Dans les rouages d’écaille & de plume, Scrivener
Cela fait presque six années maintenant que j’ai ouvert cet espace numérique qui me sert à la fois de carnet de notes public, de tribune pour mes coups de cœur ou mes coups de gueule, d’exposition pour mes projets artistiques, de lieu d’échange.
Malgré les aléas de la vie réelle, je continue d’y poster mes élucubrations, mois après mois, même si c’est de façon un peu moins régulière que pendant les quatre premières années.
Si vous me suivez depuis le début, vous avez pu remarquer certaines de mes marottes, et aussi une évolution.
Comme tout un chacun je change au fil du temps.
Il m’est donc arrivé, ici ou là, dans la vie réelle comme dans cette vie numérique, de me tromper (ne l’ébruitez pas autour de vous, mais c’est assez fréquent, beaucoup plus que je ne le voudrais, puisque malgré tous mes efforts pour retrouver ma nature profonde de lutin, je reste un être humain), et plus étonnant encore de nos jours, de changer d’avis.
S’il est d’ailleurs un domaine où je change souvent d’avis, c’est en ce qui concerne les outils technologiques que j’utilise.
C’est ainsi que j’ai pu par le passé clamer haut et fort que Scrivener n’était pas un outil qui correspondait à ma façon de voir les choses… et c’est ainsi que je me suis ravisé il y a un an tout juste.
Les convertis étant toujours les zélotes les plus dangereux, j’ai pris l’habitude d’utiliser Scrivener à tout bout de champ lorsque j’avais quelque chose à écrire, au point d’en avoir délaissé mes idoles passées, comme LibreOffice. Comme il aurait été dit à Clovis :
Courbe la tête, fier Sicambre, abaisse humblement ton cou. Adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré.
Vous savez que j’utilise Scrivener pour mes romans. J’aime la façon dont le logiciel me permet de structurer ma pensée et de me concentrer sur l’écriture au lieu de la mise en page, même si, indécrottable que je suis, je pense toujours à celle-ci en parallèle, mais dans d’autres logiciels. Je ne suis plus distrait pendant l’acte primordial, lorsque le texte coule en longues tirades faciles ou même en courtes saccades laborieuses.
Mais je l’ai aussi adopté pour des écrits plus professionnels, comme un mémoire rédigé pour valider une formation, ou pour des lettres structurées à des administrations, à des confrères… Je n’ai pas encore essayé pour écrire un scénario de jeu de rôle, mais j’y pense sérieusement…
Et voici maintenant que je l’utilise aussi pour écrire mes articles ici !
Cela devient véritablement une manie, une obsession.
J’étais à deux doigts de consulter…
Et puis, comme vous commencez à connaître le plaisir que j’ai à partager mes coups de cœur, je me suis dit que la meilleure thérapie pour moi serait de présenter la manière dont je m’y prends pour écrire mes articles avec Scrivener.
Cerise sur le gâteau, si vous êtes sages, je vous livrerai en prime mon fichier de modèle (ou comme on dit dans la langue de Greg Stafford, mon template) avec les modèles de compilation.
Je dois préciser cependant que cet article n’est en rien lié commercialement à Scrivener, et en est donc totalement indépendant.
Scrivener, petite présentation
Mais qu’est-ce donc que Scrivener ? Vous demandez-vous avec curiosité.
Scrivener, dont j’utilise la troisième version sur Mac, est un logiciel à la fois d’une simplicité désarmante et d’une complexité stupéfiante. C’est un studio d’écriture.
Comparaison n’est pas raison, mais on peut tout de même expliquer son concept en partant de ce que tout le monde connaît : le traitement de texte, qui est à la fois le cœur de Scrivener tout en étant finalement très éloigné de ce qu’il est réellement.
