Cœur de Runes, le moteur de jeu qu’il manquait à Glorantha

Cœur de Runes, le moteur de jeu qu’il manquait à Glorantha

Glorantha est certainement l’un des trois1 univers originaux de jeu de rôle qui m’ont le plus fait rêver lorsque je les ai abordés, et l’un de mes quatre2 préférés. Pourtant, si la complexité et l’étendue de son lore3 est si gigantesque qu’elle paraît souvent intimidante à celles et ceux qui voudraient y plonger, c’est plus fréquemment la lourdeur des règles originales du système créé par Chaosium qui achève de décourager les téméraires Héros qui ont eu l’audace de tenter l’aventure. Résultat : il est bien difficile, de nos jours, de trouver des volontaires pour arpenter Genertela, mais surtout pour oser le faire sur une Campagne. Beaucoup sont écœurés par le manque de fluidité des règles, notamment de combat, leur hétérogénéité, leur simulationnisme excessif, qui ne correspond plus à l’air du temps et encore moins aux envies de rôlistes désormais plus intéressés par un travail sur l’intrigue, la narration, l’ambiance, les personnages et la Quête que sur les statistiques chiffrées d’un Seigneur Runique Broo ou la façon réaliste de rendre la différence de longueur d’une lance par rapport à une épée longue dans une confrontation armée.

C’est la raison pour laquelle mes tentatives passées pour faire jouer une grande saga héroïque dans ce monde si riche se sont toutes soldées par des échecs. La motivation des joueurs (et du meneur que je suis), aussi grande fût-elle, ne résista jamais à l’usure des heures que prenait la résolution de rounds de combat censés durer quelques secondes. Comment alors insuffler le sentiment d’une fresque épique digne des légendes mythologiques grecques ou celtes ? Chaque action mettait trop de temps à être résolue suivant les règles, et aucun rythme ne pouvait émerger de ces longues phases de simulation. Quant à la possibilité d’incarner de véritables Héros, au sens mythologique du terme, c’est-à-dire des personnages vraiment hors du commun, elle était en permanence battue en brèche par des chances de réussite ridicules en termes de jeu. Comment, en effet, rendre crédible le fait qu’un guerrier initié d’un dieu de la guerre comme Humakt puisse se retrouver avec seulement 50 % de compétence à l’épée, ce qui veut dire concrètement qu’il n’aura jamais qu’une chance sur deux de porter un coup à un adversaire ? Si l’on rajoute le fait que ledit adversaire peut avoir à son tour une chance sur deux de parer le coup avec un bouclier, on se retrouve avec une interminable succession de chocs métalliques sans aucune conséquence autre que d’obliger les joueurs à lancer leurs dés de nombreuses fois… pour rien, puisque d’attaque manquée en parades réussies, de contre-attaques abouties en esquives brillantes, personne ne peut véritablement interpréter la façon dont la confrontation va se conclure.

Pire, on pouvait régulièrement déplorer la mort stupide d’un Héros, sensé être un Demi-Dieu, à cause d’un jet de dés malheureux contre un adversaire pourtant censé n’être qu’un personnage secondaire.

J’avais donc renoncé à Glorantha, à contrecœur, pendant de très longues années, hésitant même à vendre mes vieux bouquins de l’édition Oriflam.

Mais il y a quelques mois, un financement participatif était lancé pour la traduction française de la dernière édition du jeu, avec un background un peu différent, puisqu’il s’agit maintenant de reprendre l’histoire de ce monde quatre ans après la dernière édition française, dans un contexte radicalement chamboulé par une défaite surprise de l’Empire Lunar et une renaissance du royaume de Sartar.

J’ai bien entendu succombé aux sirènes de la madeleine de Proust, et j’ai tenté d’enrôler mes compagnons de jeu actuels dans l’aventure. Nous avons joué by the book le scénario du kit d’initiation, La tour brisée, en ligne à cause de la pandémie, sur la plateforme Roll20. Une fois de plus, la complexité des règles, combinée à celle de la gestion d’une table virtuelle, a fait tourner court l’expérience, même si nous sommes arrivés au bout du scénario (mais non sans mal).

J’avais presque renoncé.

Jusqu’à ce que Equites, mon plus vieux camarade de jeu, me mette sur la piste de Cœur de Runes.

Un système amateur dans l’âme, mais professionnel dans la conception, qui réussit le pari improbable de concilier les mécaniques modernes issues du jeu de rôle narrativiste avec l’essence même du monde de Glorantha.

Je me propose de vous expliquer comment.

Au Commencement était Glorantha

Bien que j’ai déjà brossé un petit portrait du monde de Glorantha dans un autre article, il me semble indispensable de décrire quelque peu ce monde antique fantastique riche et passionnant.

Glorantha est essentiellement un monde mythologique.

La magie y est non seulement existante, mais surtout constitutive de la vie quotidienne de chaque créature. Non pas comme un gadget, mais comme un élément fondateur.

Le simple fait que le monde existe est un miracle constamment renouvelé.

Avant la naissance du Temps, les divinités de Glorantha vivaient en relative harmonie avec tous les êtres qu’elles avaient créées. Bien entendu, il y avait des rivalités, des combats, des inimitiés, des haines et des amours. Tout était vivant. Puis le Chaos voulut détruire le monde, mit à bas de nombreuses créatures, divines ou mortelles, et fit exploser les palais célestes. Il menaça de détruire le monde lui-même, et jusqu’au souvenir de son existence.

Des Héros se levèrent parmi tous les êtres qui peuplaient alors Glorantha, tant parmi les dieux, les déesses, les saints, les humains, les trolls, les elfes, les peuples de la mer, de l’air, de la terre, de l’ombre. Une guerre sans merci se déclara, dont l’enjeu n’était rien de moins que le Néant.

Alors que le Chaos était proche de gagner, une déesse accepta de se sacrifier pour sceller un pacte magique parmi toutes les créatures du monde : en faisant naître le Temps, Arachné Solara défit le Chaos, mais en contrepartie, afin que les liens qui maintenaient désormais toutes les parties de l’univers entre elles restent un tout cohérent et solide, les dieux et les déesses acceptèrent d’abdiquer tout pouvoir de changer par eux-mêmes sa structure.

À partir de la Première Aube, les divinités furent figées dans les mythes anciens, condamnées à les rejouer encore et encore pour maintenir éternellement le Chaos à distance.

À partir de la Première Aube, les mortels durent accepter d’être soumis aux affres du Temps.

Le monde fut donc divisé entre le Plan des Dieux, où l’absence de Temps fige toute action dans celles qui ont déjà été accomplies par les divinités, et le Plan des Mortels, où ces derniers peuvent faire appel à certains pouvoirs accordés par les Dieux et les Déesses et incarnés par les mystérieuses Runes, ces symboles magiques souvent tatoués sur leurs corps, pour changer le monde à une échelle qui respecte le Pacte d’Arachné Solara.

Les différents peuples de Glorantha et leurs nombreuses cultures sont donc unies par un même respect du Temps, mais perpétuent aussi les rivalités de leurs panthéons respectifs. Chacun donne naissance à des Héros qui vont porter les valeurs de leurs divinités tutélaires dans le monde, et s’affronter pour les faire prévaloir, ou s’allier contre les menaces du Chaos toujours rampant. Les Héros des Trolls, adorant les divinités de l’Ombre, sont ainsi les ennemis de ceux des peuples adorant Yelm, le Soleil, mais les deux s’unissent pour repousser les séides du Chaos, comme les Broos, ces êtres humanoïdes aux têtes de chèvre ou de bouc qui pillent, détruisent, massacrent sans distinction.

Le cadre du jeu est large : deux continents et une multitude d’îles, mais la plupart des aventures et des campagnes écrites ont comme décor une région stratégique du continent nord, Genertela, appelée la Passe du Dragon. C’est ici que les prophéties placent le début d’une conflagration anthologique, la Guerre des Héros, qui doit changer le destin de bien des peuples et peut-être l’équilibre du monde lui-même.

En effet, tout commence par le conflit entre l’Empire Lunar, au nord (inspiré en grande partie de l’Empire romain), adorant la Déesse de la Lune Rouge, une humaine qui a réussi par une quête héroïque à gagner son statut divin, et le Royaume de Sartar au sud, terre de multiples tribus (inspirées en grande partie des Celtes) qui ont pour culte principal le panthéon du dieu Orlanth, maître des Vents et de l’Air, son ennemi juré.

Les personnages des joueurs sont, pour la plupart et dans les campagnes publiées, des orlanthis luttant contre l’occupation lunar. Cependant, d’autres cultures et d’autres régions géographiques sont possibles. Pour ma part, j’avais même commencé il y a des années une Campagne qui réunissait un shaman de l’Ombre, un sorcier des terres occidentales et sa fille mystique issue des océans, et un agent des dieux elfes (car oui, il ya des elfes dans Glorantha, mais ils ne ressemblent vraiment pas aux elfes dont vous avez l’habitude : ce sont des plantes vivantes humanoïdes).

Les premières éditions du jeu débutaient en 1621 S.T. (Solaris Tempora), alors que l’actuelle fait un bond de quelques années pour nous mener en 1625 S.T.

Les systèmes RuneQuest

Et oui, systèmes au pluriel, car au fil des incarnations de l’univers, il y a eu plusieurs tentatives, même si beaucoup tournent autour de la même base, le fameux Basic Roleplaying System de Chaosium, qui motorise également l’Appel de Chtulhu, et le fit jadis pour Stormbringer et Hawkmoon.

Hormis les périodes HeroWars et HeroQuest, dont les systèmes, novateurs pour l’époque, permettent de créer et jouer de véritable Héros aux exploits légendaires, Glorantha est donc décrit en termes de jeu par un paradigme de pourcentage de chance d’accomplir une action.

Cela semble assez simple.

Mais hélas, cela ne l’est pas tant que ça.

D’abord, il y a peu de modulation dans le résultat des jets de dés. Nous avons bien les réussites spéciales et critiques, et les échecs critiques, mais la dichotomie échec/réussite est très marquée, comme pour tous les systèmes datant des années 1980. C’est cependant un défaut mineur, qu’une meneuse de jeu des années 2020 pourra sans difficulté contourner en appliquant certains principes de jeux plus récents (un paradigme de «oui mais» plutôt qu’un paradigme de «oui ou non»).

Par contre, deux écueils sont particulièrement gênants pour moi.

Le premier, depuis toujours, m’a posé un gros problème de cohérence. Glorantha est un univers épique aux dimensions véritablement titanesques. Les dragons y ont la taille de chaînes de montagnes, les Héros y manipulent des magies d’amplitude cosmique. Pourtant, les personnages que l’on peut créer avec le système sont désespérément à peine plus capables d’exploits qu’un adolescent lambda dans notre propre monde. Les pourcentages de réussite des plus puissants d’entre eux dépassent rarement les 50 %. Là encore, je m’étais débrouillé pour tordre les règles et j’avais accordé à mes joueurs des personnages aux statistiques «gonflées». Mais ce faisant, je devais beaucoup plus tomber dans le deuxième piège, comme de Charybde en Sylla.

Car si jeter un dé de pourcentage est à la portée de tout le monde, les règles les plus importantes, à savoir celles de la magie et celles des conflits (dont les combats font partie) sont beaucoup plus complexes que ça. Ces règles ont des dizaines de points qui pourraient sembler annexes mais qui sont présentés dans les mécanismes de base. Leur axiome est celui-ci : il est important de montrer le réalisme des actions. Et pour ce faire, un combat va prendre en compte de multiples facteurs comme la longueur de l’arme de chaque adversaire, la rapidité de chacun, fonction de son agilité et de sa propre taille, du poids de l’arme, sa solidité, sa qualité, sa facture. Et pour ce faire, lancer un effet magique va prendre en compte d’autres facteurs, comme le lien de dévotion envers la divinité que sert le personnage, son affinité avec les runes de pouvoir qui symbolisent les aspects de cette divinité, sa capacité à contenir les effets magiques, sa capacité à retenir des sorts, l’affinité du personnage avec la puissance de la magie elle-même, sa rapidité, la portée avec laquelle le sortilège va agir. Et j’en oublie.

