Être éclectique au XXIe siècle, ou comment prendre à rebrousse-poil tous les conseils marketing sur son blog

par Fév 16, 2020L'encre & la plume, Le Serpent à Plumes2 commentaires

«Il est chouette, ton blog… je relaierais bien quelques articles. Dommage que des écrits sur le soin côtoient d’autres sur le jeu de rôle et encore d’autres sur la littérature. Ce mélange des genres ne fait pas vraiment sérieux.»

La remarque était bienveillante et, après en avoir discuté avec l’auteur, avait pour but de déplorer le peu de fréquentation de cet espace virtuel au regard de son intérêt, d’y trouver une explication, et de m’aider donc à conquérir un lectorat plus nombreux. Une bonne intention, donc.

Et c’est vrai. Ce blog n’a pas d’autre ligne éditoriale, comme on dit dans le journaliste ou les maisons d’édition, que mon bon plaisir et mon intérêt pour certains sujets, sans se soucier d’instaurer une thématique unique qui permettrait à coup sûr d’identifier à l’avance de quoi va traiter le prochain article. Il n’y a ici d’autre cohérence que cette multiplicité d’intérêts, justement. Cette curiosité pour des sujets variés.

Cela dit, en creusant bien, on pourrait certainement dénicher un fil rouge : cet espace traite la plupart du temps de ma passion pour les histoires, les contes, la fiction. Et parfois s’y invitent cependant des sujets sans aucun rapport. Sur mon métier, qui n’a pas vraiment de lien direct avec la fiction… quoique, comme dirait Raymond Devos… Les histoires des vies qui se succèdent dans mon cabinet médical pourraient parfois nourrir nouvelles, romans et séries… D’autres médecins d’ailleurs, ont entamé leur carrière littéraire par ce biais-là, tel Martin Winckler. Ce ne serait pas déshonorant pour moi. Sauf que je n’ai pas envie d’écrire sur mon métier, d’en faire un objet de fiction. Je peux m’en servir dans l’écriture de mes propres intrigues, pour leur instiller vraisemblance par exemple, ou parce que cela peut servir le récit (j’ai en tête l’une des explications cliniques des symptômes qui accompagnent l’exercice de la magie par l’un des héros de Rocfou, ou bien une scène d’accouchement en Égypte antique du deuxième millénaire avant Jésus-Christ dans Sur les genoux d’Isis, un roman qui verra peut-être le jour dans quelques années). Mais la médecine n’est pas mon sujet en tant que telle.

Et par conséquent, mon blog peut donner l’impression d’un joyeux capharnaüm.

Ce qui peut être l’une des explications, parmi une multitude d’autres, de son audience confidentielle (pour l’année 2019, en moyenne 458 visites mensuelles, soit un peu plus de 15 par jour) si l’on écoute les conseils avisés des gourous du blogging.

Car si vous avez déjà traîné vos guêtres du côté des sites spécialisés dans l’activité qui consiste à expliquer comment écrire des articles pour attirer le plus de lecteurs sur votre blog1, l’un des premiers conseils que vous allez lire sera celui-ci : trouvez votre niche, le sujet que les gens ont envie de lire, et tenez-vous-y, n’y dérogez surtout pas.

En gros, un blog doit aborder un thème et un seul (sous-entendu : pour avoir du succès).

Autant dire qu’en effet d’écaille & de plume dénote…

Sauf que.

Sauf que cette injonction de spécialisation me déplaît fortement. Elle est même aux antipodes de ce que je suis.

Aux antipodes de ce que j’aimerais voir devenir le monde.

Et c’est cette vision du monde et ce regard que j’aimerais partager avec vous dans cet article.

Le monde (du blog, mais pas que) tel qu’il est

Pour comprendre à quel point le modèle que j’ai envie de promouvoir sur ce site est éloigné du modèle dominant sur la Toile, il faut commencer par brosser le portrait de ce qu’est cette norme, justement. Laissez-moi donc vous faire découvrir les travers de la blogosphère, en précisant d’emblée qu’il existe, bien heureusement et bien évidemment, de nombreux blogs qui ne suivent pas cette tendance sur tous les points, même si Google et Google Analytics sont très (trop) largement répandus, hélas.

