FATE et la co-construction d’univers, partie 1 : personnages-Mages

FATE et la co-construction d’univers, partie 1 : personnages-Mages

FATE et la co-construction d’univers, partie 1 : personnages-Mages

Récemment, alors que nous sortions d’une première partie de Dungeon World et de sa narration particulière, Equites me faisait remarquer que Mage allait ressortir en édition 20th anniversary. Je n’ai jamais joué à Mage, mais les jeux WhiteWolf ont fait partie de mes meilleures expériences comme joueur et comme meneur dans les années 1990. Il savait donc, le bougre, que le thème de Mage me faisait de l’œil depuis très longtemps. Mais j’ai un peu changé depuis les années 1990 (non, on ne dit pas vieilli, on dit changé, voire mûri). Mes envies aussi. Les univers de WhiteWolf sont une madeleine de Proust, mais de celles qu’il vaut mieux garder intactes dans le souvenir que l’on en a, plutôt que de risquer de se confronter à une déception.

Depuis, j’ai en effet découvert FATE, et Dungeon World. Les concepts d’Aspects, de Fronts, de narration partagée. J’ai tenté de voir ce qu’on pouvait changer dans l’écriture des scénarios.

Je n’ai pas encore expérimenté la construction partagée d’univers. Enfin, plus depuis mes 15 ans et mes premières parties de jeu de rôle, finalement plus narrativistes que par la suite lorsque j’ai découvert L’Œil Noir, la Boîte Rouge, et tout le reste.

J’ai donc proposé à mon groupe de tenter l’aventure.

J’ai choisi FATE parce que je commence à bien connaître la mécanique, parce que c’est très simple et facilement adaptable pour jouer tout ce que l’on veut, parce que les concepts de narration partagée peuvent fonctionner avec ce système.

Et j’a commencé par me concevoir un petit hack, à base de mélange entre FATE ACCÉLÉRÉ et FATE CORE, pour jouer des Mages dans un univers contemporain. Pour résumer, je n’ai pas utilisé de Compétences mais des Approches, ce qui ressemble pas mal à l’Apocalypse et à Dungeon World : Astucieux, Flamboyant, Sournois, etc… L’idée est de se concentrer non pas sur ce que le personnage sait faire, mais sur comment il le fait.

Le reste est peu ou prou du FATE.

J’ai chopé des trucs sur internet histoire d’adapter la magie de Mage à FATE, notamment Mage Core de Douglas Underhill et Words of Power de Brian Engard. J’ai hybridé les deux approches et synthétisé tout cela dans une fiche de personnage maison que je vous livre ici. Celles de Dungeon World m’ont vraiment impressionné par leur côté didactique. J’ai donc décidé de m’en inspirer fortement, comme vous le verrez.

Fiche de personnage FATE vs Mage

Pour ce qui est de l’univers, l’idée est de jouer du Mage, sans jouer à Mage, en picorant des choses à droite et à gauche, et surtout en laissant mes joueurs apporter leur grain de sel, de poivre ou d’épice là où ils en auront envie.

Je suis donc parti d’une base très simple, qui tiendrait en un Aspect : Le Sanctuaire de New York.

Et nous nous attacherons à broder dessus ensemble. C’est suffisamment vague pour que nous ayons les mains libres, mais cela pose déjà une ambiance qui ressemble un peu à Mage sans être du Mage.

On peut au choix dériver sur du Doctor Strange (le film est pas si mal que ça), un truc plus poétique à la Meghan Lindolm (alias Robin Hobb) avec son Dernier Magicien (un bouquin que je vous recommande), ou autre chose encore, comme The Craft (Dangereuse Alliance) avec Neve Campbel, ou les Sœurs Halliwell, ou tout à fait autre chose (The Magicians, la série de SyFy qui est un petit bijou dans sa saison 1 et dont je vous parlais déjà ici).

Tout cela en Roll20 puisque le groupe est géographiquement éclaté.

On essaie, et je vous ferai un compte-rendu.

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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Da Vinci’s Demons, la série psychédélico-initiatique

Da Vinci’s Demons, la série psychédélico-initiatique

Da Vinci’s Demons, la série psychédélico-initiatique

Je vous ai déjà un peu parlé de Da Vinci’s Demons, cette série diffusée par la chaîne Starz (qui eu l’audace de produire Spartacus également). J’en faisais l’une des séries prometteuses de 2014. Je ne me suis pas trompé, car les trois saisons qu’elle occupe sont aussi étonnantes que déroutantes et parfois même un peu frustrantes. Un peu comme Penny Dreadful, d’ailleurs, dont je vous disais du bien dans le même article.

L’idée est de suivre les jeunes années de Leonardo da Vinci, dans l’Italie du Quatroccento et plus particulièrement dans la Florence de Lorenzo le Magnifique. Les périodes peu connues de la vie du Maestro servent de décor à une intrigue ésotérique complexe et parfois un peu trop brouillonne.

