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Méthode holistique de création, épisode 2 : les lieux

Méthode holistique de création, épisode 2 : les lieux

Méthode holistique de création, épisode 2 : les lieux

Il y a quelque temps, je vous livrais la méthode holistique conçue par l’équipe de VITRIOL dont je faisais partie dans les années 90 pour décrire des personnages fictifs de jeu de rôle ou de fiction (littéraire, théâtrale, cinématographique).

J’ai eu envie de poursuivre ce travail en me demandant quelles pouvaient être les questions à se poser pour faire vivre un lieu dans une œuvre de fiction ou dans une partie de jeu de rôle, de façon à ce que la description soit la plus réaliste possible, mais aussi indépendante du média utilisé (que ce soit le système de jeu en jeu de rôle, ou lors du passage du livre à l’image par exemple).

J’en suis venu à une version d’une fiche de lieu qui peut être utilisée telle quelle ou adaptée suivant vos besoins.

Et je la partage avec vous, de la même manière que pour la fiche de personnage, en format .rtf (qui peut servir aussi de template dans Scrivener).

Elle est divisée en quatre parties distinctes : fiche de Situation (description rapide du lieu, comme s’y rendre), fiche d’Extérieurs (caractériser les jardins d’un château ou une forêt enchantée), fiche de Bâtiments (pour décrire en détail une maison ou un complexe spatial), fiche de Caractéristiques (les diverses particularités du lieu, son ambiance).

Tout comme moi, vous aurez peut-être besoin de la compléter d’un plan du lieu, pour y faire figurer les réponses que vous y aurez apportées de façon plus visuelle et plus claire. Voire pour les présenter à vos joueurs lors de vos parties de jeu de rôle.

Bref, lâchez-vous.

Et si vous avez des suggestions, des retours à faire, n’hésitez pas à les partager ici. Pour nous permettre d’améliorer encore cet outil.

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Blade Runner 2049, comment donner la “réplique” à son ancêtre

Blade Runner 2049, comment donner la “réplique” à son ancêtre

Blade Runner 2049, comment donner la “réplique” à son ancêtre

Nous avons déjà parlé ensemble de Philip K. Dick, ce maître de la littérature de science-fiction dont de nombreux scénaristes et réalisateurs hollywoodiens se sont inspiré pour, notamment, Minority Report, ou The Man in the High Castle.

Parmi toutes ces adaptations, la plus emblématique est sans doute celle qui donna naissance, à partir de la nouvelle Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, au chef-d’œuvre de Ridley Scott qu’est Blade Runner, avec Harrisson Ford, Rutger Hauer, Sean Young et Daryl Hannah, entre autres.

Ce film est devenu l’une des fondations de la culture SF, par son sujet (la relation trouble entre l’humain et l’humain fabriqué, la relativité de la mémoire, la manipulation, le désir de liberté) qui deviendra l’archétype des dystopies qui sont tant à la mode ces dernières années, mais aussi par son esthétique sombre mêlant rues crasseuses et surpeuplées, capitalisme sauvage, industries omniprésentes, publicités envahissantes de notre monde moderne à une architecture inspirée de l’art déco, du néo-gothique, voire du baroque. L’ensemble a créé un canon d’ambiance qui sera repris et raffiné par Matrix beaucoup plus tard, mais qui reste pour l’instant indépassable à mon sens.

Vous n’avez jamais vu Blade Runner ?

Honte à vous, cependant, combien chanceux vous êtes, car vous allez découvrir une perle, et ce moment fragile de la découverte est un instant extraordinaire. Pour vous inciter à sauter le pas, voici la bande-annonce de l’une des multiples versions du film (Ridley Scott a fini par avoir son final cut, après tout).

https://youtu.be/eogpIG53Cis

En 2016, des humains de synthèse ont été créés, les Répliquants, dont la force et l’endurance ont permis à l’espèce humaine de conquérir l’espace, mais dont la longévité était limitée à 4 années de vie. Lorsque certains se rebellèrent contre leurs maîtres, un corps de policiers spécialisés a été créé, les Blade Runner, pour les prendre en chasse, les traquer et les « retirer » de la circulation. Quand des Répliquants de modèle Nexus 6 s’échappent et se cachent à Los Angeles, c’est Rick Deckard, un ancien Blade Runner, qui est chargé de les retrouver et de les retirer. Mais il découvre que le créateur des Répliquants, le fondateur de la Tyrell Corporation, a créé une nouvelle série d’androïdes, possédant des souvenirs implantés, et donc totalement inconscients de leur propre nature. C’est la belle Rachel, dont le test de Voigt Kampff servant à détecter les Répliquants, se révélera positif, qui lui ouvrira les yeux sur une vérité plus dérangeante encore.

Tout cela, c’était en 1982, un temps où nous pensions que 2019 était un futur très éloigné. Et depuis, Blade Runner était devenu une icône, une idole, presque. On se prosternait à ses pieds, on s’en inspirait, on s’en revendiquait. Mais personne n’avait osé croire possible qu’on y donne véritablement une suite.

Mais les studios hollywoodiens, de nos jours, ne jurent que par un mot : licence. Prequels et sequels se suivent, s’enchaînent, et feuilletonnent gaiement, parfois au mépris de la qualité. Et Blade Runner était dans le viseur. C’est donc avec appréhension mais aussi une certaine excitation que le monde de la SF a appris qu’une suite était en préparation, réalisée par Denis Villeneuve (dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais de son Arrival), et portée par Harrisson Ford et Ryan Gosling.

Qu’est-ce donc que ce Blade Runner 2049 ?

https://youtu.be/dZOaI_Fn5o4

En 2049, le monde a bien changé. Des catastrophes écologiques ont modifié le climat radicalement, une panne généralisée des systèmes informatiques a créé un trou noir de données personnelles et une rupture dans la société, et la Tyrell Corporation a fait faillite, rachetée par la Wallace Corporation qui a repris la production des Répliquants. Désormais, ceux-ci sont contrôlés, plus encore enchaînés, et devenus indispensables au fonctionnement de la société. Le corps des Blade Runner existe toujours, et utilise même certains Répliquants pour donner la chasse aux anciens modèles qui ont survécu (dotés d’une longévité illimitée) et qui refusent de rentrer dans le rang. Ainsi, K est-il sur la piste d’un ancien Nexus 8. Mais il découvrira que son congénère d’une génération antérieure protège un secret bien plus lourd, capable de tout bouleverser dans la relation entre humains et Répliquants.

Une « réplique » de l’original ?

Vous l’aurez remarqué, l’esthétique des deux films se ressemble. Beaucoup. Mais 2049 nous entraîne un peu plus loin que son aîné, en montrant des environnements beaucoup plus variés que les rues sales et sombres encombrées de monde. Une décharge gigantesque, les ruines désertiques et radioactives de Vegas, la nature dévastée mais encore résistante autour de la mégapole, sont autant de développements à un univers qui n’avait été qu’évoqué dans le film original. Ainsi, alors que Denis Villeneuve rend un hommage appuyé au film de 1982, s’il en respecte les canons esthétiques, il ne cherche pas toujours à respecter une bible. Par certains côtés, il montre même l’évolution du monde dans lequel s’inscrivent les deux opus. Le Los Angeles de 2049 a changé, et certains détails sont là pour le prouver. Les enseignes en kanji japonais sont toujours omniprésentes mais on croise aussi des caractères cyrilliques russes, la technologie a évolué, les ordinateurs et les supports de données aussi.

Si l’on parle de la forme, il est indispensable de parler de la musique. Dans le film de Ridley Scott, la musique de Vangelis est un atout majeur. Elle se déploie de façon très aérienne, soulignant à la fois la beauté paradoxale de certains plans, mais aussi la nostalgie et la tristesse de l’histoire. C’est le genre de bande originale que votre serviteur a écouté des années durant en boucle, sans jamais s’en lasser, en revoyant les plans du film, en ressentant à chaque fois les émotions si particulières de certaines scènes.

Dans 2049, la musique est signée de Benjamin Wallfisch (Ça 2017, Dunkirk) et de l’indéboulonnable Hans Zimmer. Elle réussit le pari de se tenir dans les traces des morceaux planants de Vangelis sans les plagier. On retrouve ces plans suspendus dans les airs où la musique sert de transition et de souffle entre les cènes. Des tonalités un peu différentes sont privilégiées, mais on sent à nouveau cette ambiance familière de légèreté dans un monde pesant et cruel. C’est d’ailleurs déstabilisant tant c’est réussi. J’ai même cru lors de la séance de cinéma que le compositeur était toujours Vangelis.

Sur le fond, la problématique de 2049 est la même que celle de Blade Runner. Qu’est-ce qui définit l’humain, où s’arrête la machine, où commence la réalité, où s’achève le mensonge ?

La frontière floue entre le rêve et la réalité, entre la folie et la raison, si chère à Philip K. Dick, cette frontière poreuse où les héros des deux films se tiennent, est traitée un peu différemment. Dans le Blade Runner originel, Deckard a des doutes sur sa propre identité assez tardivement, finalement, alors que le K de 2049 sait d’emblée qu’il est un Répliquant et que ses souvenirs sont faux. Mais dans un mouvement inverse, il vient lui aussi à douter de ses souvenirs alors que l’hypothèse folle de les avoir vraiment vécus semble être une possibilité au fil de l’intrigue.

Le questionnement sur la mémoire est donc traité en miroir dans les deux films. Cette mémoire dont on sait, scientifiquement et cognitivement parlant, qu’elle est reconstruite en permanence par nos processus cérébraux, que tout souvenir est une reconstruction partielle et a posteriori d’un événement vécu, et que les détails retenus n’ont parfois qu’un rapport éloigné avec ce qui s’est vraiment passé. On sait même que l’on peut créer de faux souvenirs si l’on entend une anecdote assez fréquemment, et en arriver à se forger des images si précises et si fortes que l’on peut croire avoir assisté à l’événement alors qu’il n’en est rien.

Blade Runner comme 2049 explorent la même thématique, celle de Memento ou d’Inception, tous deux de Christopher Nolan. Cette interrogation terrifiante sur la réalité de notre mémoire et de l’authenticité de nos désirs, donc de notre identité. Et 2049 le fait d’une façon inverse, ce qui ne manque pas de sel. Au lieu de se poser la question « mes souvenirs sont-ils faux ? », K se demande « Et si mes souvenirs étaient vrais ? ». Cette simple inversion change complètement la donne.

D’un côté c’est angoisse de l’humain qui se découvre machine, imposteur. De l’autre c’est l’angoisse tout aussi abyssale de la machine se découvrant humaine, avec tout ce que cela implique de responsabilité éthique, morale, existentielle.

Autre résonance entre les deux films : l’itinéraire du héros. La quête initiatique de Deckard et celle de K, bien qu’en sens inverse, sont toutes deux jalonnées par les mêmes étapes. L’amour d’abord. Celui de Deckard pour Rachel, celui de K pour Joi, l’assistante virtuelle qui partage son quotidien. Le doute ensuite. Et puis la révélation finale. Mais c’est leur rencontre, un moment réussi qui évite les écueils de la relation père-fils, qui marque une rupture dans leur cheminement. Les choix que fait K/Joe lors de la scène de combat finale parlent d’ailleurs de la relation qu’il noue avec son prédécesseur, de cette filiation, si ce n’est génétique, ou « technique », mais surtout spirituelle et émotionnelle.

La « réplique » d’un dialogue entre deux époques

Je ne suis en général pas un grand amateur des suites. Les dernières années m’ont prouvé que les grands chefs d’œuvres des décennies précédentes ne gagnaient pas à être prolongés à notre époque. En tiennent lieu d’exemples types Twin Peaks et sa saison 3 foutage de gueule dont je vous parlerai bientôt, X-Files et sa saison 10 ratée, les différentes suites de Pirates des Caraïbes qui abrutissent le personnage emblématique de Jack Sparrow un peu plus à chaque opus.

Pourtant, Blade Runner 2049 me semble réussi, car il a pris le parti risqué de dialoguer avec son illustre prédécesseur. Il fait plus que prolonger l’univers, de façon cohérente. Il complète le destin de Rachel et de Deckard, dans une suite logique, mais surtout il renouvelle les interrogations fondatrices du film de Ridley Scott en les adaptant à l’air du temps. L’histoire que vit K/Joe le mène à s’attacher à une entité virtuelle (Joi) qui elle-même cherche à accéder à l’existence pleine, l’existence physique. Écho numérique des ambitions des Répliquants du premier opus qui voulaient une existence propre, c’est la limite dans l’espace d’un programme informatique contenu dans une barrette mémoire qui résonne avec la limite temporelle d’organismes biologiques à la longévité strictement contrainte.

