Une Communauté d’écaille & de plume
Nous venons de quitter les années numérotées en 10 selon le vingt et unième siècle du calendrier grégorien du monde occidental.
Nous ouvrons une nouvelle période, un nouveau cycle commun.
J’espère qu’à vous tous et toutes, il offrira de vivre en bonne santé, ainsi que de nombreuses découvertes artistiques et d’émerveillements quotidiens.
Comme à chaque ouverture de cycle, nous définissons ou redéfinissons nos buts, nos désirs, nos contraintes.
Cette année, je cherche une nouvelle articulation entre ma vie professionnelle et ma vie artistique.
Une quête, périodique chez moi, qui trouve cette fois un écho dans la réflexion sur ce qui me pousse à écrire et à vouloir être lu, mais aussi sur les moyens d’y parvenir à notre époque, entre offre pléthorique, marketing omniprésent, réseaux dits sociaux surtout commerciaux, financement participatif et micromécénat, œuvres collaboratives, entre-aide et groupes de pairs.
Cela a fait naître deux articles que je vous livre l’un après l’autre.
Deux articles qui tournent autour d’un pivot : la création artistique est pour moi indissociable de l’idée de partage.
L’un parlera de ce que je veux partager sur ce blog et comment je veux le partager.
L’autre, celui que vous êtes en train de lire, traite de ma conception d’un mot que l’on entend très souvent sur le net, la communauté d’un artiste.
The Fellowship of Writing
Un mot pour les trouver, et dans la lumière les lier.
Tout artiste crée pour exprimer quelque chose. Pour dire quelque chose du monde extérieur ou plus fréquemment de son monde personnel, voire de l’intersection des deux.
Je ne fais pas exception.
J’écris pour être lu, comme j’ai pu interpréter des personnages de théâtre ou réaliser des films pour être vu (au sens que ce terme a pris depuis la belle définition de James Cameron dans Avatar, c’est-à-dire vraiment compris).
J’ai des choses à dire, dont je ne suis pas d’ailleurs forcément toujours conscient avant de les écrire ou de les publier. Une œuvre artistique s’écrit parfois sans se révéler complètement à son auteur, même après quelques années. Mais c’est un autre débat.
Ce qui compte est là : ce que j’ai à dire n’est que chaos stérile s’il n’est pas reçu par quelqu’un, qui entendra, ressentira, comprendra, résonnera, raisonnera à partir de ce message. Comme une pierre jetée dans l’eau provoque des ondes concentriques qui toucheront le rivage au bout du chemin, mes mots sont là pour provoquer une réaction. Il n’est pas même besoin que cette réaction soit dirigée dans le même sens, qu’elle soit en accord complet avec le message. Elle peut parfois être à rebrousse-poil. Peu importe, si le message crée une réaction féconde.
Il s’ensuit naturellement que chaque artiste s’adresse à un public, à une audience.
Si le message qu’il clame parle à quelques personnes, cette audience peut commencer à s’intéresser à son travail, à regarder ses autres productions, à attendre les prochaines, à suivre son parcours, de plus ou moins près.
Peu à peu se constitue une communauté.
Un groupe de personnes qui partagent un intérêt commun, basé sur ce que l’artiste crée, sur ce qu’il ou elle exprime. Suivant la notoriété et la résonnance de l’artiste, la communauté peut être limitée à la contenance d’un local à vélo, ou s’étendre à des millions d’individus.
Pourtant, quel que soit le nombre, chaque membre de cette communauté a une fonction, comme dans la prestigieuse compagnie qui aide un certain Hobbit à porter un anneau maléfique jusque dans la fournaise où il fut jadis forgé. Le but est radicalement différent, mais à l’instar des Sam, Aragorn, Meriadoc ou Boromir, j’aime à croire que chacun et chacune d’entre nous peut jouer un rôle.
J’en vois quelques grandes catégories.
Les plus nombreux sont ceux qui sont touchés par l’œuvre, et qui continuent à suivre le travail de l’artiste. Ils forment la base de la communauté. Leur soutien est essentiel, car ils sont l’audience. Ils reçoivent l’œuvre, voire l’achètent.
Ensuite il y a les évangélistes, ceux qui font la promotion des œuvres de l’artiste qu’ils ont appréciées et contribuent à diffuser plus encore ses œuvres, à élargir le diamètre des ondes concentriques vers d’autres publics. On peut ranger les booktubeuses, les journalistes, les fans inconditionnels, dans cette catégorie. D’ailleurs, leur fonction est également de critiquer l’œuvre, de montrer ses forces et ses faiblesses.
