J’ai dix ans… et si tu m’ crois pas…
J’ai dix ans.
Et alors ?
Dix ans que je suis un Serpent à Plume
À sa naissance, ce site était essentiellement un blog. Je ne savais pas très bien ce que j’allais y publier, si ce n’était des billets qui auraient été un peu comme les feuillets d’un carnet de bord, d’un journal de voyage, à la manière des explorateurs du XIXe siècle et du début du XXe. Je savais seulement que je devais écrire. Je venais de traverser six longues années de désert d’écriture, après avoir réussi à (mal) publier mon premier roman et à produire, réaliser, monter, un moyen-métrage.
Après ces six années où ma vie personnelle avait connu divers bouleversements, je me sentais à nouveau suffisamment solide pour laisser émerger cette envie chevillée au corps, ce besoin viscéral de jouer avec les mots. Mais j’avais besoin d’une excuse, d’un prétexte, pour cela. J’avais besoin d’un alibi.
Ouvrir un blog, écrire à propos de mes lectures, de mes découvertes artistiques, de mon regard sur certaines œuvres, me semblait la parfaite justification à mon installation sur ce morceau d’internet.
D’emblée, pourtant, il m’a semblé évident d’assumer une double nature. Celle du Serpent à Plume.
Parce que j’avais déjà conscience depuis longtemps que mes centres d’intérêt se situaient dans deux grands domaines, que d’aucuns considèrent comme peu compatibles et qui pourtant ont réussi à se nourrir l’un l’autre : le domaine scientifique et du soin, et le domaine de l’écriture et de l’art du conteur en général.
Dix scipline d’écriture
Et pour écrire, j’ai écrit. C’était le premier objectif de d’écaille & de plume, et il a été atteint assez vite. J’ai commencé par deux articles par mois, puis même lorsque j’ai ralenti le rythme à un par mois, je n’ai jamais vraiment lâché. Cette discipline a, comme je l’avais prévu, débouché sur d’autres écrits. J’ai compris que cette dynamique, qui me prenait du temps, c’est vrai, me permettait de prendre des habitudes, des réflexes, et que cela finirait par m’entraîner à entamer à nouveau des écrits longs. J’ai donc, depuis dix ans, deux romans supplémentaires à mon actif, voire un troisième si l’on compte la série de podfiction des Consultations extraordinaires, dont le volume de signes couchés par écrit est comparable à ce que l’on attend en général d’un écrit long, et l’intrigue n’a rien à envier à mes autres travaux romanesques.
Cette discipline m’a aussi amené à apprivoiser des outils qui m’avaient intimidé auparavant, comme Scrivener, et donc à augmenter ma productivité d’écriture. J’en ai même fait toute une série de tutoriels, parfois techniques, sur comment s’en servir, puis comment concrètement fabriquer un fichier de livre, destiné à être imprimé ou à être publié sous forme électronique, voire audio.
J’ai ressenti un vrai plaisir à retrouver les sensations de graver un univers dans les octets d’un ordinateur.
J’ai mobilisé tout ce que j’avais appris jusque là dans des domaines connexes, comme l’interprétation d’un rôle au théâtre ou dans un jeu de rôle, les mécanismes de narration du cinéma, mes lectures, les centaines de films que j’avais ingurgités pendant mon enfance et mon adolescence.
Écrire est devenu une deuxième nature, exactement comme j’en avais le projet en ouvrant d’écaille & de plume.
Et rien que pour ça, cette expérience est une réussite totale.
Dix mentions publique
Ouvrir et tenir un blog, c’est s’exposer.
Ça peut paraître évident de l’énoncer aussi simplement que ça, mais c’est loin d’être aussi facile qu’on le pense, même pour quelqu’un qui a l’habitude de la scène. Dans un rôle, le comédien se dilue, et ce que vous voyez devant vous lors d’une pièce de théâtre, ce n’est pas un être humain, c’est un personnage qui se glisse dans les traits d’un être humain. Donc ce n’est pas vraiment moi. Sur d’écaille & de plume, ce que j’écris et publie, même lorsqu’il s’agit d’un tutoriel technique sur Scrivener, c’est bien moi. Et quand il s’agit d’un coup de gueule contre une réforme imbécile du système de santé, c’est plus encore moi.
