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Cœur de Runes, le moteur de jeu qu’il manquait à Glorantha

Cœur de Runes, le moteur de jeu qu’il manquait à Glorantha

Cœur de Runes, le moteur de jeu qu’il manquait à Glorantha

Glorantha est certainement l’un des trois1 univers originaux de jeu de rôle qui m’ont le plus fait rêver lorsque je les ai abordés, et l’un de mes quatre2 préférés. Pourtant, si la complexité et l’étendue de son lore3 est si gigantesque qu’elle paraît souvent intimidante à celles et ceux qui voudraient y plonger, c’est plus fréquemment la lourdeur des règles originales du système créé par Chaosium qui achève de décourager les téméraires Héros qui ont eu l’audace de tenter l’aventure. Résultat : il est bien difficile, de nos jours, de trouver des volontaires pour arpenter Genertela, mais surtout pour oser le faire sur une Campagne. Beaucoup sont écœurés par le manque de fluidité des règles, notamment de combat, leur hétérogénéité, leur simulationnisme excessif, qui ne correspond plus à l’air du temps et encore moins aux envies de rôlistes désormais plus intéressés par un travail sur l’intrigue, la narration, l’ambiance, les personnages et la Quête que sur les statistiques chiffrées d’un Seigneur Runique Broo ou la façon réaliste de rendre la différence de longueur d’une lance par rapport à une épée longue dans une confrontation armée.

C’est la raison pour laquelle mes tentatives passées pour faire jouer une grande saga héroïque dans ce monde si riche se sont toutes soldées par des échecs. La motivation des joueurs (et du meneur que je suis), aussi grande fût-elle, ne résista jamais à l’usure des heures que prenait la résolution de rounds de combat censés durer quelques secondes. Comment alors insuffler le sentiment d’une fresque épique digne des légendes mythologiques grecques ou celtes ? Chaque action mettait trop de temps à être résolue suivant les règles, et aucun rythme ne pouvait émerger de ces longues phases de simulation. Quant à la possibilité d’incarner de véritables Héros, au sens mythologique du terme, c’est-à-dire des personnages vraiment hors du commun, elle était en permanence battue en brèche par des chances de réussite ridicules en termes de jeu. Comment, en effet, rendre crédible le fait qu’un guerrier initié d’un dieu de la guerre comme Humakt puisse se retrouver avec seulement 50 % de compétence à l’épée, ce qui veut dire concrètement qu’il n’aura jamais qu’une chance sur deux de porter un coup à un adversaire ? Si l’on rajoute le fait que ledit adversaire peut avoir à son tour une chance sur deux de parer le coup avec un bouclier, on se retrouve avec une interminable succession de chocs métalliques sans aucune conséquence autre que d’obliger les joueurs à lancer leurs dés de nombreuses fois… pour rien, puisque d’attaque manquée en parades réussies, de contre-attaques abouties en esquives brillantes, personne ne peut véritablement interpréter la façon dont la confrontation va se conclure.

Pire, on pouvait régulièrement déplorer la mort stupide d’un Héros, sensé être un Demi-Dieu, à cause d’un jet de dés malheureux contre un adversaire pourtant censé n’être qu’un personnage secondaire.

J’avais donc renoncé à Glorantha, à contrecœur, pendant de très longues années, hésitant même à vendre mes vieux bouquins de l’édition Oriflam.

Mais il y a quelques mois, un financement participatif était lancé pour la traduction française de la dernière édition du jeu, avec un background un peu différent, puisqu’il s’agit maintenant de reprendre l’histoire de ce monde quatre ans après la dernière édition française, dans un contexte radicalement chamboulé par une défaite surprise de l’Empire Lunar et une renaissance du royaume de Sartar.

J’ai bien entendu succombé aux sirènes de la madeleine de Proust, et j’ai tenté d’enrôler mes compagnons de jeu actuels dans l’aventure. Nous avons joué by the book le scénario du kit d’initiation, La tour brisée, en ligne à cause de la pandémie, sur la plateforme Roll20. Une fois de plus, la complexité des règles, combinée à celle de la gestion d’une table virtuelle, a fait tourner court l’expérience, même si nous sommes arrivés au bout du scénario (mais non sans mal).

J’avais presque renoncé.

Jusqu’à ce que Equites, mon plus vieux camarade de jeu, me mette sur la piste de Cœur de Runes.

Un système amateur dans l’âme, mais professionnel dans la conception, qui réussit le pari improbable de concilier les mécaniques modernes issues du jeu de rôle narrativiste avec l’essence même du monde de Glorantha.

Je me propose de vous expliquer comment.

Au Commencement était Glorantha

Bien que j’ai déjà brossé un petit portrait du monde de Glorantha dans un autre article, il me semble indispensable de décrire quelque peu ce monde antique fantastique riche et passionnant.

Glorantha est essentiellement un monde mythologique.

La magie y est non seulement existante, mais surtout constitutive de la vie quotidienne de chaque créature. Non pas comme un gadget, mais comme un élément fondateur.

Le simple fait que le monde existe est un miracle constamment renouvelé.

Avant la naissance du Temps, les divinités de Glorantha vivaient en relative harmonie avec tous les êtres qu’elles avaient créées. Bien entendu, il y avait des rivalités, des combats, des inimitiés, des haines et des amours. Tout était vivant. Puis le Chaos voulut détruire le monde, mit à bas de nombreuses créatures, divines ou mortelles, et fit exploser les palais célestes. Il menaça de détruire le monde lui-même, et jusqu’au souvenir de son existence.

Des Héros se levèrent parmi tous les êtres qui peuplaient alors Glorantha, tant parmi les dieux, les déesses, les saints, les humains, les trolls, les elfes, les peuples de la mer, de l’air, de la terre, de l’ombre. Une guerre sans merci se déclara, dont l’enjeu n’était rien de moins que le Néant.

Alors que le Chaos était proche de gagner, une déesse accepta de se sacrifier pour sceller un pacte magique parmi toutes les créatures du monde : en faisant naître le Temps, Arachné Solara défit le Chaos, mais en contrepartie, afin que les liens qui maintenaient désormais toutes les parties de l’univers entre elles restent un tout cohérent et solide, les dieux et les déesses acceptèrent d’abdiquer tout pouvoir de changer par eux-mêmes sa structure.

À partir de la Première Aube, les divinités furent figées dans les mythes anciens, condamnées à les rejouer encore et encore pour maintenir éternellement le Chaos à distance.

À partir de la Première Aube, les mortels durent accepter d’être soumis aux affres du Temps.

Le monde fut donc divisé entre le Plan des Dieux, où l’absence de Temps fige toute action dans celles qui ont déjà été accomplies par les divinités, et le Plan des Mortels, où ces derniers peuvent faire appel à certains pouvoirs accordés par les Dieux et les Déesses et incarnés par les mystérieuses Runes, ces symboles magiques souvent tatoués sur leurs corps, pour changer le monde à une échelle qui respecte le Pacte d’Arachné Solara.

Les différents peuples de Glorantha et leurs nombreuses cultures sont donc unies par un même respect du Temps, mais perpétuent aussi les rivalités de leurs panthéons respectifs. Chacun donne naissance à des Héros qui vont porter les valeurs de leurs divinités tutélaires dans le monde, et s’affronter pour les faire prévaloir, ou s’allier contre les menaces du Chaos toujours rampant. Les Héros des Trolls, adorant les divinités de l’Ombre, sont ainsi les ennemis de ceux des peuples adorant Yelm, le Soleil, mais les deux s’unissent pour repousser les séides du Chaos, comme les Broos, ces êtres humanoïdes aux têtes de chèvre ou de bouc qui pillent, détruisent, massacrent sans distinction.

Le cadre du jeu est large : deux continents et une multitude d’îles, mais la plupart des aventures et des campagnes écrites ont comme décor une région stratégique du continent nord, Genertela, appelée la Passe du Dragon. C’est ici que les prophéties placent le début d’une conflagration anthologique, la Guerre des Héros, qui doit changer le destin de bien des peuples et peut-être l’équilibre du monde lui-même.

En effet, tout commence par le conflit entre l’Empire Lunar, au nord (inspiré en grande partie de l’Empire romain), adorant la Déesse de la Lune Rouge, une humaine qui a réussi par une quête héroïque à gagner son statut divin, et le Royaume de Sartar au sud, terre de multiples tribus (inspirées en grande partie des Celtes) qui ont pour culte principal le panthéon du dieu Orlanth, maître des Vents et de l’Air, son ennemi juré.

Les personnages des joueurs sont, pour la plupart et dans les campagnes publiées, des orlanthis luttant contre l’occupation lunar. Cependant, d’autres cultures et d’autres régions géographiques sont possibles. Pour ma part, j’avais même commencé il y a des années une Campagne qui réunissait un shaman de l’Ombre, un sorcier des terres occidentales et sa fille mystique issue des océans, et un agent des dieux elfes (car oui, il ya des elfes dans Glorantha, mais ils ne ressemblent vraiment pas aux elfes dont vous avez l’habitude : ce sont des plantes vivantes humanoïdes).

Les premières éditions du jeu débutaient en 1621 S.T. (Solaris Tempora), alors que l’actuelle fait un bond de quelques années pour nous mener en 1625 S.T.

Les systèmes RuneQuest

Et oui, systèmes au pluriel, car au fil des incarnations de l’univers, il y a eu plusieurs tentatives, même si beaucoup tournent autour de la même base, le fameux Basic Roleplaying System de Chaosium, qui motorise également l’Appel de Chtulhu, et le fit jadis pour Stormbringer et Hawkmoon.

Hormis les périodes HeroWars et HeroQuest, dont les systèmes, novateurs pour l’époque, permettent de créer et jouer de véritable Héros aux exploits légendaires, Glorantha est donc décrit en termes de jeu par un paradigme de pourcentage de chance d’accomplir une action.

Cela semble assez simple.

Mais hélas, cela ne l’est pas tant que ça.

D’abord, il y a peu de modulation dans le résultat des jets de dés. Nous avons bien les réussites spéciales et critiques, et les échecs critiques, mais la dichotomie échec/réussite est très marquée, comme pour tous les systèmes datant des années 1980. C’est cependant un défaut mineur, qu’une meneuse de jeu des années 2020 pourra sans difficulté contourner en appliquant certains principes de jeux plus récents (un paradigme de «oui mais» plutôt qu’un paradigme de «oui ou non»).

Par contre, deux écueils sont particulièrement gênants pour moi.

Le premier, depuis toujours, m’a posé un gros problème de cohérence. Glorantha est un univers épique aux dimensions véritablement titanesques. Les dragons y ont la taille de chaînes de montagnes, les Héros y manipulent des magies d’amplitude cosmique. Pourtant, les personnages que l’on peut créer avec le système sont désespérément à peine plus capables d’exploits qu’un adolescent lambda dans notre propre monde. Les pourcentages de réussite des plus puissants d’entre eux dépassent rarement les 50 %. Là encore, je m’étais débrouillé pour tordre les règles et j’avais accordé à mes joueurs des personnages aux statistiques «gonflées». Mais ce faisant, je devais beaucoup plus tomber dans le deuxième piège, comme de Charybde en Sylla.