La dernière itération en date du système voulait corriger le premier défaut en incorporant la possibilité de faire appel directement aux affinités runiques et aux passions, comme dans Pendragon, un autre jeu de Greg Stafford4. Mais en contrepartie, cela rajoutait encore des jets de dés et des calculs. Il fallait régulièrement que le personnage invoque la puissance d’une Rune par un jet de dés. En fonction de la qualité de la réussite ou de l’échec, il pouvait ajouter ou retrancher une partie de son pourcentage d’affinité runique à la compétence de son choix, et il fallait donc calculer le bonus, puis le rajouter à un jet de compétence, par exemple en chant rituel. Et interpréter le nouveau résultat. Si cela se passait en combat, on pouvait invoquer une rune pour améliorer sa chance de toucher son adversaire, mais ce dernier avait le droit de parer le coup, en invoquant à son tour une rune ou une passion. Pour un simple échange, on se retrouvait à faire 4 jets de dés et 2 calculs… Et bien entendu, cet échange pouvait se solder par un statu quo dans le combat, puisque l’attaque pouvait avoir été parée. Il fallait donc multiplier ces 4 jets de dés et 2 calculs par un nombre assez important de passes d’armes au sein d’un même combat…

«Trop vieux pour ces conneries»

C’est en substance ce que mes camarades de jeu et moi-même avons pensé lorsque nous avons testé la dernière mouture de RuneQuest sur Roll20 avec le scénario La tour brisée.

D’abord, nous étions trop vieux car nous n’avions pas envie de faire trop de calcul mental en fin de journée. Nous avions tous envie d’une narration fluide, sans avoir à sortir nos calculettes pour savoir si un combat était remporté ou perdu. Il nous fallait de la rapidité et de la simplicité.

Nous étions trop vieux pour nous prendre la tête à savoir quelle arme à la plus longue allonge. Ce qui nous intéressait était de savoir quelles péripéties intéressantes la confrontation allait faire naître.

Nous étions trop vieux pour jouer longtemps. Je ne sais pas si vous avez essayé le jeu sur table virtuelle via Roll20 ou une autre plateforme5, mais c’est clairement plus fatigant que de jouer physiquement autour d’une table bien réelle. Nos séances de jeu ne durent pas plus de deux heures et demie. Nous avons tous envie que ce temps limité soit employé au mieux. Et au mieux, pour nous, cela veut dire vivre l’histoire. Nous avons tous, au sein de ma table de jeu, beaucoup plus d’attirance pour l’aspect rôle du jeu, que pour ses aspects techniques. Nous voulons raconter cette histoire, vivre ces aventures, développer les relations de nos personnages avec leur univers. Les détails de la simulation nous importent peu.

Nous voulons de l’épique. Nous voulons des exploits. Et nous le voulons de façon efficace.

Cœur de Runes, Deus Ex Machina

C’est justement ce que propose Cœur de Runes, le système amateur créé par Uzz.

Lorsque mon camarade Equites m’en a parlé, j’ai d’abord été curieux, puis étonné par tant de simplicité. Puis conquis, car les mécanismes sont à la fois fluides, désarmants de facilité, et en parfaite adéquation avec l’univers de Glorantha.

Tout est construit, comme l’indique avec clarté le titre, autour des fameuses Runes (ce que, par contraste, fait très peu le système de RuneQuest lui-même).

Tous les jets de dés sont réalisés par les joueurs. La meneuse n’en fait aucun, ou presque.

Et tous les jets de dés utilisent 3 dés à 6 faces, dont on fait la somme pour la comparer à une très simple table de résultat. On peut ainsi avoir un échec net, un échec relatif, une réussite relative, une réussite nette, ou une réussite critique. Chaque résultat laisse une piste d’interprétation narrative que le joueur lui-même est incité à décrire. Le système est ainsi basé sur une narration partagée qui implique les joueurs, les fait entrer dans l’univers bien plus que de les laisser passivement attendre un résultat décidé par la meneuse. Quant à la difficulté, elle n’a que 3 niveaux : une difficulté normale, sans modificateur, une difficulté simple avec un modificateur de -2 au résultat du lancer de dés, une difficulté plus importante avec un modificateur de -4.

Les jets de dés sont assez rares, ce qui augmente le côté rôle du jeu.

Ils sont essentiellement de deux sortes. Les tests simples, qui servent à résoudre globalement une action sur laquelle on ne veut pas trop détailler le déroulement. Par exemple, le résultat d’un concours de lutte, impliquant de très nombreux participants, et auxquels les personnages des joueurs vont eux aussi se soumettre lors d’un festival sacré (exemple du scénario avec lequel nous avons testé Cœur de Runes, le Plateau Pégase). Les tests longs, qui servent à résoudre des actions plus complexes, sur lesquelles on veut mettre l’emphase dramatiquement. Typiquement, les combats contre des adversaires importants, les poursuites haletantes, les duels magiques, par exemple. Ces tests longs sont des tests simples qui doivent accumuler un nombre de réussites déterminé à l’avance par la meneuse, suivant la difficulté et l’intensité dramatique désirées. Un adversaire simple demandera à ce que les joueurs cumulent deux succès (donc fassent au moins deux jets de dés en décrivant les péripéties du combat), alors qu’un adversaire légendaire en nécessitera quatre, cinq, ou même six (s’attaquer à Jar-Eel la Tranchante est un pari risqué, même pour des Héros chevronnés).

Pour ce qui est des Runes, donc, l’utilisation d’une affinité runique permet au personnage de changer le plus petit résultat de l’un de ses trois dés pour un 6, et lui accorde de ne plus tenir compte des pénalités éventuelles qu’il aurait cumulées du fait de ses blessures antérieures.

Ajoutez à cela la possibilité d’incarner sa divinité si un résultat de trois 6 apparaît, celle de faire appel à des passions comme dans RuneQuest ou Pendragon, et une façon de gérer la magie aussi simple que tout le reste, tout en restant compatible avec les sortilèges décrits dans RuneQuest, et vous comprenez pourquoi la puissance des personnages est tout de suite plus importante, mais aussi pourquoi l’expérience de jeu est beaucoup plus fluide et narrative.

Expérience de jeu

D’ailleurs, il me semble intéressant de dégager plusieurs points après un test grandeur nature du système avec mes camarades de jeu du mardi soir. Ce test a été réalisé sur quatre séances espacées chacune d’une semaine, du 7 au 28 juin 2022, sur Let’s Role, la plateforme française de jeu de rôle, et avec le scénario Le Plateau Pégase, traduit en français par le Studio Deadcrows, comme le reste de la gamme de RuneQuest.

Adaptation des personnages

Avant de commencer à jouer, il faut tout de même adapter un peu les personnages au format plus resserré de Cœur de Runes, car au lieu d’avoir quatre pages de statistiques écrites en petits caractères, il n’y a que quelques données à dégager. Cela peut paraître frustrant pour certains joueurs, d’autant qu’ils peuvent avoir l’impression que leur personnage perd en puissance (paradoxalement c’est l’inverse qui se produit, même si leur nombre de sortilèges de magie divine est réduit à un seul).

Mes joueurs incarnent les personnages prétirés de la dernière édition de RuneQuest, à savoir Vasana, Sorala, Harmast et Vostor. Pour illustrer les choix qu’il a fallu faire, voici la fiche de Vasana, version RuneQuest et version Cœur de Runes.

La première chose à savoir, c’est qu’on n’a pas besoin de caractéristiques ni de compétences. Tout juste peut-on extraire de tout cela un Atout, et Equites, qui joue Vasana, a choisi Épéiste.

Puis il faut trouver quelles affinités runiques conserver. Par défaut, Cœur de Runes n’en autorise que 3, alors que RuneQuest les détaille toutes. Logiquement, le choix a été fait de prendre les plus fortes affinités du personnage d’origine. Exceptionnellement, et pour tester ce que cela impliquait dans la mécanique de jeu, j’ai autorisé le joueur à en garder 4 au lieu de 3, ce qui a sans doute augmenté sa puissance par rapport aux autres. Il faut ensuite associer des aspects à chaque rune, et donc se pencher sur la façon dont on va interpréter le personnage.

On peut reprendre comme Attaches les passions du personnage d’origine, sans les modifier, car elles auront toutes le même poids en jeu. Elles sont là pour colorer un peu plus l’interprétation.

De la même façon, on peut garder l’intégralité des sorts de magie spirituelle connus par le personnage (appelée dans Cœur de Runes magie ordinaire) puisqu’ils servent juste à déterminer ce qu’il sait faire, sans que cela ait un réel impact sur la mécanique. On peut à ce sujet se passer du sortilège de multisort, car il n’a qu’un intérêt technique sans objet si on change de système.

Le plus difficile est de choisir un seul sortilège de magie runique pour en tirer un Pouvoir de Cœur de Runes. J’ai guidé le choix de façon simple : prendre obligatoirement un sortilège dont la rune a été choisie comme affinité runique auparavant.

Quant à l’équipement, il peut être repris à l’identique, en oubliant les caractéristiques techniques, dont on n’aura pas besoin dans Cœur de Runes, sinon pour expliquer un effet narré par le joueur ou la meneuse.

Au final, on se retrouve avec un personnage décrit bien plus rapidement, et cohérent avec sa version RuneQuest.

Adaptation des PNJ

Pour les PNJ, c’est encore plus rapide.

Une affinité runique choisie parmi les plus saillantes des statistiques de RuneQuest, au moins un Pouvoir choisi dans les sorts runiques connus, ainsi que tous les sorts de magie spirituelle, qui serviront d’Attaque spéciale (dans un combat, lorsqu’un test du joueur est un échec, c’est l’adversaire qui prend la main, et déclenche une Attaque spéciale contre laquelle le personnage doit effectuer un jet de sauvegarde).

Une note d’interprétation, et roulez jeunesse…

Le plus difficile est de se détacher des détails pour saisir l’essence du PNJ tel qu’on pourra le voir agir envers les joueurs.

Adaptation du scénario

La beauté de Cœur de Runes réside aussi dans le fait que le scénario n’a pratiquement pas besoin d’être adapté. Les indications techniques (comme des malus à des jets de dés), peuvent soit être ignorées soit constituer un guide pour déterminer la difficulté d’un test simple dans Cœur de Runes, ou le niveau d'épreuve (le nombre de succès nécessaires) d’un test long.

Et… c’est tout…

Car le reste se fait simplement en collaboration entre la meneuse et les joueurs, en narration.

Impression générale : une narration (réellement) partagée

Après avoir fait jouer successivement La tour brisée avec le système RuneQuest lui-même, puis Le Plateau Pégase avec Cœur de Runes, mon impression est celle d’une nette différence dans l’implication narrative des joueurs. Ils osent plus de choses, décrivent plus, apportent des détails qui font sens.

Et cela est vrai tout particulièrement pour les novices de Glorantha.

Sixte, l’un de mes joueurs, très intimidé par le background de l’univers, a lui-même proposé, dès cette deuxième partie, des descriptions qui nous ont tous embarqués dans une vraie scène, et ceci presque sans jet de dés, lorsque son personnage, Harmast, a tenté d’apprivoiser un Hippogriffe dans la conclusion du scénario. En se basant sur l’affinité runique qu’il avait identifiée comme étant en résonance avec l’animal mythique, il nous a décrit la scène pas à pas. C’est une chose qu’il n’avait même pas esquissée lorsque nous avions abordé la scène de conclusion de La tour brisée, lorsqu’il était en présence d’une incarnation de la Déesse de la Terre, Ernalda.

Appréhension de l’univers par des novices

Je pense en effet que le principal handicap de Glorantha n’est pas vraiment son background, mais son système. Bien entendu, savoir certaines choses sur le monde complexe créé par Greg Stafford est important, mais ensuite, les analogies sont suffisamment fortes pour qu’on se sente capable d’agir… seulement si le système force à ce qu’on soit actif dans les descriptions, dans des choix non seulement techniques, mais surtout narratifs.

La meneuse peut toujours rectifier ou modifier ce qui lui semble nécessaire, mais elle peut lâcher la bride à ses joueurs sans risquer de voir le scénario ni le monde partir en quenouille…

Et ça, c’est non seulement reposant pour celle ou celui qui mène la partie, mais aussi extrêmement créateur de rebondissements dignes d’une épopée légendaire.

Les joueurs s’investissent plus dans le destin de leurs Héros.

Et ils ont beaucoup plus envie de se documenter ensuite.

C’est en effet après cette deuxième partie que certains d’entre eux ont partagé avec l’ensemble de la table des listes de liens internet sur Glorantha…

Les combats

Ils faisaient partie de ce qui me faisait le plus peur, à la fois dans le système originel de RuneQuest et dans l’adaptation nécessaire pour mener une partie de Cœur de Runes. Je pensais aussi qu’ils étaient ce qui aller déterminer notre adoption ou non de Cœur de Runes comme moteur de nos aventures gloranthiennes. J’avais raison.

Sans être expéditifs, les combats se sont avérés difficiles, mais ils ont posé problème aux joueurs surtout parce qu’il s’agissait de duels et que leurs personnages étaient déjà très affaiblis tout en ayant dépensé presque toutes les utilisations possibles de leurs affinités runiques. Il faut savoir aussi que notre table est sans doute sous le coup d’une malédiction sur ses jets de dés, souvent catastrophiques du côté des joueurs.