Il y a les mécènes, qui sont prêts à soutenir l’artiste financièrement pour lui permettre d’aller au bout de ses réalisations en supportant les coûts de production en totalité ou en partie, voire en le dégageant de certaines contraintes matérielles pour lui offrir plus de temps à consacrer à son art. C’est le travail principal des producteurs de cinéma, des grandes institutions qui prennent des artistes “en résidence”. C’est une fonction qui se développe, nous le verrons plus loin, dans ce que l’on appelle le micromécénat, accessible à tout un chacun.
D’autres peuvent s’impliquer dans la correction des manuscrits, sur le versant orthographique ou plus profondément, sur le versant de ce que l’on nomme la “bêta-lecture” ou le travail éditorial, une critique en profondeur de la structure d’un récit, des personnages, de leur épaisseur psychologique, de ce qui fonctionne bien ou moins bien dans la narration, avant que l’œuvre ne soit terminée. C’est le travail également des éditeurs dans le monde littéraire.
Enfin, les plus impliqués peuvent co-créer. Il peut s’agir d’autres artistes qui partagent un même univers, ou qui nourrissent leurs créations d’une réflexion en commun. J’y range les illustrateurs qui font émerger les couvertures des livres, les compositeurs de bande originale, les cinéastes qui adaptent certaines œuvres, ceux qui s’inspirent d’une œuvre pour faire naître la leur, les auteurs de fan-fictions.
Je vous accorde que ces catégories sont un peu artificielles, mais elles m’ont servi dans ma réflexion.
Car tout cela a tout de même pour moi une application pratique.
Notre époque a ceci de fantastique qu’elle met à disposition de tous les moyens de créer. Que ce soit d’écrire, de peindre, de dessiner, de composer, de sculpter, il est plus facile de nos jours de se lancer dans une aventure artistique que lors des siècles qui ont précédé. Mais la médaille possède toujours un revers, et en l’occurrence, plus d’accessibilité signifie beaucoup plus d’offre. Et donc moins de visibilité. Tous les écrivains débutants sont noyés dans la masse des milliers, si ce n’est des dizaines de milliers, d’autres. Il est donc beaucoup plus facile d’avoir accès aux moyens de s’exprimer, mais beaucoup plus difficile de trouver un public, d’atteindre une audience.
Il est donc plus difficile encore de vivre de son art, c’est-à-dire de parvenir à ce que la société reconnaisse la valeur d’un artiste au point de lui offrir les moyens de mener une vie matérielle correcte. À côté des rares succès fulgurants, l’écrasante majorité des artistes doit composer soit avec des revenus très faibles (pour ne pas dire indigents) soit avec une autre activité professionnelle offrant une stabilité financière suffisante.
Il est de ce fait devenu impossible pour quelqu’un qui cherche à s’exprimer à travers une activité artistique de le faire sans penser un minimum à la façon dont il va atteindre son public.
J’ai essayé. J’ai bien vu que cela ne menait pas très loin.
Il est donc nécessaire de trouver une stratégie qui permette de trouver une audience, une communauté.
Vous trouverez sur la Toile de nombreux conseils sur ce qu’il est devenu classique d’appeler du marketing (même si ce terme me révulse). Parce que d’autres y ont pensé avant moi, bien entendu. Pourtant, je crois vraiment que, plus que tous les conseils du monde, le plus important est de trouver la façon de faire qui soit la plus en phase avec l’artiste que vous êtes. Cela veut dire trouver votre propre stratégie, à partir de vos forces et de vos faiblesses (nous en avons tous).
En guise d’illustration, et tout autant afin de la servir, car le partage en fait intimement partie, je vais exposer ici celle que j’ai choisi de suivre en ce début d’année 2020 après y avoir longuement réfléchi. Pour ce faire, je vous propose de passer en revue tous les moyens communément utilisés à notre époque et de voir ceux que je vais utiliser en les structurant sur le modèle précédent des rôles.
Vous pourrez trouver aussi un article très intéressant de Lizzie Crowdagger sur son blog (ça date de 2017 mais je trouve la réflexion globale encore valable début 2020) à propos de ce modèle de communauté et de ce qu’il implique dans la création artistique.
Les données initiales du problème
Pour que la stratégie de la communauté ait une cohérence, le plus efficace reste de la tailler sur mesure pour nous-mêmes, ce qui implique bien entendu de déterminer précisément ce que l’on veut mais aussi ce que l’on ne veut pas, ce que l’on peut investir et ce que l’on ne peut pas.
Cela équivaut à se regarder dans un miroir, et à discuter sérieusement avec son reflet dans la glace.
Dans mon cas, la donnée fondamentale est ma dualité de Serpent à Plume.
La plume est mon côté artistique, celui que j’aimerais développer un peu plus avec cette stratégie.
Le serpent, tout aussi important pour moi, reste mon métier de médecin, puisque je désire le conserver, tout au moins dans les années qui viennent, même si cela sera avec des changements.