Dans un traitement de texte comme Word que tout le monde a déjà ouvert une fois dans sa vie, ou LibreOffice que j’avais pour ma part préféré adopter, vous écrivez votre texte dans une interface où les pages s’enchaînent de façon linéaire, comme si vous dérouliez un interminable rouleau de papier. Vous y disposez également d’outils qui vous permettent de déterminer la mise en page finale de votre texte au même moment où vous l’écrivez, et voyant directement l’apparence qu’auront vos mots lorsque tout le document aura été écrit. Même si vous utilisez des styles, une bonne pratique qui est recommandée par tous les professionnels de l’écriture, car elle permet de changer facilement l’apparence de votre texte en fonction de sa structure, votre document sera formaté pour une taille de page bien précise, avec des marges bien précises, des choix de mise en page que vous aurez pensés à l’avance, comme des numéros de page, un sommaire, et j’en passe.
Le fond et la forme seront tellement liées l’une à l’autre que transposer le texte dans une autre forme, même en changeant l’apparence des styles, sera long et complexe.
Une autre conséquence de ce long rouleau de papier virtuel se fera sentir lorsque vous devrez corriger le texte, ou bien faire référence à la fin à un passage qui se trouve perdu au milieu et pour lequel vous devez retrouver des éléments précis, comme une phrase ou juste quelques mots, voire vous rappeler de la description physique d’un personnage que vous aviez juste croqué en passant sans lui faire de fiche. Vous retrouver dans un document de plus d’une centaine de pages va être long.
Bien sûr, il existe la possibilité de mettre des signets, des références dans le texte, mais cela implique de savoir à l’avance que votre passage sera important pour la suite. Que faire si vous le découvrez en cours de route ? Vous devez vous servir des ascenseurs interminables à droite de la fenêtre principale de votre traitement de texte pour faire dérouler tout le document, en perdant un temps fou à chercher les quelques mots qui peuvent être flous dans votre mémoire. Vous devez peut-être vous servir de la fonction Rechercher et remplacer
, dont l’efficacité est parfois sujette à caution si vous n’avez qu’une vague idée de ce que vous cherchez.
Bref : vous perdez du temps.
Avec Scrivener, dès le début vous travaillez avec un paradigme différent sur ces deux points précis.
Votre texte est scindé en petites unités que vous déterminez vous-même, avec un titre qui peut vous aider à facilement le retrouver, avec des notes, des mots-clefs, des signets, et même un résumé qui sont attachés à chacune de ces unités. Elles peuvent faire la taille de votre roman, comme dans Word, mais aussi la taille d’un chapitre, d’une partie de chapitre, d’une scène, d’une phrase, d’un mot si vous le désirez. Et vous pouvez organiser et réorganiser l’ordre de ces unités à votre guise.
Il devient très facile de retrouver un élément.
Plus encore lorsque l’on sait que l’on peut stocker toutes les informations nécessaires à l’écriture, comme la recherche iconographique ou historique, des fiches de personnages ou de lieux, dans la même interface et suivant le même principe.
Vous pouvez bien entendu voir et travailler sur chaque unité séparément, mais aussi sur l’ensemble en une seule vision globale comme si vous étiez dans un traitement de texte.
Quant à votre texte lui-même, d’ailleurs, il s’étale dans chaque unité comme s’il était inscrit sur une fiche, avec bien entendu des styles pour en marquer certaines particularités. Mais sa mise en forme n’est au départ pas déterminée lorsque vous écrivez.
C’est plutôt le travail d’une opération unique à Scrivener que l’on appelle la compilation, qui permet de formater le même texte de façon très différente en fonction de ce que l’on veut en faire : un brouillon, une épreuve de correction, un texte fini, mais lequel ? Une lettre, un rapport, un livre papier, un livre électronique ? Un article ?
Le fond du texte est clairement séparé de sa forme, ce qui permet une grande liberté et une plus grande rapidité dans les processus de publication ensuite. Cela n’empêche pas de choisir avec quelle police de caractères le texte s’affiche lorsque vous écrivez, de déterminer une apparence pour des styles lorsque vous devrez marquer une partie comme état importante, mise en évidence, comme étant une citation ou un bloc de code. Au contraire. Mais votre marquage ne sera finalement que cela : un simple marquage. Vous pourrez ensuite décider de façon très simple d’ignorer certaines marques, certains styles, voire de ne pas publier les parties marquées d’un style en particulier lors de la publication dans un rapport alors que pour vos archives vous pourrez autoriser ces parties de texte à être imprimées. Et vous pourrez décider comment chaque style apparaîtra dans des publications différentes.
