Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux
Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux
De quoi et de qui parlons-nous ?
Lorsque j’écris cet article, en janvier 2025, internet est principalement dominé par des plateformes clamant être des «lieux d’échange et de libre expression» où l’on est censé pouvoir discuter avec d’autres humains sur tous les sujets que nous voulons, sans frontières et sans jugement.
Ça, c’est l’affichage.
La réalité est toute autre.
En réalité, ces plateformes sont de gigantesques entreprises commerciales captant les conversations des personnes qui y sont inscrites pour nourrir des algorithmes qui biaisent lesdites conversations, dans le but de garder l’attention desdites personnes le plus longtemps possible, afin de leur montrer des textes ou des images ciblées à l’aide des profils de personnalité construits à partir des données récoltées.
Ces textes et images ciblées peuvent être des publicités à visée commerciales réalisées au profit d’entreprises qui payent les plateformes, mais peuvent également être des fausses informations, des rumeurs, de la propagande politique ou idéologique.
Le point commun est cependant de manipuler le comportement des personnes qui utilisent ces plateformes.
Voici pour le «quoi».
Intéressons-nous donc à «qui», à travers un inventaire.
À tout seigneur, tout honneur : commençons par les fondateurs.
Facebook, qui a également avalé Instagram et WhatsApp, puis a créé Threads, et les a regroupés dans un sac appelé Meta. Jusqu’à il y a peu, la manipulation était commerciale, avec des publicités que même vous ou moi pouvions acheter afin de toucher de quelques centaines à plusieurs milliers d’individus, et des publicités de propagande, servant les intérêts d’acteurs politiques qui, eux, achetaient l’accès à des millions de personnes. Par exemple, la société Cambridge Analytica a utilisé la plateforme pour influencer le vote de centaines de milliers de personnes lors des élections américaines de 2016 et du referendum britannique sur le Brexit. Mais le fond restait commercial, car Meta elle-même n’avait pas d’autre but que son propre profit financier. En 2025, suivant l’exemple du Twitter d’Elon Musk (voir juste un petit peu plus bas), Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et pionnier de ces réseaux dyssociaux, décide de donner dans la propagande idéologique en autorisant les propos haineux envers certaines catégories de personnes (femmes, transgenres, entre autres) et de favoriser la diffusion de mensonges en arrêtant toute modération des propos et images sur ses plateformes.
Twitter, rebaptisé selon l’antépénultième lettre de l’alphabet latin par son nouveau propriétaire Elan Musk, s’est transformée de l’agora d’invectives et de harcèlement qu’elle était déjà avant son rachat, en outil de propagande viriliste, xénophobe, obscurantiste (promouvant des propos et idées antiscientifiques), complotiste, au service d’un seul. Le tout-puissant algorithme de la plateforme est ainsi le maître pour tous ses utilisateurs, sauf pour son propriétaire, unique personne au monde à pouvoir décider de montrer ses tweets à l’ensemble des captifs de la plateforme.
YouTube, depuis très longtemps propriété de Google dans le gigantesque conglomérat Alphabet, augmente d’année en année la dose de publicité qu’il impose à toutes les personnes qui y regardent n’importe quelle vidéo, et force sans que l’on puisse s’y opposer la lecture automatique d’autres vidéos déterminées par l’algorithme.
Mais d’autres se sont ensuite construits sur les mêmes modèles.
TikTok, entreprise soumise à la loi chinoise et dont les données sont donc toutes traitées sur le sol de l’Empire du Milieu, vise autant à faire de l’argent qu’à d’autres objectifs qui pourraient être décidés par les autorités d’un pays où la démocratie n’a pas le même sens que dans notre culture.
Snapchat, réseau au départ censé permettre la disparition automatique des messages envoyés, s’en sert pour cibler de la publicité.
Je ne compte pour le moment pas Bluesky ni Mastodon dans cette liste, leur caractère dyssocial n’étant pas établi, par jeunesse pour le premier et par conception pour le deuxième.
Pourtant, même ces deux exceptions ne trouvent pas beaucoup grâce à mes yeux, car Bluesky est centralisé, pour le moment uniquement maintenu par son entreprise d’origine, dont l’objectif reste le profit, et les deux solutions ont en commun avec toutes les autres, y compris les toxiques, de nous engager à rester concentrés sur leur flux (et ce, même si Mastodon a abandonné le flux infini).
Bref, vous l’aurez compris, je crois que, loin de nous libérer, ces outils nous emprisonnent individuellement et collectivement. Ils nous tiennent captifs. Mais nous en sommes bien les complices.
