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Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Il est rare de voir des réalisauteurs proposer une réédition de leurs œuvres, alors que la pratique est courante dans le milieu de l’édition traditionnelle. C’est sans doute que nos textes, une fois écrits, commencent une vie propre dans le vaste monde, et que leurs parents les laissent libres de grandir sans les gêner. Sans doute aussi ont-ils en tête les préoccupations des autres rejetons qui demandent eux aussi à surgir du néant.

Pourtant, être un parent bienveillant exige de toujours garder un œil sur sa progéniture, et ce jusqu’à parfois intervenir dans son existence.

Le Choix des Anges est mon deuxième roman, mais c’est le premier que j’ai édité moi-même. Nouveau père, j’ai fait de mon mieux en suivant les conseils que l’on prodiguait autour de moi. Comme presque tous, je me suis tourné vers le sein nourricier prometteur des Amazon. Pourtant, la façon dont mon enfant grandissait me donna peu à peu quelques migraines. Je me suis trouvé rapidement en désaccord avec le modèle éducatif prôné par la vierge guerrière tout autant que je me voyais frustré de ne pouvoir ouvrir les portes de certains milieux à mon livre. Pour couronner le tout, sa forme brochée, si elle le laissait propre et bien élevé, ne me semblait pas à la hauteur.

Alors comme j’ai le pouvoir de changer cela, contrairement à son aîné, Poker d’Étoiles, condamné à vivre sous le joug d’une politique éditoriale que je ne puis renverser, j’ai décidé d’agir.

Le Choix des Anges vient donc de renaître.

Le même texte, à quelque chose près

La fidélité à soi-même est une valeur fondamentale.

Je ne suis pas le même que lorsque j’avais vingt ans, et je ne serai certainement plus le même lorsque j’en aurai soixante, si je vis jusque là. Pourtant, je ne renie pas ce que j’ai été, ni ce que je serai, si je reste fidèle à ce que je crois juste, au moment où je crée.

Je n’ai donc apporté que des corrections mineures au texte achevé en 2018.

J’ai essentiellement changé quelques tournures un peu lourdes au début. J’ai également modifié la forme des dialogues pour leur donner une typographie plus classique, en utilisant les guillemets français et non pas seulement les tirets cadratin. Sur la typographie, j’ai également beaucoup travaillé les espaces fines pour rendre un peu plus harmonieuse la mise en page.

Et surtout, j’ai traqué les coquilles qui restaient.

Il est toujours possible qu’il en reste, car elles ont le don étrange de se dissimuler aux yeux inquisiteurs pour réapparaître sournoisement dès que ceux d’une lectrice ou d’un lecteur se posent sur eux. Malgré mes efforts donc, pardonnez-moi si certaines m’ont échappé une fois de plus.

Un nouvel écrin

Ce qui a changé, par contre, c’est la forme.

La maquette intérieure est basée sur le même principe que j’avais beaucoup travaillé à l’époque, et qui convient parfaitement à l’esthétique que je désire développer dans mes réalisations. Une page aérée, avec des marges confortables, même au prix d’un plus grand nombre de pages. Des en-têtes et pieds de page un peu particuliers, car déportés sur les côtés extérieurs des pages. Une première phrase mise en exergue par un changement de fonte.

Pourtant, j’ai choisi de changer de fonte principale pour le corps de texte, en troquant Sorts Mill Goudy (pour laquelle j’ai toujours une affection sincère) pour Paciencia, dont je trouve les formes plus élégantes, notamment le a. C’est mineur, mais cela permet aussi d’avoir une lisibilité meilleure, même si le nombre de lignes est le même et la taille de police similaire. Cela est dû aussi en partie à la qualité supérieure de l’impression.

J’ai également poussé le vice jusqu’à intégrer des lettrines en début de chapitre et à en modifier la décoration des premières pages avec la figure de l’ouroboros.

Mais les plus grosses métamorphoses sont ailleurs.

D’abord le papier. Crème et non plus blanc, plus doux, presque velouté. Il bave moins, beaucoup moins que le papier d’Amazon, ce qui rend les lettres beaucoup plus nettes, et je crois que le confort de lecture en est transformé.

Et puis, le plus visible, la couverture.

Redessinée pour l’occasion, plus sobre tout en gardant l’essentiel c’est-à-dire l’illustration inspirée de Gustave Doré et la fonte du titre (Aphasia BT), elle est surtout maintenant rigide et non plus souple. La reliure est toujours collée car la couture fait bondir le prix de revient de façon prohibitive, mais, petite attention qui me semble appréciable, un signet blanc permet de retrouver ses marques si on le désire.

Le produit final dégage une impression de solidité et de qualité. Il a la forme d’un ouvrage plus précieux qu’un livre d’imaginaire «classique», ce qui me convient parfaitement.

Cela permet de se démarquer un peu. De souligner le soin pris à l’écriture comme à la réalisation matérielle de l’objet.

Car je crois que l’objet livre aide à entrer dans l’histoire, même si le texte est bien l’essentiel.

Un objet comme une clef vers mes univers

Mais le caractère unique de cette seconde édition papier ne tient pas seulement à son esthétique.

Je l’ai en effet pensé comme une clef.

En me servant de la technologie des QR Codes que l’on voit fleurir partout, j’ai d’abord un peu «dépoussiéré» le principe de la bibliographie, en permettant à celles et ceux qui le désireront de se rendre directement sur la page d’écaille & de plume où est décrit chacun de mes ouvrages. Il suffit donc d’un téléphone pour découvrir chaque titre.

Plus intéressant, je propose là encore à travers un QR Code, de dévoiler les coulisses de l’histoire en ouvrant la porte d’une page cachée du site où l’on peut télécharger une chronologie et des notes d’écriture.

Car si chacune des histoires que j’ai en tête peut s’incarner dans un livre, chaque livre peut devenir une clef vers l’univers plus vaste de mon imaginaire, que je vous propose d’explorer œuvre après œuvre.

Sortir du piège Amazon

La motivation principale de ce changement était cependant de sortir du système d’Amazon, que je trouve délétère.

Malgré sa place de pionnière dans le domaine de l’auto-édition, la société américaine a dévoyé ses propres principes, selon moi. La toute-puissance des algorithmes me déplait fortement, et je crois qu’elle a cessé d’aider les petits auteurs indépendants pour devenir le terrain de jeu de ceux qui peuvent se payer de la publicité ciblée. D’autre part, la politique générale d’Amazon ne rencontre pas mes valeurs de vie.

Sans compter que sur le simple choix de réalisation des livres, et sur leur qualité, on trouve beaucoup mieux ailleurs.

J’ai donc choisi de rapatrier la fabrication de mes livres en Europe, en optant pour Books on Demand, une société allemande qui a pourtant une adresse à Paris. La qualité des livres est supérieure à celle d’Amazon. La qualité de la relation l’est infiniment plus encore. Avec BoD, j’ai le suivi d’une personne unique, à laquelle je peux parler au téléphone si besoin. Je garde toute liberté sur mes choix. Leur système de soumission des fichiers est très simple.

Leur seul problème est la demande très importante et les contraintes sanitaires liées à la pandémie actuelle qui rallongent les délais de fabrication.

Cerise sur le gâteau, travailler avec BoD permet à mes livres d’être disponibles sur les catalogues professionnels des librairies de France et de Navarre. Vous pouvez donc tout à fait commander Le Choix des Anges chez votre libraire préféré, en lui indiquant l’ISBN de cette deuxième édition.

Ainsi, nous soutenons ensemble les libraires passionnés.

Une version numérique également mise à jour

Il n’était pas question de ne penser qu’au papier. Le fichier numérique a donc lui aussi été mis à jour. Le travail y a été également fondamental puisque, après avoir réimporté le nouveau texte corrigé de ses coquilles, j’ai veillé à faire en sorte de coder les espaces fines et les espaces insécables de façon efficace, pour rendre là aussi la typographie la plus impeccable possible.

J’ai repris le code CSS, intégré là aussi les clefs permettant à mes lectrices et mes lecteurs de suivre les liens vers les pages cachées du site.

La nouvelle version numérique est donc un reflet sinon exact du moins fidèle à l’esprit de sa sœur de papier.

Vous pourrez la trouver sur toutes les grandes librairies en ligne à partir du 14/02/2021.

Avant une nouvelle incarnation… vocale

Je rêve que la période difficile que nous vivons puisse devenir le terreau d’un foisonnement créatif semblable à celui que nos aïeux ont vécu il y a une centaine d’années après la Grande Guerre, durant les «années folles». Beaucoup d’autrices et d’auteurs, beaucoup de dramaturges, beaucoup de musiciennes, de musiciens et de cinéastes ont composé, écrit, produit durant l’année maudite que nous venons de vivre.

Ce fut mon cas aussi puisque j’ai achevé le premier jet d’une nouvelle histoire, Fæe du Logis (que j’espère vous pourrez lire dans l’été).

Mais cela a aussi été pour moi l’occasion de trouver à marier l’écriture avec une autre passion — le jeu d’acteur, le cinéma, la technique — grâce à l’idée de réaliser mes propres livres audio.

Alors à tout seigneur tout honneur, c’est au Choix des Anges d’ouvrir le bal.

J’ai commencé l’enregistrement. Le premier chapitre est dans la boîte. Il me reste à en terminer le montage et le mixage, pour voir ce que cela donne. Je voudrais vous présenter cela dans quelques mois. Le temps de parfaire ma technique et de m’assurer que là aussi, l’écrin fait honneur au texte dont je suis fier, et à l’univers qui lui a donné vie. Il s’agit cette fois de rendre une ambiance non plus seulement avec des mots mais avec des sons. Et cela promet d’être passionnant.

Nous en reparlerons très certainement.

Gagnez un exemplaire

Alors pour fêter cette renaissance du Choix des Anges, je vous propose d’en gagner un exemplaire dédicacé, en jouant avec les mots, bien entendu.

Pour cela, il vous suffira de faire deux choses.

Jusqu’au 01/03/2021, rejoignez le Phœnix de la tribu ptérophidienne de mes abonnés en vous inscrivant à la lettre d’écaille & de plume et répondez au premier message avec un texte de 10 000 à 15 000 signes (soit 2 000 à 3 000 mots environ) sur ce que vous inspirent les concepts d’Anges, de Choix et de Destin.

Vous pourrez lire les productions des autres Ptérophidiens & Ptérophidiennes sur un espace de partage privé.

Le meilleur texte permettra de remporter le prix.

Alors à vos plumes, apprentis phœnix ou oiseaux confirmés.Et inscrivez-vous ici.

Version papier

  • Date de publication 2018 (1ère édition), 2021 (2e édition)
  • Urban fantasy
  • 292 pages
  • Format A5, couverture rigide à signet
  • ISBN 9791093734033
  • Prix : 24€
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Version numérique

Date de publication

2018 (1ere édition), 2021 (2e édition)

ISBN

979-10-93734-02-6

Format de fichier

ePub

5,99 

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Version livre audio

  • À paraître en 2021 (texte de la 2e édition)
  • Lu par l'auteur
  • Urban fantasy
  • Formats .mp3, .m4b
  • 40 Mo
  • Prix : 14€
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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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La règle d’accord de proximité

La règle d’accord de proximité

La règle d’accord de proximité

La langue que nous parlons modèle-t-elle notre façon de voir le monde ?

C’est historiquement l’une des deux grandes thèses de la linguistique, dite thèse de Sapir-Whorf, concurrente et opposée à celle de Chomski, pour qui il existerait une langue universelle1. Si dans l’imaginaire et les œuvres de fiction de l’imaginaire notamment, l’une et l’autre thèse ont été prises comme postulats par de nombreux univers (la langue universelle est la base des univers où la magie est fondée sur la connaissance et la prononciation des Noms Véritables des choses et des êtres, donnant à celui ou celle qui détient ce pouvoir tout contrôle sur ce qu’on sait Nommer), dans notre réalité, comme toujours, la vérité semble se situer entre ces deux extrêmes.

Ainsi, nous sommes nombreux à considérer que les mots dont nous nous servons ont une certaine influence sur ce qui nous entoure. Cela paraît bien évident pour tous ceux et toutes celles qui connaissent le pouvoir d’évocation des mots. Poétesses, écrivaines, orateurs, psychologues, politiciennes, ou simplement vendeurs et commerciaux, comme on dit maintenant, savent que certains mots peuvent ouvrir des portes et d’autres les fermer.