Il est aussi entendu que je vais parfois un peu pousser le trait, cela seulement pour montrer la logique sous-jacente.

La suprématie du moteur de recherche

Dans les années 2010, et depuis longtemps, trouver un site internet ou un blog pour la première fois passe dans 90 % des cas par une requête sur un moteur de recherche. Au hasard, et même s’il a maintenant des concurrents2 qui commencent à prendre de l’ampleur… Google.

Depuis des années, ce moteur a écrasé les alternatives, qui sont devenues marginales, jusqu’à imposer son propre modèle à l’ensemble du web, et en dicter de nombreuses caractéristiques actuelles. L’histoire des moteurs de recherche internet est déjà riche bien que jeune, et vous pourrez comprendre en lisant cet article ou même celui-ci, comment Google est arrivé là où il en est.

À la fin de l’histoire (du moins la fin jusqu’à maintenant), c’est donc Google qui domine. Les robots et autres crawlers ne sont certes pas son apanage, et le règne des algorithmes n’est pas seulement de son fait, mais c’est son algorithme qui détermine de fait la politique de visibilité de presque tous les sites existants.

Car le problème essentiel des sites internet, c’est la visibilité. Comment, en effet, trouver son public, son lectorat, alors qu’il existe des milliards de sites et de blogs ? Et pour l’internaute perdu dans la vaste étendue des océans numériques, comment trouver la perle rare ?

Nous avons déjà parlé des flux RSS et des webrings dans un précédent article. Il y eut aussi des annuaires web, des portails qui permettaient d’indexer les sites sur une base volontariste.

Mais ce sont bien les moteurs de recherche, avec leurs algorithmes et leurs robots, qui ont permis de faire avancer le recensement du web à une vitesse fulgurante.

Et la recherche a commencé à se faire à l’aide des fameux mots-clefs, ce que l’on appelle les métadonnées, des balises décrivant le sujet du site ou du blog, le sujet de l’article, son titre, son auteur, etc. Autant d’étiquettes qui permettent de détailler réellement le sujet dont il va être question. L’algorithme compare ces métadonnées avec la phrase de requête, et classe les résultats en fonction de la pertinence de chacun par rapport à la demande initiale de l’internaute.

Premier écueil : comment déterminer la pertinence d’un résultat ? Vous avez certainement comme moi été surpris de constater que le langage naturel n’est pas forcément bien compris par les moteurs de recherche, et qu’il fallait parfois chercher longtemps avant de trouver un site qui convienne à votre demande.

La deuxième question qui se posa ensuite fut la présentation des résultats trouvés par ces algorithmes. Sur des requêtes simples, des millions de résultats de pages internet peuvent facilement avoir été considérés comme pertinents par le moteur. Laquelle ou lesquelles de ces pages privilégier ? Celle qui est considérée comme «plus pertinente» ? On a vu que cela pouvait être hasardeux. Celle qui a le plus de popularité ? C’est le principe même de Google.

Et ce sont donc les sites qui sont considérés par les utilisateurs eux-mêmes comme pertinents qui sont mis en avant par Google. Mais comment ? Tout simplement en se basant sur le principe qu’un site aura plus de visites s’il répond à une demande. En somme, les plus gros sites, les plus populaires, remportent la mise et se voient présenter dans les dix premières places du listing des résultats de votre recherche.

Et ça marche. Je veux dire que cette méthode permet en effet dans de très nombreuses situations de trouver l’information que vous recherchez. Mais dans certains cas, cela peut quand même avoir quelques inconvénients, dont le principal est simple : plus vous aurez de visiteurs, plus vous aurez de chances d’en avoir.

La course à l’audience

Que les choses soient claires : écrire un blog et clamer ne pas vouloir être lu par la terre entière n’est pas une position tenable ni même simplement crédible. Nous voulons tous que notre blog affiche des millions de vues par jour. Ce n’est pas du narcissisme. C’est le même principe de partage que celui qui pousse un écrivain à publier ses écrits, un peintre à exposer ses toiles, un cinéaste à chercher à ce que son film soit distribué dans le plus de salles de cinéma possible.