Par contre, ils ont été intenses, forts en émotions, et ont permis de belles descriptions, comme des conclusions intéressantes. Et bien entendu, ils n’ont pas été trop longs à gérer.

Ce que nous n’avons pas encore testé

L’un des points originaux de Cœur de Runes reste le mécanisme d’Introspection, que nous n’avons pas essayé. Il permet de gérer d’une part les relations du personnage avec sa divinité et donc la récupération des points d’affinité runiques, mais aussi les Quêtes héroïques, qui sont une part restée mystérieuse tout au long des incarnations de Glorantha, que ce soit dans RuneQuest comme dans HeroWars.

Pistes d’amélioration

Ce test grandeur nature nous a montré ce qui serait, selon notre table, à améliorer. Je pense surtout au rôle des passions (appelées Attaches dans Cœur de Runes), que je trouve moins déterminant que dans RuneQuest/Pendragon.

Une autre piste est une plus grande aide dans le choix de puissance des personnages selon le style de Campagne que l’on souhaite mener. Je me demande si par exemple, deux ou trois Pouvoirs ne seraient pas plus indiqués dans le cas de ma table.

J’ai pour l’instant gardé le système de notation de réputation de RuneQuest, car il me semblerait utile de suivre le cours de la notoriété des personnages, mais je ne sais encore comment procéder avec Cœur de Runes.

La présentation du livret A5 de Cœur de Runes, très claire, mériterait d’être enrichie de quelques exemples de plus, notamment sur des combats, qui sont les différences les plus marquantes par rapport à RuneQuest.

Let’s rôle & Cœur de Runes

Vous l’avez compris, nous avons joué en ligne, à distance, via la plateforme virtuelle Let’s Role.

Pour l’occasion, j’ai pondu une adaptation de Cœur de Runes pour Let’s Role, avec l’aimable autorisation d’Uzz, que je remercie ici encore pour sa disponibilité, son enthousiasme, et surtout sa patience.

Vous pouvez l’utiliser gratuitement, simplement en sélectionnant ce système pour votre propre table de jeu. Vous pouvez même fork le système si vous voulez l’améliorer de votre côté. J’ai quelques idées qui attendent d’être mises en pratique, notamment rajouter un onglet pour l’historique et les notes des joueurs, qui m’a été demandé par les miens, frustrés de ne pouvoir écrire leurs comptes-rendus directement dans Let’s Role.

Et si vous avez d’autres suggestions, je suis preneur.

Conclusion : System Matters, vraiment

Était-il vraiment besoin de le démontrer encore ?

Apparemment oui.

Le système de jeu que l’on utilise importe vraiment, car il détermine la façon dont on approche un univers, dont on peut se l’approprier et l’explorer. Il importe car il conditionne le style de jeu, la puissance des personnages, la magnitude de leur impact sur l’univers, et au final le plaisir que tout le monde va ressentir autour de la table.

Cœur de Runes remplit pour moi nettement les exigences que j’avais pour faire jouer ma table dans le monde de Glorantha : simplicité, interactivité, puissance, centré sur les runes, compatible avec les scénarios, immersif.

Si vous voulez entrer à votre tour dans Glorantha, c’est, je crois, le meilleur choix.

Que les Sept Mères portent Cœur de Runes jusqu’au firmament et que la Déesse Rouge l’accueille en son sein !


  1. Ex æquo avec Néphilim et Rêve de Dragon.  ↩︎
  2. Aux précédents, il suffit de rajouter le World of Darkness.  ↩︎
  3. Je commence à adopter le vocabulaire des vidéoludistes, je vais devoir me surveiller.  ↩︎
  4. Et qui reste pour moi, et de loin, la meilleure incarnation du Basic Roleplaying System, car la plus légère et la plus calquée sur l’univers.  ↩︎
  5. Je crois que c’est une expérience que nous avons tous eue avec la pandémie, donc je fais le pari que vous répondrez «oui» à cette question.  ↩︎
Mémoires rôlistes d’un vieux briscard, chapitre 2 : Scénarios & Campagnes mythiques

Mémoires rôlistes d’un vieux briscard, chapitre 2 : Scénarios & Campagnes mythiques

J’ai découvert le jeu de rôle1 à l’âge de 13 ans. À la date à laquelle j’entreprends l’écriture de cette série d’articles, j’en ai 49. Et durant tout ce temps, je n’ai jamais vraiment cessé de pratiquer ce loisir à la fois créatif, artistique, instructif, social, et quelque peu mystérieux pour beaucoup d’entre mes contemporains. Lorsque j’ai commencé, seuls les garçons, en général des adolescents parés de lunettes à culs de bouteille et arborant leurs boutons d’acné comme de fières oriflammes, osaient se passionner pour ces histoires construites à plusieurs voix. Le reste de l’Humanité (c’est-à-dire les filles et bon nombre de nos camarades mâles) nous considérait comme des gens bizarres. C’est de là que viennent les images classiques de ce que l’on appelle maintenant les geeks, ou pire, les nerds, une sous-espèce de geeks encore plus étranges parce qu’ils préféraient tuer des dragons imaginaires plutôt que de taper dans un ballon comme on l’attendait d’eux.

Pourtant, plus de trente ans après, ma tribu de rôlistes (ainsi nous nommons-nous nous-mêmes) est devenue banale, voire sexy. Une série à succès prend même des geeks dans mon genre comme héros et fait du jeu de rôle une base de son intrigue, à savoir Stranger Things, qui tourne autour de monstres dignes de Donjons & Dragons.

Les ados des années 1980 sont devenus parents, et ont fait infuser la culture de leurs histoires de trolls et d’elfes dans toute la société. Ils ont même partagé cette culture avec leurs épouses, leurs enfants.

De plus jeunes rôlistes sont nés.

Et je suis devenu, comme tous ceux de ma génération, un vieux de la vieille. Un vieux briscard des tables de jeu. Presque un grognard de la Grande Armée de D&D.

Durant toutes ces années, j’ai évolué avec des jeux différents, exploré des univers variés, incarné des personnages divers.

J’avais envie de parler de certains d’entre eux, des souvenirs que j’en ai, et de ce que nous pouvons en faire aujourd’hui, dans les années 2020. Cette série d’articles est donc à la fois une biographie ludique et une incitation à découvrir ou revisiter des pépites vintages.

Et après les jeux (et donc les univers) qui ont marqué mon parcours rôliste, il est temps d’entrer dans l’aventure. Ou plus exactement, dans les aventures, c’est-à-dire les scénarios ou les campagnes (les suites de scénarios formant une sorte de série ludique, pendant rôliste des séries télévisées actuelles) que j’ai le plus aimées, que ce soit comme joueur ou comme meneur. Pour quelques-uns de ces scénarios, d’ailleurs, ce fut à la fois comme joueur et ensuite comme meneur.

Pour plus de clarté, je vais les présenter par thème.

Et bien entendu, lorsque cela est possible, je vous donne les liens pour trouver ces scénarios, afin que vous puissiez vous aussi en profiter. Pour certains, cependant, mon expérience a été inachevée, car le jeu de rôle est ainsi fait que, comme toute activité impliquant des groupes, si l’un des participants se lasse et abandonne, il y a beaucoup de chances pour que les autres ne puissent continuer sans lui. Certaines histoires sont donc pour moi sans conclusion, mais même dans ces cas-là, celles que je vous présente ici font partie des plus fortes que j’aie vécues.

Le syndrome Usual Suspects

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce film avec Kevin Spacey, il s’agit d’intrigues où certains personnages ne sont pas, mais alors pas du tout, ce qu’ils paraissent être. Une bonne partie du plaisir de jouer ces scénarios est alors de découvrir ou faire découvrir le pot aux roses à ses compagnons de table, et de se laisser surprendre soi-même.

La Nuit des Damnés

Scénario de 6 heures de jeu, sans règles.

Auteur : Seb Bermes.

Il s’agit probablement de ma plus grande claque en jeu de rôle, car notre meneur, Ludo, avait préparé la partie comme un grandeur nature que nous avons joué en une nuit, avec bougies, encens, musique de fond choisie avec goût (c’est lors de ce scénario que j’ai découvert Dead Can Dance, grâces en soient rendues à Ludo jusqu’à la fin des Temps). C’était au début des années 1990, et c’était ma première expérience de jeu en immersion musicale et mise en scène autour de la table.

Je me souviens d’une nuit entière, dans un petit appartement, et du plaisir de frissonner avec mes compagnons de jeu de l’époque : Jiphi, Wilybird, ChrisT, Aspro.

Le scénario en tant que tel est un huis clos où les joueurs incarnent cinq voyageurs venant d’Angleterre pour plusieurs d’entre eux, afin d’entendre lecture du testament et des dernières volontés d’un oncle obscur. Nous sommes en Suisse, au bord d’un lac, en 1766. Et passer la porte du manoir du notaire implique beaucoup plus que chacune et chacun des personnages ne le pense au départ.

Comme joueur, j’ai été l’interprète de Hyeronimus, sans doute le plus naïf des cinq personnages.

Bien entendu, depuis, j’ai fait jouer ce scénario comme meneur, et à chaque fois ce fut un plaisir renouvelé et un peu sadique, il est vrai, de plonger mes joueurs dans cette ambiance noire, et de voir les secrets sourdre peu à peu.

Mes compagnons et moi avions ensuite publié le scénario dans notre fanzine, VITRIOL, mais comme je ne sais si l’auteur autoriserait sa republication ici, je ne vous livre pas de lien. J’ai toutefois trouvé trace de cette histoire sur la Toile, qui décidément contient beaucoup de choses.

Amerikla

Scénario de 8 à 12 heures de jeu, sans règles.

Auteur : Jiphi.

À la suite de La Nuit des Damnés, notre groupe de l’époque, irrémédiablement marqué par cette expérience, a cherché à créer ses propres histoires sur le même principe : un huis clos, sur un format de scénario de convention c’est-à-dire avec des personnages prétirés, et sans règles.

Amerikla se déroule durant la première traversée de l’Atlantique par un Zeppelin, entre Berlin et New York, en 1933. Cinq personnages très particuliers y prennent part. Deux Européens : un gentleman anglais, ancien héros de la Grande Guerre dont un obus a brisé la carrière athlétique prometteuse en le clouant sur un fauteuil roulant, accompagné de son infirmière dévouée dont la chevelure rousse proclame bien haut son ascendance irlandaise. Trois Américains : un avocat d’affaires tiré à quatre épingles, un vendeur de chaussures de New York aux manières aussi peu orthodoxes que parfois surprenant de culture et une chanteuse noire de jazz à la voix envoûtante. Durant cinq jours, plusieurs dizaines de passagers vont vivre avec eux des événements étranges et inquiétants, alors qu’il n’y a qu’un océan presque sans fin au-dessous d’eux, et que leur survie ne tient qu’au fragile édifice de métal et de toile qui leur sert de vaisseau volant.

Amerikla est né de l’esprit fécond de Jiphi, et parvient à pousser ce plaisir du «rien n’est ce qu’il paraît» à un paroxysme que je n’ai jamais retrouvé depuis. Comme joueur, j’ai incarné Timothy, le gentleman anglais. Je l’ai aussi fait plusieurs fois jouer comme meneur, et là encore, c’est un vrai bonheur d’observer comment les petits et sales secrets de chacune et chacun sont distillés et créent des péripéties et des rebondissements qui concourent largement au péril que tous les occupants du Zeppelin doivent affronter avec une magnitude démente.

À l’époque lointaine où ce scénario fut écrit, nous l’avions ensuite publié dans VITRIOL à son tour. Je vous renvoie à ce lien, où vous pourrez trouver les personnages, et à celui-là, où gît le scénario.

Quelques années après, Casus Belli lui-même publia un scénario se passant dans un Zeppelin, manifestement assez inspiré de l’œuvre de Jiphi, mais sans en reprendre vraiment la trame ni l’ambition. Franchement, si vous lisez (et surtout, jouez) les deux, vous verrez que rien ne vaut l’original…

Le Dieu Voilé

Campagne en 7 scénarios.

Auteurs : Vincent Basset, Pascal Montagna, Frédéric Mouysset, Arnaud Prié, Andrea Salvatores.

Il y a 2 ans, pendant la pandémie, ma tablée actuelle a entamé cette campagne pour le jeu Barbarians of Lemuria, un univers de sword and sorcery à la Conan le Barbare, qui reprend les codes des aventures du héros inventé par Howard.

Comme il se doit, la magie est dangereuse, les méchants sont vraiment de cruels sorciers invoquant des créatures monstrueuses, les personnages doivent survivre, il y a des complots, du poison, des combats brutaux.