 

Génie et touche-à-tout, Leonardo aime créer des machines, des œuvres d’art, mais aussi résoudre des problèmes. Visionnaire, il est capable de véritables prodiges, et attire le regard des puissants de Florence, sa ville natale. Méprisé par son père et orphelin de mère, il n’a d’autres compagnons que Zoroastre le maure, Vanessa la catin, et Nico le jeune idéaliste. Mais il est soudain emporté par des visions issues de son passé comme de son avenir. Il semble être le seul à pouvoir faire pencher la balance dans le combat millénaire que se livrent les Fils de Mithras et les adorateurs du Labyrinthe. Les uns (dont faisait partie sa mère) cherchent l’illumination de l’Humanité à travers la connaissance, les autres au contraire à laisser les masses dans l’ignorance, pensant que c’est le savoir qui pervertit l’être humain. Maîtrisant des arts mystérieux et plus ou moins surnaturels, un étrange turc tente de l’enrôler dans la secte de Mithras. Alors que les adversaires de ce dernier gagnent le concours de Girolamo Riario, l’âme damnée du Pape Sixte IV, despote cruel qui tente d’annihiler les projets de Lorenzo et les Fils de Mithras par la même occasion.

Leonardo, ses compagnons et son ennemi juré, et néanmoins quasi double maléfique Girolamo vont devenir des protagonistes de premier plan dans cette lutte. Dans la saison 2, ils vont même traverser l’Atlantique pour se retrouver chez les Mayas. Et dans la saison 3, la quête du fameux Book of Leaves, dont la page perdue contient des secrets terrifiants, s’achève quand Leonardo comprend que les deux sectes sont l’une et l’autre dans l’erreur.

L’impression que laisse la série est mitigée.

D’abord, il y a, c’est vrai, une fascination puissante à suivre les aventures de Léonard de Vinci, ou du moins d’un Léonard tel qu’on l’a toujours fantasmé : supérieurement intelligent. Mais comme il est jeune, il est aussi franchement sexy, un parfait combattant, un escrimeur de génie, un politique à la finesse inégalée, et un ami loyal, à défaut d’être un amant fidèle. N’en jetez plus…

Il n’est guère que sa propension à être socialement décalé qui pourrait le rendre moins attirant. Et encore…

Ensuite, tout comme les chaînes câblées américaines nous y ont habitués, la reconstitution est extrêmement crédible. Les décors fabuleux, le jeu convaincant. Aucune erreur de casting n’a été faite. Les méchants sont bien méchants, on aime d’ailleurs les détester ou les prendre en pitié ou les détester à nouveau, comme Girolamo.

Mais. Car il y a un, mais, et de taille.

L’intrigue n’est hélas pas déroulée de façon cohérente. Tout se passe comme si les scénaristes avaient eu des idées très fortes dans les deux premières saisons, pour ne plus savoir comment les mener dans la troisième.

C’est particulièrement vrai quand on voit le dernier épisode de la saison 2 et qu’on enchaîne sur la troisième. On finit sur une scène où Leonardo, traversant le temps et l’espace par le jeu d’une épreuve mystique chez les Mayas, se retrouve devant lui-même agonisant dans sa vieillesse sur son lit de mort. Le vieux Leonardo lui confie que toutes ses réalisations sont le résultat de ses choix dans le combat entre les Fils de Mithras et le Labyrinthe, et qu’il a un destin. On comprend qu’il peut changer l’avenir, que la série peut partir sur une uchronie, que le côté ésotérique va s’intensifier. Et dans la troisième saison, c’est la politique qui prend le dessus et une banale chasse au trésor qui est présentée. Les actes de Girolamo, son repentir et sa rédemption possible, en contrepoint avec les doutes de Leonardo sur ses inventions et l’utilisation qui peut en être faite, sont au centre de tout. Mais plus aucun mot d’ésotérisme. Au point que la fin m’a laissé dubitatif et frustré.

J’attendais plus d’audace d’une troisième saison quand les deux précédentes avaient été si riches en scènes symboliques, et parfois même psychédéliques.

Malgré cela, les thèmes de cette troisième saison méritaient d’être abordés quand on parle de génie et d’invention, quand on parle de progrès technique et technologique.

Leonardo se pose la même question à laquelle nous devrions nous-mêmes répondre pour nos propres technologies : à quoi servent-elles ? Sont-elles seulement là pour repousser les limites de notre savoir et de nos possibilités d’action et leur existence est-elle un progrès en soi ? Ou bien faut-il réfléchir à la façon dont nous pouvons les utiliser pour faire le Bien, ou pour faire le Mal ? Pour aider l’Humanité à progresser, ou pour l’annihiler ? Pour soigner, ou pour tuer ? D’autres que nous peuvent-ils prendre le contrôle de nos inventions, pour les détourner de leur but originel, si louable soit-il ?

Toutes ces questions sont hélas amenées de façon un peu artificielle dans l’intrigue, au travers d’un véritable passage dépressif du Maestro. Un passage qui dure presque toute la saison. Et une saison, c’est très long. Beaucoup trop long.

