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Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)

Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)

Pourquoi je ne mets plus de note aux livres que je lis (ni aux séries et aux films, ni pour quoi que ce soit d’ailleurs)

Comme je le dis souvent, aimer écrire, c’est d’abord aimer lire. Je ne fais pas exception à cette règle-ci. Si je pouvais, je lirais plus encore que je ne puis le faire actuellement. Je rêve de retrouver le temps où je pouvais passer des journées entières plongé dans les pages d’un bon roman, ou des nuits, d’ailleurs…

Cependant, avec les années, l’expérience, l’âge, mais aussi avec la profusion de livres publiés chaque année, je crois que nous sommes tous confrontés à un paradoxe fondamental : il y a de plus en plus de bouquins à lire, mais sans doute devenons-nous plus difficiles (en tous les cas je deviens plus difficile). Car il y a de moins en moins d’ouvrages qui me transportent vraiment, ou simplement qui me font vraiment envie, et comme j’ai moins de temps pour lire, je suis parfois paralysé…

Comment choisir ?

On peut, comme moi, s’en tenir à son intuition. C’est parfois un bon indicateur. Pas toujours.

On peut, comme avant, choisir de faire confiance à une maison d’édition (par exemple, je suis assez fan des productions des Moutons électriques, ou de l’Atalante, comme de certains auteurs chez Bragelonne). Mais ça ne suffit pas non plus, car si l’on refuse de sortir des sentiers battus, on ne découvrira pas des auteurs qui ont fait un autre choix que ce circuit-là, comme l’ami Olivier Saraja.

Alors nous avons trouvé, poussés en cela par les grands acteurs de la distribution, mais aussi par une tendance de fond de la société, divers moyens pour nous aider à choisir, puisque ni la couverture ni la quatrième de couverture ne sont plus suffisantes pour nous guider vraiment, et parce que nous nous sommes éloignés de nos libraires. Ces derniers pourtant pouvaient apprendre à connaître nos goûts et devenir nos initiateurs vers une œuvre, un auteur, un genre. Eux aussi, cependant, sont pris dans le courant de cette lame de fond. L’abondance.

Pour pallier ce manque, nous nous sommes tournés vers des concentrateurs, des diffuseurs présents partout, comme Amazon. Puis vers des influenceurs, des blogueurs, des booktubeuses et des bookstagrammeuses. Enfin vers des réseaux sociaux, comme Goodreads, par exemple.

Ces systèmes ont un commun un postulat de base : la recommandation se fondera sur des avis argumentés et sur une note.

Les avis et critiques se multiplient donc, ce qui est une bonne chose. Encore faut-il qu’ils soient sincères et vraiment structurés. Ce n’est pas toujours le cas sur des sites comme Amazon, car les livres n’échappent pas au biais des avis «ouais c’est nul» ou «trop d’la balle», que nous avons tous croisés dans nos pérégrinations sur le site marchand.

Les notes se multiplient aussi.

Elles servent à construire une note globale à partir des avis des lecteurs/acheteurs sur Amazon, note globale qui entrera dans un algorithme censé cerner vos goûts et vous recommander d’autres œuvres similaires.

Elles servent à guider rapidement le lecteur potentiel sur les critiques construites des booktubeuses et des blogueurs littéraires. Ce sera la même chose, le même rôle, sur Goodreads ou Babelio.

C’est donc souvent une note qui va déterminer le «sex-appeal» du livre que vous convoitez. Et c’est cette note qui va influencer votre décision de l’acheter ou pas, de le lire ou pas.

Où est donc le problème, me demandera-t-on (ou pas) ?

Le problème, pour moi, a à voir avec l’idée de norme qui sous-tend tout notation chiffrée

Que l’on s’entende bien, je comprends l’intérêt des notes dans le cadre scolaire, pour nous aider à nous situer par rapport à l’acquisition de certains savoirs, de certaines compétences. Je suis un joueur de jeu de rôle, après tout, et la notation des caractéristiques et compétences de mes alter ego de papier ne me pose aucun problème philosophique. Que ce soit sur 5 dans les systèmes du World of Darkness (comme d’ailleurs les notations sur Amazon et consorts), sur 18 comme dans l’ancêtre D&D, ou sur 100 comme dans les jeux construits sur le Basic System de Chaosium, les notes attribuées aux capacités des personnages permettent de les situer dans une norme et de mesurer leurs aptitudes facilement.

J’ai par contre beaucoup de mal, et de plus en plus, à concevoir qu’une œuvre artistique ou culturelle puisse être notée, donc jugée en référence à une norme, fût-elle la norme du plaisir qu’elle procure.

Et j’aimerais m’en expliquer ici.

La notation, la note & l’algorithme

Une note n’est en effet jamais un chiffre isolé.

Si je dis que j’attribue 4 étoiles au dernier livre que j’ai lu, cela aura un sens différent si la note maximale possible est 5 ou 100. Le chiffre que j’attribue, ce nombre d’étoiles, est donc toujours contenu dans une échelle dont le minimum et le maximum sont connus par convention. Il est donc indissociable d’une référence.

Cette référence peut être très personnelle (je peux décider de noter sur 4, sur 5, sur 8, sur 10, sur 20, sur 100, cela ne changera que l’estimation que j’aurai de la valeur attribuée sur l’échelle choisie). Je peux aussi décider que 0 est la note la plus basse, ou bien que l’on pourra noter seulement à partir de 1, ou même que la note peut descendre à -1 ou -10.

Et pourtant, comme cette échelle est une référence, elle va devenir l’aune à laquelle je vais mesurer toutes les œuvres comparables. Tous les livres, toutes les séries par exemple. Et si elle me fournit un cadre reproductible, elle va devenir également une référence pour d’autres. Car lorsque je voudrai partager mon ressenti avec d’autres (comme sur Amazon par exemple), je vais devoir le faire en adoptant une référence. La mienne ou celle de mon interlocuteur. Dans les deux cas, la référence choisie fournit un cadre qu’il sera tentant de reproduire pour pouvoir bien se comprendre.

Je vais donc de fait créer une norme.

Ou m’y conformer si je choisis d’utiliser le système de notation d’Amazon en nombre d’étoiles sur 5, par exemple.