C’est le propre d’un moyen d’expression que d’être destiné à un public. Le plus large possible.

Tendre vers toujours plus de visibilité et toujours plus de public est donc logique.

Le classement des résultats sur une recherche Google est tel que les dix premiers sont souvent les seuls visités réellement par les internautes à la recherche d’une information précise (je n’ai pas les chiffres sous la main). Et comme nous l’avons évoqué plus haut, Google donne une prime à ceux qui ont déjà beaucoup de visites. Cela entraîne mécaniquement une course à l’audience, les sites ayant le plus de fréquentation étant jugés plus pertinents, donc mieux exposés, et donc récoltant plus encore d’audience.

Ce qui semble intéressant si l’on recherche une recette de charlotte aux fraises : on va forcément la trouver. Mais on va trouver la recette la plus populaire. Peut-être celle qui statistiquement aura le plus de chance de plaire à ses convives. Mais peut-être va-t-on passer à côté d’une pure merveille gustative qui sera mal notée par Google…

Si l’on rajoute à cela la course aux likes et aux retweets venue des réseaux commerciaux, on comprendra que la mesure d’une audience d’un site est devenue le Graal, l’alpha et l’oméga, la pierre fondatrice du web des années 2010 (en attendant de voir ce que cela deviendra dans les années 2020 que nous venons d’aborder).

Mais puisque tout le monde va trouver la fameuse recette de charlotte aux fraises mise en avant par Google sur le premier résultat, la deuxième recette, celle qui est perdue dans les tréfonds du classement, n’aura que peu de chance d’être même essayée. Et tout le monde fera la charlotte aux fraises de la même manière, sans chercher à aller plus loin.

Alors pour éviter cela, bien sûr, il existe des moyens d’influencer l’algorithme de Google, de jouer avec lui, de le tromper, parfois. Dans le but de faire plus d’audience. Et de participer à cette course à l’échalote (aux fraises ? Bon d’accord je sors).

La SEO

Oui, je dis bien la SEO et non le SEO, comme tous les gourous le répètent à l’envi.

Car que je sache, dans Search Engine Optimization, ou Optimisation pour les Moteurs de Recherche, le mot optimisation est bien féminin, en français…

Et maintenant que Maître Capello a glissé son grain de sel dans la conversation, mon exposé peut reprendre.

Il existe, disais-je plus haut, des moyens de ruser avec l’algorithme de Google.

Ces moyens sont regroupés dans la discipline marketing de la SEO.

Discipline complexe, elle vise à optimiser le placement du site dans les résultats de Google (puisque c’est le dominant) en jouant sur tous les paramètres connus de l’algorithme du moteur de recherche. Je dis bien connus, car l’algorithme est le secret le mieux gardé de l’entreprise, donc personne n’a de certitude… même si.

Si vous avez parcouru la page mise en lien sur les explications de Google quant au fonctionnement de son moteur, vous avez pu voir que de nombreux paramètres peuvent influencer la façon dont il va présenter votre site. S’il est optimisé pour les appareils mobiles, il aura plus de chances d’être haut dans le classement que s’il ne l’est pas, par exemple.

Il y a donc toute une série de manipulations possibles à effectuer sur un blog ou un site pour «forcer la main» de Google et vous «propulser» plus haut dans la liste des sites recommandés par le moteur de recherche.

Des dizaines, voire des centaines d’articles vont vous expliquer comment optimiser votre site. Certaines de ces optimisations sont bienvenues (vitesse de chargement des pages, accessibilité, sécurité), mais d’autres m’ont toujours fait dresser les cheveux sur la tête (pour ne pas dire l’inverse, qui est carrément inconfortable).