Il n’en reste pas moins que Leonardo, comme ses compagnons et nombre d’autres protagonistes traversent les étapes d’une véritable initiation durant les deux premières saisons pour achever leurs destinées dans la troisième. Chacun d’eux trouve la réponse à la question existentielle : « qui suis-je ? » Ainsi, Nico est-il le futur Machiavel, par exemple.

Manquait-il une quatrième saison à l’ensemble, intercalée entre la deuxième et la troisième, pour faire le lien ? Manquait-il une véritable vision d’ensemble aux scénaristes ?

Quelle que soit la réponse à ces deux questions, j’ai été déçu par une série qui avait si bien commencé. Il y a de très bonnes choses à voir et à prendre dans Da Vinci’s Demons. Mais pas assez pour en faire une série d’exception.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)

Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)

Deux séries sur un thème : Take a walk on the light side (of Humanity)

Notre époque est troublée. Pessimiste. Peut-être pas plus que les autres époques en réalité. Il suffit de se projeter quelques décennies ou quelques siècles en arrière pour faire quelques comparaisons simples. Dans les années 90, le terrorisme islamique existait déjà (attentats dans le métro de Paris), dans les années 70 et 80, le terrorisme d’extrême gauche touchait la France, l’Italie, l’Allemagne, dans les années 50 et 60, l’OAS, l’IRA, l’ETA, l’OLP, faisaient sauter des bombes et assassinaient déjà. La Guerre froide, les Deux Guerres mondiales. Je pourrais remonter encore dans le temps, et nous trouverions encore d’autres violences.

Notre époque est troublée. Pessimiste. Surtout dans la représentation qu’elle se fait du monde. Surtout dans les séries, les films, les livres qui en sont l’expression.

On considère de nos jours que les « bons sentiments » sont trop naïfs, que le monde n’est pas « le monde des Bisounours », que tout est noir, ou au moins gris foncé. Et le succès de certaines œuvres en témoigne : Game of Thrones et ses complots, ses trahisons, sa violence et sa cruauté, la pléthore de films et séries de zombies ou post-apocalyptiques qui nous brossent le portrait d’une Humanité déchirée, perdue, au bord de l’extinction.

Notre vision du monde est-elle seulement celle-ci ?

Deux séries tentent de nous faire changer légèrement de paradigme. Et à mon avis, elles sont un contrepoint bienvenu à l’ambiance générale.

Sense8, ou l’amour qui vient de la compréhension

Si les Wachowski ont à leur actif la trilogie Matrix, ils ont aussi commis des choses beaucoup moins bonnes (Jupiter Ascending, par exemple), et depuis la saga de Neo, Trinity et Morpheus, c’est surtout Sense8 que je retiendrai. À des éons de Matrix, leur série fantastique bénéficie d’une véritable vision.

Dans des pays différents, sur les cinq continents, huit jeunes gens qui sont nés le même jour à la même heure, au même moment, se trouvent liés par un pouvoir extraordinaire : ils sont capables de partager leurs pensées, leurs émotions, leurs sentiments les uns avec les autres, comme une intelligence collective, tout en gardant chacun leur personnalité. Ils découvrent également qu’ils peuvent agir les uns pour les autres, à des milliers de kilomètres de distance. Ainsi, l’une, championne de boxe thaïe, peut guider les gestes d’un autre, simple chauffeur de bus en Afrique lorsque ce dernier se retrouve confronté à des malfrats qui veulent le tuer.

Mais ces pouvoirs sont jalousés par une mystérieuse organisation qui cherche à les retrouver tous et à les éliminer, en remontant le fil de leurs pensées grâce à un traître qui a déjà détruit plusieurs « cercles » précédents.

La première saison est déjà pour moi une très grande réussite, dont l’épisode spécial de Noël 2016 est le pont vers la deuxième, qui a mis du temps avant d’être mise en chantier, pour bientôt voir le jour. Des acteurs ont été remplacés (celui qui joue Capheus, le chauffeur de bus africain, par exemple), mais on espère que le casting retrouve cette homogénéité qui avait si bien fonctionné jusque là.

L’intrigue de l’organisation qui veut retrouver les héros n’est pas véritablement le cœur de la série. Au demeurant parfois un peu faible, cette intrigue n’est pas très originale dans son traitement non plus. Le chasseur, lui-même « hypersensitif », essaie plus ou moins de corrompre celui qui tombe entre ses mains, de lui soutirer des renseignements, de le tromper, pour le localiser et localiser les autres, entrer dans le cercle des pensées. C’est classique, et fait sans grande imagination.

Mais l’essentiel est vraiment ailleurs.

L’essentiel c’est l’exploration par les Wachowski de tous les aspects et de toutes les conséquences de cette communion d’esprit, de cœur et de corps qui lie des personnes aussi différentes qu’un malfrat allemand, une Indienne de la classe moyenne, un acteur star de télénovella mexicaine, un policier américain, une hacker activiste LGBT de San Francisco, ou encore une DJ islandaise accroc à différentes drogues.