Cette interrogation sur la conscience du numérique est bien de notre époque. Elle rejoint tant la question de la définition de notre humanité, comme nous en avions discuté il y a quelque temps déjà. Cette question qui sans doute est la clef de notre évolution, non pas au sens physique du terme, mais surtout au sens éthique. Devenir vraiment humain, ce n’est pas une histoire de gènes, de matériel, d’implants, de mémoire, mais probablement plus de sentiments et d’émotions.

Nostalgie et hommage sans plagiat ni radotage, Blade Runner 2049 est digne de figurer au même plan que son prédécesseur. Je prends le pari qu’il deviendra lui aussi un classique.

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L’homme qui savait la langue des serpents, ou l’amertume de perdre son paradis

L’homme qui savait la langue des serpents, ou l’amertume de perdre son paradis

L’homme qui savait la langue des serpents, ou l’amertume de perdre son paradis

C’était bien avant l’été dernier. En maraude chez mon libraire habituel, alors que je furetais plus que je ne traquais les livres qui me feraient envie, je suis tombé sur une couverture sobre représentant un serpent ailé et dont le titre était aussi évocateur que long : L’homme qui savait la langue des serpents. La quatrième de couverture m’apprit que l’auteur était Andrus Kivirähk, un Estonien dont l’ouvrage, inspiré des sagas islandaises, a connu le succès depuis 2007 dans son pays.

On se fait toujours une idée d’un livre d’après ce que l’on imagine de son titre, de ce qu’il nous évoque. Et le folklore nordique est l’un de mes péchés mignons depuis l’enfance. Je me suis laissé tenter.

Grand bien m’en a pris.

Au moyen-âge, Leemet est le dernier de son peuple. Le dernier des Estoniens à parler encore la langue des serpents qui a permis à des générations de ses ancêtres de vivre en harmonie avec la nature selon des règles de bonne intelligence. La langue des serpents qui donne le pouvoir, lorsqu’on la siffle correctement, de persuader les proies de se laisser tuer par le chasseur, d’écarter les prédateurs, de domestiques les loups. Mais hélas, les chevaliers germains sont venus depuis l’occident sur leurs immenses navires, et ont imposé leur religion chrétienne, la vie dans des villages et non plus en forêt, et le progrès technique, les armes de métal, les règles de la féodalité. Bref, le progrès. En retour, oubliant la langue des serpents, ils sont obligés de travailler dur pour arracher à la terre les maigres ressources que la forêt leur dispensait auparavant facilement.

Depuis quelques générations, la forêt se vide de ses habitants, conquis par le nouveau mode de vie des envahisseurs. La mythique Salamandre, ce serpent ailé qui crachait du feu et qui aida les Estoniens à repousser les colons pendant des siècles, est endormie, et il n’y a plus suffisamment de gens qui parlent la langue des serpents pour la réveiller. Comme le peuple estonien, elle a sombré dans une indolente torpeur.

Leemet et sa famille luttent pour garder leur mode de vie ancestral, imparfait et aussi pétri d’incohérences que celui des chevaliers. Mais lorsque l’on est le dernier des siens, quel avenir peut-il encore exister ?

Tout au long des 454 pages du livre bénéficiant d’une traduction limpide, Leemet entraîne le lecteur dans son monde. Un monde excitant et intrigant, un monde où le meilleur ami d’un petit garçon peut être une vipère nommée Ints avec qui il discute de tout et de rien, où des hommes préhistoriques élèvent un pou géant plus ou moins intelligent, et où les vieillards sont soit de sages oncles transmettant leur savoir à la dernière génération, soit des prêtres rabougris et recroquevillés sur leurs traditions jusqu’à l’absurde. Un monde au crépuscule de sa vie, menacé de toutes parts, dont les derniers feux éclairent par contraste les travers du monde médiéval occidental, et par ricochet notre monde moderne, sans complaisance, mais sans angélisme. Car c’est aussi un monde où l’intolérance n’est pas moins forte que dans le nôtre, un monde violent même s’il l’est d’une façon différente.

Et pourtant, ce n’est pas le côté satire sociale et religieuse qui m’a le plus marqué.

Je retiens bien plus cette poésie désespérée et l’émotion qui étreint Leemet très jeune lorsqu’il comprend qu’il sera le dernier de son peuple. Toute sa vie sera un combat pour sauver ce monde, pour transmettre la langue des serpents, pour ne pas être le dernier, pour refuser ce destin, sans jamais y parvenir vraiment. Le drame intime d’un homme qui sait sa quête vouée à l’échec, mais qui ne peut se résoudre à baisser les bras et à laisser ses valeurs se dissoudre sans se battre.

Des valeurs que symbolise la langue des serpents et la symbiose qui existe entre les reptiles et les humains, qui partagent une place de prééminence bienveillante dans le monde de la forêt.

C’est un conte fantastique et moral qui se déploie sur toute une vie, porté par une langue qui évolue au fil des pages avec l’âge et la maturité de Leemet, épousant ses interrogations, ses doutes, ses espoirs et désespoirs.

Et j’ai trouvé avec plaisir une illustration d’un concept qui m’est cher : la langue des serpents telle que l’auteur la présente est un avatar de la langue angélique ou de l’énochéen des traditions bibliques, la langue originelle qui conférerait le pouvoir sur l’ensemble de la Création, et dont je vous parlais déjà à propos d’une autre œuvre.

Un beau voyage littéraire et imaginaire.

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Créer des personnages réalistes : la méthode holistique de VITRIOL

Créer des personnages réalistes : la méthode holistique de VITRIOL

Créer des personnages réalistes : la méthode holistique de VITRIOL

Dans ma jeunesse lointaine, j’ai fait partie de la rédaction d’un fanzine des cultures de l’imaginaire en général et du jeu de rôle en particulier, dont le nom acronymique VITRIOL contenait déjà en lui-même une énigme alchimique. Il est d’ailleurs possible de retrouver les numéros de ce fanzine dans leur deuxième vie numérique ici, grâce à Wilybird et à ChrisT.

Parmi les diverses élucubrations que nous avons commises à l’époque (je parle des années 90, cette époque où le smartphone n’existait pas et où on écoutait de la musique sur CD), il en est une qui devrait m’accompagner plus souvent, même vingt ans après, c’est la façon dont nous avions envisagé des fiches permettant d’interpréter des personnages extrêmement détaillés. Dans un souci de pousser le réalisme de nos alter ego imaginaires de rôlistes, nous avions commis quatre fiches génériques, prévues pour être utilisées avec n’importe quel système de jeu et dans n’importe quel univers, pour n’importe quel personnage, et qui donnaient une sorte de liste de questions à se poser sur celui ou celle (ou… dommage, il n’y a pas de nom neutre en français, mais bon, on peut aussi se servir de ces fiches pour interpréter un chat, un monstre, une entité androgyne ou hermaphrodite ou asexuée) que nous allions incarner.

Nous avions donc mis au point une série de questions qui dessinent, une fois que l’on y a répondu, les contours d’un personnage non seulement sur son apparence, mais aussi sur sa psychologie, son passé, ses blessures morales, sa spiritualité, ses liens.

Une façon d’appréhender une personne dans sa globalité, et pas seulement à travers les chiffres des systèmes de jeu de rôle. D’ailleurs, ces fiches avaient été pensées dans l’optique de jouer des parties de jeu de rôle sans règles.

Dans la séparation (on dit toujours un « split », de nos jours ?) qui suivit les derniers numéros de VITRIOL, comme il arrive parfois dans les groupes de rock lorsqu’ils sont au faîte de leur gloire, les fiches génériques tombèrent dans l’oubli de ma mémoire rôliste, mais survécurent sous leur forme imprimée, bien au chaud dans un carton.

Et puis je me suis remis à écrire. Des romans. Des scénarios de cinéma.

Et je me suis rendu compte que ce qui rendait vraiment un univers puissant, réel, évocateur, attachant, tenait bien souvent plus à la couleur des personnages, à la façon dont on les rencontrait, à leurs tics, à leur façon de penser, d’agir, qu’à autre chose.

Dans le jeu de rôle, mes nouveaux jeux fétiches, comme FATE, proposent même d’intégrer dans leur mécanisme des phrases simples qui caractérise un personnage, en lieu et place d’un score chiffré de FOR (Force) ou d’INT (Intelligence), voire de CHA (Charisme).

Aussi, ai-je eu besoin de penser à nouveau mes personnages de façon holistique, de me demander comment et pourquoi ils agissent, comment ils apparaissent et pourquoi ils apparaissent tels qu’ils le font.

J’ai ressorti les vieux grimoires de la poussière sous laquelle ils étaient ensevelis, et retrouvé les fiches génériques de VITRIOL.

Et je m’en sers à nouveau, avec bonheur, pour concevoir mes prochains écrits romanesques comme mes prochains scénarios de jeu de rôle.

J’ai même dans l’idée de les proposer à mes joueurs pour les aider avec leurs propres personnages.

Et pourquoi pas vous les offrir ?

J’ai donc saisi l’occasion pour apprendre quelques rudiments du logiciel Scribus, et j’ai remis les fiches au goût du jour, en format pdf modifiable pour que les rôlistes puissent les utiliser facilement, mais aussi au format rtf, pour, par exemple, que mes amis écrivains puissent les intégrer dans le logiciel Scrivener comme « template » (c’est d’ailleurs l’une de mes utilisations personnelles).

Vous êtes bien sûr libres de les diffuser, de les utiliser, de les adapter…

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Mr. Robot saison 2, Réalité Virtuelle ou Virtualité Réelle ?

Mr. Robot saison 2, Réalité Virtuelle ou Virtualité Réelle ?

Mr. Robot saison 2, Réalité Virtuelle ou Virtualité Réelle ?

Un peu difficile à suivre et très surprenante, la deuxième saison de la série racontant les exploits informatiques du hacker Elliot Alderson plonge plus encore que la première dans la dichotomie floue entre le réel et le virtuel.

Si vous avez manqué le début, je vous invite à lire l’article que j’avais consacré à cette première saison en 2015. J’y dévoilais moins de spoilers que je ne le ferai ici, car la saison 2 est si complexe qu’en parler sans dévoiler est devenu complètement impossible. 

Mr. Robot, quand le hacker devient un héros de série

par Germain Huc | 28 novembre 2015 | Chimères Animées

De nos jours, le hacker n’est plus vraiment ni ce jeune garçon immature, ni ce nerd incapable de nouer des relations normales avec les autres, obsédé par sa machine et par le codage de programmes, ou le franchissement de barrières de sécurité.

Rien n’est ce qu’il paraît être

Pour aborder cette deuxième saison, il faut se souvenir du vertige qui a suivi les révélations majeures de la première.

Première révélation : Elliot est certes un génie du hacking, mais c’est aussi un garçon atteint de schizophrénie qui ne peut se résoudre à la mort de son père et qui a donc « décidé » de le ressusciter à travers des hallucinations qui donnent corps au mystérieux Mr. Robot. Elliott, ou du moins une partie de lui, est réellement Mr. Robot. Et cette existence parallèle est si autonome que la personnalité « première » d’Elliott est tenue à l’écart du plan monté par Mr. Robot dans la première saison, mais aussi dans la deuxième.

Deuxième révélation : Mr. Robot a échafaudé un plan d’une complexité inimaginable pour faire tomber la société E-Corp, mais également le système bancaire mondial dans son ensemble. Et ce plan a fonctionné. La saison 2 s’ouvre donc alors que la société dans son ensemble est tout juste en train de tenter de s’adapter à un monde dont la monnaie s’est écroulée, remplacée par une monnaie virtuelle ou des bons de rationnement.

Dès lors, ce sont les conséquences de ces deux révélations qui mènent l’intrigue.

Ainsi, Mr. Robot et FSociety deviennent célèbres. Tour à tour héros ou escrocs, bandits ou sauveurs, fléaux ou modèles, la population entière est à leur recherche, notamment une enquêtrice du FBI, l’agent DiPierro, dont les talents informatiques sont dignes de ceux d’Elliott.