Parce que j’ai choisi d’écrire sous ma véritable identité et non sous un pseudonyme, d’assumer qui je suis, je m’expose cent fois plus.
Parce que je suis médecin, c’est une exposition plus délicate encore.
Et lorsque j’étais encore dans un cabinet libéral, ça pouvait donner lieu à une confusion qui aurait pu être dangereuse. C’est pourquoi j’ai toujours gardé une ligne de conduite simple, mais stricte : lorsque je publie ici quelque chose qui a trait au soin, c’est toujours selon le point de vue du citoyen, jamais pour décrire une technique ou un traitement, jamais pour expliquer une maladie. Parfois, ce fut pour expliquer la distance nécessaire avec des procédés dont nous devons rester critiques.
Étonnamment (ou pas), alors que le réflexe de «googliser» tout le monde est assez universel, seuls cinq patients durant mon exercice libéral ont découvert ma double vie (et me l’ont dit, peut-être y en a-t-il eu beaucoup plus qui ne me l’ont pas déclaré).
J’ai même été interviewé (par ma propre sœur, d’accord) à propos d’un de mes romans.
Pour quelqu’un d’assez timide au départ, cette exposition n’a pas toujours été simple à gérer.
Mais avec le recul, je trouve que j’ai plutôt bien géré la chose.
Je commence à réellement prendre plaisir à expliquer ce que j’écris, pourquoi je l’écris.
Bientôt, si ça se trouve, vous pourrez me rencontrer dans un salon littéraire1…
Dix-lué dans l’Océan Virtuel
C’est tout le paradoxe de notre époque.
On ouvre un blog pour s’exposer au regard des autres… mais ces autres peinent à nous trouver parmi les milliards d’autres sites qui peuplent la Toile infinie (ou presque).
Après la brève envolée des deux années Covid19 (2020 et 2021 ont porté d’écaille & de plume vers des «sommets» de visibilité qu’il n’avait jamais atteints, avec 8 700 pages affichées par an à chaque fois), mon nid virtuel est retombé dans l’ombre qui était la sienne depuis le début. La faute à je ne sais pas vraiment quoi.
Pas à mon absence des réseaux dyssociaux, en tous les cas, car mon départ d’Instagram et de ce qui s’appelait encore Twitter à l’époque n’a eu aucun effet sur la fréquentation du site, qui est restée confidentielle même lorsque j’étais un membre actif de cette économie de l’attention aux effets délétères.
Je ne publie pas sur une ligne éditoriale bien précise (je me revendique éclectique et guidé par ma seule envie), et à chaque fois que j’ai essayé de me tenir à des contraintes de publication, je n’ai pas vraiment tenu. C’est en effet l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire pour attirer des lecteurs et des lectrices.
J’écris des articles en général assez longs, ce qui est également, lit-on souvent, un gage d’éviter le succès.
Je ne publie plus très régulièrement, ce qui achève de me classer parmi les «petits blogs un peu bizarres».
Et puis il est vrai que je ne suis pas vraiment présent ou assidu hors-ligne.
Pourtant, j’ai rencontré pendant ces dix années en ligne plusieurs personnes qui semblent trouver l’endroit, si ce n’est son propriétaire, intéressant. Et c’est finalement ce que je retiens. Peu importent les chiffres, de toute façon je ne pense pas qu’ils soient si importants que cela à prendre en compte, puisque je milite par exemple pour arrêter de noter tout et n’importe quoi.
J’ai installé une page de liens vers les sites et les blogs que j’apprécie via un flux RSS sur ce site, mais aussi une catégorie entière d’articles sur mes découvertes, histoire de prolonger un réseau d’affinités qui me tient à cœur, en partie pour ressusciter les anciens webrings.