D’abord, et ce n’est pas le moindre des points à prendre en considération, mon métier m’offre une relative aisance financière (j’ai dit relative, hein, je ne suis pas héritier d’une grande fortune) qu’il serait difficile d’égaler avec le revenu d’une activité artistique littéraire balbutiante. Sans être matérialiste, la vie n’est pas seulement faite d’art, d’amour et d’eau fraîche, mais également de quelques contingences matérielles et de menus plaisirs. Étant lucide sur le succès que mes œuvres peuvent potentiellement remporter, je ne pense pas que mon activité artistique pourra un jour suffire à assurer ma subsistance et celle de ma famille. Je pense au contraire que mon métier me donne la chance rare de ne pas dépendre des ventes de mes livres pour vivre. Il me dégage donc de la pression matérielle, et me laisse la capacité de prendre le temps de mûrir mes projets. Don à double tranchant puisqu’en contrepartie il me prend beaucoup de temps, ce qui bloque parfois vraiment mes envies et mes capacités à écrire comme je le souhaiterais.
C’est donc plus de temps que je manque, comme nous en avons déjà discuté à d’autres reprises. Et toutes les solutions pour développer ma communauté qui empiéteront sur mon temps de création de façon disproportionnée seront à écarter.
De plus, les règles de la déontologie médicale m’imposent de séparer nettement les deux facettes. Il n’est donc en aucune manière question de promouvoir l’une en me servant de l’autre, que ce soit mon exercice de médecin par ma qualité d’écrivain ou mes livres par ma fonction de médecin.
La contrainte fondamentale de tout cela est donc le temps. Il me sera donc primordial de réserver ce temps à ce qui sera pour moi source de plaisir, de création, d’échanges féconds. Et de refuser de perdre ce temps à faire ce que je ne sais et ne saurai jamais faire, sous prétexte de promouvoir ce que j’écris.
Communautés communément rencontrées chez les créatures autoéditées
Vous savez cependant que je préfère le néologisme maison réalisauteur (réalisautrice au féminin, je fais ce que je veux, c’est moi qui ai inventé le mot), mais passons sur cette entorse à ma propre règle.
Pour qui ose tenter l’aventure de se passer d’un éditeur pour produire ses livres, il existe plusieurs moyens pour se faire connaître et développer une communauté.
Un blog
D’abord, les auteurs ouvrent un blog. Ça tombe bien, d’écaille & de plume existe déjà et commence à avoir une petite histoire depuis 2014. C’est certain, il n’attire pas les foules, et vous comprendrez sans doute mieux pourquoi dans le prochain article où je détaille tout ce que j’ai décidé de faire ici et qui ne se fait soi-disant pas quand on veut développer son blog.
Les réseaux dits sociaux
Ensuite, ils sont presque tous sur les réseaux dits sociaux, dans une stratégie que la langue de Justin Bieber nomme le social marketing. Ils y communiquent en se créant une toile de followers qui parfois répercutent leurs paroles, ou interagissent avec eux directement. Ils peuvent y annoncer la sortie de leur prochain livre ou de leur dernier article de blog, y faire des concours pour faire gagner un exemplaire dédicacé, y discuter habitudes d’écritures, techniques avancées, ou parfois de la pluie et du beau temps, voire de leur vie en général. Il y a tout un monde de stratèges qui vous expliqueront comment vous servir des réseaux numériques pour parvenir à promouvoir votre activité et vous promouvoir vous. Nombre de publications concernant votre promotion par rapport au nombre total de vos publications (ratio de 1/6 si je me rappelle bien), comment tweeter, comment retweeter, comment suivre, comment liker, comment écrire…
Certains paient même des annonces publicitaires sur ces réseaux.
Ceci n’est pas pour moi. J’ai essayé. Longtemps.
Mais décidément, soit je suis un asocial, soit les réseaux portent mal leur nom.
Facebook assume presque désormais son vrai visage (jeu de mots ?), celui d’une entreprise dédiée à la collecte et la revente des données de ses clients, sans aucune éthique et sans aucune vergogne, à d’autres entreprises dont le but est la manipulation (hello Cambridge Analytica). On ne m’y a jamais vu. On ne m’y verra jamais.
Instagram, racheté par Facebook, suit presque la même trajectoire, avec une variante, tout de même. Le poids de la publicité y est proche du ratio terrifiant : un espace de réclame pour un post des gens que vous suivez. Et en prime, vos données sont désormais versées dans le grand entonnoir de Facebook. J’ai tenté l’expérience sur les insistances de ma sœur. J’ai bien aimé au début. J’avais même commencé à raconter une histoire en m’astreignant à illustrer avec des photographies, ce que j’appelais mon projet #storygram. Mais l’omniprésence de la publicité m’a dégoûté. Et je suis parti. On ne m’y verra plus.