La langue est notre messagère vers l’autre, ou du moins l’une de nos messagères, car il existe aussi d’autres façons de communiquer, comme nos gestes et nos attitudes, nos regards.

Mais on peut aussi imaginer que le pouvoir des mots aille plus loin, et que leur utilisation change réellement les perceptions cognitives de ceux qui les utilisent et de celles qui les reçoivent. Les mots sont des symboles, et les symboles ont un pouvoir sur nos cerveaux que nous ne mesurons pas toujours. Un pouvoir immense.

C’est ainsi que l’un des débats qui agitent notre société a fait émergé la question de la primauté donnée au genre masculin dans la langue française comme l’un des leviers à manœuvrer pour rétablir une égalité entre hommes et femmes. Selon cette conception des choses, la vision trop masculine de notre société est renforcée par la règle grammaticale qui veut qu’en français l’on accorde en genre et en nombre un adjectif ou un verbe avec le masculin lorsque le sujet est composé d’au moins un terme masculin, et ce même si la majorité des termes du sujet sont féminins.

Je sais que c’est une discussion passionnée, et que les deux camps, ceux qui tiennent à conserver cette règle de grammaire et ceux qui désirent la changer, sont enflammés et souvent excessifs.

Je ne cherche à convaincre personne, ni dans un sens ni dans l’autre.

Mais j’ai bien réfléchi à la question, et j’ai décidé que mon inclination naturelle me conduisait plus volontiers vers un rééquilibrage des représentations symboliques du féminin et du masculin dans la langue française. J’ai donc fait le choix d’utiliser une règle antérieure, commune à plusieurs langues latines, voire indo-européennes, et promue par les tenants de ce rééquilibrage symbolique. La règle de l’accord de proximité.

J’ai même adopté la règle d’accord selon le sens, qui déroge elle aussi au dogme de la primauté du masculin.

Ce petit article est simplement là pour aider ceux et celles qui auraient fait le même choix que moi à le mettre en pratique dans leurs écrits, dans un monde où la règle de l’accord au masculin est encore une norme.

Ce que dit la règle

Tout simplement que l’on peut accorder en genre et en nombre un adjectif avec le plus proche des noms qu’il qualifie, ou un verbe avec le plus proche des chefs de groupes qui forment son sujet.

L’article de Wikipedia qui lui est consacré en explique bien les racines dans les langues proches du français : latin, grec, espagnol, tout en donnant des exemples de son utilisation en français qui était semble-t-il courante jusqu’au XVIIe siècle.

La page qu’Éliane Viennot lui consacre sur son site est également remplie d’exemples.

Ainsi, j’ai choisi d’écrire que :

J’ai bien réfléchi et les accords et fautes ratées par Antidote me laissent perplexe.

Au lieu de :

J’ai bien réfléchi et les accords et fautes ratés par Antidote me laissent perplexe.

La règle d’accord selon le sens ou syllepse grammaticale

Corollaire direct de l’utilisation de l’accord de proximité, l’accord selon le sens permet de moduler l’accord grammatical. On s’affranchit ainsi du seul masculin pour embrasser (c’est d’ailleurs le sens étymologique de syllepse) le sens profond de la phrase. Pour quelqu’un comme moi, qui considère les mots comme autant de symboles chargés de pouvoir, c’est cohérent.

De nombreux exemples peuvent être trouvés sur l’article que Wikipedia lui consacre.

Pourquoi cette règle ?

En préambule, je répète que je ne désire convaincre personne.

J’ai simplement l’envie d’exposer les raisons qui m’ont conduit à ce choix.

Tout d’abord, comme je l’ai dit au début de cet article, pour moi, les mots sont des symboles, et en ont donc la puissance, d’autant plus quand ils sont écrits, car leur permanence et leur matérialité, leur forme, leur confèrent plus encore de force.

Tout en rejetant toutes les outrances de ceux que les Anglais appellent les social justice warriors (les guerriers de la justice sociale en français, qui sont pour moi seulement des trolls avides de reconnaissance cherchant à mettre de l’huile sur le feu au lieu de discuter sereinement), il me semble naturel d’accorder (sic) ma façon d’écrire avec les valeurs qui ont du sens pour moi. Des valeurs que l’on peut appeler progressistes ou humanistes.

Il se trouve que la langue est tout de même un ensemble de codes, et qu’il est nécessaire d’y introduire des règles, afin que tout le monde puisse se comprendre. C’est d’ailleurs pour cela que le débat est si polarisé : chacun est conscient, des deux côtés, que sa vision porte en elle-même un implicite politique car le choix n’est pas neutre. La règle qui ressortira victorieuse de ce combat sera imposée à tous. Elle modèlera donc le discours de tous, tenants comme opposants. À terme, elle modèlera aussi les conceptions inconscientes, automatiques, de tous.

Une langue est aussi un ensemble de règles vivantes. Une langue n’est pas figée, sinon elle meurt. Il me semble donc légitime de la faire évoluer. Nous avons le droit de revendiquer les évolutions qui nous paraissent légitimes, et c’est l’usage qui tranchera, car qu’est-ce qu’une langue, si ce n’est un accord entre tous ses locuteurs ? Si nous décidons collectivement d’utiliser l’accord de proximité, alors il deviendra (ou redeviendra, plutôt), une règle établie du français.

La conclusion logique m’a conduit à adopter l’usage de l’accord de proximité comme celui de l’accord de sens.

Utiliser la règle d’accord de proximité

C’est bien beau, tout ça, me direz-vous (et vous aurez diablement raison) mais comment utiliser concrètement cette règle quand on a comme métier (ou passion) d’écrire, de corriger, voire d’éditer, et qu’on doit relire et corriger des centaines de pages de manuscrit ?

Car si au fil de l’écriture, cela me paraît assez simple en suivant les quelques règles qui précèdent, le problème est plus prégnant lors de l’étape de la correction elle-même, puisque vous allez commencer probablement par vous corriger vous-même à l’aide d’un logiciel (que ce soit le correcteur basique de Word ou Antidote) puis à confier cette tâche à d’autres yeux que les vôtres, plus aguerris ou simplement plus naïfs envers le texte.

Or, la règle n’étant pas encore officielle, il s’agira de vérifier tous les accords en gardant en tête cette particularité.

Je ne saurai trop vous conseiller de prévenir vos ß-lecteurs et ß-lectrices ou vos correcteurs, vos correctrices, pour leur éviter de s’arracher les cheveux à chaque accord, voire de barbouiller votre manuscrit avec tant de marques rouges qu’on n’y verra goutte au bout de deux pages. Une petite discussion sur votre choix et sur la règle elle-même est indispensable.

Pour ce qui est des logiciels de correction automatique, qui seront indispensables à un moment ou à un autre de votre processus de travail, c’est plus simple et plus compliqué à la fois.

À ma connaissance, aucun n’a encore été paramétré à ce jour pour tenir compte de cette règle.

Il faut donc ruser un peu.

Utiliser la règle de proximité avec Antidote

Étonnamment, Antidote semble ne pas remarquer de faute d’accord de genre dans la phrase d’exemple, ce qui pourrait faire penser qu’il accepte l’accord de proximité. Pourtant, il n’en est rien, car il suffit de faire une faute d’accord de nombre (oublier le s pluriel dans ratées) pour qu’il détecte non seulement celle-ci, mais aussi une faute d’accord selon le principe de primauté du masculin. Pourtant, un billet de blog récent sur le site de Druide, la société canadienne éditrice d’Antidote, explique la façon dont la société recommande son usage pour améliorer l’inclusivité. Et si le billet en question mentionne bien l’accord de proximité… rien n’est prévu dans les réglages d’Antidote pour l’activer.

Je pense que cela peut s’expliquer par le fait qu’Antidote utilise la syllepse grammaticale, mais je n’en jurerai pas.

Il me semble donc que la solution consiste à laisser Antidote rechercher les fautes d’accord, puis, à chaque fois, vérifier soigneusement que la faute qu’il détecte ne soit pas basée sur l’utilisation de la primauté du masculin.

Il serait souhaitable, pourtant, que Druide accepte d’intégrer l’accord de proximité dans ses réglages.

Pour aller plus loin

Si le sujet vous intéresse, il est possible que vous trouviez quelques autres réflexions à votre goût en écoutant deux émissions en podcast.

Le dernier épisode de la saison 2020 Du vent dans les synapses de France Inter, avec Daniel Fiévet, est notamment consacré à la langue française.

Et le podcast Parler comme jamais, de Laélia Véron, sur Binge Audio, qui à chaque épisode explore une facette de notre langue sous plusieurs angles passionnants.


  1. Et pour en savoir plus sur ces deux thèses, tout en apprenant comment communiquer avec E.T. si vous le croisez, je vous recommande de lire le très didactique Comment parler à un Alien ? de Frédéric Landragin, aux éditions du Bélial.  ↩

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Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique

Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique

Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique

Il y a quelques années, un film proclamait fièrement dans son titre : La sociologie est un sport de combat.

Mes amis, mes amies, la création peut en elle-même constituer un combat1.

Un art martial, si l’on peut dire, car je crois que, comme les techniques que l’on regroupe sous ce vocable, la création requiert de s’appliquer à soi-même une discipline stricte. Comme un judoka enchaîne les katas, un musicien doit travailler ses gammes, une peintre peaufiner son coup de pinceau, une dessinatrice son trait, et un écrivain doit… écrire.

L’analogie peut cependant aller plus loin. Comme un art martial, la création ne vise pas forcément à briser un adversaire de chair et d’os, mais bien plutôt à vaincre le seul véritable Ennemi : cette part de nous-mêmes qui se sert de la peur et de toutes les ressources qu’elle peut trouver pour nous limiter.

La création peut donc être vue comme un combat dirigé contre cet Ennemi intérieur, celui que je nomme le Défaiseur2. Je vois cette force primordiale comme la résistance naturelle de l’Univers à organiser sa matière brute, un peu comme une manifestation des lois de la thermodynamique, l’Entropie.

Le Défaiseur est puissant. Il y a une part de lui en chacun de nous, et au creux de notre âme, de notre corps, il étend ses tentacules gluants pour nous forcer à repousser ce moment fatidique, ce moment précis où nous passons à l’acte, où nous dirigeons toute notre énergie, toute notre concentration, toute notre attention vers l’acte de création. Il redoute tant ce moment où nous mettons en forme le chaos originel qu’il tente tout ce qui est possible pour nous en détourner. Il use de tous les stratagèmes, et notamment de la peur. La peur de ne pas réussir, la peur de mal faire (alors à quoi bon commencer puisque ce que je vais créer sera forcément mauvais ?). Au final, la peur de ne pas être aimé.

Deux forces sont donc à l’œuvre en nous, à l’image des deux dragons se combattant sans cesse dans le rêve du légendaire Uther Pendragon. Le dragon blanc et le dragon rouge. Deux forces opposées et d’égales puissances. Le Faiseur et le Défaiseur.

J’ai longtemps cru que le travail de l’artiste était de trouver quel dragon était son Faiseur, et de lui donner la victoire contre le Défaiseur. Je croyais qu’il s’agissait de vaincre les Ténèbres et d’assurer le règne de la Lumière.

C’est en substance ce que l’on nous répète depuis toujours, et qu’on continue de nous répéter, jusqu’à Julia Cameron dans sa méthode de développement personnel3 destiné aux artistes et aux créateurs. La création serait donc une opposition stérile entre le Bien et le Mal. Comme une guerre sans merci. Une ordalie. Qu’il faut remporter.

Et c’est vrai on peut souvent se sentir oppressé par ces deux forces contradictoires à l’œuvre en nous.

Et puis un jour…4

Un de mes amis, lors d’un bon repas, a prononcé une simple phrase. Quelques mots, sans fioritures. Précis.

«Moi, je profite de chaque instant dans ma journée, même de ce que je n’ai pas envie de faire».

Cette phrase a résonné en moi avec la force d’une formule magique pour dessiller mes yeux.

Quelques jours plus tard, j’ai commencé à penser qu’on pouvait voir ce combat autrement.

Je me suis souvenu de ces traités alchimiques du moyen-âge, qui enseignaient que la destruction n’était que la première étape d’un processus qui mènerait l’Adepte vers la réalisation de son Grand Œuvre, l’obtention de la Pierre philosophale.