On vous expliquera par exemple, entre autres conneries billevesées comment bien rédiger un titre, avec si possible le fameux «les x façons de savoir comment les articles de SEO vont faire ressembler le vôtre à un inventaire à la Prévert auquel on aurait retiré toute poésie». On vous expliquera aussi comment rédiger votre texte (non, pardon, votre contenu, pour parler comme il faut). Si possible en se contredisant : beaucoup vous diront qu’il faut privilégier les articles courts et écrire moins de 600 mots (autant dire que sur d’écaille & de plume je dois être classé comme bavard, voire verbeux par l’algorithme), mais environ le même nombre vous dira que finalement, plus de 2000 mots c’est mieux. Et qui a raison ? Personne ne le sait.

Et je ne mentionne même pas les conseils sur le vocabulaire à utiliser (pas trop compliqué, surtout)…

Au final, cela revient à changer votre façon d’écrire dans le but d’augmenter votre référencement.

Donc, pour aller au fond des choses : d’écrire dans le but d’avoir plus de visites, donc d’écrire ce que les gens ont envie de lire, et pas ce que vous avez envie d’écrire vous-même. D’écrire de façon standardisée.

Au temps pour la promotion de l’individualité et de l’originalité.

Google Analytics, comment transformer un blogueur en espion numérique

Google a donc créé Analytics, un code (javascript pour les geeks qui sont parmi nous) à insérer dans certaines parties de votre site pour créer des cookies (les fameux cookies) permettant de suivre à la trace le comportement de chacun des visiteurs de votre site. Dans les moindres détails.

Ce code, installé sur presque tous les sites, car fortement conseillé et poussé en avant comme étant un indispensable plus dans la gestion de votre vitrine numérique, espionne en réalité purement et simplement votre audience.

Grâce à lui, vous pouvez savoir (liste non exhaustive) : tout sur l’appareil qu’a utilisé un visiteur en particulier pour surfer sur votre site (marque, taille de l’écran, résolution de l’écran, navigateur internet utilisé), tout sur l’emplacement du visiteur lui-même (continent, pays, région, ville, adresse IP), tout sur le moyen utilisé par le visiteur pour arriver jusqu’à votre site (adresse du site qui l’a redirigé vers vous, requête complète utilisée sur le moteur de recherche, réseau social éventuel), tout sur le comportement qu’il a eu sur votre site (la première page consultée, les pages suivantes éventuelles et dans l’ordre, son temps de lecture de vos articles, le temps pendant lequel il est resté sur votre site, sur quels liens il aura cliqué, les sujets qui l’auront intéressé ou pas).

Il permet aussi de croiser toutes ces données entre elles et avec d’autres encore, pour trouver l’âge ou la tranche d’âge de chaque visiteur, son sexe, ses centres d’intérêt.

Tout cela vous abreuvera ensuite de statistiques sur votre lectorat, ses habitudes, les articles qui chez vous fonctionnent le mieux, etc.

Objectif affiché : vous permettre de mieux connaître vos visiteurs et d’adapter votre contenu à leurs besoins.

Ce qui est étonnant, c’est qu’Analytics ne choque personne. Tout le monde trouve normal de suivre à la trace les gestes de ses visiteurs… Et bien pas (plus, en fait) moi.

La mesure d’audience sert à quoi, au final ?

Dans le cas d’un petit site comme le mien, à me rassurer sur le fait d’être un peu lu. Et cela, une extension simple et non intrusive comme Jetpack de WordPress peut très bien le faire. Grâce à elle je sais à peu près quelle est mon audience, mais je ne la détaille pas comme un statisticien de chez BVA. Parce que ça ne me sert à rien. Je le sais, j’ai traîné sur les statistiques d’Analytics pendant de longues sessions… et je n’ai rien appris de concret sur ce que ça allait apporter à mon site de savoir quelle était la tranche d’âge de mes visiteurs. J’ai donc fermé mon compte Analytics et supprimé le code sur mon blog. Ce qui accessoirement a aussi libéré mon lectorat de cookies intrusifs…

Dans le cas d’un plus gros site, j’ai du mal à voir ce que cela apporte vraiment.

L’omniprésence de la publicité

Cependant, si beaucoup sont obnubilés par leur classement Google et par l’engagement de leurs visiteurs, c’est surtout parce qu’il y a un enjeu financier à la clef.