Car si jeter un dé de pourcentage est à la portée de tout le monde, les règles les plus importantes, à savoir celles de la magie et celles des conflits (dont les combats font partie) sont beaucoup plus complexes que ça. Ces règles ont des dizaines de points qui pourraient sembler annexes mais qui sont présentés dans les mécanismes de base. Leur axiome est celui-ci : il est important de montrer le réalisme des actions. Et pour ce faire, un combat va prendre en compte de multiples facteurs comme la longueur de l’arme de chaque adversaire, la rapidité de chacun, fonction de son agilité et de sa propre taille, du poids de l’arme, sa solidité, sa qualité, sa facture. Et pour ce faire, lancer un effet magique va prendre en compte d’autres facteurs, comme le lien de dévotion envers la divinité que sert le personnage, son affinité avec les runes de pouvoir qui symbolisent les aspects de cette divinité, sa capacité à contenir les effets magiques, sa capacité à retenir des sorts, l’affinité du personnage avec la puissance de la magie elle-même, sa rapidité, la portée avec laquelle le sortilège va agir. Et j’en oublie.

La dernière itération en date du système voulait corriger le premier défaut en incorporant la possibilité de faire appel directement aux affinités runiques et aux passions, comme dans Pendragon, un autre jeu de Greg Stafford4. Mais en contrepartie, cela rajoutait encore des jets de dés et des calculs. Il fallait régulièrement que le personnage invoque la puissance d’une Rune par un jet de dés. En fonction de la qualité de la réussite ou de l’échec, il pouvait ajouter ou retrancher une partie de son pourcentage d’affinité runique à la compétence de son choix, et il fallait donc calculer le bonus, puis le rajouter à un jet de compétence, par exemple en chant rituel. Et interpréter le nouveau résultat. Si cela se passait en combat, on pouvait invoquer une rune pour améliorer sa chance de toucher son adversaire, mais ce dernier avait le droit de parer le coup, en invoquant à son tour une rune ou une passion. Pour un simple échange, on se retrouvait à faire 4 jets de dés et 2 calculs… Et bien entendu, cet échange pouvait se solder par un statu quo dans le combat, puisque l’attaque pouvait avoir été parée. Il fallait donc multiplier ces 4 jets de dés et 2 calculs par un nombre assez important de passes d’armes au sein d’un même combat…

«Trop vieux pour ces conneries»

C’est en substance ce que mes camarades de jeu et moi-même avons pensé lorsque nous avons testé la dernière mouture de RuneQuest sur Roll20 avec le scénario La tour brisée.

D’abord, nous étions trop vieux car nous n’avions pas envie de faire trop de calcul mental en fin de journée. Nous avions tous envie d’une narration fluide, sans avoir à sortir nos calculettes pour savoir si un combat était remporté ou perdu. Il nous fallait de la rapidité et de la simplicité.

Nous étions trop vieux pour nous prendre la tête à savoir quelle arme à la plus longue allonge. Ce qui nous intéressait était de savoir quelles péripéties intéressantes la confrontation allait faire naître.

Nous étions trop vieux pour jouer longtemps. Je ne sais pas si vous avez essayé le jeu sur table virtuelle via Roll20 ou une autre plateforme5, mais c’est clairement plus fatigant que de jouer physiquement autour d’une table bien réelle. Nos séances de jeu ne durent pas plus de deux heures et demie. Nous avons tous envie que ce temps limité soit employé au mieux. Et au mieux, pour nous, cela veut dire vivre l’histoire. Nous avons tous, au sein de ma table de jeu, beaucoup plus d’attirance pour l’aspect rôle du jeu, que pour ses aspects techniques. Nous voulons raconter cette histoire, vivre ces aventures, développer les relations de nos personnages avec leur univers. Les détails de la simulation nous importent peu.

Nous voulons de l’épique. Nous voulons des exploits. Et nous le voulons de façon efficace.

Cœur de Runes, Deus Ex Machina

C’est justement ce que propose Cœur de Runes, le système amateur créé par Uzz.

Lorsque mon camarade Equites m’en a parlé, j’ai d’abord été curieux, puis étonné par tant de simplicité. Puis conquis, car les mécanismes sont à la fois fluides, désarmants de facilité, et en parfaite adéquation avec l’univers de Glorantha.

Tout est construit, comme l’indique avec clarté le titre, autour des fameuses Runes (ce que, par contraste, fait très peu le système de RuneQuest lui-même).

Tous les jets de dés sont réalisés par les joueurs. La meneuse n’en fait aucun, ou presque.

Et tous les jets de dés utilisent 3 dés à 6 faces, dont on fait la somme pour la comparer à une très simple table de résultat. On peut ainsi avoir un échec net, un échec relatif, une réussite relative, une réussite nette, ou une réussite critique. Chaque résultat laisse une piste d’interprétation narrative que le joueur lui-même est incité à décrire. Le système est ainsi basé sur une narration partagée qui implique les joueurs, les fait entrer dans l’univers bien plus que de les laisser passivement attendre un résultat décidé par la meneuse. Quant à la difficulté, elle n’a que 3 niveaux : une difficulté normale, sans modificateur, une difficulté simple avec un modificateur de -2 au résultat du lancer de dés, une difficulté plus importante avec un modificateur de -4.

Les jets de dés sont assez rares, ce qui augmente le côté rôle du jeu.

Ils sont essentiellement de deux sortes. Les tests simples, qui servent à résoudre globalement une action sur laquelle on ne veut pas trop détailler le déroulement. Par exemple, le résultat d’un concours de lutte, impliquant de très nombreux participants, et auxquels les personnages des joueurs vont eux aussi se soumettre lors d’un festival sacré (exemple du scénario avec lequel nous avons testé Cœur de Runes, le Plateau Pégase). Les tests longs, qui servent à résoudre des actions plus complexes, sur lesquelles on veut mettre l’emphase dramatiquement. Typiquement, les combats contre des adversaires importants, les poursuites haletantes, les duels magiques, par exemple. Ces tests longs sont des tests simples qui doivent accumuler un nombre de réussites déterminé à l’avance par la meneuse, suivant la difficulté et l’intensité dramatique désirées. Un adversaire simple demandera à ce que les joueurs cumulent deux succès (donc fassent au moins deux jets de dés en décrivant les péripéties du combat), alors qu’un adversaire légendaire en nécessitera quatre, cinq, ou même six (s’attaquer à Jar-Eel la Tranchante est un pari risqué, même pour des Héros chevronnés).

Pour ce qui est des Runes, donc, l’utilisation d’une affinité runique permet au personnage de changer le plus petit résultat de l’un de ses trois dés pour un 6, et lui accorde de ne plus tenir compte des pénalités éventuelles qu’il aurait cumulées du fait de ses blessures antérieures.

Ajoutez à cela la possibilité d’incarner sa divinité si un résultat de trois 6 apparaît, celle de faire appel à des passions comme dans RuneQuest ou Pendragon, et une façon de gérer la magie aussi simple que tout le reste, tout en restant compatible avec les sortilèges décrits dans RuneQuest, et vous comprenez pourquoi la puissance des personnages est tout de suite plus importante, mais aussi pourquoi l’expérience de jeu est beaucoup plus fluide et narrative.

Expérience de jeu

D’ailleurs, il me semble intéressant de dégager plusieurs points après un test grandeur nature du système avec mes camarades de jeu du mardi soir. Ce test a été réalisé sur quatre séances espacées chacune d’une semaine, du 7 au 28 juin 2022, sur Let’s Role, la plateforme française de jeu de rôle, et avec le scénario Le Plateau Pégase, traduit en français par le Studio Deadcrows, comme le reste de la gamme de RuneQuest.

Adaptation des personnages

Avant de commencer à jouer, il faut tout de même adapter un peu les personnages au format plus resserré de Cœur de Runes, car au lieu d’avoir quatre pages de statistiques écrites en petits caractères, il n’y a que quelques données à dégager. Cela peut paraître frustrant pour certains joueurs, d’autant qu’ils peuvent avoir l’impression que leur personnage perd en puissance (paradoxalement c’est l’inverse qui se produit, même si leur nombre de sortilèges de magie divine est réduit à un seul).

Mes joueurs incarnent les personnages prétirés de la dernière édition de RuneQuest, à savoir Vasana, Sorala, Harmast et Vostor. Pour illustrer les choix qu’il a fallu faire, voici la fiche de Vasana, version RuneQuest et version Cœur de Runes.

La première chose à savoir, c’est qu’on n’a pas besoin de caractéristiques ni de compétences. Tout juste peut-on extraire de tout cela un Atout, et Equites, qui joue Vasana, a choisi Épéiste.

Puis il faut trouver quelles affinités runiques conserver. Par défaut, Cœur de Runes n’en autorise que 3, alors que RuneQuest les détaille toutes. Logiquement, le choix a été fait de prendre les plus fortes affinités du personnage d’origine. Exceptionnellement, et pour tester ce que cela impliquait dans la mécanique de jeu, j’ai autorisé le joueur à en garder 4 au lieu de 3, ce qui a sans doute augmenté sa puissance par rapport aux autres. Il faut ensuite associer des aspects à chaque rune, et donc se pencher sur la façon dont on va interpréter le personnage.

On peut reprendre comme Attaches les passions du personnage d’origine, sans les modifier, car elles auront toutes le même poids en jeu. Elles sont là pour colorer un peu plus l’interprétation.

De la même façon, on peut garder l’intégralité des sorts de magie spirituelle connus par le personnage (appelée dans Cœur de Runes magie ordinaire) puisqu’ils servent juste à déterminer ce qu’il sait faire, sans que cela ait un réel impact sur la mécanique. On peut à ce sujet se passer du sortilège de multisort, car il n’a qu’un intérêt technique sans objet si on change de système.

Le plus difficile est de choisir un seul sortilège de magie runique pour en tirer un Pouvoir de Cœur de Runes. J’ai guidé le choix de façon simple : prendre obligatoirement un sortilège dont la rune a été choisie comme affinité runique auparavant.

Quant à l’équipement, il peut être repris à l’identique, en oubliant les caractéristiques techniques, dont on n’aura pas besoin dans Cœur de Runes, sinon pour expliquer un effet narré par le joueur ou la meneuse.

Au final, on se retrouve avec un personnage décrit bien plus rapidement, et cohérent avec sa version RuneQuest.

Adaptation des PNJ

Pour les PNJ, c’est encore plus rapide.

Une affinité runique choisie parmi les plus saillantes des statistiques de RuneQuest, au moins un Pouvoir choisi dans les sorts runiques connus, ainsi que tous les sorts de magie spirituelle, qui serviront d’Attaque spéciale (dans un combat, lorsqu’un test du joueur est un échec, c’est l’adversaire qui prend la main, et déclenche une Attaque spéciale contre laquelle le personnage doit effectuer un jet de sauvegarde).

Une note d’interprétation, et roulez jeunesse…

Le plus difficile est de se détacher des détails pour saisir l’essence du PNJ tel qu’on pourra le voir agir envers les joueurs.

Adaptation du scénario

La beauté de Cœur de Runes réside aussi dans le fait que le scénario n’a pratiquement pas besoin d’être adapté. Les indications techniques (comme des malus à des jets de dés), peuvent soit être ignorées soit constituer un guide pour déterminer la difficulté d’un test simple dans Cœur de Runes, ou le niveau d'épreuve (le nombre de succès nécessaires) d’un test long.

Et… c’est tout…

Car le reste se fait simplement en collaboration entre la meneuse et les joueurs, en narration.

Impression générale : une narration (réellement) partagée

Après avoir fait jouer successivement La tour brisée avec le système RuneQuest lui-même, puis Le Plateau Pégase avec Cœur de Runes, mon impression est celle d’une nette différence dans l’implication narrative des joueurs. Ils osent plus de choses, décrivent plus, apportent des détails qui font sens.

Et cela est vrai tout particulièrement pour les novices de Glorantha.