Ces différentes personnes, hommes, femmes, transgenres, partagent leurs pensées les plus intimes, leurs désirs, leurs peurs, mais aussi et surtout leurs forces et leurs faiblesses. Ce faisant, ils parviennent à s’entre-aider, mais surtout à se comprendre parfaitement, dans une sorte de communion presque mystique.

Les scènes où les interrogations de l’un font échos aux conseils ou aux représentations personnelles de l’autre, où les doutes sont partagés, où les fardeaux sont endossés par plusieurs, où des vies sont sauvées par la coopération, des problèmes résolus par la collaboration, le tout sans aucune arrière-pensée sont le cœur de la série.

Les Wachowski réalisent là une fresque qui résonne comme un hymne à la fois à la différence entre toutes les cultures, toutes les opinions et toutes les identités de l’Humanité et à tout ce qui rassemble les êtres humains entre eux, à ce qui fait qu’ils peuvent se respecter, se comprendre, s’accorder, collaborer, et au final s’aimer malgré ou plutôt grâce à ces différences. Un hymne à la tolérance et à la conscience que notre espèce est riche de ses dissemblances, de sa diversité. Chacun des protagonistes du cercle a quelque chose à apprendre et à apporter. Même les faiblesses de chacun peuvent profiter aux autres.

Tout en utilisant le concept d’esprit de ruche, les Wachowski l’humanisent, car chaque personnage garde sa personnalité et aucun d’eux ne se fond dans le cercle formé par les autres. Comme si le cercle devenait plus fort que la simple somme de ses parties. C’est là une notion assez novatrice, car souvent la SF ou la Fantasy abordent la communion de pensée et l’intelligence communautaire sous le spectre de la soumission, de la dilution, de la disparition de l’individualité. Or c’est tout le contraire qui se concrétise dans Sense8.

Je ne peux pas m’empêcher d’y voir une allusion ou une illustration plutôt, des principes collaboratifs qui se développent dans nos sociétés, depuis le monde du logiciel libre jusqu’aux fab labs. Cette idée que la puissance de la collaboration des êtres humains entre eux peut transcender les barrières que l’on aurait pensées comme absolues est parfaitement imagée par la distance qui sépare physiquement les protagonistes, alors même qu’ils peuvent vivre le même instant. Il est d’ailleurs assez étonnant qu’aucune de ces scènes (souvent des scènes de combat) ne nous ait pas encore vraiment montré que les protagonistes sont capables de vivre plusieurs choses à la fois. Car, et c’est assez intéressant, les personnages sont souvent occupés à leurs propres affaires lorsque l’un de leurs « frères & sœurs » a besoin d’eux. Ils « basculent » alors vers la conscience de l’autre, tout en continuant à agir pour eux-mêmes. Si j’ose, ils sont « multitâches », une qualité que notre cerveau a hélas le plus grand mal à acquérir.

Les nombreuses scènes de partage de conscience pendant les actes charnels sont sans doute intéressantes de ce point de vue, même si à mon goût elles sont trop appuyées, car trop nombreuses. Elles construisent des tableaux très esthétiques visuellement et très forts émotionnellement, mais se reproduisent trop souvent pour ne pas apparaître comme des orgies. C’est là une des faiblesses de la première saison.

This is Us, ou la famille comme allégorie de l’Humanité

Il y avait les bonnes vieilles comédies familiales à l’ancienne, celles qui d’Arnold & Willy à Madame est servie, de Huit à la maison à La vie à cinq, nous montraient sous le prisme de la famille les problèmes que notre société engendre et ceux qu’elle a du mal à régler. Il y avait même eu Mariés, deux enfants, cette série caustique qui mettait en scène une parodie de tous ces soaps en prenant le contrepied avec des personnages stupides, radins, libidineux, cruels et irresponsables les uns envers les autres.

Dans toutes ces séries, c’est bien moins la famille elle-même qui est au centre de l’intrigue, qu’une succession de thèmes plus ou moins drôles, plus ou moins graves, plus ou moins moraux. Chaque personnage y était l’occasion de développer des valeurs représentant l’idée de famille à l’américaine.

Et il y a This is Us, dont le pitch de départ est volontairement flou, car le premier épisode est un bijou conditionnant tout le reste de la série, et il est donc impensable de trop le déflorer.

L’histoire entrecroisée de cinq personnages nés le même jour (comme dans Sense8) à travers leurs relations, leurs choix, leur cheminement, leur destin.

Sans trop en dire, on peut tout de même expliquer que la série met en scène le concept de famille de façon magistrale. Tout d’abord avec le montage des scènes, temporellement non linéaire. Les moments se répondent à différentes époques de la vie des personnages, font écho d’une vie à l’autre, et créent une unité (nous vivons tous la même chose) et une diversité (nous y réagissons tous d’une façon différente) en même temps.