Il se pourrait bien que l’opposition soit féconde, au contraire. Que l’interaction de l’ombre et de la lumière, du yin et du yang des arts martiaux, du soleil et de la lune, du soufre et du mercure alchimiques, soit justement un moteur.

Et si la création naissait justement du combat lui-même ? Le combat serait alors non seulement impossible à remporter, mais si l’on y parvenait vraiment, ce serait une catastrophe, puisqu’on tuerait du même coup toute possibilité de création. En conséquence de quoi, il serait vital de continuer à entretenir le combat le plus longtemps possible, pour continuer à créer. Comme un cycle de jours et de nuits ininterrompu créant le monde dans lequel nous vivons. Comme une interaction plutôt que comme un combat.

Tout cela m’a fait réfléchir.

J’ai l’impression d’avoir enfin compris quelque chose de fondamental sur ma façon de créer, d’avoir trouvé la clef qui mène à ma Pierre philosophale créative personnelle. Le Faiseur et le Défaiseur ne sont que les deux faces d’une même pièce. La pièce dans sa globalité, c’est moi, tout simplement. Ce n’est sans doute plus un combat, mais un dialogue.

J’ai découvert que dès lors, je pouvais construire un véritable rituel d’écriture pour permettre aux deux faces de se parler réellement, et de faire naître ce que je cherche à créer.

En le ressentant, j’ai eu envie de vous le faire partager.

Un rituel de création est une chose éminemment personnelle, mais qui sait si certaines de mes vérités ne pourraient pas résonner avec votre propre façon d’envisager les choses ?

L’état de flow

Le principe de ce rituel est tout simple : comment trouver à ce que le Faiseur et le Défaiseur puissent dialoguer, se nourrir l’un l’autre, pour accoucher de cet élan, de ce flow que nous recherchons tous dans nos activités créatrices. Il s’agit donc de trouver les forces et les faiblesses de l’un comme de l’autre, et de s’en servir pour trouver le point d’équilibre entre mon désir de Faire et les tentations du Défaiseur.

L’état de flow (que l’on pourrait traduire par écoulement ou flux, en français, mais que je désignerais plus sous le nom de flux & reflux, pour bien montrer sa dualité permanente) est un concept psychologique très populaire chez les sportifs, mais qui peut s’appliquer à toutes les activités humaines nécessitant de la concentration extrême, c’est-à-dire… toutes les activités humaines.

C’est cette constatation universelle, expérimentée au moins une fois dans la vie de chaque être humain sur la planète, qu’il existe un état très étrange de la conscience qui se manifeste par une complète absorption des facultés cognitives et physiques sur une tâche précise, avec une disparition presque totale des autres considérations, notamment les sollicitations extérieures distractrices, ce qui a comme conséquence de mobiliser toutes les ressources d’une personne vers la réalisation de la tâche. Nous entrons ainsi dans une sorte de mouvement en pleine harmonie où chacune de nos réalisations semble couler de source, où tout ce que nous faisons nous paraît non seulement facile, mais naturel, et où aucune difficulté ne parvient à nous freiner.

Cet état est très similaire à celui que l’on peut atteindre quand on maîtrise la méditation de pleine conscience ou dans les phénomènes liés à l’hypnose, la visualisation anticipatoire, les expériences chamaniques. Scientifiquement, il s’explique par l’activation de certains circuits cérébraux impliqués dans l’anticipation ou l’imagination.

Chacune des méthodes que je viens de mentionner (méditation, chamanisme, hypnose) se sert de techniques permettant de déclencher la modification de l’état de conscience. Dans la méditation de pleine conscience, c’est le travail qui ramène l’attention toujours au même endroit lorsqu’elle a tendance à s’évader. Dans le chamanisme, c’est souvent l’utilisation de conditions physiques ou physiologiques : chaleur, sudation, privation de nourriture, musique et son répétitifs, substances hallucinogènes.

Dans l’hypnose, que je connais beaucoup mieux, c’est une succession codifiée d’étapes mentales : la fixation de l’attention, la confusion, et enfin la dissociation. On peut apprendre à les utiliser assez facilement, mais la difficulté réside dans la prolongation de l’état de transe hypnotique, équivalent au flow, qui nécessite un apprentissage et une pratique régulière. Comme toute activité humaine, me direz-vous. Et vous aurez raison. Pour cela, il s’agit de se servir d’un outil que j’ai également emprunté à l’hypnose : l’ancrage, qui consiste à rappeler toute une séquence à l’aide d’un symbole qui peut être un geste, une forme, un parfum, une couleur. Finalement, un rituel.

Nous faisons tous appel plus ou moins consciemment à des rituels de création.

L’astuce ici consiste à construire délibérément ce rituel de manière hypnotique.

Une cascade pour illustrer l'état de flow

Le combat & le dialogue : la discipline

Bien évidemment, comme vous avez sans doute déjà votre propre rituel, vous avez remarqué que son existence n’est pas une condition suffisante à l’éloignement du Défaiseur et de ses manifestations les plus sournoises, comme la procrastination, par exemple.

Car le rituel, l’ancrage, n’est que le deuxième pilier d’une discipline.

Lorsque la création est un véritable désir, nous l’avons vu, elle réclame de la pratique. Un judoka répète ses katas quotidiennement, une peintre joue du pinceau tous les jours, un sculpteur prend ses outils chaque jour, un écrivain tape sur son clavier (ou trace ses lettres à la main) tous les jours.

Les arts martiaux nomment cela une discipline.

Je n’aime pas beaucoup le mot, pourtant il est assez parlant.

Il signifie vraiment que la création doit entrer dans notre vie comme une habitude, une façon de voir les choses, un temps incontournable. Il contient aussi toute cette connotation de progression, d’apprentissage, d’expérience, que l’on acquiert par la pratique renouvelée et l’intégration de techniques dans nos automatismes.

Une discipline implique de changer notre façon d’être pour un nouveau mode de vie.

Pour le dire simplement, créer doit devenir aussi indispensable à notre équilibre que dormir, manger, boire, ou avoir des contacts sociaux.

Pour cela, un rituel est indispensable, mais pas suffisant.

Parce que pour intégrer une nouvelle habitude, pour provoquer un changement significatif dans notre vie, il est nécessaire de trouver le pilier principal : la motivation, ce qui va nous donner l’énergie. Il nous faut un but, un objectif. Et reconnaître cette force qui nous pousse à l’atteindre. J’appelle cela le Désir.

Toute création est désir. Même les plus abstraites ont ce côté charnel, cette pulsion physique qui s’est extraite de l’artiste et incarnée dans l’œuvre. On ne peut pas créer sans ressentir le désir de la création, comme dans toute activité humaine.

Voilà pourquoi la première chose à découvrir, c’est notre motivation.

Tout le secret ensuite réside dans une simple mise à l’épreuve de notre motivation au feu du Défaiseur, et d’accepter que ce que nous prenions pour un ennemi est en fait un allié précieux. Refusez l’existence du Défaiseur et vous le verrez vous attaquer de plus belle. Acceptez son rôle et vous pourrez vous servir de la frustration qu’il fait naître pour alimenter votre désir, des distractions qu’il engendre pour nourrir votre inspiration, du découragement qu’il souffle pour trouver un nouveau défi, de la procrastination qu’il suggère pour comprendre ce qui vous fait peur.

Pour cela, j’ai quelques astuces, que je vous présente plus loin. Elles fonctionnent bien pour moi, mais peut-être devrez-vous les adapter pour vous-même.

La Motivation

Votre premier travail est de trouver votre motivation, c’est-à-dire le résultat de la confrontation entre votre Désir et le Défaiseur.

Le Désir

Quel est votre Désir ? Qu’est-ce qui vous pousse à créer ? Ce sont les deux premières questions auxquelles il faudra répondre. Les réponses seront différentes pour chacun de nous, elles seront intimes, et vous n’aurez pas besoin de les partager avec quiconque, sauf si vous en ressentez l’envie. Chacun et chacune d’entre nous a ses propres raisons, elles sont respectables.

La seule exigence est d’aller au bout de soi-même, et de se défaire des faux-semblants, d’être honnête envers soi-même.

Il ne peut s’agir d’un désir externe. Votre Désir n’est ni un engagement envers quelqu’un d’autre que vous, une promesse faite à un tiers, ni une deadline.

Le véritable Désir est interne, il vient de vous, naît en vous.

Il peut s’agir d’une envie, voire d’un besoin aussi physiologique que la nourriture.

Prenez-en conscience.

Reconnaissez-le.

Ce désir peut changer en fonction de vos projets, mais dans ce cas, il est plus efficace de reconnaître quelle est la racine qui lie tous ces désirs entre eux. Quelle est la cause première de votre engagement ? Pourquoi écrire ? Pourquoi peindre ? Qu’est-ce que ça vous apporte ?

Il est possible que ce Désir ne se laisse pas enfermer dans le cercle des mots, que ce ne soit qu’une impression, un sentiment vague, une émotion sans réelle définition.

L’important est d’en prendre conscience.

Vous voulez créer ? Alors approchez ce Désir de créer au plus près. Car c’est lui qui vous guide à chaque instant, c’est lui qui vous donne l’énergie de continuer. C’est lui qui est la raison profonde de votre engagement. C’est lui qui fait que vous êtes artiste, et pas financier (même si on peut être les deux, pourquoi pas ?).

Une fois que vous avez cerné votre Désir, ne le perdez pas. Ancrez-le.

Moi, j’utilise un ancrage visuel pour me rappeler en permanence mon Désir de créer. Une statuette représentant la déesse-chat égyptienne Bastet, qui trône sur mon bureau. Mais il y a quantité d’autres possibilités (un mantra sur un post-it, par exemple), et chacun doit trouver la sienne.

Le Défaiseur

Une fois en conscience de notre Désir, nous devons faire face au Défaiseur.

Pour moi, c’est la force en nous qui disperse nos tentatives d’organiser le chaos du monde, cette force primordiale qui s’oppose en permanence à nos efforts.

Le Défaiseur emploie essentiellement quatre types d’armes.

Les distractions pour nous détourner de la tâche créative. Vous aurez remarqué que dans ces moments-là, l’activité la plus insignifiante, la plus triviale, même celle que nous n’aimons pas particulièrement, nous paraît plus attractive que ce que nous sommes en train de créer.

Le découragement vient juste après, quand nous regardons ce que nous avons produit et ce qu’il reste à accomplir pour que le résultat nous satisfasse. Nous pensons que nous n’y parviendrons jamais, et même que ce que nous avons fait ne mérite pas même que l’on continue. Cela conduit à la troisième phase.

La frustration place nos désirs de réalisation en face de la réalité de ce que nous avons pu créer et utilise le décalage inévitable pour créer un sentiment désagréable de dévalorisation.

La procrastination, enfin, referme le cercle du Défaiseur en intégrant les trois dimensions précédentes dans une peur de ne pas réussir si forte qu’elle nous éloigne du passage à l’acte créatif. Elle utilise les distractions et notre le découragement, puis engendre de la frustration.

Yin & yang

La motivation peut faire dialoguer les deux dragons. Si l’on parvient à voir le Défaiseur comme un allié, ses armes peuvent être mises au service de notre Désir au lieu de se retourner contre lui.

Ainsi, les distractions peuvent nourrir l’inspiration. Notre cerveau est fait pour emmagasiner en permanence de nouvelles choses et il les malaxe ensuite dans le secret de ses circuits neuronaux. L’un d’entre eux, surtout, appelé le circuit par défaut, est celui qui est activé quand on ne fait rien de précis, ou que l’on ressent de l’ennui, bref, qu’il n’existe aucune sollicitation ni extérieure ni intérieure. Des plages de repos total du cerveau sont donc nécessaires à l’émergence de nouvelles idées. Mais les distractions du Défaiseur le sont tout autant pour alimenter notre stock. Il suffit d’encadrer ces distractions. Nous verrons comment grâce à l’ancrage du rituel.

Le découragement peut faire naître un nouveau défi, et donner un nouvel élan à notre création. L’état de flow est en effet dépendant en partie du niveau de défi qui nous est proposé dans la tâche en cours. Le découragement est juste la croyance que notre capacité à relever ce défi est insuffisante. Ma solution est simple : découper le défi en plusieurs sous-défis plus faciles à atteindre. C’est ce que les psychologues appellent le «minimal change» (en anglais dans le texte). Il est plus facile d’atteindre un objectif minime, et une fois qu’on y est parvenu, il est plus facile de remplir des objectifs plus ambitieux. Et le découragement lui-même peut être un moteur de notre Désir si nous sommes capables d’avoir un sursaut d’orgueil. «Ah il croit que je ne vais pas y arriver ? Je vais lui montrer, moi, à ce sacripant5, de quoi je suis vraiment capable !».