Norme naturelle contre norme culturelle

Depuis les deux articles sur le quantified self en médecine que j’ai commis sur ce blog, vous savez que je fais modérément confiance aux normes dans le domaine de la santé.

Dans celui des œuvres artistiques ou culturelles, je ne fais pas que m’en méfier : je les trouve vérolées dès le départ. Car il existe une grande différence entre les normes issues des systèmes de notation et celles issues de la mesure de la Nature : la possibilité de s’en écarter.

Dans la Nature, comme nous en avons discuté avec le quantified self, la norme est déterminée par la proportion d’individus dont la note se situe sur un nombre donné. La représentation de cette norme sur un graphique va donc être une courbe de Gauss, car un nombre non négligeable d’individus vont s’écarter naturellement de la note moyenne, parfois de façon forte, dans un sens ou dans l’autre. Il sera donc possible de trouver des individus exagérément grands ou exagérément petits par rapport à la norme. Il sera même possible de sortir des valeurs «normales» pour être considéré comme exceptionnel ou pathologique.

Dans un système de notation chiffrée des œuvres artistiques ou culturelles, on ne peut pas sortir des valeurs qui bornent l’échelle. On ne peut pas noter un livre que l’on trouve extraordinaire comme ayant 6 étoiles sur Amazon, ou descendre en flammes celui que l’on trouve vraiment trop mauvais en lui donnant une note de -3 étoiles.

Le défaut inhérent à toute échelle de notation fermée est donc celui-ci : toutes les œuvres sont notées selon un pied d’égalité par rapport à une attente standardisée, un barème en quelque sorte.

C’est ce qui me gêne profondément : les critères de notation.

Car tout cela sous-entend que l’on peut juger d’une œuvre suivant des critères précis, reproductibles, standardisés.

Le mythe de l’objectivité en matière artistique, un mythe totalement antinomique pour moi.

Objectivité de façade, subjectivité inavouée et non assumée

Soyons clairs.

Je suis un esprit scientifique, formé à la compréhension du monde à travers des faits reproductibles, et je pense fermement que c’est la meilleure façon que l’Humanité ait pu trouver pour expliquer le monde et le décrire, car cette vision permet de construire découverte après découverte des fondations solides pour apprendre comment fonctionne l’univers qui nous a fait naître.

Pourtant, si les lois de la Nature sont scientifiques, mathématiques, physiques, il reste à prouver que les «lois artistiques» aient une réelle existence. Malgré la création récente d’Intelligences Artificielles capables de pondre des textes longs (romans par exemple) ou des tableaux, avec un certain succès, il reste une chose que l’on ne maîtrise pas : l’appréciation individuelle des qualités intrinsèques d’une œuvre, par la résonnance unique qu’elle va créer chez la personne qui va la recevoir.

Une œuvre artistique ou culturelle c’est essentiellement un discours sur le monde, une façon de l’interpréter, non plus de façon objective et froide comme une théorie scientifique, mais au contraire en y mettant toute la subjectivité possible de l’auteur ou de l’autrice. Cette interprétation, cette vision unique du monde, est inscrite dans l’œuvre, parfois au corps défendant de son créateur, de par des événements de vie qui vont avoir façonné sa manière de considérer la vie, la mort, l’univers.

À l’autre bout de la chaîne, le lecteur ou la lectrice va percevoir ce message, et il va entrer en résonnance avec son propre parcours, ses propres attentes, ses propres désirs, craintes, traumatismes, espoirs, forces, faiblesses. Bref, avec toute une galaxie d’étoiles, et non pas seulement 5…

La tentative de noter une œuvre selon des critères bien définis ressemble donc pour moi à vouloir faire entrer un rond dans un carré, ou toute une galaxie dans une pierre précieuse. Même si cela peut vous rappeler le twist final d’un film montrant deux hommes en costume noir dont l’un est Will Smith, je crois qu’on y perd fatalement quelque chose.

Que se passe-t-il donc quand on impose à quelqu’un ou que l’on s’impose à soi-même de noter sur 5 ou sur 100 une œuvre ?

On s’oblige à renoncer à la complexité, à la nuance, à notre propre système de valeurs, pour faire coller notre ressenti, le transposer, dans un système de notation qui nous est plus ou moins étranger.

On va engager une estimation, une approximation, du résultat.

Peut-être que la réalisation du film était superbe, mais que le scénario était faible. Combien ça vaut ? Un 3 sur 5 ? Mais si pour moi un film c’est d’abord un scénario, est-ce que ça ne vaudrait pas plutôt 1 sur 5 ?

L’estimation, l’approximation, va se faire donc avec une réelle subjectivité.

Et l’on arrive au paradoxe ultime.

On construit un système de valeur censé être totalement objectif, à savoir une note chiffrée recoupée statistiquement par des algorithmes robustes que l’on juge représentatifs car dégageant des tendances grâce à la puissance du nombre de réponses.

Mais on le construit à travers une telle variété d’échelles individuelles totalement différentes et parfois opposées les unes aux autres, qu’on le base sur la plus grande des subjectivités.

En gros, on construit la Tour de Babel avec des moellons en guimauve.

Fatalement, l’édifice a quelques défauts…

Le plus grand est de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : nous faire croire que l’objectivité est possible en matière artistique.

Je défends la thèse inverse : l’Art est une subjectivité qui rencontre une multitude d’autres subjectivités.

L’Art est pure subjectivité.

Pourquoi ne pas l’assumer ?

La réponse est simple : parce que tout le système de notation ne sert qu’à une chose. Vendre.

Le nerf de la guerre

Là encore, une petite mise au point s’impose.

Je trouve que diffuser une œuvre le plus largement possible est souhaitable, et donc la vendre, même contre rien, aussi – une œuvre gratuite se vend quand même, si, si, il faut convaincre l’autre de la lire ou la regarder, et ce n’est pas si facile même quand c’est gratuit, ou surtout quand c’est gratuit, d’ailleurs.

C’est non seulement souhaitable, mais c’est in fine le but réel de toute œuvre artistique ou culturelle.