J’ai noué quelques relations virtuelles, et montré comment, à mon avis, il était possible de retrouver un internet plus apaisé, en se servant des mêmes flux RSS pour s’affranchir des réseaux dyssociaux. Même si bien sûr je n’ai pu, à moi tout seul, inverser la tendance qui veut que tout le monde ou presque utilise ces damnés pièges attentionnels.
Dix articles-phares et dix articles qui résument d’écaille & de plume
En dix ans, certains de mes articles ont eu plus de succès que les autres, et constituent sans doute ce qui attire mon lectorat. Voici lesquels.
Parce que d’écaille & de plume a commencé comme ça : en faisant des liens entre des œuvres différentes sur un même thème. Celui-ci en particulier semble beaucoup plaire. Sans doute que la vague bit-lit y est pour quelque chose.
Deux séries sur un thème : Anges et Démons
Pourquoi on se contrefiche souvent de savoir si vous avez une fracture de l’orteil et autres considérations sur l’opportunité des examens médicaux complémentaires
Je suis très étonné de voir que cet article pourtant un peu technique et surtout à rebrousse-poil des demandes fréquentes des patients soit le deuxième plus populaire du blog. Peut-être que sa lecture fait réfléchir. On n’est d’ailleurs pas obligé d’être d’accord avec moi. Il suffit de bien vouloir prendre en considération les arguments que j’y développe.
Le rôliste en moi jubile, parce que ma proposition dans cet article n’est pas autre chose que donner un grand coup de pied dans la façon dont les scénarios de jeu de rôle sont écrits. Et apparemment, ça parle à certaines personnes. Bien que je n’aie encore pas vu de tentative d’écrire de scénario selon la méthode que je propose…
De l’art d’écrire et de présenter un scénario de jeu de rôle
Maîtriser la compilation dans Scrivener, les bases
Les articles qui proposent des tutoriels sont souvent populaires sur le net. Et c’est donc légitimement que celui-ci fait partie de mes best-read. La fonction de compilation du logiciel d’écriture Scrivener est tellement complexe et intimidante que ma tentative d’en expliciter les bases ne peut qu’attirer le regard… et les clics.
J’en parle plus bas car cet article est l’un des jalons importants du blog, mais je suis là encore assez étonné de voir qu’il figure dans les cinq plus lus depuis l’ouverture.
La « vocation médicale », cette chimère
Les Lames du Cardinal : un jeu de rôle de cartes & d’épée
Il a été rare jusqu’à présent que je chronique un jeu de rôle. Mais avec Les Lames du Cardinal, c’est bien plutôt un univers entier qui est passé sous mes Fourches caudines. Et je suis heureux que cela soit beaucoup lu.
Plus encore que tous mes autres articles sur le jeu de rôle, celui-ci est ma fierté. Il formalise une façon de mener des parties comme des épisodes d’une série, en se focalisant sur beaucoup d’aspects matériels.
FATE et le format « série américaine » en jeu de rôle
Making of a book, partie 2 : à livre ouvert, la maquette intérieure
Là encore, un tutoriel, sur la façon de concevoir un livre. Je crois bien que cela sert à beaucoup de réalisauteurs et réalisautrices.
Au commencement d’écaille & de plume, il y avait ces liens que je faisais entre plusieurs œuvres qui traitaient le même thème. Et celui-ci était le premier. Les films que j’y analyse valent d’ailleurs le coup d’être visionnés.
Deux films sur un thème : à la recherche du bonheur
Créer un livre électronique au format epub3, partie 2 : ePub Anatomy
Troisième tutoriel dans les dix articles les plus lus sur d’écaille & de plume, là encore pour tenter de démystifier et de simplifier la création d’un livre, électronique cette fois-ci.
Pourtant, je retiendrai plutôt les articles qui ont, selon moi, jalonné l’histoire d’écaille & de plume par leur importance pour moi, qui ont marqué mon évolution. En voici la liste.