La frustration, elle, est encore plus facile à gérer. Il s’agit d’une impression d’inachevé. Qu’à cela ne tienne, nous remettre au travail va nous mener plus près encore de l’achèvement de notre objectif. La frustration est la clef qui peut nous permettre d’augmenter notre régularité, et la régularité limitera notre frustration à un niveau soutenable. Tout simplement parce que savoir que l’on est capable de travailler chaque jour quoi qu’il arrive est libérateur. Pas besoin de tout terminer aujourd’hui si je sais que demain, et après-demain, et les jours suivants, je saurai m’accorder le temps nécessaire et reprendre ce que j’ai entamé.

Enfin, la procrastination est le signal d’alarme qui me prévient que j’ai peur de quelque chose, que je me laisse entraîner vers les manifestations du syndrome de l’imposteur. Parfois, elle peut m’indiquer qu’une distraction est nécessaire à la «recharge» de mon inspiration, ce qui referme la boucle de façon vertueuse. Je m’accorde un temps de repos, un temps où je ne fais «rien», et cela remet paradoxalement mon esprit en marche vers là où il va naturellement : un foisonnement de liens entre diverses choses et un buissonnement créatif.

Mais comment parvenir à entrer dans ce cercle ?

C’est le rôle de l’Ancrage, le rituel lui-même.

L’Ancrage

Je crois que l’être humain partage avec les chats une affinité particulière pour le concept de ritualisation, d’habitude, de répétition. Nos félins domestiques ont érigé le rituel en style de vie : ils élisent leurs endroits préférés, leurs promenades en circuits bien définis. Ils apprennent vite. Le mien, par exemple, réclame toujours que je remplisse son écuelle d’eau dès que je remplis ma propre bouilloire pour me faire un thé, chaque matin, et ce même si ladite écuelle est déjà pleine. Ce satané animal ne daignera pas en boire tant que je n’aurai pas cédé.

Si tous les êtres humains ne sont pas aussi rigides dans leur ritualisation du quotidien, nous avons tous nos habitudes et nos préférences, nos petites manies et nos rituels. Certains se laveront le matin, et d’autres ne concevront de faire leur toilette que le soir avant de se coucher.

Si l’on se place à un niveau plus global, notre vie est rythmée par des rituels sociétaux comme nos horaires de travail, de repas et de repos, nos vacances. Plus encore, l’existence elle-même est marquée par des rituels fondamentaux (le jour et la nuit, les saisons, les lunaisons, les années, les fameux rythmes). Et chaque moment vraiment important dans notre vie sera ritualisé. Notre naissance ou la naissance de nos enfants (il y aura des faire-part, des cadeaux), nos anniversaires (qui seront prétexte à des célébrations diverses), nos unions (qu’est-ce que le mariage si ce n’est un rituel ?), nos deuils et notre propre mort (les funérailles représentant le rituel ultime, je crois).

C’est que j’ai l’intime conviction que la ritualisation a une fonction primordiale dans notre vie.

D’une part, elle est la pierre angulaire de l’apprentissage. Notre cerveau apprend par la répétition. Il existe même des méthodes d’apprentissages basées sur un système de rappels des informations à des intervalles très précis. Ces méthodes devraient être au moins citées à tous les élèves durant leur apprentissage parmi d’autres astuces permettant de rendre notre fonctionnement cognitif plus performant.

D’autre part, elle est la matière à partir de laquelle se créent les symboles dans notre vie. Elle nous permet de fonder notre existence sur des repères et d’en tirer une stabilité. Elle nous amène à créer du sens à partir des événements de notre vie.

Il me semble donc tout naturel de tirer parti de cette force dans la création.

L’Ancrage répond donc à deux enjeux principaux dans cet objectif.

  • La pérennisation de l’acte de création, afin de le garder vivace sur le long terme, au fil des semaines, des mois, des années de notre existence.
  • La concentration, de manière à ce que le temps de création soit le plus riche et foisonnant possible.

Voici comment je crée mon propre rituel.

Le Moment

Le plus important, car le plus difficile à trouver dans notre vie moderne, c’est bien le Temps. Si vous me suivez depuis quelque temps, justement, vous savez que c’est là ma Quête, et pas seulement la mienne d’ailleurs.

Avoir le temps de faire ce que l’on a envie de faire tout en réalisant ce que nous sommes obligés d’accomplir comme tâches imposées par notre vie, c’est la gageure de tout un chacun dans notre société. Et si la pandémie actuelle fait bien ressortir le luxe qu’est la mise à disposition du temps et la façon dont on l’emploie, ce n’est qu’une mise en exergue d’un fait déjà ancien.

Cette Quête du temps peut se résumer souvent à un dilemme central : à quel moment de la journée pouvons-nous réserver la pratique de notre Art ?

C’est la question. Celle à laquelle nous répondons souvent «je ne sais pas», ou pire «je n’ai pas vraiment le temps». Si vous avez répondu par la deuxième phrase, alors vous avez déjà abandonné la partie, et vous échouerez dans votre Quête, comme je l’ai fait à de nombreuses reprises. Car même le «dès que j’ai un moment» ne fonctionne pas. Je sais, je l’ai essayé.

Parce que la réponse, la seule qui vous ouvrira les portes du château du Graal, tel un Perceval moderne (le vrai, hein, pas celui de Kaamelott), se trouve être celle-ci :

Le temps que vous êtes prêt ou prête à imposer à votre vie. Donc à vous imposer accorder à vous-même.

Car comme nous sommes dans un rituel, ce temps doit si possible toujours être le même, de la même durée, et au même moment de la journée. Mais surtout, il doit être celui que vous choisissez de vous imposer accorder. Chaque personne aura son moment privilégié, qui sera certainement différent des autres. Beaucoup d’artistes disent qu’ils aiment profiter du calme du petit matin ou de celui de la nuit pour créer. Parfois il sera nécessaire de faire des ajustements ou des changements dans le choix de ce moment, pour tenir compte de la réalité des contingences quotidiennes.

Pour tout vous dire, mon moment à moi, actuellement et si j’ai le choix, se situe après 17 heures, dans une fenêtre qui peut durer jusqu’à 21 heures environ. C’est à cette période-là de la journée que je suis le plus efficace dans mon écriture, que tout coule avec une fluidité si grande que j’ai l’impression d’être né pour écrire. Or, il se trouve que dans la semaine, je suis au travail assez tard dans la journée et certainement bien après 17 heures. J’ai donc dû choisir un autre moment dans la journée. Le petit matin et la nuit me sont interdites car mon sommeil est un trésor sacré. J’ai donc jeté mon dévolu sur cette période étrange de la «mi-journée», entre 12 heures 30 et 13 heures 30, qui est mon temps d’écriture. Mon Temps Sacré, pour paraphraser le calendrier Gloranthien.

Ce moment est devenu incontournable, immuable. Non négociable.

Il fait désormais partie de mes besoins, au même titre que le repas. Au passage, je ne fais pas partie et n’ai jamais fait partie des gens qui sacrifient leur repas à leur travail, car je considère qu’il n’existe pas de travail si important qu’il justifie de se maltraiter soi-même, et penser qu’on est un héros parce qu’on n’a pas le temps de manger, ça me fait bien rire. Oui, même quand on est médecin, on peut et on doit prendre le temps de manger. Le monde ne dépend pas de notre anorexie. Je vous renvoie à ma façon de considérer le soin.

Ce moment est celui de la semaine. Le week-end, je suis libre de reprendre mon rythme naturel et d’écrire en fin d’après-midi. Si cela n’est pas possible, je m’arrange toujours pour trouver une heure d’écriture par jour durant ces deux jours.

Au départ, ce fut un véritable effort de ma part. Puis c’est devenu tellement naturel que je me prends à guetter mon heure d’écriture comme si c’était ma récompense. Je vous avoue que certains matins, je me lève avec l’espoir de cette heure-là dans la tête.

Car une fois qu’on a le moment, il faut l’ancrer en nous.

Pour cela, j’ai deux atouts. La répétition est le premier. Le deuxième est le temps lui-même, à travers sa limitation intentionnelle. Une heure c’est peu. C’est justement là l’intérêt. On n’a pas la possibilité de se disperser. Il faut être efficace, concentré, dédié. Au terme de l’heure, même si l’on est au beau milieu d’un passage qui coule de source, s’arrêter est essentiel, quitte à utiliser un réveil ou une alarme.

Cela peut paraître un peu cruel, voire masochiste. On se plaint de ne pas avoir assez de temps pour créer et on se limite volontairement quand l’inspiration est là mais qu’on a dépassé le temps ? Ça ne veut rien dire !

Au contraire.

En faisant cela, j’entretiens une certaine frustration volontaire, qui sera donc contrôlée, maîtrisée, domptée. D’ennemie, elle deviendra mon alliée, pour la simple et bonne raison que le lendemain, le cycle se répétera. Et que ce que je n’aurai pas écrit ce jour-là, je l’écrirai le lendemain. Je serai même impatient de l’écrire. J’aurai peut-être oublié la phrase exacte qui pointait le bout de son nez, mais mon esprit y aura travaillé toute une journée, et aura certainement fait d’autres liens, d’autres créations qui seront profitables. Cette frustration me garantira que je serai ponctuel au rendez-vous, et me permettra d’installer une habitude qui deviendra peu à peu une façon de vivre. Je ne perdrai plus le fil de mon écriture ou de mon intrigue. Je ne perdrai plus mes idées. Elles seront juste remisées dans un coin de ma mémoire pour y mûrir jusqu’au lendemain.

Le Lieu

Une fois que nous avons trouvé notre Moment, la deuxième question importante est de déterminer le Lieu dans lequel accomplir notre rituel de création.

Dans l’absolu, il est vrai que l’on peut créer n’importe où. Cependant, dans l’optique de se créer un rituel, avoir un environnement propice est essentiel. Une habitude se fonde aussi sur des repères sensoriels. De plus, une certaine ambiance peut nous aider à entrer plus vite dans un bon état de concentration.

Je pense donc qu’il est plus efficace de se choisir un lieu qui sera toujours le même.

Et plus encore, de se choisir un lieu agréable. Un lieu où l’on sait qu’on sera confortablement installé. Avec une bonne lumière, notamment. On doit bien sûr tenir compte des contraintes et nous n’avons pas tous accès à un atelier de 300 mètres carrés avec vue sur une forêt ou une chaîne de montagnes. L’essentiel est de s’aménager un endroit où l’on se sent bien, où l’on a envie de rester un peu, où l’on se sent apaisé.

Pour ma part, j’ai la chance d’avoir un bureau très agréable chez moi, mais je n’y suis donc que deux jours par semaine. J’ai donc investi la salle de repos de mon cabinet médical le reste du temps.

La Musique

Il existe deux écoles parmi les artistes : ceux qui aiment créer en musique, et ceux qui préfèrent le silence.

Vous l’aurez compris, je fais partie de la première espèce.

Pourtant, au final, il s’agit bien de la même chose : se confectionner un environnement sonore propice à la concentration. Les sons nous parviennent quoi que nous fassions car, alors que nous pouvons facilement fermer les yeux pour ne plus voir, nous pouvons difficilement fermer les oreilles pour ne plus entendre. Il est donc important de savoir si l’on préfère peupler son environnement de sons choisis (la musique) ou de silence, qui peut aussi être considéré comme une autre forme de musique. Car le silence total n’existe pas, sauf peut-être dans l’espace (où l’on ne vous entendra pas crier… mais c’est une autre histoire).

Les sons forment une sensorialité omniprésente dans notre vie, donc, ce qui explique qu’ils tiennent une si grande place dans mon rituel.

Peu importe si vous aimez le death metal ou la salsa, le funk ou la musique classique, l’essentiel est de choisir la musique qui vous convient. Vous pouvez vous constituer une playlist sur mesure. Ou vous pouvez vous servir de celles que les services de streaming musical vous concoctent régulièrement. C’est mon choix personnel. Chaque semaine, le service me propose une liste de lecture basée sur mes goûts musicaux. J’ai choisi d’utiliser ce mix de mes morceaux préférés comme compagnon d’écriture pour mes séances. Il change toutes les semaines, ce qui m’aide aussi à marquer le passage du temps.