Car si l’Art est pure subjectivité, l’Art est aussi pur partage.

Ce que chaque œuvre exprime est fait pour toucher l’autre. Pour que cette vision unique du monde soit vue par d’autres, qui l’adopteront, l’aimeront, la contempleront simplement, ou la rejetteront.

Et si l’artiste peut vivre décemment grâce à ce qu’il ou elle produit, c’est encore mieux. C’est la reconnaissance par la société de son travail, de son métier. Car créer est aussi un métier pour beaucoup. Un vrai métier.

Et comme tous les métiers, il doit permettre à celui qui l’exerce de vivre dignement.

Donc vendre son œuvre est un objectif noble.

C’est la manière dont la notation systématique et l’utilisation extensive des algorithmes ont transformé les moyens d’atteindre cet objectif qui me gêne.

Le système dont j’ai démontré plus haut l’incohérence (faire croire à une évaluation objective d’une œuvre sur des critères purement subjectifs par essence) n’a comme finalité que de vendre en essayant d’attirer le lecteur (ou le spectateur) par un biais que je rapprocherais volontiers du biais cognitif connu sous le nom d’effet de mode, ou du biais d’influence sociale. Il voudrait que plus la note est élevée, plus le nombre de personnes qui sont censées avoir donné une bonne note est élevé, et plus l’on va avoir tendance à penser que le livre (ou le produit) va nous convenir.

Alors qu’il n’en est rien.

La note est là pour nous influencer, puisque c’est ce que nous lui avions demandé.

Mais elle le fait avec de mauvais arguments.

Elle nous influence en nous trompant sur ce qu’elle représente.

Pour une autre façon de mettre une œuvre en avant : la diversité des points de vue

La note est donc, je crois, une mauvaise façon d’apprécier un livre, une série, un film, toute autre œuvre artistique ou culturelle. J’oserais même dire que la note est une mauvaise façon d’apprécier aussi les services ou les gens, mais tel n’est pas le propos ici, et je me limiterai pour cet article à conclure sur le sujet artistique seul.

Et cependant, nous en revenons au dilemme présenté en introduction : comment s’y retrouver parmi tous les titres existants et à venir, comment choisir notre prochain bouquin ?

J’ai bien une proposition à faire, qui n’est pas actuellement mise en œuvre, et qui pourtant aurait la possibilité de l’être.

Et je vais vous surprendre ou vous choquer après tout le discours qui précède : elle dépend de la puissance des algorithmes.

Mais bien sûr, ces algorithmes ne seraient pas basés sur une note attribuée subjectivement par les lecteurs ou les lectrices.

Si l’on revient au but recherché, c’est plus simple à comprendre.

Ce que je demande est de trouver des livres susceptibles de me plaire, avec une certaine incertitude également. Car parfois, un livre peut me toucher alors qu’au départ ce n’était pas gagné.

Je cherche des recommandations.

Celles que font pour moi Amazon, ou même l’algorithme de Goodreads ne me conviennent pas, car elles sont basées en partie sur les notes obtenues par les œuvres qui potentiellement pourraient entrer dans mes genres littéraires de prédilection.

Comment alors se passer des notes pour concevoir des recommandations de lecture plus justes ?

Se servir des avis structurés des lecteurs, des blogueurs, des booktubeuses, des bookstagrammeuses.

Chaque critique structurée n’est autre qu’un texte, que des algorithmes pourraient explorer, pour en extraire des adjectifs récurrents censés décrire une œuvre à travers les avis qu’elle recueille sur différents supports.

  • Par exemple, l’algorithme va chercher sur internet tous les avis construits sur Le Choix des Anges (il ne va pas en trouver beaucoup, c’est vrai). Il va en extraire une liste d’adjectifs avec un indice de récurrence pour chacun. Puis il va construire un profil évolutif du livre suivant les avis recueillis.
  • Lorsque je vais avoir lu un livre, j’indique simplement à l’algorithme si le livre a répondu à mes attentes ou pas. Dans les deux cas, je peux rédiger un avis structuré et écrit, qui viendra enrichir l’algorithme.
  • Et en se basant sur le profil du livre que je viens de terminer, il peut comparer avec sa base de données, et sortir une liste d’œuvres qui contiennent des adjectifs similaires.
  • Au fil de mes lectures, l’algorithme va apprendre ce qui a le plus de chance de me plaire et va donc affiner ses suggestions et recommandations.

Mais pour introduire un peu de variété et me permettre de découvrir quelques pépites qui lui échapperaient (au cas aussi où mes goûts changent), l’algorithme pourrait faire une pondération en fonction d’un indice que je fixerais dans mes préférences. Un indice baptisé «surprends-moi» noté, lui, par contre, de 1 à 10. Ce serait la variabilité que l’algorithme pourrait s’autoriser afin de faire des recommandations hors champ de mes goûts stricts.

On peut aussi garder une certaine couche de recommandations sociales (car les meilleurs influenceurs, ce sont souvent les vrais amis qui ont les mêmes goûts que nous) comme on peut déjà le faire avec Goodreads.

Des recommandations idéales

Bref, mon système idéal serait basé sur trois listes de recommandations.

  • Une liste algorithmique pure extraite des lectures qui m’ont touchées et construite d’après l’analyse des adjectifs utilisés par d’autres lecteurs pour chroniquer ou critiquer le livre.
  • Une liste de recommandations «surprises» basée sur une variabilité suivant des critères que je fixerais librement (genre littéraire, longueur du texte, sujets, etc.).
  • Une liste de recommandations sociales issues des chroniques de lecteurs que je suivrais (booktubeuses, blogueuses littéraires, contacts sur Goodreads).

Tout ceci n’existe pas encore, hélas.

Mais si certains d’entre vous s’y connaissent en algorithmique, en exploitation des big datas et en programmation, je suis disponible pour créer une startup… 😉

Ma ligne de conduite : comment je fais pour vivre sans donner de note

En attendant ce système (qui aura certainement des défauts lui aussi), j’ai donc résolu de ne plus noter de façon chiffrée les livres que je lis, les séries ou les films que je vois.

Je ne désire pas entretenir l’habitude que nous avons tous prise de noter tout et n’importe quoi à tout bout de champ. Je ne donne donc plus aucune note.