Ensuite, c’est une des rares séries familiales de ma connaissance à s’intéresser plus aux relations entre les personnages qu’aux thèmes de société qui les impactent. Les problématiques ne sont pas la drogue, le petit ami, le secret que l’on ne doit pas dévoiler ou que l’on devrait dévoiler, mais bien des problématiques plus universelles : la maladie, la mort, l’adoption, l’identité, l’amour que les membres d’une famille peuvent se porter, leurs rivalités, les incompréhensions. Bref, on entre dans une série américaine, mais dont la pertinence est de ne pas faire l’apologie de la famille américaine. C’est assez rare pour être souligné, et encouragé.

Enfin, la pudeur de This is Us est aussi quelque chose de très rare. Des scènes tout en retenue, des acteurs justes, des dialogues sincères. Sans sensiblerie, sans être puérile ou niaise, This is Us nous entraîne très facilement dans une vie où tout, n’est pas rose, mais où rien n’est non plus tout noir.

En prenant des protagonistes très différents unis par un lien fort n’ayant pas vraiment à voir avec celui du sang, la série fait vivre épisode après épisode l’idée que nous sommes tous embarqués dans une aventure commune qui s’appelle la vie. Cette vie nous offre, à nous tous, plus ou moins de cadeaux, et nous impose, à nous tous, plus ou moins d’épreuves. Et face à tout cela, chacun de nous affronte la réalité avec ses propres armes, ses forces et ses faiblesses, mais surtout avec ce que d’autres avant nous sont parvenus à nous transmettre. L’idée de transmission, d’héritage, est au centre de l’intrigue. Ce peut être un héritage positif, mais aussi un héritage négatif (le poids de Kate, par exemple).

Au fond, c’est plus l’idée d’une famille à l’échelle de l’Humanité qui est déroulée au fil des épisodes, qu’une simple famille américaine, fut-elle de cœur.

Cette idée que génération après génération, l’amour que nous pouvons nous témoigner perdure, s’ancre, se déploie dans la vie des autres.

Pas d’ombre sans lumière

C’est un peu ce que je serais tenté de conclure. Je suis surpris, souvent, par le manque de vision à long terme, d’idéal, de mes contemporains. Sans doute avons-nous trop entendu de fables qui ne se sont jamais réalisées, ou qui ont servi de prétexte à des asservissements. Les idéaux politiques, religieux, ont tous failli à leurs prétentions. Et notre Humanité se trouve bien seule sans utopie à laquelle se raccrocher.

Mais c’est je crois ce qui la fera grandir. Trouver un équilibre entre l’ombre et la lumière qu’elle a en elle. Nous sommes capables du pire, mais aussi du meilleur. Et vouloir occulter ce meilleur sous prétexte de ne pas être naïf ne fait que nous plonger dans une autre naïveté.

Alors, osons être tolérants sans être laxistes, osons être aimants et bienveillants sans tout gober.

Osons l’équilibre. Entre l’écaille & la plume, par exemple.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Premier Contact, le pouvoir des mots

Premier Contact, le pouvoir des mots

Premier Contact, le pouvoir des mots

Le thème du Premier Contact, cette rencontre entre l’espèce humaine et une espèce extra-terrestre, est un fantasme puissant dans l’imaginaire contemporain. Il a donné naissance à quantité de livres et de films plus ou moins réussis, plus ou moins orientés. La plupart ont montré surtout la difficulté de comprendre les intentions de nos éventuels visiteurs en les classant selon deux registres : l’affrontement brutal (Independance Day, Mars Attacks) ou le messianisme dérangeant (Le Jour où la Terre s’arrêta). Même s’il y a eu des tentatives de se situer entre ces deux extrêmes (la saga d’Ender d’Orson Scott Card, ou Babylon 5, ou encore Mass Effect, commencent par exemple avec un malentendu menant à une guerre terrible, puis se muent en une coopération, pour se terminer dans l’utopie), très peu ont essayé de regarder les choses sous un angle un peu différent. Moins nombreuses encore sont les œuvres qui y parviennent avec succès.

Premier Contact (Arrival en version originale) choisit avec élégance de s’attaquer à une facette étonnamment peu développée : celle de la compréhension par le langage d’une espèce non humaine extrêmement évoluée.

 

Un beau jour, au même moment, aux quatre coins du monde, douze vaisseaux étranges apparaissent dans le ciel. C’est l’effervescence. Louise Banks, brillante linguiste américaine, est recrutée par l’armée pour déchiffrer en collaboration avec Ian Donnelly, un physicien réputé, les intentions des voyageurs Aliens qui attendent au-dessus d’une plaine herbeuse d’Arizona. Sous la bienveillante, mais sévère férule du colonel Weber, responsable de l’opération, elle devra défendre son approche raisonnée face notamment aux services secrets ou à d’autres gouvernements.

Ses progrès décisifs vont changer à la fois sa vie, sa perception du monde, mais aussi la texture même de sa réalité, et le cours de l’Histoire humaine.

