Les consultations extraordinaires S01E01, le livret de l’épisode
Les consultations extraordinaires, bande-annonce de la première saison
Après plus d’un an de travail, l’écriture du texte des sept épisodes de la première saison des Consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux s’est terminé cet été, et deux sessions d’enregistrement ont eu lieu depuis avec mes comédiennes et comédiens, afin de capter l’univers si particulier de ce récit à la fois déjanté, humoristique, dramatique, et au fond très mythologique.
Un casting efficace
J’ai la chance d’avoir pu réunir autour de moi des personnes à la fois motivées et talentueuses, que je connais depuis très longtemps maintenant, puisque nous avons travaillé ensemble déjà sur Ultima Necat, il y a plus de 15 ans.
Ainsi, Belladone sera incarnée par Corinne Jacquet, quand Monique Mazarguil prêtera sa voix et son enthousiasme à Adélaïde Chamberlain. Lucas Bertrand sera Claude Minkowski, le gardien du Musée du Louvre, et Emmanuelle Bost, bien qu’exilée depuis plusieurs années loin de nous, a accepté de rempiler avec les membres de La Compagnie Raymond Crocotte pour donner vie à Martine Trilyon, sa collègue au destin tragique.
Mais une psychothérapie divine ne serait rien sans divinités, et j’ai l’honneur de pouvoir compter sur des camarades rompus aux arts de la comédie, comme Xavier Fouchet dans le rôle de Thot, Anne Vila dans celui d’une Hathor passionnée, ou Héléna Hameury dans la «peau» de Sekhmet, ou Arnaud Dubourg dans celle d’Horus.
N’oublions pas Hugo et Aubin Pardinilla qui vont jouer Seth et Osiris, les frères ennemis de la mythologie égyptienne, et ma petite sœur Hélène qui donne vie à Isis.
Une histoire, c’est aussi des épreuves, et la plus grande est sans doute celle de trouver un «méchant» à la hauteur : David Hourcaud, lui aussi un ancien «Crocotte», sera Karl Gustav Von Schœffel, le psychiatre maléfique.
Enfin, les «petits» rôles sont essentiels pour rendre une fiction crédible, et sont loin d’être négligeables. Ils sont au contraire ce qui donne de l’épaisseur à l’histoire. Là encore, le casting est plus qu’à la hauteur : Nathalie Héran, Josy Marsengo, Aliénor Rajade, Alexandra et Sandrine Rappenecker, Sylvain Vachon, Claudine Jacquet, Marie-Gaëlle Aubry et Katherine Boudet seront là.
Une aventure sur le premier semestre 2024
Nous avons déjà enregistré tout le premier épisode et une grande partie des trois suivants. Dans le mois de décembre, ces épisodes deux, trois et quatre seront complétés. Au mois de janvier, ce sera le tour du cinquième et sans doute du sixième. Quant au septième, dont la durée sera presque celle d’un double épisode et qui conclut cette première saison, il sera mis en sons probablement entre février et mai.
Vous pourrez donc commencer le voyage dès le 15 décembre 2023, sur toutes les plateformes de podcast, et une nouvelle consultation sera ensuite disponible chaque mois suivant, le 15. Jusqu’au dénouement de la première saison, le 15 juin 2024.
Une première bande-annonce
En attendant, je n’ai pas résisté à concocter une bande-annonce qui dévoile un peu de l’ambiance et des personnages, et que vous pouvez retrouver ici, ou sur votre plateforme de podcast favorite.
Bande annonce de la saison 1 — Walk Like An Egyptian
Construire Les consultations extraordinaires : la musique
Entretien avec le compositeur
Cher Auguste Paternel, tu es musicien de métier depuis longtemps, instrumentiste de formation (tu joues de l’alto). Voici les questions qui me taraudent.
En quoi cette longue expérience de l’instrument, du concert, de la scène, a conditionné ta façon d’aborder la composition ? Comment as-tu procédé pour composer ? Quel a été ton processus ? As-tu eu des inspirations particulières ?
C’est une musique destinée à un podcast, presque une bande originale, en somme. En quoi cela a-t-il orienté la composition ? Peux-tu parler de tes choix pour ces deux morceaux (générique de début et générique de fin) : instruments, tonalité, mélodie ?
Tu as utilisé un logiciel d’écriture musicale pour faire entendre le résultat au béotien que je suis. Je sais que la prise en main n’est pas évidente avec ce genre d’outil. Qu’est-ce que cette expérience t’a appris (en dehors du fait que les leçons de solfège que j’ai reçues dans mon enfance ont été trop vite oubliées, et que ça t’aurait évité de te coltiner l’apprentissage d’un logiciel si j’avais été plus assidu) ? Plus généralement, qu’as-tu pensé de l’exercice ?
Des choses à ajouter ?
Je suis musicien, interprète, en aucun cas compositeur de métier.
Au départ, j’ai hésité à accepter cette demande, craignant de ne pas être en capacité d’effectuer ce travail. De plus, il s’agissait là d’un exercice particulier, où ma seule « inspiration » ne pouvait suffire.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité lire et m’imprégner d’abord des textes des deux premiers épisodes avant d’écrire la première note de musique.
Cela m’a permis d’avoir des « idées musicales », de petits thèmes brefs, spontanés, que j’ai notés à la volée.
Ces thèmes sont sans doute générés, orientés — je n’en ai pas une explication rationnelle — par l’ensemble de mes connaissances musicales accumulées et de mon travail d’interprète : connaissance des oeuvres les plus diverses que j’ai entendues ou jouées en diverses formations (de la musique de chambre à l’orchestre symphonique, en passant par l’opéra). C’est un processus mental, presque inconscient, archaïque, difficile pour moi à décrire avec précision.
Ces thèmes, je les ai ensuite travaillés avec une instrumentation particulière, qui puisse, de mon point de vue, « coller » avec le style et l’atmosphère induits par les textes : une base avec un trio à cordes (violon-alto-violoncelle), flûte, hautbois, clarinette, harpe (pour le final) et des percussions « douces » (carillon, xylophone).
J’ai écrit dans des tonalités simples et claires : Sol majeur et Mi mineur.
J’ai essayé de m’inscrire dans l’ambiance particulière de l’histoire et des personnages: des psychologues de notre temps confrontées aux dieux de l’Olympe… le grand écart…
J’ai voulu la musique au service du texte, donc conçue comme support, illustration, mise en relief, bref une esthétique musicale au service de la forme théâtrale.
Le plus difficile pour moi a été la traduction et la mise en forme par l’outil informatique (j’appartiens à la génération de la plume d’oie !) qui dépasse largement mes compétences. Souvent je n’écrivais pas ce que j’entendais…
J’espère que ce travail aura été utile et ne sera pas préjudiciable à la qualité de l’ensemble.
J’en déduis toutefois que je ne serai jamais un vrai compositeur, mais l’expérience fut pour moi très intéressante.
Les choix
J’avais besoin de trois morceaux de musique : un générique de début, avec une identité forte, qui porterait un « gimmick » permettant de reconnaître la podfiction Les consultations extraordinaires à la première salve de notes, un « pré-générique de fin », qui fasse comprendre qu’on changeait de l’unité de lieu et de temps du récit principal pour ouvrir une accroche sur l’épisode suivant, et enfin un véritable générique de fin, permettant de souligner les crédits de l’épisode.
L’Auguste Paternel a écrit deux morceaux. Ce sont les premières notes du générique de début qui forment le pré-générique de fin, dans un boucle inachevée qui permet de construire une spirale vers le prochain épisode ou vers une scène connexe.
Le générique de début peut être entendu dès la bande-annonce de la première saison des Consultations extraordinaires.
Quand au générique de fin, il est réservé aux épisodes eux-mêmes.
Poker d’Étoiles 2e édition, la date de sortie du livre en version papier et numérique
Le texte original débarrassé de ses coquilles
Du moins je l’espère !
Car j’ai tout relu, tout repassé au crible d’Antidote. Puis tout relu encore. J’ai trouvé de très (trop) nombreuses coquilles qui n’avaient pas été repérées par l’éditeur en 2008. Elles étaient d’ailleurs en si grand nombre que j’en ai eu honte, d’abord. Honte d’avoir vu publier un texte truffé de fautes de frappe et, plus grave, de fautes d’orthographe. Moi qui suis si maniaque et si perfectionniste sur ce genre de choses, j’ai eu honte, sincèrement. Je vous présente mes excuses, à vous qui avez lu la première édition. Le fond du texte me rend toujours aussi fier, mais la forme a dû faire saigner vos yeux… Pardon, donc. Et sachez que la deuxième édition a bénéficié d’un soin tout particulier, sans doute très supérieur à son incarnation précédente.
D’ailleurs, après la honte, c’est la colère qui m’a saisi… le nombre de coquilles était si grand qu’il est vraiment impossible qu’un véritable travail éditorial ait pu être mené en 2008… ce qui sous-entend que l’on a été négligent avec ce qui me tenait tant à cœur. Et ça, ça a du mal à passer.
Aussi, je vous enjoins vraiment à vous adresser à être très vigilant si vous vous adressez à un éditeur pour publier un ouvrage. Mais également à envisager sérieusement de vous autoéditer. Et c’est un conseil que je vous donne avec constance depuis l’ouverture de cet espace, en 2014.
Toujours est-il que ce texte n’a été corrigé que sur la forme. Je considère qu’il est nécessaire d’assumer ce que l’on a écrit comme ce que l’on a été, je n’ai donc pas touché le fond du texte, sauf sur une incohérence que j’ai repérée. D’ailleurs, comme je l’ai affirmé plus haut, ce texte me rend fier sur le fond, même si je repère quelques défauts de jeunesse que peut-être je ne referais pas aujourd’hui. Le principal étant que certaines choses auraient mérité d’être développées.
Mais ne soyons pas trop durs avec la personne que nous étions dans le passé. Nous ne pouvions pas savoir ce que nous avons appris ensuite.
Et donc, voici à quoi vous pouvez vous attendre :
Version papier
Le papier a ma préférence, même si j’ai été à un moment obsédé par ce que permet le numérique. Après avoir expérimenté les deux, c’est bien cette forme-là qui est, pour moi, le véritable objet-livre.
Comme pour Le Choix des Anges et Fæe du Logis, mes deux romans suivants, j’ai mis un soin particulier dans sa réalisation, car la forme doit pour moi faire honneur au fond d’un texte.
Voici donc quelques images pour vous donner un aperçu de ce que cela donne.
La version papier de Poker d’Étoiles deuxième édition sera donc disponible le 30 octobre 2023 sous l’ISBN 979–10–93734–06–4, au prix de 26 € tout rond, pour 348 pages. C’est un peu plus cher que ce que j’aurais aimé, mais j’ai dû me résoudre à suivre une partie de l’augmentation des prix de mon prestataire, Books on Demand, même en rognant ma propre marge.
N’oubliez pas que vous pouvez télécharger un extrait au format PDF
. La mise en page est celle du livre complet.
Et pour vous procurer le livre lui-même, vous pouvez l’acheter :
Version numérique
Je n’abandonne pas le numérique, pourtant, ni mon distributeur, immatériel.
J’ai maintenant une petite habitude du processus qui consiste à transposer ma version papier vers une version spécifiquement pensée pour le numérique, en suivant les étapes que j’expose dans ma série d’articles Making of a Book.
J’ai donc utilisé la même maquette et les mêmes procédés, pour obtenir un fichier de 2,9 Mo, dont l’ISBN propre est 979–10–93734–07–1, et qui sera en vente ce même 30 octobre 2023 au prix de 5,99 €, sans DRM bien entendu. Je suis en effet un fervent opposant aux DRM qui cadenassent des œuvres de l’esprit destinées à toucher le plus grand nombre. Un livre numérique est pour moi un véritable livre, et prêter nos livres est une chose que nous faisons toutes et tous. Voilà pourquoi j’ai opté pour un tatouage numérique, équivalent de ce que nous faisions autrefois en notant sur le revers de la couverture nos nom et prénom pour identifier le livre papier comme notre propriété.
En voici quelques images pour vous donner une idée de ce à quoi vous pouvez vous attendre.
N’oubliez pas que vous pouvez télécharger un extrait au format EPUB
. La mise en page est celle du livre complet.
Et pour vous procurer le livre lui-même, vous pouvez aller :
Poker d’Étoiles 2e édition, les extraits
Oh, il ne s’agit pas de lire un chapitre entier, mais bien juste quelques lignes. Pour m’imprégner du style de l’autrice ou de l’auteur. Pour plonger un peu dans l’ambiance. Pour me donner un avant-goût.
Parfois, même, je «picore» plusieurs passages à des endroits différents.
Je construis une sorte de «bande-annonce écrite personnelle» aléatoire, qui me décide à acheter ou pas. C’est pour cela que j’adore acheter un livre dans une librairie, parce que ce petit moment de choix, cette découverte tactile autant que visuelle, ne sont que très rarement possibles sur la Toile.
Alors, pour mes propres livres, je vous propose de faire la même chose.
Une bande-annonce écrite
Depuis la parution de mon deuxième roman, Le Choix des Anges, je conçois un petit livret qui vous permet de lire les 3 000 premiers mots du livre en question. Mais pour la sortie de la deuxième édition de Poker d’Étoiles, j’ai voulu aller un petit peu plus loin, en construisant un court assemblage d’extraits des trois premiers chapitres. J’ai voulu constituer ainsi une véritable bande-annonce écrite, qui vous donnera une idée des personnages, des enjeux, du style. Et de la présentation de tout cela.
Ainsi, pour la première fois, j’ai pensé ces extraits comme une entrée en matière à part entière et non pas seulement comme les 3 000 premiers mots.
Car j’ai tendance à commencer mes histoires par un chapitre un peu à part, qui n’est pas directement relié au reste mais prend son importance au fil du récit. Il me semblait donc utile de vous montrer aussi ce qu’il y a dans l’histoire «véritable».
Et pourquoi pas une véritable bande-annonce vidéo ?
Vous pourriez en effet légitimement vous (et me) poser la question.
Surtout connaissant mes réalisations passées.
D’autres auteurs, d’autres autrices, proposent des bandes-annonces vidéo très abouties (ou pas, d’ailleurs) pour leurs ouvrages. C’est même une tendance de plus en plus présente, avec le développement des réseaux dyssociaux et la primauté à l’image qui existe de plus en plus dans leur sillage.
Je me suis posé la question, sincèrement.
Mais quelque chose me gênait, et je n’ai compris qu’il y a peu ce que c’était : je ne veux pas vous imposer mes images. Je veux que vous laissiez surgir les vôtres.
La littérature a ceci de très supérieur aux autres arts, à mon sens : elle est la plus à même de stimuler l’imaginaire propre à chaque lectrice et à chaque lecteur, car c’est son fonctionnement intime, son essence. L’agencement des mots peut être modulé pour provoquer un certain effet, à la fin, c’est toujours la subjectivité de la lectrice ou du lecteur qui fera surgir des sensations dans son cerveau, puisque l’esprit fera des associations sensorielles qui lui seront propres et uniques.
Créer une bande-annonce avec de belles images, une musique particulière et des mots choisis, ce serait déjà guider votre imaginaire dans une direction que vous n’auriez peut-être pas prise à la simple lecture.
Et cela, à mon avis, c’est un peu trahir l’écrit et le plaisir de construire votre représentation à vous.
Il me paraît donc plus intelligent de vous livrer une bande-annonce écrite.
Vous pouvez la télécharger gratuitement. Et vous avez même le choix de votre format, PDF
pour vous faire une idée de ce que donnera l’exemplaire papier de Poker d’Étoiles, ou EPUB
pour expérimenter le côté numérique de la Force. Avant, un jour peut-être, de pouvoir profiter de versions audio de mes textes (ça avance, mais c’est laborieux).
Alors, laissez-vous tenter et découvrez quelques bribes des aventures de Sean, Eddy, Dom et Démosthène…
Poker d’Étoiles, la couverture de la résurrection
Ainsi, l’absence de véritable couverture pour lui permettre de faire connaissance avec ses lecteurs et lectrices a-t-elle été un de mes plus grands regrets pendant quinze ans.
Mais désormais, le texte m’appartient à nouveau de plein droit, et lui donner vie une seconde fois signifie donc une chance de réparer cette lacune.
Voici donc une petite histoire sur la conception de cette couverture de résurrection.
La structure graphique comme identité éditoriale
Si vous avez déjà aperçu les couvertures de mes autres romans, Le Choix des Anges et Fæe du Logis, vous avez sans doute remarqué que je les ai conçues suivant un même modèle. Un fond noir laissant s’exprimer le titre en lui offrant beaucoup d’espace, un sceau assez discret façon cartouche d’idéogrammes chinois qui rappelle ma marque de réalisauteur (d’auteur-éditeur ou d’auto-éditeur, si vous préférez), et entre les deux une image (un tableau, en réalité) inscrit à l’intérieur d’une forme stylisée issue du thème du roman. Ainsi, pour Le Choix des Anges, il s’agit d’une gravure de Gustave Doré inscrite à l’intérieur d’un Ouroboros. Pour Fæe du Logis, c’est une illustration d’Arthur Rackham contenue dans la silhouette d’un faune aux cornes de cerf.
Cette structure, qui selon moi allie élégance, esthétique et efficacité, me sert également de marque éditoriale.
Roman après roman, elle construit une identité qui crée une familiarité. Un effet de collection. Une unité.
Il était donc évident dès le début, pour moi, que Poker d’Étoiles allait s’installer dans ce schéma, lui aussi.
Le titre
C’est toujours la première question que je me pose lorsque je conçois une couverture.
Comment le titre va-t-il apparaître ?
Ce qui revient à d’abord choisir une police de caractères pour incarner le roman dans son ensemble.
Car un titre n’est pas seulement le nom de votre roman, c’en est aussi et surtout une sorte de condensé-résumé-noyau identitaire. Sa signification, sa sonorité et son apparence graphique forment pour moi un tout qui doit synthétiser la substantifique moelle de ce que le roman lui-même va développer.
Ce qui implique que la forme et le fond sont, comme toujours selon moi, indissociables.
Rappelez-vous cette phrase de la Table d’Émeraude :
Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.
Cette phrase est pour moi non pas un guide spirituel mais un axiome créatif. Un rappel que chaque choix artistique porte une signification particulière et qu’une œuvre réussie, de mon point de vue, est toujours une œuvre cohérente dans sa forme comme dans son fond.