Le monde fonctionne grâce et malgré l’argent. Internet ne fait pas exception.

Je parle surtout du fait que créer, héberger, maintenir un site ou blog, sont des activités qui ont un coût. Pour rentabiliser ce coût, ou simplement pour l’amortir, on peut être tenté par la publicité, véritable cancer du net.

Plus votre site va être visité, plus la régie publicitaire va engranger de clics, plus vous serez payé. Vous rentabiliserez votre site.

Personnellement, je ne supporte plus la moindre publicité sur un site internet tant j’en ai été abreuvé durant des années, à grands coups de bannières clignotantes flashy, de boutons qui apparaissent sans crier gare, de fenêtres intempestives qui surgissent comme un diable de sa boîte.

Là encore, comme vos cookies publicitaires auront ciblé votre visiteur, on va lui proposer des publicités en rapport avec son historique de visites. Il est donc plus intéressant que vous ayez une niche bien déterminée, afin de pouvoir nouer des partenariats plus intéressants financièrement.

Il me semble plus sain de construire un véritable site vitrine, qui affiche ce que l’on vend, comme celui d’Aemarielle, par exemple, que je vous conseille de visiter.

Là, au moins, les choses sont claires et le visiteur n’est pas trahi.

La fragmentation du monde

L’un des paramètres les plus pervers mesurés par Google et consorts pour déterminer la pertinence d’un site conduit à considérer qu’il ne doit avoir qu’une thématique, ou du moins doit avoir une seule thématique principale. C’est en tous les cas le conseil que vous trouverez dans tous les articles traitant des «x règles à suivre pour faire de votre site un succès».

Comme le moteur de recherche tente de déterminer la pertinence de votre site, il va se fier à des recommandations. Celles des sites déjà reconnus comme spécialisés dans le domaine de la requête de l’internaute seront très fortement mises en valeur, comme vous avez pu le lire dans les liens précédents.

Ce qui est assez vertueux sur le principe d’un groupe de pairs. Les spécialistes du domaine vous recommandent, vous êtes donc utile et votre site pertinent.

Mais là encore c’est le chiffre qui pose problème. Car Google part du principe que plus vous avez de recommandations par des sites plus importants dans le domaine, et plus vous êtes pertinent. Il vous faut donc obtenir un grand nombre de recommandations par vos pairs. Et cela n’est atteignable que si vous publiez beaucoup d’articles dans le domaine en question.

Donc cela encourage de fait des sites monothématiques.

Okay.

C’est efficace, c’est vrai, pour trouver une information en particulier. Il faut reconnaître que ça marche. Sinon, nous n’utiliserions plus de moteurs de recherche.

Mais j’y vois juste un corollaire qui me déplaît.

Le web se transforme en une infinité de sites traitant chacun d’un sujet en particulier, et un seul si possible.

Comme si chaque domaine devait se traiter indépendamment de tout le reste.

En poussant le trait à fond, cela signifie que chaque domaine sur le net va creuser son sillon sans faire de lien avec d’autres sujets. Un comble quand on songe que le principe même du net, c’est le lien hypertexte !

Le système promu par Google nous incite de fait à voir le monde avec des œillères, en prenant chaque activité humaine isolément. Il pousse à se spécialiser de plus en plus.

Mais comment faire pour voir la globalité du monde ? Comment appréhender sa complexité croissante ?

En suivant la logique de cette façon de voir, l’internet, mais en fait et surtout le savoir humain, devient un kaléidoscope si inextricable que plus personne ne pourrait en dégager une vue d’ensemble. Sauf peut-être une machine. C’est peut-être le véritable but poursuivi, d’ailleurs, puisque je rappelle que Google est très impliqué dans les recherches sur l’intelligence artificielle et sur d’autres thématiques orientées vers le transhumanisme.

Une vision bornée de la vie

Au final, l’internet des années 2010 est orienté dans une direction qui promeut les statistiques de visite, la catégorisation des visiteurs, la spécialisation toujours plus grande, et partant de là une vision un peu bornée du monde et de la façon de l’envisager.