Nous sommes à Satarla, la grande cité civilisée de ce monde, comparable à Byzance dans le nôtre. La main du dieu de la Mort, Nemmereth, semble prise de tremblements, alors que dans toute la ville des personnes décèdent brutalement, que d’autres reviennent à la vie avec d’horribles visions, que des abominations se lèvent et dévorent hommes, femmes et enfants.

L’aventure va entraîner les joueurs dans un périple riche en rebondissements, et les confronter à un adversaire qu’ils n’auraient jamais cru devoir combattre.

J’ai vécu cette histoire en tant qu’Istara, une courtisane aux talents d’espionne et d’assassin, perpétuant la tradition des femmes fatales de ce genre d’univers, comme Red Sonja. Grâce aux talents de conteur de notre meneur Laurent, et à la possibilité de jouer en ligne (merci Roll20), nous avons arpenté ce monde avec un rythme inégalé d’une partie de jeu de rôle par semaine, tous les mardis, pendant environ 18 mois. Cela faisait sans doute près de 20 ans que je n’avais pas autant joué.

Vous pouvez retrouver Le Dieu Voilé ici.

Des intrigues sur plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires

Le jeu de rôle permet aussi de déployer des histoires non seulement en scénarios indépendants (ce que l’on appelle des one-shots dans notre jargon), mais aussi en campagne, c’est-à-dire en histoires longues, très longues, qui prennent plusieurs années de temps réel pour être jouées et interprétées, mais qui peuvent s’étaler sur plusieurs décennies dans la vie des personnages que l’on incarne, voire plusieurs siècles ou millénaires, si l’on entre dans des univers un peu particuliers. Par exemple, si l’on joue des vampires immortels, ou des êtres réincarnés, des cyborgs, des robots, des machines.

Voici trois exemples de ces campagnes pour moi mythiques.

D.C. by Night

Cadre de jeu type «bac à sable».

Auteurs : Charles Beegly, Alan M. Fisher, Amelia G., Harry L. Heckel IV, Heather Heckel-Curatola.

Vampire : the Masquerade, est un de ces jeux de rôle où l’on peut incarner des personnages très très âgés. Le mien avait 450 ans, inspiré par Highlander, mais il s’est avéré qu’il était plus vieux encore. Nous en reparlerons dans le troisième volet de cette trilogie nostalgique, je n’en dirai donc pas plus si ce n’est que c’était loin d’être le personnage le plus ancien dans cette histoire. Mes compagnons de table jouaient des rôles dont l’existence remontait aux cathares, voire à Charlemagne, et certains de nos alliés ou de nos adversaires dans la société des vampires étaient bien plus vieux encore, parfois jusqu’à remonter aux temps mésopotamiens comme le Sire de mon personnage, Altamira, voire jusqu’aux temps mythiques de la Première Cité, quand les premiers Vampires, les Antédiluviens, étaient encore les seigneurs tout-puissants et monstrueux des descendants de Caïn.

Notre meneur de l’époque, surnommé «Pappy Boyington», avait métabolisé toute la riche toile de fond du jeu, qui entremêle les événements historiques avec des intrigues de guerre secrète entre puissants vampires développant des plans machiavéliques sur plusieurs siècles, et y avait impliqué, souvent contre leurs grés, nos personnages, pour notre plus grand plaisir.

Le supplément D.C. by Night décrit la région de Washington D.C., aux États-Unis, dont la population vampirique est sous la domination d’un Prince redouté autant qu’admiré, Marcus Vitelius, du Clan Ventrue, un ancien centurion romain qui impose une férule d’acier à ses congénères et parvient à maintenir les hordes sauvages des vampires du Sabbat, à distance de sa Cité. Néanmoins, la réalité est plus sombre, car le propre Sire de Vitelius n’est pas vraiment en phase avec cette façade. L’identité réelle du Prince est sujette à caution, de même que ses réelles ambitions.

Nos personnages ont eu à affronter les machinations de La Sybille, à naviguer dans les arcanes politiques piégés de la ville, à combattre des non-morts capables de prouesses martiales très supérieures aux leurs.

Ces sessions de jeu duraient parfois jusqu’à trois jours d’affilée, et nous permettaient de développer les relations entre nos personnages, de nos personnages avec les PNJ, de connaître les lieux de la ville, de plonger dans le passé, avec des flashbacks intenses (je me souviens très bien d’une session sur le passé écossais de mon personnage où les autres joueurs avaient endossé des rôles différents de leurs personnages habituels).

Cette campagne, à elle seule, mériterait un long article. Elle m’a marqué par les thèmes abordés, particulièrement intenses, la façon de les aborder, très intelligente (même si le meneur avait tendance à être beaucoup trop dirigiste et à ne pas laisser les joueurs prendre suffisamment d’initiatives, ce qui était très frustrant), et hélas aussi par la manière dont elle s’est terminée, de façon abrupte par la séparation de la table pour raisons personnelles.

Le jeu de rôle est un loisir éminemment social, et dépend donc des caractères des uns et des autres. La vie est ainsi faite que les choix de vie de chacun peuvent entrer en résonance ou en contradiction. Alors les conflits sous-jacents entre personnalités peuvent exploser.

C’est ce qui s’est passé, et cette campagne restera donc à jamais inachevée, en suspens.

Le supplément D.C. by Night semble ne plus être disponible dans son édition originale.

Constantinople by Night

Cadre de jeu type «bac à sable».

Auteurs : Philippe R. Boulle, Joshua Mosqueira-Asheim, Lucien Soulban.

Vampire est un jeu dont les multiples déclinaisons sont parfois moins réussies que l’original, mais la période Dark Ages, qui se situe au moyen-âge, pendant l’Inquisition, met les personnages dans un contexte radicalement différent et très réussi. Paradoxalement, les vampires à cette époque ont plus de pouvoir sur les Mortels, mais la chasse aux sorcières menée par l’Inquisition les confronte à un danger beaucoup plus grand qu’ils ne l’auraient imaginé. Traqués par des hordes d’humains maniant le feu qui leur est fatal, durant la journée où ils sont aussi démunis que des chatons, ils deviennent des proies à leur tour.

Le cadre de Constantinople by Night se place à l’apogée de cette cité à la population humaine démesurée pour l’époque (selon les sources, jusqu’à 400 000 habitants, quand Paris en compte environ 50 000 à peine), avant son incendie et son pillage par les forces de la Quatrième Croisade.

Là encore, le souverain vampirique des descendants de Caïn est une figure puissante, un mythe se prenant pour un Archange. Les thèmes des croyances, de la réalité et des faux-semblants étaient centraux. Je jouais là encore un personnage qui est devenu important pour moi, une ancienne nonne. Notre meneur, Jiphi, laissait plus de latitude dans les actions, mais là encore, notre table s’est séparée avant que nous voyions la fin de l’histoire, puisque c’était peu ou prou la même que pour D.C. by Night.

Le supplément Constantinople by Night pour Vampire : the Dark Ages semble ne plus être disponible dans son édition originale.

Olympus 2061

Campagne amateur.

Auteur : Lasverinas.

Une autre table se forma plus tard, autour d’un meneur fondu de mangas et autres animes, que nous surnommerons Lasverinas, puisque son autre pseudo est désormais associé à la nouvelle marque d’un réseau dyssocial très connu.

Nous avons débuté une campagne inspirée de plusieurs œuvres de dessins animés japonais : Neon Genesis Evangelion, Ghost in the Shell, Patlabor, Mazinger Z, Macross Plus, pour les plus saillants et les plus évidents.

L’intrigue se passe sur Mars, en cours de terraformation, en 2061, alors que des scientifiques découvrent des traces d’une civilisation humanoïde disparue, et que des entités extraterrestres sont en train d’attaquer le système solaire. Pour défendre la planète, des robots géants sont construits, dans lesquels des pilotes vont entrer en symbiose avec chaque machine. Mais ces machines n’ont pas vraiment été conçues par les humains, plutôt par les Anges, les anciens occupants de Mars. Et chacun des personnages des joueurs découvre qu’il est en fait une réincarnation d’un de ces Anges. Un mystère se rejoue à des millénaires de distance, que nous avons essayé de dévoiler.

Mais hélas, malgré deux saisons d’épisodes, là encore, tout s’arrêta.

Et c’est dommage car l’invention était là, sur le fond comme dans la forme. C’est de cette campagne que je tire beaucoup des enseignements sur la façon de jouer une histoire comme une série télévisée, avec un générique de début et un générique de fin, avec des scènes en flashback ou flashforward, de découper les scénarios en épisodes et en saisons.

Une autre innovation était aussi très efficace : regarder un épisode anime (souvent Evangelion) avant de commencer à jouer. Cela avait pour effet d’imprimer dans notre imaginaire des dessins, une ambiance, et nous parvenions souvent à nous représenter les actions sous la forme de dessins animés, à décrire des effets visuels dans le style manga, comme l’oiseau qui passe devant un personnage pour signifier une émotion dubitative.

Les fresques épiques

Une troisième catégorie de campagnes de jeu de rôle est celle des grandes sagas épiques, celles où l’héroïsme et les exploits sont la norme. Celles-ci également, à mon grand désespoir, ont été laissées au milieu du gué, jamais conclues. Mais elles m’ont laissé de très grands et beaux souvenirs.

L’Enfant-Roi

Campagne très longue en 3 phases.

Auteur : Greg Stafford.

La plus grande fresque épique de tous les temps, à mon avis, reste la légende arthurienne, et rien ne pourra me faire changer d’opinion. Lorsque l’un d’entre nous eut dans les mains un exemplaire du jeu Pendragon, ce fut plus qu’une question de temps avant qu’il ne fit entrer les autres dans une réinterprétation du Cycle fondateur de l’imaginaire médiéval.

Nous avons ainsi commencé à jouer les exploits d’un petit groupe de chevaliers, mais aussi d’autres personnages. Le mien, par exemple, était une enchanteresse. Notre façon d’envisager la légende était en effet très orientée par le film Excalibur et les aspects magiques devaient être représentés parmi les joueurs. Deux chevaliers formaient le noyau dur de la troupe, et ces trois personnages évoluaient année après année le long de la longue chronologie du règne d’Arthur. Ils prirent femme ou époux, eurent des enfants, le tout en commençant à graviter autour de la Table Ronde et de ses célèbres chevaliers. Ils entrèrent dans la lutte entre les anciens dieux et le Dieu Unique, entre les enchantements de Bretagne et la Quête du Graal, entre les Cymri (celtes) et les Saxons, entre les roitelets et le Haut Roi.

De manière intéressante, nous avons commencé à expérimenter le fonctionnement de «maître de jeu tournant». L’un d’entre nous devenait le meneur le temps d’un scénario, puis laissait sa place à un autre qui reprenait son personnage plus tard. Cela sans favoritisme cependant car, pour que le concept soit un succès, il faut laisser la place réellement et toute latitude à celui qui prend les rênes. Nous ne sommes pas allés aussi loin dans le règne d’Arthur que je l’aurais souhaité. Mais là encore, ce fut inoubliable.

Vous pouvez trouver la campagne de l’Enfant-Roi, aussi appelée The Great Pendragon Campaign, seulement en anglais.

Tian Xia

Campagne en deux volumes.

Auteurs : Romain "Rom1" d’Huissier, Jérôme «Brand» Larré, Christophe «Kristoff» Valla.

Lorsque le jeu de rôle Qin est sorti, mon petit groupe de l’époque était enthousiaste. Nous pourrions enfin incarner des Wu Xia, des guerriers errants, à la manière de Tigre & Dragon. Et c’est ce que nous fîmes pendant quelque temps. La longue campagne promise sur la réunification de l’Empire du Milieu par le Roi du Qin, Chi Huangdi, a tardé, mais nous l’avons ensuite entamée.

Il faut dire que ce jeu et cette campagne peuvent être mis en parallèle avec l’Enfant-Roi et Pendragon. Il est question dans les deux cas de jouer sur plusieurs années de temps fictif, l’accession et le règne d’un souverain puissant qui deviendra une légende, de participer à cette légende (comme le proclamait même le slogan du jeu : «vous êtes des héros, devenez des légendes»). Mais les scénarios de la campagne, par trop dirigistes et complexes à mettre en place, ont fini par lasser à la fois le meneur et les joueurs.

Pourtant, nous avons profité de longues heures de jeu.

Vous pouvez trouver la campagne Tian Xia ici.

Les Jardins de Genert

Campagne personnelle non publiée.

Auteur : Germain Huc.

Le jeu le plus épique qui soit, cela dit, reste pour moi RuneQuest. Je vous ai longuement expliqué pourquoi dans le premier épisode de cette trilogie d’articles.