Au premier abord (attention jeu de mots inside), le film paraît un peu décousu, mais rapidement l’enchaînement étrange des scènes et la confusion qui s’en dégage laissent place à une sorte de poésie.

Et puis, fait inhabituel, les protagonistes principaux ne sont pas des combattants, et ne le deviennent pas non plus. S’ils se battent, ce n’est qu’avec leurs mots, leurs convictions, leurs conceptions du monde, de l’humanité, de notre humanité. Il n’est pas question ici de rayons laser, de destruction du monde. Seulement de l’étrangeté, de l’autre.

Enfin, le film est riche, car il se construit autour de trois idées fortes qui dérangent, passionnent, étonnent.

L’étrangeté devenue familière

Comme dans tout bon film de science-fiction traitant d’extra-terrestres, les êtres venus d’ailleurs sont d’abord entourés de mystère. D’abord physiquement, car on les voit assez tardivement, et lorsqu’on les aperçoit, ce n’est que pour en deviner des formes indistinctes entourées de brume blanchâtre derrière une paroi vitrée qui leur sert autant à se protéger des regards qu’à respirer leur propre mélange gazeux et à permettre aux humains de respirer le leur.

Peu à peu, ils dévoilent des appendices. La conception de leur forme a-t-elle été particulièrement étudiée par l’équipe de réalisation ?

Car ces appendices ressemblent à des tentacules, puis on découvre avec une pointe d’écœurement que ces tentacules s’ouvrent comme des fleurs malsaines. Cette forme est particulièrement utilisée pour représenter des monstres. Le dernier avatar de cette forme-là a été la bête de Stranger Things (dont je vous parlerai peut-être un jour, d’ailleurs) dont la gueule s’ouvre de la même façon.

Mais de façon surprenante, lorsque la fonction de l’appendice en question est dévoilée, il en devient presque banal. C’est en effet grâce à cet appendice que les Heptapodes, selon le nom que leur donne Ian, tracent dans l’air des formes circulaires complexes qui constituent leur langage écrit. Et la beauté des formes circulaires, comme des idéogrammes venus d’une autre planète (et le tracé en a sans doute été pensé de façon à ressembler aux calligraphies chinoises), fait reculer le sentiment d’écœurement.

Lorsqu’enfin, près de la conclusion du film, nous voyons un Heptapode en entier, sa forme fait penser à celle d’un arbre inversé, et on se le représente finalement de façon assez sympathique.

Ce mouvement qui va de la surprise dégoûtée à la surprise bienveillante a-t-il été pensé ? J’aimerais le croire.

Les mots qui formatent l’esprit

Le langage écrit des Heptapodes que déchiffre Louise est non linéaire : il exprime des concepts complexes en un seul signe combinant divers paramètres. Et au fur et à mesure que Louise l’apprend, elle commence à « rêver dans [leur] langue ».

Le film développe là une idée qui m’est chère depuis très longtemps et qui traverse tous mes univers d’écriture, qu’ils soient achevés (Poker d’Étoiles), en passe de l’être (Le Choix des Anges), encore en projet (Rocfou, Sur les genoux d’Isis), ou même d’anciens écrits inachevés (ma saga Tarot, mêlant univers arthurien et époque napoléonienne) : le fait que parler un langage influence la façon de penser, et peut donc façonner en partie la réalité.

C’est d’abord une très sérieuse théorie du langage, assez en vogue, le relativisme linguistique, qui explique que la manière de nommer conforme notre cerveau et donc notre façon de voir le monde. Vous pourrez vous y plonger à travers deux ou trois lectures, comme ici, , ou encore .

Poussée plus loin, cette idée est à la base de la croyance qui mena John Dee, l’occultiste élisabéthain, à construire un pseudo « alphabet angélique », et d’autres à penser que la langue primordiale de l’Humanité, celle parlée avant le mythique épisode de la Tour de Babel, était la langue de Dieu lui-même. On peut même tracer les racines de cette croyance dans la tradition kabbaliste hébraïque, qui donne une valeur mystique intrinsèque à chacune des vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu.

Les kabbalistes croient ainsi qu’en perçant le mystère des textes sacrés, ils pourront saisir le projet de Dieu et gagner une connaissance ineffable, divine.

Cette idée est si séduisante à mon esprit que chacun de mes univers la fait vivre un peu différemment, mais avec toujours la même base : il existe une langue mystérieuse dont les mots, non seulement désignent leur signifiant, le symbolisent, mais l’incarnent même. Ainsi, prononcer ou écrire le mot « feu » dans cette langue donne pouvoir de créer, façonner, éteindre, contrôler le feu lui-même.

Dans Premier Contact, la langue des Heptapodes a cette faculté d’être non linéaire et selon la même idée, la parler signifie voir tous les segments d’une phrase temporelle en une seule fois. Donc embrasser le Temps lui-même en une seule fois.