Et si j’ai un avis tranché, je l’écris en bon français, et j’en fais profiter l’auteur ou l’autrice d’abord, et mes camarades ensuite.

Car de mon point de vue, les algorithmes actuellement en place n’ont aucune valeur, et je ne désire pas cautionner leur fonctionnement en entrant dans le moule. Je suis conscient de fausser ainsi les choses, de façon marginale car je ne suis pas un grand influenceur, mais peut-être suffisamment pour que d’autres suivent mon exemple, ou peut-être – qui sait ? – pour que d’autres systèmes de recommandation soient créés.

La réalisation de livre (problématique de « l’autoédition »)

Reste un problème majeur dans cette posture que j’ai décidé d’adopter : ne plus noter les livres dits autoédités, c’est faire perdre de la visibilité à mes camarades qui ne disposent que du système de notation d’Amazon pour se faire connaître et toucher leur lectorat.

Nombreux sont en effet mes pairs à dépendre du système de notation pour être mis en avant par la plateforme et être proposés dans les recommandations faites à des lecteurs qui ne les connaissaient pas auparavant.

Ne plus noter, c’est leur faire perdre des chances.

Que faire alors, si je ne veux pas cautionner le système tout en essayant d’aider ces auteurs et autrices à trouver leur public ?

Mettre systématiquement la note maximale.

Là encore, je sors du cadre de référence, sciemment, en faussant la note globale en faveur de l’auteur, et en montrant que le système est basé sur une incohérence. Et je donne un coup de pouce à celui ou celle qui s’est démené pour écrire son bouquin. Il se peut même que ma note maximale ne soit pas en accord avec ce que j’ai pensé du livre. Qu’à cela ne tienne : je rédige un avis qui éclairera ma critique, mais je laisse le nombre d’étoiles maximal, la note maximale, pour que le livre gagne en visibilité.

Ainsi, je ne pénalise pas les réalisateurs et réalisatrices de livres.

La Société des Lectures Analogiques

Si vous trouvez une certaine résonnance entre vos propres valeurs et ce que je viens d’exposer, alors vous êtes prêts à entrer dans la Société des Lectures Analogiques, qui défend la liberté d’apprécier un monde qui parle avant tout en mots, et non en chiffres.

Les inscriptions sont ouvertes sous les commentaires !

Bientôt, nous serons le monde.

Bientôt…

J’espère…

Vous êtes là ?

Ouh ouh ?

Il y a quelqu’un ?…

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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eBook design : ma quête d’identité

eBook design : ma quête d’identité

eBook design : ma quête d’identité

J’ai actuellement plusieurs projets littéraires en maturation, et s’ils avancent lentement, c’est aussi parce que je prends le temps de m’interroger sur des aspects qui normalement ne sont pensés qu’après l’écriture.

Dans un continuum espace-temps classique, l’auteur écrit son manuscrit, puis l’éditeur conçoit l’ouvrage qui portera ces écrits. Dans mon cas, puisque le projet est de devenir mon propre éditeur (je vous renvoie ici pour les multiples raisons qui m’animent, et encore là, ou bien là, pour comprendre comment avec ma série de billets sur le format ePub3), je dois apprendre beaucoup de choses également. Et ma nature impatiente me conduit à m’intéresser à des aspects de la chaîne de publication avant même d’avoir terminé les corrections d’écriture.

Pour ma défense, je dois dire que le plaisir de la lecture a toujours été chez moi indissociable d’une certaine forme de plaisir esthétique devant l’objet livre, plaisir que je cherche à renouveler (puisqu’il n’est évidemment pas possible de le dupliquer) dans l’optique de ne publier que des livres électroniques.

En effet, je suis incapable de me satisfaire de mon écriture sans qu’elle ne prenne une forme qui soit esthétiquement agréable pour mon propre regard. Ainsi, j’abhorre les brouillons, moi qui suis si notoirement le roi des ratures. Je ne peux pas me mettre à écrire si je n’ai pas trouvé une police de caractères qui me plaise, alors que mon écriture manuscrite est, au mieux, digne d’un sismographe qui aurait été abreuvé d’incunables du XVe siècle en guise de données.

Alors, oui, je songe à la forme que prendra mon ouvrage une fois achevé, et cela veut dire beaucoup de choses…

Je me suis ainsi senti un peu « orphelin » de mon plaisir de lecture en me mettant à dévorer sur tablette. Comme si une partie de mon plaisir était gâchée par la tablette. Cette impression m’avait déjà effleuré avec certains livres physiques, lorsque les caractères étaient mal choisis, lorsque les pages étaient mal découpées, lorsque l’encre était de mauvaise qualité.
J’ai fini par comprendre comment retrouver l’impression de lire un livre : en soignant la forme, en donnant du caractère à l’ouvrage.

Puisqu’il n’est évidemment pas question de reproduire l’odeur du papier sur un support numérique, il faut s’attacher essentiellement à l’apparence visuelle du livre.

Je crois que je ne serai satisfait de ma production que si je lui donne une identité visuelle forte, quelque chose qui pourrait en faire un objet singulier : un Livre, comme ceux dont on s’émerveille de la couverture, de la texture du papier, de l’odeur, comme ceux que l’on feuillette avant de les acheter, ceux que l’on aimerait posséder pour le lire, mais aussi pour l’admirer. Les très vieux ouvrages ont souvent ces qualités-là, ou les premières éditions d’une œuvre. Même certains livres de poche peuvent acquérir ces qualités, avec le temps.

Mais comment réaliser cela avec juste de la programmation ?

J’ai alors été influencé dans mes recherches par quelqu’un qui semble penser la même chose que moi, puisqu’il se définit comme « ebook designer » : Jiminy Panoz.

J’étais à la recherche d’une façon de concevoir un livre numérique qui ne soit pas un simple fichier texte, fut-il rendu « fluide » par la magie de l’ePub3. Et Jiminy Panoz parle à la fois d’harmonie de mise en page, et d’accessibilité du livre, mais également d’esthétique.