Couper les distractions

Nous l’avons vu, l’état de flow se caractérise, un peu comme les autres états de conscience modifiés, par une oblitération aux stimuli extérieurs, une abstraction des distractions. Si l’on veut favoriser son émergence, il est indispensable de couper toutes les sources potentielles de distraction qui ne pourraient pas nous inspirer dans ce que nous créons.

Sans forcément opter pour le mode «anti-distraction» des applications d’écriture modernes (Ulysses, Scrivener ou autres) que je trouve personnellement trop extrémistes dans leur manière de nous plonger dans un environnement froid (noir ou blanc) et une police de caractère de type machine à écrire qui ne me convient pas, voire qui nous imposent un style de musique censément zen (type new age, un style que je peux aimer mais pas tout le temps) un peu monotone, il me semble nécessaire de poser comme règle d’or dans mes moments d’écriture l’interdiction de tout dérangement.

Donc, lorsque j’écris, je m’assure que toutes les personnes présentes sachent qu’il ne faut me déranger que si la maison brûle (de manière à ce que je puisse sauver le manuscrit et éventuellement ma peau) ou bien entendu de péril imminent.

Je quitte l’application de messagerie électronique, les mails, les messageries instantanées. N’étant plus sur les réseaux sociaux, je n’ai pas à me soucier de les couper le temps de mon rituel d’écriture, mais si vous avez encore un pied dans ces pièges attentionnels, je ne peux que vous encourager fermement à bloquer toutes les communications pendant que vous écrivez ou créez.

Je mets mon téléphone en mode «avion». Ou bien je l’éteins carrément.

L’idée est de considérer que durant cette heure-là, je ne suis pas disponible, donc pas joignable.

Je me retire dans un lieu symbolique de création, donc à la fois hors du monde et dans un monde autre (à défaut de l’Autre Monde celte que j’aimerais pouvoir visiter un jour). Dans ce monde, rien ne peut venir perturber ma concentration.

Par contre, j’ai besoin de laisser mon esprit avoir accès à des sources de documentation externe, donc à un navigateur internet, car parfois j’ai besoin de vérifier une information, un fait, une définition. J’ai aussi besoin de musique, comme on l’a vu plus haut, et parfois certains morceaux vont devoir changer selon mon humeur et la teneur, l’ambiance, de ce que j’écris. Je dois donc avoir accès aux contrôles de l’application de lecture musicale, au choix des morceaux, voire des listes de lecture.

C’est aussi pour cela que disposer d’un lieu bien éclairé et si possible avec une vue sur un paysage naturel m’aide énormément. Car parfois, il est nécessaire de laisser son regard errer plus ou moins vers l’extérieur pour que la concentration se recharge. Par exemple, alors que j’écris ces lignes, je vois le chat des voisins qui parcourt nonchalamment notre jardin, et ça me fait sourire, et étonnamment cela contribue à ma concentration.

Les étapes et la progression : du minimal change à la brique narrative

Fractionner la transe hypnotique est l’un des moyens que l’on utilise pour paradoxalement l’approfondir.

Vous aurez compris que l’édifice de mon rituel se base sur ce principe.

Je fractionne mon écriture dans le temps (une heure chaque jour), pour approfondir mon habitude.

Mais je fractionne aussi physiquement mon texte.

En effet, l’un des moyens les plus efficaces pour entretenir la motivation (et ce dans n’importe quel domaine) est de donner au cerveau la sensation d’un résultat sensible. Plus il verra que les résultats sont substantiels et réguliers, plus il engrangera de la satisfaction, et plus il sera entraîné à continuer.

Cependant, il est fondamental de lui fixer des objectifs qui soient atteignables et mesurables.

Le mieux est même de lui fixer des objectifs facilement atteignables au départ, quitte si l’on en a envie, à les augmenter par la suite, mais ce n’est pas nécessaire. Cela pourra éventuellement se faire plus tard.

L’essentiel est d’appliquer ce que l’on appelle d’un anglicisme facilement traduisible le minimal change. Le plus petit changement possible. Ancrer une habitude qui demande de la discipline peut être difficile à obtenir, car je vous rappelle que toute cette dynamique est sous la menace d’un déséquilibre des forces en présence au profit du Défaiseur et de ses alliés entropiques. Réussir demande donc de montrer à notre cerveau que le changement est possible. Voilà pourquoi le changement doit être visible, mais le plus petit possible pour ne pas demander un trop gros effort qui renforcerait le Défaiseur.

Il est donc nécessaire de trouver à mesurer notre progression.

Non pas pour le chiffre et la performance (vous savez que je déteste ça). Mais bien pour entretenir la motivation et montrer à mon cerveau que oui, je continue à avancer sur le chemin qui me mènera jusqu’à avoir terminé la rédaction de mon bouquin.

On pourrait se donner un objectif purement chiffré en nombre de pages (genre 1 page par jour), ou en nombre de mots (1000 par jour, comme certains auteurs de mes amis).

Personnellement je trouve que ça manque de sens. Le chiffre n’étant pas important en soi pour moi, il ne me satisfait pas. Je ne peux pas m’en contenter. J’ai besoin que la mesure de ma progression ait une signification.

C’est pourquoi je trouve plus intéressant de me servir de mon découpage du texte.

Quand je construis mon intrigue, je le fais en imaginant un cheminement de narration, une sorte de voyage du lecteur dans sa découverte de l’histoire, qui mélange à la fois la progression chronologique de l’histoire, la progression de la narration (ce qui n’est pas toujours la même chose), la progression de l’évolution des personnages, des événements. Je découpe donc mon livre en parties, chaque partie en chapitres, chaque chapitre en scènes. Ça, c’est ce que tous les écrivains font.

Je vais plus loin, en découpant chaque scène en sous-scènes, et parfois chaque sous-scène en actions.

J’ai emprunté ce découpage au cinéma, qui base toute sa grammaire narrative sur l’élément fondamental du plan pour en faire sa brique narrative. Chaque brique permet de savoir ce que l’on va observer sur l’écran. Un gros plan, un plan d’ensemble. Ce qui sera exprimé à l’écran, quel dialogue, quelle lumière. Quel mouvement de caméra. C’est l’unité fondamentale de la construction d’un film.

Je trouve que cela permet une grande liberté et une grande finesse dans l’élaboration d’une intrigue.

Mais pour rester dans notre propos de l’installation d’un rituel d’écriture, cela me donne une base de mesure facile de ma progression, non pas en substitution de la mesure chiffrée, mais en complément, afin de lui donner plus de sens.

De façon pratique, c’est l’une des raisons pour lesquelles j’adore travailler sur Scrivener, et plus sur un traitement de texte classique comme Word ou LibreOffice Writer.

Scrivener permet à la fois de découper et organiser un texte en briques narratives (qu’il appelle scrivenings) qui sont flexibles à l’infini et selon mes besoins, agençables en scènes, puis en chapitres, puis en parties, voire en plusieurs livres se répondant l’un l’autre et donc de construire une œuvre de façon fractale.

À chaque scrivening, j’associe un objectif en nombre de mots, selon l’importance que je veux lui donner en poids dans le récit. Par exemple, une scène très importante sera détaillée et aura un grand nombre de mots dans son objectif. Disons 2000. Une autre scène pourra être très peu importante, et pourra «peser» seulement 500 mots. Bien évidemment, cela peut bouger dans le temps en fonction de l’évolution de mon projet. Mais cela forme une fondation.

Ma progression se mesurera de deux manières à chaque séance d’écriture.

D’abord, je vais choisir quelle brique narrative je vais travailler. Cela me permet de travailler dans l’ordre que je veux, celui que je sens le mieux selon mon humeur. Par contre, lorsque je m’attaque à l’écriture d’un scrivening, donc d’une brique narrative fondamentale, je m’y tiens jusqu’à ce que cette brique soit totalement rédigée, et je ne change jamais en cours de route, jusqu’à ce que son statut change une fois. Quitte à ensuite, lorsqu’elle est posée, m’attaquer à la rédaction d’une brique narrative située bien avant ou bien après dans le récit. Mais lorsque j’ai terminé mon travail de rédaction sur une brique narrative, je passe son statut (chaque scrivening a un statut permettant de savoir où l’on en est de son élaboration) de «À écrire» à «Ébauche» puis «Premier jet», puis «Corrections stylistiques», enfin «Corrections orthographiques». Cela forme un objectif majeur dans mon rituel. Chaque scrivening qui avance ainsi dans son statut me donne une satisfaction me poussant à continuer.

Scrivener m’indiquera ensuite à chaque session combien de mots j’ai réussi à produire, avec deux barres de progression. L’une propre au scrivening en cours, l’autre suivant un objectif total du manuscrit. Chacune m’aide à me situer dans mes efforts. La première est tactique et me guide dans mes séances au jour le jour. La deuxième me montre à quel point le projet dans son ensemble avance vers sa conclusion, pour suivre la stratégie globale d’écriture du livre.

Plus tard, je peux aller voir les statistiques et l’historique de mes séances d’écritures, et rétrospectivement me féliciter d’avoir tenu la distance et d’avoir bien travaillé. Mon cerveau en sera encore plus motivé.

Conclusion

Tout ceci est ma façon de faire. Elle est très personnelle. Cependant, vous pourrez peut-être y trouver quelques principes ou quelques astuces qui serviront à la construction ou à l’amélioration de votre propre rituel.

Pour ma part, cette méthode fonctionne bien, depuis maintenant trois mois, sans discontinuer. Elle m’a permis de me reconnecter durablement au plaisir d’écrire. Le moindre de ses mérites n’a pas été celui de contribuer à me rendre un équilibre de vie satisfaisant malgré ma charge professionnelle. Le plus important a sans doute été qu’elle m’a à la fois donné la preuve que je pouvais reprendre la maîtrise de ma vie et rendu fier d’y parvenir.


  1. Certains même parlent de guerre, comme Steven Pressfield dans son essai The War of Art, un livre que je confesse ne pas avoir lu mais dont le titre a fait écho en moi, en référence au célèbre Art de la Guerre de Sun Tsu.  ↩
  2. D’après l’univers développé par Orson Scott Card dans la saga d’Alvin Maker, Alvin le Faiseur.  ↩
  3. Libérez votre créativité, publié en France chez J’ai Lu  ↩
  4. C’est souvent comme cela que naissent les changements…  ↩
  5. Oui, je suis adepte des mots anciens, et cette «insulte» est pour moi d’un charme fou. J’assume…  ↩

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Projet : Rocfou

Projet : Rocfou

Projet : Rocfou

J’ai déjà évoqué en quelques mots le nouveau projet qui occupe mon esprit littéraire en cette année 2019.

Comme toujours, il m’a fallu mûrir et digérer nombre d’influences afin de parvenir à une idée suffisamment claire pour savoir ce que je voulais vraiment exprimer. Cette digestion a commencé il y a des années, et elle continue son œuvre même maintenant, alors que je pose enfin les briques de ce que sera Rocfou. C’est un travail qui se fait pour une large part dans l’ombre, dans des impressions, des idées qui surgissent sans crier gare, des intuitions sur ce qui pourrait bien faire corps avec le reste de la recette, sur des envies et des coups de cœur.

Comme tout travail de créativité, ses détours sont sinueux et surprenants.

Et c’est parce que j’ai toujours aimé découvrir les coulisses de cette créativité, un peu comme les making of du cinéma, que j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui de la façon dont ce projet, Rocfou, évolue, grandit, régresse parfois pour mieux rebondir ensuite.

J’aime à penser qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, possède une vie propre. Ce n’est certes pas une vie au sens premier du terme, encore que le concept me séduise grandement, mais tout comme un être vivant, la création se nourrit et croît. Elle peut aussi se voir empêchée par une affection, se développer plus rapidement grâce à de bons soins, elle peut se tromper de chemin parfois et trouver des raccourcis qui lui feront emprunter des sentiers plus ardus ou plus aisés.

C’est de quelques-uns de ces aspects pour Rocfou dont je voudrais vous parler aujourd’hui.

Au commencement était le jeu de rôle

La genèse du projet Rocfou commence il y a une bonne dizaine d’années, un soir chez Obi-Wan, en présence de Sixte et de Phil. Nous évoquons les univers de jeu de rôle que nous aimerions explorer, et la fantasy vient naturellement.