Twitter. Il me faut reconnaître qu’il y a quelques années, j’adorais Twitter. Un espace où j’ai rencontré plusieurs personnes, des vraies. Mais depuis pratiquement deux ans, Twitter est devenu un lieu étrange. Car maintenant, sur Twitter, tout le monde pense que tout le monde l’insulte ou l’attaque, que tout le monde lui en veut. Un tweet banal et informatif vaut souvent à son auteur une volée de bois vert de gens qui s’arrogent le droit de s’élever en redresseurs de torts et qui sont en constante recherche de combats à mener, quitte à en dénicher là où il n’y en a pas. Twitter est devenu le règne de la colère et de l’instinct de défense, de l’agressivité, de la malveillance. De la paranoïa. Un terrain où des luttes réelles et légitimes (#meetoo) côtoient les pires trolls et les donneurs de leçon et où la propagande s’épanouit. J’ai quitté le réseau le 31 décembre. On ne m’y verra plus.
Il pourrait y avoir les réseaux libres décentralisés, comme Mastodon.
Mais j’ai pris conscience il y a peu d’une tare consubstantielle au concept des réseaux sociaux numériques : ils sont tous des pièges attentionnels (même si cela n’est pas encore démontré scientifiquement, on s’en rapproche peu à peu). Tout est fait dans leur fonctionnement, mais également dans leur interface et plus encore dans leur essence même, pour retenir le plus longtemps possible l’utilisateur, le forcer à scroller indéfiniment sans pouvoir s’en extirper.
En cela, ils participent tous, libres ou commerciaux, au même paradigme de la capture de notre cerveau. Ils nous asservissent. Au lieu d’une démarche active de recherche ou d’une lecture attentive d’un article de bonne taille, argumenté et documenté, le principe d’un réseau social repose sur le changement permanent, la distraction constante. On ne lit que des phrases lapidaires, des punchlines parfois très bien tournées ou senties, mais sans aucun argumentaire. On passe d’un titre accrocheur à un autre. D’un interlocuteur à un autre. Impossible dans ces conditions de se concentrer sur quoi que ce soit.
Impossible également de ne pas rester scotché sur l’écran, dans une posture de passivité extrême, car le flux ne s’interrompt jamais. Notre cerveau est conçu, dans un but de survie, pour capter tout changement dans notre environnement. De changement en changement, le flux de distractions ininterrompu des posts qui se succèdent à l’infini garde notre cerveau en perpétuelle alerte sans lui permettre de poser son attention. Nous devenons des créatures stimulées en permanence. Notre cerveau perd l’habitude de se concentrer.
Je ne sais pas vous, mais moi, quand j’en ai pris conscience, j’ai eu peur. Parce que je me suis rendu compte que cela vampirisait mon temps. La chose la plus précieuse dans ma vie, aspirée à jamais dans un vortex interdimensionnel.
Il est donc évident que pour atteindre une communauté sur les réseaux sociaux, il faut y investir du temps. Beaucoup de temps. Beaucoup trop de temps pour moi, qui n’en dispose déjà que de très peu pour écrire. Donc consumer le peu de temps que j’ai à faire la promotion de ce que je n’avais plus le temps d’écrire… c’était un peu marcher sur la tête…
Une newsletter
Beaucoup offrent sur leur site la possibilité de s’abonner à une lettre d’information, une newsletter, comme dirait Justin. Mais moins nombreux sont ceux et celles qui en envoient une réellement. Pourtant, dans certaines d’entre elles, on peut nouer une véritable communauté. On a le temps de s’étendre un peu plus sur un sujet. On peut recevoir des réponses qui s’adressent spécifiquement à soi, pas à la totalité de l’univers connecté.
Convaincu depuis près de neuf mois, j’ai commencé à envoyer la mienne.
Et je crois que cela a beaucoup de potentiel dans mon cas, comme vous allez pouvoir le lire dans la suite de cet article.
Les salons littéraires
Beaucoup de réalisauteurs et de réalisautrices mouillent leur chemise et sortent de leur bureau pour se rendre dans des salons de littérature. Il y a une multitude de salons de littérature, même dans le genre de l’imaginaire dont je fais partie. C’est pour beaucoup l’occasion de rencontrer des lecteurs et des lectrices en chair et en os, de nouer des contacts, voire de vendre quelques exemplaires. De l’avis général, c’est un gros investissement, mais tous ceux et toutes celles avec qui j’ai pu discuter disent que c’est une expérience qui peut être très agréable.
Je rêve depuis des années de me rendre dans certains, des festivals prestigieux, comme les Imaginales, par exemple.
J’ai commencé il y a deux ans à rendre visite au salon de l’Imagina’livres, qui se tient tout près de chez moi (et qui va même se tenir dans la ville où je travaille en 2020). J’ai pu, comme simple visiteur, faire la connaissance en chair et en os de certains, comme Olivier Saraja et Fred Marty.