Commence un jeu du chat et de la souris qui confronte l’agent DiPierro à la mouvance qui gravite autour de Mr. Robot : la Dark Army chinoise, les anciens acolytes d’Elliott dans la première saison, comme Darlene, sa sœur, Angela son amie d’enfance, ou Trenton l’une des chevilles ouvrières de FSociety, tandis qu’Elliott lui-même vit des déboires presque déconnectés de cette intrigue en se frottant à des trafiquants du dark web, ce pan du réseau où les crimes s’échangent comme des marchandises (drogues, armes, êtres humains).

Et pourtant toute la construction de la saison est une gigantesque mascarade.

D’abord parce que les aventures d’Elliott sont encore une façon pour son esprit de traverser une réalité plus sombre, parfois avec de véritables délires comme dans l’épisode 6, totalement foutraque.

Ensuite parce que le plan de Mr. Robot ne se termine pas seulement avec la conclusion de la première saison. Il va bien plus loin et implique la Chine, le gouvernement des États-Unis, E-Corp, et au-delà.

Enfin parce que les divers agendas des autres protagonistes sont eux aussi souvent des faux-semblants, des dissimulations, ou même totalement incompréhensibles. Les mensonges couvrant d’autres mensonges couvrant une vérité relative sont la norme.

Lorsque le spectateur prend conscience de tout cela, il peut ressentir un malaise assez profond. Lorsque chaque image, chaque dialogue, chaque situation peut être un pare-feu protégeant une autre vérité, elle-même sujette à caution, on devient méfiant, presque paranoïaque. On doute de tout, à chaque instant de la série. Comment savoir si Elliott est vraiment battu comme plâtre par des hommes de main dans une ruelle, ou s’il invente même ce passage-là ?

On ne le peut pas. Le spectateur est par définition le jouet des scénaristes dans une série télévisée, comme dans un film, une pièce de théâtre ou un roman. Mais cette vérité première ne m’a jamais paru si grande que dans la saison 2 de Mr. Robot. Car nous avons tous appris à nous méfier des « trucs » que le scénario pouvait utiliser pour nous perdre volontairement, et nous avons tous plus ou moins consciemment l’habitude de nous dire « OK, ça, à mon avis, c’est une hallucination, mais en fait il se passe vraiment telle autre chose ». Et nous élaborons des scénarios alternatifs. Pour parfois (et trop souvent dans les mauvaises séries) tomber juste. Mais pas ici, car tout est potentiellement faux, aucun repère ne peut nous permettre de tomber juste.

Ça en devient dérangeant.

Par exemple les motivations de certains personnages qui en deviennent incompréhensibles. L’exemple le plus frappant pour moi c’est celui d’Angela. On pense qu’elle veut faire tomber E-Corp de l’intérieur pour des motifs similaires à ceux d’Elliott, mais ses actions d’agent infiltré sont si convaincantes qu’on se prend à croire qu’elle a vraiment retourné sa veste pour épouser le cynisme du grand patron de la multinationale, mais qu’elle veut quand même se venger, mais qu’elle veut quand même devenir la prédatrice sans cœur qui prendrait sa succession.

Bref, on est perdu…

Les personnages principaux de la saison 2 de Mr. Robots

La folie comme métaphore du virtuel… et du réel

Cette sensation de perte de repères ne peut pas être gratuite. Elle est à mon sens à rapprocher du propos de la série, qui décrit notre propension de plus en plus grande à intégrer le virtuel dans notre réel, au point d’en perdre la notion de frontière entre les deux.

La folie est par définition un état de conscience qui ne distingue plus la réalité matérielle des productions fantasmées de notre psychisme. Nous prenons nos désirs pour des réalités, au sens propre.

En affublant Elliott d’un trouble psychiatrique de schizophrénie (certes un peu enjolivé, parce que la véritable schizophrénie ne se manifeste pas du tout comme de multiples personnalités étanches entre elles), la série nous place d’emblée dans la position de celui qui ne sait plus si ses amis Facebook sont véritablement des amis, des vrais, c’est-à-dire des gens sur lesquels on peut compter en cas de difficulté, qui pourraient venir chez nous à 3 heures du matin pour nous consoler lors d’un chagrin d’amour, ou boire des bières autour d’un bon match de rugby. Et elle nous le fait comprendre en prenant une autre image, celle de l’humain qui ne sait plus s’il est réellement emprisonné pour un piratage informatique ou s’il se cache pour échapper à des maffieux particulièrement dangereux.

La folie entre finalement peu à peu dans notre univers à tous par le biais des réseaux sociaux, des sites internet, des amis Facebook, des banques en ligne, des assistants virtuels, de la réalité augmentée qui nous montre des choses qui n’existent pas au milieu de l’image d’une chose ou d’une personne qui est physiquement présente devant nous.

Notre monde devient un monde fou, au sens propre.

Distinguer ce qui est réel et ce qui est informatiquement généré devient de plus en plus difficile.

Sommes-nous notre avatar sur un forum comme Elliott est finalement Mr. Robot ?

La lutte entre le réel et le virtuel

En même temps la série illustre une tendance qui s’accentue dans notre existence : le virtuel qui tente de prendre possession de notre réel.

Tout comme Mr. Robot s’ingénie à mettre Elliott dans des situations embarrassantes, difficiles, gênantes, voire intenables, pour pouvoir se retrouver avec les mains libres et continuer à échafauder son plan, certaines créations virtuelles commencent à nous dicter nos actions, comme tous les objets connectés qui sont inventés depuis quelques années : le frigo connecté est vide ! Va faire tes courses !

Le virtuel domine de plus en plus le réel, mais le réel essaie de résister. De même Elliott tente divers stratagèmes pour empêcher Mr. Robot de prendre le contrôle de sa vie. Privation de sommeil, ou bien de système informatique, écriture de tout ce qui lui passe par la tête et même d’un compte-rendu minute par minute de sa journée, médicaments, tout y passe.

Rien n’y fait.

Mr. Robot est une part de lui-même, si ancrée qu’il ne pourra s’en débarrasser.

Cela sera-t-il le cas pour nous aussi ?

La critique politique

Un aspect important de Mr. Robot est la critique assumée du système capitaliste et libéral dans lequel la société occidentale s’enfonce de plus en plus. Les divers personnages sont tous positionnés face à ce mode de fonctionnement. Il y a ceux qui luttent contre, et ceux qui vivent pour et par ce système. Parfois même la frontière est floue, un peu comme pour la distinction entre le réel et le virtuel.

Ceux qui luttent le font avec des idéologies différentes, et ce qui change c’est justement de savoir ce que la chute du système va entraîner ensuite. De répondre à la question : « on fait tomber le capitalisme financier, d’accord, mais pour mettre quoi à la place ? »

Les retraites qui ne sont plus payées, les fonctionnaires plus rémunérés, les investissements financiers gelés, la vie de millions de gens à travers les USA se trouve changée par la chute du système financier. Des conséquences que la série n’évoque que par petites touches même si elle n’omet pas les émeutes, les réquisitions, la création d’une monnaie transitoire.

Le système broyait déjà la vie des anonymes, mais sa chute entraîne aussi son lot d’avanies, plus ou moins voulues par les autorités, par la E-Corp, par la Dark Army et la Chine, pour des raisons totalement différentes et souvent opposées.

Fracture là encore, entre le simple quidam et les hautes sphères comme entre le réel et le virtuel. Entre les idéologues et les pragmatiques. Entre les anarchistes comme Darlene et les revanchards, entre les cyniques et les victimes.

La réponse apportée dans la série est tout sauf simple. Là encore, le flou domine.

Ce n’est pas là le moindre des compliments, car pour une fois une série américaine semble ne pas défendre mordicus une thèse, qu’elle soit pro ou antisystème.

En conclusion, Mr. Robot est un OVNI sériel, étrange, intéressant, plein de potentialités. Souvent difficile à suivre et donc difficile à regarder, noire, presque dépressive à certains moments. Mais essentielle lorsque l’on veut réfléchir aux enjeux de notre temps, et de ceux à venir.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Le Syndrome de Bradybloguie Créativo-induite, ou Mal de l’Œuf de Serpent à Plume

Le Syndrome de Bradybloguie Créativo-induite, ou Mal de l’Œuf de Serpent à Plume

Le Syndrome de Bradybloguie Créativo-induite, ou Mal de l’Œuf de Serpent à Plume

L’homme était étendu sur la table, inconscient. Son corps était relié à des fils qui partaient de sa poitrine, de l’un de ses doigts. Il respirait encore, si on y prenait garde et si on attendait suffisamment longtemps pour percevoir un souffle faible et régulier, à peine perceptible. Ses traits étaient sereins. On avait l’impression qu’il était endormi. Et pourtant, les deux autres personnes qui étaient dans la salle n’étaient pas de cet avis. Ils étaient inquiets.

— Il est comme cela depuis deux semaines, dit Alex, le plus jeune. C’est trop long. Enfin, c’est ce que j’ai lu dans le Harrison…

— Tu sais, répondit Alain, les bouquins, surtout ceux de médecine interne, il faut s’en méfier. Si tu les crois aveuglément, tu vas te mettre à trouver des syndromes rares à toute la population… Mais cela dit, c’est vrai que je n’ai jamais vu ça. Un coma de blog aussi long, surtout chez quelqu’un comme lui, c’est exceptionnel. Tu es sûr que tu as vérifié l’E.C.G. ?

La mention de l’examen avait fait pâlir Alex. Bien sûr, comme étudiant, son travail était surtout, dans le service, de noter les observations des patients, de les interroger et de les examiner correctement, mais il était surtout employé par Alain comme celui qui effectuait les basses besognes, celles que son « supérieur hiérarchique », pourtant étudiant lui aussi, rechignait à accomplir. Il passait souvent ses matinées à des tâches répétitives et peu gratifiantes. Il ne comprenait pas d’ailleurs pourquoi il fallait mesurer les gaz du sang artériel chez certains patients tous les jours que Dieu faisait. Ni pourquoi c’était toujours à lui que l’on ordonnait d’évacuer un fécalome. Et puis, surtout, il avait pris en horreur cette machine qu’était l’électrocardiographe. Posée sur un chariot métallique brinquebalant dont les roulettes se bloquaient systématiquement, la petite machine cubique était devenue sa némésis pluriquotidienne. Il devait, chaque matin, la traîner hors de la salle des étudiants où elle était entreposée puis la promener dans chaque chambre et accomplir un rituel compliqué sur chaque patient grâce à elle. Il devait d’abord vérifier que son stock d’électrodes en polystyrène, à usage unique, serait suffisant, puis démêler les fils qui prenaient un malin plaisir à s’emberlificoter comme une pelote de laine à chaque fois qu’on les laissait faire. Il en était venu à se demander si des mauvais génies ou des lutins facétieux n’avaient pas élu domicile dans la machine, et s’ils ne s’étaient pas donné comme occupation principale de le faire tourner en bourrique. Une fois cette épreuve surmontée, ce qui prenait déjà plusieurs longues minutes d’énervement et d’exaspération, il fallait poser les électrodes sur le thorax du patient. Cela allait assez vite chez les femmes, mais devenait un vrai cauchemar sur les poitrines poilues des hommes, surtout en cette période estivale où la climatisation ne suffisait pas à bloquer la sudation. Les petits morceaux de matière synthétique censés coller sur la peau prenaient surtout dans leur piège adhésif des poils qui empêchaient le contact entre l’électrode métallique et la paroi cutanée. Et Alex était sans cesse en train d’inventer des stratagèmes machiavéliques pour les faire tenir suffisamment. Il n’était pas question de refaire ce foutu E.C.G. parce que le tracé serait jugé « ininterprétable » par Alain… Enfin, il fallait brancher la machine et espérer que le patient ne serait pas trop agité. Quand cela arrivait, le tracé des ondes était parasité par des mouvements involontaires et devenait illisible. Il devrait recommencer à vérifier les branchements… Puis il fallait débrancher le tout en s’assurant que la machine avait bien enregistré et imprimé. Aider le patient à enlever le surplus de gel conducteur visqueux, ranger les fils qui s’emmêlaient à nouveau comme mûs par une volonté propre et malveillante. Et recommencer dans la nouvelle chambre, avec le nouveau patient…

Et ce matin-là, justement, Alex avait décidé d’exprimer sa révolte en refusant sciemment d’accomplir ce rituel quotidien.

Mais il se rendait compte que dans ce cas précis, il avait mal jugé l’opportunité de se rebeller…

— Euh… c’est que… je devais faire l’observ’ de Madame Michu, alors…

— Ah bravo ! Et tu crois qu’on peut faire du bon boulot si tu continues à faire preuve d’autant de négligence dans le tien ?