Par exemple, décider pour un roman que la version classique verra les portions importantes en italique alors que dans la version luxe ces portions seront affichées selon une fonte différente, en petites majuscules.
La compilation est sans doute l’étape la plus complexe à comprendre et à appréhender, voire à maîtriser, de Scrivener, mais c’est aussi elle qui permet d’en goûter le plus la souplesse et la puissance.
En fait, le principe de Scrivener ressemble beaucoup à la façon dont sont conçus les sites sur internet à notre époque.
Sur un site internet, l’information que vous voyez à l’écran est séparée en deux dans le code.
D’un côté — c’est ce que l’on appelle le fichier HTML — le texte lui-même avec des balises permettant de savoir quelles parties sont importantes, lesquelles sont des citations, lesquelles sont des liens, et d’un autre côté un fichier – appelé CSS – qui décrit comment chacune de ces balises doit être montrée à l’écran, leur style.
Cette séparation permet beaucoup de choses, notamment le fait que le même article d’un site puisse être montré un peu différemment sur un ordinateur (avec une police de caractères particulière par exemple) ou sur un téléphone (une police plus grosse, par exemple).
Apprendre à se servir de Scrivener est assez simple une fois qu’on en a compris les principes. Vous pourrez trouver sur le net quantité de tutoriels en français comme en anglais. Il existe même des formations payantes en ligne, qui franchement me semblent plutôt inutiles si l’on accepte d’expérimenter soi-même un peu. Nous avons affaire à un logiciel extrêmement versatile dans les usages qu’on peut en faire et comportant une myriade d’options certes, mais ce n’est pas non plus un casse-tête au point de payer des centaines d’euros pour en exploiter les nombreuses possibilités.
Le mécanisme derrière le rideau d’écaille & de plume
En plus du côté très pratique et agréable de Scrivener, c’est cette similitude de principe qui m’a conduit à envisager de l’utiliser aussi pour écrire les articles de mon site, qui est motorisé, comme une grande majorité des sites modernes, par le code de WordPress.
Habituellement, l’interface qui permet d’écrire à l’aide de WordPress est très inspirée des traitements de texte classiques comme Word et ressemble à ceci.
Ma façon de faire lorsque d’écaille & de plume est né fut donc d’écrire directement dans cette interface, avec deux écueils principaux. Tout d’abord ceux du paradigme d’un traitement de texte comme je vous les ai exposés plus haut. Mais surtout se rajoutait l’inconvénient de dépendre d’une connexion internet pour écrire (ce qui n’est pas toujours possible), ce que j’ai trouvé très inconfortable, voire dangereux, car à plusieurs reprises j’ai dû réécrire des articles parce que la connexion internet n’avait pas été fiable et que mon travail n’avait pas été enregistré. De même, tous mes premiers articles étaient uniquement stockés sur internet, et je n’en possédais pas de copie hors-ligne.
J’ai donc décidé de changer de méthode et d’écrire mes articles d’abord hors-ligne, en utilisant un traitement de texte, pour copier et coller le résultat final dans l’interface de l’éditeur de WordPress.
Comme tous les sites internet, d’écaille & de plume est produit avec un code HTML mis en forme par un fichier CSS.
L’idée s’est donc imposée très vite d’écrire avec Scrivener, puis d’exporter, de compiler le travail ainsi accompli pour qu’il soit parfaitement intégré à WordPress.
Et plutôt que de bêtement copier-coller
le texte, je pouvais me servir de sa fonction de compilation pour exporter non seulement les balises marquées par les styles, mais aussi les liens internet.
