CreateSpace, étonnamment, ne propose pas – ou pas encore), mais il est tout à fait envisageable de déterminer un bénéfice de 2 à 4 € (certains font plus) sur chaque exemplaire, ce qui vous permettra de financer un achat groupé d’exemplaires auteurs, cédés par CreateSpace à un coût inférieur.

De façon pratique, je vous conseille d’abord de calculer le coût fixe du livre, puis de calculer en fonction du prix final hors taxes de votre livre la part qui sera la marge d’Amazon, puis de rajouter la TVA. Vous obtiendrez le prix final toutes taxes comprises.

En cherchant un peu, j’ai déniché la formule permettant de savoir assez facilement ce que cela donne.

Le prix final hors taxes sera la somme de :

Un pourcentage sur le prix de vente hors taxes de votre livre, soit 40 % pour une distribution standard et 60 % pour une distribution Expanded.

Une charge fixe, calculée suivant le canal de distribution, le type d’impression des pages intérieures (couleur ou noir et blanc), enfin, la fourchette dans laquelle se situe le nombre de pages du livre.

Un prix à la page, dépendant là encore du canal, du type d’impression et de la fourchette dans laquelle se situe le nombre de pages du livre.

Je vous récapitule tout cela dans un tableau.

Vous pourrez constater que tous ces calculs sont un peu complexes, mais la vie est rarement simple.

amazon.com USAAmazon EuropeAmazon UK
Type de livreCharge fixeCharge par pageCharge fixeCharge par pageCharge fixeCharge par page
Noir & blanc 24-108 pages2,15 $US0,00 $US0,60 €0,012 €0,70 £GB0,01 £GB
Noir & blanc 110-828 pages0,85 $US0,01 $US0,60 €0,012 €0,70 £GB0,01 £GB
Couleur 24-40 pages3,65 $US0,00 $US0,60 €0,060 €0,70 £GB0,05 £GB
Couleur 42-500 pages0,85 $US0,07 $US0,60 €0,060 €0,70 £GB0,05 £GB

Statut social et statut fiscal

Moins simple encore est la dernière étape de votre chemin vers le statut d’auteur autoédité : le labyrinthe des règles de cotisations sociales et de déclarations fiscales.

Quelques sites peuvent vous aider à trouver comment vous déclarer en micro-entrepreneur (le nouveau nom du statut d’autoentrepreneur) si vous êtes salarié par ailleurs, ce qui certes est le cas de la majorité des Français, mais pas de la totalité. Ils vous aideront à déclarer et gérer le statut auprès de l’URSSAF, ainsi que pour déclarer et payer vos impôts. Car bien entendu, vos revenus tirés de l’auto-édition seront imposés…

Cependant, si, comme c’est mon cas, le statut de micro-entrepreneur vous est interdit (vous exercez déjà une profession libérale, par exemple), les choses sont tout de suite beaucoup moins claires et aucun site n’a pu me mettre sur la voie.

J’ai donc appelé directement l’URSSAF pour leur poser des questions.

Ce qui suit est donc mon expérience et pourrait ne pas véritablement convenir à votre situation particulière, je vous conseille donc dans le doute d’appeler votre centre URSSAF (si vous parvenez à les joindre, ce qui n’est pas toujours facile).

Tout d’abord se rendre sur le site des formalités en ligne, le CFE.

Choisir déclarer une formalité, puis modification, et sélectionner le formulaire d’adjonction d’activité P2. Ce formulaire m’a donné du fil à retordre, car je ne parvenais pas à le trouver.

Après bien des recherches, je l’ai déniché ici.

Vous le remplissez (lisez bien la notice, comme d’habitude ce n’est pas simple et il vaut mieux ne pas se tromper).

Vous le renvoyez au centre de votre URSSAF.

Pour ce qui est de la déclaration d’impôts, il m’a été indiqué de reporter le montant de mes revenus liés à l’auto-édition en ligne B du formulaire 2035 que connaissent bien les professions libérales (ou leur comptable).

Vers l’infini et au-delà…

Dans la dernière partie de cette série, nous effleurerons un sujet encore plus vaste, en effet : le devenir de votre livre une fois que vous l’aurez publié.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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