Sans mot dire, Alex se résigna à chercher l’appareil qui lui donnait tant de cauchemars et se mit à installer le tout.

Pendant ce temps-là, Alain se plongea lui aussi dans le Harrison. La bible des maladies rares ne lui avait jamais paru une référence utile. Il y a avait là-dedans tellement de signes qui pouvaient correspondre à tellement de patients et à tellement d’autres syndromes plus courants qu’il n’avait toujours eu que méfiance envers cette manie qu’avaient tous les autres étudiants de sa promotion à le compulser à tout bout de champ. Et puis il trouvait tellement prétentieux de chercher une maladie rare chez tous les patients, comme si seules les affections de ce type méritaient l’attention d’un médecin. Alors qu’une banale allergie, ou une simple sciatique étaient tout aussi invalidantes pour les gens qui venaient à être hospitalisés dans son service. Les gens en souffraient tout autant que d’avoir une maladie de Tartampion.

Il referma le grand livre, et inspira un grand coup. S’il voulait comprendre, il devait revenir à la base, à ce qu’on lui avait enseigné, à ce qu’il avait compris, aux signes cliniques du patient, bref, à la réalité. C’était le seul moyen. Et puis, quel exemple allait-il montrer à Alex ? Le jeune homme était prometteur mais questionnait tout et tout le temps. Il remettait en question les choses qui étaient établies depuis des bons dans l’organisation des soins du service. Il avait raison, bien souvent, mais il devait apprendre à réfréner ses révoltes et à devenir plus diplomate. Mais son regard acéré bousculait très souvent Alain, en lui montrant une autre façon de faire, une autre vision de la situation. Bien souvent, ces interrogations permettaient de trouver une solution plus efficace, ou plus respectueuse du patient, moins invasive.

Alors il ferma les yeux un moment, pour se concentrer, et les rouvrit en fixant directement le corps du patient étendu sur la table. Alex avait branché les électrodes, le bip-bip du moniteur cardiaque commençait à se faire entendre dans la chambre.

Et les pièces du puzzle commencèrent à s’assembler. Les signes cliniques formèrent peu à peu une image d’ensemble, un tableau cohérent.

Les mouvements cloniques des mains et des doigts, en frappe de clavier. Le nystagmus qui suivait alternativement une direction droite puis une direction gauche. Le souffle qui parfois se modulait suivant des mots murmurés, incohérents les uns à la suite des autres. L’activité électrique cérébrale hyperstimulée. Et puis la desquamation étonnante qui se produisait à certains endroits du corps. Avec deux types de lésions. Des papules asymétriques incurvées vers la distalité sur tout le côté gauche. Des lésions eczématiformes. Mais aussi de petites éruptions diffuses sur le côté droit, comme une polykystose.

Et le petit bip-bip vint compléter cet ensemble et lui donner enfin une forme compréhensible.

Le rythme cardiaque s’était ralenti. Il restait régulier, mais ne propulsait le sang que plus rarement.

— Tu entends, demanda-t-il à Alex ?

— Non, quoi ?

— Une bradybloguie…

Alex tendit l’oreille, surpris. Il mit quelques battements de cœur à comprendre, à entendre, à saisir.

— Tu veux dire que…

— Oui, probablement. Tu veux biper le radiologue, j’aimerais une IRM cérébrale.

— Tout de suite. Mais, tu crois que c’est un plumireptile ?

— Aucun doute, regarde…

Et Alain gratta l’une des papules sur l’avant-bras gauche. Comme un eczéma, la peau sèche se détacha, mais contrairement à cette maladie banale, révéla en dessous une véritable écaille de serpent. Assez fier de lui, Alain réitéra l’expérience en incisant très doucement et précautionneusement une lésion sur l’avant-bras droit, et fit sortir une petite plume, un duvet naissant. Ils avaient affaire à un cas de plumireptilie. C’était leur premier cas, à l’un comme à l’autre.

Tout excités, ils se regardèrent et une sorte de communion passa entre eux. Cela dura quelques fugaces instants, et Alex rompit le contact.

— Je vais appeler le radio de garde. Je suis sûr qu’on aura l’IRM dans l’heure !

Il laissa Alain seul dans la pièce, qui imaginait les conséquences.

Il passa les quelques heures suivantes dans le même état d’hébétude vigilante au fur et à mesure que toutes ses pensées finissaient par se réaliser.

Comme il l’avait prédit, le radiologue, aussi emballé qu’Alex et lui, avait bousculé son planning et avait bloqué l’IRM une heure entière pour que les images s’étalent ensuite sur un négatoscope éblouissant. Il désigna la masse blanche qui trônait au centre du cerveau du patient. De son premier plumireptile. L’image était choquante. Comme une énorme métastase, la masse occupait une place extraordinaire dans le cerveau, mais contrairement à un cancer, elle ne parasitait pas son hôte. Elle était l’expression de la transformation du cerveau. Une production naturelle, physiologique chez les gens qui étaient atteints de plumireptilie. Dans les livres, les rares livres qui parlaient de cette pathologie, on comparait cette masse à une sécrétion physiologique. Certains auteurs prétendaient même que le liquide contenu dans la coque fibreuse était produit par les neurones eux-mêmes. Et on savait que les rares cas qui avaient pu être observés avaient une évolution similaire.

— Il est en coma de maturation, c’est ça ?

Le radiologue avait confirmé.

— La délivrance est proche. L’Œuf est presque arrivé à son développement maximal.

— Alors le rythme cardiaque va se ralentir encore. Normalement il va atteindre un plancher à un battement par mois. Et d’ici deux mois…

— Oui, d’ici deux mois, enchaîna Alain à la place d’Alex, l’Œuf va se fissurer, et la transformation des pensées en œuvre artistique sera complète. Il sortira du coma, et entamera un nouveau cycle de création. Lentement, une nouvelle œuvre va commencer à mûrir.

— Et on sait prédire à quel rythme les créations vont s’enchaîner ?

— C’est difficile, mais vu l’avancée de métamorphose du patient, je dirai que cela va s’accélérer.

— J’espère être encore dans le service quand ça va arriver !

— T’inquiète pas, si ce n’est pas le cas, je te tiendrai au courant, que tu puisses voir ça.

— J’ai hâte, s’exclama Alex en mettant les mains dans ses poches.

— Et lui donc ! répondit Alain dans un sourire. D’après son état, ça fait des années qu’il mature, cet Œuf…

Et l’attente commença.

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FATE et la co-construction d’univers, partie 1 : personnages-Mages

FATE et la co-construction d’univers, partie 1 : personnages-Mages

FATE et la co-construction d’univers, partie 1 : personnages-Mages

Récemment, alors que nous sortions d’une première partie de Dungeon World et de sa narration particulière, Equites me faisait remarquer que Mage allait ressortir en édition 20th anniversary. Je n’ai jamais joué à Mage, mais les jeux WhiteWolf ont fait partie de mes meilleures expériences comme joueur et comme meneur dans les années 1990. Il savait donc, le bougre, que le thème de Mage me faisait de l’œil depuis très longtemps. Mais j’ai un peu changé depuis les années 1990 (non, on ne dit pas vieilli, on dit changé, voire mûri). Mes envies aussi. Les univers de WhiteWolf sont une madeleine de Proust, mais de celles qu’il vaut mieux garder intactes dans le souvenir que l’on en a, plutôt que de risquer de se confronter à une déception.

Depuis, j’ai en effet découvert FATE, et Dungeon World. Les concepts d’Aspects, de Fronts, de narration partagée. J’ai tenté de voir ce qu’on pouvait changer dans l’écriture des scénarios.

Je n’ai pas encore expérimenté la construction partagée d’univers. Enfin, plus depuis mes 15 ans et mes premières parties de jeu de rôle, finalement plus narrativistes que par la suite lorsque j’ai découvert L’Œil Noir, la Boîte Rouge, et tout le reste.

J’ai donc proposé à mon groupe de tenter l’aventure.

J’ai choisi FATE parce que je commence à bien connaître la mécanique, parce que c’est très simple et facilement adaptable pour jouer tout ce que l’on veut, parce que les concepts de narration partagée peuvent fonctionner avec ce système.

Et j’a commencé par me concevoir un petit hack, à base de mélange entre FATE ACCÉLÉRÉ et FATE CORE, pour jouer des Mages dans un univers contemporain. Pour résumer, je n’ai pas utilisé de Compétences mais des Approches, ce qui ressemble pas mal à l’Apocalypse et à Dungeon World : Astucieux, Flamboyant, Sournois, etc… L’idée est de se concentrer non pas sur ce que le personnage sait faire, mais sur comment il le fait.

Le reste est peu ou prou du FATE.

J’ai chopé des trucs sur internet histoire d’adapter la magie de Mage à FATE, notamment Mage Core de Douglas Underhill et Words of Power de Brian Engard. J’ai hybridé les deux approches et synthétisé tout cela dans une fiche de personnage maison que je vous livre ici. Celles de Dungeon World m’ont vraiment impressionné par leur côté didactique. J’ai donc décidé de m’en inspirer fortement, comme vous le verrez.

Fiche de personnage FATE vs Mage

Pour ce qui est de l’univers, l’idée est de jouer du Mage, sans jouer à Mage, en picorant des choses à droite et à gauche, et surtout en laissant mes joueurs apporter leur grain de sel, de poivre ou d’épice là où ils en auront envie.

Je suis donc parti d’une base très simple, qui tiendrait en un Aspect : Le Sanctuaire de New York.

Et nous nous attacherons à broder dessus ensemble. C’est suffisamment vague pour que nous ayons les mains libres, mais cela pose déjà une ambiance qui ressemble un peu à Mage sans être du Mage.

On peut au choix dériver sur du Doctor Strange (le film est pas si mal que ça), un truc plus poétique à la Meghan Lindolm (alias Robin Hobb) avec son Dernier Magicien (un bouquin que je vous recommande), ou autre chose encore, comme The Craft (Dangereuse Alliance) avec Neve Campbel, ou les Sœurs Halliwell, ou tout à fait autre chose (The Magicians, la série de SyFy qui est un petit bijou dans sa saison 1 et dont je vous parlais déjà ici).

Tout cela en Roll20 puisque le groupe est géographiquement éclaté.

On essaie, et je vous ferai un compte-rendu.

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Da Vinci’s Demons, la série psychédélico-initiatique

Da Vinci’s Demons, la série psychédélico-initiatique

Da Vinci’s Demons, la série psychédélico-initiatique

Je vous ai déjà un peu parlé de Da Vinci’s Demons, cette série diffusée par la chaîne Starz (qui eu l’audace de produire Spartacus également). J’en faisais l’une des séries prometteuses de 2014. Je ne me suis pas trompé, car les trois saisons qu’elle occupe sont aussi étonnantes que déroutantes et parfois même un peu frustrantes. Un peu comme Penny Dreadful, d’ailleurs, dont je vous disais du bien dans le même article.

L’idée est de suivre les jeunes années de Leonardo da Vinci, dans l’Italie du Quatroccento et plus particulièrement dans la Florence de Lorenzo le Magnifique. Les périodes peu connues de la vie du Maestro servent de décor à une intrigue ésotérique complexe et parfois un peu trop brouillonne.

 

Génie et touche-à-tout, Leonardo aime créer des machines, des œuvres d’art, mais aussi résoudre des problèmes. Visionnaire, il est capable de véritables prodiges, et attire le regard des puissants de Florence, sa ville natale. Méprisé par son père et orphelin de mère, il n’a d’autres compagnons que Zoroastre le maure, Vanessa la catin, et Nico le jeune idéaliste. Mais il est soudain emporté par des visions issues de son passé comme de son avenir. Il semble être le seul à pouvoir faire pencher la balance dans le combat millénaire que se livrent les Fils de Mithras et les adorateurs du Labyrinthe. Les uns (dont faisait partie sa mère) cherchent l’illumination de l’Humanité à travers la connaissance, les autres au contraire à laisser les masses dans l’ignorance, pensant que c’est le savoir qui pervertit l’être humain. Maîtrisant des arts mystérieux et plus ou moins surnaturels, un étrange turc tente de l’enrôler dans la secte de Mithras. Alors que les adversaires de ce dernier gagnent le concours de Girolamo Riario, l’âme damnée du Pape Sixte IV, despote cruel qui tente d’annihiler les projets de Lorenzo et les Fils de Mithras par la même occasion.