Dans le cas de Poker d’Étoiles, je devais trouver une fonte qui évoque à la fois le futur, le space-opera, une certaine poésie, une technologie, l’inconnu.
J’ai donc écumé les rivages infinis de l’internet à la recherche de cette perle rare. Et j’ai fini par trouver ce qui me semblait convenir : la police GraySun, dont certaines variantes de glyphes m’ont conquis.
Le sceau
Seul élément de la couverture qui reste invariant d’ouvrage en ouvrage, le sceau est issu du logo d’écaille & de plume, recrée en 2017 d’après la forme d’une esperluette, aussi appelée ampersand chez les anglo-saxons. Le &, originellement abréviation utilisée par les moines copistes pour signifier «et», exprime bien ma double nature de Serpent à Plume.
L’image
C’est sans doute elle qui est l’épreuve la plus ardue, à chaque nouvel opus.
Il faut trouver deux éléments qui doivent harmonieusement se marier pour faire naître une combinaison esthétique et signifiante. Si cet exercice a été évident pour Le Choix des Anges, avec l’Ouroboros symbolisant le parcours initiatique d’Armand dans l’histoire et une gravure de Gustave Doré issue de son travail sur le Paradis Perdu de Milton, référence à Abel et Caïn, mythe central dans le récit, trouver cette alliance rare a été beaucoup plus compliqué pour Poker d’Étoiles.
Le poker
J’ai rapidement décidé de me servir du poker comme forme contenante. Mais encore fallait-il déterminer quel élément du jeu de cartes utiliser. Un tas de carte ? Une seule carte ? Un jeton ? La forme d’une des quatre couleurs ? Et dans ce cas : le cœur, le carreau, le pique ou le trèfle ?
J’ai d’abord essayé une main entière. La quinte flush joue un rôle dans l’histoire, aussi ai-je voulu commencer par cela. Mais je n’ai pas été satisfait. Trop complexe, pas assez lisible, et au final, cela dénaturait la structure graphique de la couverture, si importante pour moi.
Deux concepts ont été en concurrence ensuite. Une carte à jouer comme forme contenante, ou alors, carrément, une carte à jouer comme couverture entière.
Ne sachant pas me décider, j’ai demandé l’avis de personnes autour de moi. D’abord à mon épouse, puis à l’amie qui avait participé aux corrections de Poker d’Étoiles à l’origine. J’y ai associé les lecteurs et les lectrices de ma lettre d’écaille & de plume, la newsletter saisonnière qui nous sers de correspondance.
Toutes les personnes qui m’ont donné leur avis ont convergé vers la même réponse : une carte dans la couverture mais pas comme couverture.
Restait à choisir la carte dont il serait question.
L’as de pique a été le choix naturel, d’une part parce que sa forme laisse plus de place à l’image inscrite dans la carte, et d’autre part car cette carte symbolise l’un des personnages les plus emblématiques du roman : Démosthène, l’Intelligence Artificielle qui pilote le vaisseau des deux cousins Sean et Eddy.
Les étoiles
Une fois trouvée la forme contenante, restait à choisir quelles étoiles on pouvait y faire apparaître.
Une recherche sur la Toile vous abreuvera de millieurs de fonds d’écrans, de photographies réelles ou de vues d’artistes, de reconstitutions scientifiques et de clichés de télescopes.
J’ai mis presque autant de temps à naviguer dans cet océan-là qu’à trouver la police du titre. C’est dire si ça a été long !
Je voulais là encore quelque chose qui ait une signification, même si c’était juste pour moi.
J’ai essayé bien des images, dont certaines qui évoquaient des formes, comme une silhouette féminine qui aurait pu correspondre à Neith, la mystérieuse jeune femme qui déboule dans la vie de Sean et Eddy au début du roman et qui lance l’aventure.
Mais je voulais une image qui soit «réelle», c’est-à-dire issue d’une observation du cosmos. Alors comme je n’arrivais pas à trouver la référence de cette image-silhouette, j’ai continué ma quête.
Tel un Galaad des landes numériques, j’ai fini par trouver mon Graal dans le château du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, sous la forme d’un cliché pris par le Spitzer Space Telescope dans la région des Montagnes de la Création et intitulée Towering Infernos («les enfers s’élevant comme des tours», littéralement). Vous pouvez cliquer sur l’image que je reproduit ici pour consulter le texte (en anglais) qui présente le contexte scientifique de ce cliché sur le site du Jet Propulsion Laboratory.
Non seulement les Montagnes de la Création font-elles référence aux réponses que Sean, Eddy, Démosthène et leur compagnon Dom vont découvrir sur le mystère de la belle Neith, mais la couleur rouge dominante de l’image illustre bien le sang qui sera versé tout au long du récit et des épreuves qu’ils vont devoir affronter pour cela.
Si vous voulez vous aussi recevoir la lettre d’écaille & de plume et participer à certains de mes choix artistiques, n’hésitez pas à vous abonner.
Le suaire de la résurrection
Et c’est donc une nouvelle tunique, mieux, un saint suaire, qui habille Poker d’Étoiles au moment de sa résurrection. Je suis fier de vous le présenter ainsi qu’il apparaîtra dans sa deuxième édition, dans le courant du mois d’octobre 2023.
Maîtriser la compilation dans Scrivener, gérer les notes
Dans un logiciel de traitement de texte, comme Word ou Writer de LibreOffice, nous avons le choix entre les commentaires qui permettent de travailler en collaboration avec un éditeur ou un maître de mémoire, et les notes de bas de page. Les unes sont destinées à améliorer le texte dans sa phase de travail, les autres à insérer des références pour le lectorat. En soi, c’est assez simple à gérer, puisque les premières sont destinées à rester dans l’ombre et les dernières, elles, seront publiées dans l’ouvrage final.
Mais Scrivener n’est pas un traitement de texte. C’est un studio complet d’écriture, et les choses ne sont pas aussi simples, car il peut servir à exporter un même texte sous plusieurs formes, pour plusieurs objectifs.
On peut vouloir une épreuve de correction, qui peut contenir des notes de travail pour une relecture personnelle.
On peut vouloir le même texte dans une version destinée à son éditeur avec des commentaires sur la façon d’aborder certains passages.
On peut vouloir un manuscrit final, avec des notes destinées au lecteur.
On peut vouloir un script pour un réalisateur avec des notes de travail concernant des indications référencées sur le jeu, les décors, les mouvements de caméra, etc.
On peut vouloir le même script pour les acteurs avec des notes sur le caractère des personnages.
Bref, on peut avoir besoin de plus de deux sortes différentes de notes, pour remplir plusieurs fonctions. Cela tombe bien, car Scrivener possède cinq (mais en fait six !) types différents de notes. Ça fait beaucoup.
Dès lors, comment s’y retrouver, et comment choisir de prendre des notes dans Scrivener en fonction de nos objectifs ?
Prérequis
Cet article assume que vous avez lu et assimilé les principes généraux de la compilation dans Scrivener. Si ce n’est pas le cas, reportez-vous à l’article que j’ai consacré à ce sujet. Cela vous permettra de comprendre des termes tels que compilation
, scrivening
, formats de compilation
, etc.
To be or notes to be ?
Certains auteurs prennent beaucoup de notes, que ce soit pendant la rédaction ou dans les phases de préproduction, voire de « postproduction éditoriale ». Et parmi nous, il en existe qui préfèrent intégrer leurs notes dans une autre application, comme OneNote ou Obsidian.
À mon avis, l’intérêt majeur de prendre des notes dans Scrivener directement est de les lier au texte.
C’est évident pour les notes destinées au lecteur ou pour la postproduction.
Ça l’est moins pour celles qui sont faites pour la préproduction.
Aussi, l’une des premières questions à se poser est tout simplement l’usage que l’on va faire des notes dans un projet particulier. Cela nous indiquera tout naturellement comment nous voulons que ces notes apparaissent lors de la compilation. Et bien entendu quel type de notes nous allons utiliser dans le logiciel.
Différencier les formats de compilation entre production et publication
Les types de notes présents dans Scrivener sont nombreux. Il est évident que vous n’aurez pas forcément besoin de toutes, tout le temps, pour tous les projets. Au contraire, chaque projet aura besoin d’un système de notes différent des autres.
Mais le plus important est de comprendre que chaque type de notes se prête plus à un processus d’élaboration d’un document, des notes de production, ou à un processus de partage lors de la forme finale de l’œuvre, des notes de publication.
Je vais donc séparer chaque type suivant l’usage qu’il me semble être le plus indiqué. Libre à vous de les utiliser pour un autre si vous le souhaitez.
L’essentiel est de choisir pour chaque projet quelles notes vous serviront à quel usage, et de vous y tenir. Cela vous permettra ensuite de compiler le texte sous différentes formes en seulement quelques clics, comme nous le verrons dans le prochain article de cette série.
Notes de production
Elles seront strictement réservées aux versions de travail de votre texte, et seront supprimées lors de la compilation vers les formes destinées à la publication finale. Cela peut d’ailleurs être automatisé, et c’est d’ailleurs ce qui est intéressant avec Scrivener. Mais elles seront conservées dans les sorties destinées à vos relectures, vos ß lecteurs, vos corrections, ou les échanges avec un éditeur.
Notes personnelles de rédaction ou de préproduction
Dans le processus de création, il est parfois intéressant d’avoir une sortie papier ou numérique personnelle du texte sur lequel on travaille pour en dégager une vue d’ensemble.
Dans ce cas, il peut être utile d’avoir, en plus du texte rédigé (s’il existe), des notes de conception servant à diriger notre travail, à nous rappeler des points importants pour la suite de la rédaction, ou pour reprendre un passage qui ne nous satisfait pas vraiment.
Mon choix personnel se porte sur les Notes de l’Inspecteur
, mais je ne les compile jamais avec le reste du texte. Elles sont, pour moi, destinées à rester dans Scrivener et à ne jamais en sortir, puisque ce sont des notes qui ne me sont utiles que lors de la rédaction, étape que j’effectue en totalité dans Scrivener lui-même, et jamais sur un autre logiciel ou en papier.
Les Notes de l’Inspecteur
Il ne s’agit pas d’un fichier que la police aurait sur vous, rassurez-vous, mais bien de notes situées sous le synopsis ou Résumé
du volet de droite de l’espace de travail de Scrivener. Le Résumé
vous permet de brosser à grands traits ce que va contenir le scrivening
sélectionné (par exemple une scène où Sherlock Holmes découvre un indice particulier). Les Notes
qui se trouvent en dessous sont, dans la philosophie du logiciel, des indications de préproduction, car elles peuvent être écrites avant même que le moindre mot n’ait été inscrit dans le texte lui-même.
C’est, de mon point de vue, l’endroit parfait où l’on peut se noter à soi-même des rappels sur la tonalité que l’on voudrait donner au texte, sur des détails qu’on ne devrait pas oublier lors de la rédaction. Sur la capture d’écran ci-dessous, vous pouvez voir la note que je me suis laissée, pour ce passage en particulier.
Défaut dans Scrivener : ce sont les notes les moins paramétrables dans la compilation. Elles ne peuvent apparaître qu’au-dessus ou en dessous du texte d’un scrivening
en particulier. Elles sont attachées donc à votre découpage. De mon point de vue, les compiler n’est pas une idée de génie sauf dans un objectif de relecture personnelle ou si vous avez dans ces notes les statistiques chiffrées d’un personnage de jeu de rôle que vous voudriez inclure dans votre texte avant la description ou l’historique du personnage en question (et encore, il y a de meilleures et plus élégantes façons de faire ça). Pour moi, c’est un style de notes qui ne peut convenir qu’à des notes de rédaction personnelles, et même pas à une collaboration, encore moins à une publication finale.
Compiler les Notes de l’Inspecteur
Pour vous permettre de les intégrer à la compilation, vous devrez probablement Modifier le format
de compilation. En sélectionnant sur la colonne de gauche l’onglet de Mise en page des sections
, vous choisirez le type de scrivening
dont vous désirez faire apparaître les Notes de l’Inspecteur
. Par exemple les sections appelées Scènes (voir l’article Maîtriser la compilation dans Scrivener : les bases, où je vous donne l’exemple de ces Scènes).
Vous n’aurez qu’à cocher la case Notes
en plus de Text
(et éventuellement de Title
).
Vous verrez alors apparaître dans l’encadré Formatting
en bas un nouveau texte sous l’intitulé Notes
.
En cochant la case Override text and notes formatting
, vous pourrez styler la présentation de vos Notes d’Inspecteur
dans la compilation.
Par défaut, la compilation sortira un scrivening
organisé comme suit :
Si vous désirez changer cet ordre, vous devrez cliquer sur les trois points inscrits dans un cercle en haut à droite de la liste des sections et cocher Place notes after main text
, ce qui aura pour effet d’inverser l’ordre. Vous aurez donc :
Et c’est la seule façon que vous aurez de déterminer la place des notes, ou même le titre « Notes ». Cependant, pour ce dernier, il ya une astuce avec l’onglet Remplacements
, mais nous aborderons ce point dans un futur article.
Notes collaboratives ou éditoriales
Ces notes sont destinées à être lues et éventuellement complétées par les personnes qui vous aident à améliorer votre ouvrage : ß lectrice, éditrice, gourou, etc. L’idée est qu’elles soient facilement mises en page, quel que soit le format de sortie papier ou numérique, et que dans ce dernier cas, elles puissent être interopérables avec d’autres logiciels, de type traitement de texte, comme Word ou Writer. Cela vous permettra des allers et retours, de répondre vous-même aux suggestions, de faire des suivis de commentaires, etc.
Mon choix personnel est évident : les commentaires
de Scrivener sont faits pour ça car ils sont interopérables avec le format DOCX
. Mais comme cela marche moins bien avec le RTF
, il faudra prendre garde. Cela demande également à prévoir une sortie numérique que l’on imprimera éventuellement après, car les sorties PDF
ou imprimées directement par Scrivener ne permettent pas d’intégrer autrement les commentaires que de la même manière que les inline notes
que nous verrons plus loin.
Pour une sortie imprimée (ou en PDF
, ce qui revient à la même chose), je privilégierais donc les inline notes
, si vous n’en avez pas besoin pour autre chose.
Une autre façon de faire est d’utiliser les notes de bas de page, si vous n’en avez pas besoin pour y mettre du texte destiné à la publication.
Les commentaires
Toutes les personnes qui ont utilisé les commentaires et le système de révision de Word {>>Germain HUC 01/08/2023 16:02
On essaie ?<<} savent globalement de quoi nous parlons. Les commentaires
dans Scrivener sont exactement la même chose, et sont interopérables avec ces commentaires, d’ailleurs. Ils servent la plupart du temps à collaborer avec d’autres auteurs sur le même texte, ou à échanger des points de vue avec son éditeur.
Il faut cependant rester prudent : si la compilation de Scrivener parvient très bien à les exporter dans le format DOCX
, c’est plus compliqué dans le format RTF
, qui est pourtant celui qui est censé être le plus interopérable. En tous les cas c’est ce qui se passe pour moi dans Writer de LibreOffice, mais peut-être que c’est différent avec Word lui-même, que je n’utilise pas.
Compiler les commentaires
Dans le format de compilation, onglet Notes de bas de page et commentaires
, vous devez vous assurez que le menu déroulant Export comments and annotations as
soit bien réglé sur margin comments
.
Méfiez-vous également de l’onglet Compatibility
en bas à gauche, et vérifiez que l’option Flatten footnotes and comments into regular text
soit décochée, autrement, Scrivener transformerait tous vos commentaires en texte simple inclus dans votre document, ce qui serait dommage.
Utiliser les commentaires
Une fois compilés en format DOCX
, ODT
ou RTF
, votre texte contiendra des commentaires auxquels votre ß lectrice, votre éditrice, ou votre gourou pourront répondre. Une fois que vous aurez récupéré le fichier annoté par ses soins, vous aurez le choix entre deux solutions.
- Soit vous restez dans le traitement de texte (Word, Writer) et vous gérez les commentaires avec le système intégré de ce dernier. Il paraît que c’est très bien fait. Mais à mon avis, si vous devez ensuite reprendre la rédaction du texte, ce sera assez lourd parce que vous serez un peu coincé dans Word ou Writer, ce qui sera, avouons-le, Mal.
- Soit vous intégrez à nouveau le texte dans Scrivener, où les réponses à vos commentaires et les nouveaux commentaires de votre ß lectrice, éditrice ou gourou seront importés. Vous pourrez alors reprendre votre rédaction ou vos corrections directement dans Scrivener, et ça, c’est carrément le Bien.
Nous reviendrons sur les allers et retours entre Word/Writer et Scrivener dans un prochain article.
Suggestions de texte rédigé, texte modifié lors des différentes passes de correction
Si vous avez une ß lectrice qui aime suggérer des formulations, ou un éditeur qui se permet des corrections directes (par exemple sur l’orthographe), le mieux est d’utiliser les révisions de Scrivener.
Pour cela, il suffit, si la personne avec qui vous collaborez n’utilise pas elle-même Scrivener (personne n’est parfait), de lui demander d’écrire dans Word ou Writer avec une couleur particulière, que vous entrerez comme couleur de révision dans Scrivener. Et le tour sera joué.
Les notes de révision
Ne sont pas vraiment des notes, mais enfin un peu tout de même.
C’est confus ? C’est normal, parce que ça l’est.
Les notes de révision sont un outil qui est qualifié de « basse fréquence » dans le manuel de Scrivener. Lire : « basse technologie ». En ce sens qu’il ne nécessite pas vraiment de paramétrage.
En l’état, les notes de révision
sont du texte simple dans le corps de votre rédaction, mais coloré différemment selon le niveau de votre correction. Par exemple, lors de votre première passe de correction, le texte sera coloré en rouge, mais en bleu lors de la deuxième passe de correction.
Mais Scrivener sait les reconnaître et cela peut être utilisé pour suivre vos corrections, même avec d’autres formats de fichiers, comme Word.
Cependant, le texte coloré dans une couleur peut aussi être considéré comme des notes que vous vous laissez dans le corps du texte, même si ce n’est pas vraiment ce que je recommande, car Scrivener a vraiment beaucoup d’autres outils pour cela, que je trouve vraiment plus pratiques.
Compiler les notes de révision
Ce qui est merveilleux avec les notes de révision, c’est que vous n’avez besoin de rien faire pour les compiler, puisqu’elles sont intégrées dans le texte et considérées par Scrivener comme votre texte principal. Elles sortiront donc dans votre fichier Word ou votre PDF
colorées de la bonne façon, celle que vous aurez déterminée.