Sixte, l’un de mes joueurs, très intimidé par le background de l’univers, a lui-même proposé, dès cette deuxième partie, des descriptions qui nous ont tous embarqués dans une vraie scène, et ceci presque sans jet de dés, lorsque son personnage, Harmast, a tenté d’apprivoiser un Hippogriffe dans la conclusion du scénario. En se basant sur l’affinité runique qu’il avait identifiée comme étant en résonance avec l’animal mythique, il nous a décrit la scène pas à pas. C’est une chose qu’il n’avait même pas esquissée lorsque nous avions abordé la scène de conclusion de La tour brisée, lorsqu’il était en présence d’une incarnation de la Déesse de la Terre, Ernalda.

Appréhension de l’univers par des novices

Je pense en effet que le principal handicap de Glorantha n’est pas vraiment son background, mais son système. Bien entendu, savoir certaines choses sur le monde complexe créé par Greg Stafford est important, mais ensuite, les analogies sont suffisamment fortes pour qu’on se sente capable d’agir… seulement si le système force à ce qu’on soit actif dans les descriptions, dans des choix non seulement techniques, mais surtout narratifs.

La meneuse peut toujours rectifier ou modifier ce qui lui semble nécessaire, mais elle peut lâcher la bride à ses joueurs sans risquer de voir le scénario ni le monde partir en quenouille…

Et ça, c’est non seulement reposant pour celle ou celui qui mène la partie, mais aussi extrêmement créateur de rebondissements dignes d’une épopée légendaire.

Les joueurs s’investissent plus dans le destin de leurs Héros.

Et ils ont beaucoup plus envie de se documenter ensuite.

C’est en effet après cette deuxième partie que certains d’entre eux ont partagé avec l’ensemble de la table des listes de liens internet sur Glorantha…

Les combats

Ils faisaient partie de ce qui me faisait le plus peur, à la fois dans le système originel de RuneQuest et dans l’adaptation nécessaire pour mener une partie de Cœur de Runes. Je pensais aussi qu’ils étaient ce qui aller déterminer notre adoption ou non de Cœur de Runes comme moteur de nos aventures gloranthiennes. J’avais raison.

Sans être expéditifs, les combats se sont avérés difficiles, mais ils ont posé problème aux joueurs surtout parce qu’il s’agissait de duels et que leurs personnages étaient déjà très affaiblis tout en ayant dépensé presque toutes les utilisations possibles de leurs affinités runiques. Il faut savoir aussi que notre table est sans doute sous le coup d’une malédiction sur ses jets de dés, souvent catastrophiques du côté des joueurs.

Par contre, ils ont été intenses, forts en émotions, et ont permis de belles descriptions, comme des conclusions intéressantes. Et bien entendu, ils n’ont pas été trop longs à gérer.

Ce que nous n’avons pas encore testé

L’un des points originaux de Cœur de Runes reste le mécanisme d’Introspection, que nous n’avons pas essayé. Il permet de gérer d’une part les relations du personnage avec sa divinité et donc la récupération des points d’affinité runiques, mais aussi les Quêtes héroïques, qui sont une part restée mystérieuse tout au long des incarnations de Glorantha, que ce soit dans RuneQuest comme dans HeroWars.

Pistes d’amélioration

Ce test grandeur nature nous a montré ce qui serait, selon notre table, à améliorer. Je pense surtout au rôle des passions (appelées Attaches dans Cœur de Runes), que je trouve moins déterminant que dans RuneQuest/Pendragon.

Une autre piste est une plus grande aide dans le choix de puissance des personnages selon le style de Campagne que l’on souhaite mener. Je me demande si par exemple, deux ou trois Pouvoirs ne seraient pas plus indiqués dans le cas de ma table.

J’ai pour l’instant gardé le système de notation de réputation de RuneQuest, car il me semblerait utile de suivre le cours de la notoriété des personnages, mais je ne sais encore comment procéder avec Cœur de Runes.

La présentation du livret A5 de Cœur de Runes, très claire, mériterait d’être enrichie de quelques exemples de plus, notamment sur des combats, qui sont les différences les plus marquantes par rapport à RuneQuest.

Let’s rôle & Cœur de Runes

Vous l’avez compris, nous avons joué en ligne, à distance, via la plateforme virtuelle Let’s Role.

Pour l’occasion, j’ai pondu une adaptation de Cœur de Runes pour Let’s Role, avec l’aimable autorisation d’Uzz, que je remercie ici encore pour sa disponibilité, son enthousiasme, et surtout sa patience.

Vous pouvez l’utiliser gratuitement, simplement en sélectionnant ce système pour votre propre table de jeu. Vous pouvez même fork le système si vous voulez l’améliorer de votre côté. J’ai quelques idées qui attendent d’être mises en pratique, notamment rajouter un onglet pour l’historique et les notes des joueurs, qui m’a été demandé par les miens, frustrés de ne pouvoir écrire leurs comptes-rendus directement dans Let’s Role.

Et si vous avez d’autres suggestions, je suis preneur.

Conclusion : System Matters, vraiment

Était-il vraiment besoin de le démontrer encore ?

Apparemment oui.

Le système de jeu que l’on utilise importe vraiment, car il détermine la façon dont on approche un univers, dont on peut se l’approprier et l’explorer. Il importe car il conditionne le style de jeu, la puissance des personnages, la magnitude de leur impact sur l’univers, et au final le plaisir que tout le monde va ressentir autour de la table.

Cœur de Runes remplit pour moi nettement les exigences que j’avais pour faire jouer ma table dans le monde de Glorantha : simplicité, interactivité, puissance, centré sur les runes, compatible avec les scénarios, immersif.

Si vous voulez entrer à votre tour dans Glorantha, c’est, je crois, le meilleur choix.

Que les Sept Mères portent Cœur de Runes jusqu’au firmament et que la Déesse Rouge l’accueille en son sein !


  1. Ex æquo avec Néphilim et Rêve de Dragon.  ↩︎
  2. Aux précédents, il suffit de rajouter le World of Darkness.  ↩︎
  3. Je commence à adopter le vocabulaire des vidéoludistes, je vais devoir me surveiller.  ↩︎
  4. Et qui reste pour moi, et de loin, la meilleure incarnation du Basic Roleplaying System, car la plus légère et la plus calquée sur l’univers.  ↩︎
  5. Je crois que c’est une expérience que nous avons tous eue avec la pandémie, donc je fais le pari que vous répondrez «oui» à cette question.  ↩︎

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Une seconde édition pour Le Choix des Anges

Il est rare de voir des réalisauteurs proposer une réédition de leurs œuvres, alors que la pratique est courante dans le milieu de l’édition traditionnelle. C’est sans doute que nos textes, une fois écrits, commencent une vie propre dans le vaste monde, et que leurs parents les laissent libres de grandir sans les gêner. Sans doute aussi ont-ils en tête les préoccupations des autres rejetons qui demandent eux aussi à surgir du néant.

Pourtant, être un parent bienveillant exige de toujours garder un œil sur sa progéniture, et ce jusqu’à parfois intervenir dans son existence.

Le Choix des Anges est mon deuxième roman, mais c’est le premier que j’ai édité moi-même. Nouveau père, j’ai fait de mon mieux en suivant les conseils que l’on prodiguait autour de moi. Comme presque tous, je me suis tourné vers le sein nourricier prometteur des Amazon. Pourtant, la façon dont mon enfant grandissait me donna peu à peu quelques migraines. Je me suis trouvé rapidement en désaccord avec le modèle éducatif prôné par la vierge guerrière tout autant que je me voyais frustré de ne pouvoir ouvrir les portes de certains milieux à mon livre. Pour couronner le tout, sa forme brochée, si elle le laissait propre et bien élevé, ne me semblait pas à la hauteur.

Alors comme j’ai le pouvoir de changer cela, contrairement à son aîné, Poker d’Étoiles, condamné à vivre sous le joug d’une politique éditoriale que je ne puis renverser, j’ai décidé d’agir.

Le Choix des Anges vient donc de renaître.

Le même texte, à quelque chose près

La fidélité à soi-même est une valeur fondamentale.

Je ne suis pas le même que lorsque j’avais vingt ans, et je ne serai certainement plus le même lorsque j’en aurai soixante, si je vis jusque là. Pourtant, je ne renie pas ce que j’ai été, ni ce que je serai, si je reste fidèle à ce que je crois juste, au moment où je crée.

Je n’ai donc apporté que des corrections mineures au texte achevé en 2018.

J’ai essentiellement changé quelques tournures un peu lourdes au début. J’ai également modifié la forme des dialogues pour leur donner une typographie plus classique, en utilisant les guillemets français et non pas seulement les tirets cadratin. Sur la typographie, j’ai également beaucoup travaillé les espaces fines pour rendre un peu plus harmonieuse la mise en page.

Et surtout, j’ai traqué les coquilles qui restaient.

Il est toujours possible qu’il en reste, car elles ont le don étrange de se dissimuler aux yeux inquisiteurs pour réapparaître sournoisement dès que ceux d’une lectrice ou d’un lecteur se posent sur eux. Malgré mes efforts donc, pardonnez-moi si certaines m’ont échappé une fois de plus.

Un nouvel écrin

Ce qui a changé, par contre, c’est la forme.

La maquette intérieure est basée sur le même principe que j’avais beaucoup travaillé à l’époque, et qui convient parfaitement à l’esthétique que je désire développer dans mes réalisations. Une page aérée, avec des marges confortables, même au prix d’un plus grand nombre de pages. Des en-têtes et pieds de page un peu particuliers, car déportés sur les côtés extérieurs des pages. Une première phrase mise en exergue par un changement de fonte.

Pourtant, j’ai choisi de changer de fonte principale pour le corps de texte, en troquant Sorts Mill Goudy (pour laquelle j’ai toujours une affection sincère) pour Paciencia, dont je trouve les formes plus élégantes, notamment le a. C’est mineur, mais cela permet aussi d’avoir une lisibilité meilleure, même si le nombre de lignes est le même et la taille de police similaire. Cela est dû aussi en partie à la qualité supérieure de l’impression.

J’ai également poussé le vice jusqu’à intégrer des lettrines en début de chapitre et à en modifier la décoration des premières pages avec la figure de l’ouroboros.

Mais les plus grosses métamorphoses sont ailleurs.

D’abord le papier. Crème et non plus blanc, plus doux, presque velouté. Il bave moins, beaucoup moins que le papier d’Amazon, ce qui rend les lettres beaucoup plus nettes, et je crois que le confort de lecture en est transformé.

Et puis, le plus visible, la couverture.

Redessinée pour l’occasion, plus sobre tout en gardant l’essentiel c’est-à-dire l’illustration inspirée de Gustave Doré et la fonte du titre (Aphasia BT), elle est surtout maintenant rigide et non plus souple. La reliure est toujours collée car la couture fait bondir le prix de revient de façon prohibitive, mais, petite attention qui me semble appréciable, un signet blanc permet de retrouver ses marques si on le désire.

Le produit final dégage une impression de solidité et de qualité. Il a la forme d’un ouvrage plus précieux qu’un livre d’imaginaire «classique», ce qui me convient parfaitement.

Cela permet de se démarquer un peu. De souligner le soin pris à l’écriture comme à la réalisation matérielle de l’objet.

Car je crois que l’objet livre aide à entrer dans l’histoire, même si le texte est bien l’essentiel.

Un objet comme une clef vers mes univers

Mais le caractère unique de cette seconde édition papier ne tient pas seulement à son esthétique.

Je l’ai en effet pensé comme une clef.

En me servant de la technologie des QR Codes que l’on voit fleurir partout, j’ai d’abord un peu «dépoussiéré» le principe de la bibliographie, en permettant à celles et ceux qui le désireront de se rendre directement sur la page d’écaille & de plume où est décrit chacun de mes ouvrages. Il suffit donc d’un téléphone pour découvrir chaque titre.