Leonardo, ses compagnons et son ennemi juré, et néanmoins quasi double maléfique Girolamo vont devenir des protagonistes de premier plan dans cette lutte. Dans la saison 2, ils vont même traverser l’Atlantique pour se retrouver chez les Mayas. Et dans la saison 3, la quête du fameux Book of Leaves, dont la page perdue contient des secrets terrifiants, s’achève quand Leonardo comprend que les deux sectes sont l’une et l’autre dans l’erreur.

L’impression que laisse la série est mitigée.

D’abord, il y a, c’est vrai, une fascination puissante à suivre les aventures de Léonard de Vinci, ou du moins d’un Léonard tel qu’on l’a toujours fantasmé : supérieurement intelligent. Mais comme il est jeune, il est aussi franchement sexy, un parfait combattant, un escrimeur de génie, un politique à la finesse inégalée, et un ami loyal, à défaut d’être un amant fidèle. N’en jetez plus…

Il n’est guère que sa propension à être socialement décalé qui pourrait le rendre moins attirant. Et encore…

Ensuite, tout comme les chaînes câblées américaines nous y ont habitués, la reconstitution est extrêmement crédible. Les décors fabuleux, le jeu convaincant. Aucune erreur de casting n’a été faite. Les méchants sont bien méchants, on aime d’ailleurs les détester ou les prendre en pitié ou les détester à nouveau, comme Girolamo.

Mais. Car il y a un, mais, et de taille.

L’intrigue n’est hélas pas déroulée de façon cohérente. Tout se passe comme si les scénaristes avaient eu des idées très fortes dans les deux premières saisons, pour ne plus savoir comment les mener dans la troisième.

C’est particulièrement vrai quand on voit le dernier épisode de la saison 2 et qu’on enchaîne sur la troisième. On finit sur une scène où Leonardo, traversant le temps et l’espace par le jeu d’une épreuve mystique chez les Mayas, se retrouve devant lui-même agonisant dans sa vieillesse sur son lit de mort. Le vieux Leonardo lui confie que toutes ses réalisations sont le résultat de ses choix dans le combat entre les Fils de Mithras et le Labyrinthe, et qu’il a un destin. On comprend qu’il peut changer l’avenir, que la série peut partir sur une uchronie, que le côté ésotérique va s’intensifier. Et dans la troisième saison, c’est la politique qui prend le dessus et une banale chasse au trésor qui est présentée. Les actes de Girolamo, son repentir et sa rédemption possible, en contrepoint avec les doutes de Leonardo sur ses inventions et l’utilisation qui peut en être faite, sont au centre de tout. Mais plus aucun mot d’ésotérisme. Au point que la fin m’a laissé dubitatif et frustré.

J’attendais plus d’audace d’une troisième saison quand les deux précédentes avaient été si riches en scènes symboliques, et parfois même psychédéliques.

Malgré cela, les thèmes de cette troisième saison méritaient d’être abordés quand on parle de génie et d’invention, quand on parle de progrès technique et technologique.

Leonardo se pose la même question à laquelle nous devrions nous-mêmes répondre pour nos propres technologies : à quoi servent-elles ? Sont-elles seulement là pour repousser les limites de notre savoir et de nos possibilités d’action et leur existence est-elle un progrès en soi ? Ou bien faut-il réfléchir à la façon dont nous pouvons les utiliser pour faire le Bien, ou pour faire le Mal ? Pour aider l’Humanité à progresser, ou pour l’annihiler ? Pour soigner, ou pour tuer ? D’autres que nous peuvent-ils prendre le contrôle de nos inventions, pour les détourner de leur but originel, si louable soit-il ?

Toutes ces questions sont hélas amenées de façon un peu artificielle dans l’intrigue, au travers d’un véritable passage dépressif du Maestro. Un passage qui dure presque toute la saison. Et une saison, c’est très long. Beaucoup trop long.

Il n’en reste pas moins que Leonardo, comme ses compagnons et nombre d’autres protagonistes traversent les étapes d’une véritable initiation durant les deux premières saisons pour achever leurs destinées dans la troisième. Chacun d’eux trouve la réponse à la question existentielle : « qui suis-je ? » Ainsi, Nico est-il le futur Machiavel, par exemple.

Manquait-il une quatrième saison à l’ensemble, intercalée entre la deuxième et la troisième, pour faire le lien ? Manquait-il une véritable vision d’ensemble aux scénaristes ?

Quelle que soit la réponse à ces deux questions, j’ai été déçu par une série qui avait si bien commencé. Il y a de très bonnes choses à voir et à prendre dans Da Vinci’s Demons. Mais pas assez pour en faire une série d’exception.

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Rythmes & cycles, partie 2 : L’Aventurier du Temps perdu

Rythmes & cycles, partie 2 : L’Aventurier du Temps perdu

Rythmes & cycles, partie 2 : L’Aventurier du Temps perdu

J’ai un problème avec le Temps.

Vous l’avez sans doute compris depuis mon premier article sur le sujet, celui sur le voyage dans le temps. Votre impression aura été confirmée par mon deuxième article, celui sur la perception du temps dans notre société.

Mais il est temps (!) d’aller plus loin en parlant de ma propre perception, de mes propres interrogations, de mes propres paradoxes temporels.

Et peut-être qu’il se dégagera de tout cela une solution pour moi-même. Une solution pour enfin apprivoiser cette bête étrange qu’est le Temps. Une bestiole étonnante qui ne cesse de m’intriguer et que j’aimerais tant, à défaut de la dompter, pouvoir amadouer, ou au moins avec laquelle j’aimerais mieux parler.

La mesure de la frustration humaine

J’ai récemment achevé de traverser une période de ce que j’appelle le « temps contracté ». Ce Temps où la somme des choses que nous devons accomplir pour notre simple survie dans la société est tellement élevée que le temps qui nous est imparti pour vivre, simplement vivre, semble se rétrécir à vue d’œil.

Les contraintes de l’existence moderne se combinent à celles de l’existence tout court pour nous submerger et faire paraître les heures comme des secondes qui filent entre nos doigts.

Papiers à remplir et à envoyer aux diverses administrations, en plusieurs exemplaires et avec des informations qui se recoupent sans jamais être totalement les mêmes, relances diverses et variées des différents interlocuteurs qui n’ont pas effectué leurs tâches car eux-mêmes en permanence plongés dans leur propre « temps contracté », tâches incompressibles nécessitées par notre rôle dans la société (notre travail), déplacements inévitables car nous vivons dans un espace sans cesse croissant qui malgré les progrès de nos moyens mécaniques ne peut être traversé instantanément, responsabilisées diverses inhérentes à nos différentes fonctions annexes ou centrales dans le monde (parent, enfant, conjoint, membre d’un groupe d’amis, membre d’une association, membre impliqué dans la vie de la cité), contingences physiologiques (le sommeil, en premier lieu)…

C’est la vie, me direz-vous. Et vous aurez raison.

Mais suis-je vraiment le seul à me sentir comme emprisonné par l’enchaînement implacable des tâches et des contingences ? Suis-je vraiment le seul à aspirer à ce que ce rythme ralentisse ? Suis-je le seul à me prendre à rêver d’une suspension du temps ? Suis-je le seul à trouver que le sablier du professeur Slughorn serait une merveilleuse invention ?

C’est que même sans penser une seule seconde à la finitude de notre existence et à sa conclusion inévitable, donc en évacuant d’emblée toute angoisse métaphysique de l’après-vie ou toute interrogation philosophique sur le sens de la vie, j’ai eu l’impression de me noyer moi-même dans l’infinité des choses que je devais faire, en me demandant si la proportion des choses que je souhaitais faire était vraiment satisfaisante.

Il y a tant de choses à faire pour simplement exister dans notre monde, que j’ai l’impression qu’elles dévorent littéralement le temps imparti aux choses que j’aurais envie de faire pour vivre pleinement le Temps que l’on m’a accordé dans cette vie.

Et chacune de ces choses, qu’elle soit une contrainte ou un choix, exige du temps, exige une durée, exige une attention, exige une disponibilité.

Étant un être fini, et non un être éternel, la somme de mes accomplissements est elle aussi finie.

Nous devons faire des choix. C’est l’une des vérités premières de l’existence.

J’ai fait des choix. Et ces choix ont pris leur dîme temporelle.

Changer de lieu d’exercice, même pour quelques centaines de mètres, même pour une liberté accrue et un confort supérieur, même pour m’affranchir de règles iniques et retrouver une plus grande liberté d’action, a eu un coût temporel. Construire un nid concret pour abriter ma vie avec la compagne de mes jours et de mes nuits, en adéquation avec mes valeurs et mes aspirations a eu un coût temporel bien plus élevé encore. Mais ces choix-là sont réfléchis et assumés. Le prix à payer est acceptable au regard des bénéfices.

Mais la complexité de nos systèmes dévore plus encore de Temps, inutilement, cruellement.

J’ai parfois eu l’impression de perdre mon temps. De le gâcher.

Mon métier me passionne, même s’il n’est pas ma passion. Il me permet de rencontrer d’autres êtres humains et d’entrer en relation avec eux de façon vraie, d’avoir un rôle, une fonction, utile et plus ou moins reconnue (même si on peut toujours vouloir être mieux reconnu, mais c’est un autre problème). Mais il est chronophage. Il dévore le temps, littéralement. Car cela prend du temps que de cerner le problème d’un patient après l’avoir apprivoisé. Cela prend du temps que de comprendre l’autre. Cela prend du temps que d’élaborer une stratégie commune pour trouver une solution ou un début de solution à un problème. Cela prend du temps que de réfléchir sur une situation. Et vingt à trente patients dans une journée, c’est long. Surtout quand il faut en plus convaincre des administrations de soin, quand il faut gérer une activité dite libérale, quand il faut faire tout cela de front.

Je ne me plains pas, loin de là. J’ai un métier passionnant, encore une fois.

Mais j’ai peur de me laisser enfermer dedans.

Car j’ai aussi beaucoup d’autres aspirations, beaucoup d’autres envies, beaucoup d’autres urgences qui piaffent d’impatience à l’intérieur même de mon corps, de mon cœur, de mon cerveau.

Et si peu de temps pour les laisser s’exprimer.

Là non plus, il n’est pas question d’angoisse existentielle. Il est plutôt question de frustration.

Sentir que l’on a au fond de soi une multitude de projets inexprimés, une myriade d’idées qui foisonnent et bouillonnent sans pouvoir naître vraiment, cela ronge. Leurs embryons s’agitent et étouffent de rester coincés dans la matrice de mon esprit.

Mais je ne sais comment les faire naître tous tant le Temps m’est compté au quotidien.

Les nommer pourra au moins un temps les apaiser, car les Noms ont un pouvoir, nous le savons tous.

L’approfondissement de mon expérience dans le soin, qui passe par la maîtrise plus grande des mots, de l’empathie, de la compréhension holistique de l’autre. Mon mémoire d’hypnose. Les formations indispensables et agréables à la fois. Les congrès où se croisent les chemins et s’enrichissent les expériences.

L’écriture, mon Grand Œuvre, ma grande passion, les histoires. Il y a en a tellement. Le Choix des Anges qui peine à naître, mais aussi Rocfou, cette tentative de faire vivre un univers médiéval fantastique enfin débarrassé des scories cruelles de Game of Thrones sans être une nouvelle paraphrase de Tolkien, Fée du Logis pour enfin transcrire en mots les impressions d’un rêve merveilleux et l’irruption du fantastique dans le réel, Sur les genoux d’Isis qui voudrait transposer le merveilleux de l’Égypte antique dans la culture de la fantasy moderne, Tarot, mon vieux projet de marier épopée arthurienne et légende napoléonienne (à moins que ce ne soit l’inverse), et maintenant La Tribu Perdue, une envie d’écrire enfin une littérature de loup-garou débarrassée des niaiseries du genre tout en assumant une portée littéraire (sans prétention excessive) en me basant sur la trame de ce que j’avais écrit en jeu de rôle pour mes petits camarades.

Le théâtre, que j’ai dû arrêter alors que la scène me manque. Il était physiquement trop compliqué d’assumer les répétitions et le reste de mes obligations.

Le cinéma, la réalisation, dont un seul projet pourrait remplir des années de temps complet : écrire un script, trouver des acteurs, constituer une équipe technique, trouver des décors, concevoir un découpage technique et un story-board, préparer un tournage et l’assumer puis le diriger ensuite de bout en bout, faire la direction d’acteur, monter les séquences, assurer la postproduction…

Appréhender la méditation de pleine conscience, lire des centaines de livres, voir des dizaines de séries, des milliers de films.