Vérifiez juste que dans les paramètres de la fin de compilation vous n’ayez pas sélectionné Supprimer la couleur du texte
.
Utiliser les notes de révision
Vous trouverez les couleurs déterminées pour les différentes passes de révision (corrections) dans les Préférences
de Scrivener, onglet Édition
, sous-onglet Révisions
. Il vous suffit ensuite daller dans Format > Mode révision
et de choisir la couleur qui correspond à la révision que vous voulez faire. Cela colorera automatiquement tout nouveau texte que vous écrirez dans l’éditeur.
Compilez le texte et demandez à votre ß lectrice d’utiliser la même couleur ou une couleur correspond à la révision suivante. Une fois les suggestions faites, réimportez le texte dans Scrivener et les couleurs seront automatiquement reconnues par le logiciel comme couleurs de révision (si elles ont été bien respectées).
Notes de publication destinées au lecteur
Par essence, elles doivent apparaître dans les formes finales du manuscrit, mais doivent aussi le faire dans les versions de travail, afin d’être éventuellement corrigées si besoin.
Les notes de texte
Et ce sont les notes telles qu’on les entend en général, c’est-à-dire des précisions qui sont reliées à un endroit ou à un mot particulier dans le corps de texte mais qui peuvent être présentées ailleurs, avec une référence pour y revenir plus tard, de manière à ne pas gêner la lecture du texte principal. Ce sont les notes que l’on utilise en général lorsque l’ouvrage est publié, elles sont accessibles au lecteur. Elles nécessitent toutes que du texte ait déjà été tapé dans l’éditeur, car elles sont rattachées à un mot ou à une suite de mots, de manière à les expliciter ou à les commenter.
Et il y a en gros deux façons de les paramétrer, donc de les utiliser, que Scrivener ne peut pas utiliser simultanément. Il vous faudra choisir entre l’une et l’autre.
Les notes de bas de page
Nous y venons enfin. Ce sont les notes telles que nous les connaissons dans un livre1 : un mot dans le corps du texte est suivi par un numéro en exposant, faisant référence au même numéro en bas de page, qui précède quelques lignes explicitant le mot référencé.
L’énorme avantage de ces notes est d’être interopérable avec de nombreux formats de fichiers, notamment le RTF
et le DOCX
de Word. Mais elles peuvent aussi être traitées à part du texte principal, ou y être intégrées, au choix. C’est sans doute le type de notes le plus polyvalent.
La plupart du temps, ces notes sont destinées à être publiées avec le texte principal, et donc à être accessible au lecteur final.
Les notes de fin d’ouvrage
Petite variante des précédentes, les notes de fin d’ouvrage sont des notes de bas de page mais qui sont reléguées toutes ensemble sur une ou plusieurs pages à la fin de l’ouvrage (d’où leur nom, hein).
Leur gros défaut est leur ergonomie absolument défaillante : il faut en effet garder en permanence soit le doigt, soit un signet ou un marque-page pour ne pas perdre la page des notes quand on lit. Et moi, je déteste avoir à alterner dix fois par minutes entre mon texte principal et une page précise située à la fin du livre. Je vous accorde cela dit que c’est moins gênant dans les formats électroniques, qui, avec les liens hypertextes, permettent de passer très rapidement de l’un à l’autre.
Les notes de fin d’ouvrage sont très utilisées pour la bibliographie, mais nous verrons que Scrivener peut gérer la bibliographie autrement.
Utiliser les notes de texte
Pour créer une note de texte, il suffit de sélectionner un mot ou une zone de texte dans votre éditeur et ensuite, dans l’Inspecteur
, aller dans l’onglet représentant une bulle de dialogue. Vous cliquez sur l’icône cf
. Une zone de texte apparaît dans l’Inspecteur
, où vous pouvez écrire votre note2. C’est aussi simple que cela.
Compiler les notes de texte
Il y a beaucoup d’options pour styler vos notes de texte dans Scrivener.
Dans le constructeur du format de compilation, onglet Notes de bas de page et commentaires
, vous pouvez choisir la police de vos notes, la façon dont elles seront indentées comme le texte principal ou non, est-ce que l’appel de note sera inscrit en exposant entre crochets ou pas…
Mais surtout, vous pourrez déterminer la numérotation en chiffres arabes, romains, par symboles, et si cette numérotation sera continue tout au long de l’ouvrage ou sera réinitialisée à chaque page ou à chaque section de texte ou saut de page. Enfin, vous pourrez déterminer comment elles apparaîtront : margin comments
(comme des commentaires dans Word), inline comments
(dans le corps du texte enserrées dans des balises), footnotes
(notes de bas de page classiques) ou endnotes
(notes de fin d’ouvrage).
Choisir
Vous ne pouvez utiliser qu’un seul des deux modèles : bas de page ou fin d’ouvrage pour vos notes de texte. Il vous faudra choisir.
Pourtant, Scrivener permet de changer des choses à la toute fin, dans le panneau de compilation lui-même, dans l’onglet de la roue crantée. Vous pouvez, à ce moment-là, décider de finalement traiter les notes de bas de page comme des notes de fin d’ouvrage.
Notes bibliographiques
De mon point de vue, le plus simple est de les gérer grâce aux notes de fin d’ouvrage.
Il y a cependant un inconvénient : Scrivener ne différencie pas vraiment notes de bas de page et notes de fin d’ouvrage. Ce sont les mêmes. Ainsi, lors de la compilation, il faut choisir entre l’une ou l’autre forme. On ne peut donc pas avoir d’un côté des notes de bas de page destinées à des explications de certains termes et en même temps des notes de fin d’ouvrage pour la bibliographie. Cela demandera donc de mélanger les deux, ce qui peut être gênant.
Sauf.
Sauf si l’on utilise ensuite un autre logiciel pour gérer les références bibliographiques. Nous en discuterons lors d’un prochain article.
Notes de mise en scène et didascalies du théâtre
Elles doivent être accessibles au réalisateur/metteur en scène mais aussi au comédien. Elles sont donc publiées.
Pour être efficaces, elles doivent être intégrées dans le corps du texte et en être différenciées par une forme particulière (italique, couleur, signes de début et de fin). C’est typiquement le cas des didascalies au théâtre, qui peuvent servir de modèle.
Cela oriente naturellement vers les inline notes
.
Les inline notes
Les inline notes
, ou notes en ligne, sont des notes qui suivent directement le texte qu’elles concernent, dans le flot même de celui-ci. C’est un bon moyen de se laisser des notes que l’on ne pourra pas ignorer mais peut-être que si pendant la relecture, ou de les avoir obligatoirement en tête lorsqu’on corrige. Par contre, vous ne pourrez pas y avoir accès en dehors de l’endroit précis où elles seront insérées, ce qui peut être un inconvénient.
Utiliser les inline notes
Pour insérer une inline note
dans votre texte, il suffit de faire Insertion > Annotation
sur la ligne en ayant pris soin de mettre le curseur là pour vous le désirez.
Les inline notes
ne sont en réalité qu’un Style
un peu particulier, et peuvent donc ensuite être utilisées pour placer des didascalies que vous pourrez mettre en forme dans un autre logiciel (Word, Writer, Affinity Publisher). Il suffira pour cela de reconnaître ces notes, entourées par défaut d’une balise {>>` et d’une `<<}
grâce à la recherche de Scrivener, et de leur appliquer un Style
ou alors à les compiler telles quelles et à faire une passe de Rechercher remplacer
dans Word.
Compiler les inline notes
Dans le même onglet Notes de bas de page et commentaires
du format de compilation de Scrivener, choisissez inline comments
comme paramètre dans Export comments and annotations as
. Vous pourrez ou non modifier les balises {>>` et `<<}
.
Et voilà le résultat.
Astuce : changer le type d’une note dans Scrivener
Pour terminer, une petite subtilité : vous pouvez, dans l’Inspecteur
de Scrivener, en faisant un clic droit sur un commentaire, le transformer en note de bas de page et, sur une note de bas de page, la transformer en commentaire.
Il n’est pas si facile de réaliser que la compilation des notes peut se modifier à plusieurs endroits.
Dans le format de compilation lui-même, si l’on ose y toucher, sont codés les comportements par défaut dudit format. On y trouvera des options de gestion des notes dans l’onglet Notes de bas de page et commentaires
mais aussi dans l’onglet Compatibilité
.
Mais tout cela peut aussi être modifié dans la fenêtre de compilation finale, avec des options pour transformer les notes de bas de page en notes de fin d’ouvrage ou les inline notes
en notes de fin d’ouvrage.
Enfin, sauf si vous utilisez la compilation pour obtenir directement un PDF
ou une sortie papier, vous allez pouvoir styler les notes dans le fichier obtenu avec un autre logiciel, comme Word, Writer ou Affinity Publisher.
Conclusion : de multiples options
Cet article n’est, malgré sa longueur, qu’une manière d’effleurer le sujet. Il faudrait quelques tutoriels vidéos pour vous montrer de façon pratique comment on peut se servir des notes et bien les gérer lors de l’opération de compilation. J’espère cependant qu’il vous aura donné l’envie d’expérimenter par vous-mêmes et, surtout, qu’il vous aura convaincu de la nécessité de déterminer ce que vous désirez faire des notes avant de les compiler.
Bien sûr, la classification que j’ai utilisée ici (inline notes
pour les notes de mise en scène ou de didascalies) n’est qu’une façon de voir les choses, la mienne. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas voir les choses d’une autre manière. Au contraire.
D’ailleurs, vous, comment utilisez-vous les notes de Scrivener ?
Nouvelle donne pour Poker d’Étoiles
Il y a des choses que l’on attend pendant très longtemps, que l’on se désespère de ne pas voir arriver au point de n’y plus penser autrement que sous la forme d’un arrière-goût amer, d’un regret léger mais persistant. Et qui finissent tout de même par advenir lorsque l’on s’y attend le moins.
Dans ma vie, j’ai remarqué que ce fut souvent le cas. Comme si des attentes trop fortes intimidaient le destin. Comme s’il se détendait en remarquant que je ne m’accrochais plus à l’espoir tel un naufragé à sa bouée.
Il y a quelques jours, cela m’est à nouveau arrivé.
À propos d’un de mes rares regrets artistiques.
Poker d’Étoiles revient entre mes mains après tant d’années d’éloignement et de frustrations.
Genèse d’un premier roman
Poker d’Étoiles est né dans l’impulsion d’une rencontre.
Il y a de nombreuses années, j’ai fait la connaissance d’une jeune femme qui m’a donné envie d’écrire une histoire d’aventures spatiales. Évidemment, pour l’impressionner. Mais aussi parce qu’elle m’inspirait le rêve d’une vie romanesque et une ambiance de film noir. Peut-être aussi parce qu’elle avait une forte ressemblance avec Andie MacDowell.
J’ai écrit une nouvelle, que bien entendu elle ne lut jamais, nos chemins s’étant croisés trop furtivement pour qu’ils ne se séparent pas à jamais.
Pourtant, le texte est resté, et je sentais qu’il portait en lui ce petit quelque chose qui demande à éclore, à grandir, à devenir une histoire plus large.
Alors je l’ai retravaillé encore et encore, avec l’aide d’une amie chère.
Et Poker d’Étoiles est devenu un véritable roman.
Mon premier roman.
L’impulsivité de la jeunesse
C’était vers la fin des années 2000, et j’étais jeune, encore.
Mon caractère impulsif était plus marqué. Et je rêvais depuis longtemps de débuter une carrière artistique, littéraire. J’avais déjà commis un court-métrage sous la forme d’un film de potes, L’Amitié selon Paul, qui restera confidentiel car destiné simplement à faire mes premières armes de cinéma. J’avais déjà brûlé les planches avec mes camarades de La Compagnie Raymond Crocotte, dans des pièces qui firent notre succès localement, telles qu’une adaptation déjantée à la Tex Avery de Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. J’avais déjà écrit et réalisé Ultima Necat, un moyen métrage semi-professionnel.
Mais l’écrit a toujours eu ma préférence. Peut-être parce que, je crois, je suis beaucoup plus doué dans l’écriture que dans le jeu d’acteur, et que les mots ont toujours eu une magie pour moi plus importante lorsqu’ils étaient imprimés que lorsqu’ils étaient prononcés.
J’ai donc désiré ardemment, comme beaucoup de jeunes auteurs, faire publier mon premier roman.
J’ai envoyé mon manuscrit à de nombreuses maisons d’édition. J’ai essuyé des refus à chaque fois.
À cette époque, l’autoédition n’existait pas, et n’était même pas un concept que l’on pouvait imaginer dans les rêves les plus fous. Il n’existait que l’édition à compte d’auteur, dont je savais que ce n’était qu’un autre mot pour «arnaque». Et l’édition à compte d’éditeur, l’édition traditionnelle, dans laquelle, j’en étais sûr et certain, je pouvais «percer», devenir célèbre, être lu par des milliers, peut-être des millions de lecteurs et de lectrices à travers le monde, dans des dizaines de langues différentes. Et, qui sait, être adapté en film par Hollywood. À l’époque, les séries télévisées n’étaient pas autant prisées. Netflix n’était qu’une entreprise de location de VHS californienne. L’internet découvrait à peine l’ADSL.
Bref, quand une maison d’édition novatrice, uniquement présente sur internet, accepta mon manuscrit, je devins l’homme le plus heureux de l’univers connu et inconnu…
La déception
… Pendant environ un an.
Car après l’euphorie, vint le désenchantement.
Une version numérique qui se limitait au PDF
, à l’époque, c’était le Graal, mais quand les véritables livres numériques, comme les Kindle d’Amazon, ou bien le format EPUB
, sont arrivés, mon éditeur n’a pas du tout investi le créneau.
La mise en avant était inexistante. Les ventes n’ont pas du tout décollé au-delà de mon cercle d’amis.
J’ai eu l’impression que mon texte avait été accepté simplement pour gonfler un catalogue et montrer des muscles comme un culturiste qui se dope à la créatine.
Et puis il y avait la clause de préférence.
Jugée abusive par la Société des Gens de Lettres comme par la Ligue des Auteurs Professionnels, cette clause enchaîne l’auteur à un éditeur qui lui impose de lui présenter en priorité ses prochains textes dans un genre défini. Au vu de ce que ledit éditeur avait fait pour que mon premier soit un succès, je n’étais pas vraiment motivé pour lui en fournir d’autres…
Lorsque l’autoédition est devenue une possibilité pérenne, alors, au lieu de revenir sur le genre de la science-fiction, je me suis tourné vers l’urban-fantasy avec Le Choix des Anges.
J’ai tout de même essayé de récupérer mes droits sur Poker d’Étoiles, dans les années 2010. En vain…
C’était comme si je n’avais plus aucune prise sur cet univers qui pourtant me tenait à cœur.
Alors oui, c’est vrai que je ne me suis pas démené pour en faire une promotion débridée. Naïvement, je pensais que c’était le rôle de l’éditeur… sinon, quel bénéfice à se faire éditer par une société qui capte la grande majorité des bénéfices des ventes ?
Aucun, me direz-vous.
Vous aurez raison, et c’est ce que je pensais déjà en 2014, à l’ouverture d’écaille & de plume.
Du reste, j’ai un rapport un peu complexe à la promotion, dont je vous parlerai dans un prochain article.
Bref, pendant des années, ce fut comme si mon premier roman n’avait jamais existé.
Et puis un jour de juin 2023…
Un nouvel espoir
Alors que je cherchais à connaître le montant des ventes de Poker d’Étoiles, j’ai découvert par hasard que la maison d’édition qui en détenait les droits non seulement ne m’avait pas fourni de reddition des comptes depuis de très nombreuses années, mais encore semblait ne publier que des écrits universitaires. Plus encore : mon compte d’auteur sur le site de ladite maison d’édition n’existait plus. Mon livre semblait enterré quelque part et lorsque je demandai des explications, un mail m’expliqua que la maison d’édition s’était «recentrée» sur des écrits non fictionnels. Bien entendu, on ne m’avait pas prévenu de ce léger changement, qui a sans doute encore plus contribué à l’invisibilisation de Poker d’Étoiles.
J’aurais pu entrer dans une sainte et légitime rage si dans la même réponse par message électronique, on ne m’avait pas proposé spontanément ce que je cherchais en vain à obtenir depuis des années : reprendre mes droits sur Poker d’Étoiles.
Ce qui est désormais chose faite.
Conseils à celles et ceux qui voudraient être publiés dans l’édition traditionnelle
Cette petite histoire, qui heureusement se termine bien, illustre parfaitement certains des pièges du monde littéraire.
Vous aspirez à faire publier votre roman, qu’il soit le premier ou pas, par une maison d’édition ?
À mon avis, vous devriez vous poser très sérieusement deux questions centrales.
D’abord : pourquoi ?
Pourquoi vouloir entrer dans la vie littéraire par l’intermédiaire d’un éditeur ? Pour la reconnaissance ? Vous n’en aurez pas plus que les milliers de nouvelles têtes qui apparaissent dans le milieu littéraire chaque année. Vous ne serez qu’une autrice de plus, qu’un numéro de plus. Pour avoir l’estampille de quelqu’un certifiant que votre écrit est de qualité ? Savez-vous que Poker d’Étoiles n’a jamais, jamais, bénéficié de suivi éditorial ? Aucune correction, aucun conseil. Heureusement que j’avais déjà suivi ce processus avec l’amie qui m’avait accompagné dans l’écriture, sinon, j’aurais pu soumettre un texte très différent de ce qu’il était devenu. Un éditeur n’est pas la garantie d’un accompagnement de qualité.
Deuxième question : comment ?
Votre objectif est-il d’être publié coûte que coûte, ou d’être bien publié par un éditeur qui se soucie vraiment de votre texte et qui cherche à le faire connaître au plus grand nombre, réellement, non pas pour gonfler artificiellement un catalogue et se gargariser de donner leur chance à de jeunes talents simplement parce qu’il exhibe sur son site internet des centaines de jeunes auteurs n’ayant produit qu’un seul texte ?
Soyez méfiante, soyez exigeant. Au moins autant, si ce n’est plus, que votre éditeur sera exigeant avec vous.
En 2023, plus encore qu’en 2014, faire le choix de l’autoédition est une option à prendre en compte, et sans doute que nous en reparlerons.
Poker d’Étoiles, Renaissance
Maintenant que je suis à nouveau le légitime détenteur de tous les droits sur le texte de Poker d’Étoiles, il est bien évident que je vais faire ce que j’aurais dû faire depuis le début : lui offrir une véritable existence, une vraie chance.