Cette fois-ci, c’est moi qui ai été inspiré par ce monde complexe qu’est Glorantha, et j’ai commencé à concevoir une campagne personnelle, dont les scénarios sont aujourd’hui dispersés sur des notes prises avec les hiéroglyphes qui me servent d’écriture, quelques plans laconiques, et une trame générale qui avait quand même une sacrée ambition. Il s’agissait ni plus ni moins que de permettre aux joueurs d’incarner des demi-dieux et demi-déesses destinées à accomplir l’exploit de ramener une partie de l’Âge d’Or dans le temps présent à partir de Quêtes héroïques parmi les plus périlleuses. Le tout dans le grand chamboulement de la Guerre des Héros, la lutte du royaume de Sartar contre l’Empire Lunar, ou la fin du Ban des Syndics.

Les ennemis qui se dressaient sur leur chemin n’étaient rien moins que Delecti le Nécromancien, l’Empereur Rouge, Le Roi des Broos, le seigneur de guerre La Mort sur un Cheval, et bien d’autres du même acabit.

Je ne suis jamais arrivé à terme ni de l’écriture de cette campagne ni de sa mise en œuvre concrète, mais je ne désespère pas. Il se peut qu’un jour je prenne le temps de la reprendre complètement, que ce soit pour la jouer avec mon groupe actuel ou même la publier.

Les escapades oniriques ou philosophiques

Comme vous le savez depuis le premier épisode de cette série, Rêve de Dragon fait partie de mes jeux de rôle fétiches. Son univers unique permet des scénarios atypiques, qui ne sont possibles que dans ce jeu-là, dans ce cadre-là. Des histoires poétiques ou philosophiques, d’objets ludiques non identifiés, en quelque sorte.

Les voyages draconiques de Sire Arnaud

Campagne à plusieurs Meneurs et selon plusieurs scénarios du commerce.

Auteurs : Variés.

C’est l’autre jeu pour lequel notre groupe avait adopté la technique des maîtres de jeu tournants. Par nature, Rêve de Dragon sépare chaque histoire comme des rêves distincts, où certaines choses peuvent être laissées dans le flou (le gris-rêve, sorte de somnolence où l’on ne se rappelle plus très bien comment on est arrivé au début du rêve depuis la fin du précédent). Ainsi, nous étions quatre meneurs, qui prenions la direction des opérations en fonction de nos inspirations, des scénarios qui nous tentaient ou que nous voulions explorer. Et nous avions chacun nos personnages, qui étaient présents dans les rêves des autres.

Le mien, nous en parlerons dans le prochain épisode, était Sire Arnaud, une version caricaturée de Cyrano de Bergerac.

Le groupe, composé des mêmes personnes que pour Pendragon, se disloqua donc, mais comme il est normal pour les rêves de s’interrompre sans vraiment de cohérence ni de suite, je n’ai ici aucun regret, juste une collection de très bons souvenirs.

Un Voyage en Boldzarie

Scénario du commerce.

Auteur : Denis Gerfaud.

Pourtant, un scénario en particulier a marqué cette période de jeu intensif dans l’univers de Rêve de Dragon. C’est bien Un rêve en Boldzarie, de Denis Gerfaud lui-même. Pour moi, c’est son chef-d’œuvre scénaristique. La trame elle-même colle si bien au concept fondamental de Rêve de Dragon qu’elle est indépassable. Sans en dévoiler trop, je peux dire que rêve et réalité se mêlent et s’entremêlent tellement dans ce long, très long songe, que cela en est vertigineux. Et j’ai pris beaucoup de plaisir à le maîtriser.

Vous pouvez trouver ce Voyage parmi tous les autres écrits par Denis Gerfaud pour Rêve de Dragon ici.

Comme le feu dans tes yeux

Scénario personnel non publié à ce jour.

Auteur : Germain Huc.

J’ai tellement aimé Un rêve en Boldzarie que j’ai réutilisé une partie de ce concept rêve/réalité dans une adaptation personnelle à Rêve de Dragon du roman Roi de l’Été, Fou de l’Hiver, de l’écrivaine Lisa Goldstein, auquel j’ai mélangé des éléments du cycle de l’Arcane des Épées de Tad Williams.

Comme le feu dans tes yeux est à ce jour le scénario de jeu de rôle dont je suis le plus fier dans ma vie. Il est à moitié écrit, mais il mériterait d’être repris et achevé pour être publié. Peut-être qu’un jour j’en aurai le temps.

Je ne peux que vous en livrer quelques images.

Les réinterprétations personnelles de mythes de l’imaginaire

Les réinterprétations personnelles sont l’essence même du jeu de rôle, dans lequel chaque joueur et chaque meneuse peut faire entrer dans l’imaginaire partagé du moment du jeu, autour de la table, ses propres références, ses propres obsessions, ses propres façons de revisiter des mythes communs, qu’ils soient issus de la culture geek ou non.

Gare au Gorille

Scénario personnel de 12 heures de jeu environ, pour Star Wars D6.

Auteur : Germain Huc.

Avec ce scénario-là, j’avais envie d’explorer la Guerre des Clones lorsque l’on n’en savait presque rien dans la toile de fond de Star Wars. C’était plusieurs années avant que ne commence la production de la prélogie, et la Guerre des Clones n’était qu’une expression, une ligne dans la Chronologie du Guide du Joueur de Star Wars. Personne ne savait ce que ce terme recouvrait vraiment. Étaient-ce des clones qui se seraient révoltés, comme les Répliquants de Blade Runner ? C’est la prémisse dont je suis parti, le postulat qui fonda un long scénario de format convention, donc prévu pour 12 heures de jeu.

J’y mélange des inspirations venant de mon enfance (Capitaine Flam et l’Empereur de l’Espace), de Blade Runner, de Star Wars, bien entendu.

Il avait été publié dans le numéro 1 de VITRIOL.

Rocfou

Campagne mêlant plusieurs scénarios personnels et du commerce.

Auteur : Sixte.

Tout a commencé chez Obi-Wan, un soir, alors que Sixte, Phil et moi, étions en train de discuter de ce que nous voulions jouer comme ambiance médiévale fantastique. Je ne sais qui a eu l’idée, mais rapidement, il apparut que Sixte souhaitait être meneur, et qu’Obi-Wan et moi incarnerions deux frères que tout oppose, physique comme caractère. L’un, Eustâche (incarné par Obi-Wan), fort et guerrier, l’autre, Étienne (que je me proposais de jouer), gringalet et retors. L’un rêvant d’exploits chevaleresques et d’égaler la réputation de leur père, grand guerrier redouté, l’autre ne rêvant que de la belle vie en se servant de la réputation de son frère. Quant à Phil, il serait Béric, l’écuyer d’Eustâche, qui déteste les aventures mais est obligé de suivre son seigneur lige, Eustâche en personne. Afin de vivre des aventures palpitantes, Étienne réussit à convaincre son frère de partir en quête d’exploits, qu’il se mettra ensuite à raconter en les enjolivant beaucoup sous le pseudonyme de Will l’Écarlate, quitte d’ailleurs à provoquer par ses pouvoirs de mini-catastrophes qui plongèrent régulièrement les 3 personnages dans des situations plus périlleuses qu’escompté.

Le ton était résolument léger, avec beaucoup d’humour. Pourtant, ce fut l’occasion de construire avec Sixte un univers très intéressant et réaliste, de vivre avec mes compagnons de table des moments mémorables, et également de me demander si cela ne pourrait pas être l’embryon d’une saga littéraire de fantasy. J’ai donc commencé à retravailler tout cela avec un objectif plus littéraire, quitte à revoir de nombreux points. Notamment le ton, que je souhaite plus adulte que le jeu originel. Du reste, j’ai commencé à en parler ici. Malgré le temps qui passe, cette histoire est toujours dans ma tête, qui trotte et qui trotte. Il faudra bien qu’un jour elle en sorte pour s’imprimer sur du papier.

N’ayez donc crainte (ou au contraire, tremblez), je n’ai pas abandonné le projet Rocfou.

The Lost Tribe

Campagne «série télévisée» personnelle en 3 saisons de 6 épisodes chacune.

Auteur : Germain Huc.

Parmi les mythes les plus prégnants de la culture imaginaire, il y a celui des loups-garous. Comme vous avez pu le lire dans le précédent épisode, j’adore le jeu Werewolf : the Apocalypse. J’ai tenté à plusieurs reprises de faire vivre des campagnes dans l’univers du jeu, mais à chaque fois cela a périclité très tôt. Manque d’assiduité de ma part, mais aussi, comme trop souvent, dispersion des joueurs et donc extinction naturelle.

C’est un peu ce qui m’avait motivé à tenter une hybridation osée : mettre des loups-garous dans le cadre du jeu BIA, des XII Singes, où les personnages sont des enquêteurs de l’agence fédérale américaine en charge des crimes impliquant des Amérindiens.

J’avais construit un groupe de vieux briscards rôlistes, comme moi, et leur avais confié des rôles de garous appartenant tous à une tribu secrète dispersée dans toutes les nations premières du continent américain, la Tribu Perdue du titre. Leur rôle était de protéger les intérêts sacrés de la réalité, contre des mauvais esprits ou de mauvais êtres humains, corrompus.

Mais je les ai confrontés à une novice en jeu de rôle, ma propre épouse, qui interprétait Abigail Reed, agent du BIA missionnée pour résoudre une série de meurtres perpétrés dans la réserve des Nez Percés, dans le Nord Idaho. Il se trouve qu’au départ, Abigail est un peu l’agent Scully de X-Files, mais elle apprend assez vite qu’elle possède des pouvoirs chamaniques, ce qui la rend encore plus intrigante pour les garous, et qui soude le groupe.

J’avais pensé le tout comme une série américaine. Vous pouvez d’ailleurs retrouver deux articles qui y sont consacrés, ici et ici.

Hélas, la campagne s’est arrêtée, là encore, sur un goût d’inachevé.

Mais nous avons bien ri, et il ya encore des gimmicks qui peuvent sortir de temps à autre, entre mon épouse et moi, ou avec les autres joueurs.

Possible qu’un jour, j’écrive là aussi les quelques idées que j’avais, et que je vous les soumette, mais je n’ai pas encore renoncé à reprendre cette campagne, donc je ne vous promets rien.

Le frisson de la peur

L’un des pouvoirs du jeu de rôle est de faire ressentir des émotions fortes à celles et ceux qui s’y adonnent. Ce n’est pas du niveau d’un boost d’adrénaline lorsqu’on saute à l’élastique ou en parachute, c’est vrai, mais ça peut être aussi satisfaisant.

Moi qui déteste les films d’horreur, je suis pourtant très bon public des scénarios qui font peur. Deux d’entre eux m’ont particulièrement marqué.

La Mort qui tue

Scénario pour Chill.

Auteur : Je ne m’en souviens plus.

Ce n’est pas le véritable nom du scénario, mais c’est celui que le meneur de l’époque, ChrisT, lui avait donné. Je me rappelle même qu’il avait mis une image d’Eddie, la mascotte morte-vivante du groupe Iron Maiden, pour l’illustrer. Par contre, impossible de me souvenir de ce titre réel, donc, pour moi, ce scénario pour Chill est resté La Mort qui tue. Une sombre histoire d’instrument de musique maudit qui possédait son propriétaire. Il y avait aussi une histoire de cimetière indien, à moins que je ne mélange les choses.

Ce qui reste frais, cependant, dans ma mémoire, ce sont les frissons que cette histoire avait provoqués.

Le talent du meneur y était pour quelque chose, c’est vrai.

Et si l’une ou l’un d’entre vous trouve ce scénario, il ou elle aura toute ma gratitude.

La Couronne de Cuivre

Campagne pour Symbaroum en 3 scénarios.

Auteurs : Mattias Johnsson, Mattias Lilja.

Plus récemment, Jérôme, l’un de mes camarades de jeu actuel, nous a fait jouer cette petite campagne pour Symbaroum. J’ai adoré, et retrouvé ces petits frissons avec plaisir. Malgré le fait que notre groupe soit composé d’un gobelin et d’un troll en plus de deux humains, les horreurs de la forêt de Davokar et les bêtes infernales invoquées par la magie corrompue qui en émane restent percutantes en termes émotionnels.

Là encore, il faut un certain talent pour que cela soit prégnant, et si vous avez la chance d’avoir une meneuse ou un meneur avec ces capacités théâtrales, vous allez vous régaler.

Vous pouvez trouver cette campagne-.

Conclusion : celles que je n’ai pas jouées

J’ai limité volontairement ce petit tour d’horizon, car faire une liste de tous les scénarios que j’ai aimés serait non seulement très long mais surtout fastidieux et complètement inintéressant.

Il reste cependant une catégorie importante à considérer : les campagnes mythiques pour les rôlistes que je n’ai pas jouées.