Une vision du monde où il n’est pas sérieux de présenter un article sur le jeu de rôle à côté d’un article sur l’évolution du système de santé en France.

Mais pourquoi cela ne serait-il pas sérieux ?

Deux réponses me viennent à l’esprit.

D’une part on peut considérer que le jeu de rôle est une activité qui n’est pas sérieuse. C’est vrai, quoi, ces grands enfants à peine responsables (au passage, les quadras qui jouent avec moi ont tous des métiers à responsabilité) qui jouent aux cow-boys et aux indiens… enfin, à l’Empire et la Rebellion… ou au Gondor et au Mordor… ils ne peuvent pas être sérieux, et on ne mélange pas du jeu à de la réflexion. Et bien j’ai envie de dire : perdu ! Le jeu est une façon de voir les choses sous un autre angle. De découvrir d’autres façons de faire. D’y réfléchir ensuite. Du moins cela peut l’être.

D’autre part ne sont considérées comme sérieuses par notre société que les personnes qui choisissent une voie sans jamais la quitter, et surtout sans jamais voir ailleurs. On prend pour postulat que maîtriser un sujet interdit forcément de s’intéresser en profondeur à d’autres.

Je soutiens le contraire.

Le monde (du blog, mais pas que) tel que je le conçois

L’exposé qui précède a peut-être été un peu long, mais il me semblait nécessaire pour montrer à quel point la spécialisation était non seulement ancrée dans nos représentations mentales, mais aussi encouragée par l’organisation actuelle des moteurs de recherche.

Or, à mon sens, les sites les plus intéressants ne sont pas forcément ceux qui creusent le même sillon depuis leur naissance (il y en a de très bien et très riches, cependant) mais bien ceux qui mettent en lien les divers domaines du savoir et des activités humaines, ou qui tentent de mettre en perspective leur thème de prédilection avec ces autres domaines. Tel Cosmo Orbüs par exemple, qui explore notre société à travers des productions artistiques et culturelles mais aussi une réflexion de fond sur le transhumanisme, nourrie parfois par des moyens surprenants (comme le jeu de rôle, au hasard).

Voilà donc maintenant venu le temps de présenter mon manifeste pour un éclectisme du XXIe siècle.

Une vision « holistique » de la vie

Il me semble évident que chaque être humain est potentiellement impliqué dans de nombreux domaines et de nombreuses activités. Nous avons tous plusieurs facettes. Nous pouvons être enfants de nos parents, parents de nos enfants. Nous pouvons être un conjoint, une amante, mais également une amie, une professionnelle d’un domaine, un passionné d’un autre domaine. Tout cela à la fois et en une seule personne. Nous pouvons être médecins et devoir bricoler une étagère. Nous pouvons être ingénieurs et aimer cuisiner. Nous pouvons être chaudronniers et passionnés de culture manga.

Nous sommes des êtres multiples, chacun et chacune d’entre nous.

Parce que la vie n’est pas une succession de spécialisations. Elle est une mise en lien de multiples sphères d’activité.

Plus encore, chaque sphère peut se nourrir des liens qu’elle fait avec les autres.

L’art de cuisiner peut parfaitement nourrir non seulement au sens propre, mais au sens figuré, les intuitions de l’ingénieur. L’archéologue qui aura quelques connaissances de cuisine pourra peut-être mieux imaginer dans son métier comment des vestiges épars peuvent s’imbriquer pour former les ruines d’un four à bois antique. L’acteur de cinéma qui veut incarner correctement un marin va sans doute s’intéresser à la navigation, à la vie en mer, et va peut-être nourrir son interprétation de ses propres expériences nautiques.

La vie est multiple. L’expérience de la vie est multiple.

Vivre c’est embrasser tout ce qu’il est possible d’apprendre, et le mettre en lien avec tout le reste.

Partant de là, il est naturel pour moi de considérer que le jeu de rôle sera aussi sérieux que la réflexion sur le système de soin en France. Les deux pouvant naturellement se compléter dans une vision de la vie qui sera globale.