Et c’est en comprenant la langue des aliens que Louise gagne le pouvoir de s’affranchir des limites temporelles de sa perception humaine. Elle parvient à voir des événements de son futur, d’autres de son passé, d’autres encore de son présent, sans aucun ordre chronologique, mais avec toujours un ordre « dramatique » construit pour le film et son histoire, bien sûr, mais aussi pour souligner sa Destinée et celle de l’Humanité toute entière.

En ce sens, le langage des extra-terrestres en lui-même devient déjà un cadeau qu’ils font à l’Humanité : « parlez notre langue et vous serez capable de gagner en sagesse et en connaissance ».

Le Temps et le Destin

Mais s’affranchir du Temps et de son déroulement à sens unique (sa flèche, comme disent les astrophysiciens) n’est pas paradoxalement synonyme de s’affranchir du Destin. C’est en effet en voyant son futur que Louise comprend qu’elle doit accomplir certains actes afin de mener à bien son rôle d’intermédiaire entre les Heptapodes et l’Humanité.

Tout se passe comme si en se libérant de la flèche du Temps, elle s’enferrait plus encore dans la chaîne des causalités. Ironie et paradoxe, c’est en s’affranchissant du Temps que l’on devient esclave du Destin.

On me rétorquera, comme l’a fait quelqu’un qui m’est cher, que Louise, sachant ce que sera son futur (douloureux, mais aussi rempli de bonheurs), sachant ce qu’elle pourrait vivre et ce qu’elle devrait subir comme conséquences à tous ces bonheurs, choisit de tout de même accomplir l’acte qui va la mettre sur le chemin de son destin. Une phrase du film soutient cette interprétation, lorsqu’elle dit à Ian qu’elle est prête à vivre ce qu’elle doit vivre.

On peut donc penser que c’est un véritable choix qu’elle fait, et que d’autres chemins auraient pu s’ouvrir à elle, malgré les visions incessantes de son futur tout au long du film. Ce ne seraient que des visions d’un avenir possible parmi une infinité d’autres.

Une interprétation assez intéressante qui n’a pas de soutien dans le film, mais que l’on peut choisir de suivre.

C’est d’ailleurs un peu ce qui arrive à mon héros, Armand dans Le Choix des Anges : il peut voir se dessiner des lignes d’avenir différentes suivant les choix que décident de faire les personnages qui croisent sa route.

Vous comprenez maintenant pourquoi Premier Contact m’a vraiment parlé ?

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Arès, hommage dystopique de la « french touch »

Arès, hommage dystopique de la « french touch »

Arès, hommage dystopique de la « french touch »

Il y a peu, je râlais (il n’y a pas d’autre mot) contre les réalisateurs français et leur manque de sérieux dans la production de leurs films.

Ironie de l’existence, j’ai vu avec plaisir Arès, un film français d’anticipation dystopique, dont la qualité vient en contrepoint parfait des trois exemples que je prenais dans mon précédent article, tant le soin apporté à de nombreux aspects me semble dénoter. En forme d’hommage à la référence anglo-saxonne du genre qu’est Blade Runner (dont une suite sera bientôt sur les écrans, d’ailleurs), Arès apporte cependant une vision un peu différente en se concentrant sur le destin d’un personnage égoïste dont la seule préoccupation est de survivre. Et c’est en cela que sa trajectoire tout au long de l’intrigue est assez originale pour un protagoniste principal.

 

Arès (alias Reda) est un ancien champion de l’Arena, un sport de combat qui fait s’affronter pour le plaisir et l’abrutissement des masses des gladiateurs aux poings nus, sans aucune règle ni aucune limite. Au contraire, même, puisque la compétition est le terrain d’expérimentation de drogues de combat produites par de puissants conglomérats financiers et industriels qui ont remplacé le gouvernement en France, pays gangréné par le chômage de masse, la pauvreté, les bidonvilles, et la violence.

Reda est un survivant, dont le regard sur la société est sans aucune illusion, presque cynique. Il n’a de loyauté qu’envers sa famille. Sa sœur, idéaliste militante d’une ONG qui dénonce la mainmise des conglomérats sur la société. Ses nièces Anouk l’adolescente rebelle engagée dans le militantisme plus violent dans une organisation subversive, et Anna l’innocente et attachante enfant.

Lorsque la société Donevia trouve une nouvelle drogue de combat létale pour tous ceux qui l’ont testée sauf pour Reda, son coach propose au gladiateur de remonter sur le ring en haut de l’affiche, lui faisant miroiter la gloire et la fortune, à lui l’ancien champion raté. Reda va alors devoir redevenir Arès, non pas pour l’argent lui-même, mais pour libérer sa sœur emprisonnée à tort par malveillance. Aidé par son amante, une policière aux fréquentations douteuses, par un ami de sa sœur membre d’une organisation rebelle armée, et par son voisin transsexuel Myosotis, il va entamer une nouvelle carrière. Mais le ring n’est pas le plus grand danger qu’il va devoir affronter, car la véritable arène se trouve plus dans les rues, dans les salons feutrés des boards qui dirigent les conglomérats, dans les alcôves où les trahisons sont la règle de la survie, qu’en face des caméras, des publicités et du divertissement de masse.