Pour passer de l’autre côté du miroir, il me semble cependant qu’il me manque une chose : une bibliographie un peu plus étoffée. Je n’ai à mon actif à ce jour que deux romans, dont un publié de façon classique mais dans des conditions peu satisfaisantes sur le plan des relations éditoriales, malgré l’attachement que je porte à ce texte.
Aussi, je crois que je ne suis pas encore prêt pour cette stratégie qui, je pense, est une des plus fortes pour rencontrer son public et créer une communauté.
Cependant, je projette de m’y intéresser dès lors que Fée du Logis, mon projet actuel, aura enfin vu le jour.
Nous en reparlerons.
Les séances de dédicace
Dans le même esprit, les séances de dédicace dans des librairies ou des lieux plus étonnants pour de la littérature permettent de rencontrer directement son public. C’est une bonne alternative aux salons de littérature, si l’on parvient à convaincre un libraire ou le gérant de l’endroit. Cela demande une organisation, une entente, et quelques démarches qui me semblent indispensables, comme de rédiger et signer un contrat pour que les deux parties (l’auteur et l’organisateur) y trouvent leur compte et soient protégées en cas de problème.
Un gros effort, donc, notamment en investissant du temps.
Mais ce temps peut potentiellement être récompensé bien plus facilement qu’à travers un réseau social.
Les services presse et les booktubeuses
Le milieu de l’auto-édition a acquis une certaine visibilité grâce aux prescripteurs (souvent des prescriptrices, d’ailleurs, d’où le nom de booktubeuses, qui s’est imposé) qui se sont développés sur internet, souvent à partir de YouTube, mais parfois aussi simplement sur des blogs de chroniqueurs ou de chroniqueuses.
Pour être un réseau social comme un autre, avec sa dette attentionnelle, YouTube a un fonctionnement différent dans la mise en avant d’un livre, car c’est souvent l’équivalent d’un vlog, un blog sous forme vidéo. On peut y développer un propos plus construit et cohérent que sur Twitter.
Il suffit pour cela de parvenir à faire lire son bouquin par l’une de ces prescriptrices, en espérant que la chronique sera positive. Puis de s’armer de patience, car la liste d’attente est longue, très longue. C’est pour cela que je n’avais pas franchi le pas lors de la sortie du Choix des Anges.
Mais j’ai bien envie de tenter l’expérience. Et en plus du contact direct, il existe le site SimPlement, qui permet de multiplier facilement les mises en relation.
Le mécénat
Depuis quelques années, internet a permis le développement d’une forme de financement de projets qu’on appelle financement participatif, ou crowdfunding (littéralement financement par la foule). L’idée est de lancer une souscription auprès d’un public potentiellement intéressé par la réalisation d’un projet (littéraire par exemple). Chaque internaute qui soutient le projet paie donc une participation selon un montant prédéfini par le porteur de projet. En fonction du niveau de participation financière que l’internaute décide, il a en échange droit à acquérir le projet une fois finalisé (comme pour une souscription classique, on reçoit le livre une fois qu’il a été écrit), mais aussi à des bonus, dont le plus emblématique est son nom dans les remerciements de l’œuvre. On peut également proposer d’autres contreparties aux souscripteurs, plus originales : des textes inédits autour de l’œuvre, une amélioration du livre physique (signet de lecture, couverture avec verni sélectif).
Est ensuite apparu le micromécénat. Des internautes donnent une somme à un artiste, mais ce n’est pas pour financer un projet en particulier. C’est pour aider l’artiste lui-même, en considérant que l’argent récolté lui permettra de financer ses outils (un logiciel d’écriture, un correcteur orthographique, l’hébergement de son site web) ou de passer plus de temps à créer. Dans ce cas, les internautes donnent une plus petite somme, mais s’engagent à la donner chaque mois. Par exemple, 1$, 2$, 5$. Je parle en dollars américains car le premier site à lancer l’idée a bien évidemment été créé sur le sol américain. Il s’appelle Patreon. Depuis, un équivalent français a été lancé, très en vogue en ce moment, j’ai nommé Tipeee.
Ainsi, c’est bien un artiste qu’on finance, et plus simplement un de ses projets. On devient un véritable mécène.
En contrepartie, en plus des habituels remerciements, il est d’usage de donner accès à des avant-premières, ou à la possibilité de faire un chat vidéo, ou même de rencontrer l’auteur ou l’autrice.
Ce type de communauté a un défaut majeur : il faut déjà avoir une audience prête à soutenir l’artiste. Et mettre de l’argent, même 1$ par mois, alors que nous avons sans doute tous un budget où les abonnements, les charges fixes et autres ponctions récurrentes sont légion, ce n’est pas donné à tout le monde.