Les masques de Nyarlathotep pour l’Appel de Chtulhu, La Campagne Impériale, pour Warhammer, Le souffle du Dragon pour Néphilim, par exemple.

Ce ne sont pas vraiment des regrets, car qui sait si je ne comblerai pas ces lacunes un jour, mais je me sens parfois en décalage avec celles et ceux qui ont vécu ces aventures et qui en parlent avec des trémolos dans la voix.

«On ne peut pas tout voir, tout vivre, tout savoir», me dis-je.

Et vous, vous avez vos campagnes mythiques ? Vous avez aussi un ou des scénarios qui vous ont marqué ?

N’hésitez pas, et partagez vos souvenirs dans les commentaires !


  1. L'originel, celui qu’on joue à plusieurs autour d'une table, réelle ou virtuelle, pas celui des jeux vidéos, qui n’a ni les mêmes objectifs, ni les mêmes techniques.  ↩︎
Mes carnets de jeu de rôle

Mes carnets de jeu de rôle

Le jeu de rôle fait partie de ma vie depuis que j’ai 13 ans. J’ai déjà donc vécu 35 ans d’aventures extraordinaires durant lesquelles j’ai eu la chance d’incarner des personnages variés, masculins, féminins, parfois extraterrestres, ou bien elfiques, nains, hobbits, trolls. J’ai longtemps côtoyé voire donné «vie» à des vampires millénaires, des dragons facétieux, lutté contre des corporations cyniques et combattu pour des rébellions idéalistes. J’ai voyagé dans des contrées oniriques ou horrifiques, dans des galaxies lointaines très lointaines ou sur des planètes beaucoup plus proches de nous.

J’ai ri, frissonné, été ému ou révolté.

J’ai vécu de nombreuses vies grâce à mes alter ego de papier et à mes camarades de jeu.

Au fil des années, j’ai construit avec eux des souvenirs incroyables.

Et parfois, je me les remémore. Il m’arrive même, en bon vétéran, de ressortir quelques anecdotes qui pourraient me faire passer pour un vieux radoteur (n’ayez pas peur, ce n’est pas ce que je vais faire dans cet article).

Je prends des notes sur chaque partie, chaque intrigue, depuis très longtemps (plus de deux décennies).

Mes notes ont longtemps été, et ce même sur des campagnes qui se sont étalées sur des années, prises sur des feuilles volantes qui étaient aussi brouillonnes que mal présentées. Et si l’on ajoute à mon écriture non euclidienne une propension naturelle des feuilles volantes à s’envoler (sic) vers les interstices étranges qui se cachent dans les limbes, des centaines d’heures de jeu ne vivent plus que dans mes souvenirs forcément parcellaires. Ainsi, cet assaut d’un immense caravillion venn’dys par une équipe de trois fous furieux à Guildes n’est plus vivant que dans les neurones de mon hippocampe cérébral et dans ceux de mes compagnons de table d’alors.

Puis je me suis mis à reprendre mes notes pour en écrire des textes à la qualité littéraire discutable mais censée reproduire un peu de l’ambiance des aventures que nous avions vécues. C’est donc dans cette période que les odyssées de notre groupe de Voyageurs dans les Rêves des Dragons ont été narrées par mon personnage, Sire Arnaud de Oanefor’ol. Dans cette même période, les moines copistes de l’abbaye de Glastonbury ont chroniqué la vie de l’enchanteresse Oriane que j’incarnais dans de très longues parties de Pendragon aux côtés de preux chevaliers. Les nuits gothiques de l’Amérique des années 1990 ont brui des murmures effrayés des méfaits des anciens vampires que nous animions à la Mascarade. Puis les roseaux calligraphiés d’idéogrammes ont raconté les légendes de nos wu xia dans la campagne Tian Xia à Qin.

Pourtant, le premier but de ces notes était et reste toujours le même : retrouver les détails qui permettaient de reprendre le fil de l’histoire là où nous l’avions laissé d’une séance sur l’autre. Permettre à nos cervelles de geeks de se remémorer les choses les plus importantes, les motivations qui avaient guidé nos personnages, les noms de leurs alliés, de leurs ennemis. Les petits indices qui pouvaient nous sauver la vie durant une confrontation avec une némésis, ou ceux qui nous guidaient vers la résolution d’un mystère.

Longtemps j’ai eu un classeur pour regrouper tout cela. Mais c’était encombrant.

D’autres écrivaient dans des carnets, mais je n’aimais pas avoir mes notes de Vampire mélangées avec celles de Rêve de Dragon, ou de Star Wars.

Et puis au bout d’un moment, quand j’ai eu moins de temps à consacrer à la reprise de mes gribouillis pour en faire des comptes-rendus potables, je me suis retrouvé avec des feuilles hideuses et un peu inexploitables.

Et puis, en 2014, j’ai trouvé un compromis.

Ni bullet journal comme Antoine Saint Épondyle, ni carnet de jeu comme Aemarielle, mais un peu des deux sans doute grâce à la magie des étiquettes numériques, j’ai adopté la prise de notes manuscrites sur une tablette avec un stylet.

Pourquoi prendre des notes ?

Il y a le bon rôliste, qui prend des notes. Et le mauvais rôliste, qui prend des notes, mais… c’est un mauvais rôliste, quoi.

Sérieusement, je crois que tous les rôlistes de par le monde prennent des notes lors de leurs séances de jeu. La seule différence qu’il y a entre eux, c’est comment ils le font. Parce que le pourquoi, je pense, reste le même : pouvoir retrouver une information importante durant le déroulement de l’histoire, même si c’est lors d’une séance jouée six mois ou un an après.

D’une part, cela assure de ne pas confondre un personnage allié avec un ennemi. Il est impératif d’identifier les autres protagonistes, et notamment les PNJ. Lorsqu’on les rencontre pour la première fois, la description de la Meneuse est aussi très importante. Je note souvent des informations clefs, comme la taille, les caractéristiques physiques marquantes, l’attitude. Lorsque nous croiserons à nouveau le personnage, il sera alors plus facile pour moi de l’imaginer et retrouvant ces notes.

D’autre part, cela fixe le déroulement des événements. Il est parfois vital de retrouver une chronologie de faits survenus durant la partie, afin d’échafauder les hypothèses (souvent fausses) et des plans (souvent foireux). Ces conjectures des PJ se déroulent rarement sans accroc, mais pour paraphraser un héros de série télé de mon enfance :

«J’adore que nos plans se déroulent sans accroc».

Écrire des notes à la main

C’est pour moi la méthode la plus naturelle. D’abord parce que cela demande moins de concentration que de taper sur un clavier. Ensuite parce qu’il y a dans le geste une certaine façon de fixer ce que l’on écrit dans une mémoire particulière, la mémoire procédurale, qui pour moi fonctionne vraiment.

Cela ancre autant que cela encre, si je puis dire.

Le seul écueil pour moi est mon écriture. Parfois, j’écris si vite que j’ai peine à me relire.

D’autre part, pris dans le scénario, il est parfois fastidieux de tout noter, alors que des détails peuvent être fondamentaux pour la suite. Voilà pourquoi je pense qu’il est bon que tous les membres de l’équipe (ou au moins la majorité, Sixte, je te vois) prennent chacun leurs propres notes. Car elles pourront sans doute se compléter à un moment donné.

Retrouver ses notes

Deuxième difficulté : retrouver ses notes. Dans un carnet papier, on peut choisir de séparer par campagne, comme Aemarielle. Par jeu, par thème, par ambiance. Mais difficile souvent de retrouver un moment particulier. Il faut alors fouiller, feuilleter interminablement. À moins d’utiliser le système du bullet journal. Je ne le trouve personnellement pas pratique du tout en cours de partie. Il faut là encore trop fouiller et feuilleter pour trouver l’endroit où noter ce que l’on veut garder sous la main, tout en ayant son attention toujours focalisée sur ce qu’il se passe autour de la table.

C’est d’ailleurs encore plus vrai lorsqu’on est obligé, comme c’est le cas depuis plus d’un an, de jouer à distance via une interface virtuelle type Roll20. La gestion de l’outil de virtualisation de la table et le nécessaire contact visuel avec les autres participants rendent l’exercice de la prise de notes beaucoup plus énergivore, je trouve.

Voilà pourquoi je préfère depuis quelques années me servir d’une application iPad qui s’appelle NoteShelf. Elle me permet d’écrire à la main sur l’iPad avec un stylet, et grâce à la reconnaissance d’écriture intégrée, de rechercher un terme (si je ne l’ai pas trop mal écrit, bien entendu, et c’est là que mon plan se déroule souvent «sans» accroc, comme vous pouvez vous en douter) et de retrouver toutes ses occurrences dans le fichier.

Il est aussi possible de tout centraliser dans un seul carnet (ou un carnet par année si on veut) et de marquer chaque page par des étiquettes ou des balises. Cela facilite grandement le classement et la relecture.

Mes notes de Meneur

Comme le plaisir du jeu de rôle est aussi de mener des parties en tenant le rôle de MJ, prendre des notes peut également s’avérer crucial lorsque l’on a cette place-là. Mais ces notes sont différentes.

Je construis depuis longtemps (même si je n’ai formalisé ma pratique que depuis quelques courtes années) mes scénarios ou campagnes originales avec des cartes heuristiques, et un carnet de notes ne me sert pas vraiment, sauf de fourre-tout.

Par contre, en cours de partie, il m’arrive de noter à la volée quelques détails de ce qui se passe.

En effet, le plus intéressant pour ma place de Meneur est de consigner certains actes ou certaines paroles de mes PJ pour tenir compte ensuite de leur impact sur la suite de l’histoire, ou sur le monde. Un personnage a insulté ou s’est fait un ennemi d’un de mes PNJ ? Il faut absolument en garder trace, parce que plus tard cela va finalement ressortir. Le groupe a laissé filer un suspect ? Bonjour la culpabilité lorsque ce suspect aura à nouveau frappé.

Ainsi, mes notes de Meneur sont plus laconiques que mes notes de joueur.

Elles sont aussi vouées à être intégrées dans les cartes heuristiques des prochaines parties, car tout le sel de l’exercice consiste à me servir de ces pistes pour modifier ensuite l’histoire. Les joueurs se rendront ainsi compte que leurs actions ou non-actions ont de véritables conséquences, et cela renforcera la crédibilité à la fois de l’histoire et du monde, tout en consolidant l’impression qu’ils auront (que nous aurons tous) d’évoluer dans un véritable monde imaginaire cohérent.

Je trouve de même que prendre des notes ainsi est également plus difficile lorsque l’on maîtrise une partie à distance par une interface virtuelle du type de Roll20 et consorts.

Je n’ai pas encore vraiment trouvé l’organisation qui me conviendrait parfaitement.

Mais après tout, la vie est un éternel recommencement…

Que faire de ses notes ?

D’abord, c’est évident, les relire avant la prochaine partie.

Ensuite, les partager avec ses camarades de jeu. On ne sait jamais, ils pourraient avoir égaré les leurs, ou bien n’avoir pas noté une information capitale qui ne vous a pas échappé.

On peut aussi faire comme j’en avais l’habitude dans les années 90 : en tirer des comptes-rendus de partie rédigés.

Et puis… et puis on peut aussi en faire quelque chose d’autre.

C’est un de mes nouveaux projets, qui peut-être verra le jour cette année.

Je n’en dirai pas beaucoup plus pour le moment, si ce n’est un seul nom : les Mésaventuriers.

Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Il est rare de voir des réalisauteurs proposer une réédition de leurs œuvres, alors que la pratique est courante dans le milieu de l’édition traditionnelle. C’est sans doute que nos textes, une fois écrits, commencent une vie propre dans le vaste monde, et que leurs parents les laissent libres de grandir sans les gêner. Sans doute aussi ont-ils en tête les préoccupations des autres rejetons qui demandent eux aussi à surgir du néant.

Pourtant, être un parent bienveillant exige de toujours garder un œil sur sa progéniture, et ce jusqu’à parfois intervenir dans son existence.

Le Choix des Anges est mon deuxième roman, mais c’est le premier que j’ai édité moi-même. Nouveau père, j’ai fait de mon mieux en suivant les conseils que l’on prodiguait autour de moi. Comme presque tous, je me suis tourné vers le sein nourricier prometteur des Amazon. Pourtant, la façon dont mon enfant grandissait me donna peu à peu quelques migraines. Je me suis trouvé rapidement en désaccord avec le modèle éducatif prôné par la vierge guerrière tout autant que je me voyais frustré de ne pouvoir ouvrir les portes de certains milieux à mon livre. Pour couronner le tout, sa forme brochée, si elle le laissait propre et bien élevé, ne me semblait pas à la hauteur.