De la servitude volontaire (à l’ère numérique)
Je vous engage à relire ce petit texte du XVIe siècle qu’est le traité Le discours de la servitude volontaire, d’Étienne de la Boétie. Il suffit de remplacer quelques mots pour y lire une description parfaite de la situation dans laquelle nous sommes cinq siècles plus tard face aux réseaux dyssociaux.
L’argument le plus percutant de ce livre est la façon dont il démonte la mécanique de l’aliénation : le fait simple que le règne d’un tyran ne tient que parce qu’il enrôle d’autres personnes dans la même fonction, à une échelle plus petite, et que ces personnes feront de même à leur tour, et ainsi de suite.
Cette mécanique implacable est à l’œuvre dans nos rapports avec les réseaux dyssociaux d’une façon si évidente que nous ne le voyons même pas.
Car nous devenons, du simple fait d’avoir des followers ou d’être un follower nous-mêmes, non seulement captifs de ceux qui nous suivent et de ceux que nous suivons, mais aussi leurs geôliers. En effet, nous ne pouvons pas partir du réseau, car nous avons peur de perdre le contact avec eux, et eux ne peuvent pas partir, car ils ont peur de perdre contact avec nous.
Les victimes sont elles-mêmes des bourreaux.
Les consommateurs deviennent des dealers.
Et tout ce beau monde est prisonnier du système pervers qu’il nourrit.
Volontairement.
Parce que, bien évidemment que nous pouvons partir. Qu’est-ce qu’un réseau dyssocial comme Twitter ou Facebook, en fait ? Un annuaire où nous savons trouver des gens pour échanger avec eux. En y réfléchissant, vous connaissez forcément des moyens d’interagir avec ces gens autrement, avec d’autres moyens de communication. Là, comme ça, au débotté, on peut en trouver quatre : une adresse mail, un numéro de téléphone, une autre application de contact respectueuse, elle, de la vie privée, comme Signal, ou un rendez-vous dans un bar. Ce qui nous retient, en réalité, c’est la peur.
Et c’est pourquoi nous ne voulons pas partir. Parce que nous avons peur de ne pas trouver de clients autrement, parce que nous avons peur de rater des informations importantes, parce que nous avons peur de devenir invisibles dans un monde où la visibilité est devenue vitale, etc.
Si l’on pousse très honnêtement jusqu’au bout les raisons de ce refus de changer, on trouvera, au-delà des fausses excuses que nous pouvons servir à nous-mêmes comme aux autres, la simple habitude. C’est tellement plus simple, facile et confortable de ne pas changer, de ne pas risquer.
Car changer implique une prise de risque, donc du courage.
Bien sûr que, si nous sommes seuls à partir des réseaux, cela ne changera rien, et qu’il faudrait être des milliers, voire des millions, à le faire pour que ça fonctionne. Et personne ne le fera, si ?
Et bien, retournons l’argument.
Si personne ne lance le signal de départ, comment donc les millions d’autres vont-ils avoir ce signal ?
«Un chemin d’un millier de li commence par un seul pas», dit un proverbe chinois sans doute inventé.
Ce pas, c’est à nous de le faire, sinon, rien ne changera, de cela nous pouvons en être certains. Et nous n’aurons plus la légitimité pour nous plaindre de ce que nous aurons choisi en conscience de perpétuer, auquel nous aurons choisi de collaborer, comme des complices.
Cela implique un certain courage et de faire des deuils.
Mais je vais vous faire un aveu : être en dehors des réseaux dyssociaux m’a rendu à moi-même, beaucoup plus que les «deuils» que j’ai eu à accomplir pour m’en sortir ne m’ont blessé.
Alors, si ce qui précède ne vous a pas convaincu, j’ai d’autres arguments à faire valoir. Des raisons qui pourraient faire pencher votre balance intérieure.
Les raisons égoïstes et pourtant légitimes
D’abord, quitter les réseaux dyssociaux vous sera profitable à vous, soyez-en sûrs et certaines.
Se libérer du temps (de cerveau disponible ou physique)
Vous ne serez plus un zombi faisant défiler les posts de façon automatique sans vous rappeler du dixième de ce que vous avez vu. On prétend que les réseaux nous apportent de l’information. C’est se mentir. Pouvez-vous citer réellement une information qui vous a marqué dans le dernier scrolling que vous avez passé une heure à effectuer ? Je veux dire, une véritable information, qui valait le temps que vous avez passé à voir des mêmes, des photos de chats, ou des insultes ? Je parie que non. Mieux : savez-vous combien de temps vous passez chaque jour sur ces applications à faire défiler des centaines de messages qui ne vous apportent rien ?