Plus intéressant, je propose là encore à travers un QR Code, de dévoiler les coulisses de l’histoire en ouvrant la porte d’une page cachée du site où l’on peut télécharger une chronologie et des notes d’écriture.

Car si chacune des histoires que j’ai en tête peut s’incarner dans un livre, chaque livre peut devenir une clef vers l’univers plus vaste de mon imaginaire, que je vous propose d’explorer œuvre après œuvre.

Sortir du piège Amazon

La motivation principale de ce changement était cependant de sortir du système d’Amazon, que je trouve délétère.

Malgré sa place de pionnière dans le domaine de l’auto-édition, la société américaine a dévoyé ses propres principes, selon moi. La toute-puissance des algorithmes me déplait fortement, et je crois qu’elle a cessé d’aider les petits auteurs indépendants pour devenir le terrain de jeu de ceux qui peuvent se payer de la publicité ciblée. D’autre part, la politique générale d’Amazon ne rencontre pas mes valeurs de vie.

Sans compter que sur le simple choix de réalisation des livres, et sur leur qualité, on trouve beaucoup mieux ailleurs.

J’ai donc choisi de rapatrier la fabrication de mes livres en Europe, en optant pour Books on Demand, une société allemande qui a pourtant une adresse à Paris. La qualité des livres est supérieure à celle d’Amazon. La qualité de la relation l’est infiniment plus encore. Avec BoD, j’ai le suivi d’une personne unique, à laquelle je peux parler au téléphone si besoin. Je garde toute liberté sur mes choix. Leur système de soumission des fichiers est très simple.

Leur seul problème est la demande très importante et les contraintes sanitaires liées à la pandémie actuelle qui rallongent les délais de fabrication.

Cerise sur le gâteau, travailler avec BoD permet à mes livres d’être disponibles sur les catalogues professionnels des librairies de France et de Navarre. Vous pouvez donc tout à fait commander Le Choix des Anges chez votre libraire préféré, en lui indiquant l’ISBN de cette deuxième édition.

Ainsi, nous soutenons ensemble les libraires passionnés.

Une version numérique également mise à jour

Il n’était pas question de ne penser qu’au papier. Le fichier numérique a donc lui aussi été mis à jour. Le travail y a été également fondamental puisque, après avoir réimporté le nouveau texte corrigé de ses coquilles, j’ai veillé à faire en sorte de coder les espaces fines et les espaces insécables de façon efficace, pour rendre là aussi la typographie la plus impeccable possible.

J’ai repris le code CSS, intégré là aussi les clefs permettant à mes lectrices et mes lecteurs de suivre les liens vers les pages cachées du site.

La nouvelle version numérique est donc un reflet sinon exact du moins fidèle à l’esprit de sa sœur de papier.

Vous pourrez la trouver sur toutes les grandes librairies en ligne à partir du 14/02/2021.

Avant une nouvelle incarnation… vocale

Je rêve que la période difficile que nous vivons puisse devenir le terreau d’un foisonnement créatif semblable à celui que nos aïeux ont vécu il y a une centaine d’années après la Grande Guerre, durant les «années folles». Beaucoup d’autrices et d’auteurs, beaucoup de dramaturges, beaucoup de musiciennes, de musiciens et de cinéastes ont composé, écrit, produit durant l’année maudite que nous venons de vivre.

Ce fut mon cas aussi puisque j’ai achevé le premier jet d’une nouvelle histoire, Fæe du Logis (que j’espère vous pourrez lire dans l’été).

Mais cela a aussi été pour moi l’occasion de trouver à marier l’écriture avec une autre passion — le jeu d’acteur, le cinéma, la technique — grâce à l’idée de réaliser mes propres livres audio.

Alors à tout seigneur tout honneur, c’est au Choix des Anges d’ouvrir le bal.

J’ai commencé l’enregistrement. Le premier chapitre est dans la boîte. Il me reste à en terminer le montage et le mixage, pour voir ce que cela donne. Je voudrais vous présenter cela dans quelques mois. Le temps de parfaire ma technique et de m’assurer que là aussi, l’écrin fait honneur au texte dont je suis fier, et à l’univers qui lui a donné vie. Il s’agit cette fois de rendre une ambiance non plus seulement avec des mots mais avec des sons. Et cela promet d’être passionnant.

Nous en reparlerons très certainement.

Gagnez un exemplaire

Alors pour fêter cette renaissance du Choix des Anges, je vous propose d’en gagner un exemplaire dédicacé, en jouant avec les mots, bien entendu.

Pour cela, il vous suffira de faire deux choses.

Jusqu’au 01/03/2021, rejoignez le Phœnix de la tribu ptérophidienne de mes abonnés en vous inscrivant à la lettre d’écaille & de plume et répondez au premier message avec un texte de 10 000 à 15 000 signes (soit 2 000 à 3 000 mots environ) sur ce que vous inspirent les concepts d’Anges, de Choix et de Destin.

Vous pourrez lire les productions des autres Ptérophidiens & Ptérophidiennes sur un espace de partage privé.

Le meilleur texte permettra de remporter le prix.

Alors à vos plumes, apprentis phœnix ou oiseaux confirmés.Et inscrivez-vous ici.

Version papier

  • Date de publication 2018 (1ère édition), 2021 (2e édition)
  • Urban fantasy
  • 292 pages
  • Format A5, couverture rigide à signet
  • ISBN 9791093734033
  • Prix : 24€
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Version numérique

  • Date de publication 2018 (1ère édition), 2021 (2e édition)
  • Urban fantasy
  • Format ePub3 compatible ePub2 et Kobo
  • 1,4 Mo sans DRM
  • ISBN 9791093734026
  • Prix : 5,99€
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Version livre audio

  • À paraître en 2021 (texte de la 2e édition)
  • Lu par l'auteur
  • Urban fantasy
  • Formats .mp3, .m4b
  • 40 Mo
  • Prix : 14€
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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Jeu de Rôle

Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

En ces temps-là, quand les hommes se multipliaient après qu’Adam eut quitté le Paradis, les Nephilim marchaient sur la terre.

Genèse 6:4

Dans mon panthéon personnel des jeux de rôle, Nephilim occupe une place à part.

Publié pour la première fois dans les années 1990 alors que je m’enhardissais à rejoindre un groupe de joueurs inconnus dans une association dont plusieurs devinrent des amis, il a incontestablement ce petit goût de madeleine de Proust qui me ramène à mes premières années d’étudiant. Je le concède volontiers.

Mais Nephilim est surtout une chimère vraiment réussie entre un univers fantastique contemporain plein de mystères et une ambiance occulte et poétique presque mystique dont les références sont ancrées dans la culture européenne, et française en particulier. Une rareté absolue à l’époque, où la production était très largement dominée (pour ne pas dire écrasée) par des univers d’inspiration anglo-saxonne. Seuls deux autres jeux avaient pu entrer dans cette catégorie des pépites poétiques : Maléfices, et Rêve de Dragon.

Comme le premier, il traite de créatures fantastiques, de sortilèges et de malédictions, d’alchimie et de combats occultes, et comme le dernier, il pousse les joueurs à se poser la question de l’aspect symbolique du personnage que l’on incarne.

D’alchimie, il en est vraiment question quand on se penche sur ce jeu atypique et presque inclassable, tant les ingrédients qui le composent ont été dosés avec précision et surtout tant la cohérence obtenue est extraordinaire quand on songe au syncrétisme dont elle résulte.

Jugez-en plutôt : si on mélange récits bibliques, créatures fantastiques, magie, guerres secrètes, quêtes ésotériques, légendes arthuriennes, occultisme du XIXe siècle, Nostradamus, Akhénaton, dinosaures, Atlantide, templiers, et esprits incarnés dans des humains dans un même creuset, on peut aussi bien obtenir une chose informe comme le Da Vinci Code que la magnifique trame de Nephilim.

D’alchimie, il en est encore question quand on aborde cet univers foisonnant, parfois complexe au point d’en rebuter le profane. C’est ainsi que Nephilim a une réputation de jeu complexe, presque autant que le monde de Glorantha pour Runequest.

Et pourtant, le pitch est assez simple.

Il peut être résumé en une phrase, en quelques mots, en un paragraphe ou en une page, comme dans la cinquième édition qui vient de paraître grâce à un financement participatif. Je trouve d’ailleurs que le bon compromis, c’est le paragraphe. Je le reproduis ici pour vous donner un petit aperçu.

Dans Nephilim Légende, le jeu de rôle de l’occulte contemporain, vous jouez un Nephilim, un esprit antédiluvien, composé d’un Pentacle de Feu, d’Air, de Terre, d’Eau et de Lune. Inspiré par la connaissance ésotérique des mystères du monde, votre Nephilim pratique les Sciences occultes comme la Magie, la Kabbale ou l’Alchimie. Vous recherchez l’harmonie suprême que certains Nephilim appellent l’Agartha. Depuis la catastrophe du Déluge, vous vous êtes incarné épisodiquement dans des êtres humains, vos Simulacres. Vous gardez jusqu’à aujourd’hui une mémoire partielle de ces époques passées. Depuis les années 90, vous et vos frères vous êtes réincarnés massivement. Entre les Grands Plans des sociétés secrètes, vos ennemies jurées, l’Apocalypse ou l’émergence d’Arcadia, une cité occulte universelle, il y a de multiples raisons à cela. Votre Nephilim devra poursuivre son initiation selon les symbolismes attachés à son élément dominant. Vous pourrez aussi vous intéresser aux jeux subtils des Arcanes Majeurs, ces familles Nephilim qui cherchent à vous adopter afin de vous initier à un chemin particulier vers l’Agartha. Quelle sera votre position vis-à-vis des humains ? Simples corps à manipuler ou, au contraire, profanes à initier aux beautés du monde magique ? Avez-vous fondé au cours des siècles, avec d’autres Nephilim, une fraternité occulte détentrice d’un des nombreux secrets majeurs du monde ésotérique ? Est-ce pour trouver le trésor des Templiers ? La Toison d’or, le Graal, le message secret des tableaux de Léonard de Vinci, le Sidh légendaire des Celtes, le Dragon des Nibelungen, les Pommes d’or du jardin des Hespérides ou surtout découvrir la vérité sur Arcadia ? Lutterez-vous contre les sombres complots des mortels Templiers ou des subtils Rose+Croix ? Préférerez-vous devenir un expert de la Kabbale ou de l’Alchimie ? Parcourrez-vous le monde à la recherche du royaume caché de la Cité des Vertiges et de ses prétendus douze sages blancs ? À vous de décider de cela et de bien d’autres choses avec Nephilim Légende !

Un nouveau Simulacre pour les règles

Qui dit nouveau jeu dit souvent nouveau système de jeu.

Car un jeu de rôle gagne souvent sa saveur grâce à la façon dont ses règles permettent de déterminer échecs et réussites, rebondissements et complications dans le cours de la narration. C’est en tous les cas comme cela que je vois les règles d’un jeu de rôle au moment où je rédige ces lignes, ce qui n’était pas forcément le cas dans mes plus jeunes années.

Sur ce plan, Nephilim change sans vraiment changer.

Nous retrouvons les dés de pourcentage, le cœur du système.

Mais il n’y a plus vraiment de compétences, qui ont été remplacées par des Vécus, regroupant des domaines variés d’actions et de connaissances.

Les Sciences occultes, qui font tout le charme du jeu (ah ! Les noms si évocateurs des Invocations de Kabbale, comme Ceux qui rampent et qui grignotent ou les Formules alchimiques telles le Navigateur des Lions écarlates…), changent également, même si leur habillage reste le même.

