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Une drôle de… première !

Une drôle de… première !

Une drôle de… première !

Les lumières s’éteignent.
Le silence se fait peu à peu, on entend presque les respirations qui se suspendent, tendues dans l’attente de ce qui va advenir ensuite.
Ma gorge se serre.
Puis des pas sur la scène, deux autres comédiens qui prennent leurs places. Éloïse et Désiré Scarfati, les concierges romancés, sont prêts à se jeter dans la fiction écrite sur eux.

Et graduellement, comme l’aube qui se fait sur un champ de bataille, les feux des projecteurs déchirent le voile d’obscurité, et la scène prend vie. Les premières répliques fusent, le rythme s’installe rapidement. Les personnages prennent vie, leurs caractères s’ancrent dans la réalité, les gestes de mes camarades sont précis, travaillés et retravaillés depuis des mois, pour leur faire prendre substance.

Je suis toujours dans l’ombre, et la concentration ne me quitte pas, happé que je suis par l’histoire, par son déroulement, celui que les spectateurs admirent et celui que j’anticipe. Chaque réplique me fait sortir de moi-même, pour me faire entrer dans les années 40, la fin de la Deuxième Guerre, l’utopie communiste et le quotidien de la cellule Élisa Verlet.

Peu à peu, la tension monte encore en moi. Je sais que la fin du premier acte sonnera mon entrée imminente dans la lumière.

La lumière descend doucement sur le couple enlacé : Josyane et Jean-Louis entament leur brève romance de fiction.

Le deuxième acte débute et ma gorge se serre plus encore.

Léone entre en jeu pour pousser Roger dans ses derniers retranchements, pour exposer les petits renoncements auxquels il est prêt afin d’obtenir l’investiture du Parti aux élections municipales.
Jean-Louis qui revient pour faire du feu.
Et c’est le moment.

Ma casquette bien enfoncée sur l’arrière de mon crâne, ma veste d’époque épinglée d’une étoile rouge venant de Russie, mon écharpe qui réchauffe ma gorge sèche, je m’apprête à passer le mince filet qui sépare la réalité du lieu et l’intemporalité de la fiction.

Un drôle de cadeau, acte 3

Un drôle de cadeau, acte 3

Dans ce laps de temps infime et infini à la fois, je songe que quelques années en arrière, dans une salle à quelques mètres, je passais des nuits à arpenter des rêves ludiques partagés avec des compagnons qui endossaient comme moi les costumes de héros de papier dans des parties de jeu de rôle interminables. Je pense à ce que j’aurais ressenti en sachant que j’allais jouer un véritable rôle devant un public. Je pense que, de toute façon, cela fait presque dix ans que je fais du théâtre, et que cet endroit en vaut un autre. Je pense aussi, surtout, à Marcel, à mon double fictionnel, qui en quelques secondes prend possession de mon enveloppe corporelle, s’installe dans mes os et ma chair comme s’il enfilait un costume. Le moment fatidique estompe les frontières. Je peux sentir la joie et la bonhomie de Marcel, son optimisme et sa faconde, sa sensibilité à fleur de peau.

Il ne me faut qu’un pas, et ce pas met en marche l’enchaînement de gestes, de paroles, de sentiments, qui donnent à Marcel son existence tangible.

Ma gorge se libère, mes muscles se dénouent, mes yeux, privés de leurs verres correcteurs du quotidien, sont dans la lumière, et ne discernent plus, au-delà de mes compagnons de scène, que des ombres floues. Mon univers se réduit à ce décor de théâtre, aux planches de la scène, aux accessoires et aux costumes, mais par un prodige que seul permet le rôle, il s’étend aussi bien au-delà de ce lieu, de cette époque, et gagne plus de réalité. Au-delà du rideau d’ombres que la lumière vive des projecteurs crée en contraste devant mon regard déjà myope, ce ne sont plus des spectateurs, ce ne sont plus des parents, des amis, des collègues, une épouse aimante. Ce sont des rues parisiennes, des manifestations enflammées, des rêves de société idéale et des amours fragiles.

