Mes lectures de l’été 2014
J’ai la chance d’avoir des amis qui me connaissent plutôt bien et qui savent également ce qu’il pourrait me plaire de lire.
Peut-être m’avaient-ils entendu me plaindre récemment de n’avoir plus rien à lire de passionnant depuis un moment, ou bien encore de la qualité littéraire médiocre de ce qui me tombait sous les yeux ? Toujours est-il qu’à deux semaines d’intervalle, deux d’entre eux m’ont offert de la lecture. Et à deux semaines d’intervalle, ils ont visé juste.
J’ai donc profité de ce début d’été pour me remettre à lire avec plaisir, et j’ai même découvert par moi-même de quoi peut-être satisfaire mon appétit de mots.
L’assassin court toujours…
Je suis un amoureux des mots, et parfois même des jeux qu’ils inspirent. Manifestement je ne suis pas le seul, car Frédéric Pommier a recensé dans ce petit livre qui se lit avec délectation quelques dizaines d’expressions toutes faites entendues ou lues tous les jours, et particulièrement utilisées par les médias. Avec un plaisir évident, il les décortique et les tourne à sa manière, pour leur trouver à chaque fois un sens auquel on n’aurait pas pensé au premier abord. Parmi mes préférées : « un plat très malin », « le millefeuille administratif », ou « un incident voyageur ».
Et l’air de rien, au fil de la lecture, on rit des autres, mais aussi de soi-même, lorsqu’on repère également en nous les mêmes tics de langages, les mêmes expressions toutes faites que l’on a incorporés dans notre propre façon de parler… ou d’écrire.
Cela encourage à découvrir plus encore l’extraordinaire richesse de notre langue, qui permet tout autant de varier les manières de dire les choses que de créer de doubles, triples, ou quadruples sens dans des expressions utilisées par chacun d’entre nous.
La séparation, Le glamour
J’ai véritablement la sensation d’avoir découvert un écrivain en la personne de Christopher Priest, et surtout à la lecture de ce très bon roman au carrefour entre document historique, uchronie subtile, et réflexion sur les petits moments ou les grands événements qui créent notre réalité.
De plus, je n’ai jamais lu Priest en anglais, mais la traduction française de Michelle Charrier est admirable de fluidité… et de qualité littéraire, ce qui se fait plutôt rare à mon sens en science-fiction et fantastique de nos jours.
Pour donner un peu envie, que dévoiler de l’intrigue de départ sans déflorer le sujet ?
Le livre part du principe que deux jumeaux homozygotes anglais, Joe et Jack Sawyer, l’un pacifiste engagé dans les actions de la Croix Rouge anglaise et l’autre pilote de bombardier dans la Royal Air Force, ont joué un rôle central dans la Deuxième Guerre mondiale. Et suivant lequel des deux destins l’on suit, le cours de la guerre s’en trouve changé, tout comme l’état du monde après la Deuxième Guerre.
Si l’on suit Jack, l’Histoire s’est déroulée telle que nous la connaissons.
Si l’on suit Joe, Rudolf Hess et Winston Churchill sont parvenus à s’entendre sur un traité de paix séparée entre l’Allemagne nazie et l’Empire Britannique en 1941, permettant le succès de l’Opération Barberousse et l’entrée des États-Unis en guerre contre non pas le Japon mais l’Union Soviétique de Staline… et d’autres bouleversements plus intéressants encore pour qui aime l’Histoire.
C’est d’ailleurs le seul défaut de ce roman : mieux vaut maîtriser un tant soit peu les faits historiques réels pour bien goûter tout son sel et s’interroger sur sa conclusion.
L’écriture est quant à elle fluide, précise, évocatrice. L’intrigue mélange le roman épistolaire et la narration classique. On se sent vraiment dérouté par la fin, car Priest ne tranche pas réellement.
En tous les cas, La séparation m’a donné envie de lire d’autres ouvrages de Christopher Priest. J’ai donc commencé Le glamour, qui est tout aussi documenté, et cette fois-ci en psychologie et notamment en hypnose. Le thème de la multiplicité de la réalité y est également central, décliné d’une manière un peu similaire puisqu’il s’agit d’un récit à plusieurs voix là encore. Dans une alternance de narrateurs, le livre raconte comment un caméraman de la BBC frappé d’une amnésie rétrograde à la suite d’un attentat essaie de reprendre contact avec les semaines qui ont précédé le traumatisme à travers l’hypnose et sa rencontre avec une femme qui se prétend être sa petite amie. Il ne parvient pas à se souvenir d’elle tout d’abord, puis, aidé par l’hypnose et par la présence de la jeune femme, il va reconstruire peu à peu une mémoire. Mais cette mémoire sera-t-elle un fidèle reflet de la réalité, ou bien une reconstruction de son cerveau, de ses désirs, de ses peurs ? Plus encore, cette amnésie ne pourrait-elle pas être le signe de la sensibilité de Richard Grey au pouvoir mystérieux que prétend posséder Susan, le « glamour », la particularité de se rendre invisible aux autres ? Ou pire encore, toute cette réalité-là n’est-elle qu’une manipulation mentale issue de la vengeance de l’ex-amant jaloux de Sue, Niall ?
Tout aussi prenant qu’une intrigue de Philipp K. Dick avec en plus une touche littéraire plus prononcée, Le glamour est un roman très déstabilisant. L’alternance des narrateurs notamment ne permet pas de savoir si l’histoire est réelle, si Richard Grey est toujours dans son amnésie, si Sue n’est pas folle, si Niall existe. Je sens que je vais lire d’autres ouvrages de Christopher Priest.
Quantika tome 1, Vestiges
La science-fiction francophone compte de grands noms comme Barjavel ou Pierre Bordage. Peut-être Laurence Suhner a-t-elle le potentiel de créer des mondes aussi enthousiasmants que ceux-là. En tous les cas le premier tome de son cycle est prometteur.
Le premier monde colonisé par les êtres humains en dehors du système solaire se trouve être une planète de glace inhospitalière, Gemma, pour laquelle la terraformation a échoué, et au-dessus de laquelle flotte le seul vestige extraterrestre jamais retrouvé par l’Humanité, une arche gigantesque et impénétrable nommée le Grand Arc. Une équipe d’archéologues est montée pour retrouver des vestiges d’une antique civilisation dans les profondeurs de la planète de glace, tandis que contrairement à ce que les nombreuses factions en présence peuvent penser, l’Humanité n’est pas seule à s’intéresser aux secrets que recèle Gemma.
Le postulat est riche d’opportunités dramatiques, le monde est bien pensé, la narration est assez bien menée. Il manque juste pour moi un style accrocheur. Laurence Suhner n’écrit pas mal, et même plutôt mieux que beaucoup, mais pour le moment ses mots ne m’ont pas vraiment transporté.
Reste à lire la suite, sans doute, pour trancher.
Et pour vous, cet été au climat si perturbé a-t-il été propice à la lecture ?
Bon, je vais finir par me mettre a la scifi!
« At last ! Join us into the Dark Side of the Litterature ! Mouah ah ah ! » (sardonic laugh inside…)