Alors comme j’ai le pouvoir de changer cela, contrairement à son aîné, Poker d’Étoiles, condamné à vivre sous le joug d’une politique éditoriale que je ne puis renverser, j’ai décidé d’agir.

Le Choix des Anges vient donc de renaître.

Le même texte, à quelque chose près

La fidélité à soi-même est une valeur fondamentale.

Je ne suis pas le même que lorsque j’avais vingt ans, et je ne serai certainement plus le même lorsque j’en aurai soixante, si je vis jusque là. Pourtant, je ne renie pas ce que j’ai été, ni ce que je serai, si je reste fidèle à ce que je crois juste, au moment où je crée.

Je n’ai donc apporté que des corrections mineures au texte achevé en 2018.

J’ai essentiellement changé quelques tournures un peu lourdes au début. J’ai également modifié la forme des dialogues pour leur donner une typographie plus classique, en utilisant les guillemets français et non pas seulement les tirets cadratin. Sur la typographie, j’ai également beaucoup travaillé les espaces fines pour rendre un peu plus harmonieuse la mise en page.

Et surtout, j’ai traqué les coquilles qui restaient.

Il est toujours possible qu’il en reste, car elles ont le don étrange de se dissimuler aux yeux inquisiteurs pour réapparaître sournoisement dès que ceux d’une lectrice ou d’un lecteur se posent sur eux. Malgré mes efforts donc, pardonnez-moi si certaines m’ont échappé une fois de plus.

Un nouvel écrin

Ce qui a changé, par contre, c’est la forme.

La maquette intérieure est basée sur le même principe que j’avais beaucoup travaillé à l’époque, et qui convient parfaitement à l’esthétique que je désire développer dans mes réalisations. Une page aérée, avec des marges confortables, même au prix d’un plus grand nombre de pages. Des en-têtes et pieds de page un peu particuliers, car déportés sur les côtés extérieurs des pages. Une première phrase mise en exergue par un changement de fonte.

Pourtant, j’ai choisi de changer de fonte principale pour le corps de texte, en troquant Sorts Mill Goudy (pour laquelle j’ai toujours une affection sincère) pour Paciencia, dont je trouve les formes plus élégantes, notamment le a. C’est mineur, mais cela permet aussi d’avoir une lisibilité meilleure, même si le nombre de lignes est le même et la taille de police similaire. Cela est dû aussi en partie à la qualité supérieure de l’impression.

J’ai également poussé le vice jusqu’à intégrer des lettrines en début de chapitre et à en modifier la décoration des premières pages avec la figure de l’ouroboros.

Mais les plus grosses métamorphoses sont ailleurs.

D’abord le papier. Crème et non plus blanc, plus doux, presque velouté. Il bave moins, beaucoup moins que le papier d’Amazon, ce qui rend les lettres beaucoup plus nettes, et je crois que le confort de lecture en est transformé.

Et puis, le plus visible, la couverture.

Redessinée pour l’occasion, plus sobre tout en gardant l’essentiel c’est-à-dire l’illustration inspirée de Gustave Doré et la fonte du titre (Aphasia BT), elle est surtout maintenant rigide et non plus souple. La reliure est toujours collée car la couture fait bondir le prix de revient de façon prohibitive, mais, petite attention qui me semble appréciable, un signet blanc permet de retrouver ses marques si on le désire.

Le produit final dégage une impression de solidité et de qualité. Il a la forme d’un ouvrage plus précieux qu’un livre d’imaginaire «classique», ce qui me convient parfaitement.

Cela permet de se démarquer un peu. De souligner le soin pris à l’écriture comme à la réalisation matérielle de l’objet.

Car je crois que l’objet livre aide à entrer dans l’histoire, même si le texte est bien l’essentiel.

Un objet comme une clef vers mes univers

Mais le caractère unique de cette seconde édition papier ne tient pas seulement à son esthétique.

Je l’ai en effet pensé comme une clef.

En me servant de la technologie des QR Codes que l’on voit fleurir partout, j’ai d’abord un peu «dépoussiéré» le principe de la bibliographie, en permettant à celles et ceux qui le désireront de se rendre directement sur la page d’écaille & de plume où est décrit chacun de mes ouvrages. Il suffit donc d’un téléphone pour découvrir chaque titre.

Plus intéressant, je propose là encore à travers un QR Code, de dévoiler les coulisses de l’histoire en ouvrant la porte d’une page cachée du site où l’on peut télécharger une chronologie et des notes d’écriture.

Car si chacune des histoires que j’ai en tête peut s’incarner dans un livre, chaque livre peut devenir une clef vers l’univers plus vaste de mon imaginaire, que je vous propose d’explorer œuvre après œuvre.

Sortir du piège Amazon

La motivation principale de ce changement était cependant de sortir du système d’Amazon, que je trouve délétère.

Malgré sa place de pionnière dans le domaine de l’auto-édition, la société américaine a dévoyé ses propres principes, selon moi. La toute-puissance des algorithmes me déplait fortement, et je crois qu’elle a cessé d’aider les petits auteurs indépendants pour devenir le terrain de jeu de ceux qui peuvent se payer de la publicité ciblée. D’autre part, la politique générale d’Amazon ne rencontre pas mes valeurs de vie.

Sans compter que sur le simple choix de réalisation des livres, et sur leur qualité, on trouve beaucoup mieux ailleurs.

J’ai donc choisi de rapatrier la fabrication de mes livres en Europe, en optant pour Books on Demand, une société allemande qui a pourtant une adresse à Paris. La qualité des livres est supérieure à celle d’Amazon. La qualité de la relation l’est infiniment plus encore. Avec BoD, j’ai le suivi d’une personne unique, à laquelle je peux parler au téléphone si besoin. Je garde toute liberté sur mes choix. Leur système de soumission des fichiers est très simple.

Leur seul problème est la demande très importante et les contraintes sanitaires liées à la pandémie actuelle qui rallongent les délais de fabrication.

Cerise sur le gâteau, travailler avec BoD permet à mes livres d’être disponibles sur les catalogues professionnels des librairies de France et de Navarre. Vous pouvez donc tout à fait commander Le Choix des Anges chez votre libraire préféré, en lui indiquant l’ISBN de cette deuxième édition.

Ainsi, nous soutenons ensemble les libraires passionnés.

Une version numérique également mise à jour

Il n’était pas question de ne penser qu’au papier. Le fichier numérique a donc lui aussi été mis à jour. Le travail y a été également fondamental puisque, après avoir réimporté le nouveau texte corrigé de ses coquilles, j’ai veillé à faire en sorte de coder les espaces fines et les espaces insécables de façon efficace, pour rendre là aussi la typographie la plus impeccable possible.

J’ai repris le code CSS, intégré là aussi les clefs permettant à mes lectrices et mes lecteurs de suivre les liens vers les pages cachées du site.

La nouvelle version numérique est donc un reflet sinon exact du moins fidèle à l’esprit de sa sœur de papier.

Vous pourrez la trouver sur toutes les grandes librairies en ligne à partir du 14/02/2021.

Avant une nouvelle incarnation… vocale

Je rêve que la période difficile que nous vivons puisse devenir le terreau d’un foisonnement créatif semblable à celui que nos aïeux ont vécu il y a une centaine d’années après la Grande Guerre, durant les «années folles». Beaucoup d’autrices et d’auteurs, beaucoup de dramaturges, beaucoup de musiciennes, de musiciens et de cinéastes ont composé, écrit, produit durant l’année maudite que nous venons de vivre.

Ce fut mon cas aussi puisque j’ai achevé le premier jet d’une nouvelle histoire, Fæe du Logis (que j’espère vous pourrez lire dans l’été).

Mais cela a aussi été pour moi l’occasion de trouver à marier l’écriture avec une autre passion — le jeu d’acteur, le cinéma, la technique — grâce à l’idée de réaliser mes propres livres audio.

Alors à tout seigneur tout honneur, c’est au Choix des Anges d’ouvrir le bal.

J’ai commencé l’enregistrement. Le premier chapitre est dans la boîte. Il me reste à en terminer le montage et le mixage, pour voir ce que cela donne. Je voudrais vous présenter cela dans quelques mois. Le temps de parfaire ma technique et de m’assurer que là aussi, l’écrin fait honneur au texte dont je suis fier, et à l’univers qui lui a donné vie. Il s’agit cette fois de rendre une ambiance non plus seulement avec des mots mais avec des sons. Et cela promet d’être passionnant.

Nous en reparlerons très certainement.

Gagnez un exemplaire

Alors pour fêter cette renaissance du Choix des Anges, je vous propose d’en gagner un exemplaire dédicacé, en jouant avec les mots, bien entendu.

Pour cela, il vous suffira de faire deux choses.

Jusqu’au 01/03/2021, rejoignez le Phœnix de la tribu ptérophidienne de mes abonnés en vous inscrivant à la lettre d’écaille & de plume et répondez au premier message avec un texte de 10 000 à 15 000 signes (soit 2 000 à 3 000 mots environ) sur ce que vous inspirent les concepts d’Anges, de Choix et de Destin.

Vous pourrez lire les productions des autres Ptérophidiens & Ptérophidiennes sur un espace de partage privé.

Le meilleur texte permettra de remporter le prix.

Alors à vos plumes, apprentis phœnix ou oiseaux confirmés.Et inscrivez-vous ici.

Version papier

  • Date de publication 2018 (1ère édition), 2021 (2e édition)
  • Urban fantasy
  • 292 pages
  • Format A5, couverture rigide à signet
  • ISBN 9791093734033
  • Prix : 24€
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Version numérique

Date de publication

2018 (1ere édition), 2021 (2e édition)

ISBN

979-10-93734-02-6

Format de fichier

ePub

5,99 

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Version livre audio

  • À paraître en 2021 (texte de la 2e édition)
  • Lu par l’auteur
  • Urban fantasy
  • Formats .mp3, .m4b
  • 40 Mo
  • Prix : 14€
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Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

En ces temps-là, quand les hommes se multipliaient après qu’Adam eut quitté le Paradis, les Nephilim marchaient sur la terre.

Genèse 6:4

Dans mon panthéon personnel des jeux de rôle, Nephilim occupe une place à part.

Publié pour la première fois dans les années 1990 alors que je m’enhardissais à rejoindre un groupe de joueurs inconnus dans une association dont plusieurs devinrent des amis, il a incontestablement ce petit goût de madeleine de Proust qui me ramène à mes premières années d’étudiant. Je le concède volontiers.

Mais Nephilim est surtout une chimère vraiment réussie entre un univers fantastique contemporain plein de mystères et une ambiance occulte et poétique presque mystique dont les références sont ancrées dans la culture européenne, et française en particulier. Une rareté absolue à l’époque, où la production était très largement dominée (pour ne pas dire écrasée) par des univers d’inspiration anglo-saxonne. Seuls deux autres jeux avaient pu entrer dans cette catégorie des pépites poétiques : Maléfices, et Rêve de Dragon.

Comme le premier, il traite de créatures fantastiques, de sortilèges et de malédictions, d’alchimie et de combats occultes, et comme le dernier, il pousse les joueurs à se poser la question de l’aspect symbolique du personnage que l’on incarne.

D’alchimie, il en est vraiment question quand on se penche sur ce jeu atypique et presque inclassable, tant les ingrédients qui le composent ont été dosés avec précision et surtout tant la cohérence obtenue est extraordinaire quand on songe au syncrétisme dont elle résulte.

Jugez-en plutôt : si on mélange récits bibliques, créatures fantastiques, magie, guerres secrètes, quêtes ésotériques, légendes arthuriennes, occultisme du XIXe siècle, Nostradamus, Akhénaton, dinosaures, Atlantide, templiers, et esprits incarnés dans des humains dans un même creuset, on peut aussi bien obtenir une chose informe comme le Da Vinci Code que la magnifique trame de Nephilim.

D’alchimie, il en est encore question quand on aborde cet univers foisonnant, parfois complexe au point d’en rebuter le profane. C’est ainsi que Nephilim a une réputation de jeu complexe, presque autant que le monde de Glorantha pour Runequest.

Et pourtant, le pitch est assez simple.

Il peut être résumé en une phrase, en quelques mots, en un paragraphe ou en une page, comme dans la cinquième édition qui vient de paraître grâce à un financement participatif. Je trouve d’ailleurs que le bon compromis, c’est le paragraphe. Je le reproduis ici pour vous donner un petit aperçu.