Le revenu ainsi dégagé par l’artiste permet peu de choses (quelques dizaines d’euros par mois, en moyenne, ça ne permet pas de vivre), même si bien sûr il y a des exceptions. Cela permet juste de faire face à des investissements basiques ou récurrents et, me direz-vous (et vous aurez raison) c’est déjà ça pour faciliter la vie.
J’y vois pour mon cas personnel trois inconvénients.
D’abord, prosaïquement, le revenu dégagé ne me permettrait pas de m’offrir ce dont j’ai le plus besoin : du temps. Le reste, je l’ai déjà : un ordinateur qui tient la route, un site internet et un hébergement qui va avec et que je paie sur mes propres deniers car je suis assez chanceux d’en avoir les moyens, un correcteur orthographique correct, un logiciel d’écriture fantastique déjà acheté, un logiciel de mise en page professionnelle sans abonnement même s’il est au top. Et des idées, même si parfois elles sont tordues. Il ne me faut pas grand-chose de plus.
Ensuite, étonnamment (ou pas), je ne me sens pas légitime pour demander à quiconque de donner même un seul euro par mois pour soutenir ma création, car les contreparties seraient très aléatoires. Je n’ai déjà pas assez de temps pour écrire ce que je voudrais écrire absolument, alors écrire des contreparties en plus, je ne sais pas quand je le ferais.
Enfin, et c’est sans doute le plus important, j’ai un problème philosophique avec le concept qui met encore une fois l’argent au centre de tout. Car ce système induit que seuls ceux qui vous donnent de l’argent, juste leur argent, peuvent accéder à ces contreparties. Mais qui a dit que l’argent était la seule contribution qui comptait ? Okay, je sais que vous avez quelques noms en tête. Moi aussi. Mais ces noms appartiennent à des écoles philosophiques qui ne me conviennent pas.
Pour moi – et encore une fois, c’est de mon cas personnel qu’il est question, pas de quelqu’un d’autre qui pourra faire des choix différents aussi respectables que les miens – ce n’est pas l’argent qui montre que l’on s’implique le plus.
J’ai plutôt envie de promouvoir une façon différente de participer. Donnez-moi un peu de temps, donnez-moi une voix pour porter mes écrits plus loin. En échange, sans doute y a-t-il des choses que vous pourriez recevoir.
À la limite, j’accepterais les dons d’argent pour ce qu’ils sont. Des dons. Sans contrepartie aucune, à part des remerciements (car ma maman m’a bien élevé et je sais qu’un merci fait toujours plaisir). Mais comme je le disais dans les prémices de ce petit tour d’horizon, ce n’est pas d’argent dont j’ai le plus besoin pour développer mon activité littéraire, alors que je peux parfaitement saisir l’intérêt de cette stratégie quand on se lance comme artiste à son compte sans avoir d’autre source de revenus pour assurer sa subsistance et celle de sa famille.
Les sites d’écriture par épisodes
Si l’on ne donne pas d’argent, que peut-on donner, alors ?
On peut donner de soi-même.
Et c’est le but des sites qui proposent de publier en avant-première à un rythme particulier des morceaux de vos écrits à un public inscrit qui en échange pourra soit vous faire de la promotion, soit vous proposer leurs retours et leurs critiques, soit les deux. Nombreux sont les auteurs et les autrices à avoir adopté les wattpad et autres.
Pour ma part, le bât blesse sur ma régularité d’écriture, d’abord. Je n’ai hélas pas un rythme qui me permet de prévoir que je vais sortir un chapitre toutes les semaines ou tous les mois.
Mais plus encore, je fais partie des gens un peu psychorigides qui ont besoin que leur œuvre soit cohérente. Et donc je ne peux pas présenter mes chapitres au fur et à mesure qu’ils s’écrivent. Parce que souvent ils changent de forme, de place, de taille, de contenu. Jusqu’à la relecture finale.
Il est donc bien entendu que ces sites sont souvent faits pour tester une première mouture d’un texte par exemple. Ou pour s’adapter au fur et à mesure.
Je n’aime pas cela. J’aime avoir mon texte fignolé au maximum avant de le faire lire à mes bêta-lecteurs et mes bêta-lectrices.
Publier ensuite le texte à la découpe, un peu comme des épisodes de série télévisée (dont je suis un grand amateur) une fois qu’il est terminé, je ne dis pas, ça peut se concevoir pour moi. Mais un livre n’est pas exactement une série télévisée. Chaque chapitre ne peut pas toujours correspondre à un épisode. Parfois un épisode correspond à un chapitre, parfois il correspond à un seul paragraphe, parfois il correspond à un livre entier.