À cette époque, nous avions envie d’une sorte de fantasy légère, et l’idée d’un groupe de trois antihéros émergea assez naturellement. Deux personnages seraient frères, l’un fragile, fantasque et intellectuel, devenu moine bien malgré lui, et le deuxième une sorte de colosse chevalier sans trop de subtilité, mais héritier du titre de noblesse de la famille. Le troisième larron serait l’écuyer du colosse, une sorte d’aventurier cynique volontiers filou à ses heures.

Ainsi naquirent Étienne et Eustâche, les deux rejetons de la lignée mal famée des Rocfou, et Béric, leur compagnon d’aventure.

Autour d’un verre, nous avons rapidement brossé les traits de ce que devrait être le monde dans lequel ils évolueraient, des piliers qui sont encore aujourd’hui à la base de mon projet.

  • Une époque ressemblant un peu à l’Europe mérovingienne, sous l’influence de la chanson de Roland et des légendes celtiques.
  • Une magie rare et peu puissante, d’autant plus crainte qu’elle n’est plus qu’un souvenir dans l’esprit des gens, une vague superstition, une rumeur de sorcellerie.
  • Une religion monothéiste peinant à se frayer un chemin dans des croyances bien plus anciennes et très ancrées dans la population.

Sixte nous a concocté un premier scénario. Son frère Phil s’est entiché de Béric, Obi-Wan a donné corps à Eustâche, pendant que je me suis glissé dans la peau d’Étienne, le frangin érudit et un peu magicien sur les bords, soupçonné d’avoir du sang féérique, et moine défroqué venant arracher son aîné à ses obligations de Seigneur de Rocfou pour partir à l’aventure.

Le trio d’antihéros en a ainsi vécu quelques unes, d’aventures, de joutes en tournois, d’intrigues de palais en mystères ruraux, jusqu’à ce que le temps fasse son effet et que nous passions à autre chose.

Entre temps, nous avions développé leur histoire, compris quelle était l’origine du nom des Rocfou, et les trois personnages sont restés dans nos esprits, un peu comme d’anciens camarades que l’on a perdu de vue depuis longtemps, mais dont on aime à se rappeler les noms et les souvenirs qui nous lient à eux.

Le temps a passé.

La fantasy a été marquée par Game of Thrones avec le succès de la série, et je me suis pris à imaginer ce que l’on pourrait montrer différemment. Comment une saga de fantasy avec des intrigues politiques, des dragons, des dangers, une magie ancienne et oubliée pourrait susciter une autre ambiance.

Et puis j’ai découvert Symbaroum, grâce à Jérôme, l’un des nouveaux compagnons de notre table de jeu.

Ce fut une révélation. Il ne manquait à Rocfou qu’une touche de dark fantasy pour devenir une histoire véritablement marquante. Cela changeait un peu la tonalité d’origine, résolument légère, presque parodique, «à la Willow».

Mais cela me permettrait de développer certaines idées qui me sont chères depuis longtemps, et qui dormaient dans un coin de mon esprit. Un peuple des Fées plus conforme à la tradition celte : étrange et inquiétant, imprévisible et cruel, même dans ses bienfaits. Le prix de la magie. Le prix des légendes, de la connaissance comme de l’ignorance. Et la gémellité, cette obsession qui me suit depuis ma tendre enfance, ce mystère qui me fascine alors que je ne l’ai jamais vécu puisque je n’ai pas de jumeau.

Il sera donc question de tout cela dans Rocfou, mais d’autres choses encore qui me sont apparu au fil du temps.

Tout cela grâce, au départ, à un univers de jeu de rôle…

La construction d’un monde

Toute histoire commence par la création d’un monde. Même celles se déroulant dans notre réalité impliquent de concevoir le monde intérieur des personnages, comme leur environnement immédiat, leurs relations, leurs désirs. Le travail est juste plus vaste lorsque l’on décide de raconter une histoire se déroulant dans un monde imaginaire.

J’avais déjà de bonnes bases en reprenant ce que le groupe de jeu avait construit au fil des années, et que j’avais moi-même enrichi pour mon plaisir, mais le propos de départ ayant changé, le monde ne pouvait pas être repris à l’identique. Il avait tout autant besoin d’être approfondi et harmonisé afin que sa cohérence interne en soit renforcée.

Je suis donc pratiquement reparti du début, en gardant à l’esprit les principes exposés plus haut.

Pour cela, j’écris ce que les scénaristes de séries télévisées appellent une bible. Il s’agit d’un document qui sert de référence constante et qui détaille l’univers dans lequel l’intrigue va évoluer.

Cette bible se constitue d’abord par des notes jetées en vrac dans un carnet, qui dans mon cas est numérique, ce qui me permet de retraiter chaque note dans différents environnements de travail (carte heuristique, liste, etc.) sans avoir à tout ré-écrire à chaque fois.

J’approfondis chaque note par un texte explicatif, parfois relié à d’autres points, et pour cela j’utilise Scrivener. Sa faculté à créer des liens internes et à organiser des dossiers et fichiers hiérarchisés m’aide énormément. En plus, j’ai la bible constamment à portée de main quand je rédige, et cela me fait gagner un temps fou.

J’organise certaines notes entre elles avec une architecture visuelle en carte heuristique avec Scapple, surtout lors de la conception de l’intrigue.

Et pendant tout ce travail, je visualise le monde physique dans lequel vont évoluer mes personnages en recherchant des images qui pourront soutenir mes descriptions, et surtout en le cartographiant. Car depuis longtemps on sait qu’on ne connaît bien un monde que si on est capable de s’y orienter. Depuis le périple d’Ulysse, puis les cartes du tendre du XVIIe siècle jusqu’à la Terre du Millieu de Tolkien, il n’est pas de monde imaginaire ou légendaire qui ne se construise en fixant des côtes, des cités, des montagnes et des mers. Même lorsque ces cartes ne sont ensuite pas livrées au public pour plonger le lecteur dans une époque où ce que l’on savait du monde était parcellaire et rapporté par d’autres, l’auteur doit les tracer pour devenir un véritable démiurge.

C’est ainsi que la construction du monde de Rocfou se fait pas à pas.

Bien entendu, tout n’est pas fixé d’emblée, et il reste de nombreuses zones inconnues, même pour moi. Je ne fais au départ que tracer les grandes lignes de ce qui sera le cadre de l’intrigue. Comme tous les rôlistes le savent, il vaut mieux partir de ce qui est le plus proche des protagonistes, et agrandir le cadre au fur et à mesure, si l’on excepte les grands principes qui dirigent le monde lui-même, comme la nature de la magie, la religion, la culture des peuples. Même si tout cela est brossé un peu grossièrement.

Les détails prendront place naturellement durant la rédaction, ou plus tard même, avec les besoins.

Je m’assure juste que chaque détail rajouté soit cohérent avec le reste, et c’est pour cela que la bible est si utile.

Exemple d’article de la bible : la magie dans le monde de Rocfou

Voici à quoi peut ressembler une note décrivant certains principes du monde.

Celle-ci s’occupe de la place de la magie dans Rocfou.

La magie dans Rocfou

Les contes et les légendes d’autrefois contiennent tous leur dose de magie, y compris en Grande Terre. De nos jours, les superstitions et les croyances ont remplacé les certitudes de jadis, et le Don des Ombres et des Lumières, s’il est encore synonyme d’un respect craintif et d’une grande méfiance, est surtout vu comme un feu éteint avec les dernières lueurs de l’Ancienne Foi. Les prêtres du Dieu Lumineux enseignent en effet que les seuls véritables prodiges sont l’œuvre des saints et que le reste n’est que maléfices et sorcellerie inspirée par les démons Fomori.

Le nom, cependant, est resté, et il arrive tout de même que l’on attribue certaines merveilles à des êtres touchés par les Ombres et les Lumières.

Car ainsi est appelée la magie, même si le terme magie ne convient peut-être pas tout à fait. Il s’agit bien de tordre ou violer les lois de la physique et de la biologie, mais d’une façon généralement très discrète. Les prodiges stupéfiants de boules de feu, de châteaux édifiés en une nuit ou autres réalisations d’importance ont toujours été l’apanage des races aînées : les Fées, les Dieux, les Démons, et bien évidemment, les Dragons, qui sont connus pour avoir été l’âme même de la magie. Leur disparition est d’ailleurs généralement considérée comme la cause de l’affaiblissement progressif de la magie, et des prodiges que cette dernière permet de nos jours.

On explique cela par le fait que les Dragons étaient constitués de l’essence même du monde. Leur magie était donc capable de modeler la réalité aussi simplement que de bouger une patte.

Chaque peuple a appris des Dragons une magie différente, adaptée à sa propre existence, mais de moindre importance.

Seuls les Fomori, les noirs démons jadis vaincus par les Dieux, possédaient leur propre et mortelle sorcellerie.

Les Puissances, les Dieux, régissent un domaine particulier de la vie sur la Grande Terre, et les miracles dont ils sont capables sont tous contraints par ce domaine en particulier. Mais avec leur retrait hors du temps, peu de miracles ont été vus depuis plus de mille ans.

Les Fées, eux, ont une magie plus subtile et en un sens plus libre. Ils peuvent altérer la réalité grâce à des illusions, nommées enchantements, qui sont si réalistes qu’elles peuvent supplanter la véritable texture du monde, s’ils consentent à un sacrifice. Ce sacrifice est généralement coûteux et cruel, et plus l’enchantement est grand ou puissant, plus le sacrifice est vicieux et cruel. Cependant, la règle subtile et dangereuse dont les humains ne connaissent pas forcément l’existence est que ce sacrifice doit être consenti par la personne qui désire l’enchantement, pas par le magicien. De nombreux humains ont ainsi été piégés par les Fées. Néanmoins, tous ceux qui sont encore au fait des anciennes traditions savent que la magie des fées à une faiblesse, nommée geiss. Un geiss est une condition très particulière que doit respecter chaque Fée, en permanence, sous peine de perdre à la fois ses pouvoirs et sa très grande longévité. Certaine Fée ne pourra mentir aux enfants, une autre devra boire seulement du lait, etc. Découvrir le geiss d’une Fée et parvenir à le lui faire enfreindre est la seule façon de détruire la magie d’un tel être.

Bien évidemment, plus aucune Fée n’a été vue dans tous les Royaumes de la Grande Terre depuis près de sept siècles.

Enfin, le Don des Ombres et des Lumières est la forme de magie que les Fées et certains Dragons apprirent aux humains dans les premiers temps de l’Histoire. C’est une forme affaiblie de la magie des Fées, l’art des illusions et des enchantements, qui cependant peuvent prendre réalité durablement si l’on consent à un sacrifice, mais, à cause de la nature des humains, ce sacrifice doit être fait par le magicien lui-même, ce qui freine considérablement les velléités de changement définitif dans la trame du monde. Sans ce sacrifice, l’enchantement ne supplante la réalité qu’un temps assez court, généralement jusqu’à ce que le soleil ou la lune se couche.

Pratiquer ce Don est très rare. En effet, il se trouve que seuls les humains jumeaux peuvent développer cette capacité. Et comme il est dans la nature de la magie de toujours avoir un prix, les humains nés avec ce talent souffrent également d’une tare physique ou psychique, d’une maladie ou d’une infirmité quelconque, qui rend leur existence précaire au mieux, dangereuse à tout le moins.

Ainsi sont craints tous ceux qui souffrent d’une affection chronique, et on les soupçonne très vite d’être des magiciens, ou, pire, des sorciers voués aux forces maléfiques.

Exemple de cartographie

En gardant à l’esprit le principe de détailler d’abord ce qui sera le plus proche des personnages, puis d’agrandir le périmètre au fur et à mesure des besoins, il revient tout de même au démiurge de voir un peu au-delà. C’est pourquoi le tracé des côtes de la Grande Terre est si vaste par rapport à la région de Rocfou, un petit coin perdu du Royaume de Miliath, le Royaume du Miel, au nord-ouest, près de la grande chaîne des Montagnes des Dragons.

L’histoire prenant ses racines loin dans le passé, à l’époque où les derniers Dragons vivaient encore, il était aussi nécessaire de regarder l’évolution de certains paramètres. Ainsi, sur le tracé des côtes, j’ai gribouillé plusieurs cartes décrivant, par exemple, l’aire de répartition des différents peuples (première carte) et les divisions politiques actuelles (deuxième carte), même si certaines ne sont pas totalement figées et si je ne sais même pas encore quels noms auront les territoires concernés, ni s’ils auront une importante quelconque dans le récit.

