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Poker d’Étoiles, la couverture de la résurrection

par Sep 14, 2023La plume & l'encre0 commentaires

Lorsque mon premier roman, Poker d’Étoiles, est sorti en 2008, ses habits extérieurs étaient pour le moins austères. Une couverture blanche très sobre, sans image, où seuls un bandeau gris et le logo cunéiforme de la maison d’édition rompaient la monotonie d’une police de caractères bien fade. Il ne fallait sans doute pas espérer mieux, à l’époque, pour un premier écrit dans un genre de niche, la science-fiction à tendance space-opera. D’autant plus lorsque la structure éditoriale se révélait balbutiante, donc avec très peu de moyens.

Ainsi, l’absence de véritable couverture pour lui permettre de faire connaissance avec ses lecteurs et lectrices a-t-elle été un de mes plus grands regrets pendant quinze ans.

Mais désormais, le texte m’appartient à nouveau de plein droit, et lui donner vie une seconde fois signifie donc une chance de réparer cette lacune.

Voici donc une petite histoire sur la conception de cette couverture de résurrection.

La structure graphique comme identité éditoriale

Si vous avez déjà aperçu les couvertures de mes autres romans, Le Choix des Anges et Fæe du Logis, vous avez sans doute remarqué que je les ai conçues suivant un même modèle. Un fond noir laissant s’exprimer le titre en lui offrant beaucoup d’espace, un sceau assez discret façon cartouche d’idéogrammes chinois qui rappelle ma marque de réalisauteur (d’auteur-éditeur ou d’auto-éditeur, si vous préférez), et entre les deux une image (un tableau, en réalité) inscrit à l’intérieur d’une forme stylisée issue du thème du roman. Ainsi, pour Le Choix des Anges, il s’agit d’une gravure de Gustave Doré inscrite à l’intérieur d’un Ouroboros. Pour Fæe du Logis, c’est une illustration d’Arthur Rackham contenue dans la silhouette d’un faune aux cornes de cerf.

Cette structure, qui selon moi allie élégance, esthétique et efficacité, me sert également de marque éditoriale.

Roman après roman, elle construit une identité qui crée une familiarité. Un effet de collection. Une unité.

Il était donc évident dès le début, pour moi, que Poker d’Étoiles allait s’installer dans ce schéma, lui aussi.

Le titre

C’est toujours la première question que je me pose lorsque je conçois une couverture.

Comment le titre va-t-il apparaître ?

Ce qui revient à d’abord choisir une police de caractères pour incarner le roman dans son ensemble.

Car un titre n’est pas seulement le nom de votre roman, c’en est aussi et surtout une sorte de condensé-résumé-noyau identitaire. Sa signification, sa sonorité et son apparence graphique forment pour moi un tout qui doit synthétiser la substantifique moelle de ce que le roman lui-même va développer.

Ce qui implique que la forme et le fond sont, comme toujours selon moi, indissociables.

Rappelez-vous cette phrase de la Table d’Émeraude :

Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.

Cette phrase est pour moi non pas un guide spirituel mais un axiome créatif. Un rappel que chaque choix artistique porte une signification particulière et qu’une œuvre réussie, de mon point de vue, est toujours une œuvre cohérente dans sa forme comme dans son fond.

Dans le cas de Poker d’Étoiles, je devais trouver une fonte qui évoque à la fois le futur, le space-opera, une certaine poésie, une technologie, l’inconnu.

J’ai donc écumé les rivages infinis de l’internet à la recherche de cette perle rare. Et j’ai fini par trouver ce qui me semblait convenir : la police GraySun, dont certaines variantes de glyphes m’ont conquis.

Le sceau

Seul élément de la couverture qui reste invariant d’ouvrage en ouvrage, le sceau est issu du logo d’écaille & de plume, recrée en 2017 d’après la forme d’une esperluette, aussi appelée ampersand chez les anglo-saxons. Le &, originellement abréviation utilisée par les moines copistes pour signifier «et», exprime bien ma double nature de Serpent à Plume.

L’image

C’est sans doute elle qui est l’épreuve la plus ardue, à chaque nouvel opus.