Vivre avec mes compagnons de jeu des centaines d’aventures de jeu de rôle, dans des univers variés : cape & épée, superhéros, horreur, science-fiction, space opera, roman noir, et tout ce qu’ils voudront bien tenter avec moi.

Écrire sur ce blog.

Et surtout : vivre. Vivre avec mes parents, mes amis. Vivre avec ma femme. Profiter du temps qu’il m’est accordé avec eux. Avec elle.

Vivre avec le monde. Prendre le temps de regarder les arbres danser dans le vent devant ma terrasse, les nuages filer sous la poussée de l’Autant, mon chat jouer avec une poussière ou un insecte, ou courser un mulot malchanceux.

Bref, je suis frustré. Frustré au quotidien par l’impossibilité primordiale de réaliser tout ce que je sens en moi.

Cette frustration atteint des sommets actuellement, car, paradoxe banal de l’univers, c’est en retrouvant plus de temps libre que les désirs étouffés jusque là frappent de plus belle à la porte du réel.

Retrouver l’Arche perdue

Conscient que tout ceci n’est qu’une période elle aussi limitée dans le temps, je m’attache tout de même à réfléchir sur ce que je peux en tirer comme leçon. La principale est celle-ci : l’Arche est en chacun de nous. En moi, j’ai déjà tout ce qu’il faut pour entrer à nouveau en harmonie avec le temps qui structure mon existence. Il suffit de laisser l’Ordre émerger du Chaos.

Il suffit de choisir, vous dira-t-on chez Psychologies Magazine. Il suffit de trouver ce qui est réellement important pour soi, de se concentrer dessus, et de dire adieu au reste, qui n’est que pollution de l’existence.

Oui. Mais non. En tous les cas pas pour moi.

Si j’ai appris une chose au cours de ces quelques années où mon champ de vision s’est étendu à d’autres façons de concevoir l’acte de soigner, c’est que la solution est unique pour chacun d’entre nous. Au point que les phrases toutes faites ne sont d’aucun secours, au point qu’elles puissent même devenir des obstacles à ce qu’elles prétendent offrir.

Le temps est relatif, me disait l’autre soir le grand Albert. Vous savez, celui qui trouve marrant de tirer la langue quand on le photographie ?

La majorité des gens vivent cette vérité sans vraiment en avoir conscience, parce qu’ils n’en mesurent pas toutes les conséquences.

Il est possible de dilater ou de contracter le temps. Du moins notre perception de son écoulement. Se plonger dans quelque chose d’agréable (un bon bouquin, un film poignant, une conversation passionnante) nous fait paraître l’écoulement du temps plus rapide. C’est la fameuse phrase « je n’ai pas vu le temps passer ». Au contraire, se trouver devant un débat télévisé de deuxième tour d’élection présidentielle, ou écouter pérorer un orateur qui se prend trop au sérieux, c’est l’assurance de se trouver dans une boucle temporelle qui ne finit jamais, et trouver « le temps long ».

Mais on peut aller plus loin. Si l’on parle assez vite à quelqu’un pendant dix minutes, il va avoir la sensation que le temps s’est écoulé plus vite. Au contraire, détachez bien les mots, posez les syllabes et prenez un ton plus lent, et ces mêmes dix minutes paraîtront une éternité à votre interlocuteur.

C’est ce que l’on appelle la distorsion temporelle. C’est très utile dans bien des situations, quand on est soignant.

Mais revenons-en au choix, à celui que me conseillerait Psychologies Magazine.

Choisir est un acte difficile, un acte adulte, car il signifie privilégier une voie et se fermer toutes les autres. Il existe, c’est vrai, des chemins de traverse qui permettent parfois d’en emprunter un autre que l’on avait oblitéré auparavant. Mais le principe est là : choisir, c’est trancher dans le vif et supprimer des potentialités. C’est ainsi que l’Univers a évolué depuis son commencement.

La frustration de n’avoir pas le temps de réaliser ce que l’on voudrait se résoudrait-elle en privilégiant une voie parmi toutes les autres et en se séparant de celles que l’on aura jugées moins importantes ? On serait tenté de le penser.

Cependant, je crois profondément que nous sommes là devant un cas de faux choix typique. Nous avons l’illusion du choix, et pas une véritable liberté.

Parce que nous ne pouvons pas décider de laisser tomber les contingences matérielles ou sociétales pour nous concentrer sur nos propres désirs. En tous les cas moi je n’en suis pas capable. Je ne suis pas Diogène dans son tonneau, vivant en marge de la société pour me consacrer entièrement à la philosophie. Il y a là pour moi une incongruité majeure, un choc difficilement acceptable. L’être humain est un animal social. Je ne puis m’écarter de la société de mes semblables. Je dois donc en assumer les conséquences.

D’un autre côté, est-il pensable, concevable, de renier la partie de soi qui aspire à vivre d’autres choses que les conséquences de sa place dans la société ? En d’autres termes, est-il possible, et souhaitable, que j’abandonne mes passions à la raison ? Est-il possible, et souhaitable, de choisir entre ces différentes passions ?

Chacun a sa propre réponse en ce qui le concerne.

Mais la mienne est non.

Je ne peux me résoudre à m’amputer moi-même d’une part essentielle de mon existence.

Une grande sage m’a dit un jour que certaines personnes avaient une façon de penser en arborescence, ouvrant un éventail de possibilités dans leur esprit pour ensuite faire des liens, des ponts entre les différentes branches de cette arborescence. J’ai trouvé l’image parlante d’autant plus qu’elle me semble s’accorder parfaitement avec la façon dont j’ai toujours fonctionné.

Et un autre grand sage qui m’accompagne depuis ma naissance a théorisé le concept du trépied de vie. Chacun d’entre nous doit trouver trois pieds sur lesquels faire reposer sa vie. Ce peut-être la famille, les amis, le travail (rôle dans la société), une passion, un être aimé. Mais il en faut trois, au moins. À égale importance. Afin que si l’un d’entre eux vient à se briser, à s’affaiblir, les deux autres nous permettent de nous tenir encore debout pour le reconstruire ou le remplacer.

Je ne peux donc pas choisir. Ou plutôt si.

Je choisis de ne pas choisir.

Je fais le choix assumé de vivre selon plusieurs temps en même temps.

« N’as-tu jamais dansé avec le Diable au clair de lune ? »

La phrase du Joker devant l’Homme-Chauve-Souris me revient en tête quand je pense à ce qui me semble actuellement être la décision la plus sage pour me permettre d’apprivoiser les temps dont j’ai besoin pour vivre.

Je suis notoirement empoté quand il s’agit de danse. Je sens le rythme, mais je ne parviens pas à le retranscrire avec mon corps, comme s’il était incapable de vibrer avec la même fréquence que mes neurones, et que la musique. Et c’est valable si je me mets à chanter (non, je ne le ferai pas, vous pouvez être tranquille, il fera beau ce week-end), ou à jouer de la musique.

Un comble pour le fils d’un musicien. Un comble pour quelqu’un qui ressent les rythmes et les cycles à l’œuvre autour de lui.

Je suis un être de paradoxes.

Et pourtant, c’est bien la danse que je vais devoir apprendre pour apprivoiser le Temps. Une danse particulière, s’entend.

Ne pas choisir ne signifie pas ne pas structurer, ne pas hiérarchiser.

Dans une partition, dans une symphonie, dans un morceau de rock, et même dans un rap, différents instruments partagent la scène auditive. Selon un ordre, une harmonie. Un rythme. Des cycles. À un moment c’est la basse qui occupe la majeure partie du morceau, et les pieds bougent d’une certaine façon. À un autre moment, la basse fait place à la guitare ou à un violon, et ce sont les bras qui entrent en action, ou bien les pieds changent de rythme, de mouvement. Puis c’est la voix qui s’avance, alors que les autres instruments sont toujours là, et nos gestes suivent une autre phrase, une autre phase.

Voilà ce que je crois être ma solution. Apprendre à danser, à jouer, à chanter avec le Temps. Laisser à un instant le travail se déployer, pour mieux le mettre en sourdine quelque temps plus tard et faire émerger l’écriture d’une histoire lorsque ma femme invite ses amies et collègues lors d’un week-end « filles ». Profiter des espaces entre deux patients, entre deux problèmes, pour vagabonder dans mes pensées ou prendre des nouvelles de ceux qui me sont chers.

C’est difficile parce que ça demande une souplesse qui n’est pas forcément mon fort.

Et danser avec le Diable c’est périlleux, parce qu’il peut changer de rythme à tout moment. Même si la lune éclaire bien le dancefloor. On connaît sa réputation de petite farceuse.

Je vais donc apprendre la souplesse, mais aussi à laisser les événements faire émerger les points d’orgue de ma vie, sans la laisser filer seule, en la guidant de temps en temps pour qu’elle suive la direction voulue, mais en lui permettant quelques digressions de temps à autre. Et si vous songez au taoïsme en lisant ces lignes, vous ne faites peut-être pas tant fausse route que cela.

Je suis confiant. Je sais que je suis plein de ressources. Et que finalement, le Temps est avec moi, car il aime lui aussi jouer.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)

Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)

Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)

Notre époque est troublée. Pessimiste. Peut-être pas plus que les autres époques en réalité. Il suffit de se projeter quelques décennies ou quelques siècles en arrière pour faire quelques comparaisons simples. Dans les années 90, le terrorisme islamique existait déjà (attentats dans le métro de Paris), dans les années 70 et 80, le terrorisme d’extrême gauche touchait la France, l’Italie, l’Allemagne, dans les années 50 et 60, l’OAS, l’IRA, l’ETA, l’OLP, faisaient sauter des bombes et assassinaient déjà. La Guerre froide, les Deux Guerres mondiales. Je pourrais remonter encore dans le temps, et nous trouverions encore d’autres violences.

Notre époque est troublée. Pessimiste. Surtout dans la représentation qu’elle se fait du monde. Surtout dans les séries, les films, les livres qui en sont l’expression.

On considère de nos jours que les « bons sentiments » sont trop naïfs, que le monde n’est pas « le monde des Bisounours », que tout est noir, ou au moins gris foncé. Et le succès de certaines œuvres en témoigne : Game of Thrones et ses complots, ses trahisons, sa violence et sa cruauté, la pléthore de films et séries de zombies ou post-apocalyptiques qui nous brossent le portrait d’une Humanité déchirée, perdue, au bord de l’extinction.

Notre vision du monde est-elle seulement celle-ci ?

Deux séries tentent de nous faire changer légèrement de paradigme. Et à mon avis, elles sont un contrepoint bienvenu à l’ambiance générale.

Sense8, ou l’amour qui vient de la compréhension

Si les Wachowski ont à leur actif la trilogie Matrix, ils ont aussi commis des choses beaucoup moins bonnes (Jupiter Ascending, par exemple), et depuis la saga de Neo, Trinity et Morpheus, c’est surtout Sense8 que je retiendrai. À des éons de Matrix, leur série fantastique bénéficie d’une véritable vision.

Dans des pays différents, sur les cinq continents, huit jeunes gens qui sont nés le même jour à la même heure, au même moment, se trouvent liés par un pouvoir extraordinaire : ils sont capables de partager leurs pensées, leurs émotions, leurs sentiments les uns avec les autres, comme une intelligence collective, tout en gardant chacun leur personnalité. Ils découvrent également qu’ils peuvent agir les uns pour les autres, à des milliers de kilomètres de distance. Ainsi, l’une, championne de boxe thaïe, peut guider les gestes d’un autre, simple chauffeur de bus en Afrique lorsque ce dernier se retrouve confronté à des malfrats qui veulent le tuer.

Mais ces pouvoirs sont jalousés par une mystérieuse organisation qui cherche à les retrouver tous et à les éliminer, en remontant le fil de leurs pensées grâce à un traître qui a déjà détruit plusieurs « cercles » précédents.

La première saison est déjà pour moi une très grande réussite, dont l’épisode spécial de Noël 2016 est le pont vers la deuxième, qui a mis du temps avant d’être mise en chantier, pour bientôt voir le jour. Des acteurs ont été remplacés (celui qui joue Capheus, le chauffeur de bus africain, par exemple), mais on espère que le casting retrouve cette homogénéité qui avait si bien fonctionné jusque là.

L’intrigue de l’organisation qui veut retrouver les héros n’est pas véritablement le cœur de la série. Au demeurant parfois un peu faible, cette intrigue n’est pas très originale dans son traitement non plus. Le chasseur, lui-même « hypersensitif », essaie plus ou moins de corrompre celui qui tombe entre ses mains, de lui soutirer des renseignements, de le tromper, pour le localiser et localiser les autres, entrer dans le cercle des pensées. C’est classique, et fait sans grande imagination.