L’accent méridional de Marcel coule naturellement dans mes veines, je n’ai qu’à le libérer, à lui donner force et à pousser ses inflexions vers plus de rondeur.

Les deuxième et troisième actes déroulent leurs trames, et Marcel espère enfin faire danser Josyane, s’amuse des manœuvres de Roger, s’inquiète de celles de Jean-Louis, considère Léone avec curiosité, tout comme il aimerait recevoir un peu d’amitié de la part de Suzanne.

Et vient le quatrième acte.
Celui du dénouement inattendu.
Celui qui fait vieillir de sept années, qui fait changer une veste ajustée pour un manteau trop grand, celui qui change la bonhomie en ironie, tempère l’humour et serre la gorge à nouveau, non pas par le trac, mais par la dureté de ce que Marcel a vécu.

Un drôle de cadeau, acte 4, avant l'entrée en scène de Marcel Feuillard

Un drôle de cadeau, acte 4, avant l’entrée en scène de Marcel Feuillard

Enfin, il danse avec Josyane, mais un peu tard, mais maladroitement, mais faiblement. Amaigri, blessé, malade peut-être. Et lucide.

Je prononce la dernière phrase, et, lentement, mes pas me mènent vers la sortie. La musique des Chœurs de l’Armée Rouge, leurs voix, accompagnent l’instant. Le tableau se fige comme les personnages qu’incarnent mes compagnons entrent dans l’immobilité de leurs destins.

Je souffle, seul dans la coulisse.
J’ai vécu ce retour sur les planches aussi intensément que je m’y attendais.

La lumière s’éteint, puis jaillit à nouveau, et les applaudissements m’appellent à rejoindre mes camarades comédiens pour saluer le public. Je ne distingue toujours pas plus loin que le bord de la scène, mais je peux sentir autre chose. Le public est là. Mes parents, mes amis, mes collègues, ma femme. Ceux que je ne connais pas, également.
Ils sont là nombreux.
Ils nourrissent ce sentiment de joie profonde de leurs applaudissements, des leurs commentaires, de leurs encouragements. Mes mains prennent celles de mes camarades. Et nous nous inclinons.
C’est pour le public que nous avons joué.
C’est aussi pour nous.
C’est aussi pour moi.

La première représentation d’Un drôle de cadeau a eu lieu le samedi 28 février, à la MJC Croix Daurade de Toulouse, pour le festival Théâtres d’Hivers 2015.

Un drôle de cadeau, l'affiche

Un drôle de cadeau, l’affiche

Nous rejouons la pièce en juin, pour Vélorution.

Superproduction… théâtrale

Superproduction… théâtrale

Superproduction… théâtrale

Le 28 février prochain aura lieu la première de Un drôle de cadeau, la pièce de Jean Bouchaud que mes camarades de la Compagnie Raymond Crocotte et moi-même allons jouer au festival Théâtre d’Hiver de la Mairie de Toulouse.

Comme vous le savez déjà, la distribution de cette pièce nous a déjà posé quelques problèmes, puisque, outre mon arrivée pour jouer le rôle de Marcel Feuillard suite à l’indisponibilité du premier comédien chargé du rôle, c’est une remplaçante pour celui de Léone Chalière qu’il nous a fallu chercher…
Malgré trois candidatures, nous n’avons pas pu trouver de successeur à Emmanuelle Bost, qui, heureusement, a pu différer son départ pour les forêts mystérieuses de Bretagne afin de jouer avec nous une ultime fois.

Mais ces petits tracas ne nous ont pas découragés, et puisque tout est bien qui finit bien, je peux donc vous parler… et vous montrer… à quoi nous avons occupé notre temps.