Dans Nephilim Légende, le jeu de rôle de l’occulte contemporain, vous jouez un Nephilim, un esprit antédiluvien, composé d’un Pentacle de Feu, d’Air, de Terre, d’Eau et de Lune. Inspiré par la connaissance ésotérique des mystères du monde, votre Nephilim pratique les Sciences occultes comme la Magie, la Kabbale ou l’Alchimie. Vous recherchez l’harmonie suprême que certains Nephilim appellent l’Agartha. Depuis la catastrophe du Déluge, vous vous êtes incarné épisodiquement dans des êtres humains, vos Simulacres. Vous gardez jusqu’à aujourd’hui une mémoire partielle de ces époques passées. Depuis les années 90, vous et vos frères vous êtes réincarnés massivement. Entre les Grands Plans des sociétés secrètes, vos ennemies jurées, l’Apocalypse ou l’émergence d’Arcadia, une cité occulte universelle, il y a de multiples raisons à cela. Votre Nephilim devra poursuivre son initiation selon les symbolismes attachés à son élément dominant. Vous pourrez aussi vous intéresser aux jeux subtils des Arcanes Majeurs, ces familles Nephilim qui cherchent à vous adopter afin de vous initier à un chemin particulier vers l’Agartha. Quelle sera votre position vis-à-vis des humains ? Simples corps à manipuler ou, au contraire, profanes à initier aux beautés du monde magique ? Avez-vous fondé au cours des siècles, avec d’autres Nephilim, une fraternité occulte détentrice d’un des nombreux secrets majeurs du monde ésotérique ? Est-ce pour trouver le trésor des Templiers ? La Toison d’or, le Graal, le message secret des tableaux de Léonard de Vinci, le Sidh légendaire des Celtes, le Dragon des Nibelungen, les Pommes d’or du jardin des Hespérides ou surtout découvrir la vérité sur Arcadia ? Lutterez-vous contre les sombres complots des mortels Templiers ou des subtils Rose+Croix ? Préférerez-vous devenir un expert de la Kabbale ou de l’Alchimie ? Parcourrez-vous le monde à la recherche du royaume caché de la Cité des Vertiges et de ses prétendus douze sages blancs ? À vous de décider de cela et de bien d’autres choses avec Nephilim Légende !

Un nouveau Simulacre pour les règles

Qui dit nouveau jeu dit souvent nouveau système de jeu.

Car un jeu de rôle gagne souvent sa saveur grâce à la façon dont ses règles permettent de déterminer échecs et réussites, rebondissements et complications dans le cours de la narration. C’est en tous les cas comme cela que je vois les règles d’un jeu de rôle au moment où je rédige ces lignes, ce qui n’était pas forcément le cas dans mes plus jeunes années.

Sur ce plan, Nephilim change sans vraiment changer.

Nous retrouvons les dés de pourcentage, le cœur du système.

Mais il n’y a plus vraiment de compétences, qui ont été remplacées par des Vécus, regroupant des domaines variés d’actions et de connaissances.

Les Sciences occultes, qui font tout le charme du jeu (ah ! Les noms si évocateurs des Invocations de Kabbale, comme Ceux qui rampent et qui grignotent ou les Formules alchimiques telles le Navigateur des Lions écarlates…), changent également, même si leur habillage reste le même.

On reste en terrain connu. Mais quelques petits ajustements nous rappellent que nous sommes dans une nouvelle incarnation. L’Effet Rosenkreutz, par exemple, vient compliquer la tâche des plus puissants Nephilim, ou des plus imprudents.

Le système est donc sensiblement le même, un système classique, bien éprouvé. Il paraîtra peut-être un peu trop classique à ceux qui ont découvert les systèmes dits narratifs plus récents, comme FATE ou Dungeon World/Apocalypse.

Mais il marche bien, il est facile à prendre en main. Il ne demande pas de savants calculs ni de jeter des brouettes de dés.

Le petit bémol que je puis émettre concerne l’adaptation des anciens personnages.

Pour jouer votre Nephilim fétiche dans Quintessence, vous allez devoir faire quelques choix, notamment entre le nombre d’incarnations (et les époques d’incarnation elles-mêmes), et la puissance de ses Kâ-Éléments. En effet, le système de choix des incarnations passées de cette cinquième édition, parfait pour créer de nouveaux personnages, est sensiblement différent des précédents. Plus simple et plus complexe à la fois, il implique de créer une toute nouvelle enveloppe pour votre alter ego de papier. Car il est impossible de recréer un Nephilim ayant eu de nombreuses incarnations et un fort Kâ-Élément en même temps, ce qui était par contre faisable dans la quatrième édition.

La création d’un nouveau personnage est donc longue, la recréation d’un ancien est encore plus longue car il faut bien étudier toutes les possibilités pour respecter l’esprit du personnage ancienne mouture.

L’âme progressant vers l’Agartha

Nephilim est donc né dans les années 1990, mais il a su évoluer.

D’abord, comme vous avez pu le constater, cette cinquième édition (baptisée Légende ou Quintessence, c’est selon) met un peu plus l’accent que les autres sur l’accessibilité aux nouveaux venus dans l’univers du jeu. Les concepts principaux sont bien expliqués, et on entre pas à pas dans la richesse du monde occulte fictif, un peu à la manière d’une initiation. Les pitchs du jeu en une phrase, un paragraphe, une page, sont véritablement là pour ça. Mais tout au long du livre, les divers concepts sont abordés de façon à ne pas rebuter les néophytes. Même si tout cela foisonne de détails.

D’ailleurs, les auteurs ont eu la bonne idée de faire un petit historique du jeu depuis sa première édition, afin de placer l’actuelle dans son contexte.

Et si les profanes qui voudraient découvrir le jeu sont guidés, les vieux Initiés comme moi y trouvent aussi leur compte.

Car l’évolution du monde occulte est sensible. Beaucoup de choses changent pour les Nephilim, et leurs repères sont bouleversés au point que même les grands connaisseurs du jeu vont avoir à redécouvrir une ambiance très différente.

Les années 2020 qui sont le théâtre du jeu sont marquées par la technologie et son empreinte sur l’existence des créatures millénaires que sont les Nephilim, sur leurs luttes entre eux et contre les sociétés secrètes humaines qui cherchent à les contrôler ou à les détruire, et surtout sur la texture même du monde magique. Le ressort déjà utilisé dans les précédentes éditions du décalage entre la magie qui constitue l’essence même d’un Nephilim et le monde moderne, profane et incrédule, prend une nouvelle dimension dans notre époque où se côtoient fake news et platistes, sceptiques et complotistes. Ce fossé grandissant, celui de l’enchantement, du désenchantement, ou du réenchantement du monde, est un thème qui m’est particulièrement cher. Il traverse beaucoup de mes univers préférés de jeu (depuis Pendragon jusqu’à Rêve de Dragon, Vampire, Mage, Nephilim, ou même Runequest), mais aussi mes propres écrits et mon monde intérieur. Il trouve une nouvelle vie dans la façon dont Nephilim s’empare du phénomène. La technologie et l’hyperinformation brident la magie, le mysticisme, les créatures fantastiques, mais il se produit aussi un mouvement inverse où des bribes d’un Autre Monde aux accents celtiques se créent en marge (la mystérieuse cité d’Arcadia, dans le jeu).

Le thème de l’initiation, de la progression, des personnages, prend dans Nephilim une dimension plus psychologique que dans les autres jeux de rôle où chaque gain d’expérience ou de niveau est simplement une occasion de devenir plus puissant, plus fort, plus compétent.

Ici, il est surtout question de la compréhension intime par les Nephilim de leur nature profonde, de celle du monde, de la magie. Ils deviennent peu à peu qui ils sont, ou qui ils étaient avant la Chute (oui, il faut quand même que la Bible s’en mêle) de leur royaume originel atlante (parce que quand même, la Bible c’est bien, mais l’Atlantide, ça en jette).

Il s’agit d’une façon d’envisager l’évolution des personnages sous un angle différent.

Une véritable progression, dans le sens de progrès, mais non uniquement un progrès technique.

Plutôt un progrès initiatique. De la meilleure harmonie que les Nephilim peuvent trouver en eux et dans le monde.

En ce sens, comme Rêve de Dragon, j’ai la conviction que Nephilim est un jeu qui pousse ceux qui y entrent à s’interroger sur le sens de l’utopie.

J’y vois une sorte de résistance artistique et fictionnelle à cette mode des dystopies qui inonde les imaginaires de notre société depuis maintenant une vingtaine d’années.

Les dystopies, qui décrivent des mondes toujours sous le joug d’une tyrannie quelconque, ont pu servir à dénoncer les travers de notre société, à les exposer dans toute leur cruauté, à nous faire prendre conscience de ce qui pourrait nous arriver, ou de ce qui nous arrive déjà.

Mais il existe dans Nephilim cette idée que la “réalité” se rebiffe. Que la vie trouve toujours un chemin, comme dirait un célèbre acteur dans un film de dinosaures.

Notre monde, le monde réel, est fait de contradictions permanentes, de paradoxes et d’oxymores. Nephilim reflète cela jusque dans son monde fictif, l’intègre et le pousse plus loin.

Car oui, le monde est pourri. Mais il ne suffit pas de le dénoncer pour que cela change. Dans un monde qui ressemble de plus en plus à un mauvais remake de Blade Runner, abreuvés que nous sommes de toutes ces œuvres qui nous mettent en garde, depuis Hunger Games jusqu’à Altered Carbon, nous aurions eu largement de quoi réagir. Mais nous ne l’avons pas fait.

Pourquoi ?

Parce que dénoncer ne mène pas à grand chose.

Ce n’est pas suffisant.

Il faut savoir vers quoi nous voulons aller.

Et c’est là que les utopies sont utiles.

Je crois même profondément que nous en avons besoin. Plus encore à notre époque.

Réenchanter le monde, c’est penser ce qui pourrait remplacer la dystopie que nous vivons. Penser à ce que nous voulons plutôt qu’à ce que nous ne voulons pas ou plus.

C’est un peu ce que propose Nephilim dans son univers. Les créatures magiques que sont les personnages incarnés par les joueurs sont empêtrées dans le monde tel qu’il est devenu. Leurs sortilèges attirent l’attention, leur être même (les transformations physiques de leur métamorphe élémentaire) peut être un danger pour leur sécurité, ils sont pourchassés. Et pourtant, une chose extraordinaire se produit. Dans le monde, au sein des mégalopoles des humains, certaines rues, certains quartiers, parfois de simples parcelles de bâtiments, se transforment en des sanctuaires où tout redevient possible pour eux, où la technologie ne peut les atteindre, où leur magie retrouve sa splendeur des millénaires passés. Et ces petits morceaux de villes se connectent les uns aux autres pour former une Cité mystique. Arcadia.

Il y a là de quoi reprendre espoir et cette seule lueur dirige leurs efforts vers un idéal.

Comme tout idéal, il est appelé sans doute à être moins ou plus que ce qu’ils avaient imaginé.

En tous les cas à être autre.

Mais il est porteur d’un changement.

Chacune des cinq incarnations de Nephilim pousse ce concept de la Quête, de l’avancée spirituelle, de la progression vers une plus grande réalisation de soi, vers un Idéal. Il y a le Grand Réveil, l’Apocalypse, la Révélation. Il y a maintenant Arcadia.

Je trouve un grand plaisir à me lancer dans un imaginaire où il peut encore exister un espoir.

Cela m’aide peut-être à progresser moi-même dans la construction de ma propre utopie quotidienne, de ma propre Quête vers l’Agartha, celle de mon Humanité.

Le Secret caché au cœur du Labyrinthe du Serpent à Plume

Comme dans toute Quête, il vient enfin un moment où l’on trouve l’Illumination.

Parfois même ce n’est pas l’Illumination que l’on cherchait au début. Ou pas celle-ci, précisément. Souvent, on trouve ce que l’on ne cherchait pas. Et l’on découvre que c’était pourtant ce que l’on cherchait depuis le début.

Ce genre d’épiphanie survient à des moments particuliers dans l’année.

Les traditions ésotériques sont pleines de calculs permettant de choisir la date et l’heure précise qui sera le bon moment pour entreprendre une opération magique ou une quête.

Vous avez de la chance.

Car sur d’écaille & de plume, en cette période du Solstice d’Hiver, vous pouvez prétendre à découvrir un véritable Trésor de Sapience.

Avec l’accord des Grands Commandeurs Élémentaires, les Écrivains de Sable et de Voiles, Souverains de Mnémos, j’ai le plaisir de vous offrir une feuille de personnage au format pdf modifiable de Nephilim Légende.

Un jour, peut-être, je vous présenterai mon personnage fétiche, Sekhmet, Nephilim de la Terre au métamorphe de Sphinx.

Vous pouvez donc créer facilement vos personnages sur ces fiches réalisées à partir des pdf originaux du livre de règles en remplissant les cases sur votre ordinateur ou votre tablette. Et imprimer ce dont vous aurez ensuite besoin.

Ne me remerciez pas, c’est mon Pentacle élémentaire qui a tout fait.