Poker d’Étoiles va donc bénéficier d’une nouvelle édition au sein de mon label d’écaille & de plume, avec une nouvelle maquette intérieure, une véritable couverture, une édition numérique digne de ce nom et digne du XXIe siècle. Et peut-être une version audio.
Cette nouvelle naissance aura lieu pour le mois de l’imaginaire, au mois d’octobre 2023.
Restez donc à l’affût…
L’écriture radiophonique
Lorsque j’ai commencé à écrire Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux, j’ai rapidement compris que je ne pouvais pas le faire comme si c’était un roman ou une nouvelle comme une autre. Cette histoire était en effet destinée à être lue, à la manière d’une fiction radiophonique, dans un podcast.
C’était ce que j’appelle une podfiction, un objet narratif hybride, enregistré, dont l’identité oscille quelque part entre le cinéma, le théâtre et le livre audio.
Comme tel, il devait être interprété par des comédiens et des comédiennes qui allaient incarner les personnages par le seul instrument de leurs voix. Contrairement au théâtre ou au cinéma, il n’y aurait pas d’image pour soutenir l’action, pour décrire les décors, pour mimer les gestes, pour montrer les expressions et les sentiments. Mais à l’inverse du livre audio, il ne pouvait pas être conçu comme une simple transposition des caractères imprimés. Le fait de disposer d’acteurs conduit naturellement à questionner l’emploi de la voix du narrateur. Ce que d’ordinaire on transmet au lecteur à travers cette voix qui, finalement, sert à décrire et préciser l’action, il fallait le remplacer par une utilisation du jeu, une démonstration par l’action, comme au théâtre et au cinéma, où la voix off, cette technique qui émule le narrateur, est exceptionnelle.
Il fallait appliquer plus encore le célèbre «show don’t tell» («montrer et non raconter») des Anglo-saxons.
Car si la vue est le sens sur lequel l’être humain croit se baser le plus dans son quotidien, nous sous-estimons grandement le pouvoir d’évocation du son seul, pourtant aussi puissant à mon avis pour créer des images mentales chez autrui.
Parce qu’au fond, le fait de raconter une histoire à quelqu’un, ce n’est que ça : le pouvoir de susciter chez cette personne la création d’images mentales qui vont se succéder pour aboutir à une représentation sensorielle la plus convaincante et la plus émotionnelle possible. Que l’on utilise pour cela des lettres que la personne reconnaît comme des mots, du son comme de la voix ou de la musique, des images, des odeurs, finalement, peu importe. Le but est de transporter le public dans un autre monde, fût-ce l’immeuble d’à côté, de lui faire croire à une réalité différente, le temps d’un récit.
Or, l’être humain (comme tous les êtres vivants, en fait) expérimente le monde qui l’entoure, sa réalité, à travers ses sens. Notre façon d’être au monde est par nature, par essence, même, une expérience sensorielle. Nous ne pouvons accéder à la réalité qu’à travers ces moyens que sont nos sens, tous nos sens. C’est d’ailleurs ce qui fait notre supériorité sur les I.A. désincarnées. Nous interagissons avec le monde physique et il nous change autant que nous le transformons, simplement parce que ce que nous en voyons ou ce que nous en entendons modèle la façon dont nous nous percevons nous-mêmes et dont nous nous différencions de ce qui n’est pas nous-mêmes. Comme le montre Antonio Damasio, la conscience naît de l’expérience émotionnelle du monde à travers des perceptions sensorielles. Il n’y a donc pas de conscience sans organe des sens, n’en déplaise à ceux qui croient encore que ChatGPT soit capable de créativité.
Ces sens interagissent même entre eux, se mélangent et sont intégrés par le système nerveux qui reconstruit en permanence la représentation du monde la plus utile qui soit (à défaut d’être fidèle) grâce à la coordination des informations récoltées par chaque organe sensoriel.
Depuis longtemps, d’ailleurs, les meilleurs écrivains utilisent des mots (une médiation visuelle) qui vont être associés à d’autres sens que la vue : l’odeur de l’ail (pour chasser les vampires mais aussi pour évoquer une haleine un peu chargée), le son du tambour, celui de la craie qui crisse sur un tableau noir, le contact de la soie, du velours ou d’une lame d’acier, le goût du pain d’épices ou du sang. Chaque mot que vous venez de lire a certainement déclenché des «images» mentales qui sont en fait reliées à d’autres sens que la vue. Car nous sommes tous, plus ou moins, capables de synesthésie au quotidien. Le pouvoir d’évocation des mots n’est rien d’autre qu’une synesthésie partagée par tous les êtres humains.
Mais l’image d’un mot n’est pas la seule à déclencher cette synesthésie.
Le son des mots possède également ce pouvoir.
Comment une artiste douée de synesthésie, Melissa McCracken, représente la suite pour violoncelle n°1 de Bach en peinture.
Et plus encore, des sons vont évoquer des souvenirs, et avec eux des émotions. Des odeurs vont évoquer d’autres souvenirs, avec des émotions souvent plus fortes encore. C’est la fameuse madeleine de Proust.
Toute cette démonstration pour en venir à ce point crucial : pour investir pleinement le format audio dans une podfiction, il était nécessaire que je développe une narration qui utilise ses particularités le plus possible. Dans les limites techniques qui sont les miennes, bien entendu.
Et pour cela, ma façon de raconter l’histoire doit nécessairement s’adapter.
C’est à ma découverte de ce réapprentissage de l’écriture que je vous convie dans cet article, qui va en quelque sorte prolonger celui que j’ai déjà commis sur l’importation de techniques du théâtre et du cinéma dans la littérature.
Show don’t tell
Habituellement, ce dogme est interprété dans l’écriture comme une exhortation à montrer l’action en train de se passer, et non à la médier par une tierce personne, de manière à rapprocher le lecteur du cœur du récit, le faire le plus possible coller aux actes des personnages, l’immerger dans ce monde fictif que vous avez construit pour lui.
Il postule qu’il est plus efficace pour faire ressentir les émotions de faire dire à Didier : «Tu me prends la tête, Michel !», plutôt que de laisser le narrateur préciser : «Didier ne pouvait plus supporter Michel»1.
Si cette règle est une des fondations d’une écriture moderne réussie, ce n’est pas non plus un axiome indiscutable, comme cet article de Stéphane Arnier pourra vous le montrer.
Au théâtre, le tell n’existe pratiquement pas, puisque tout passe par les dialogues entre les personnages et le jeu des comédiens. On ne retrouve donc presque que du show.
C’est un peu moins vrai au cinéma, où la voix off peut servir parfois à raconter ce qui ne se voit pas ou ne peut pas se voir à l’écran. Cependant, l’art cinématographique est bien celui d’une narration en image (et en sons), de manière à montrer et d’éviter de raconter. Et dans ce sens, la voix off est toujours celle d’un personnage, l’équivalent de la narration à la première personne du singulier dans la littérature. Car il n’existe pas vraiment de narrateur à la troisième personne au cinéma, si ce n’est la caméra elle-même, qui par définition ne pourra pas s’exprimer en voix off.
Dans une podfiction, le curseur peut osciller entre la littérature et le théâtre. Certaines scènes ne se composeront que de dialogues, de sons, de bruitages, de musique, d’autres vont faire intervenir une voix off, un narrateur. Pourtant, pour que cela soit efficace, je crois qu’il est nécessaire de suivre quelques règles dans le dosage de ces deux modalités.
Le Narrateur comme personnage
Si, en théorie, rien n’interdit de concevoir un narrateur omniscient ou simplement à la troisième personne dans une podfiction, puisqu’elle peut se rapprocher d’un livre audio, c’est à mon sens moins efficace qu’en littérature.
Le fait de dire à l’oral, dans le sens du conteur, implique des effets de voix, un jeu avec le rythme, le volume de la voix, le corps, même, toute une technique qui se rapproche beaucoup du jeu théâtral ou du moins du jeu d’acteur. Cela va créer une surcouche d’interprétation supplémentaire par rapport aux mots bruts écrits sur une page qu’une lectrice silencieuse aurait reçus sans intermédiaire en découvrant seule le texte.
D’un côté on a la lectrice qui lit directement le texte dans sa tête et le reçoit dans toute sa pureté.
D’une autre on a l’interprète qui donnera une certaine couleur au même texte et va, par son jeu, en teinter la signification avant que l’auditrice ne le reçoive. Le texte ne sera donc plus si pur.
Cela n’est pas trop gênant dans le cas où nous avons affaire à la lecture de toute l’œuvre par une seule personne, ce qui est généralement le cas pour un livre audio, car l’interprétation sera la même pour tout le texte. Cela «lisse» en quelque sorte, la voix du narrateur, la noie dans celle des autres personnages, puisque c’est la même.
Mais dans le cas où chaque personnage a son interprète, la configuration se rapproche par trop du théâtre ou du cinéma, et le narrateur devient lui-même, de fait, un personnage. Sa voix est distincte de celle des autres, et comme telle, elle acquiert une singularité qui le place paradoxalement au même niveau.
Ainsi, s’il reste un choix artistique possible, le narrateur omniscient en podfiction fonctionne à mon sens beaucoup moins bien que de prendre le parti de le désigner d’emblée comme un personnage à part entière. Dans ce cas, il est nécessaire, comme pour les autres personnages, de le doter d’un caractère, d’objectifs, avoués ou cachés (voire les deux), de liens avec les autres personnages, avec l’intrigue. Même s’il reste périphérique, s’il n’est pas au cœur des enjeux, du moins pas systématiquement, pour ne pas non plus stéréotyper les récits. L’essentiel est de vérifier que l’intrigue fonctionne, même avec un narrateur omniscient, que l’effet recherché est atteint.
Mais pour cela, il faut être conscient, je pense, que ce qui fonctionne le mieux est soit de ne pas intégrer de narrateur du tout (les dialogues entre personnages pouvant suffire à faire évoluer l’intrigue, même si cela empêche beaucoup de choses que nous détaillerons dans la suite de cet exposé), soit de considérer le narrateur comme un protagoniste ou au moins un témoin de l’intrigue, donc comme un personnage lui-même.
Dans ce dernier cas, cela induit quelques conséquences.
D’abord, la possibilité, dont il serait dommage de se priver, de briser le «quatrième mur».
En effet, un narrateur-personnage est forcément partial. Il a un avis sur la façon dont l’histoire qu’il raconte s’est déroulée. Il peut même en passer certains aspects sous silence, ou en exagérer d’autres. Et il peut plus facilement, car n’oublions pas que nous sommes dans l’oralité, partager cet avis avec son auditoire, que ce soit sous la forme de digressions philosophiques, de considérations politiques, d’analepses et de prolepses (flashbacks et flashforwards), ou même de commentaires plus ou moins humoristiques. Il peut même faire corps avec l’intrigue dont le nœud pourrait être la narration elle-même, à la manière du Kaiser Sauze du génialissime film The Usual Suspects.
Encore une fois, il ne s’agit pas de stéréotyper les histoires que l’on écrit pour de la podfiction, et de singer Usual Suspects à tout bout de champ. Il s’agit simplement de découvrir ce qui fonctionne le mieux pour une histoire donnée, et d’en tirer toutes les conséquences.
Ensuite, le narrateur permet de jouer plus finement avec le temps du récit, ce qui est plus délicat dans une histoire qui n’a pas d’autre fil que les dialogues et les actions des personnages suggérées par les bruitages ou la musique. Les analepses et les prolepses dont je parle quelques lignes plus haut, mais aussi toutes les autres ellipses temporelles ou spatiales sont facilitées par sa présence. Là encore, c’est lui qui choisit ce qu’il montre et ce qu’il passe sous silence, et ce n’est pas neutre, contrairement à un narrateur omniscient qui peut se cacher derrière l’auteur lui-même en littérature. C’est-à-dire derrière quelqu’un qui n’est pas un personnage et qui n’est donc pas intégré aux enjeux de l’intrigue qu’il raconte.
Enfin, il doit être bien identifié par l’auditoire, et ses interventions doivent être dosées par rapport à celles des autres personnages, c’est-à-dire les dialogues. Il ne s’agit pas de lui réserver des tartines de descriptions qui vont monopoliser la parole pendant d’interminables minutes, au risque de se retrouver dans un «simple» livre audio, c’est-à-dire de manquer la singularité d’une podfiction.
Encore une fois, je ne dénigre pas le livre audio2, je dis juste que ce sont deux exercices différents. L’un est pensé pour être un livre lu, l’autre pour être taillé sur mesure dès le départ pour être joué avec des voix.
Dialogues : fonctions
Tout ce qui précède explique pourquoi le cœur de la narration se situe réellement dans les dialogues, comme au théâtre, comme au cinéma. C’est à travers les voix des personnages que l’auditoire va vivre l’histoire. Cependant, il faut tenir compte d’une très grosse différence avec ces deux médias : l’absence d’image.
Ainsi, les dialogues ne vont pas seulement exprimer la pensée des personnages, leurs discours et leurs conflits, mais aussi leurs actions physiques. C’est ainsi qu’il est habile pour qui veut écrire une podfiction de penser que certaines descriptions d’actions peuvent passer à la fois par les sons et par les dialogues eux-mêmes.
On peut le faire d’une manière très visible, comme dans l’exemple suivant, tiré de l’épisode 4 des consultations extraordinaires :
SEKHMET — Rien de vraiment intéressant. C’est aussi vide que le désert, ici ! Et il n’y a pas de viande, non plus !
ADÉLAÏDE — Eh ! Mais ce n’est pas la peine de tout arracher, il ne vous a rien fait, ce tiroir ! Et puis je suis végétarienne, vous ne trouverez pas de viande chez moi.
On comprend facilement que Sekhmet est en train de dévaliser le garde-manger d’Adélaïde, et on se représente tout à fait qu’en le faisant de façon brutale elle secoue un tiroir au point de l’arracher. Ou bien comme ce plus long extrait, dans l’épisode 2 :
THOT — Il faut l’arrêter, tout de suite !
ADÉLAÏDE — Eh bien, pourquoi vous ne l’arrêtez pas, vous ? Vous êtes un dieu autant que lui, non ?
THOT — C’est évident, Mademoiselle Chamberlain, mais moi je suis le Dieu du savoir et lui… c’est le Dieu Guerrier !… J’ai fait ce que j’ai pu pour l’amener jusqu’ici, mais je ne suis pas de taille à affronter sa colère une deuxième fois.
HERU — Wneb chered nedj ietef wshebti am ankh…
ADÉLAÏDE — D’accord… Belladone, vous voulez bien le tenir quelques secondes ?
BELLADONE — Comme ça ?
ADÉLAÏDE — Parfait. Faîtes en sorte qu’il ne bouge pas, et si vous pouvez, qu’il ne me réduise pas en bouillie…
HERU — Mehet-wret hotep Amenti wr ibqa dwat hebswt menat ha hotep kheperw hekaw am ankh…
THOT — Quoi que vous décidiez de faire, faites-le vite, l’incantation est presque terminée, et il ne doit en aucun cas parvenir à la prononcer en entier, vous m’entendez ?
La situation est compréhensible même si l’on ne décrit pas complètement les gestes des personnages.
Pourtant, comme pour tout effet littéraire, trop employer cet artifice va rendre votre podfiction lourde et indigeste, et à tout le moins inélégante.
C’est pour cela qu’on peut aussi trouver des manières plus subtiles de suggérer les actions des personnages dans leurs dialogues. En poursuivant l’action précédente, celle où Adélaïde, Belladone et Thot doivent absolument arrêter Horus avant qu’il ne termine une incantation mystérieuse, voici ce que cela donne :
ADÉLAÏDE — Je vais essayer, mais nous n’avons pas le choix, il faut prendre des risques. Ffff !… Hhhhh !
THOT — Non, mais vous n’allez quand même pas…
BELLADONE — Si, je crois que c’est exactement ce qu’elle va faire…
HERU — Peheti Wdjat maa kherw Wr hekaw kheryhebet wneb ankh sa-meref netjer… ah ah ah ah ah ah ah ah !
[Bruits. Adélaïde chatouille H, ce qui le sort de son obnubilation]
BELLADONE, ADÉLAÏDE, HERU — Aaaaaah !
Dans cet exemple, la première réplique pose un cadre : Adélaïde va tenter une action physique risquée. L’imagination de l’auditoire va commencer à travailler et à générer des possibilités. Bien évidemment, la première idée qui va venir à l’esprit de la plupart des gens sera de frapper Horus. C’est ce qu’on voit si souvent dans les films que l’on a tendance à penser que c’est le plus efficace. Et cette pensée va apparaître toute seule, sans qu’on l’ait énoncée, simplement parce que c’est un automatisme mental. L’idée est de se servir de ce que nous avons appris à nous représenter si facilement que cela en devient un réflexe.
L’interrogation qui suit va immédiatement soit renforcer l’idée qu’Adélaïde va oser frapper un dieu (et donc accomplir une action très risquée pour elle), soit faire naître un doute : que peut donc tenter d’autre une frêle étudiante en psychologie contre une divinité ?
La troisième réplique enfonce le clou : il va se passer quelque chose de vraiment étonnant. L’auditoire ne peut que se représenter l’action qu’il a déjà imaginée après la première phrase, mais se trouve un peu désorienté parce qu’il perçoit que ce n’est pas exactement cela.
Ce sont les deux dernières répliques qui vont lui permettre de tout comprendre, et d’en rire car il percevra le décalage entre ce qu’il aura imaginé automatiquement (Adélaïde frappe Horus) et ce qu’il aura finalement compris grâce au rire d’Horus : Adélaïde ne l’a pas frappé, mais bien chatouillé !
Les indications scéniques ne sont là que pour les comédiens et éventuellement le réalisateur. Les auditeurs, eux, n’auront eu besoin pour saisir ce qui s’est passé que des dialogues et éventuellement de quelques bruitages.
Vous remarquerez que c’est souvent un autre personnage que celui qui effectue l’action qui la décrit. En effet, il paraîtrait vraiment trop artificiel qu’un personnage soit en train de décrire une action qu’il réalise. Sauf, bien entendu, si c’est le propos de la tirade. Par exemple, un personnage qui réalise une démonstration face à un autre et veut lui permettre d’apprendre.
Quant aux descriptions tout court, elles devront passer soit par une voix off, dont nous avons vu qu’elle est l’équivalent d’un dialogue, soit par les dialogues également. Encore tiré des consultations extraordinaires (épisode 5), ce petit exemple :
BELLADONE — Je suppose que vous savez où nous devrons nous arrêter.