Je crois donc aujourd’hui que s’il faut porter une attention particulière à la fonte que l’on va utiliser pour la présentation du livre, ou à la couverture – cependant tout le monde sait cela maintenant –, mais aussi à la mise en page du livre, à l’harmonie des interlignes, et à certaines parties qui me semblent délaissées dans la production numérique actuelle : la page de titre (différente de la couverture), la page de sommaire, et les titres de chapitres.

La théorie

Je vais détailler un peu mon propos en vous montrant mon évolution sur une petite année, depuis les premiers concepts sur le livre que j’ai conçu pour l’expérience cinématographique d’Ultima Necat jusqu’à aujourd’hui et mes projets pour Le Choix des Anges, Fée du Logis, Rocfou, ou Sur les genoux d’Isis.

La page de titre

Au fond, quel est le rôle de la page de titre ?

Outre qu’elle doit contenir légalement les mentions de droit d’auteur et les crédits, l’ISBN notamment, je crois que son rôle essentiel est de donner l’identité visuelle du livre. Et comme le livre numérique n’a plus de quatrième de couverture, il me semble important d’y présenter l’auteur, ou du moins d’y insérer un lien, même discret, vers son travail.

Le lecteur veut avant tout lire son texte, mais il n’est pas interdit de lui faire connaître l’auteur. La plupart des gens vous conseilleront de mettre la biographie de l’auteur et sa bibliographie éventuelle à la fin du fichier numérique, afin de ne pas rebuter le lecteur et de le laisser s’immerger dans le texte dès le départ. J’avoue ne pas être à l’aise avec cette façon de faire. Ainsi, comme lecteur de livres papier, j’ai l’habitude de consulter d’abord la quatrième de couverture pour avoir un pitch de l’ouvrage et un aperçu de l’identité de l’auteur, AVANT de lire le livre.

Premier concept de page de titre d'eBook

Premier concept de page de titre d’eBook

Pour un livre numérique, le pitch sera la plupart du temps présenté avant l’achat du livre, sur la plateforme choisie, et il n’est donc pas absolument nécessaire de l’intégrer dans le livre lui-même, bien que, vous le verrez, j’ai aussi un argument pour cela.

Par contre, que ce soit sur Amazon Kindle, sur Kobo, la Fnac, l’iBookstore ou d’autres plateformes, vous ne trouverez pas de biographie de l’auteur (à quelques exceptions près, si vous achetez le livre par exemple directement sur la plateforme numérique de l’éditeur de l’ouvrage, qui généralement soigne la présentation de ses auteurs).

Il me semble donc absolument indispensable d’intégrer une biographie voire une bibliographie dans le livre. Mais où ?

Ennuyer le lecteur avec un CV n’est pas le but de la chose. Mais en même temps il doit voir à qui il a faire. Cela tombe bien, nous sommes dans le numérique, donc servons-nous des liens hypertexte. Un lien peut donc pointer vers le site de l’auteur, vers une page Wikipedia, voire l’Encyclopédie Britannica si vous le voulez. Il n’y a pas de limites.

Mais on peut aller plus loin, et se servir des techniques de design issues du web : une fenêtre modale, par exemple, peut apparaître si l’on clique sur le lien, et montrer la biographie et la bibliographie de l’auteur à qui veut les lire. On ne force pas la main du lecteur, et on conçoit un objet qui n’est pas seulement un flux de données linéaire.

La page de sommaire

Son rôle est bien sûr de faciliter le repérage du lecteur dans l’ouvrage, mais avec l’avènement du numérique, la « table des matières », ou « table of content » comme disent les anglophones, sert aussi à naviguer dans le corps du texte afin de reprendre la lecture à un endroit précis, d’y revenir plus tard, en aidant les marques-page intégrés dans l’application de lecture. Le flux d’un livre numérique a en effet ceci de radicalement différent d’un livre papier : la recherche et la navigation sont possibles instantanément.

Hélas, bien souvent la table des matières des livres numériques est une bête liste de liens hypertexte non stylisée, un peu comme nous en avions dans les débuts de l’internet grand public. Mais si, souvenez-vous des sites du temps où nous surfions avec Netscape Navigator ! Des pages blanches avec des tonnes de liens qui demandaient presque autant de temps à parcourir que s’ils étaient imprimés sur du papier.

Pour ceux qui n'auraient pas connu cette période de l'Internet...

Pour ceux qui n’auraient pas connu cette période de l’Internet…

De nos jours, l’ergonomie du web a tant progressé ! Pourquoi ne pas s’en inspirer pour les pages de sommaire de nos livres numériques ?

Concept dessiné de table des matières

Concept dessiné de table des matières

C’est d’ailleurs là que je mettrais le pitch du livre.
Je vous avais dit que j’avais un argument pour l’y glisser tout de même dans l’ouvrage.
Il suffit de voir un peu plus loin que les années 2010. Que deviendra votre livre numérique lorsque vous ne serez plus là ? Si nous avons de la chance, les DRM auront été abolis, et ni Apple ni Amazon, ni Kobo ne seront propriétaires de vos ouvrages achetés, ni ne pourront les détruire à distance. Je prends donc le pari que vous aurez accumulé une bibliothèque de livres numériques conséquente, que vous pourrez léguer à quelqu’un.
Et ce quelqu’un pourrait avoir envie de les lire, vos livres, comme nous l’avons tous fait avec les livres que nous avons hérités de nos grands-parents, voire de nos parents.
Ne serait-il pas opportun qu’un pitch de l’ouvrage soit facilement accessible dans ce dernier ?

table des matières dans Ultima Necat, de l'idée à la réalisation

table des matières dans Ultima Necat, de l’idée à la réalisation

En fait, philosophiquement, je vois le livre numérique comme un objet pérenne (autant qu’il puisse l’être sans support physique, mais même les livres papier sont parfois détruits par les incendies, les inondations ou perdus tout simplement), et non comme une œuvre seulement disponible en streaming. Un véritable livre, pour moi, se conserve.