L’authenticité

Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans un grand discours au vocabulaire politico-marketing qui vanterait mes «valeurs».

Authenticité, pour moi ce n’est pas seulement un mot, ce sont des actes. Et aussi des écrits, dans le cas présent.

Assumer qui l’on est

Mon discours ici n’est pas calibré. Il n’est pas fabriqué. Il n’est pas feint.

Lorsque j’ai envie d’écrire quelque chose sur cet espace virtuel, comme lorsque j’écris un livre, j’y mets mes tripes.

Je fais bien sûr attention à ce que j’écris, afin de rester en permanence fidèle à ma ligne de conduite générale, à savoir le respect que tout un chacun mérite.

Et pourtant je ne cherche pas à plaire.

J’écris avant tout ce que j’ai envie d’écrire, et sur les sujets qui me touchent ou me font envie. Sur les sujets qui m’intéressent ou qui me passionnent. Sur ceux que je connais. Sur ceux que je découvre. Sur ceux vers lesquels je fais des liens, de véritables liens qui se transforment ici en liens hypertextes.

Ma pensée, comme la vôtre, fonctionne par analogies, par rapprochements d’idées entre elles. Des idées ou des concepts qui parfois n’ont qu’une lointaine parenté l’un avec l’autre, l’une avec l’autre.

Cet espace n’a d’autre dessein que de me ressembler, au moins un peu.

Il n’est pas un reflet exact, mais vise à une certaine fidélité en intention.

Et si ma pensée est éclectique, si elle fait des liens entre divers domaines qui n’ont a priori que peu de points communs, alors cet espace en sera sans doute à un moment l’expression.

Je ne me limite pas à une profession, à une passion, à une case, ou même à un formulaire avec plusieurs centaines de cases.

Je suis un être vivant et conscient, donc je cherche à embrasser toute l’étendue de ce que le monde veut bien m’offrir.

Je cherche à être moi.

Ici aussi.

Ce qui est « sérieux » et ce qui ne l’est pas…

Et donc ce qui est «sérieux», pour moi, c’est l’intention que l’on met dans le geste, autant que le geste lui-même.

L’enfer en est pavé, je le sais.

Mais l’intention c’est aussi ce qui colore le geste que l’on fait, comme le mot que l’on écrit ou prononce.

Dire bonjour et sourire (sourire vraiment, avec cette intention-là), c’est autre chose que dire bonjour et offrir un sourire calibré de vendeur calculant déjà combien on peut tirer du pigeon à qui l’on serre la main.

On peut donc discuter de sujets graves en étant soi-même manipulateur, donc pas sérieux.

On peut aborder des sujets qui paraissent futiles avec une intention réelle d’en faire émerger quelque chose de surprenant.

Toute la démarche artistique est là : faire émerger quelque chose de surprenant, de plus grand.

L’art est un jeu.

Parce que le jeu c’est sérieux.

C’est par le jeu que, nous tous, nous avons abordé le monde quand nous étions enfants.

C’est par le jeu que notre esprit parvient souvent à saisir ces paradoxes qui fondent notre vie.

C’est par le jeu que nous parvenons à bousculer nos certitudes et à comprendre l’autre.

Et si le jeu de rôle, c’était aussi sérieux, dans ce sens-là ?

Sans se prendre au sérieux.

Sans se croire arrivé à une compréhension totale.

Parce que la vie est mouvement perpétuel, et que nous avons tous, tout le temps, à nous adapter à ce mouvement.

Ce que nous avons cru éternel un jour est remis en cause quelque temps après, ce que nous avions cru mouvant peut soudainement se pérenniser.

Donc il n’est pas pour moi question de pontifier, d’édicter, de professer, de sentencer.

Il est question d’être moi.

Avec des contradictions, sans doute, que vous aurez peut-être déjà relevées.

Nous sommes tous contradictoires et paradoxaux. C’est la nature humaine. C’est peut-être même la nature de la vie.

Que ceux qui ne sont pas pétris de contradictions le clament, que je puisse dévoiler leur mensonge.