Et bien, quelle que soit la réponse, imaginez que vous pourriez utiliser ce temps à bien d’autres choses : discuter avec des amis en chair et en os, lire un bon bouquin, ou en écrire un, qui sait ? Vous pourriez même aller faire du sport, prendre soin de vous ou de vos proches…
Se libérer une capacité à réfléchir par soi-même
Je vous ai parlé plus haut du scandale de Cambridge Analytica. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg. Les réseaux dyssociaux sont le terrain de jeu de personnes qui veulent vous influencer. Je ne parle pas seulement des influenceurs, qui affichent clairement la couleur. Non, eux, au moins, ils disent ce qu’ils font. Je parle plutôt de toutes ces manipulations cachées de l’algorithme qui orientent les messages que vous voyez apparaître dans votre fil, en fonction de ce qui retiendra le plus votre attention, pour modifier subtilement vos comportements. Qu’ils soient électoraux, commerciaux, ou même personnels.
Car vous ne choisissez pas ce que vous allez voir.
C’est l’algorithme qui choisit pour vous. Toujours de façon orientée.
Et si vous croyez que vous allez voir les publications des gens que vous suivez… vous êtes bien naïfs.
Tous les algorithmes, en tête celui d’Instagram, amputent votre fil de certaines publications auxquelles pourtant vous êtes abonné. Chez Meta, la proportion de ce que vous manquez peut aller très loin.
Vous sortir de ces réseaux vous permettra de réellement choisir ce que vous voyez, et de vous faire réellement une opinion, car, de plus, vous échapperez aux mensonges éhontés ou non, qui tentent de vous manipuler.
Se libérer des trolls
Vous n’avez pas pu y échapper.
Les trolls existent véritablement dans notre monde. Ils ont leur royaume sur internet. Et leurs cavernes sont les gouffres puants des réseaux dyssociaux.
Toujours prêts à critiquer ce que vous faites ou dites, ils utilisent la mauvaise foi, les insultes, les mensonges, le harcèlement. Parfois la violence physique, même.
Quitter ces grottes ne vous empêchera pas d’en croiser un ou deux de temps à autre sur un blog, en commentaire d’articles. Mais cela vous épargnera la multitude de leurs semblables qui hante les réseaux. Vous pourrez donc, lorsque ce sera le cas, presque en rire, et il vous sera plus facile de les berner pour attendre patiemment que les rayons du soleil viennent les pétrifier dans leur bêtise crasse.
Se libérer des bots
Savez-vous qu’une partie des comptes que vous suivez a de grandes chances d’être en réalité constituée par des bots ? Des programmes informatiques, parfois téléguidés par des sociétés ou des États, de manière à vous influencer ? L’explosion des IA génératives du type de ChatGPT a encore considérablement augmenté la proportion de ces faux comptes que vous prenez sûrement pour de véritables personnes de chair et d’os… et qui ne sont en réalité que des imposteurs.
Avant le rachat de Twitter par Elon Musk, le chiffre de 5 % de faux comptes ou de bots était avancé par la plateforme. Musk, sans preuve, avait argué qu’ils seraient plutôt 20 %. Mais admettons que 5 % soient vrais, cela veut dire que sur 100 comptes que vous suivez, 5 sont faux et que vous ne le savez pas…
Je ne sais pas vous, mais moi, ça me ferait peur.
Se libérer (un peu) de la publicité
Vous n’avez pas pu manquer de le remarquer également : les réseaux dyssociaux sont remplis de publicité. Jusqu’à prendre la place des posts des gens que vous suivez. La proportion de messages publicitaires par rapport aux messages des gens que vous suivez est parfois énorme.
Partir des réseaux dyssociaux vous libérera d’une partie de ces annonces non sollicitées.
Bien sûr, le reste de la Toile est aussi colonisée par la publicité. Mais une source de moins ne vous ferait-elle pas du bien ?
Retrouver le plaisir d’échanger
La meilleure raison de quitter les réseaux dyssociaux reste pour moi de retrouver une qualité d’échange avec d’autres personnes dont vous ne vous souvenez même pas, avant les flame-wars, les insultes et les incompréhensions.