Les médias artistiques ont chacun une grammaire narrative propre (ce n’est pas moi qui le dis). Et je crois que si l’on peut emprunter à la série télévisuelle certains codes pour les transposer dans la littérature (ainsi que l’inverse), ce n’est pas possible pour tout. Je n’oublie pas les feuilletons publiés au XIXe siècle par les Dumas et consorts, qui peuvent contredire mon propos. Je dis juste que ce n’est pas ainsi que j’aime actuellement écrire mes bouquins (parce que des scénarios de jeu de rôle, peut-être plus).
Les forums d’entraide entre auteurs
Et les bêta-lecteurs, on en parle, des bêta-lecteurs ?
Voilà justement un soutien important à un auteur.
Et c’est aussi ce que proposent certains forums d’entraide entre auteurs, comme CoCyclics.
La bêta-lecture, cette activité qui ne consiste pas à lire comme si l’on était un imbécile mais au contraire à lire très attentivement un texte avant sa publication en analysant la forme comme le fond pour aider l’auteur ou l’autrice à lui donner ensuite une plus grande cohérence et une plus grande portée, est finalement un début de travail éditorial.
C’est comme participer un peu à la mise au monde d’un enfant littéraire.
C’est aussi difficile : il faut parfois pousser l’auteur à aller plus loin, l’encourager, le contredire, le houspiller, le fouetter (ne faites jamais cela à une femme enceinte, non plus).
C’est aussi long.
C’est aussi émouvant au final.
Mais il faut toujours se rappeler que c’est l’auteur qui aura le dernier mot, même si une bonne collaboration devrait permettre au bêta-lecteur de faire entendre des arguments construits qui vont peut-être faire évoluer le point de vue de l’auteur sur certains points qu’il peut ne pas avoir assez travaillé ou pas avoir réussi à rendre dans son texte.
Participer à un tel forum d’échange me plairait beaucoup. Je me heurte cependant au même problème, celui du temps. Et de plus, j’aime bien connaître un peu avant les personnes qui vont me “bêta-lire” ou dont je vais moi-même devenir le bêta-lecteur. Histoire de partager un peu nos façons de voir.
Ptérophidie
Alors, c’est bien joli, mais finalement, après avoir vu ce que je ne voulais ou ne pouvais pas faire, vous devez vous demander (ou pas) ce que j’ai décidé.
L’image des cercles concentriques se rapprochant peu à peu de moi et de mon travail me semble être une bonne base pour déterminer ma stratégie. J’ai envie d’organiser ces cercles sur un échange qui ne soit pas déterminé par l’investissement financier seulement, mais surtout par une qualité d’échanges. La fondation essentielle en sera naturellement la lettre d’écaille & de plume, cette newsletter trimestrielle dans laquelle j’écris ce qui m’a inspiré, bouleversé ou préoccupé pendant la saison passée.
Ainsi, j’espère que chacun de mes correspondants aura peu à peu l’occasion, s’il désire le faire, d’entrer dans des cercles où il deviendra lecteur, évangéliste de plume, bêta-lecteur, ou pourquoi pas co-créateur. Mon idée de tribu de Ptérophidiens et Ptérophidiennes, néologisme hellénisant dont je suis assez fier, est née. Voici comment.
Le premier cercle : le théorème des ricochets
Être lu, c’est donc la base de tout.
Et je me dis que cela commence par une simple chose. Il suffit parfois d’avoir eu dans les mains un livre qui nous a touchés ou qui nous a surpris, pour découvrir un auteur. Parfois, c’est l’univers du livre lui-même qui peut rester en nous. Ou bien celui, plus large, des autres œuvres de l’auteur. Un peu comme des ricochets dans l’eau. Un galet va toucher une première fois la surface du liquide, puis rebondir et la toucher plus loin encore, puis une troisième et éventuellement une quatrième fois.
Le premier vecteur que je peux utiliser est donc le livre lui-même, comme s’il était mon galet. Et j’ai trois idées pour cela.
In Libris
À l’intérieur du livre lui-même, il est de tradition de citer la bibliographie de l’auteur, qui est souvent placée soit après la page de titre soit à la fin du livre. On peut aussi trouver souvent une courte biographie. Et parfois même un extrait ou le premier chapitre d’un autre livre du même auteur.
Depuis que Nathalie Bagadey, dans une de ses newsletters, a confié comment elle se servait de QR Codes pour faire sa promotion sur des affiches, l’idée a commencé à trotter dans ma tête de considérer que mes livres et mon site pouvaient dialoguer.
Avec un livre numérique, c’est facile, il suffit d’insérer un lien hypertexte qui mène vers le site.
Dans un livre papier, pourquoi ne pas utiliser un QR Code ?
Mais pour diriger vers quelle page du site ?
J’ai pensé à trois possibilités.
Tout d’abord, puisque ma bibliographie est pour le moment peu étoffée, chaque titre peut prendre une certaine place sur la page. Pourquoi donc ne pas insérer un lien ou un petit QR Code vers la page de présentation de chaque titre de ma bibliographie sur le site ? On pourrait y lire un extrait, par exemple, et éventuellement commander le livre.