On reste en terrain connu. Mais quelques petits ajustements nous rappellent que nous sommes dans une nouvelle incarnation. L’Effet Rosenkreutz, par exemple, vient compliquer la tâche des plus puissants Nephilim, ou des plus imprudents.

Le système est donc sensiblement le même, un système classique, bien éprouvé. Il paraîtra peut-être un peu trop classique à ceux qui ont découvert les systèmes dits narratifs plus récents, comme FATE ou Dungeon World/Apocalypse.

Mais il marche bien, il est facile à prendre en main. Il ne demande pas de savants calculs ni de jeter des brouettes de dés.

Le petit bémol que je puis émettre concerne l’adaptation des anciens personnages.

Pour jouer votre Nephilim fétiche dans Quintessence, vous allez devoir faire quelques choix, notamment entre le nombre d’incarnations (et les époques d’incarnation elles-mêmes), et la puissance de ses Kâ-Éléments. En effet, le système de choix des incarnations passées de cette cinquième édition, parfait pour créer de nouveaux personnages, est sensiblement différent des précédents. Plus simple et plus complexe à la fois, il implique de créer une toute nouvelle enveloppe pour votre alter ego de papier. Car il est impossible de recréer un Nephilim ayant eu de nombreuses incarnations et un fort Kâ-Élément en même temps, ce qui était par contre faisable dans la quatrième édition.

La création d’un nouveau personnage est donc longue, la recréation d’un ancien est encore plus longue car il faut bien étudier toutes les possibilités pour respecter l’esprit du personnage ancienne mouture.

L’âme progressant vers l’Agartha

Nephilim est donc né dans les années 1990, mais il a su évoluer.

D’abord, comme vous avez pu le constater, cette cinquième édition (baptisée Légende ou Quintessence, c’est selon) met un peu plus l’accent que les autres sur l’accessibilité aux nouveaux venus dans l’univers du jeu. Les concepts principaux sont bien expliqués, et on entre pas à pas dans la richesse du monde occulte fictif, un peu à la manière d’une initiation. Les pitchs du jeu en une phrase, un paragraphe, une page, sont véritablement là pour ça. Mais tout au long du livre, les divers concepts sont abordés de façon à ne pas rebuter les néophytes. Même si tout cela foisonne de détails.

D’ailleurs, les auteurs ont eu la bonne idée de faire un petit historique du jeu depuis sa première édition, afin de placer l’actuelle dans son contexte.

Et si les profanes qui voudraient découvrir le jeu sont guidés, les vieux Initiés comme moi y trouvent aussi leur compte.

Car l’évolution du monde occulte est sensible. Beaucoup de choses changent pour les Nephilim, et leurs repères sont bouleversés au point que même les grands connaisseurs du jeu vont avoir à redécouvrir une ambiance très différente.

Les années 2020 qui sont le théâtre du jeu sont marquées par la technologie et son empreinte sur l’existence des créatures millénaires que sont les Nephilim, sur leurs luttes entre eux et contre les sociétés secrètes humaines qui cherchent à les contrôler ou à les détruire, et surtout sur la texture même du monde magique. Le ressort déjà utilisé dans les précédentes éditions du décalage entre la magie qui constitue l’essence même d’un Nephilim et le monde moderne, profane et incrédule, prend une nouvelle dimension dans notre époque où se côtoient fake news et platistes, sceptiques et complotistes. Ce fossé grandissant, celui de l’enchantement, du désenchantement, ou du réenchantement du monde, est un thème qui m’est particulièrement cher. Il traverse beaucoup de mes univers préférés de jeu (depuis Pendragon jusqu’à Rêve de Dragon, Vampire, Mage, Nephilim, ou même Runequest), mais aussi mes propres écrits et mon monde intérieur. Il trouve une nouvelle vie dans la façon dont Nephilim s’empare du phénomène. La technologie et l’hyperinformation brident la magie, le mysticisme, les créatures fantastiques, mais il se produit aussi un mouvement inverse où des bribes d’un Autre Monde aux accents celtiques se créent en marge (la mystérieuse cité d’Arcadia, dans le jeu).

Le thème de l’initiation, de la progression, des personnages, prend dans Nephilim une dimension plus psychologique que dans les autres jeux de rôle où chaque gain d’expérience ou de niveau est simplement une occasion de devenir plus puissant, plus fort, plus compétent.

Ici, il est surtout question de la compréhension intime par les Nephilim de leur nature profonde, de celle du monde, de la magie. Ils deviennent peu à peu qui ils sont, ou qui ils étaient avant la Chute (oui, il faut quand même que la Bible s’en mêle) de leur royaume originel atlante (parce que quand même, la Bible c’est bien, mais l’Atlantide, ça en jette).

Il s’agit d’une façon d’envisager l’évolution des personnages sous un angle différent.

Une véritable progression, dans le sens de progrès, mais non uniquement un progrès technique.

Plutôt un progrès initiatique. De la meilleure harmonie que les Nephilim peuvent trouver en eux et dans le monde.

En ce sens, comme Rêve de Dragon, j’ai la conviction que Nephilim est un jeu qui pousse ceux qui y entrent à s’interroger sur le sens de l’utopie.

J’y vois une sorte de résistance artistique et fictionnelle à cette mode des dystopies qui inonde les imaginaires de notre société depuis maintenant une vingtaine d’années.

Les dystopies, qui décrivent des mondes toujours sous le joug d’une tyrannie quelconque, ont pu servir à dénoncer les travers de notre société, à les exposer dans toute leur cruauté, à nous faire prendre conscience de ce qui pourrait nous arriver, ou de ce qui nous arrive déjà.

Mais il existe dans Nephilim cette idée que la “réalité” se rebiffe. Que la vie trouve toujours un chemin, comme dirait un célèbre acteur dans un film de dinosaures.

Notre monde, le monde réel, est fait de contradictions permanentes, de paradoxes et d’oxymores. Nephilim reflète cela jusque dans son monde fictif, l’intègre et le pousse plus loin.

Car oui, le monde est pourri. Mais il ne suffit pas de le dénoncer pour que cela change. Dans un monde qui ressemble de plus en plus à un mauvais remake de Blade Runner, abreuvés que nous sommes de toutes ces œuvres qui nous mettent en garde, depuis Hunger Games jusqu’à Altered Carbon, nous aurions eu largement de quoi réagir. Mais nous ne l’avons pas fait.

Pourquoi ?

Parce que dénoncer ne mène pas à grand chose.

Ce n’est pas suffisant.

Il faut savoir vers quoi nous voulons aller.

Et c’est là que les utopies sont utiles.

Je crois même profondément que nous en avons besoin. Plus encore à notre époque.

Réenchanter le monde, c’est penser ce qui pourrait remplacer la dystopie que nous vivons. Penser à ce que nous voulons plutôt qu’à ce que nous ne voulons pas ou plus.

C’est un peu ce que propose Nephilim dans son univers. Les créatures magiques que sont les personnages incarnés par les joueurs sont empêtrées dans le monde tel qu’il est devenu. Leurs sortilèges attirent l’attention, leur être même (les transformations physiques de leur métamorphe élémentaire) peut être un danger pour leur sécurité, ils sont pourchassés. Et pourtant, une chose extraordinaire se produit. Dans le monde, au sein des mégalopoles des humains, certaines rues, certains quartiers, parfois de simples parcelles de bâtiments, se transforment en des sanctuaires où tout redevient possible pour eux, où la technologie ne peut les atteindre, où leur magie retrouve sa splendeur des millénaires passés. Et ces petits morceaux de villes se connectent les uns aux autres pour former une Cité mystique. Arcadia.

Il y a là de quoi reprendre espoir et cette seule lueur dirige leurs efforts vers un idéal.

Comme tout idéal, il est appelé sans doute à être moins ou plus que ce qu’ils avaient imaginé.

En tous les cas à être autre.

Mais il est porteur d’un changement.

Chacune des cinq incarnations de Nephilim pousse ce concept de la Quête, de l’avancée spirituelle, de la progression vers une plus grande réalisation de soi, vers un Idéal. Il y a le Grand Réveil, l’Apocalypse, la Révélation. Il y a maintenant Arcadia.

Je trouve un grand plaisir à me lancer dans un imaginaire où il peut encore exister un espoir.

Cela m’aide peut-être à progresser moi-même dans la construction de ma propre utopie quotidienne, de ma propre Quête vers l’Agartha, celle de mon Humanité.

Le Secret caché au cœur du Labyrinthe du Serpent à Plume

Comme dans toute Quête, il vient enfin un moment où l’on trouve l’Illumination.

Parfois même ce n’est pas l’Illumination que l’on cherchait au début. Ou pas celle-ci, précisément. Souvent, on trouve ce que l’on ne cherchait pas. Et l’on découvre que c’était pourtant ce que l’on cherchait depuis le début.

Ce genre d’épiphanie survient à des moments particuliers dans l’année.

Les traditions ésotériques sont pleines de calculs permettant de choisir la date et l’heure précise qui sera le bon moment pour entreprendre une opération magique ou une quête.

Vous avez de la chance.

Car sur d’écaille & de plume, en cette période du Solstice d’Hiver, vous pouvez prétendre à découvrir un véritable Trésor de Sapience.

Avec l’accord des Grands Commandeurs Élémentaires, les Écrivains de Sable et de Voiles, Souverains de Mnémos, j’ai le plaisir de vous offrir une feuille de personnage au format pdf modifiable de Nephilim Légende.

Un jour, peut-être, je vous présenterai mon personnage fétiche, Sekhmet, Nephilim de la Terre au métamorphe de Sphinx.

Vous pouvez donc créer facilement vos personnages sur ces fiches réalisées à partir des pdf originaux du livre de règles en remplissant les cases sur votre ordinateur ou votre tablette. Et imprimer ce dont vous aurez ensuite besoin.

Ne me remerciez pas, c’est mon Pentacle élémentaire qui a tout fait.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Jeu de Rôle

Tolkien, l’exposition à la BnF

Tolkien, l’exposition à la BnF

Tolkien, l’exposition à la BnF

Comme certaines et certains d’entre vous le savent, j’ai eu la chance de me trouver à Paris durant ce mois de novembre à l’occasion d’une formation, au moment où la Bibliothèque nationale de France présentait une très belle exposition sur Tolkien. Le professeur d’Oxford a eu une grande influence sur moi, comme sur d’innombrables autres personnes dans le domaine de l’imaginaire, en littérature, mais également dans les arts visuels. J’ai même ouvert ce blog avec un article défendant la thèse selon laquelle il était un véritable écrivain, et pas seulement un philologue génial ou un créateur de mondes imaginaires.

J’ai donc profité de mon passage dans la Ville Lumière pour plonger dans la vie et l’œuvre de Tolkien à travers ce rassemblement inédit en France de documents originaux, d’œuvres de sa main comme celles d’autres, contemporains ou non, qui entraient en écho avec ses propres créations.

En voici mes impressions personnelles, un peu décousues, certes, mais sincères.

L’écriture de Tolkien

La première chose qui m’a marquée a été de voir les pages manuscrites de la main même de Tolkien.

On peut admirer dans l’exposition plusieurs feuillets de son œuvre, à différents stades de la maturation de ses écrits. Des brouillons, des premiers jets, des notes. Et de nombreuses pages de ses versions définitives.

J’ai d’abord physiquement été étonné de sa façon de former les lettres. Il avait une écriture calligraphiée, extrêmement soignée, en très petites lettres, presque micrographiques, y compris dans ses brouillons. L’impression d’être face à un manuscrit médiéval m’a saisi tout au long de la visite, renforcée par la présence de plusieurs ouvrages anciens, notamment de lourds tomes enluminés qui étaient là pour illustrer la proximité des thèmes de son œuvre avec les écrits des légendes arthuriennes ou anglo-saxonnes tardives.