Il est essentiel de se laisser des pans entiers à découvrir soi-même au fil de l’écriture, de laisser la place à des idées actuelles de se développer, ou à des idées futures d’émerger et de prendre toute l’ampleur qu’elles méritent.

Dans mon fonctionnement, l’écrivain structural et l’écrivain jardinier cohabitent véritablement, même si j’ai tendance à incarner plus facilement le premier que le second.

La conception d’une intrigue

L’étape de l’intrigue est entremêlée avec celle du monde, car l’une et l’autre se nourrissent mutuellement. Un détail dans l’univers va donner une idée d’événement, un événement va prendre place dans un décor spécifique et faire naître une particularité de l’univers.

Je procède là encore par notes diverses, reliées dans une carte heuristique.

La pensée créative est une pensée analogique : elle va établir des liens entre plusieurs idées, plusieurs concepts. Des liens qui sont logiques et d’autres moins. Il peut s’agir d’impressions, d’ambiances, d’images, de sons. Et ces liens font émerger à leur tour une idée ou un concept qui seront parfois très éloignés des sensations premières. Par exemple si l’évocation d’une symphonie et d’un soir de pluie pouvait donner naissance à l’idée d’une scène où un personnage découvre le secret de sa naissance.

C’est ainsi que mes notes sont des phrases ou des bouts de phrases, reliées à des mots qui décrivent plus précisément mes impressions. Et ensuite, j’essaie de visualiser le tout comme une scène, ou dans une scène déjà «découverte» dans mon plan.

C’est dans cette phase que je structure un peu les événements. J’essaie de suivre le chemin de l’histoire, de façon grossière, comme on le ferait à grands pas, sans se préoccuper des détails. Je survole la carte heuristique, et je la vois de très haut, pour n’en distinguer que les contours les plus importants, les nœuds réellement les plus forts. Ce n’est qu’ensuite, lorsque je vais rédiger, que je reprends ce chemin, à pied cette fois, en m’autorisant à explorer des endroits que je n’avais pas prévus en premier lieu, en musardant, furetant, en m’attardant sur des détails qui peuvent ensuite se révéler être de véritables détours ou des pans entiers de l’histoire qui m’étaient inconnus jusque là.

Je reprendrai ensuite chacun de ces détours, chacun de ces nouveaux pans de l’intrigue, pour les relier le plus harmonieusement possible au reste, et que le tout prenne une forme et un fond qui me satisfassent.

J’en suis actuellement au tout début, à l’étape où chaque note se déploie indépendamment des autres, pour être reliée ensuite à tout le reste. J’explore.

C’est une phase déroutante, car on n’écrit pas encore, mais passionnante parce qu’on défriche, et frustrante parce qu’on ne voit pas encore vraiment où tout cela mènera.

L’envie d’une autre fantasy

Comme souvent chez moi, deux désirs presque opposés coexistent.

D’abord écrire une saga de fantasy, de «vraie» fantasy, avec des Dragons. Avec des légendes. Avec des héros et un monde qui change, se trouve bouleversé par des combats épiques, des mythes qui se créent.

Et puis écrire une fresque plus fantastique et personnelle qu’héroïque, sans manichéisme, mais avec des nuances de gris, avec cette ambiance mystérieuse que donne la magie diffuse, cruelle, sacrificielle. Un mélange de low fantasy et de dark fantasy, où les seuls êtres non humains sont disparus ou presque (pas d’elfes élancés ni de nains trapus, pas de gobelins, de trolls ou d’orques) où les rares êtres Fées sont des créatures étranges, incompréhensibles et dangereuses, où le plus grand danger vient souvent de soi-même, où les Dragons ne sont plus présents que dans des chuchotements multiséculaires qui résonnent encore aux oreilles de rares personnes aussi maudites que bénites.

La gageure est simple : donner corps à ce mélange. Et lui donner corps dans un alliage aussi beau que solide.

Autant dire que je ne suis pas encore sorti de l’auberge (où comme il se doit dans tout bon module de l’ancêtre D&D un mystérieux commanditaire m’a confié ma mission ?).

Un bel objet

Enfin, un livre, c’est aussi un objet.

Et avec Rocfou j’ai envie d’aller plus loin dans la conception d’un bel objet, car pour moi le beau est dans le signifiant du texte, mais aussi dans sa présentation.

Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, me diront certains.

Et bien non. Traitez-moi de vil esthète si cela vous chante, mais pour moi le flacon a aussi son importance dans l’ivresse. Et je l’assume. Jusque dans les livres que j’écris. Car un livre peut être un bel objet, un de ceux qui marquent, par son contenu autant que par lui-même.

Ce peut être un objet numérique, auquel je trouve l’on ne prend pas assez soin du détail. Même si le support échappe complètement aux mains de l’auteur (je ne pourrai pas décider sur quelle marque de liseuse ou de tablette, voire de smartphone ou d’ordinateur vous lirez mes productions), je pense sincèrement qu’un simple fichier ePub peut apporter au plaisir de lire s’il répond à trois critères :

  • Un confort de lecture qui s’adapte aux particularités et envies de chacun. C’est d’ailleurs la grande force du livre électronique sur le livre physique que cette adaptabilité, rendant possible la lecture même aux personnes souffrant de difficultés visuelles.
  • Une mise en cohérence de la forme avec le fond du texte. Il ne faut pas oublier que la typographie peut être elle-même signifiante et que certaines mises en forme peuvent avoir un impact sur l’immersion du lecteur dans l’histoire. Au même titre que la réalisation, la lumière, les éclairages, la photographie et parfois les effets spéciaux peuvent apporter quelque chose au cinéma ou en série télévisée (je pense aux textos visualisés directement dans certains épisodes de la série Sherlock de la BBC), je suis convaincu que la typographie peut rendre certains passages plus immersifs dans un écrit (dans le même exemple des textos, pour n’en prendre qu’un).
  • Une esthétique globale dans une identité éditoriale. Pour qu’un fichier soit plus qu’un bête agencement de code informatique et donc qu’un texte soit plus qu’un simple affichage de caractères sur un écran, il est nécessaire de lui donner… du caractère, si je puis dire sans mauvais jeu de mots. Donc de penser la mise en forme pour que cette esthétique soit la plus identifiable possible. Qu’elle type l’œuvre, l’auteur, ou la collection.

Mais un livre c’est aussi, plus traditionnellement, un objet physique, un agencement de feuilles de papier savamment reliées, avec sa forme, mais aussi son toucher. La matérialité a encore de quoi séduire. Et dans ce domaine également, j’ai envie de changer un peu.

Cela fait quelques années que nous nous côtoyons sur cet espace virtuel, et que régulièrement je parle de l’impression à la demande et des opportunités qu’elle a offertes à la réalisation de livre (ce que d’aucuns appellent l’auto-édition). J’ai même commis un ou deux articles expliquant comment s’y prendre avec le poids lourd du marché, Amazon.

Mais outre que le modèle économique et social du géant américain ne me convient pas vraiment (mais c’est un autre débat, que nous aurons sans doute un jour), la finition de l’objet livre par Amazon, pour être à la hauteur de standards professionnels, est limitée.

Il n’existe pas de reliure cousue chez Amazon, et pas même chez son concurrent le plus direct, lulu.

On ne peut pas choisir la matière de la couverture (ou bien si, seulement entre souple et dure).

Or, c’est aussi avec des détails comme ceux-là que l’on crée un bel objet. J’aimerais une reliure cousue pour les deux ou trois tomes de la série que devrait devenir Rocfou, parce que c’est plus solide, parce que c’est plus beau aussi. J’aimerais une couverture dure, également. Je me penche sur la lisibilité de la maquette, la police de caractère, le papier.

Bref, je veux renouer avec le plaisir simple de posséder une œuvre précieuse, non pas forcément par son coût, mais parce que quelqu’un a pris le temps de la réaliser pour moi.

Encore une fois : le contenu et le contenant peuvent se répondre.

Time will tell

Tout cela fait beaucoup, devez-vous penser.

Je suis bien d’accord. Il me reste du chemin à parcourir avant de livrer Rocfou entre vos mains et à vos yeux ébahis.

Mais pour le moment mon plan se déroule sans accroc majeur (et vous savez combien j’adore qu’un plan se déroule sans accroc) et la rédaction du premier tome devrait débuter avec l’été, au mois de juin probablement.

Ce premier tome dont le titre est déjà tout trouvé : Les Héritiers du Dragon.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Dans les rouages d’écaille & de plume, Scrivener

Dans les rouages d’écaille & de plume, Scrivener

Dans les rouages d’écaille & de plume, Scrivener

Cela fait presque six années maintenant que j’ai ouvert cet espace numérique qui me sert à la fois de carnet de notes public, de tribune pour mes coups de cœur ou mes coups de gueule, d’exposition pour mes projets artistiques, de lieu d’échange.

Malgré les aléas de la vie réelle, je continue d’y poster mes élucubrations, mois après mois, même si c’est de façon un peu moins régulière que pendant les quatre premières années.

Si vous me suivez depuis le début, vous avez pu remarquer certaines de mes marottes, et aussi une évolution.

Comme tout un chacun je change au fil du temps.

Il m’est donc arrivé, ici ou là, dans la vie réelle comme dans cette vie numérique, de me tromper (ne l’ébruitez pas autour de vous, mais c’est assez fréquent, beaucoup plus que je ne le voudrais, puisque malgré tous mes efforts pour retrouver ma nature profonde de lutin, je reste un être humain), et plus étonnant encore de nos jours, de changer d’avis.

S’il est d’ailleurs un domaine où je change souvent d’avis, c’est en ce qui concerne les outils technologiques que j’utilise.

C’est ainsi que j’ai pu par le passé clamer haut et fort que Scrivener n’était pas un outil qui correspondait à ma façon de voir les choses… et c’est ainsi que je me suis ravisé il y a un an tout juste.

Les convertis étant toujours les zélotes les plus dangereux, j’ai pris l’habitude d’utiliser Scrivener à tout bout de champ lorsque j’avais quelque chose à écrire, au point d’en avoir délaissé mes idoles passées, comme LibreOffice. Comme il aurait été dit à Clovis :

Courbe la tête, fier Sicambre, abaisse humblement ton cou. Adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré.

Vous savez que j’utilise Scrivener pour mes romans. J’aime la façon dont le logiciel me permet de structurer ma pensée et de me concentrer sur l’écriture au lieu de la mise en page, même si, indécrottable que je suis, je pense toujours à celle-ci en parallèle, mais dans d’autres logiciels. Je ne suis plus distrait pendant l’acte primordial, lorsque le texte coule en longues tirades faciles ou même en courtes saccades laborieuses.

Mais je l’ai aussi adopté pour des écrits plus professionnels, comme un mémoire rédigé pour valider une formation, ou pour des lettres structurées à des administrations, à des confrères… Je n’ai pas encore essayé pour écrire un scénario de jeu de rôle, mais j’y pense sérieusement…

Et voici maintenant que je l’utilise aussi pour écrire mes articles ici !

Cela devient véritablement une manie, une obsession.

J’étais à deux doigts de consulter…

Et puis, comme vous commencez à connaître le plaisir que j’ai à partager mes coups de cœur, je me suis dit que la meilleure thérapie pour moi serait de présenter la manière dont je m’y prends pour écrire mes articles avec Scrivener.

Cerise sur le gâteau, si vous êtes sages, je vous livrerai en prime mon fichier de modèle (ou comme on dit dans la langue de Greg Stafford, mon template) avec les modèles de compilation.

Je dois préciser cependant que cet article n’est en rien lié commercialement à Scrivener, et en est donc totalement indépendant.

Scrivener, petite présentation

Mais qu’est-ce donc que Scrivener ? Vous demandez-vous avec curiosité.

Scrivener, dont j’utilise la troisième version sur Mac, est un logiciel à la fois d’une simplicité désarmante et d’une complexité stupéfiante. C’est un studio d’écriture.

Comparaison n’est pas raison, mais on peut tout de même expliquer son concept en partant de ce que tout le monde connaît : le traitement de texte, qui est à la fois le cœur de Scrivener tout en étant finalement très éloigné de ce qu’il est réellement.