Ensuite, si l’univers du livre a plu au lecteur, pourquoi ne pas diriger vers une série de bonus ou un making-of ? Une page présentant quelques secrets de l’univers, ou des fichiers à télécharger, comme les chronologies que je construis à chaque fois pour valider la cohérence temporelle de certains éléments d’une intrigue, avec parfois des événements qui ne sont pas même mentionnés dans le récit mais qui m’aident à poser mon univers. Mes notes et mes cartes heuristiques permettant de suivre le raisonnement de ma construction narrative, pour ceux qui aiment passer de l’autre côté du miroir.
Enfin, pour faire le lien avec la tribu Ptérophidienne, un lien vers une page d’inscription à la lettre d’écaille & de plume. Cela peut transporter un lecteur ou une lectrice dans le deuxième cercle.
J’ai même décidé d’utiliser le troisième sur une carte de visite et sur des marque-pages. Ces derniers seront aussi porteurs d’un QR Code de la première catégorie pour faire la promotion d’un titre en particulier.
In blogae
Sur le site, les quelques modestes fichiers que je propose au téléchargement sont groupés en deux catégories.
Il y a d’abord ceux que j’ai envie de partager avec tous les visiteurs, quels qu’ils soient. Ce sont beaucoup de mes créations pour des jeux de rôle, ou les extraits de mes livres.
Il y a ensuite ceux que je réserve aux abonnés de la lettre d’écaille & de plume. Sans autre contrepartie que de s’inscrire à cette lettre de diffusion, ceux qui acceptent d’être transportés dans le deuxième cercle entrent dans la tribu ptérophidienne. Et ils peuvent accéder aux fichiers plus “techniques”, comme mes réglages ou templates pour Scrivener, par exemple.
Les boîtes à livres
Nous avons parlé des services presse quelques paragraphes plus tôt. Sur le même principe, je pense disperser quelques exemplaires de mes livres dans des boîtes à livres, ces petites constructions qui fleurissent dans de nombreuses villes ou villages pour inciter les habitants à lire. Chacun peut y déposer des livres ou en emprunter, librement. Un bon moyen de toucher un public nouveau.
Il ne s’agit pas non plus d’inonder le marché, et je compte faire cela avec seulement deux ou trois exemplaires. Pas plus.
Le deuxième cercle : se parler dans le langage des Serpents
Pour que le premier cercle s’étoffe, les membres du deuxième vont certainement être de précieux alliés.
Tout d’abord, je compte envoyer quelques services presse à via un profil SimPlement. Et attendre de voir.
Ensuite, les membres de la tribu Ptérophidienne (notamment ceux qui ont souscrit à l’option Phœnix de la lettre d’écaille & de plume) seront l’objet de toutes mes attentions. Je ne compte pas les inonder de mails. J’ai envie d’avoir beaucoup de choses à leur raconter à chaque message. Un peu comme ces longues missives que nous nous envoyions par la poste dans les temps reculés où internet n’existait pas encore. On y racontait les faits marquants de notre vie quotidienne mais on pouvait également aborder des sujets de fond, des impressions, des coups de cœur. Je crois donc que je vais me cantonner pour le moment aux quatre lettres par an, envoyées à chaque fête celtique.
Je vais sans doute également garder la forme générale qu’elles ont prise jusqu’à présent, mais peut-être en y intégrant plus d’interactivité. L’objectif est d’instaurer un dialogue.
Comme dans toute société, cela pourra être marqué au fil du temps par des rites marquant l’entrée dans un nouveau cycle. Ainsi, mes plus anciens abonnés (je n’ose dire vieux), mes plus fidèles, mes plus actifs, recevront eux aussi des bonus.
Le troisième cercle : mes pairs & mes maîtres
Nous traînons tous un peu sur internet, et fatalement, nous tombons souvent sur les sites des uns et des autres. Et puisque je suis sorti volontairement des réseaux commerciaux que je considère comme des pièges, je vais avoir plus de temps pour écumer le reste de la Toile. Je vais donc étoffer sensiblement la section Chants d’Ailleurs de ce site, pour faire découvrir encore plus les autres univers, ceux de mes pairs et de mes maîtres.
Comme un complément à l’excellente initiative lancée par Aemarielle sur Facebook d’un groupe privé de Sorciers & Sorcières créatives, mais hors de quelque réseau social que ce soit.
Know then that it is the year 2020
Pour paraphraser le Dune de David Lynch, parce que cette nouvelle année est comme un “delicate time” pour moi.
Qu’elle soit surtout l’occasion, comme si nous pouvions nous aussi profiter des bienfaits du Spice Melange, d’étendre notre conscience.