L’algorithme est dirigé pour maximiser vos interactions négatives, afin de vous faire rester le plus longtemps possible et de vous exposer le plus possible à la publicité. Il est aussi orienté pour favoriser les discours clivants, souvent haineux, insultants ou provoquants.
Il est sain de ne pas avoir les mêmes opinions, car, à l’image de ce qui se passe dans la nature, la diversité est gage de survie : plus il y a d’opinions et plus des idées intéressantes peuvent être à disposition pour résoudre un problème, tout comme une diversité génétique importante permet à une espèce de mieux s’adapter à des changements d’environnement.
Mais diversité ne veut pas dire combat à tout prix !
La discussion peut et doit être constructive.
Mais à trois conditions qui sont rarement réunies sur les réseaux : l’honnêteté intellectuelle et le respect et la prise en compte réelle des arguments de l’autre, en acceptant de pouvoir se remettre en question de bonne foi.
Une combinaison totalement contraire aux pratiques des réseaux dyssociaux, de par leur conception elle-même.
Les quitter vous permettra de discuter à nouveau sereinement avec les gens que vous croiserez dans la rue ou même sur des blogs, car votre visibilité ne dépendra pas du nombre d’insultes que vous lui balancerez à la figure.
Les raisons politiques
Pourtant, au-delà des raisons personnelles qui pourront vous soulager vous-mêmes, il existe bien d’autres arguments qui peuvent motiver votre départ des réseaux dyssociaux. Ce sont les arguments politiques, c’est-à-dire ceux qui touchent à l’orientation que vous voulez donner à la société dans laquelle nous vivons.
Pour cela, je vais présumer que les valeurs qui basent vos opinions, quel que soit votre bord politique, sont celles qui respectent la démocratie.
Encore faut-il définir ce que l’on appelle démocratie. Je me fonde sur la définition historique de cette notion, telle qu’elle est née et a grandi dans le siècle des Lumières. En voici les caractéristiques principales :
- La prise en compte des opinions différentes des vôtres,
- La tolérance envers tous les points de vue,
- Un cadre fixé par ce que l’on appelle l’État de droit, un ensemble de règles dont la plus importante est la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et médiatique.
Ces conditions ne sont par exemple pas réunies dans les dictatures assumées bien évidemment, mais également dans les théocraties (Dieu est au-dessus de la Loi, ce qui est l’inverse d’une démocratie), les soi-disant démocraties populaires (il n’y a qu’une opinion valable, et refus de la pluralité). Elles ne le sont pas non plus dans les soi-disant démocraties illibérales (il n’y existe plus de séparation des pouvoirs).
Si vous n’adhérez pas à ces principes de base, évidemment, mon discours ne pourra que combattre vos idées. Je vous invite donc à passer votre chemin.
Si par contre vous êtes persuadés de leur validité, quel que soit votre bord politique, qu’il soit de gauche, de droite, de l’extrême centre, progressiste ou conservateur, je gage que les arguments qui suivent peuvent vous parler.
Privilégier la discussion longue
Être en démocratie, c’est accepter le débat, et donc la confrontation respectueuse et polie des arguments pour dégager, sinon un consensus, du moins une majorité adhérant à un compromis. Pour cela, chaque partie originellement opposée aux autres va faire un pas dans la direction de ceux avec lesquels elle n’est au départ pas d’accord. Elle va écouter les arguments des autres et, lorsqu’ils sont de bonne foi, toutes les parties vont adapter alors leur vision pour les prendre en compte.
Cela nécessite d’accepter de faire évoluer ses opinions pour prendre en compte en toute bonne foi des idées auxquelles nous n’avions pas pensé seul. C’est l’inverse de vouloir convaincre l’autre, ou de se laisser dicter sa conduite. C’est simplement accepter que seuls, nous ne possédons pas la Vérité. Car le débat est une collaboration.
Pour cela, il faut se laisser de l’espace et du temps.
Il faut aussi savoir réellement écouter l’autre, sans penser uniquement à contredire ses idées ou à rester concentrés sur les nôtres.
Il faut pouvoir déployer des arguments, les examiner conjointement avec les autres parties, qui au départ, ne pensent pas comme nous. Il faut analyser ces arguments, regarder ce qu’ils peuvent apporter de constructif, et les intégrer au corpus commun sur lequel toutes les parties vont se mettre d’accord.
Un processus qui, vous l’avez déjà compris, est l’opposé de ce qui est privilégié sur les réseaux dyssociaux.
Quitter ces silos de guerre permanente entre gens persuadés de détenir LA vérité vous permettra de recommencer à vraiment discuter avec les autres êtres humains.