Puis, mais c’est uniquement en fonction de ce qui était présenté, forcément une sélection très partielle, j’ai été frappé par le peu de ratures au regard des manuscrits d’autres écrivains des temps préinformatiques. Donc soit il avait déjà des idées très claires de ce qu’il voulait écrire et de la façon dont il voulait l’écrire, soit nous n’avons pas pu avoir accès dans cette exposition aux premiers stades de son travail, malgré la quantité de notes présentes dans les marges.

On peut également voir des versions abouties sur le plan formel, mais comportant des changements de noms de personnages. Par exemple, dans Bilbo, une version où Gandalf a un autre nom et où le personnage de Thorin Oakenshield porte au départ le nom de Gandalf. Et dans la marge, Tolkien indique le changement de nom, chacun acquérant le patronyme sous lequel nous le connaissons aujourd’hui.

Un processus créatif qui rappellera sans doute bien des choses à tous les écrivains…

Tout comme les tâtonnements dans l’écriture et la grammaire de ses langues inventées. Sa façon de tracer les lettres elfiques est tout aussi soignée que son écriture de l’anglais. Et une vidéo nous dévoile que même Tolkien faisait des fautes d’orthographe en elfique, ce dont il s’amuse avec une espièglerie juvénile qui rend le vieil homme d’emblée sympathique.

Un réalisateur de livre ?

Surprenante, cette exposition l’est à plus d’un titre, car je ne savais pas que Tolkien était aussi illustrateur, dessinateur, peintre. Plusieurs de ses croquis, de ses toiles, sont présentées, et notamment les premières couvertures de la trilogie du Seigneur des Anneaux, qu’il a lui-même composées et réalisées, avec un certain art de la typographie comme de l’organisation des éléments sur la page. C’est d’ailleurs une de ces couvertures, celle de La Communauté de l’Anneau, qui sert de visuel à l’affiche de l’exposition.

Plusieurs illustrations également, lors des premières éditions, sont signées de sa main. Et il ne se débrouillait pas si mal.

Une démarche qui détone dans l’idée que l’on se fait d’un écrivain de l’époque, uniquement centré sur son texte.

J’ai reconnu celle d’un réalisateur de livre. Son monde imaginaire ne se limitait pas à des histoires et des langues, mais débordait sur le terrain de l’image.

Et aussi sur celui de la géographie.

Il est évident pour tous ceux qui ont découvert Tolkien dans les années 1990 comme moi, que c’est l’un des aspects les plus fascinants dans sa création : la carte de la Terre du Milieu a fait rêver bien des gamins, avant même de lire une traître ligne du Seigneur des Anneaux.

Les cartes que l’on peut admirer dans l’exposition de la BnF sont multiples et d’une précision que je ne m’étais pas imaginée avant. En bon professeur, la rigueur importait tant à Tolkien qu’il mesurait précisément les distances et faisait en sorte que son récit y colle le plus possible.

Il serait bon que certains scénaristes de séries de fantasy récentes retiennent la leçon (oui, septième saison de Game of Thrones, je parle de tes scénaristes à toi !).

Les influences évidentes

Le parcours de l’exposition est essentiellement organisé autour des différents peuples imaginés par Tolkien et de quelques thèmes qui traversent toute son œuvre comme la Nature, la guerre, le Mal, l’héroïsme des petites gens, etc.

On y rencontre bien sûr la materia prima qui a été à l’origine de l’alchimie de son monde : les contes populaires, les nombreuses influences mythiques, depuis la Scandinavie au mythe arthurien, dont on apprend aussi qu’il a écrit une version personnelle plus noire centrée sur Arthur, Lancelot, Guenièvre et Mordred (note pour plus tard : mettre la main sur ce texte, que je suis très curieux de lire, moi dont l’imaginaire est fortement influencé par la Matière de Bretagne).

Ce légendaire Celte transparaît aussi dans ses réflexions sur la souveraineté, un thème aussi central dans l’épopée de la Table Ronde que dans les figures royales de la Terre du Milieu. Mais également sur la place de la femme, qui est le plus souvent une inspiratrice peu présente (Arwen) même si essentielle, à l’exception d’Eowyn, la combattante, lointain écho à Boudicca et aux Valkyries ? Ces échos sont renforcés par la présence d’objets issus de différents peuples de notre propre réalité (armes celtes, scandinaves, livres, joyaux).

On se plonge aussi dans la place que la Nature prend dans l’œuvre du professeur, à travers notamment les arbres et les Ents, ce qui a encore renforcé l’étonnement pour moi de réaliser le nombre d’influences communes à nos deux vies.

Les associations artistiques

L’un des grands mérites de l’exposition tient dans le rapprochement de productions de Tolkien lui-même avec des objets issus d’autres collections. Des objets qui ont parfois un rapport direct avec lui (des œuvres inspirées par son monde) mais parfois qui entrent simplement en résonances avec lui.

D’abord avec des illustrateurs qui lui sont contemporains ou qui furent même des amis pour lui (Arthur Rackham, Dulac, Gustave Doré), ou des peintres, notamment les préraphaélites, dont le mouvement artistique est tant imprégné de médiévalisme (Edward Burne Jones, Dante Gabriel Rossetti).

Toutes ces œuvres, tous ces objets, dont des bijoux art nouveau aux courbes et motifs naturels si proches de l’univers elfique, forment un dialogue harmonieux avec la création de Tolkien et son monde.

Le conteur

Tous ceux qui ont lu Bilbo savent qu’il fut au départ un conte destiné à ses propres enfants, mais cette facette de Tolkien le Conteur allait beaucoup plus loin puisqu’il leur envoyait chaque année des lettres écrites de la main du Père Noël, avec la complicité de son facteur. Toute une partie est réservée à cet aspect-là, cette passion des histoires dans laquelle beaucoup d’écrivains vont se reconnaître.

J’ai aussi trouvé très émouvant de pouvoir entendre sa voix. D’abord quand il parle de ce qu’il a écrit, mais aussi et surtout quand il fait la lecture de certains passages de ces œuvres, avec l’emphase d’un scalde. On peut ainsi entendre sa lecture en anglais du chapitre de la chevauchée des Rohirrim lors de la bataille des champs du Pelenor, ou le poème de l’Anneau Unique, en anglais et en parler noir du Mordor.

L’exposition

Vous avez compris, je vous encourage, si vous aimez l’univers créé par Tolkien, à faire le détour par cette exposition unique et certainement exceptionnelle.

Vous pouvez le faire jusqu’au 16 février 2020, à la Bibliothèque nationale de France.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Jeu de Rôle

Deux séries sur un thème : Anges & Démons, partie 2

Deux séries sur un thème : Anges & Démons, partie 2

Deux séries sur un thème : Anges & Démons, partie 2

En 2015, en pleine écriture du Choix des Anges, qui met en scène une version personnelle de ces créatures, j’ai écrit un petit article sur deux séries qui les illustraient d’une façon également étonnante. L’article est à ce jour le plus lu sur ce blog, ce qui m’a conforté dans l’idée que le sujet des anges et des démons nous fascine tous un peu.

Leur rôle d’intermédiaires entre les humains et leurs divinités leur accorde une place à part dans toutes les mythologies, et parle à la fois de notre nature imparfaite et de nos aspirations, de la difficulté d’être humain et de celle de s’affranchir de nos limites. De ce que l’on perd et de ce que l’on gagne dans le processus.

Tout naturellement, ces thèmes des êtres angéliques et des anges déchus, du bien et du mal, de l’illumination et de la tentation, de l’Apocalypse et de la Rédemption trouvent de nouveaux échos dans d’autres séries, et j’ai eu envie d’explorer un peu plus ce que quelques-unes de ces œuvres peuvent nous en raconter.

Cette fois-ci, je vais m’intéresser à quatre œuvres : Supernatural, dont la mythologie a rapidement tourné autour de la dualité entre des anges et des démons, Lucifer, dont le nom parle seul, Good Omens, sortie récemment et qui met en scène l’Apocalypse d’une façon humoristique, et enfin un petit ovni nommé Miracle Workers.

Je vais croiser ces œuvres et les précédentes entre elles le long de quelques idées qui semblent structurer fortement l’imaginaire évoqué par les êtres angéliques.Bienvenue donc dans la deuxième partie, quatre ans plus tard, de Deux (quatre, enfin six) séries sur un thème : Anges et Démons.

Les quatre séries de l’Apocalypse

Comme les quatre cavaliers du même nom, bien évidemment, elles montrent chacune un versant différent du thème des êtres angéliques, mais comme nous le verrons plus loin, elles incorporent toutes des ingrédients communs, même s’ils sont en proportions variables.

Supernatural

À tout seigneur, tout honneur, la série-fleuve Supernatural introduit dès son pilote un personnage de démon.

Elle suit les frères Winchester, Sam et Dean, élevés par leur père comme des Chasseurs (sous-entendu «de monstres») depuis le traumatisme de la mort de leur mère peu après la naissance de Sam, incinérée par le «Démon aux yeux jaunes», une créature des enfers dont les motivations et la traque vont constituer le fil rouge de la série jusqu’à la troisième saison. Alors qu’au départ il n’est question que de ce démon-là, incarnation du Mal dans ce qu’il a de plus absolu, les premiers épisodes s’attachent plutôt à des créatures surnaturelles mineures (fantômes, poltergeists, esprits vengeurs, ce genre de choses). Et puis rapidement, d’autres personnages récurrents sont introduits, qui font glisser les thèmes de la série vers l’affrontement éternel entre les forces de Bien et celles du Mal : l’Ange Castiel, le Seigneur des Enfers lui-même, Lucifer, l’Ange Déchu. Mais aussi Crowley, le Démon des carrefours responsable des pactes diaboliques. On y croise les Archanges Gabriel, Michaël, Raphaël, Métatron. On y fait connaissance avec toute une hiérarchie démoniaque.

Si la série traîne parfois en longueur, beaucoup d’épisodes sont de petits bijoux dans la réalisation, mais aussi dans l’autodérision. Les personnages de Sam, l’éternel torturé aux pouvoirs mystiques (est-ce pour cela que le Démon aux yeux jaunes s’est intéressé à lui au départ et a tué sa mère alors qu’il n’était qu’au berceau ?), et Dean l’hédoniste séducteur amateur de heavy metal sont très attachants, du moins jusqu’à ce que leur relation fraternelle à base de «je ferai tout pour te sauver y compris me sacrifier et sacrifier le monde, mais surtout ne fais pas la même chose c’est mal» ne tourne vraiment en rond. Au bout de la dixième saison de ce manège, j’avoue que cela lasse un peu, surtout quand chaque saison compte 23 épisodes… (et encore, la série comptera au final 15 saisons…)

Mais au-delà des deux frères Winchester et de leur «family business», ce sont deux personnages récurrents qui retiennent l’attention : Castiel et Crowley.

L’ange et le démon sont bien entendu opposés. Mais ils montrent tout au long de la série que la frontière entre le bien et le mal peut être très mouvante, voire floue et incertaine. Ils vont être tour à tour les alliés des Winchester, leurs adversaires, leurs ennemis, leurs amis, jusqu’à brouiller véritablement les cartes. Et l’un comme l’autre vont faire l’expérience d’un rapprochement avec l’Humanité. Castiel au sens propre puisque lors d’une saison entière, ayant perdu sa «Grâce» (le fluide qui le fait ange), il devient simple mortel et expérimente donc toutes les sensations des êtres humains : les plaisirs, la peur, la douleur, la souffrance, même, l’attachement, l’amour.