Cet article m’a permis de poser ma discipline d’écriture, à travers mes lectures comme à travers ma propre expérimentation des divers conseils trouvés en ligne ou ailleurs, prodigués par toutes sortes de créateurs. Premier sur ma liste, il est fondateur.
Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique
Grammaire narrative, comment s’inspirer du théâtre et du cinéma dans l’écriture
Deuxième article sur la création, qui présente mon obsession de mélanger les genres et les techniques de narration en profitant de ce que d’autres arts ont infusé comme habitudes au «public». C’est probablement le plus «technique d’écriture» de mes articles.
Avec celui-ci, j’ai eu envie de tordre le cou à une idée préconçue et à clamer que je ne m’y conformais pas. Pour la petite histoire, il me valut l’honneur d’être contacté par une journaliste connue pour un projet de reportage, durant la pandémie, qui ne vit pas le jour, et par deux étudiantes en journalisme pour une interview sous forme de podcast.
La « vocation médicale », cette chimère
Soigner & se soigner, un apprentissage
Prélude à ma décision de quitter mon cabinet libéral, j’avais dans cet article en forme de manifeste essayé d’exposer ce qui pour moi faisait l’acte de soigner, un peu à rebours des injonctions actuelles.
Lorsque j’ai décidé de fermer mon cabinet de médecine générale en libéral, j’ai accepté de tourner une page de ma vie, définitivement. Je devais dire «adieu» à beaucoup de choses qui ont été importantes pour moi.
Ce qui va me manquer
Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)
Dans l’époque qui est la nôtre, plutôt sombre, j’ai envie de semer des graines de lumière. Cet article parle de séries qui font la même chose.
Parfois, il y a des moments de doutes quand on tient un blog. Ce fut pendant l’un de ces moments que j’ai décidé d’écrire une petite histoire qui expliquerait comment je me sentais en l’extériorisant façon «examen clinique médical».
Le Syndrome de Bradybloguie Créativo-induite, ou Mal de l’Œuf de Serpent à Plume
Je ne suis pas un auteur autoédité, je suis un réalisauteur, un réalisateur de livre
Après mon manifeste de 2014, j’ai voulu affirmer ce qu’était devenue, pour moi, l’autoédition. Quelque chose de plus, en tous les cas, que quelqu’un qui publie seul un livre.
Dans ma série de révoltes contre les travers de notre société (ou du moins ce que je perçois comme des travers), cet article est central. La manie du chiffre et de la notation pourrit bien des choses, et j’explique pourquoi. J’explique même comment on pourrait remplacer ça.
Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)
RSS, sur l’écume des flux & reflux des océans numériques
Enfin, la remise au goût du jour de la «vieille» technologie des flux RSS est un autre de mes chevaux de bataille. Et dans cet article j’explique pourquoi mais surtout comment, nous pouvons suivre les gens que nous avons envie sans dépendre des algorithmes.
Dix alogues
Parmi les tournants pris par d’écaille & de plume, il y en a un qui a plus d’importance que les autres : mon investissement dans la lettre d’écaille & de plume, ma newsletter quadriannuelle. En l’absence de réseaux dyssociaux, et en mon absence physique sur des salons de littérature ou de dédicace, elle a été le vecteur d’une véritable relation avec plusieurs de mes lecteurs et lectrices. À travers elle, j’ai pu recruter des silhouettes sonores pour le dernier épisode des Consultations extraordinaires.
C’est donc par elle que je vais réellement fêter cet anniversaire, pas comme les autres tout au long de cette année 2024.
Pour découvrir comment, une seule solution : s’y abonner…
Lettre vivante
Pour comprendre pourquoi cette newsletter…
Et si tu m’crois pas, hey… t’ar ta gueule à la récré
Je ne sais pas pour combien de temps encore d’écaille & de plume existera. À l’heure où j’écris ces lignes, j’espère que ce sera pour au moins dix années de plus. Mon objectif est de continuer à l’alimenter très longtemps, à y rêver et à y créer au moins autant.
Et si tu m’crois pas…
-
Bon, cela dit, je pense que vous avez encore un peu de temps devant vous. ↩︎