Les titres de chapitre

L’identité visuelle passe aussi par les changements de chapitre. Les mises en page actuelles sont très classiques dans le numérique, alors que dans l’édition papier, les maquettistes osent certaines audaces intéressantes, même pour de la fiction. Des enluminures, une mise en page graphique, bref, quelque chose qui met le lecteur dans l’ambiance de votre ouvrage. C’est à mon avis aussi important que le choix de la fonte ou de vos interlignes.

Des enluminures, mais, peut-être, pas à ce point-là en numérique...

Des enluminures, mais, peut-être, pas à ce point-là en numérique…

Hélas, ces théories sont souvent mises à mal par les applications de lecture numérique qui, toutes, absolument toutes, contiennent des bugs qui les empêchent de coller aux standards d’affichage de l’ePub tels qu’ils sont sensés être définis par le consortium IDPF.

La pratique : mes essais

Aussi ai-je rabattu de ma superbe, car mes belles idées se sont souvent heurtées à l’impossibilité technique d’être réalisées ne serait-ce que dans iBooks.

Mes premières idées de fenêtres modales ont été un tel cauchemar entre l’implémentation du JavaScript dans l’ePub et l’impossibilité de déterminer comment chaque application de lecture définissait son espace d’écran alloué au texte, que j’ai fini par les abandonner, alors que dans un navigateur internet tout fonctionnait à merveille. Et, franchement, ça avait de la gueule !

Le simple fait de penser une boîte de texte délimitée ou il serait nécessaire de faire défiler le texte pour qu’il soit complètement lu (un overflow pour ceux qui connaissent le code CSS3) afin d’y insérer la biographie de l’auteur s’est heurté à de nombreux bugs dans toutes les applications autres qu’iBooks, qui se comportait normalement.

Je ne vous raconte même pas le cauchemar des essais d’export en kf8, le format de Kindle qui ressemble à l’ePub3 : toute ma mise en page était à refaire…

Mes solutions actuelles sont de revenir à plus de simplicité sans pour autant abandonner les principes que je vous présentais plus haut. Les recherches de Jiminy Panoz sont venues là encore à mon secours, puisque son boilerplate min+, une sorte de gabarit de mise en page, explore en effet des possibilités de design qui m’ont bien inspiré.

Comment je vois le fonctionnement de mes pages de titre

Comment je vois le fonctionnement de mes pages de titre

Ainsi, la page de titre comporte-t-elle des liens vers la biographie et la bibliographie, dans le livre, mais dans un fichier qui sera non linéaire, c’est-à-dire qu’il ne fera pas obligatoirement partie de la séquence de lecture du texte. Il faudra cliquer pour découvrir. Les applications de lecture gèrent généralement bien les fichiers non linéaires, et leur mise en page peut-être plus simple que dans une fenêtre modale. La page de titre renvoie aussi vers mon site (oui, celui sur lequel vous êtes…) via le logo d’écaille & de plume du dragon et du phœnix, et vers la page de sommaire avec un détail de l’image de couverture.

Mon concept actuel de page de titre, non codé pour le moment...

Mon concept actuel de page de titre, non codé pour le moment…

La page de sommaire, elle, présente une table des matières plus graphique sans être complètement délirante, avec un pitch du récit pour servir de quatrième de couverture.

Concept actuel de table des matières, non codé pour le moment...

Concept actuel de table des matières, non codé pour le moment…

Enfin, l’intégration des réseaux sociaux est possible, de manière à laisser au lecteur l’opportunité de commenter sa lecture sur Goodreads, notamment.

Concept actuel de page de biographie et de bibliographie

Concept actuel de page de biographie et de bibliographie

Et vous, vous le voyez comment, le livre numérique qu’on a envie de garder ?

Faire le choix de l’autoédition en 2014

Faire le choix de l’autoédition en 2014

Faire le choix de l’autoédition en 2014

Lorsque l’on a en soi le démon de l’écriture, vient fatalement un moment où l’on se pose la question du devenir de ces milliers de lignes que l’on accumule au fil du temps, des idées qu’on a fait surgir de son imagination, des images que l’on a fait naître, des personnages et des intrigues que l’on a patiemment construits. Tout cela restera-t-il à tout jamais enfoui dans un tiroir ou caché dans un fichier texte perdu dans les entrailles de l’ordinateur ? Ou bien ambitionnera-t-on de devenir quelqu’un que faute de mieux ou pourrait appeler un écrivain ?

Si l’on a assez confiance en son écriture, il est probable que le deuxième chemin se fasse si insistant qu’on songe à l’emprunter un jour.

C’est à ce moment-là que tout se complique.

Au Commencement… l’hubris de l’écrivain

Avoir l’audace de penser que ce que l’on produit est non seulement lisible, mais plus encore, mérite d’être lu, impose alors d’accomplir un véritable parcours initiatique semé d’embûches. Parce qu’il ne suffit pas de se proclamer écrivain pour le devenir. Comme pour toutes les activités humaines, l’écriture s’apprend. Patiemment. Pas à pas.

D’abord il faut se laisser du temps.

Du temps pour se relire soi-même et tenter de juger autant que faire se peut son propre travail à l’aune de ce que l’on imaginait avant de commencer à écrire. Pour ma part, je laisse souvent un texte « reposer » des semaines ou des mois, afin de m’éclaircir peu à peu les idées, de me sortir l’histoire et les mots de la tête. Lorsqu’enfin je reviens dessus et que suffisamment de temps est passé, je le relis entièrement et je prends des notes dans la marge. J’essaie de découvrir l’histoire comme si je ne l’avais pas écrite. Est-ce qu’elle me plaît ? Est-ce qu’elle est bien contée ? Est-ce que j’ai envie d’aller plus loin ? Et je corrige.

Tous les auteurs, tous les artistes même, connaissent cette discipline de l’aller et retour entre leur œuvre et leur exigence.

Mais être publié c’est se confronter à l’autre. Subir son regard sur l’œuvre. Et donc un peu sur nous-mêmes, qui y avons tant investi de temps et de passion.

La solution la plus simple est donc de trouver des relecteurs, ceux que l’on appelle les bêta-testeurs dans le monde de l’informatique. Souvent choisis dans le cercle familial, ils sont alors plus ou moins partiaux. Mais c’est déjà un premier regard extérieur, même s’il est forcément plus indulgent que le lecteur lambda.