HATHOR — Bien évidemment.
BELLADONE — Et dans ce cas, je vous prie d’avance de pardonner ma question certainement profane : qui sont tous ces gens qui travaillent les champs au-dessus de nous ? Je les vois labourer, semer, récolter, un peu tout ça en même temps. Vous avez besoin de manger, ici ?
HATHOR — Bien évidemment, Belladone Mercier. Comme vous. Cependant, c’est pour nous plus un plaisir qu’une nécessité. Et ces Bienheureux que tu vois là sont les sujets du Roi d’Occident. Leur vertu les a conduits ici, après que leur cœur eût été jugé pur.
Comme toujours, il est ici question de dosage et de ne pas multiplier à l’envi le même procédé. Car l’idée est justement de laisser l’imagination de l’auditoire travailler pour vous et il se trouve que le secret de cette recette est que plus on reste en quelque sorte précisément flou, et plus l’imagination de l’auditoire va travailler vite et bien. En l’occurrence, il suffit de jeter quelques verbes (semer, labourer, récolter) pour que tout un ensemble d’images se crée dans l’esprit de l’auditrice.
Qui doit dire quoi ?
C’est finalement la seule véritable question.
Comme dans toute fiction, bien sûr, un personnage va parler en fonction de son caractère, de son rôle dans l’histoire, de sa place par rapport aux enjeux du récit. Pourtant, en tenant compte de ce que nous venons de débattre plus haut sur la fonction descriptive des dialogues, il est nécessaire de rajouter un paramètre à leur construction : un personnage donné ne va pas forcément pouvoir tout décrire tout le temps.
Hormis donc lorsque le protagoniste est en train de montrer quelque chose volontairement à un autre, il ne décrira jamais ses propres actions. Pourtant, chaque personnage est porteur d’informations que lui seul peut dévoiler à l’auditoire. Il est donc impératif de déterminer qui sait quoi et surtout qui peut dire quoi. Et comment.
Les apartés
C’est un autre artifice théâtral qui peut également être utile en podfiction.
Il consiste en une rupture mineure de la continuité narrative durant laquelle, souvent au mépris de la vraisemblance (puisqu’on l’entendrait forcément dans une situation réaliste), un personnage interrompt son discours pour apporter une précision censément inaudible aux autres, soit au public (sens premier du mot) soit à un personnage en particulier.
Exemple encore tiré des consultations extraordinaires (épisode 6) :
BELLADONE — Alors se pourrait-il que l’envie de vous venger soit plus forte que celle de me violenter ?
SETEKH — Oui.
BELLADONE — Voulez-vous bien vous assoir et m’écouter ?
SETEKH — Oui.
CLAUDE — Comment avez-vous fait ça ?
BELLADONE — C’est un truc de psychologue. Ça s’appelle une séquence d’acceptation. Méfiez-vous si Adélaïde vous fait accepter quelque chose de banal plus de trois fois, car à la quatrième, votre cerveau dira oui de façon automatique, même si cela a beaucoup plus de conséquences. Bien, nous allons donc profiter de votre venue. Expliquez-moi donc ce qui vous est arrivé.
Ici, clairement, au beau milieu d’un dialogue entre Belladone et Setekh (le dieu Seth égyptien), Claude fait un aparté. On pourra objecter que la vraisemblance pourrait exister si dans une telle situation Claude prenait Belladone à part physiquement. Et c’est vrai. Il nous arrive parfois dans la réalité de faire des apartés avec certaines personnes. Cependant, ces circonstances sont rares et doivent être très précisément justifiées dans un souci de vraisemblance.
Dans le cas présent, Setekh aurait pu entendre l’aparté de Claude et Belladone. Pourtant, la suite indique que ce n’est pas le cas.
Cette distinction entre vraisemblance et invraisemblance est très importante lorsqu’on utilise l’aparté, car elle détermine l’effet qu’il va avoir sur la perception de l’ambiance par l’auditoire.
Si votre aparté est vraisemblable, alors il peut être utilisé dans n’importe quelle ambiance, de la plus tragique à la plus banale. Par contre, s’il est invraisemblable, il va modifier la perception de votre scène soit par un accroc à sa crédibilité, soit par un effet comique. C’est d’autant plus vrai lors d’un aparté au sens premier du terme, c’est-à-dire de la rupture du quatrième mur, quand le personnage s’adresse directement à l’auditeur ou au spectateur, en brisant le cours du récit. Cette technique a en effet le pouvoir de sortir l’auditoire de la suspension d’incrédulité qui est à la base de l’implication émotionnelle et de son identification, de son immersion, dans le récit. Ce décalage crée le plus souvent une prise de distance propice au sourire, voire au rire.
À moins, donc, de l’avoir volontairement recherché (c’est le cas dans mon exemple), ou de s’assurer de la vraisemblance de l’aparté, n’utilisez cet outil qu’avec une grande prudence.
Les ellipses
S’il est une notion avec laquelle les écrivains jouent en permanence, c’est bien le temps.
Si l’on oublie les flashbacks et les flashforwards de nos jours si populaires, il est bien d’autres moments où nous nous jouons des règles temporelles. Les ellipses, par exemple. Nous pouvons contracter le temps et le forcer à glisser sur quelques heures, quelques jours, quelques mois, quelques décennies, voire quelques millénaires, en une simple phrase.
Mais ceci n’est possible que dans un écrit.
À l’écran, c’est beaucoup plus difficile.
Mais à l’oral… c’est presque mission impossible.
J’ai bien dit presque.
Il y a à mon sens seulement deux façons de faire.
Soit le fameux «trois jours plus tard» est dit par le narrateur (rappelez-vous qu’il est souvent un personnage à part entière).
Soit il est remplacé par une césure sonore. Un jingle, une virgule comme on dit à la radio. Une convention que votre auditoire devra apprendre à reconnaître au fil du récit. Ça devrait être assez rapide et je crois que logiquement 90 % des auditrices auront saisi le principe après la première utilisation. Cependant, assurez-vous de prendre par la main vos auditrices lors de cette première utilisation, justement, pour en faciliter l’intégration. Donnez, dans la première phrase suivant le saut temporel, soit dans la narration, soit dans un dialogue, une information montrant clairement le changement de lieu ou de date.
Par exemple :
JULIETTE — Enfin seule, je vais pouvoir regarder mon feuilleton tranquille.
[Virgule musicale]
DIDIER — Bonjour Juliette ! Bien dormi ? Pas moi. J’ai cherché Michel toute la nuit[^fn3].
Ensuite, le cerveau de votre auditoire devrait avoir associé cette musique particulière avec un saut temporel ou spatial dans l’intrigue, et tout se passera bien mieux. Vous pourrez même vous payer le luxe de commencer la troisième ou quatrième ellipse directement in media res.
Cette fois, cela pourra donner :
JULIETTE — J’ai adoré cette omelette hier soir. Tu viens Didier, on va au cinéma ?
[Virgule musicale]
DIDIER — Non, Michel, je ne peux pas te laisser dire ça ! Nicolas Cage n’a pas joué que dans des nanars[^fn4] !
C’est d’ailleurs le même problème lors d’un simple changement de scène, car très souvent cela implique une ellipse, soit spatiale, soit temporelle, soit les deux…
Ce qui nous mène directement au point suivant.
Prévoir et intégrer les effets sonores
Parce que vous aurez compris que l’on ne peut pas écrire une podfiction sans penser un minimum à y intégrer des effets sonores. Jusqu’à présent, nous avons identifié leur rôle essentiel dans la description des actions et donc la narration elle-même, dans les transitions de scènes, dans les ellipses.
Ils sont aussi très importants, voire fondamentaux, dans la construction du décor.
Comment mieux évoquer une rue de Paris qu’en habillant le dialogue avec une ambiance sonore de rue bondée ?
Comment mieux faire comprendre que deux personnes se parlent au téléphone qu’en insérant une légère distorsion dans la voix de celle qui est à l’autre bout du fil ?
Ce sont de petits détails, mais ils peuvent vraiment donner plus de crédibilité à votre podfiction.
Par contre, trois écueils principaux sont à éviter.
D’abord, il n’est pas si aisé de réussir des effets sonores, et mieux vaut éviter de les rater. En effet, si des effets réussis font gagner en vraisemblance, des effets ratés font perdre en crédibilité et risquent fortement de faire sortir votre auditoire de sa transe narrative. En matière sonore, mieux vaut pas d’effet du tout qu’un effet raté.
Ensuite, corollaire du point précédent : de bons effets sonores peuvent être difficiles ou onéreux à réaliser. Il faut souvent soit acquérir des effets «tout prêts», soit demander l’aide d’un bruiteur ou d’une bruiteuse professionnelle, qui connait les trucs et astuces pour obtenir des résultats convaincants (type imiter le galop d’un cheval en frappant deux moitiés de noix de coco avec un rythme particulier3). Dans les deux cas, vous allez devoir investir.
Enfin, conséquence de ce qui précède, votre budget n’étant pas extensible, il vous sera sans doute nécessaire de déterminer quels sont les effets sur lesquels vous devez investir et lesquels vous pouvez abandonner. Il s’agit donc de déterminer ceux qui sont absolument incontournables, et ceux que vous pouvez suggérer autrement en vous tournant vers un autre mode de déclenchement du cerveau de votre auditoire pour qu’il reconstitue la scène lui-même.
Penser à cela dès l’écriture est, je crois, une sage précaution. Car si vous savez qu’un effet sonore est essentiel à un certain endroit, vous allez devoir adapter votre texte en conséquence. L’inverse est également vrai : si votre texte peine à évoquer quelque chose, vous aurez sans doute besoin d’un effet sonore pour vous aider à faire entrer l’auditoire dans ce que vous désirez lui faire ressentir.
Pensez donc à vous mettre une note à ces endroits-là.
Dans Scrivener, par exemple, vous pouvez vous servir soit des notes
de l’inspecteur
, soit insérer des notes de bas de page
ou des commentaires
dans votre texte. Cela dépend de la façon dont vous traitez votre texte pour la relecture. Cela fera l’objet d’un article spécifique sur la compilation avancée dans Scrivener.
Écrire un script ou écrire une pièce de théâtre ?
Cela nous amène tout naturellement à la forme que doit prendre votre rédaction.
Puisque vous n’écrivez pas une nouvelle ou un roman, vous avez tout naturellement noté systématiquement en début de phrase de dialogue quel personnage prend la parole. C’est évident.
Mais au-delà de cette indication basique, comment allez-vous différencier les actions des personnages, les notions de décors, de déplacements, voire les effets sonores que vous prévoyez ?
Là s’affrontent deux possibilités.
La forme scriptée, avantages et inconvénients
Si le formatage d’un script a survécu durant tout le XXe siècle et continue d’exister au XXIe, c’est parce qu’il a de sérieux atouts pour lui.
D’abord et avant tout, c’est parce que c’est une convention de pure forme adoptée par toute l’industrie de l’audiovisuel. Dans un monde où la production d’une émission de radio, d’une série télévisée ou d’une websérie, voire d’un long-métrage cinématographique coûte entre quelques dizaines de milliers et plusieurs centaines de millions d’euros et fait intervenir de très nombreuses personnes, avoir un format de présentation compris immédiatement par tous et toutes est un gain de temps et d’argent considérable.
Car un script est essentiellement un document de travail. Il doit permettre d’identifier facilement les personnages qui parlent, les actions importantes, les indications de lieu (les fameux INT. et EXT. pour intérieur et extérieur) et de temps, l’éclairage global de la scène (JOUR ou NUIT), les débuts et fins de scène, les actions physiques importantes (équivalentes aux didascalies).
Il est donc utilisé en premier lieu par les acteurs et le metteur en scène.
Mais il a d’autres fonctions.
Le formatage est tel que l’on peut en déduire le temps approximatif d’une scène (les règles de conversion peuvent être différentes mais en général une page de script formaté correctement équivaut à une minute de film au cinéma, par exemple).
Il est aussi le document de travail de base du réalisateur et du storyboarder qui en font un découpage plan par plan, en y insérant les mouvements de caméra, les indications de sons et de bruitages, de musique. Ce n’est pas utile seulement au cinéma mais aussi à la radio : insertion de jingles, d’effets sonores, tout cela peut prendre place dans la marge gauche (selon le formatage de la BBC). Car comme nous en sommes tombés d’accord plus tôt, la narration d’une podfiction n’est pas seulement affaire de mots, mais aussi d’autres sons, qui peuvent remplacer avantageusement jusqu’à des phrases entières.
Venons-en aux inconvénients.
Objectivement, il y en a peu. Je ne vois guère que le nombre de pages, qui est significativement plus important qu’une forme de nouvelle ou de pièce de théâtre, du fait d’une marge conséquente laissée libre pour y noter les indications techniques du réalisateur ou de jeu des comédiens.
Subjectivement, cette forme me convient peu car elle ne m’est pas naturelle. J’admets volontiers qu’elle est plus claire et permet de distinguer facilement ce qui est action de ce qui est dialogue, ce qui est jeu et ce qui est technique. Comme document de travail, la disposition est sans doute indépassable. Cependant, comme acteur, cette forme est pour moi moins fluide, sans parler de la fonte, qui m’est très désagréable lorsqu’il s’agit de Courier.
Vous me direz : change la fonte et arrête de nous ennuyer avec tes atermoiements. Vous n’aurez pas tout à fait tort. Pourtant, il existe une forme très proche qui reste à considérer : celle d’une bonne vieille pièce de théâtre.
La forme d’une pièce de théâtre
Depuis plusieurs siècles, les pièces de théâtre sont écrites sous une forme qui est l’ancêtre du script audiovisuel. Globalement, elles en ont la structure : une continuité dialoguée séparée en actes et scènes (en lieu et place des scènes seules des scripts) avec très peu d’indications d’actions laissées libres à l’interprétation de la mise en scène qui s’appuie sur ce que l’on appelle en jargon théâtral «le conducteur» ou «relevé de mise en scène», sorte de storyboard servant au metteur en scène et au régisseur pour déclencher les effets sonores ou lumineux.
Deux choses diffèrent de la forme scriptée.
D’abord il n’y a pas d’indications INT./EXT. ou JOUR/NUIT.
Ensuite, comme je le dis un peu plus haut, pas d’indications techniques.
Il s’agit d’un document basé sur le jeu et uniquement sur le jeu. Si le metteur en scène veut y porter des notes techniques, ce sera à la marge, si je puis dire, mais pas vraiment dans la marge, puisqu’en général il n’y en a pas.
J’ai considéré cette forme car elle est plus naturelle pour moi en tant qu’acteur, puisque je suis issu du théâtre. De même la mise en page est un peu plus libre qu’avec un script. Nous n’avons pas affaire à une industrie aussi structurée, rigide, et onéreuse que le cinéma. Nous pouvons donc utiliser une fonte plus agréable que Courier4.
Pourtant, même une pièce de théâtre, de nos jours, peut faire intervenir de la technique (musique, voix off enregistrée, effets sonores qui doivent être synchronisés avec le jeu des acteurs) et le conducteur n’est donc pas forcément réservé qu’au régisseur. D’ailleurs, quelle est vraiment la différence entre un conducteur et un script ? De mon point de vue il n’y en a pas.
Mon choix
Il reste que je ne soumets mes écrits à aucun réalisateur (puisque c’est moi), ni à aucun producteur pour lui demander de financer mon projet (c’est encore moi), ou à quiconque qui devrait porter des annotations techniques dessus (car c’est toujours moi qui me charge de tout cela). Je suis donc libre d’utiliser la forme que je souhaite et de m’affranchir des codes et autres mises en pages standardisées par l’industrie du cinéma, de la radio, ou par la coutume théâtrale.
Mon seul objectif est de rendre mon texte le plus compréhensible et le plus simple à appréhender pour les comédiennes et les comédiens qui vont me faire assez confiance pour l’interpréter. Cela implique de leur laisser la place d’annoter leur exemplaire. D’expérience, je peux vous affirmer que tous les comédiens griffonnent sur leur texte : indications scéniques, notes sur l’humeur du personnage à tel ou tel moment, rappel d’un geste sur un mot précis, et j’en passe. Un texte pour un comédien est un document de travail, sur lequel il ou elle revient régulièrement, surtout au début, lorsqu’il ou elle en est encore à appréhender le personnage, la mise en scène, à apprendre les tirades.
Cependant, si je puis me faciliter la prise de notes techniques lorsque nous en viendrons aux répétitions, ce sera un plus. Car l’étape du texte enfin écrit n’est pas la dernière du travail. Ce n’est au contraire que la première. Il reste encore beaucoup d’ajustements à faire avant d’en arriver au résultat final de la podfiction publiée sur les plateformes et téléchargeable par le public.
Et pourtant, parfois, un texte peut aussi avoir vocation à être lu simplement pour être lu.
C’est le cas pour la pièce de théâtre Harry Potter et l’Enfant Maudit.
Mon choix est donc, comme souvent, de ne pas vraiment choisir et d’emprunter une troisième voie : utiliser trois formes du même texte.
Je conseille donc, si vous n’êtes pas soumis aux contraintes d’un producteur ou de l’industrie, d’utiliser non pas une, mais trois formes pour votre texte :
- Une forme «pièce de théâtre» pour vos comédiennes et comédiens.
- Une forme «script» pour vous-même (avec votre propre police d’écriture) et qui vous servira de document de travail.
- Une forme «pièce de théâtre élégamment présentée» si vous désirez publier le texte de votre propre podfiction.
Pour cela, Scrivener est votre ami. Grâce à ses outils de compilation, il vous permettra de sortir presque en trois clics les trois formes automatiquement. Ce sera d’ailleurs l’objet du prochain article.
- Et c’est vrai qu’on sent mieux que Michel est un gros lourd avec la première phrase. ↩︎
- Je sais suffisamment le travail d’adaptation artistique que ça demande, je suis toujours aux prises avec deux livres audio de ma conception à l’heure où j’écris ces lignes… ↩︎
- Oui, je suis un fan de Sacré Graal des Monthy Python. ↩︎
- Oui, je sais, je fais une fixation, mais de mon point de vue, cette police de caractères est aussi hideuse que Comic Sans MS. C’est pour dire ! ↩︎
Ma vie numérique sans les réseaux dyssociaux
Ma vie numérique sans les réseaux dyssociaux
En effet, tout passe désormais par ces canaux de communication.