Mais l’essentiel est vraiment ailleurs.

L’essentiel c’est l’exploration par les Wachowski de tous les aspects et de toutes les conséquences de cette communion d’esprit, de cœur et de corps qui lie des personnes aussi différentes qu’un malfrat allemand, une Indienne de la classe moyenne, un acteur star de télénovella mexicaine, un policier américain, une hacker activiste LGBT de San Francisco, ou encore une DJ islandaise accroc à différentes drogues.

Ces différentes personnes, hommes, femmes, transgenres, partagent leurs pensées les plus intimes, leurs désirs, leurs peurs, mais aussi et surtout leurs forces et leurs faiblesses. Ce faisant, ils parviennent à s’entre-aider, mais surtout à se comprendre parfaitement, dans une sorte de communion presque mystique.

Les scènes où les interrogations de l’un font échos aux conseils ou aux représentations personnelles de l’autre, où les doutes sont partagés, où les fardeaux sont endossés par plusieurs, où des vies sont sauvées par la coopération, des problèmes résolus par la collaboration, le tout sans aucune arrière-pensée sont le cœur de la série.

Les Wachowski réalisent là une fresque qui résonne comme un hymne à la fois à la différence entre toutes les cultures, toutes les opinions et toutes les identités de l’Humanité et à tout ce qui rassemble les êtres humains entre eux, à ce qui fait qu’ils peuvent se respecter, se comprendre, s’accorder, collaborer, et au final s’aimer malgré ou plutôt grâce à ces différences. Un hymne à la tolérance et à la conscience que notre espèce est riche de ses dissemblances, de sa diversité. Chacun des protagonistes du cercle a quelque chose à apprendre et à apporter. Même les faiblesses de chacun peuvent profiter aux autres.

Tout en utilisant le concept d’esprit de ruche, les Wachowski l’humanisent, car chaque personnage garde sa personnalité et aucun d’eux ne se fond dans le cercle formé par les autres. Comme si le cercle devenait plus fort que la simple somme de ses parties. C’est là une notion assez novatrice, car souvent la SF ou la Fantasy abordent la communion de pensée et l’intelligence communautaire sous le spectre de la soumission, de la dilution, de la disparition de l’individualité. Or c’est tout le contraire qui se concrétise dans Sense8.

Je ne peux pas m’empêcher d’y voir une allusion ou une illustration plutôt, des principes collaboratifs qui se développent dans nos sociétés, depuis le monde du logiciel libre jusqu’aux fab labs. Cette idée que la puissance de la collaboration des êtres humains entre eux peut transcender les barrières que l’on aurait pensées comme absolues est parfaitement imagée par la distance qui sépare physiquement les protagonistes, alors même qu’ils peuvent vivre le même instant. Il est d’ailleurs assez étonnant qu’aucune de ces scènes (souvent des scènes de combat) ne nous ait pas encore vraiment montré que les protagonistes sont capables de vivre plusieurs choses à la fois. Car, et c’est assez intéressant, les personnages sont souvent occupés à leurs propres affaires lorsque l’un de leurs « frères & sœurs » a besoin d’eux. Ils « basculent » alors vers la conscience de l’autre, tout en continuant à agir pour eux-mêmes. Si j’ose, ils sont « multitâches », une qualité que notre cerveau a hélas le plus grand mal à acquérir.

Les nombreuses scènes de partage de conscience pendant les actes charnels sont sans doute intéressantes de ce point de vue, même si à mon goût elles sont trop appuyées, car trop nombreuses. Elles construisent des tableaux très esthétiques visuellement et très forts émotionnellement, mais se reproduisent trop souvent pour ne pas apparaître comme des orgies. C’est là une des faiblesses de la première saison.

This is Us, ou la famille comme allégorie de l’Humanité

Il y avait les bonnes vieilles comédies familiales à l’ancienne, celles qui d’Arnold & Willy à Madame est servie, de Huit à la maison à La vie à cinq, nous montraient sous le prisme de la famille les problèmes que notre société engendre et ceux qu’elle a du mal à régler. Il y avait même eu Mariés, deux enfants, cette série caustique qui mettait en scène une parodie de tous ces soaps en prenant le contrepied avec des personnages stupides, radins, libidineux, cruels et irresponsables les uns envers les autres.

Dans toutes ces séries, c’est bien moins la famille elle-même qui est au centre de l’intrigue, qu’une succession de thèmes plus ou moins drôles, plus ou moins graves, plus ou moins moraux. Chaque personnage y était l’occasion de développer des valeurs représentant l’idée de famille à l’américaine.

Et il y a This is Us, dont le pitch de départ est volontairement flou, car le premier épisode est un bijou conditionnant tout le reste de la série, et il est donc impensable de trop le déflorer.

L’histoire entrecroisée de cinq personnages nés le même jour (comme dans Sense8) à travers leurs relations, leurs choix, leur cheminement, leur destin.

Sans trop en dire, on peut tout de même expliquer que la série met en scène le concept de famille de façon magistrale. Tout d’abord avec le montage des scènes, temporellement non linéaire. Les moments se répondent à différentes époques de la vie des personnages, font écho d’une vie à l’autre, et créent une unité (nous vivons tous la même chose) et une diversité (nous y réagissons tous d’une façon différente) en même temps.

Ensuite, c’est une des rares séries familiales de ma connaissance à s’intéresser plus aux relations entre les personnages qu’aux thèmes de société qui les impactent. Les problématiques ne sont pas la drogue, le petit ami, le secret que l’on ne doit pas dévoiler ou que l’on devrait dévoiler, mais bien des problématiques plus universelles : la maladie, la mort, l’adoption, l’identité, l’amour que les membres d’une famille peuvent se porter, leurs rivalités, les incompréhensions. Bref, on entre dans une série américaine, mais dont la pertinence est de ne pas faire l’apologie de la famille américaine. C’est assez rare pour être souligné, et encouragé.

Enfin, la pudeur de This is Us est aussi quelque chose de très rare. Des scènes tout en retenue, des acteurs justes, des dialogues sincères. Sans sensiblerie, sans être puérile ou niaise, This is Us nous entraîne très facilement dans une vie où tout, n’est pas rose, mais où rien n’est non plus tout noir.

En prenant des protagonistes très différents unis par un lien fort n’ayant pas vraiment à voir avec celui du sang, la série fait vivre épisode après épisode l’idée que nous sommes tous embarqués dans une aventure commune qui s’appelle la vie. Cette vie nous offre, à nous tous, plus ou moins de cadeaux, et nous impose, à nous tous, plus ou moins d’épreuves. Et face à tout cela, chacun de nous affronte la réalité avec ses propres armes, ses forces et ses faiblesses, mais surtout avec ce que d’autres avant nous sont parvenus à nous transmettre. L’idée de transmission, d’héritage, est au centre de l’intrigue. Ce peut être un héritage positif, mais aussi un héritage négatif (le poids de Kate, par exemple).

Au fond, c’est plus l’idée d’une famille à l’échelle de l’Humanité qui est déroulée au fil des épisodes, qu’une simple famille américaine, fut-elle de cœur.

Cette idée que génération après génération, l’amour que nous pouvons nous témoigner perdure, s’ancre, se déploie dans la vie des autres.

Pas d’ombre sans lumière

C’est un peu ce que je serais tenté de conclure. Je suis surpris, souvent, par le manque de vision à long terme, d’idéal, de mes contemporains. Sans doute avons-nous trop entendu de fables qui ne se sont jamais réalisées, ou qui ont servi de prétexte à des asservissements. Les idéaux politiques, religieux, ont tous failli à leurs prétentions. Et notre Humanité se trouve bien seule sans utopie à laquelle se raccrocher.

Mais c’est je crois ce qui la fera grandir. Trouver un équilibre entre l’ombre et la lumière qu’elle a en elle. Nous sommes capables du pire, mais aussi du meilleur. Et vouloir occulter ce meilleur sous prétexte de ne pas être naïf ne fait que nous plonger dans une autre naïveté.

Alors, osons être tolérants sans être laxistes, osons être aimants et bienveillants sans tout gober.

Osons l’équilibre. Entre l’écaille & la plume, par exemple.

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Premier Contact, le pouvoir des mots

Premier Contact, le pouvoir des mots

Premier Contact, le pouvoir des mots

Le thème du Premier Contact, cette rencontre entre l’espèce humaine et une espèce extra-terrestre, est un fantasme puissant dans l’imaginaire contemporain. Il a donné naissance à quantité de livres et de films plus ou moins réussis, plus ou moins orientés. La plupart ont montré surtout la difficulté de comprendre les intentions de nos éventuels visiteurs en les classant selon deux registres : l’affrontement brutal (Independance Day, Mars Attacks) ou le messianisme dérangeant (Le Jour où la Terre s’arrêta). Même s’il y a eu des tentatives de se situer entre ces deux extrêmes (la saga d’Ender d’Orson Scott Card, ou Babylon 5, ou encore Mass Effect, commencent par exemple avec un malentendu menant à une guerre terrible, puis se muent en une coopération, pour se terminer dans l’utopie), très peu ont essayé de regarder les choses sous un angle un peu différent. Moins nombreuses encore sont les œuvres qui y parviennent avec succès.

Premier Contact (Arrival en version originale) choisit avec élégance de s’attaquer à une facette étonnamment peu développée : celle de la compréhension par le langage d’une espèce non humaine extrêmement évoluée.

 

Un beau jour, au même moment, aux quatre coins du monde, douze vaisseaux étranges apparaissent dans le ciel. C’est l’effervescence. Louise Banks, brillante linguiste américaine, est recrutée par l’armée pour déchiffrer en collaboration avec Ian Donnelly, un physicien réputé, les intentions des voyageurs Aliens qui attendent au-dessus d’une plaine herbeuse d’Arizona. Sous la bienveillante, mais sévère férule du colonel Weber, responsable de l’opération, elle devra défendre son approche raisonnée face notamment aux services secrets ou à d’autres gouvernements.

Ses progrès décisifs vont changer à la fois sa vie, sa perception du monde, mais aussi la texture même de sa réalité, et le cours de l’Histoire humaine.

Au premier abord (attention jeu de mots inside), le film paraît un peu décousu, mais rapidement l’enchaînement étrange des scènes et la confusion qui s’en dégage laissent place à une sorte de poésie.

Et puis, fait inhabituel, les protagonistes principaux ne sont pas des combattants, et ne le deviennent pas non plus. S’ils se battent, ce n’est qu’avec leurs mots, leurs convictions, leurs conceptions du monde, de l’humanité, de notre humanité. Il n’est pas question ici de rayons laser, de destruction du monde. Seulement de l’étrangeté, de l’autre.

Enfin, le film est riche, car il se construit autour de trois idées fortes qui dérangent, passionnent, étonnent.

L’étrangeté devenue familière

Comme dans tout bon film de science-fiction traitant d’extra-terrestres, les êtres venus d’ailleurs sont d’abord entourés de mystère. D’abord physiquement, car on les voit assez tardivement, et lorsqu’on les aperçoit, ce n’est que pour en deviner des formes indistinctes entourées de brume blanchâtre derrière une paroi vitrée qui leur sert autant à se protéger des regards qu’à respirer leur propre mélange gazeux et à permettre aux humains de respirer le leur.

Peu à peu, ils dévoilent des appendices. La conception de leur forme a-t-elle été particulièrement étudiée par l’équipe de réalisation ?

Car ces appendices ressemblent à des tentacules, puis on découvre avec une pointe d’écœurement que ces tentacules s’ouvrent comme des fleurs malsaines. Cette forme est particulièrement utilisée pour représenter des monstres. Le dernier avatar de cette forme-là a été la bête de Stranger Things (dont je vous parlerai peut-être un jour, d’ailleurs) dont la gueule s’ouvre de la même façon.

Mais de façon surprenante, lorsque la fonction de l’appendice en question est dévoilée, il en devient presque banal. C’est en effet grâce à cet appendice que les Heptapodes, selon le nom que leur donne Ian, tracent dans l’air des formes circulaires complexes qui constituent leur langage écrit. Et la beauté des formes circulaires, comme des idéogrammes venus d’une autre planète (et le tracé en a sans doute été pensé de façon à ressembler aux calligraphies chinoises), fait reculer le sentiment d’écœurement.