Et au passage, c’est certainement l’une des raisons qui m’ont fait quitter les réseaux prétendument sociaux. La proportion de gens qui s’y croient cohérents en permanence et s’en gargarisent à l’envi en rabaissant les autres a fini de m’en dégoûter.

Le refus de l’affiliation, du sponsoring, de la publicité

Premier acte de cette authenticité : refuser d’entrer dans le cercle pour moi vicieux de la monétisation de cet espace numérique.

Je maintiens son existence sur mes deniers propres, parce que j’en ai les moyens actuellement, et parce que je considère que c’est un plaisir que je m’offre. C’est aussi, soyons honnêtes jusqu’au bout, une façon pour moi de faire connaître ce que j’écris, ce que je produis, ce à quoi je tiens vraiment. Parfois d’ailleurs je l’utilise pour faire connaître des œuvres que j’écris mais aussi celles des autres. Toujours des œuvres qui m’ont vraiment touché.

Et c’est pourquoi ici il ne sera jamais question d’affiliation.

Si mon métier de médecin m’a appris quelque chose sur l’indépendance, c’est bien le refus des conflits d’intérêts. Il est pour moi évident qu’un tel conflit est inévitable si l’on entre dans le circuit des affiliations, sponsorings et autres partenariats. On est immanquablement confronté à des biais qui emprisonnent l’esprit et empoisonnent les écrits.

De la même façon, ici, il n’y aura jamais de publicité.

Je suis devenu allergique aux publicités, vraiment.

Je fuis les sites qui en affichent. Et ceux que je ne peux pas fuir, je les lis soit grâce au RSS, soit en activant un bloqueur.

Je me suis demandé si le mécénat numérique, type Patreon ou Tipeee, pouvait être une façon de pérenniser l’existence de ce site. Le mécénat me semble parfaitement respectable, car il est une démarche active et volontaire du mécène, pas un matraquage éhonté de publicités de la part de l’auteur du site, ni une activité un peu honteuse de demi-mondain aliénant sa liberté pour un peu d’argent (je suis volontairement caricatural).

Pour le moment je ne me sens pas légitime à proposer un mécénat, mais peut-être que cela changera un jour. Je vous explique plus longuement pourquoi ici, en même temps que je décris comment je désire remplacer le mécénat d’argent par un mécénat d’implication.

Dans l’intervalle, d’écaille & de plume restera financé uniquement par mes propres ressources, ce qui me semble être un gage d’indépendance et par là même d’authenticité.

La disparition des statistiques de comportement des utilisateurs

Deuxième corollaire, ce site n’utilise plus, et ce depuis un bon moment, aucune technologie capable de suivre le comportement de ses visiteurs.

J’ai supprimé mon compte Google Analytics, comme mon compte Google tout court, d’ailleurs, mais c’est une autre histoire.

Je ne dispose plus que de statistiques brutes de visites : nombre de visiteurs, de pages lues, sites référents et liens sur lesquels des visiteurs ont pu cliquer. Mais sans mettre en relation ces données entre elles, je ne sais donc pas qui est venu d’où pour cliquer où.

Je considère que ceux qui me font l’honneur de leur visite ont droit à leur intimité.

Je ne cherche pas à en savoir plus sur eux.

Libre à eux, par contre, d’entrer en contact avec moi s’ils le désirent. Ils ont pour cela la possibilité de me laisser un message via le formulaire de contact du site, ou même ma lettre d’information.

Un carnet de bord

Parce que depuis le début, ce site est conçu, pensé, maintenu, comme si c’était vraiment mon carnet de bord.

Une chose personnelle, laissée à disposition, cependant, de ceux qui le trouveraient par hasard sur la Toile.

Je navigue sur les flots numériques de l’internet, et sur les océans de l’existence en même temps.

Ceci est la transcription de mes voyages.


  1. Au passage, l’acte de coller à des règles de marketing dans l’écriture du texte pour attirer le chaland est pour moi la négation même de l’authenticité.  ↩
  2. Par exemple, Ecosia et Qwant commencent à faire partie des référents réguliers pour d’écaille & de plume.  ↩

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