Car pour cette nouvelle production, la Compagnie Raymond Crocotte a carrément changé de dimensions, et s’est lancée dans une débauche de moyens jamais connue par la troupe depuis sa naissance en 2006. Une profusion de décors, d’accessoires, des costumes, des visuels… bref : une superproduction digne d’Hollywood dans notre référentiel de compagnie amateur !

Voilà l'effet que cela fait de jouer dans Un drôle de Cadeau...

Voilà l’effet que cela fait de jouer dans Un drôle de Cadeau…

Certes nous sommes huit comédiens sur scène, mais nous avions déjà l’habitude d’être nombreux depuis notre adaptation de Psychanalyse des Contes de Fées.

C’est surtout le contexte historique et la pièce elle-même qui ont demandé beaucoup de travail dans la recherche de réalisme visuel et scénique, comme le « pitch » écrit par Corinne Jacquet, notre metteuse en scène, le laisse deviner :

Le Vietnam s’appelle Indochine, Picasso dessine des colombes, les Français remercient Mister Marshall qui leur envoie des dollars et du coca-cola… Nous sommes en 1949 et Staline va avoir 70 ans. La petite cellule du Parti Communiste du 14e arrondissement de Paris ne fait vraiment pas honneur au camarade Maurice Thorez : pas une seule adhésion depuis des mois, affiches non collées, journaux non diffusés, livres non vendus s’amoncellent dans le local donnant sur l’arrière-cour d’un petit immeuble entre la loge des époux Scarfati et les escaliers qui montent aux étages.

Roger Blot, croque-mort, Josyane Terson, vendeuse, Marcel Feuillard, ouvrier, Suzanne Lalande, institutrice, tous militants du PCF, désespèrent Léone Chalière, représentante de la direction fédérale… Or, la cellule « Élisa Verlet » se doit elle aussi de trouver un cadeau pour « le petit père des peuples ». Il n’est jamais facile de choisir un cadeau d’anniversaire mais imaginez la difficulté d’en trouver un qui plaise à Joseph Staline ! Les camarades de la cellule finiront cependant par dénicher pour l’occasion un drôle de cadeau qui fera l’effet d’une bombe à Moscou…

Cette pièce, en traitant d’un sujet historique grave sur le ton de la comédie, rassemble à la fois les qualités du vaudeville et du plus profond des drames. On pense à Prévert, à René Clair mais aussi à Feydeau et à sa folle mécanique burlesque. Du rire, de la tendresse et au final une réflexion sur le dogmatisme : ce qui arrive quand l’homme cesse de penser par lui-même.

Et c’est donc tout naturellement que nous avons dû réutiliser la structure modulable de décor qu’avait déjà réalisée Frédéric Dalmasso pour Échauffements Climatiques, afin de construire un espace scénique séparant la cour d’immeuble du local de la cellule Élisa Verlet. Cette structure a été recouverte de toiles amovibles grâce à un système de scratch (merci à Sabine et à Liliane pour la couture), qui ont été peintes en trompe-l’œil par Monique Mazarguil, son talent d’illustratrice mis une fois encore au service de la troupe.

C’est ensuite le bronze d’art qui tient une place centrale dans l’histoire qui a été sculpté. Nous avons également trouvé un vieil électrophone, des portraits de Lénine et de Staline qui correspondaient à ce qui était décrit dans la pièce (cherchez Lénine avec une casquette dans une bonne résolution sur internet… vous aurez du travail…). Au chapitre des accessoires, le poêle qui sert de chauffage aux camarades en ce mois de décembre 1949 a été réalisé par Frédéric qui décidément, pourrait être engagé comme décorateur/accessoiriste dans une production de cinéma (tiens… ça me donne une idée pour mon prochain opus…)
Enfin, c’est la maquette du camp de travail en allumettes, réalisée par Xavier Fouchet (alias le flic ancien collabo Désiré Scarfati dans la pièce).

Et pour les costumes, même recherche intensive de véracité, à partir de photographies d’époque, pas faciles à trouver non plus.