Lorsqu’enfin, près de la conclusion du film, nous voyons un Heptapode en entier, sa forme fait penser à celle d’un arbre inversé, et on se le représente finalement de façon assez sympathique.

Ce mouvement qui va de la surprise dégoûtée à la surprise bienveillante a-t-il été pensé ? J’aimerais le croire.

Les mots qui formatent l’esprit

Le langage écrit des Heptapodes que déchiffre Louise est non linéaire : il exprime des concepts complexes en un seul signe combinant divers paramètres. Et au fur et à mesure que Louise l’apprend, elle commence à « rêver dans [leur] langue ».

Le film développe là une idée qui m’est chère depuis très longtemps et qui traverse tous mes univers d’écriture, qu’ils soient achevés (Poker d’Étoiles), en passe de l’être (Le Choix des Anges), encore en projet (Rocfou, Sur les genoux d’Isis), ou même d’anciens écrits inachevés (ma saga Tarot, mêlant univers arthurien et époque napoléonienne) : le fait que parler un langage influence la façon de penser, et peut donc façonner en partie la réalité.

C’est d’abord une très sérieuse théorie du langage, assez en vogue, le relativisme linguistique, qui explique que la manière de nommer conforme notre cerveau et donc notre façon de voir le monde. Vous pourrez vous y plonger à travers deux ou trois lectures, comme ici, , ou encore .

Poussée plus loin, cette idée est à la base de la croyance qui mena John Dee, l’occultiste élisabéthain, à construire un pseudo « alphabet angélique », et d’autres à penser que la langue primordiale de l’Humanité, celle parlée avant le mythique épisode de la Tour de Babel, était la langue de Dieu lui-même. On peut même tracer les racines de cette croyance dans la tradition kabbaliste hébraïque, qui donne une valeur mystique intrinsèque à chacune des vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu.

Les kabbalistes croient ainsi qu’en perçant le mystère des textes sacrés, ils pourront saisir le projet de Dieu et gagner une connaissance ineffable, divine.

Cette idée est si séduisante à mon esprit que chacun de mes univers la fait vivre un peu différemment, mais avec toujours la même base : il existe une langue mystérieuse dont les mots, non seulement désignent leur signifiant, le symbolisent, mais l’incarnent même. Ainsi, prononcer ou écrire le mot « feu » dans cette langue donne pouvoir de créer, façonner, éteindre, contrôler le feu lui-même.

Dans Premier Contact, la langue des Heptapodes a cette faculté d’être non linéaire et selon la même idée, la parler signifie voir tous les segments d’une phrase temporelle en une seule fois. Donc embrasser le Temps lui-même en une seule fois.

Et c’est en comprenant la langue des aliens que Louise gagne le pouvoir de s’affranchir des limites temporelles de sa perception humaine. Elle parvient à voir des événements de son futur, d’autres de son passé, d’autres encore de son présent, sans aucun ordre chronologique, mais avec toujours un ordre « dramatique » construit pour le film et son histoire, bien sûr, mais aussi pour souligner sa Destinée et celle de l’Humanité toute entière.

En ce sens, le langage des extra-terrestres en lui-même devient déjà un cadeau qu’ils font à l’Humanité : « parlez notre langue et vous serez capable de gagner en sagesse et en connaissance ».

Le Temps et le Destin

Mais s’affranchir du Temps et de son déroulement à sens unique (sa flèche, comme disent les astrophysiciens) n’est pas paradoxalement synonyme de s’affranchir du Destin. C’est en effet en voyant son futur que Louise comprend qu’elle doit accomplir certains actes afin de mener à bien son rôle d’intermédiaire entre les Heptapodes et l’Humanité.

Tout se passe comme si en se libérant de la flèche du Temps, elle s’enferrait plus encore dans la chaîne des causalités. Ironie et paradoxe, c’est en s’affranchissant du Temps que l’on devient esclave du Destin.

On me rétorquera, comme l’a fait quelqu’un qui m’est cher, que Louise, sachant ce que sera son futur (douloureux, mais aussi rempli de bonheurs), sachant ce qu’elle pourrait vivre et ce qu’elle devrait subir comme conséquences à tous ces bonheurs, choisit de tout de même accomplir l’acte qui va la mettre sur le chemin de son destin. Une phrase du film soutient cette interprétation, lorsqu’elle dit à Ian qu’elle est prête à vivre ce qu’elle doit vivre.

On peut donc penser que c’est un véritable choix qu’elle fait, et que d’autres chemins auraient pu s’ouvrir à elle, malgré les visions incessantes de son futur tout au long du film. Ce ne seraient que des visions d’un avenir possible parmi une infinité d’autres.

Une interprétation assez intéressante qui n’a pas de soutien dans le film, mais que l’on peut choisir de suivre.

C’est d’ailleurs un peu ce qui arrive à mon héros, Armand dans Le Choix des Anges : il peut voir se dessiner des lignes d’avenir différentes suivant les choix que décident de faire les personnages qui croisent sa route.

Vous comprenez maintenant pourquoi Premier Contact m’a vraiment parlé ?

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Arès, hommage dystopique de la “french touch”

Arès, hommage dystopique de la “french touch”

Arès, hommage dystopique de la “french touch”

Il y a peu, je râlais (il n’y a pas d’autre mot) contre les réalisateurs français et leur manque de sérieux dans la production de leurs films.

Ironie de l’existence, j’ai vu avec plaisir Arès, un film français d’anticipation dystopique, dont la qualité vient en contrepoint parfait des trois exemples que je prenais dans mon précédent article, tant le soin apporté à de nombreux aspects me semble dénoter. En forme d’hommage à la référence anglo-saxonne du genre qu’est Blade Runner (dont une suite sera bientôt sur les écrans, d’ailleurs), Arès apporte cependant une vision un peu différente en se concentrant sur le destin d’un personnage égoïste dont la seule préoccupation est de survivre. Et c’est en cela que sa trajectoire tout au long de l’intrigue est assez originale pour un protagoniste principal.

 

Arès (alias Reda) est un ancien champion de l’Arena, un sport de combat qui fait s’affronter pour le plaisir et l’abrutissement des masses des gladiateurs aux poings nus, sans aucune règle ni aucune limite. Au contraire, même, puisque la compétition est le terrain d’expérimentation de drogues de combat produites par de puissants conglomérats financiers et industriels qui ont remplacé le gouvernement en France, pays gangréné par le chômage de masse, la pauvreté, les bidonvilles, et la violence.

Reda est un survivant, dont le regard sur la société est sans aucune illusion, presque cynique. Il n’a de loyauté qu’envers sa famille. Sa sœur, idéaliste militante d’une ONG qui dénonce la mainmise des conglomérats sur la société. Ses nièces Anouk l’adolescente rebelle engagée dans le militantisme plus violent dans une organisation subversive, et Anna l’innocente et attachante enfant.

Lorsque la société Donevia trouve une nouvelle drogue de combat létale pour tous ceux qui l’ont testée sauf pour Reda, son coach propose au gladiateur de remonter sur le ring en haut de l’affiche, lui faisant miroiter la gloire et la fortune, à lui l’ancien champion raté. Reda va alors devoir redevenir Arès, non pas pour l’argent lui-même, mais pour libérer sa sœur emprisonnée à tort par malveillance. Aidé par son amante, une policière aux fréquentations douteuses, par un ami de sa sœur membre d’une organisation rebelle armée, et par son voisin transsexuel Myosotis, il va entamer une nouvelle carrière. Mais le ring n’est pas le plus grand danger qu’il va devoir affronter, car la véritable arène se trouve plus dans les rues, dans les salons feutrés des boards qui dirigent les conglomérats, dans les alcôves où les trahisons sont la règle de la survie, qu’en face des caméras, des publicités et du divertissement de masse.

Arès est une excellente surprise tout d’abord par sa réalisation, soignée et crédible.

La fameuse « qualité d’image » made in France, celle qui fait reconnaître une production hexagonale au premier coup d’œil par l’excessive banalité de sa texture, fait place à une photographie très étudiée qui mélange les couleurs ternes et blafardes, qui projette vraiment dans la réalité de cette époque fantasmée où la pauvreté ronge la population et les cœurs. La référence à Blade Runner est assumée et bien endossée : néons, imperméables longs, boue, pluie, omniprésence de la nuit, et les « aréneurs » qui font vraiment penser aux « répliquants » du glorieux ancêtre.

Ensuite, l’interprétation est crédible. Arès est parfaitement incarné par Ola Rapace, et jusqu’au plus petit rôle, chacun et chacune est dirigé de façon à ce que l’univers devienne réaliste. Aucune faute de goût sur le casting, un engagement parfois très physique. Les dialogues sont justes, même si on aurait aimé plus de truculence dans leur écriture. Le tout est efficace, et fait honneur aux multiples références du genre tout en préservant un côté décalé que j’ai trouvé particulièrement réussi avec le personnage de Myosotis, dont la caricature (un univers dystopique appelle forcément la caricature) n’est pas gratuite et sert à montrer comment la « déviance » peut être parfois la seule façon saine de vivre dans un environnement lui-même déviant.

Le combattant, image du résistant

Prendre un gladiateur cynique comme héros principal est inhabituel dans les œuvres dystopiques, mais pas inédit. On se rappelle de Running Man, avec Arnold Schwarzenneger en 1987, dont le rôle, plus caricatural encore, était plus ou moins basé sur ce modèle.

En prenant comme point de vue un personnage dont la survie est le principal moteur, on entre de plain-pied dans la dureté et l’âpreté de l’univers. Seuls les forts survivent, en se battant et en éliminant leurs adversaires. Ils doivent pour cela faire des compromis : prendre des drogues, accepter de considérer leur adversaire comme un obstacle, développer leur agressivité. Et pactiser avec plus fort qu’eux pour ne pas se faire broyer eux-mêmes. Dans ces univers, les plus forts ce sont ceux qui ont le plus urgent et le moins de scrupules. Ceux qui siègent aux boards des grandes sociétés multinationales, mais aussi ceux qui sont prêts à trahir les leurs pour grailler un peu de ce pouvoir. Les petits malfrats, mais aussi les « lâches du quotidien », ceux qui dénoncent, qui manipulent, qui vendent leur âme.

Et pourtant, Reda qui commence comme un solitaire désabusé intéressé par sa seule survie devient peu à peu une figure de résistance, un véritable héros : il transcende ses propres limites pour des valeurs plus hautes que lui. Il prend conscience que sa force peut aussi servir à protéger les plus faibles que lui, à combattre non pas seulement pour lui, mais aussi pour ceux qu’il aime, puis aussi plus tard, pour tous les autres. En se jetant dans l’arène, Arès se sacrifie. Il accepte de prendre les risques insensés de la nouvelle drogue de combat. Il accepte de gagner, de perdre. Il accepte d’être pourchassé, voué aux gémonies. Il accepte d’affronter son destin. En toute connaissance de cause. Et il met sa force au service de ce qui le grandit.

Il devient même un symbole. Le combattant qui a refusé de se soumettre. L’image est forte depuis l’exemple de Spartacus dans la Rome antique, qui est utilisée dans Arès.

La vision cyberpunk

Les choix d’univers dans Arès classent d’emblée le film dans le courant cyberpunk, qui a fleuri dans les années 1980-1990 avec l’avènement de la pensée de l’hybridation homme-machine, des dérives du capitalisme globalisé, la faiblesse des gouvernements face à l’argent, la corruption organisée en valeur au cœur de la société, le divertissement de masse comme propagande et contrôle du peuple par les classes dirigeantes. Et si cela vous rappelle quelque chose (par exemple notre propre époque), vous n’auriez peut-être pas tout à fait tort.

En même temps, ce courant littéraire et cinématographique fait la part belle aux héros « à hauteur humaine ». À ceux qui vivent suivant des valeurs morales et éthiques à contre-courant de toute cette crasse. Un peu à la manière du Noir des années 40 et 50, les intrigues sont des intrigues personnelles et la fin n’est pas forcément heureuse. Mais elle éclaire l’âme de ceux qui résistent, même s’ils se font écraser à la fin.

Arès est moins désespéré, moins pessimiste, que les canons du genre cyberpunk classique, cependant. Il mêle un peu de cette fin de Trepallium que j’aurais aimé voir dans la série dont je vous parlais il y a quelque temps, même s’il se concentre moins sur les mécanismes qui tournent autour du travail et de l’argent qu’autour des valeurs de vie et du sacrifice que l’on peut consentir pour elles.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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