Les festivals annoncent leurs événements sur Facebook ou Twitter, et n’ont même plus leur site internet à jour (comme le salon des littératures de l’imaginaire toulousain Imagina’Livre).
Les artistes montrent leurs créations sur Instagram.
Les vidéastes et les vulgarisateurs postent sur YouTube.
Et je ne parle même pas des sites d’actualité ou des politiques, qui ne postent presque plus que sur Twitter.
Et le commun des mortels, qui n’osa jamais ouvrir un blog dans les années 2000 parce que «c’était compliqué» (objectivement, ça pouvait l’être), se retrouve aujourd’hui à avoir des profils à la fois sur Snapchat, TikTok et tous les autres, de façon à lui aussi accéder à la parole, même si c’est pour être noyé dans un flot massif de données.
On pourrait croire que l’internet tout entier se résume à ça : un (pas si) joyeux méli-mélo de «contenus» (mot qui ne veut rien dire) exposés sur des plateformes qui mâchent le travail de recherche et l’orientent en même temps dans le sens de leurs intérêts financiers ou politiques, voire philosophiques.
Pourtant, le «vieil» internet n’a pas disparu. Il est toujours là, parce qu’il reste tout de même la fondation essentielle de ce chaotique soi-disant internet social. D’une part parce que les plateformes ont toutes des limitations, ne serait-ce que techniques, qui brident ce que l’on peut y publier (nombre de caractères, notamment). D’autre part parce que, finalement, ces plateformes ne sont utilisées que pour faire caisse de résonance, et propulser plus loin ce que l’on crée ou réfléchit vraiment ailleurs.
Et de cela, je crois que tout le monde en est plus ou moins conscient.
Ces outils ne sont que des tremplins, pas des lieux où l’on peut trouver des informations pérennes. Votre tweet d’il y a deux heures est déjà submergé par des milliards d’autres, voire enterré par l’algorithme qui ne l’aura même pas montré à vos followers (parce que non, l’algorithme de Twitter ne vous montre pas tous les tweets des gens que vous suivez). Par contre, votre billet de blog, lui, est bien au chaud sur votre site, et une simple recherche peut le faire remonter facilement.
Pourtant, tout le monde fait comme si. Comme si c’était vraiment intéressant. Comme si on découvrait vraiment des gens différents qu’on n’aurait pas connus ailleurs ni autrement. Comme si tout n’était pas dicté par un algorithme dans le but de nous piéger dans une boucle de publicités ininterrompues.
Pire, nombre de créatrices et de créateurs font aussi semblant de croire. Croire que se soumettre aux injonctions de ces réseaux leur apportera une visibilité. Croire qu’ils et elles pourront se démarquer parmi une myriade d’autres. Croire qu’ils et elles peuvent plier l’algorithme pour cela, voire jouer plus intelligemment que lui.
Tout le monde fait comme si on n’avait pas le choix. Comme si on devait utiliser ces outils et se soumettre à leurs lois.
Il est temps de se réveiller.
Vous avez le choix. Vous l’avez toujours eu.
L’autre voie n’est même pas plus difficile. Et elle est plus libre.
Laissez-moi vous en montrer le chemin.
Refuser les réseaux dyssociaux
À l’heure où j’écris ces lignes, Twitter ne s’est pas encore effondré, hélas. Mais je ne désespère pas de voir un nombre assez grand d’êtres humains se rendre compte de la nocivité de cet outil pour eux-mêmes et pour l’Humanité entière, puis, partant de là, de la nocivité de tous les réseaux dits «sociaux».
Mais, au fait, pourquoi refuser de les utiliser est si important ?
Réseaux «sociaux», réseaux «commerciaux», réseaux «dits sociaux», réseaux «dyssociaux»
Tel est l’enchaînement de mon opinion sur ces plateformes, au fil des années.
Au début, ces réseaux se sont présentés comme «sociaux» car leur propos était de mettre les gens en relation, de créer de la discussion, du partage, de vous permettre de faire société, de rencontrer de nouvelles personnes, comme dans la rue, dans un café, dans une soirée, dans une salle de cinéma. Ils étaient les héritiers des forums qui s’étaient multipliés comme des petits pains. Mais là où chaque forum avait sa thématique bien précise, et où donc il fallait s’inscrire sur une bonne centaine d’entre eux si vous aviez des passions un tant soit peu variées, avec Facebook ou Twitter, on vous promettait une seule grande place de rencontre où vous pouviez créer vous-même vos sujets de discussion. Au début, les promesses ont été tenues.
Mais rapidement, la réalité économique s’est rappelée aux concepteurs de ces outils. Maintenir des serveurs et payer des salariés pour développer le code, le maintenir, cela coûte cher, sans parler du fait que dégager des bénéfices était quand même à la base de tout. Ben oui, l’objectif de Zuckerberg comme de Jack Dorsey, au départ, c’est bien de faire de l’argent, pas d’éliminer la faim dans le monde. Il a donc bien fallu vendre quelque chose. Et comme la condition même de l’existence de ces outils était dans le nombre de leurs utilisateurs, il n’était pas question de les faire payer pour y accéder. Il a donc fallu trouver autre chose, qui est vite devenu évident : la publicité. Les utilisateurs ne paieraient donc pas avec leur argent, mais avec leur exposition à la publicité. À partir de là, ils n’ont plus du tout mérité leur nom. Les réseaux sont devenus «commerciaux».
Le besoin d’argent étant ce qu’il est, la publicité devint de plus en plus importante. Les algorithmes furent donc essentiels pour s’assurer que vous puissiez voir le plus de publicités ciblées sur vos centres d’intérêt. On commença donc à modifier la façon dont vous pouviez interagir avec les autres utilisateurs. Comme si, dans un café, on vous empêchait de voir certaines personnes ou de suivre certaines conversations, remplacées par des messages publicitaires. Je me demande d’ailleurs si vous resteriez dans un tel endroit plus de 10 minutes, s’il existait physiquement. J’ai mon idée sur la réponse, et par contre aucune piste pour comprendre pourquoi au contraire vous restez sur les réseaux… qui sont dès lors devenus une caricature de société. Des réseaux dont le nom était la négation même de ce qu’ils prétendaient être. Des réseaux «dits sociaux (mais qui sont tout sauf sociaux)».
Enfin, la massification des profils laisse aussi le champ libre aux trolls, qui ont presque toujours existé sur internet, mais qui trouvent dans ces réseaux un tout nouveau terrain de jeux encore plus grand, encore plus fertile que les forums d’antan. D’autant qu’à la différence de leurs aînés, les réseaux ne peuvent pas se gérer avec un ou deux «modos» mais bien avec des centaines de modérateurs exposés à des mots, des images, des vidéos pénibles sur le plan psychologique, et qui doivent supprimer à la chaîne des propos racistes, des menaces de mort, des images pédopornographiques ou violentes. Mais hélas leur travail, aussi important soit-il, ne suffit pas. Et le complotisme, le prosélytisme, l’ignorance, la désinformation, la manipulation, le harcèlement, la haine, les insultes se multiplient. Le café du commerce que l’on rêvait se transforme en une arène de combats de rue où tous les coups ou presque sont permis. Et les réseaux sont devenus «dyssociaux», de la racine «dys» (du grec : malformation, mauvais, erroné) car ils ne produisent plus qu’une socialisation malformée, déformée, perturbée et perturbatrice.
Les personnes exposées expriment souvent un stress, voire une anxiété, le FOMO pour l’anglais fear of missing out, ou peur de manquer. Manquer le prochain tweet, manquer l’information vitale, ne plus être en contact avec ses «amis» (eh, les gars, mes véritables amis, je connais aussi leur numéro de téléphone ou leur mail, je ne les perds donc pas si je quitte Facebook, quant aux autres, si je n’ai pas au moins ces deux autres moyens de les contacter, c’est qu’ils ne sont pas aussi importants que cela).
Je ne parle même pas des créateurs et des créatrices, qui vivent très souvent une pression à publier sur ces réseaux, de peur d’y devenir «invisibles». Mais spoiler : vous êtes forcément invisibles parmi des millions d’autres utilisateurs puisque l’algorithme est opaque par définition et décide de presque tout.
Tout cela est assez bien résumé dans un petit bouquin qui certes manque de détailler suffisamment mais est quand même assez bien écrit : La civilisation du poisson rouge, de Bruno Patino.
Vous comprendrez en le lisant pourquoi les ingénieurs de la tech interdisent à leurs propres enfants d’utiliser ces outils sur lesquels ils travaillent pourtant… L’auteur est journaliste, spécialiste des questions numériques. Il décortique les mécanismes qui ont conduit à l’émergence du web 2.0, à l’hégémonie des plateformes comme Facebook ou Twitter. Et surtout, il explique les choix qui ont été faits dans leurs fonctionnements. C’est glaçant, mais je trouve deux critiques à faire. D’abord, je trouve que c’est plus un manifeste qu’une étude précise. Il m’a manqué d’aller plus en profondeur. J’aurais aimé voir présentés les mécanismes neurophysiologiques, les bases scientifiques qui les corroborent, plus que juste citées en sources bibliographiques. Mais sans doute en attendais-je un peu trop. Ensuite, la dernière partie, qui est censée proposer des pistes pour agir, pour retrouver à la fois une citoyenneté et une liberté dans les usages du web, me semble beaucoup trop timorée par rapport à tout ce que l’auteur présente avant. J’ai l’impression que pendant les trois quarts du bouquin, Bruno Patino nous brosse une fin du monde apocalyptique, pour nous dire dans le dernier quart de simplement repeindre les murs de la maison… J’exagère un peu, c’est vrai, à dessein. Mais l’idée est là. Je suis resté sur ma faim. J’aurais attendu une réelle proposition «politique» (dans le sens «vie de la cité»), comme par exemple interdire le principe du like ou le défilement infini, comme aussi de placer l’ensemble des réseaux dysociaux sous tutelle d’une entité transnationale de type ONU. Ce ne sont que des idées jetées là sans réelle réflexion, mais justement, il aurait été à mon sens beaucoup plus percutant d’exposer ce genre d’idées plus en profondeur.
Si vous décidez de le lire, je serai curieux de savoir quel est votre sentiment dessus.
Et peut-être alors que vous prendrez la décision salutaire de franchir vous-mêmes le pas.
Peut-être que vous aussi, comme moi, vous vous affranchirez des réseaux dyssociaux.
Mais comment le faire proprement ?
Récupérer ses données
La masse des données que possèdent ces réseaux sur vous est proprement stupéfiante.
Pour vous donner un exemple, dans mon cas précis, les données que Twitter avait sur moi, pour la période entre 2014 et 2019, année où j’ai quitté le réseau, pesaient plus de 8 Go (huit giga-octets !) en sachant que je n’ai jamais été un très gros utilisateur. Huit giga-octets, c’est l’équivalent approximatif de trois cent trente-trois mille six cents pages de texte (333 600, oui, vous lisez bien).
Cette masse de données est la mine d’or sur laquelle le réseau fait de l’argent. En la revendant, de manière à ce que vous soyez la cible de publicités taillées sur mesure pour vous.
Une mine d’or que vous avez tout intérêt à reprendre pour éviter qu’elle ne finisse entre les mains de pirates informatiques. Car ces données permettent, quand elles sont bien exploitées, de créer un profil de nous-mêmes, révélant beaucoup de choses que vous ne soupçonnez même pas.
Grâce aux lois européennes, nous sommes, sur notre continent, privilégiés : nous avons le droit de demander une archive de l’intégralité des données qu’un réseau possède sur nous, mais aussi d’exiger ensuite sa destruction, afin d’en devenir les seuls détenteurs.
Tous les réseaux sont donc obligés légalement de vous permettre de télécharger une archive des données vous concernant. Elle contiendra tout ce que vous y avez publié, vos contacts, la liste de vos abonnements et de vos followers, vos commentaires, vos likes et vos favoris, et j’en passe. La procédure change en fonction du réseau, mais elle est globalement simple.
Pour vous aider, vous pouvez aller sur cette page du site de la CNIL (Commission nationale internet et libertés) qui vous expliquera en détail la procédure.
Préparer la suite
Une fois vos données récupérées, je vous engage à d’ores et déjà préparer la suite, c’est-à-dire à construire un petit système personnel qui vous permettra de suivre les personnes ou les entités avec qui vous désirez toujours pouvoir interagir.
En gros, faites une liste de toutes ces entités et personnes, et déterminez qui est vraiment important et qui ne l’est pas à vos yeux. Ensuite, pour celles que vous avez sélectionnées, regardez quels sont leurs autres canaux de diffusion et en priorité l’adresse URL
de leur site internet. Par exemple, au hasard, https://decaille-deplume.fr.
Commencez à regarder les différentes stratégies par lesquelles vous allez remplacer lesdits réseaux, et que je vous suggère plus loin. Prenez le temps de les tester et de sélectionner celles que vous allez adopter (celles qui vous conviennent le plus).
Pour toutes les personnes physiques qui n’ont pas de site ou de blog (et il y en a une écrasante majorité), voyez si vous pouvez les contacter par un autre biais, en général une adresse mail, ou un forum/Discord dans vos fréquentations communes.
Si vous ne pouvez pas, c’est que soit vous n’êtes pas si proches que cela, soit vous n’avez pas tant d’intérêts communs, et posez-vous la question de ce que vous retirez vraiment de cette interaction. Parce que partir du réseau signifiera en faire le deuil.
Le faire savoir
Bien évidemment, expliquez à vos followers et à ceux que vous suivez vous-mêmes que vous allez partir, et pourquoi. D’abord pour leur expliquer où vous retrouver, c’est quand même un minimum. Ensuite parce que votre acte aura une portée symbolique et politique forte.
De mon point de vue, si vous avez décidé de franchir le pas, vous serez un exemple. Ce sera grâce à la répétition des ruptures que les réseaux perdront leur influence sur nos vies. Il est donc fondamental que vous donniez le plus d’impact à votre propre exemple. C’est en cela que quitter un réseau dyssocial est politique. Vous affirmez une certaine vision du monde. Affirmez-la avec fierté.
Je vous conseille de publier un message expliquant votre décision et indiquant la date de suppression de votre compte, ainsi que les endroits où l’on pourra vous retrouver.
Effacer son compte
Lorsque tout ce qui précède est fait, lorsque le moment fatidique est arrivé (la date que vous avez vous-même fixée), il ne vous reste plus qu’à appuyer sur le bouton rouge.
Il se peut que vous ressentiez une certaine angoisse à cette idée, ou bien seulement au moment de cliquer sur le lien de suppression de votre compte. C’est parfaitement normal. Vous rompez avec de vieilles habitudes (et le cerveau adore les habitudes, donc il déteste quand on lui en enlève une), vous faites un deuil.
De façon pratique, là encore chaque réseau possède sa démarche spécifique, mais c’est en général simple. D’ailleurs, cette fois, il ne faut pas trop compter sur la CNIL pour vous aider, car la page qu’elle dédie à cette question est quand même très light…
Certains réseaux essaient de vous retenir par un dernier argument : si vous «changez d’avis», ils gardent votre compte un certain temps (je crois que c’est 1 à 2 mois) pour que vous puissiez le retrouver intact en un seul clic. Je trouve cela assez fallacieux et pour tout dire très pervers. Ils essaient de vous faire replonger comme un toxicomane à qui on fait miroiter un dernier fix… et si vous avez vu Trainspotting, vous savez ce qu’il en est des soi-disant «derniers fix».
Ma vision des choses est qu’il vaut mieux partir sans se retourner, comme dans la vie.
Cela veut dire supprimer l’application de votre téléphone, de votre ordinateur, supprimer les adresses mail de contact du réseau, supprimer les favoris de votre navigateur internet, bref, ne plus du tout garder de liens avec aucun réseau.
Oui, mais si on usurpe mon compte ?
J’ai vu passer des argumentaires de personnes qui disaient en substance :
Je garde mon compte pour ne pas qu’il soit «squatté» et que quelqu’un se fasse passer pour moi.
Oui, mais non.
D’abord si vous avez bien fait le boulot, tous vos contacts actuels savent que vous quittez les réseaux dyssociaux et pourquoi. Ils savent même où vous retrouver. Quant aux nouveaux, qui vont vous chercher, si vous avez bien fait le boulot que je vous conseille plus loin, ils devraient vous trouver là où vous êtes vraiment et où vous affichez que vous refusez d’être sur un réseau dyssocial.
Par contre, c’est une belle excuse pour éviter d’avoir à rompre vraiment. Cela démontre que vous n’avez pas encore trouvé la force de le faire. Ce n’est pas grave. Mais vous n’êtes pas encore libre, je pense.
L’algorithme, cette bête curieuse
J’en parle beaucoup, et sans doute qu’en me lisant, vous commencez à croire que je lui en veux, à ce pauvre algorithme.
Et bien pas vraiment, parce qu’il ne fait que suivre sa nature, en fait.
Pour bien comprendre ce que je reproche aux algorithmes, il suffit de savoir ce que c’est vraiment, de nos jours.
Au départ, un algorithme est un ensemble d’étapes logiques effectuées par un ordinateur à qui l’on dit :
Si tu trouves le mot casserole dans un tweet, alors tu vas le montrer aux gens qui ont précédemment parlé de casseroles dans une conversation.
Mais ça, c’était avant. Avant la révolution des données massives et des capacités de calcul titanesques qui rendent possible la manipulation presque simultanée de milliards de paramètres par nos ordinateurs. Avant surtout l’invention du deep learning, cette programmation qui permet à un algorithme de fixer seul les conditions logiques que j’énonce plus haut en fonction de ce qu’il repère comme similitudes, différences, comparaisons logiques dans une masse de données que nous, pauvres Humains, ne pouvons même pas appréhender.
Car depuis cette avancée technologique majeure, les règles qui dirigent les algorithmes ne sont plus fixées par des êtres humains, mais par l’algorithme lui-même qui découvre des corrélations statistiques bizarres. Par exemple, il pourrait découvrir que la majorité des gens qui portent des mocassins parlent de casseroles dans leurs tweets. Il ne sait pas pourquoi. Il ne sait pas comment. Mais il l’a remarqué. Donc il va décider seul de montrer tous les tweets qui parlent des casseroles aux gens qui portent des mocassins. Là, je vous parle d’un exemple simple à comprendre, mais il faut bien saisir que cette opération, il l’effectue seul, sans l’exposer aux humains, et même s’il le faisait, comme il le fait avec des milliards de paramètres intriqués, notre esprit ne peut pas, par nature, le comprendre.