Enfin, les visuels. Une cellule du Part Communiste Français recèle des trésors : des affiches de propagande, des revues officielles (L’Union Soviétique parue de 1949 à 1963, Études Soviétiques qui lui ressemblait beaucoup), des journaux (L’Humanité bien sûr), des livres (l’autobiographie de Maurice Thorez intitulée Fils du Peuple)…
Et pour la touche finale, un magazine osé de l’époque, Paris-Hollywood, dont la reconstitution de la couverture a été un véritable plaisir pour moi…

Tout ceci sans oublier de faux billets de l’époque (c’est fou ce que les francs semblent désuets maintenant), des cartes de membres du PCF, un vélo datant du milieu des années 50 récupéré dans une association de passionnés…

Le souci du détail est allé assez loin, et, toutes proportions gardées, je me suis souvenu de ce que les équipes de Weta Workshop ont accompli pour la saga de Peter Jackson dans la Terre du Milieu. Leur credo était que plus les détails étaient soignés et « faisaient vrais », plus l’immersion était forte pour le spectateur, qui pouvait plonger dans un monde cohérent jusqu’au plus petit bouton de manchette.

Il reste à savoir si nous aurons autant de succès avec Un drôle de Cadeau que la bande de Frodon et Sam… J’ai comme un doute : nous n’avons pas d’acteur de synthèse programmé en motion capture…

Recherche comédienne pour reprendre un rôle de théâtre

Recherche comédienne pour reprendre un rôle de théâtre

Recherche comédienne pour reprendre un rôle de théâtre

Si vous suivez ce blog régulièrement, vous savez que j’ai commencé les répétitions d’une nouvelle pièce de théâtre, Un drôle de cadeau, avec mes vieux complices de la Compagnie Raymond Crocotte et sous la direction de Corinne Jacquet.

Il se trouve qu’une autre personne de la compagnie est obligée de nous quitter en cours de route, de nouveaux projets personnels et professionnels l’appelant ailleurs que dans notre beau sud-ouest.

Nous sommes donc à la recherche d’une remplaçante pour ce rôle, une remplaçante confirmée car nous avons peu de temps si nous voulons jouer comme prévu au mois février. Il y a un peu de travail, à raison de répétitions hebdomadaires de deux heures, plus sans doute quelques jours pendants des week-ends.

Quant au rôle, il s’agit d’incarner Léone Chalière, camarade du Parti Communiste Français appartenant aux organes dirigeants, et amenée dans la pièce à inspecter la cellule parisienne dont sont membres presque tous les autres personnages. La cellule Elisa Verlet est en effet en 1949 très peu active, malgré les velléités de son chef, Roger Blot, qui aimerait bien devenir candidat du Parti aux élections municipales parisiennes. Léone est envoyée par la fédération pour remettre de l’ordre dans tout cela, tout en conduisant une enquête afin de savoir si des contre-révolutionnaires n’auraient pas infiltré la cellule. Au quatrième acte qui se déroule en 1956, après un saut dans le temps de sept longues années durant lesquelles Marcel Feuillard, envoyé à Moscou porter un cadeau pour l’anniversaire de Staline, a disparu sans laisser de traces, elle refusera de croire que son rêve d’une société idéale n’était que l’image projetée par une dictature de fer.

C’est un rôle qui peut sembler monolithique au premier abord mais qui est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Inquisitrice à sa première apparition, elle est rapidement prise elle aussi dans le maelstrom comique des membres de la cellule Elisa Verlet, avec ses tics, et se verra totalement dépassée par la bonhomie de ses camarades. Enfin, dans le dénouement, elle incarnera ces millions de gens qui continueront un temps à s’accrocher à un idéal malmené par la réalité, de peur de sombrer dans le désespoir en réalisant combien ils ont été dupés.

Si donc vous êtes intéressée, que vous habitez la région toulousaine, vous pouvez soit me contacter (via ce blog, ou sur Twitter), soit contacter la Compagnie.