Il faut trouver deux éléments qui doivent harmonieusement se marier pour faire naître une combinaison esthétique et signifiante. Si cet exercice a été évident pour Le Choix des Anges, avec l’Ouroboros symbolisant le parcours initiatique d’Armand dans l’histoire et une gravure de Gustave Doré issue de son travail sur le Paradis Perdu de Milton, référence à Abel et Caïn, mythe central dans le récit, trouver cette alliance rare a été beaucoup plus compliqué pour Poker d’Étoiles.

Le poker

J’ai rapidement décidé de me servir du poker comme forme contenante. Mais encore fallait-il déterminer quel élément du jeu de cartes utiliser. Un tas de carte ? Une seule carte ? Un jeton ? La forme d’une des quatre couleurs ? Et dans ce cas : le cœur, le carreau, le pique ou le trèfle ?

J’ai d’abord essayé une main entière. La quinte flush joue un rôle dans l’histoire, aussi ai-je voulu commencer par cela. Mais je n’ai pas été satisfait. Trop complexe, pas assez lisible, et au final, cela dénaturait la structure graphique de la couverture, si importante pour moi.

Deux concepts ont été en concurrence ensuite. Une carte à jouer comme forme contenante, ou alors, carrément, une carte à jouer comme couverture entière.

Ne sachant pas me décider, j’ai demandé l’avis de personnes autour de moi. D’abord à mon épouse, puis à l’amie qui avait participé aux corrections de Poker d’Étoiles à l’origine. J’y ai associé les lecteurs et les lectrices de ma lettre d’écaille & de plume, la newsletter saisonnière qui nous sers de correspondance.

Toutes les personnes qui m’ont donné leur avis ont convergé vers la même réponse : une carte dans la couverture mais pas comme couverture.

Restait à choisir la carte dont il serait question.

L’as de pique a été le choix naturel, d’une part parce que sa forme laisse plus de place à l’image inscrite dans la carte, et d’autre part car cette carte symbolise l’un des personnages les plus emblématiques du roman : Démosthène, l’Intelligence Artificielle qui pilote le vaisseau des deux cousins Sean et Eddy.

Les étoiles

Une fois trouvée la forme contenante, restait à choisir quelles étoiles on pouvait y faire apparaître.

Une recherche sur la Toile vous abreuvera de millieurs de fonds d’écrans, de photographies réelles ou de vues d’artistes, de reconstitutions scientifiques et de clichés de télescopes.

J’ai mis presque autant de temps à naviguer dans cet océan-là qu’à trouver la police du titre. C’est dire si ça a été long !

Je voulais là encore quelque chose qui ait une signification, même si c’était juste pour moi.

J’ai essayé bien des images, dont certaines qui évoquaient des formes, comme une silhouette féminine qui aurait pu correspondre à Neith, la mystérieuse jeune femme qui déboule dans la vie de Sean et Eddy au début du roman et qui lance l’aventure.

Mais je voulais une image qui soit «réelle», c’est-à-dire issue d’une observation du cosmos. Alors comme je n’arrivais pas à trouver la référence de cette image-silhouette, j’ai continué ma quête.

Tel un Galaad des landes numériques, j’ai fini par trouver mon Graal dans le château du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, sous la forme d’un cliché pris par le Spitzer Space Telescope dans la région des Montagnes de la Création et intitulée Towering Infernos («les enfers s’élevant comme des tours», littéralement). Vous pouvez cliquer sur l’image que je reproduit ici pour consulter le texte (en anglais) qui présente le contexte scientifique de ce cliché sur le site du Jet Propulsion Laboratory.

Non seulement les Montagnes de la Création font-elles référence aux réponses que Sean, Eddy, Démosthène et leur compagnon Dom vont découvrir sur le mystère de la belle Neith, mais la couleur rouge dominante de l’image illustre bien le sang qui sera versé tout au long du récit et des épreuves qu’ils vont devoir affronter pour cela.

Si vous voulez vous aussi recevoir la lettre d’écaille & de plume et participer à certains de mes choix artistiques, n’hésitez pas à vous abonner.

Le suaire de la résurrection

Et c’est donc une nouvelle tunique, mieux, un saint suaire, qui habille Poker d’Étoiles au moment de sa résurrection. Je suis fier de vous le présenter ainsi qu’il apparaîtra dans sa deuxième édition, dans le courant du mois d’octobre 2023.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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