Les spécialistes appellent cela l’effet «boîte noire» : on sait ce qui entre dans l’algorithme (à peu près, c’est-à-dire les giga-octets de données qu’on a sur un utilisateur de Twitter, multiplié par trois cents millions d’utilisateurs de la plateforme), on découvre ce qui en sort (votre flux de tweets qui est pollué par des publicités pour des casseroles), mais on ne sait pas ce qui s’est passé entre les deux. Personne. Pas même les concepteurs de l’algorithme.
Ce qui implique une chose assez terrifiante : on laisse la responsabilité à la machine, sans possibilité de contrôle.
Et tout le monde s’en fout.
Mais si je pars, le quitte mon réseau professionnel
Reste que l’une des plus grandes réussites des réseaux dyssociaux, de leur point de vue, est de s’être rendus indispensables pour beaucoup de métiers. Ils sont devenus incontournables comme faisceaux de communication, de mise en relation.
C’est indéniable.
Et je suis mal placé pour vous prouver le contraire, puisque j’exerce une profession qui par nature n’est pas liée à une visibilité ou à une publicité, à une communication publique.
Cependant, encore une fois, je me permets de trouver l’argument un peu biaisé. Respectueusement, car je ne me permettrais pas de juger de la pertinence d’un tel choix pour vous, individuellement.
C’est juste que, collectivement, je trouve ça assez dingue.
Car cela montre la dépendance que la société s’est créée et à laquelle elle décide de rester soumise.
Car cet argument revient à dire :
Puisque tout le monde y est et que je veux faire partie de la société, je dois y rester.
Tout le monde le fait, alors je suis obligé de le faire.
Je suis le seul à être choqué de cela ?
Ou bien vous voyez aussi le problème ?
Si personne ne prend la décision d’arrêter, alors rien ne se passera.
On me rétorquera qu’un individu seul ne peut pas faire changer un système. Je m’inscris en faux. Si on croit vraiment cet argument, alors autant laisser la Terre brûler sous l’effet de serre parce qu’on ne peut pas seul arrêter le changement climatique et la perte de biodiversité, donc on va continuer à brûler l’Amazonie avec toutes ses conséquences, puisque notre voix unique ne sert à rien…
Là encore, vous avez le choix. Tout choix implique un renoncement à ce que l’on choisit de ne pas faire. Donc, oui, peut-être que vous allez laisser derrière vous une partie de réseau professionnel. Ou pas. Là encore, il existe d’autres moyens de faire cela. Forcément différents. Qui ne ressembleront pas à une gigantesque discussion de machine à café. Mais ce n’est pas une fatalité. C’est un choix.
Et encore une fois je crois qu’on peut très bien assumer de faire le choix de rester, en connaissance de cause. Je ne juge pas. C’est un choix qui est aussi respectable que les autres. Mais ce n’est pas le mien, et je trouve juste que l’argument de la masse n’est pas valable.
Pourquoi un autre réseau n’est pas forcément une bonne idée
En ces temps troublés où l’oiseau bleu bat de l’aile, voire est alourdi par le plomb que ladite aile a pris dans les plumes qui restent, beaucoup de personnes se sont tournées vers des réseaux dits «décentralisés», Mastodon en tête.
On pourrait penser (et j’étais dans ce cas-là aussi, j’ai eu un compte Mastodon en 2019 avant de quitter Twitter) que le paradigme des réseaux «libres» est suffisamment différent pour tout changer.
Et c’est vrai que c’est tentant :
- Pas d’algorithme et pas de publicité, donc un flux de publications des comptes que vous suivez s’en trouvant non censurés ou déplacés, mais gardés par ordre chronologique.
- Pas de défilement infini, ce tueur d’attention qui vous garde prisonnier du flux jusqu’à ce que mort s’ensuive.
- Moins de monde (pour le moment) donc peu ou pas de trolls, donc une ambiance beaucoup plus tolérante et ouverte à la discussion.
Mais :
- Moins de monde (pour le moment) donc pas forcément les gens que vous quittez ailleurs.
- Moins de monde mais pas forcément de façon définitive, donc peut-être un jour le retour des trolls, des complotistes et autres haineux. Je suis d’accord, tant qu’ils ne sont pas là, ce n’est pas un véritable argument, sauf si on le met en relation avec le point suivant.
- Une architecture décentralisée donc une modération très dépendante de l’instance à laquelle vous choisissez de vous affilier au départ, et ensuite il est très difficile d’en changer sans changer de compte. À moins de monter votre propre instance, mais cela demande des connaissances techniques qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Il reste plus simple, en 2023, d’ouvrir son propre blog que son instance Mastodon personnelle.
- Le reproche principal : une limite de caractères dans les messages, même si elle est plus lâche que sur Twitter. Par nature, la limite de caractère bride surtout l’expression complexe et la pensée. Elle ne permet pas des discussions structurées et construites. C’est l’un des péchés originels des réseaux dyssociaux. Sauf pour publier des haikus, condenser la pensée en quelques mots est forcément un appauvrissement de l’esprit et de la discussion.
Pour moi, les avantages sont indéniables, mais les inconvénients me laissent sceptique sur l’utilité du microblogging dit «décentralisé» comparé à l’ouverture d’un simple blog sur wordpress.com, où vous n’avez même pas de connaissance technique à avoir et où vous restez maître de tout, y compris de la longueur de vos divagations.
Bien évidemment, cela n’est que mon avis personnel, vous êtes libre de (et encouragé à) en avoir un différent.
Les sites internet et les blogs
De mon point de vue, si vous avez quelque chose à dire d’intéressant au monde entier, il n’existe pas meilleur outil, ni plus libre, qu’un blog ou un site internet. Même si vous n’hébergez pas vous-même la chose, il est possible de trouver un prestataire qui le fera pour vous en vous en laissant la propriété. Vous aurez la maîtrise complète de l’outil. Vos données vous appartiennent totalement. Vous contrôlez qui est autorisé à entrer, à écrire, à commenter. Vous contrôlez la longueur de vos écrits, les images que vous postez. Tout vous appartient. Personne ne peut fermer votre blog ou votre site du jour au lendemain, si ce n’est la justice, qui le fait selon des règles précises et connues de tous à l’avance, et qui surtout ne changent pas du jour au lendemain parce qu’un milliardaire s’est levé du mauvais pied un matin à l’autre bout du monde.
La maintenance de l’outil est simple, éprouvée par plus de 20 ans de technologies qui évoluent en permanence. Des technologies qui sont open-source, libres, accessibles, robustes, fiables.
Vous n’avez pas forcément besoin de publicité pour que tout cela tienne debout, et même, pour environ le même prix qu’un badge bleu sur Twitter, vous offrez à vos visiteurs comme à vous-même une expérience d’internet libérée des sollicitations commerciales et totalement indépendante.
Bref, tout le contraire des plateformes propriétaires commerciales et dévoreuses de temps de cerveau disponible de leurs «captifs» que je n’ose même plus appeler utilisateurs.
Si vous avez envie, vous pouvez même apprendre deux langages informatiques très simples, le HTML
et le CSS
, pour peaufiner l’esthétique de votre demeure numérique. En allant un peu plus loin, avec du PHP
ou du JavaScript
, vous pouvez même customiser le moteur et vous créer votre Faucon Millénium à vous, avec ses compartiments secrets, ses pièces uniques.
Le point central est là : vous reprenez le contrôle de ce que vous publiez sur internet.
J’ai donc centré mon utilisation d’internet sur les blogs et les sites. Je publie moi-même ici, chez moi. Et je ne suis abonné à personne qui n’ait son propre site. Une autrice que l’on m’a conseillée n’a qu’un profil Facebook ? Eh bien, tant pis, je ne la suivrai pas. Je fais mon choix, même si cela veut dire renoncer à certaines choses.
La SEO
Oui, mais comment faire pour que mon blog soit visible ? Avec un réseau dyssocial, au moins, c’est facile.
Tu parles d’une arnaque !
Ce serait plus facile de sortir du lot dans un océan de trois cent mille comptes Twitter sans aucun moteur de recherche que sur la Toile où justement les outils puissants que sont Qwant, Ecosia, DuckDuckGo et autres, sans même parler des plus évidents que je n’ai pas cités parce qu’ils sont biaisés, permettent de retrouver une aiguille dans une botte de foin virtuelle ?
Je n’y crois absolument pas.
Les algorithmes des réseaux dyssociaux censés nous proposer des comptes selon nos centres d’intérêt sont plus opaques et ne permettent pas de faire des requêtes avancées. Et il est impossible de faire en sorte que notre profil exploite plus intelligemment le fonctionnement dudit algorithme.
Par contre, la Search Engine Optimization, elle, permet à votre site d’obtenir un peu plus de visibilité sans forcément publier des images de chatons (même si les chats sont une espèce supérieure, on est d’accord là-dessus). Alors oui, c’est compliqué, oui, c’est à la limite de l’éthique parfois, oui, j’ai personnellement une réticence à l’utiliser. Mais ça reste beaucoup plus efficace et beaucoup plus respectueux des visiteurs qu’un algorithme dont on ne sait rien contrôlé par on ne sait qui.
Les commentaires
Oui, mais les réseaux dyssociaux permettent de discuter plus facilement !
Faux !
Vous appelez «discuter» un échange de 300 caractères au maximum ? Vous appelez «discuter» un lieu où vos échanges tendent à se résumer à des punchlines ?
Le fait même d’avoir une limite de caractères dans les écrits implique de ne pas prendre le temps, mais d’aller au but le plus rapidement possible. Cela oblige à être percutant, donc réducteur. Cela amène à utiliser l’ironie très souvent, à rester simple, voire simpliste. Et tant pis pour les nuances, qui demandent plus de caractères…
Au contraire, dans les commentaires des blogs et des sites, il n’y a pas de limites de caractères.
Vous pouvez vous exprimer librement et seule la personne propriétaire du site peut censurer, selon des règles affichées. Vous ne devriez pas être insultée ou harcelé, parce que le propriétaire en serait responsable.
Je discute donc en premier lieu sur les blogs des gens qui m’intéressent, et si je le fais parfois ailleurs (via des newsletters, sur des serveurs Discord), c’est toujours dans un second temps, quand l’échange a vocation à être plus restreint en diffusion, ou bien privé.
Je considère que si ce que j’ai à dire est intéressant, cela vaut le coup de le publier sur un commentaire de blog, pour y servir à d’autres. Si ce n’est pas intéressant, je ne fais pas de commentaire du tout. J’aime bien l’idée de ne pas parler à tort et à travers. J’essaie donc d’apporter quelque chose à la discussion, d’être constructif, toujours. Si ce que j’ai à dire est intéressant mais plus restreint, ou bien privé, je le fais via un serveur Discord ou en réponse à une newsletter.
Les bookmarks
Une des grandes supériorités des sites et des blogs à l’ancienne sur les réseaux dyssociaux est la possibilité de marquer une page pour la retrouver plus tard, pour servir de référence.
Nous sommes d’accord sur le fait qu’un post Facebook est rarement si mémorable ou utile à l’Humanité qu’on doive absolument y retourner plus tard. Un article de blog, par contre, c’est possible. Une page d’un site passionnant, c’est possible aussi.
Mais outre l’intérêt discutable d’un tweet, on pourrait quand même avoir envie de garder une trace de ce qui s’y dit. Par exemple, les threads de Twitter, ces séries de tweets qui sont apparues pour contourner tant bien que mal la limitation de caractère et développer des démonstrations entières, sont parfois de très bonnes références (je pense à ceux écrits en leur temps par des confrères neurologues). Et aucun moyen de les conserver si les auteurs de ces threads ne les mettent pas ailleurs (sur un site dédié par exemple). Alors, cette démonstration passionnante se perd.
Sans doute que, comme moi, vous vous êtes retrouvés après trente ans de maraude sur les océans d’internet, avec des centaines de bookmarks que vous ne regardiez jamais, et dont probablement une grande partie était devenue obsolète car les sites avaient fermé, ou avaient changé d’adresse. Peut-être même que vos propres bookmarks sont dispersés entre tous vos navigateurs, votre téléphone et votre ordinateur, bref, je parie que c’est devenu un capharnaüm inextricable.
Comment je le sais ?
C’était pareil pour moi, avant.
Jusqu’à ce que je trouve un outil (raindrop.io) qui permette à la fois de centraliser mes bookmarks en les partageant sur tous mes navigateurs et tous mes appareils, et de les classer non plus suivant des dossiers, sous-dossiers, sous-sous-dossiers… mais suivant des étiquettes organisées selon une syntaxe simple.
Je me suis demandé ce qu’était pour moi un site ou une page valant le coup d’être mise dans mes bookmarks. La réponse a été : une référence, une entité de référence, un tutoriel, ou un outil, sur un sujet donné.
Alors pour m’y retrouver, j’ai déjà supprimé tous les bookmarks qui n’étaient pas des références, des entités, des outils, des tutoriels. J’ai effacé plus des deux tiers de mes vieux bookmarks…
Puis j’ai collé à chacun de ceux qui restaient une étiquette selon le principe suivant : le type de ressource (#référence
, #outil
, #entité
ou #tutoriel
) puis le ou les sujets (exemple au hasard #narration
, #jeu de rôle
, #bookmaking
, etc.).
Exemple : la page du site https://openclassrooms.com/fr/courses/4929676-redigez-des-ecrits-professionnels?archived-source=1617396, un cours sur le langage LATEX
pour mettre en page des livres et autres documents de façon professionnelle est référencé dans mes bookmarks raindrop comme #référence #bookmaking #code
.
Pour le retrouver, il suffit de demander au moteur de recherche de raindrop les bookmarks qui correspondent à une référence sur le bookmaking et le code…
Les flux RSS
Et pour suivre la publication de nouveaux articles sur un site, pour remplacer ma liste d’abonnements, j’utilise les flux RSS.
Je vous ai déjà montré comment cette technologie permettait de ne rien manquer des sites et des blogs qui vous intéressent, et comment vous tenir informés des commentaires postés sur ces mêmes sites et blogs.
Cela recrée un mini-réseau de connaissances, et vous permet de suivre des conversations.
Sur mon agrégateur de flux RSS, j’organise mes abonnements par thème, par catégories. Je peux faire des recherches dessus, je peux archiver des articles ou des commentaires (vous avez déjà essayé d’archiver un tweet ou un post Instagram ? C’est impossible), retrouver facilement l’un d’entre eux.
Je peux aussi suivre des chaînes YouTube, et j’ai récemment découvert que les flux RSS de YouTube ne comportent aucune publicité (sauf celles qui sont incluses dans la vidéo par les créateurs eux-mêmes). Ce qui fait que regarder une vidéo YouTube via mon agrégateur RSS me libère aussi de cette source-là de pollution.
Les podcasts
Je m’étonne toujours que les podcasts soient si populaires et les flux RSS si méconnus, car la diffusion des podcasts est basée sur la technologie RSS. Encore un paradoxe de la vie numérique.
Bref, les podcasts sont une autre façon d’utiliser internet sans réseau dyssocial.
Là encore, pas besoin de Twitter ou Facebook pour suivre mes émissions préférées, un agrégateur de podcast comme Apple Podcast, ou Soundcloud, ou même un flux RSS tout bête suffit. Et la technologie est simple et robuste que vous ne manquerez aucune émission. Il n’y aura aucun filtre algorithmique entre vous et la publication des épisodes qui vous intéressent. Il y a même des moteurs de recherche pour trouver vos émissions. Ou des recommandations, comme celles que je fais moi-même.
Les newsletters et infolettres
Je ne sais pas pour vous, mais moi j’aime recevoir du courrier. Du vrai, en papier. Je ne parle bien sûr pas des missives officielles bien trop nombreuses émanant des différents organismes administratifs, mais des véritables lettres, celles qui viennent de personnes avec qui on a envie d’échanger une correspondance.
C’est sans doute une expérience que les plus jeunes d’entre nous n’imaginent même pas, car internet et plus encore les réseaux dyssociaux ont révolutionné le rapport que nous avions avec le temps des échanges.
Alors qu’actuellement nous pouvons envoyer instantanément un message à des millions de gens, et en recevoir aussi rapidement, il y a trente ans, nous devions écrire (à la main ou avec un ordinateur) sur une feuille de papier que nous devions envoyer par la poste. Ce message mettait entre un et trois jours avant de parvenir à son destinataire. Plus longtemps encore s’il habitait à l’étranger. Et si nous voulions répondre, alors il fallait écrire, mettre dans une enveloppe, aller poster la lettre, et attendre que notre correspondant la reçoive, selon un délai variable, avant de nous répondre à son tour. Et ce jusqu’à ce qu’un des deux se désengage du processus.
C’était tellement précieux, tellement complexe d’envoyer un message, que nous avions tendance à écrire des choses longues, qui valaient la peine de prendre ce temps, de faire cet effort.
On pourrait croire que cela n’existe plus.
On aurait tort.
Les newsletters (ou infolettres, comme disent les Québécois), comme ma propre lettre d’écaille & de plume, sont les héritières de cette pratique ancestrale. Elles permettent de correspondre à l’ancienne, en développant sa pensée. D’un autre côté, contrairement à un article de blog, ou à un post Facebook, ou à un tweet, elles ne sont pas destinées au public, si l’on peut dire. C’est une correspondance semi-privée. Elle est envoyée à une audience qui s’est inscrite pour cela. Mais seulement à elle.
Et si certaines personnes gardent une archive de leurs propres newsletters pour que les nouveaux inscrits puissent s’y référer, je suis plutôt partisan de l’inverse. On prend le train en marche, si je puis dire, et ce n’est pas grave. C’est un peu comme dans la vie. Si vous m’avez connu il y a dix ans, vous connaissez mon évolution, mais si vous venez juste de me rencontrer, eh bien vous faîtes avec la personne que je suis actuellement. Et c’est d’ailleurs peut-être plus facile pour vous, parce que parfois, concilier la personne que j’étais il y a dix ans et celle que je suis maintenant…
Bref, pour moi, une newsletter est un lien plus personnel. Si vous désirez garder ou archiver les lettres d’écaille & de plume que je vous envoie, vous en avez parfaitement le droit. Vous pourrez ainsi en relire certaines (si elles en valent la peine à vos yeux) dans quelques années, comme nous le faisions avec de vieilles missives en papier. Ou pas. Mais si vous venez de me rejoindre, vous ne recevrez pas les lettres que j’ai envoyées il y a un an ou deux ans.
Dans mon esprit une lettre est vivante, et elle évolue donc. En partie grâce à vous, d’ailleurs.