Crowley, lui, pour démoniaque qu’il soit, va tendre vers une sorte d’attachement, pas à l’Humanité, mais à sa relation avec les trois autres personnages, notamment à Dean. Pervers, cruel, il deviendra cependant l’ami des Winchester, au sens où même s’il s’en défend, leur survie lui importe beaucoup.

Il est dommage que le principal défaut de la série s’étende aussi à ces personnages : l’absence d’évolution. Tous les personnages retombent systématiquement dans leurs travers d’origine sans jamais apprendre de leurs erreurs. Comme s’ils étaient bloqués dans un jour sans fin, ou comme si leur archétype était immuable. Sam pleurniche toujours sans jamais changer de disque, Dean n’apprend pas à exprimer ses sentiments. Castiel continue à vouloir conquérir le pouvoir pour faire le bien et Crowley n’agit pas en cohérence avec les changements qui sont introduits dans les dialogues.

Cependant, si vous ne connaissez pas la série, je vous invite à la découvrir.

Vous y verrez que les scénaristes ont utilisé et détourné bien des concepts bibliques, de Lilith aux Néphilim, aux Chiens de l’Enfer, aux pactes.

Lucifer

J’ai découvert cette série alors que la quatrième saison n’allait pas tarder à sortir sur Netflix, après que la société de streaming ait sauvé le show de l’abandon par son diffuseur précédent. Et j’avoue que j’ai adoré, malgré des longueurs et là encore un manque d’évolution des personnages.

Au départ, le pitch m’a titillé.

Lucifer, Roi des Enfers relégué à ce rôle par Dieu après sa rébellion, décide un jour qu’il veut prendre des vacances, et quitte son trône pour venir de nos jours à Los Angeles et acquérir une boîte de nuit, le Lux. Il se retrouve alors à côtoyer l’Humanité de près plus encore qu’il ne le pensait quand il est obligé de faire équipe avec une inspectrice de la criminelle pour résoudre le meurtre d’une jeune femme à qui il avait accordé une faveur. Son Don de découvrir les désirs cachés, les plus sombres et inavouables des humains lui sera d’une grande utilité et l’incitera à prolonger sa collaboration pour assouvir son plus grand plaisir : retrouver et châtier les criminels. Ce sera aussi pour élucider le mystère de cette inspectrice, Chloe Decker, la seule humaine à résister à son pouvoir. Mais c’est sans compter avec Amenaediel, son ange de frère toujours loyal au tout puissant, venu le ramener jusqu’à son trône pour tenir les Enfers qui partent à vau-l’eau, et Mazikeen, la démone qui l’a accompagné jusque sur Terre et qui se languit des tortures qu’elle pouvait infliger aux coupables dans ses cellules infernales.

Heureusement, nous sommes à L.A., et Lucifer va trouver un allié de poids : sa psychiatre

Je ne suis pas particulièrement friand des séries policières (à part l’indétrônable Dexter) et celle-ci garde les défauts principaux du genre : un épisode lié à une enquête, des thèmes que l’on a l’impression d’avoir vus déjà traités dix mille fois dans d’autres séries et de la même façon surtout, les interrogations sur ce qu’est un bon flic ou un mauvais flic (version US, bien entendu).

Mais là ne réside pas l’intérêt principal, bien sûr.

Le tour de force est d’arriver à entremêler tout ceci avec les interrogations existentielles de Lucifer lui-même. De sa place dans le Plan Divin jusqu’à celle qu’il se choisit lui-même sur Terre, de sa réputation qu’il exècre autant qu’il en joue, de ses relations très ambiguës avec son frère Amenaediel ou sa garde du corps Mazikeen, de sa propre autodétestation. Chaque enquête est en effet l’occasion pour l’ex-Roi des Enfers de comprendre un sentiment, une émotion, une relation. Il se projette entièrement et totalement dans le «péché» illustré dans le crime qu’il doit commettre, et surtout dans sa contrepartie.

Et cela en dépit de sa propension à la luxure, voire au stupre.

D’ailleurs, il faut à tout prix voir la série en VO, car l’accent britannique de l’acteur principal est un véritable plaisir en soi qui ajoute un certain décalage en jouant sur l’image du dandy décadent «à la Oscar Wilde», lui-même cité par Lucifer comme l’un de ses amis/disciples.

La série montre un Satan bien humain, tout compte fait.

La troisième saison est très décevante sur ce point, car les 23 épisodes (plus 3 qui auraient dû se trouver dans la quatrième avant que Netflix ne reprenne le show, mais qui n’ont rien à y faire) font du sur-place. Le caractère de Lucifer reste bloqué à un stade enfantin qui rend le visionnage très pénible parfois, et l’univers en perd complètement sa crédibilité. Heureusement la quatrième saison reprend les codes qui auraient dû guider la série dès le début et nous offre un arc beaucoup plus biblique et moins puéril.

Lucifer illustre une image du diable comme celle d’un ange déchu, s’intéresse à l’une des raisons de cette Chute, le désir de liberté et d’indépendance, et à travers tous les excès et les inadaptations du personnage éponyme, aux relations que les Humains eux-mêmes peuvent entretenir entre eux et avec le monde divin.

Good Omens

Au Commencement, comme il se doit, était un livre. Un livre devenu culte, voire sacré, pour de nombreux geeks. Good Omens (De bons présages en français) est le fruit pas si défendu que ça de la collaboration entre deux monstres sacrés de l’imaginaire anglo-saxon : Neil Gaiman (créateur non seulement de Coraline, des comics Sandman, Death et de l’univers de American Gods, une autre série actuelle adaptée de ses propres écrits, mais aussi du personnage original de Lucifer dont nous parlions plus tôt dans cet article) et Terry Pratchett (auteur d’une saga parodique et satirique de fantasy autour de son univers devenu célèbre du Disque-Monde). Les deux compères, amis inséparables dans la vie, ont mêlé leurs deux approches très différentes pour créer un récit foutraque et jubilatoire autour de l’amitié de deux êtres célestes, l’ange Aziraphale et le démon (ange déchu) Crawley (oui, encore ce nom-là, avec un a et non un o, mais nous y reviendrons).

Car si Aziraphale et Crawley appartiennent à des camps ennemis, le Ciel et l’Enfer, ils partagent une passion commune : celle de l’Humanité. Entre l’amoureux des livres et des arts et l’hédoniste amateur de belles voitures, la coopération pour passer du bon temps sur Terre et éviter d’obéir aux ordres parfois cruels de leurs hiérarchies respectives va devoir prendre une tout autre ampleur, car ils vont être confrontés à un problème de taille.

L’Apocalypse approche.

Et on a perdu toute trace de l’Antéchrist, qu’ils étaient pourtant tous deux chargés par leur propre camp de surveiller étroitement, depuis que l’enfant démoniaque a été par erreur échangé le jour de sa naissance, 11 ans auparavant.

Ce n’est que grâce à l’intervention de la dernière descendante d’une longue lignée de sorcières, d’un apprenti chasseur de sorcières aux convictions vacillantes, et d’enfants de 11 ans, que l’Apocalypse pourra peut-être être évitée et que les Quatre Cavaliers, apparus sous la forme de bikers aux montures rutilantes, seront renvoyés au néant. S’il n’est pas trop tard.

Depuis la sortie du livre au siècle dernier, Terry Pratchett s’est donné la mort après s’être battu contre la maladie d’Alzheimer pendant des années, et Neil Gaiman a adapté récemment l’histoire sous la forme d’une minisérie de 6 épisodes diffusée par Amazon Prime Video, en la lui dédicaçant.

La série est restée fidèle au récit d’origine, en prenant bien sûr quelques libertés. On y retrouve le ton complètement déjanté, la satire, et cet humour décalé.

Miracle Workers

Petit dernier dans la liste des quatre cavaliers, Miracle Workers est une petite minisérie en 7 épisodes (symbolique de la Genèse oblige) très courts d’une vingtaine de minutes, déjantée elle aussi, se déroulant entièrement dans les locaux de Heaven Inc. Car oui, le paradis est une entreprise dédiée à la gestion de la planète Terre et de tous ses habitants, végétaux, animaux comme humains.

Le PDG, Dieu, est une sorte d’enfant gâté complètement immature et capricieux joué brillamment par Steve Buscemi. Un jour, sur un coup de tête, il décide de détruire la Terre pour se lancer dans un nouveau projet. Deux anges attachés à la planète bleue, Craig (Daniel Radcliffe, décidément excellent pour dénicher des rôles inattendus) et Eliza (Geraldine Viswanathan), officiant dans le très délabré et presque abandonné service qui exauce les prières, le convainquent d’annuler l’Apocalypse s’ils peuvent prouver que l’Humanité en vaut la peine. Pour cela, ils doivent réaliser une prière considérée comme un miracle impossible, faire tomber amoureux deux êtres humains, Sam et Laura.

Elle aussi adaptation d’un roman, la série n’égale pas Good Omens mais traite à la façon des soaps parodiques (comme Mariés deux enfants par exemple) le thème de l’Apocalypse et des Anges intermédiaires entre les humains et le divin. Il n’est pas ici question de démons, mais bien plutôt des interventions divines, des caprices de Dieu, de l’absurdité de la vie et des desseins incompréhensibles. Le parallèle avec le monde de l’entreprise est très réussi. Le tout avec peu de moyens techniques (les décors et effets spéciaux sont minimalistes), mais une évidente énergie.

L’absence de Dieu

La première référence commune de ces quatre séries, mais cela est valable aussi pour Dominion et Carnivale et même pour Sin Noticias de Dios dont je vous parlais en 2015, c’est le thème de l’absence de Dieu.

Après avoir créé le monde, le Divin, par essence incommunicable, ineffable, incompréhensible, se retire. Mais si les anges sont censés porter Sa parole aux humains et exécuter Sa volonté, que se passe-t-il lorsqu’eux aussi ont perdu tout contact avec Lui ?

Comme l’Humanité orpheline qu’ils sont sensés guider ou protéger, châtier ou tenter, les anges et les démons se retrouvent sans véritable but. Ils doivent, comme l’Humanité, trouver leur chemin en imaginant ce que Dieu aurait voulu pour eux. Dieu ou le Diable.

Il est frappant de constater que sur toutes ces séries, et dans Sin noticias de Dios dont c’est le thème principal, le Créateur est absent, perdu, disparu, ou tout simplement si inconséquent qu’il en devient inexistant. Dans Miracle Workers, il est même à l’origine de tout ce qui pose problème aux anges comme à l’Humanité, avec son immaturité et sa conduite égocentrique.

Le Grand Plan Divin n’est alors qu’une idée abstraite dont même les êtres angéliques n’ont qu’une approximation floue. À tel point que les anges peuvent se déchirer entre eux (Supernatural voit plusieurs factions se créer chez les Enfants de Dieu), s’écarter de la bonté (dans Dominion ils vont même jusqu’à imposer un ordre strict aux humains), précipiter l’Apocalypse sans vraiment trop savoir pourquoi à part que c’était prévu (Good Omens), ou s’égarer parmi les Hommes (Amenaediel dans Lucifer).

Les démons, quant à eux, n’existent finalement que pour obéir au Premier Ange Déchu, et lorsqu’il s’absente de l’Enfer comme dans la quatrième saison de Lucifer, c’est la panique.

On assiste alors à un renversement des rôles à plusieurs niveaux.