Dans un traitement de texte comme Word que tout le monde a déjà ouvert une fois dans sa vie, ou LibreOffice que j’avais pour ma part préféré adopter, vous écrivez votre texte dans une interface où les pages s’enchaînent de façon linéaire, comme si vous dérouliez un interminable rouleau de papier. Vous y disposez également d’outils qui vous permettent de déterminer la mise en page finale de votre texte au même moment où vous l’écrivez, et voyant directement l’apparence qu’auront vos mots lorsque tout le document aura été écrit. Même si vous utilisez des styles, une bonne pratique qui est recommandée par tous les professionnels de l’écriture, car elle permet de changer facilement l’apparence de votre texte en fonction de sa structure, votre document sera formaté pour une taille de page bien précise, avec des marges bien précises, des choix de mise en page que vous aurez pensés à l’avance, comme des numéros de page, un sommaire, et j’en passe.

Le fond et la forme seront tellement liées l’une à l’autre que transposer le texte dans une autre forme, même en changeant l’apparence des styles, sera long et complexe.

Une autre conséquence de ce long rouleau de papier virtuel se fera sentir lorsque vous devrez corriger le texte, ou bien faire référence à la fin à un passage qui se trouve perdu au milieu et pour lequel vous devez retrouver des éléments précis, comme une phrase ou juste quelques mots, voire vous rappeler de la description physique d’un personnage que vous aviez juste croqué en passant sans lui faire de fiche. Vous retrouver dans un document de plus d’une centaine de pages va être long.

Bien sûr, il existe la possibilité de mettre des signets, des références dans le texte, mais cela implique de savoir à l’avance que votre passage sera important pour la suite. Que faire si vous le découvrez en cours de route ? Vous devez vous servir des ascenseurs interminables à droite de la fenêtre principale de votre traitement de texte pour faire dérouler tout le document, en perdant un temps fou à chercher les quelques mots qui peuvent être flous dans votre mémoire. Vous devez peut-être vous servir de la fonction Rechercher et remplacer, dont l’efficacité est parfois sujette à caution si vous n’avez qu’une vague idée de ce que vous cherchez.

Bref : vous perdez du temps.

Avec Scrivener, dès le début vous travaillez avec un paradigme différent sur ces deux points précis.

Votre texte est scindé en petites unités que vous déterminez vous-même, avec un titre qui peut vous aider à facilement le retrouver, avec des notes, des mots-clefs, des signets, et même un résumé qui sont attachés à chacune de ces unités. Elles peuvent faire la taille de votre roman, comme dans Word, mais aussi la taille d’un chapitre, d’une partie de chapitre, d’une scène, d’une phrase, d’un mot si vous le désirez. Et vous pouvez organiser et réorganiser l’ordre de ces unités à votre guise.

Il devient très facile de retrouver un élément.

Plus encore lorsque l’on sait que l’on peut stocker toutes les informations nécessaires à l’écriture, comme la recherche iconographique ou historique, des fiches de personnages ou de lieux, dans la même interface et suivant le même principe.

Vous pouvez bien entendu voir et travailler sur chaque unité séparément, mais aussi sur l’ensemble en une seule vision globale comme si vous étiez dans un traitement de texte.

Quant à votre texte lui-même, d’ailleurs, il s’étale dans chaque unité comme s’il était inscrit sur une fiche, avec bien entendu des styles pour en marquer certaines particularités. Mais sa mise en forme n’est au départ pas déterminée lorsque vous écrivez.

C’est plutôt le travail d’une opération unique à Scrivener que l’on appelle la compilation, qui permet de formater le même texte de façon très différente en fonction de ce que l’on veut en faire : un brouillon, une épreuve de correction, un texte fini, mais lequel ? Une lettre, un rapport, un livre papier, un livre électronique ? Un article ?

Le fond du texte est clairement séparé de sa forme, ce qui permet une grande liberté et une plus grande rapidité dans les processus de publication ensuite. Cela n’empêche pas de choisir avec quelle police de caractères le texte s’affiche lorsque vous écrivez, de déterminer une apparence pour des styles lorsque vous devrez marquer une partie comme état importante, mise en évidence, comme étant une citation ou un bloc de code. Au contraire. Mais votre marquage ne sera finalement que cela : un simple marquage. Vous pourrez ensuite décider de façon très simple d’ignorer certaines marques, certains styles, voire de ne pas publier les parties marquées d’un style en particulier lors de la publication dans un rapport alors que pour vos archives vous pourrez autoriser ces parties de texte à être imprimées. Et vous pourrez décider comment chaque style apparaîtra dans des publications différentes.

Par exemple, décider pour un roman que la version classique verra les portions importantes en italique alors que dans la version luxe ces portions seront affichées selon une fonte différente, en petites majuscules.

La compilation est sans doute l’étape la plus complexe à comprendre et à appréhender, voire à maîtriser, de Scrivener, mais c’est aussi elle qui permet d’en goûter le plus la souplesse et la puissance.

En fait, le principe de Scrivener ressemble beaucoup à la façon dont sont conçus les sites sur internet à notre époque.

Sur un site internet, l’information que vous voyez à l’écran est séparée en deux dans le code.

D’un côté — c’est ce que l’on appelle le fichier HTML — le texte lui-même avec des balises permettant de savoir quelles parties sont importantes, lesquelles sont des citations, lesquelles sont des liens, et d’un autre côté un fichier – appelé CSS – qui décrit comment chacune de ces balises doit être montrée à l’écran, leur style.

Cette séparation permet beaucoup de choses, notamment le fait que le même article d’un site puisse être montré un peu différemment sur un ordinateur (avec une police de caractères particulière par exemple) ou sur un téléphone (une police plus grosse, par exemple).

Apprendre à se servir de Scrivener est assez simple une fois qu’on en a compris les principes. Vous pourrez trouver sur le net quantité de tutoriels en français comme en anglais. Il existe même des formations payantes en ligne, qui franchement me semblent plutôt inutiles si l’on accepte d’expérimenter soi-même un peu. Nous avons affaire à un logiciel extrêmement versatile dans les usages qu’on peut en faire et comportant une myriade d’options certes, mais ce n’est pas non plus un casse-tête au point de payer des centaines d’euros pour en exploiter les nombreuses possibilités.

Le mécanisme derrière le rideau d’écaille & de plume

En plus du côté très pratique et agréable de Scrivener, c’est cette similitude de principe qui m’a conduit à envisager de l’utiliser aussi pour écrire les articles de mon site, qui est motorisé, comme une grande majorité des sites modernes, par le code de WordPress.

Habituellement, l’interface qui permet d’écrire à l’aide de WordPress est très inspirée des traitements de texte classiques comme Word et ressemble à ceci.

Ma façon de faire lorsque d’écaille & de plume est né fut donc d’écrire directement dans cette interface, avec deux écueils principaux. Tout d’abord ceux du paradigme d’un traitement de texte comme je vous les ai exposés plus haut. Mais surtout se rajoutait l’inconvénient de dépendre d’une connexion internet pour écrire (ce qui n’est pas toujours possible), ce que j’ai trouvé très inconfortable, voire dangereux, car à plusieurs reprises j’ai dû réécrire des articles parce que la connexion internet n’avait pas été fiable et que mon travail n’avait pas été enregistré. De même, tous mes premiers articles étaient uniquement stockés sur internet, et je n’en possédais pas de copie hors-ligne.

J’ai donc décidé de changer de méthode et d’écrire mes articles d’abord hors-ligne, en utilisant un traitement de texte, pour copier et coller le résultat final dans l’interface de l’éditeur de WordPress.

Comme tous les sites internet, d’écaille & de plume est produit avec un code HTML mis en forme par un fichier CSS.

L’idée s’est donc imposée très vite d’écrire avec Scrivener, puis d’exporter, de compiler le travail ainsi accompli pour qu’il soit parfaitement intégré à WordPress.

Et plutôt que de bêtement copier-coller le texte, je pouvais me servir de sa fonction de compilation pour exporter non seulement les balises marquées par les styles, mais aussi les liens internet.

J’ai donc déterminé des styles personnalisés qui sont basés sur les balises classiques du HTML (comme <i>, <em>, <b>, <strong>, <blockquote>, etc.), et ensuite un modèle de compilation qui permettait d’obtenir un code HTML propre contenant les balises utilisées dans le texte. Le tout est regroupé dans un fichier de modèle (ou template) que vous pouvez importer dans vos propres modèles de Scrivener.

Le fichier modèle d’article

Ce modèle (template) a été pensé pour faciliter l’écriture de posts ou de pages sur WordPress en se servant de l’éditeur classique TinyMCE, ou même avec Gutenberg. Il n’est hélas pas directement utilisable avec les constructeurs de pages comme Divi. Il faudra d’abord en passer par l’étape éditeur classique auparavant.

Il est conçu pour sortir un fichier HTML5 via la syntaxe MMD (MultiMarkdown). Une fois compilé, il suffit de copier le code HTML compris entre les balises <body> du fichier (en ouvrant ce dernier avec votre éditeur de code préféré, chez moi c’est Espresso), et de le coller dans l’onglet texte (et non dans l’onglet visualisation) de l’éditeur de WordPress.

En basculant ensuite sur l’onglet visualisation, votre texte devrait apparaître comme mis en forme.

Le modèle comporte des styles très fréquents dans les articles, comme la mise en emphase (style Mise en évidence), ou le texte fort (style Strong), la combinaison des deux (style Strong & italic utilisé pour distinguer le titre d’une œuvre par exemple), voire le texte barré (style Barré).

Il est capable aussi de reconnaître les citations (style Bloc de citation) qui peuvent être insérées comme vous le désirez en bloc.

Il gère la mise en forme du code (style Bloc de code) et les balises <code> (style Balise span).

Et encore plus, les liens d’écaille & de plume.

Pour les insérer, tapez le texte, sélectionnez celui qui sera visible pour le lien, et dans Scrivener cliquez sur Édition > Ajouter un lien... en choisissant Aucun préfixe. Vous tapez l’adresse du lien, et le tour est joué !

Je ne conseille pas de s’occuper des images directement dans Scrivener, car WordPress a une façon bien à lui de les gérer. Mieux vaut les insérer une fois le texte à l’aise dans l’éditeur de votre blog.

La hiérarchie des sections a été pensée pour que les titres soient balisés seulement à partir de<h2>, laissant la balise <h1> seulement pour le titre de votre article dans WordPress, comme il est recommandé par les bonnes pratiques du SEO.

La compilation se fait exclusivement via le format MultiMarkdown, mais peut sortir deux types de fichiers.

Tout d’abord un fichier HTML, qui sera utilisé pour publier l’article sur WordPress, en copiant tout ce qui se trouve entre les balises <body> et en le collant dans l’éditeur du blog.

Ensuite, un fichier RTF qui servira éventuellement à archiver le fichier, ou ensuite à le transformer en PDF.

Compilation vers HTML, petit tutoriel

En sélectionnant le format de compilation Article de blog d'écaille & de plume, veiller à bien choisir une compilation MultiMarkdown -> Web Page (.html).

Dans les paramètres de compilation (la roue dentée dans le panneau de droite, située à droite de l’étiquette symbolisant les métadonnées), veiller à bien cocher Convertir le texte enrichi en MultiMarkdown. C’est la condition pour que les styles embarqués dans l’article soient bien retranscrits dans le fichier HTML.

Dans l’éditeur de code

Le résultat dans l’éditeur de code sera une syntaxe HTML comme celle-ci.

<!DOCTYPE html>
<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="en">
<head>
<meta charset="utf-8"/>
<title>Template blog</title>
<meta name="author" content="Germain HUC"/>
</head>
<body>

<h2 id="sectiondelarticle">Section de l’article </h2>

<p>Du texte</p>

<h3 id="sous-sectiondarticle">Sous-section d’article </h3>

<p>Encore du texte</p>

<h4 id="sous-sous-sectiondarticle">Sous-sous-section d’article </h4>

<p>Du texte toujours.</p>

<p>Et un texte sans titre.</p>

</body>
</html>
Résultat de la compilation en HTML

Il ne vous restera plus qu’à copier tout ce qui se situe entre les balises <body> et à le coller dans l’éditeur de WordPress. Votre article est prêt.

Le présent du Serpent à Plume

Vous pouvez télécharger ce modèle pour Scrivener et le modifier selon vos goûts et vos besoins.

Je vous encourage même à le faire, parce que vous verrez que Scrivener n’est jamais plus efficace que lorsque vous l’avez modelé à vos habitudes, à votre façon unique de vous en servir.

Vos retours et vos expériences sont d’ailleurs les bienvenues sur cet espace.

En attendant, bonne écriture !

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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