J’ai la chance d’avoir des parents dont la sensibilité artistique est très forte et une épouse dont l’univers imaginaire est extrêmement proche du mien tout en ayant un esprit critique et logique très fort. Ils forment mes premiers relecteurs.

Il faut cependant aller plus loin si l’on veut vraiment savoir ce que l’œuvre a dans le ventre et trouver un relecteur attentif non seulement aux fautes élémentaires (orthographe, grammaire), mais aussi à l’intrigue, aux personnages, à l’ambiance. Quelqu’un dont l’expertise de la narration saura guider l’auteur ou au moins lui apporter un regard neuf et critique, subjectif mais étayé, argumenté.

Ça peut être le rôle des ateliers d’écriture, des appels à texte, mais aussi des autres artistes, d’un « agent littéraire » (quoique ce terme ne m’a jamais vraiment paru clair…) ou bien… d’un éditeur. Ce dernier prendra également en charge, une fois que le manuscrit semblera arrivé à maturité, la fabrication matérielle du livre, comme le producteur le fait pour un album de musique.

L’ère de l’édition « classique »

Dans les Temps Préhistoriques d’avant l’internet, publier un livre était une entreprise extrêmement coûteuse en matériel et en savoir-faire. Il fallait du papier, matière première chère et difficile à produire, des petits caractères de plomb, de l’encre, de la main d’œuvre qualifiée, obtenir l’imprimatur de la censure…

Le rôle des éditeurs, qui étaient parfois eux-mêmes des imprimeurs, était immense. Les risques qu’ils assumaient l’étaient tout autant. Véritables armateurs de l’aventure littéraire, leur investissement était comparable à ceux qui envoyaient des navires à l’autre bout du monde connu.

Puis les technologies ont évolué, et le rôle de l’éditeur est devenu celui de conseiller artistique tout autant que celui de producteur (au sens de bailleur financier) comme je l’évoquais plus haut.

Suivant la ligne éditoriale qu’il voulait imprimer à sa maison, à sa « marque », et suivant ce qu’il pensait du potentiel d’un écrivain, l’éditeur entrait dans le cycle de naissance de l’œuvre en faisant une critique plus ou moins fouillée, mais toujours sans concessions.

Du moins c’est ce que l’on attendait de lui.

Puis il prenait en charge la fabrication du livre, sa matérialisation en un ouvrage de papier relié, sa distribution jusque dans les plus petites librairies des plus petits villages de France, sa « promotion », sa commercialisation.

Il avait un rôle essentiel dans la naissance du livre fini. C’était lui qui le publiait, pas l’auteur, qui d’ailleurs lui cédait les droits sur son œuvre. Les droits commerciaux. En échange du support financier par l’éditeur du coût écrasant de la production physique d’un livre, de son stockage, de sa distribution, de sa publicité et de la gestion afférente, l’auteur n’était plus maître du destin de son œuvre une fois publiée. Sans compter que le contrat qui liait les deux parties était souvent assez avantageux pour l’éditeur en termes financiers. Il fallait bien compenser les risques pris.

Encore une fois les parallèles avec l’armateur de navires ou le producteur de musique ou de film me semblent les plus parlant.

L’éditeur, Faiseur de Rois

Comme je le disais plus haut, l’éditeur peut être un maillon essentiel de la maturation d’un livre, de sa « croissance » si on le compare à la gestation d’un être vivant. Il peut guider l’auteur, lui suggérer des pistes auxquelles il n’avait pas pensé, ou lui indiquer celles qui ne mènent pas forcément là où il le pensait…

C’est en ce sens que le travail d’un éditeur sert vraiment au livre qu’il produit.

Cependant ce rôle peut très bien être tenu par quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui est impliqué dans la relecture, qui en a les compétences de par son habitude, son métier parfois. Les scénaristes américains nomment cet être étrange un « script-doctor ». C’est souvent un scénariste lui-même qui fait une relecture en profondeur, et parfois aide à remanier drastiquement certains scripts.

Ce système n’est pas encore une habitude sur le Vieux Continent, que ce soit au cinéma ou en littérature.

Publier un livre et être reconnu pour cela c’est encore en France suivre le parcours traditionnel remontant en gros au XIXe siècle.

Ceux qui voudraient de nos jours comme à cette époque s’affranchir de ce système n’ont pas vraiment le choix : soit ils renoncent à publier, soit ils publient « à compte d’auteur », c’est-à-dire qu’ils prennent en charge financièrement les coûts exorbitants de fabrication, sans pour autant avoir plus d’avantages qu’un auteur publié « à compte d’éditeur ».

De tels auteurs sont toujours regardés avec méfiance et condescendance. Ils sont considérés comme des auteurs ratés (vous comprenez, personne n’a voulu les publier…) ou comme des mégalomanes persuadés d’un talent imaginaire, à qui seule la force de l’argent permet de flatter un ego démesuré. Mais personne ne croit vraiment qu’on puisse vouloir trouver un autre système…

L’éditeur devient donc non seulement un passage obligé, mais également un Faiseur de Rois, puisque les prix littéraires, des plus modestes aux plus prestigieux, sont décernés à des auteurs publiés par le cénacle.

Mais est-ce que ce parcours est encore vrai en 2014 ?

L’ère de l’édition numérique

Fabriquer un livre aujourd’hui n’a plus vraiment grand-chose à voir avec la même activité au XVIe siècle, ni même au XIXe.

Pensez : l’écriture elle-même se fait sur un ordinateur qui ne consomme que de l’électricité, pas de papier et pas d’encre, on peut corriger à l’infini sans raturer. La mise en page se fait encore sur ordinateur, avec un risque moindre de fautes et de coquilles, pour peu qu’on utilise un bon correcteur informatique. L’impression elle-même est gérée par des ordinateurs préréglés, qui commandent des rotatives parfaitement calibrées. Le papier ne sert donc qu’une seule fois, et nos sociétés savent le fabriquer et même le recycler de façon acceptable. L’encre n’est pas plus un problème.

Et jusqu’à récemment il restait juste le frein de l’accès à ces savoir-faire. Jusqu’à récemment.