Les anges qui devaient guider les Humains viennent expérimenter les affres et les délices du Libre Arbitre et de l’indépendance. Ils doivent trouver leur voie, individuellement, alors qu’ils sont parfois pris dans le délire de leur mission, ou de leur devoir collectif. S’écarter du troupeau, comme le font Castiel ou Amenaediel, devient suspect. Ils sont donc voués à se confronter à la tentation du totalitarisme, de la guerre civile, du fratricide.

Parfois, ils doivent se rebeller contre les plans de Dieu et sauver l’Humanité malgré sa sentence (Miracle Workers), prenant de facto la place dévolue traditionnellement aux Anges déchus, c’est-à-dire aux démons. Le discours individualiste, si proche de l’idée de libre arbitre, réhabilite l’image de Lucifer, celui qui osa mettre en doute l’infaillibilité du Dessein divin, qui osa surtout rêver d’un destin choisi par ses seuls désirs, sa seule volonté. Et ce alors même que les démons ne sont pas même mis en scène dans Miracle Workers.

Les démons qui ne sont d’ailleurs pas plus à la fête, car en l’absence de Dieu comme en l’absence du Diable, quel est leur rôle ? Tenter l’Humanité, jouer sur ses peurs, ses désirs et sa corruption, c’est bien, mais pour quoi faire ? Collecter des âmes ? Oui, mais au final, ça sert à quoi ? Crowley dans Supernatural finit par s’ennuyer profondément. Il lui faut un adversaire. Il lui faut la Lumière pour projeter son Ombre. Alors le combat éternel, jusqu’à provoquer l’Apocalypse (Good Omens), et ensuite ?

Si Dieu n’est plus, qu’est-ce qui donne sens à tout cela ?

Les Humains deviennent alors les professeurs de tout ce monde-là.

Abandonnés par Dieu presque depuis leur création, ils ont l’expérience, et même une certaine sagesse (la relation de Dean et de Castiel montre bien que le premier devient l’initiateur du deuxième) dans leur façon de vivre. De Chloe Decker à la sorcière de Good Omens, de Dean à Sam et Laura, ce sont bien les êtres humains qui ont les clefs de tout.

L’absence de Dieu force les anges et les démons à devenir adultes, et l’on nous montre comment les enfants grandissent, font des erreurs, parfois tragiques, comment ils apprennent à apprivoiser leur propre liberté, leur propre indépendance. Ils font des choix et en assument les conséquences. Sans la protection du Père Tout Puissant, il arrive même qu’ils fassent le Bien sans le vouloir (Crawley dans Good Omens) ou le Mal avec de bonnes intentions (Castiel, Amenaediel).

Toutes ces œuvres se rejoignent sur ce point : les êtres angéliques ou démoniaques apprennent que la vie n’est ni toute lumière ni ténèbres profondes, mais seulement affaire de choix, de compromis et de conséquences inattendues qu’il faut bien assumer.

Être humain

D’ailleurs, l’un des enseignements principaux que vivent les anges comme les démons dans ces séries est celui de la nature humaine.

Tous les personnages angéliques de ces séries, à un point ou un autre de leur évolution, doivent affronter l’essence même de ce que veut dire être humain, doivent l’expérimenter, en goûter tous les bonheurs et en souffrir toutes les conséquences, jusqu’aux plus déplaisantes.

Sur ce plan, le cheminement de Castiel dans Supernatural est le plus réussi, car le plus complet.

Ayant perdu sa Grâce, il devient simple Mortel et endure la douleur physique, les blessures, la faim, la soif, les besoins physiologiques d’élimination et d’excrétion de la matière, la perte et le chagrin. Il a perdu avec ses ailes le pouvoir de se déplacer instantanément d’un point à l’autre du globe terrestre et doit donc recourir à une voiture ou marcher, ce qu’il trouve épuisant. Il a perdu également la possibilité d’entendre ses anciens congénères angéliques, sa force et ses capacités de guérir les autres miraculeusement. Et pourtant, il découvre le plaisir de la nourriture et du goût, de l’amour physique, du réconfort, de l’amitié. Il apprend la méfiance, il apprend à mettre à l’épreuve la compassion qui lui était naturelle en sachant véritablement ce qu’est la souffrance ressentie par l’autre. Il voit tout un monde s’ouvrir à lui, qu’il ne considérait que comme lointain et peu digne de lui auparavant.

Crowley, plus ancré dans la chair, connaît la douleur et les plaisirs, puisque dans la mythologie de Supernatural, les démons sont d’anciens humains dont l’âme est passée par l’enfer pendant des siècles et une fois pervertie par les souffrances qu’elle y a vécu, se transforme en pure force maléfique. Pourtant, dans quelques épisodes de la saison 8 ou 9, Crowley est bien près de redevenir humain, et redécouvre la compassion, lui aussi.

Lucifer, dans son périple américain, ne fait pas que distribuer des faveurs et se vautrer dans la luxure. Il apprend surtout à reconnaître et à accepter les émotions humaines. Jalousie, attachement, loyauté, remords, pardon, envie, abandon, etc. L’intervention de la psychiatre la plus malchanceuse de l’univers est d’ailleurs une excellente idée pour cela.

Amenaediel lui aussi perd ses ailes et ses pouvoirs pour un temps devenir Mortel et expérimenter la nature humaine, ce qui le mènera à comprendre le véritable sens de la compassion. Ce qui d’ailleurs, pour tous ces anges, ressemble plutôt à de l’empathie, la capacité à imaginer ce que l’autre peut ressentir.

Aziraphale et Crawley, eux, sont d’emblée présentés comme des originaux parmi leurs espèces, car déjà «contaminés» par une trop grande proximité avec la nature humaine. Ils sont précieux (Aziraphale) ou hédoniste (Crawley), et finalement attachés à des symboles matériels qui parlent de leur amour de l’Humanité : livres ou automobile, plantes vertes ou bonne chère.

Craig et Eliza ont été humains avant d’être anges, dans une exacte symétrie par rapport aux démons de Supernatural. Chaque âme humaine devient un ange chez Heaven Inc., pour être assignée à un service en particulier et continuer à faire tourner l’entreprise. Mais il s’agit bien d’âmes humaines, et leur expérience des désirs et espoirs, des besoins et des aspirations matérielles va leur être plus que nécessaire pour sauver le monde de l’Apocalypse.

Le mythe Prométhéen

Si les anges et les démons apprennent beaucoup des humains, l’inverse est également vrai.

Le vieux thème de Prométhée qui vola le feu aux Dieux pour le confier aux Hommes au mépris de sa propre vie (pour ce forfait il sera puni d’un éternel tourment) n’est pas abandonné par l’imaginaire de ces séries.

L’ange peut ainsi être le recours des Hommes contre la colère de Dieu comme dans Dominion ou contre l’Apocalypse (Aziraphale essayant d’empêcher les siens de se lancer dans une guerre destructrice pour l’Humanité, Craig et Eliza).

Mais il peut aussi être l’initiateur, celui qui permet aux potentialités humaines de s’exprimer. Le personnage de Lucifer reprend ainsi le concept du pacte en lui redonnant ses couleurs d’origine : comme Prométhée, l’ange déchu «Porteur de Lumière» (puisque telle est la traduction du latin lucis-fer) donne le coup de pouce nécessaire à la réalisation d’une tâche, les moyens de s’affranchir du destin, le feu qui manquait. Il y a une contrepartie, mais ce n’est pas le nouveau Prométhée qui la paye en acceptant de se sacrifier, c’est bien l’être humain qui donne quelque chose. Et ici, il ne s’agit pas de son âme, mais d’un simple service en retour. Un échange de bons procédés.

Exactement comme Crowley au début de la série Supernatural, lorsqu’il est un démon de moyenne importance spécialisé dans les transactions avec les humains. Lui collecte bien les âmes, par contre, et le prix est démesuré. Mais plusieurs épisodes de la série sont basés sur cet échange transactionnel, sur la métaphore de ce que l’on doit sacrifier pour accéder à un pouvoir ou à une illumination.

Son homonyme (à la lettre près) Crawley dans Good Omens s’amuse à susciter chez les humains les plus bas instincts, et finalement, ce comportement n’est que le dévoiement de l’illumination prométhéenne.

La ressemblance de sonorité n’est d’ailleurs pas fortuite. Crawl en anglais c’est ramper (et c’est pourquoi en français, Crawley est traduit par Rampant, puis Rampa pour «faire plus moderne» comme dirait le démon en question) et ce n’est pas un hasard si Crawley est dépeint comme le serpent tentateur de la Genèse. Comme Crowley et ses pactes. Comme Lucifer et ses «services».

Quand les anges, sensés être intercesseurs entre Dieu et les Hommes, n’ont plus de supérieur, ce sont les démons qui deviennent les interlocuteurs privilégiés des humains.

Et leur tradition de rébellion montre la voie.

Pas si facile d’être The King of Hell

Et pourtant cette voie n’est pas particulièrement plus facile que celle de la soumission des anges.

Pour Lucifer, son éternelle rébellion contre son divin père occupe toutes ses pensées, au point de déclencher l’Apocalypse dans Supernatural, ou de le rendre malade dans Lucifer (heureusement que sa psychiatre est là). Les conséquences sont dans les deux cas potentiellement désastreuses (elles ne se verront que dans la quatrième saison pour Lucifer). Et Crawley doit se garder des concurrents dont l’aspect et les manières sont aussi repoussantes pour lui que pour nous.

Mais pour les démons, les vrais, qui ne sont pas des anges déchus, leurs luttes intestines permanentes pour le pouvoir les accaparent presque autant que leurs manigances pour semer le chaos.

Ils sont incapables de s’entendre sauf si une hiérarchie stricte et une terreur presque mythologique ne les gardaient pas dans le «droit» chemin. Ce qui est le rôle du Roi des Enfers, titre que Crowley aime à se donner et que Lucifer porte à contrecœur.

C’est que finalement, tous anges déchus ou démons pleins de malice soient-ils, ils ont aussi des responsabilités. Faire tourner la boutique de l’Enfer, garder les démons dans le rang, éviter de les voir s’autodétruire, éviter de se faire détruire par eux ou de perdre sa place (ce qui la plupart du temps revient au même).

La liberté si chère à Lucifer a donc son pendant : la responsabilité, et le dernier épisode de la quatrième saison répond assez bien à ce dilemme très humain.

Apocalypse maintenant ?

Toutes ces séries mettent également en scène une forme d’Apocalypse, de Fin du Monde, et je me demande si ce thème n’est pas aussi inspiré par les peurs qui sont dans l’air du temps. Et à chaque fois, dans ces séries, ce sont les êtres humains qui ont le pouvoir d’empêcher la destruction finale. À chaque fois ce sont des humains qui ont le pouvoir de tout changer entre leurs mains.

Pas des anges, pas des démons.

Uniquement des humains.

Je ne sais si ce motif récurrent est un signe de nos préoccupations actuelles ou simplement parce qu’il est plus intéressant que les véritables héros soient ceux qui nous ressemblent le plus, c’est-à-dire des humains.

Parce que les anges et les démons sont ici présentés comme nos miroirs déformants.

Ils sont aussi immatures et patauds, aussi cruels et naïfs, aussi désabusés et pleins de bonnes volontés que nous.

Ils sont tiraillés entre le Bien et le Mal, comme nous.

Ils n’ont plus de guide, comme nous en Occident.

Ils sont des enfants, tout juste des adolescents, et essaient de se conduire en adultes, assument ou tentent d’assumer leurs actes, leurs erreurs, leurs fautes.

Mais ce sont bien les humains qui tranchent. Pas des êtres à moitié humains.

Parce que la grande différence réside là : dans ces séries, les anges et les démons sont inachevés, incomplets.

Seuls les humains ont toute la palette des potentialités.

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