Arès est une excellente surprise tout d’abord par sa réalisation, soignée et crédible.

La fameuse « qualité d’image » made in France, celle qui fait reconnaître une production hexagonale au premier coup d’œil par l’excessive banalité de sa texture, fait place à une photographie très étudiée qui mélange les couleurs ternes et blafardes, qui projette vraiment dans la réalité de cette époque fantasmée où la pauvreté ronge la population et les cœurs. La référence à Blade Runner est assumée et bien endossée : néons, imperméables longs, boue, pluie, omniprésence de la nuit, et les « aréneurs » qui font vraiment penser aux « répliquants » du glorieux ancêtre.

Ensuite, l’interprétation est crédible. Arès est parfaitement incarné par Ola Rapace, et jusqu’au plus petit rôle, chacun et chacune est dirigé de façon à ce que l’univers devienne réaliste. Aucune faute de goût sur le casting, un engagement parfois très physique. Les dialogues sont justes, même si on aurait aimé plus de truculence dans leur écriture. Le tout est efficace, et fait honneur aux multiples références du genre tout en préservant un côté décalé que j’ai trouvé particulièrement réussi avec le personnage de Myosotis, dont la caricature (un univers dystopique appelle forcément la caricature) n’est pas gratuite et sert à montrer comment la « déviance » peut être parfois la seule façon saine de vivre dans un environnement lui-même déviant.

Le combattant, image du résistant

Prendre un gladiateur cynique comme héros principal est inhabituel dans les œuvres dystopiques, mais pas inédit. On se rappelle de Running Man, avec Arnold Schwarzenneger en 1987, dont le rôle, plus caricatural encore, était plus ou moins basé sur ce modèle.

En prenant comme point de vue un personnage dont la survie est le principal moteur, on entre de plain-pied dans la dureté et l’âpreté de l’univers. Seuls les forts survivent, en se battant et en éliminant leurs adversaires. Ils doivent pour cela faire des compromis : prendre des drogues, accepter de considérer leur adversaire comme un obstacle, développer leur agressivité. Et pactiser avec plus fort qu’eux pour ne pas se faire broyer eux-mêmes. Dans ces univers, les plus forts ce sont ceux qui ont le plus urgent et le moins de scrupules. Ceux qui siègent aux boards des grandes sociétés multinationales, mais aussi ceux qui sont prêts à trahir les leurs pour grailler un peu de ce pouvoir. Les petits malfrats, mais aussi les « lâches du quotidien », ceux qui dénoncent, qui manipulent, qui vendent leur âme.

Et pourtant, Reda qui commence comme un solitaire désabusé intéressé par sa seule survie devient peu à peu une figure de résistance, un véritable héros : il transcende ses propres limites pour des valeurs plus hautes que lui. Il prend conscience que sa force peut aussi servir à protéger les plus faibles que lui, à combattre non pas seulement pour lui, mais aussi pour ceux qu’il aime, puis aussi plus tard, pour tous les autres. En se jetant dans l’arène, Arès se sacrifie. Il accepte de prendre les risques insensés de la nouvelle drogue de combat. Il accepte de gagner, de perdre. Il accepte d’être pourchassé, voué aux gémonies. Il accepte d’affronter son destin. En toute connaissance de cause. Et il met sa force au service de ce qui le grandit.

Il devient même un symbole. Le combattant qui a refusé de se soumettre. L’image est forte depuis l’exemple de Spartacus dans la Rome antique, qui est utilisée dans Arès.

La vision cyberpunk

Les choix d’univers dans Arès classent d’emblée le film dans le courant cyberpunk, qui a fleuri dans les années 1980-1990 avec l’avènement de la pensée de l’hybridation homme-machine, des dérives du capitalisme globalisé, la faiblesse des gouvernements face à l’argent, la corruption organisée en valeur au cœur de la société, le divertissement de masse comme propagande et contrôle du peuple par les classes dirigeantes. Et si cela vous rappelle quelque chose (par exemple notre propre époque), vous n’auriez peut-être pas tout à fait tort.

En même temps, ce courant littéraire et cinématographique fait la part belle aux héros « à hauteur humaine ». À ceux qui vivent suivant des valeurs morales et éthiques à contre-courant de toute cette crasse. Un peu à la manière du Noir des années 40 et 50, les intrigues sont des intrigues personnelles et la fin n’est pas forcément heureuse. Mais elle éclaire l’âme de ceux qui résistent, même s’ils se font écraser à la fin.

Arès est moins désespéré, moins pessimiste, que les canons du genre cyberpunk classique, cependant. Il mêle un peu de cette fin de Trepallium que j’aurais aimé voir dans la série dont je vous parlais il y a quelque temps, même s’il se concentre moins sur les mécanismes qui tournent autour du travail et de l’argent qu’autour des valeurs de vie et du sacrifice que l’on peut consentir pour elles.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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