Même s’il faut pour cela se rééduquer un peu, éviter les punchlines et les raccourcis faciles auxquels nous avons été habitués.
Privilégier la courtoisie
Car il faut aussi réapprendre la courtoisie, la vraie, celle qui consiste à laisser l’autre développer ses arguments, à lui laisser suffisamment de temps de parole ou d’écrit, pour développer sa vision, et voir ce qui peut y être intéressant pour la nôtre.
L’autre est une chance, pas un problème.
Et il est donc logique d’être poli avec lui ou elle. Ce qui implique donc de :
- Ne pas lui couper la parole,
- Ne pas l’insulter sciemment,
- S’excuser si on l’a fait involontairement,
- Ne pas réfuter ses arguments par principe,
- Ne pas les dénigrer,
- Ne pas se laisser guider par ses propres émotions,
- Considérer son point de vue comme ayant autant d’importance que le nôtre.
C’est-à-dire :
Privilégier la tolérance
Là encore, être tolérant, ce n’est pas accepter n’importe quoi.
On peut être tolérant avec toutes les idées et tous les comportements qui ont la même tolérance envers les autres et qui respectent la Loi, seule habilitée à dire ce qui est permis ou pas.
Ainsi, la «tolérance» que prônent Twitter et son propriétaire n’est en réalité qu’une absence de loi autre que la sienne. N’est pas tolérant celui qui, dans notre pays en 2025, accepte qu’on traite quelqu’un de «malade mental» parce que son orientation sexuelle est différente. Non, cela n’est pas de la tolérance, c’est le contraire, de l’intolérance.
Avec toutes les autres idées, celles qui n’enfreignent pas la loi et sont tolérantes avec les autres idées en retour, nous pouvons être en désaccord, mais nous pouvons les accepter comme faisant partie de la diversité de notre société. Et c’est bien.
Privilégier la qualité
En quittant les réseaux dyssociaux, vous privilégierez donc la qualité de vos échanges avec les autres, et vous contribuerez à promouvoir une forme de société où le débat est possible, souhaitable, apaisé et constructif. Vous diffuserez donc autour de vous cette vision que, ensemble, nous pouvons affronter les problèmes qui se posent à nous, et les régler grâce aux solutions que nous aurons construites de façon collaborative, y compris avec des choses auxquelles nous n’avions pas pensé de prime abord.
Vous deviendrez des influenceurs de démocratie.
Reprendre le pouvoir à ceux qui tentent de régir nos vies
Ainsi, vous confisquerez le pouvoir aux quelques personnes qui tentent de régir votre vie, qu’elle soit personnelle ou politique. Vous serez pleinement dans la discussion publique, la vraie, celle qui fera avancer vos idées, pas celle de quelques milliardaires dont le seul intérêt est le leur.
Reprendre le pouvoir sur la façon dont le monde évolue
Enfin, en quittant les réseaux dyssociaux, vous pourrez prendre votre véritable place dans les décisions qui changent le monde dans lequel nous vivons. Vous aurez une réelle prise sur ce qu’il faut faire pour s’adapter aux changements inéluctables, pour empêcher des catastrophes, pour améliorer la vie, pour construire des projets. Vous aurez un poids, car vous ne serez plus complice de ce que vous refusez.
Comment faire ?
«C’est bien beau, germain, ce discours politique, mais, concrètement, comment on fait pour s’en sortir, de ces pièges ?»
Très bonne question.
Je vais vous donner ma vision de la solution, qui n’est peut-être pas la solution qui vous ira, mais qui sera sans doute, je l’espère, un point de départ pour vous permettre de construire la vôtre.
À mon sens, puisqu’«un voyage d’un millier de li commence par un seul pas», la première chose à faire est de prendre conscience du problème, puis de décider de sortir de ce piège. D’où cet article. Ces deux étapes ne sont pas les plus faciles, car beaucoup d’entre nous vont rester dans le déni («non, ça va, je gère») ou dans l’évitement («mais c’est pas possible pour moi de partir, j’ai tous mes contacts professionnels sur ces réseaux»).
Mais une fois que cela est décidé, alors, pour moi, il existe deux voies.