J’ai donc déterminé des styles personnalisés qui sont basés sur les balises classiques du HTML (comme <i>
, <em>
, <b>
, <strong>
, <blockquote>
, etc.), et ensuite un modèle de compilation qui permettait d’obtenir un code HTML propre contenant les balises utilisées dans le texte. Le tout est regroupé dans un fichier de modèle (ou template) que vous pouvez importer dans vos propres modèles de Scrivener.
Le fichier modèle d’article
Ce modèle (template) a été pensé pour faciliter l’écriture de posts ou de pages sur WordPress en se servant de l’éditeur classique TinyMCE, ou même avec Gutenberg. Il n’est hélas pas directement utilisable avec les constructeurs de pages comme Divi. Il faudra d’abord en passer par l’étape éditeur classique auparavant.
Il est conçu pour sortir un fichier HTML5 via la syntaxe MMD (MultiMarkdown). Une fois compilé, il suffit de copier le code HTML compris entre les balises <body>
du fichier (en ouvrant ce dernier avec votre éditeur de code préféré, chez moi c’est Espresso), et de le coller dans l’onglet texte (et non dans l’onglet visualisation) de l’éditeur de WordPress.
En basculant ensuite sur l’onglet visualisation, votre texte devrait apparaître comme mis en forme.
Le modèle comporte des styles très fréquents dans les articles, comme la mise en emphase (style Mise en évidence
), ou le texte fort (style Strong
), la combinaison des deux (style Strong & italic
utilisé pour distinguer le titre d’une œuvre par exemple), voire le texte barré (style Barré
).
Il est capable aussi de reconnaître les citations (style
Bloc de citation
) qui peuvent être insérées comme vous le désirez en bloc.
Il gère la mise en forme du code (style Bloc de code) et les balises <code> (style Balise span).
Et encore plus, les liens d’écaille & de plume.
Pour les insérer, tapez le texte, sélectionnez celui qui sera visible pour le lien, et dans Scrivener cliquez sur Édition > Ajouter un lien...
en choisissant Aucun préfixe
. Vous tapez l’adresse du lien, et le tour est joué !
Je ne conseille pas de s’occuper des images directement dans Scrivener, car WordPress a une façon bien à lui de les gérer. Mieux vaut les insérer une fois le texte à l’aise dans l’éditeur de votre blog.
La hiérarchie des sections a été pensée pour que les titres soient balisés seulement à partir de<h2>
, laissant la balise <h1>
seulement pour le titre de votre article dans WordPress, comme il est recommandé par les bonnes pratiques du SEO.
La compilation se fait exclusivement via le format MultiMarkdown, mais peut sortir deux types de fichiers.
Tout d’abord un fichier HTML, qui sera utilisé pour publier l’article sur WordPress, en copiant tout ce qui se trouve entre les balises <body>
et en le collant dans l’éditeur du blog.
Ensuite, un fichier RTF qui servira éventuellement à archiver le fichier, ou ensuite à le transformer en PDF.
Compilation vers HTML, petit tutoriel
En sélectionnant le format de compilation Article de blog d'écaille & de plume
, veiller à bien choisir une compilation MultiMarkdown -> Web Page (.html)
.
Dans les paramètres de compilation (la roue dentée dans le panneau de droite, située à droite de l’étiquette symbolisant les métadonnées), veiller à bien cocher Convertir le texte enrichi en MultiMarkdown
. C’est la condition pour que les styles embarqués dans l’article soient bien retranscrits dans le fichier HTML.
Dans l’éditeur de code
Le résultat dans l’éditeur de code sera une syntaxe HTML comme celle-ci.
Il ne vous restera plus qu’à copier tout ce qui se situe entre les balises <body>
et à le coller dans l’éditeur de WordPress. Votre article est prêt.
Le présent du Serpent à Plume
Vous pouvez télécharger ce modèle pour Scrivener et le modifier selon vos goûts et vos besoins.
Je vous encourage même à le faire, parce que vous verrez que Scrivener n’est jamais plus efficace que lorsque vous l’avez modelé à vos habitudes, à votre façon unique de vous en servir.
Vos retours et vos expériences sont d’ailleurs les bienvenues sur cet espace.
En attendant, bonne écriture !