Un site ou un blog est conçu pour rester, pour laisser une empreinte plus durable.
Les deux sont complémentaires.
Et donc, je m’inscris aux newsletters dans le même esprit. Je réponds parfois, et les conversations peuvent s’étirer dans l’espace d’un mail, parfois très long, comme dans le temps, parfois sur plusieurs semaines. Parfois, je prends le temps avant de répondre. Le temps de mûrir ce que j’ai envie de dire, d’écrire. Le temps de la réflexion sur ce que j’ai lu.
Je ne suis plus pressé ni par un algorithme qui enfouit un tweet sous des milliers d’autres en quelques secondes, ni par une urgence à répondre sur l’instant.
Les serveurs Discord
Et si je veux avoir une discussion non plus seulement à deux mais avec une communauté ?
Il y a les serveurs Discord pour cela.
Héritiers des vieux forums des années 1990 et 2000, ces espaces ont un mode de fonctionnement hybride entre le réseau et la newsletter. D’abord ils sont communautaires, même s’ils appartiennent à une personne ou une organisation, qui sont responsables de sa modération, de son organisation.
Un serveur Discord est en effet organisé en salons dédiés à des sujets bien précis, des thématiques, parfois des règles différentes, et parfois des droits d’accès séparés. Un même serveur peut ainsi accueillir un salon général ouvert à tous (tous ceux qui ont reçu le lien d’invitation du serveur), un salon qui cause de jeu de rôle ouvert à tous également, mais aussi un salon réservé aux correspondants qui reçoivent une newsletter, et un autre salon où seuls les mécènes Patreon sont autorisés à entrer.
Là encore, le ou la propriétaire (vous) est maître en ses lieux. Vous ne dépendez pas d’un algorithme ou d’une plateforme. Pas plus que les invités du serveur.
Le plus intéressant reste que l’accès à un serveur se fait par invitation. Si vous ne possédez pas le lien, alors vous ne pourrez jamais trouver le serveur. De même, vous pouvez doser finement les droits et les accès de chaque catégorie d’utilisateurs invités, voire de chaque utilisateur lui-même, comme sur un site ou un forum.
L’installation d’un serveur Discord est assez simple, et elle est gratuite…
Les comptes Patreon
Vous désirez avoir une relation plus privilégiée avec un créateur ou une créatrice ? Vous voulez l’aider et faire connaître son travail ? Oubliez les retweets et autres likes. Donnez-lui les moyens de continuer et de déployer son art. Devenez son mécène via Patreon.
Je cite cette plateforme en particulier car l’alternative française subventionne le complotisme, quant à celle qui promet de financer par de la publicité que vous accepteriez de regarder, je trouve que c’est une perversion pure et simple du principe du micromécénat lui-même.
En donnant sur Patreon, vous agissez contre la publicité et vous aidez directement la personne ou l’organisation que vous voulez soutenir, en ayant des contreparties exclusives.
En ouvrant votre propre page, vous vous assurez l’indépendance de cette même publicité tout en fédérant autour de vous les personnes les plus motivées.
Bien choisir c’est choisir parcimonieusement
Tout cela est bien beau, mais peut tout de même vous mener à une situation de saturation comparable à celle des réseaux dyssociaux. Si vous n’y prenez garde, en effet, vous risquez de crouler sous les bookmarks, les flux RSS, les podcasts non lus, les newsletters non ouvertes qui s’accumulent dans votre boîte mail, et des dizaines de conversations sur Discord que vous ne pourrez plus suivre.
Mon conseil est donc de choisir très parcimonieusement vos abonnements.
- Ne gardez dans vos bookmarks que les sites qui soit vous paraissent mériter une deuxième vision un peu plus tard, soit qui sont pour vous des références importantes.
- Ne commentez que si vous pensez avoir quelque chose de véritablement utile à apporter à la conversation ou à l’article.
- Ne vous abonnez au flux RSS que des sites ou des podcasts qui vous paraissent mériter l’effort de les suivre, de les lire ou écouter régulièrement.
- Ne donnez votre adresse mail à une newsletter que si vous pensez que vous aurez le temps d’en lire les missives.
- N’entrez dans un serveur Discord qu’en étant prête ou prêt à y participer régulièrement.
- Et surtout, ne gardez rien qui ne vous soit plus utile ou qui n’éveille plus votre intérêt.
Dans le cas des newsletters ou des serveurs Discord, la politesse voudrait que vous expliquiez votre démarche à la personne qui en est l’expéditrice ou la propriétaire. Mais je sais que ce n’est pas dans les us et coutumes de l’internet, ni même de la vie réelle.
Dans tous les cas, sachez rester minimalistes et souvenez-vous que peu d’abonnements de grande qualité sont plus importants que de trop nombreux abonnements qui vous encombreront.
Au besoin, pour vous aider à choisir, vous pouvez utiliser la méthode des cercles concentriques.
Conclusion : pour un internet et une vie numérique apaisées
Ma vie relationnelle numérique est organisée en cercles concentriques selon la proximité et l’intérêt que suscitent les rencontres que je fais.
- Premier cercle : les trouvailles, la boussole
- Navigateur internet
- Moteur de recherche
- Bookmarks
- Deuxième cercle : les références
- Flux RSS
- Podcasts
- Commentaires par flux RSS
- Troisième cercle : les «amitiés virtuelles»
- Newsletters
- Communautés Discord
- Patreon
Tout ce que je trouve sur internet, au cours de mes voyages dans les océans virtuels, commence par arriver dans mon navigateur, à la périphérie du premier cercle. Si ce que j’y trouve éveille ma curiosité, je garde le site dans mes bookmarks avec l’étiquette #à revoir
. Dans un deuxième temps, quand j’ai parcouru le site, je décide si je lui trouve toujours autant d’intérêt.
Si c’est le cas, alors, dans le cas où le site peut me servir de référence ou d’outil, de tutoriel, je le garde dans mes bookmarks avec l’étiquette adéquate. Si le site publie régulièrement sur un sujet qui est important pour moi, il franchit le deuxième cercle et je peux en plus m’abonner à son flux RSS, voire commenter et dans ce cas m’abonner au flux RSS des commentaires de l’article ou du site en entier pour suivre la conversation qui va peut-être s’amorcer.
Au fil des articles reçus par le flux RSS, je décide si certains valent la peine de les garder en bookmarks, voire de commenter.
Lorsqu’un site suscite vraiment de ma part des commentaires réguliers, ou que ses articles me plaisent, alors je lui fais franchir le troisième cercle, et je m’abonne à la newsletter, voire au serveur Discord, ou bien aux deux.
Enfin, lorsque le travail de quelqu’un m’interpelle vraiment, je peux devenir son mécène.
J’imagine que vous avez un système similaire, si ce n’est exactement le même, car il est simplement basé sur le modèle de ce qui se passe dans la vie réelle. Lorsque nous rencontrons quelqu’un, à moins d’un coup de foudre qui fait directement franchir un ou deux cercles, nous laissons la personne dans le premier, le temps de tester la relation. Puis peu à peu, la personne peut changer de cercle. Parfois, même, passer d’un cercle plus proche à un cercle plus éloigné.
Il reste que, comme dans la vie, nos compétences relationnelles sont inégales, et ont tendance à changer avec l’âge. On espère qu’elles s’améliorent, mais ce n’est pas toujours le cas. Comme dans la vie réelle, il y a des personnes plus douées que d’autres. Comme dans la vie réelle, il est nécessaire d’acquérir un savoir-vivre.
Et ça, ça s’apprend. Ce sera peut-être l’objet d’un prochain article.
Quel cercle ?
Si vous utilisez un autre principe, je suis curieux de connaître lequel. Vous pouvez en parler dans les commentaires… si d’écaille & de plume est dans votre deuxième cercle, bien sûr 😜.
De l’importance du vocabulaire sur la pensée, partie 1 : Je ne publie pas des contenus
De l’importance du vocabulaire sur la pensée, partie 1 : Je ne publie pas des contenus
C’est du moins l’impression que j’ai de plus en plus souvent lorsque je ressens ce mélange de colère désabusée et de nostalgie irritée à la lecture du vocabulaire de l’Internet des années 2020.
Je dois être au minimum dépassé. Voire réac’.
Je pense être quelqu’un de résolument humaniste et progressiste sur le plan social.
Mais, que voulez-vous, entendre certains mots à propos de ce que l’on peut rendre public sur la Toile, sur ce que l’on crée, sur les raisons pour lesquelles il est légitime de le faire… tout ça me rend chafouin.
Non, décidément, je dois être un vieux con.
Comment expliquer autrement le fait que mes poils se hérissent à la lecture ou l’écoute de certains mots, de certaines expressions ?
C’est que, comme écrivain, comme individu, comme soignant, je suis persuadé que les mots ont un pouvoir. Un énorme pouvoir. Celui d’influencer la pensée de celui ou celle qui les utilise. Chaque mot a la capacité de modeler le raisonnement, de faire naître une certaine vision du monde, ou du moins de diriger l’attention des locuteurs qui l’utilisent ou l’entendent dans une direction bien particulière. Avec des mots, les écrivains, les poètes, les journalistes, les politiques, les séducteurs influencent leurs publics, aussi divers puissent-ils être.
Utiliser un mot plutôt qu’un autre est donc un choix, conscient ou pas, qui vise à produire un effet bien spécifique. Ainsi, vous n’aurez pas pu manquer que ma première phrase n’est pas anodine.
Plus encore, les mots sont les briques de la conceptualisation, donc de notre façon de percevoir ce qui nous entoure. Si je dis «une personne», mon interlocutrice et moi allons immédiatement visualiser un être humain un peu neutre, flou. Si j’écris «un individu», la connotation péjorative aura déjà fait naître une image beaucoup moins agréable et très orientée.
Jusque là, la raison de mon agacement ne vous a peut-être pas encore sauté aux yeux.
La voici donc dans toute sa crudité : je suis agacé au plus haut point par le jargon qui s’est développé sur Internet ces dernières années avec l’essor des réseaux dysociaux mais surtout de l’ère des influenceurs, youtubeurs et autres community managers. Ce jargon qui contamine peu à peu toutes les personnes qui publient et créent sur la Toile. Ce jargon qui réduit tout ce qui se passe en ligne à une transaction commerciale.
Et ce qui m’irrite encore plus, c’est que personne n’à l’air de s’en soucier.
Tout le monde s’en fout, pour paraphraser le titre d’une chaîne YouTube que j’aime beaucoup malgré ses défauts, dont le moindre n’est pas d’être sur YouTube, justement.
Eh bien pas moi. Et dans cette petite série, je voudrais exposer mon propre vocabulaire de substitution, pour résister à ce formatage.
Si vous ressentez la même chose que moi, peut-être que vous utiliserez les mêmes mots que moi et que nous pourrons proposer une autre façon d’envisager internet. Mais ne vous faites pas trop d’illusions.
Le destin fait rarement plaisir aux vieux cons.
Le contenu
Aujourd’hui, il ne faut plus dire qu’on sort une vidéo. On n’a plus le droit de penser que l’on publie un article ou qu’on a édité un podcast. Non. Aujourd’hui, dans les années 2020, on publie forcément des contenus.
C’est vrai, c’est pratique.
Un contenu, ça englobe tout ce qu’on peut balancer sur la Toile.
Un article sur les 10 manières de coiffer les franges des chihuahuas comme une vidéo de conseils sur la meilleure façon de réussir la pâte à crêpes, un long cours écrit sur l’origine des barrages en Chine ancienne, ou un petit délire musical parodiant Thriller de Michael Jackson avec des paroles en javanais.
Oui, c’est pratique.
Mais surtout pour peu à peu vous faire intégrer que tout ceci n’est pas le plus important, finalement. Que tout ceci est interchangeable, standardisé. Que l’essentiel est ailleurs. Dans l’intention cachée derrière cette publication. Ou dans le contenant, dont on ne parle jamais, bizarrement, alors qu’il est un implicite constamment présent lorsqu’on parle de contenu, comme l’ombre l’est quand on parle de lumière.
Le nom générique et neutre : un appauvrissement du vocabulaire, donc de la pensée
Finalement, tout se vaut.
La vidéo qui aura pris des jours de tournage, des heures de montage et de postproduction afin d’expliciter une notion ardue d’un côté, et le texte de 150 mots pondu à l’arrache pour plus ou moins présenter un concept dispensable de l’autre. Ben oui, tout se vaut, puisque ces deux objets, qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre, sont tous les deux des contenus…
Or, la diversité de ce qui est publié sur la Toile est presque infinie.
Vouloir réduire cette infinité est non seulement impossible, mais surtout une entreprise d’appauvrissement.
La richesse du vocabulaire induit la richesse de la conceptualisation.
La pauvreté du vocabulaire induit un appauvrissement de cette même conceptualisation. Elle abaisse notre capacité à appréhender la diversité, les nuances. Elle induit des raisonnements simplistes, elle réduit notre capacité à comprendre les subtilités du monde. Elle provoque chez nous des comportements binaires : l’accord sans distance ou l’opposition sans discussion possible. Elle fait naître les trolls.
C’est une des raisons pour lesquelles je refuse d’abaisser le niveau de langage de mes écrits pour les rendre plus «accessibles». Ce n’est pas à moi d’abaisser mon vocabulaire, c’est au lecteur, à la lectrice, de faire l’effort de découvrir de nouveaux mots, de nouvelles expressions, de nouvelles images, d’enrichir son propre lexique de métaphores, de sensations, de liens, comme je fais l’effort de mon côté de proposer ce que je sais faire de mieux.
L’art ne vise pas au consensus, il vise à enrichir la complexité du monde, à l’enrichir d’une vision singulière, donc distinctive, donc irréductible à quoi que ce soit d’autre.
Tout ne peut donc pas être regroupé sous un même vocable interchangeable.
Un contenu, finalement, c’est quoi ? Un salmigondis informe, vague, composé d’ingrédients totalement indiscernables les uns des autres. Parce qu’il ne faut pas oublier ce que veut dire le mot.
Un contenu, c’est tout ce qu’on veut qui peut être contenu dans un récipient. Dans un contenant.
Le contenant
Il n’est pas anodin que le mot contenu ait d’abord été utilisé sur les réseaux dysociaux.
Se présentant comme de puissants vecteurs de diffusion permettant de mettre en relation des créateurs et leurs publics, les plateformes comme YouTube ou Facebook s’efforcent de nous convaincre que le plus important pour elles est ce que nous leur confions.
Arrêtons d’être naïfs.
Le plus important pour YouTube, c’est YouTube et ses profits. Peu lui importe que ces profits soient générés par de la publicité sur votre vidéo ou sur celle de votre voisin. Pour YouTube, toutes les vidéos se valent et sont interchangeables dans leur potentiel de rapporter de l’argent. Votre création est un contenu. Mais ce qui importe à YouTube, c’est que le contenant tire son épingle du jeu.
Peu importe si votre bouteille contient de l’eau ou du lait. L’important c’est que vous avez d’un côté une bouteille d’eau et de l’autre une bouteille de lait. Le seul point commun, ce n’est pas le contenu, c’est bien la bouteille. Et finalement si c’est le seul point commun, c’est bien la seule chose qui ait de l’importance. Comme un alcoolique sera indifférent au contenu de cette bouteille pourvu qu’il y ait de l’alcool et ne distinguera pas un grand cru d’une piquette de supermarché.
La logique du Maître adoptée par l’Esclave
Que YouTube utilise le mot contenu est dans sa logique. C’est compréhensible. Et quelque part, c’est même sain parce que c’est une façon d’afficher la couleur. Une sorte de sincérité involontaire qui proclame bien haut :
Je veux faire du fric sur ce que tu vas publier via ma plateforme, et c’est en gros tout ce qui m’intéresse.
Il est plus difficile de comprendre que les créateurs eux-mêmes se soient approprié le terme et l’utilisent sans véritablement mesurer son impact.
Les mots que nous utilisons reflètent la façon dont nous voyons le monde, dont nous interagissons avec lui. Plus important encore, ils conditionnent nos actes et nos relations avec les autres.
Il n’est pas neutre de parler de contenus au lieu d’œuvres, ou simplement de créations. C’est un choix beaucoup plus politique et beaucoup plus important que nous le croyons. Sans tomber dans le politiquement correct, faire attention aux mots que nous utilisons, c’est éviter de nous soumettre à des idées qui sont contraires à nos propres intérêts, c’est aussi éviter de nous soumettre volontairement au pouvoir que les plateformes ont sur nous.
Car les mots sont le pouvoir, comme le savent tous ceux et toutes celles dont le métier est d’influencer les autres, quel qu’en soit le but.
On peut user de ce pouvoir pour aider ceux et celles qui en sont l’objet, comme le font les psychologues et les soignants en général. On peut le faire pour donner à rêver, à réfléchir ou à s’évader comme c’est le cas pour les artistes, écrivaines et chanteuses, les acteurs. On peut le faire pour vendre des biens matériels ou des idées, comme les publicitaires et les politiciennes.
Adopter le langage des plateformes, c’est se soumettre à l’influence de leur façon de voir le monde, et ce monde-là est fait pour elles, pas pour nous. Adopter leur langage, c’est donc nous emprisonner volontairement, nous aliéner, nous enchaîner à leur futur plus ou moins dystopique.
Ce que je choisis de nommer
Je décide donc de nommer ce que je libère sur la Toile, ce que je partage, ce que je confie, ce que j’offre. Ou ce que je vends.
Je décide que ce sont des articles, ce sont des podcasts, des vidéos, des poèmes, des nouvelles.
Je choisis de nommer tout ceci mes créations.
J’en suis le démiurge. J’accepte que mes créations puissent s’émanciper. De moi comme des canaux qui les transportent.
Je choisis de considérer que mes créations puissent se suffire à elles-mêmes sans dépendre de la façon dont je les diffuse, du carton qui les contiendrait ou du biais par lequel elles pourraient atteindre leur public. Cela implique le refus des DRM, des verrous numériques. Cela signifie aussi que les exclusivités ne doivent répondre qu’à un seul but : le lien privilégié avec le public de ces mêmes créations.
Je ne suis pas, heureusement, le seul à penser cela, mais pourtant, cette lucidité est encore trop peu partagée sur Internet.
Vous aussi, osez faire naître des créations
Et parlez-en comme telles.
Elles sont plus importantes que le vague sac numérique qui les porte vers votre public.
Car ce qui est vraiment essentiel réside dans ce que vous avez créé.
Le proverbe le dit bien :
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.