Il y a quelques années déjà que sont apparues des sociétés, d’abord américaines, puis européennes, permettant ce que l’on appelle l’impression à la demande. Le principe est assez simple. Le coût d’une impression est devenu tellement bas qu’il est devenu rentable d’imprimer exemplaire par exemplaire, et ce quel que soit le nombre de pages. Un livre imprimé à la demande ne coûtera pas beaucoup plus cher qu’un livre tiré à dix mille exemplaires (même s’il existe bien sûr une différence).

Dans le monde du jeu de rôle, une niche un peu particulière de l’édition, cela commence à faire quelques années que lulu.com et d’autres sont utilisés par les éditeurs comme par les auteurs eux-mêmes.

Ce premier verrou libéré, il ne restait plus que celui de la distribution.

Là encore l’internet a bouleversé les choses.

Les plateformes en ligne comme Amazon n’ont été que les précurseurs. De nombreuses librairies indépendantes commencent à s’y mettre. Soumettre la commande d’un livre peut donc être très simple. Même dans un petit village loin des centres de distribution, votre libraire peut vous commander votre ouvrage, voire déclencher l’impression à la demande. Le lecteur peut même le faire seul, depuis son propre accès internet.

Les circuits de distribution physique, qui sont toujours indispensables, peuvent alors se mettre en marche.

Mieux encore, le livre devient maintenant numérique, et sa fabrication ne réclame donc aucune ressource physique. Plus besoin d’impression. Plus de coût de fabrication.

Plus besoin de quelqu’un pour supporter le coût financier de la fabrication d’un livre.

Plus besoin d’éditeur…

En fait, dans ce modèle émergent il reste tout de même un acteur absolument indispensable : les plateformes internet de téléchargement ou de commande. Amazon, l’iBookstore, Kobo, Barnes & Noble en sont les meilleurs exemples car ils préfigurent ce que tout cela peut devenir. D’autres librairies en ligne existent bien sûr, dont certaines hexagonales, mais elles n’ont pas encore la taille critique pour accéder au nouveau pouvoir : la visibilité.

Comme dans l’édition traditionnelle, un livre n’est lu que s’il est connu, s’il rencontre son public.

Comme dans une librairie, il faut fureter sur les plateformes pour dénicher la perle rare, le bouquin qui vous fera rêver ou rire ou pleurer ou réfléchir, ou les quatre à la fois. Mais hélas, contrairement à un véritable libraire, la plateforme ne vous conseille pas vraiment… Il faut donc être malin lorsque l’on veut se faire connaître, tout autant qu’avoir une bonne écriture.

Pour la promotion non plus, il n’y a plus besoin d’éditeur, puisque les canaux de communication ne sont plus centralisés : Twitter, Facebook, Goodreads surtout, peuvent très bien faire connaître votre ouvrage. Et nul besoin d’être éditeur pour y avoir accès et très bien savoir en jouer.

La Liberté guidant l’auteur ?

Fort de ces réflexions, peut-on avoir une vraie démarche littéraire et publier en autoédition en 2014 ?

Ma réponse est trois fois oui.

Oui, parce que si les premières étapes de l’écriture ne nécessitent personne d’autre que soi, les étapes suivantes de relecture et de correction peuvent désormais entrer dans l’ère de l’écriture collaborative, à travers un site internet par exemple, mais aussi au gré de collaborations entre auteurs, comme j’ai la chance d’en vivre, notamment avec Mlle N. malgré et sans doute grâce à la différence de nos univers. L’exigence de qualité restera la même. En tous les cas je ne la ressens pas moins grande que lorsque Manuscrit.com a accepté de publier Poker d’Étoiles.

Oui, parce qu’à condition de s’intéresser un peu à des choses très simples comme la mise en page basique, ou plus complexe comme certains langages informatiques (HTML, CSS et JavaScript essentiellement), il est extrêmement facile de concevoir une maquette papier, un simple PDF ou un ebook, puis de les matérialiser (ou dématérialiser dans le dernier cas).

Oui, enfin, parce que diffuser et vendre son livre, même si cela demande du travail, beaucoup de travail, est parfaitement possible. D’autres l’ont fait. Je pense à Jean-Claude Dunyach, mais aussi à Agnès Martin-Lugand.

Reste à discuter de la motivation profonde de tout cela.

Pourquoi s’ennuyer (pour rester poli) à accomplir tout ce travail de mise en forme, de technicité, de promotion, quand on n’a déjà pas assez de temps à son goût pour écrire et qu’on peut laisser un éditeur s’en charger ?

Chacun aura sa réponse, mais la mienne tient en un mot : liberté.

En signant pour Poker d’Étoiles, j’ai cédé les droits de mon œuvre à l’éditeur. Je ne suis plus maître de la façon dont mes écrits sont diffusés. Poker d’Étoiles n’est disponible qu’en papier et en PDF, pas en véritable ebook. Pas sur la boutique Kindle d’Amazon ni l’iBookstore d’Apple. La couverture du livre papier est sobre, mais je ne l’aurais pas imaginée comme cela. Et je n’ai aucun pouvoir là-dessus. Je ne suis plus maître d’une adaptation cinématographique, ayant aussi signé un contrat sur ce point-là. Non qu’Hollywood m’ait fait une offre, bien sûr (encore que j’avais élaboré un casting imaginaire sympathique que je vous livrerai peut-être un jour…), ou qu’on m’ait forcé la main pour signer…

Mais je ne suis plus maître du jeu.

Et je me suis rendu compte au fil des années que si j’avais tant aimé la réalisation au cinéma, si j’ai eu autant envie de m’essayer à la mise en scène et à la production technique d’un film, c’était aussi parce que j’attache énormément d’importance à la forme que va prendre une œuvre. Les mots d’un livre sont son essence, son âme, mais la façon dont l’ouvrage est présenté devient son enveloppe corporelle, son sang, ses os, sa chair.

J’ai envie d’avoir mon mot à dire aussi sur tout cela dans mes écrits.

C’est pour cela bientôt, cette année je l’espère, certains de mes projets vont naître sous mon entière responsabilité, constitués d’imaginaire pur, mais habillés d’écaille & de plume