La première, pour la majorité d’entre nous, qui ne nous servons pas des réseaux pour vendre ou trouver des clients. Elle consiste en trois phases simples :
- Annoncer le départ sur chacun des réseaux dyssociaux où vous êtes, éventuellement en expliquant brièvement pourquoi, et en donnant une date, ainsi qu’un moyen de vous joindre ou de vous retrouver ailleurs. Quant à cet ailleurs, voyez plus bas quels sont mes conseils. Cette annonce a de fortes chances d’être bloquée par l’algorithme et de ne jamais atteindre vos abonnés. Alors, je vous conseille de le faire par message privé, à votre rythme si vous avez de très nombreux followers.
- Trouver un ailleurs, c’est là le plus complexe. Lisez la section suivante pour voir ce que je propose, sachant que rien n’est parfait et que vous expérimenterez obligatoirement des changements dans vos habitudes, dans les fonctionnalités possibles, et que vous perdrez inévitablement quelques personnes dans votre transition. Mais vous en gagnerez aussi, j’en suis certain. Installez-vous dans ce nouveau lieu, et accueillez peu à peu vos contacts, anciens ou nouveaux. Apprivoisez le fonctionnement et l’ambiance.
- Fermez votre compte sur les réseaux dyssociaux au jour choisi et annoncé, en n’oubliant pas auparavant de récupérer les données que chacun a engrangées sur vous (et vous verrez que la somme est proprement gigantesque). Ensuite, vous pouvez profiter de votre nouvelle liberté.
Deuxième voie, pour celles & ceux d’entre nous qui utilisent les réseaux dyssociaux pour vendre leurs créations ou pour tisser du lien. Elle est similaire, à deux détails près :
- Votre ailleurs devra obligatoirement vous permettre d’être indépendant. Je pense que les plateformes de micromécénat sont une bonne alternative, comme Patreon, par exemple. Mais vous pouvez également investir Discord, qui vous dédie un espace dont vous serez maître. Le mieux est encore d’interfacer tout cela avec votre propre site ou blog.
- Vous êtes peut-être suivie par de très très nombreux followers (genre des milliers ou dizaines de milliers) et faire un message privé à chacune et chacun sera impossible ou coûteux. Vous allez donc devoir ruser avec l’algorithme. Au lieu d’écrire dans le corps du tweet, glissez le message dans une image, ou dans un petit morceau audio. Ou bien organisez un live où vous annoncerez la nouvelle en avant-première.
Par quoi remplacer ?
Si vous tenez vraiment à remplacer un réseau dyssocial par une autre plateforme, alors je vous conseille, comme tout le monde, d’aller sur Bluesky ou sur Mastodon, ou sur toutes les applications du Fediverse.
Mais sachez que la première est également une entreprise privée à but lucratif et que, tôt ou tard, vous serez confronté à beaucoup des défauts que l’on peut reprocher à Twitter et aux autres : extension de la publicité, captation de l’attention pour vous retenir et vous faire visionner ces publicités, contournement de la modération (cela a déjà commencé), invasion des discours complotistes, haineux, mensongers, voire des bots.
Quant à la seconde, son fonctionnement est moins intuitif, mais plus respectueux. Cependant, Mastodon garde en lui une tare originelle : par conception, même si la limite est plus lâche, la discussion est bridée à 500 caractères par message. Il n’est pas possible de réellement discuter en 500 caractères.
La troisième solution est la «moins pire» : pas d’algorithme, pas de publicité, interconnexion, décentralisation, modération assurée par les «instances» elles-mêmes, donc plus réactives.
Mais à mon sens, le rêve d’un forum mondial universel, même sans algorithme, ne pourrait tenir qu’avec une modération sévère. Et c’est là que le bât blesse : aucune modération n’est assez souple ni assez réactive pour intervenir de façon à ce que l’instantanéité de ces réseaux ne soit presque anéantie. Donc, tôt ou tard, les mêmes trolls séviront partout ailleurs, dès qu’une taille critique aura été atteinte par un réseau.
«Alors, par quoi remplacer ces lieux de discussion, hein, Germain ?»
Vous avez bien raison de me poser la question.
Il se trouve que j’y ai déjà répondu dans deux autres articles qui, s’ils datent déjà de quelques années, sont toujours d’actualité, car les solutions qu’ils proposent sont toujours fonctionnelles. Pour vous donner l’eau à la bouche, sachez qu’il est possible de se constituer soi-même un mini-réseau réellement social, en se servant d’outils que je vous présente pas à pas dans ces deux articles, et qui se nomment blogs, sites internet (pour les gens que vous voulez suivre), flux RSS (pour vous permettre de les suivre), et commentaires (pour vous permettre d’interagir).
À mon tour donc, de vous poser une simple question :
Quand allez-vous briser vos chaînes et vous libérer ?