Jonathan Strange & Mr Norrell, du roman à la série

Jonathan Strange & Mr Norrell, du roman à la série

Jonathan Strange & Mr Norrell, du roman à la série

J’ai découvert le roman de Susanna ClarkeJonathan Strange & Mr Norrell, en 2006 ou 2007, grâce à ma petite sœur, qui m’offrit le livre conséquent de l’édition noire (oui, il y avait deux couvertures possibles, l’une noire avec tranche des pages de la même couleur et titre en blanc, l’autre blanche avec le titre en noir), et j’ai tout de suite été conquis.

La forme était déjà très singulière : l’histoire est écrite dans le style des romans anglais bourgeois du XIXe siècle, à la manière de Jane Austen, ou de Charles Dickens. Ce mélange très british de description psychologique, d’action lente, de considérations politiques et morales, était déjà inhabituel dans un roman historique contemporain. L’immersion s’en trouvait étrangement facilitée, malgré la lourdeur et la lenteur inhérentes à cette façon d’écrire dont nous sommes aux antipodes depuis que la littérature « fantastique » au sens large s’est inspirée des codes modernes du cinéma, de ses phrases courtes et percutantes, de ses « mouvements de caméra » et autres artifices visuels.

Ici, l’écriture est un peu alambiquée, les tournures volontairement archaïques, la vision du narrateur volontairement partiale. On se glisse parfaitement dans la façon de penser un peu étriquée de la haute bourgeoisie et de la noblesse britannique, voire même anglaise tout court, tant il est question de l’Angleterre, et non du Pays de Galles ou de l’Écosse. On sourit malicieusement aux conventions sociales passéistes, très bien retranscrites. On a plaisir à voir le monde avec les préjugés de l’époque. On frémit, aussi, de comprendre la vision raciale marquée de bienveillante condescendance qui avait cours alors en suivant le parcours du domestique noir Stephen Black, qui deviendra « l’esclave sans nom » au cours du récit.

Et pourtant le plus intéressant n’est pas la forme de l’écrit, mais bien le fond et l’univers que déploie Susanna Clarke tout au long des 843 pages de son récit.
Car il ne s’agit pas seulement d’une très bonne reconstitution de l’époque des Guerres napoléoniennes vue du côté anglais, avec sa société georgienne déjà pétrie des certitudes et de la morgue qui feront la puissance de l’Empire Britannique sous Victoria quelques dizaines d’années plus tard.
Non, il s’agit bien d’une uchronie construite non seulement à travers le récit lui-même, mais aussi tout au long des centaines de notes de bas de page insérées par l’auteur pour expliciter ou développer tel ou tel point de son univers, à la manière là encore des écrivains du XIXe siècle, aussi bien anglais que français (Jules Verne en était un adepte forcené, lui aussi).
Et le génie de cette uchronie est d’être si bien ajustée aux événements réels que la vraisemblance s’impose d’elle-même, malgré la distorsion fantastique des changements opérés.

Tout commence lorsque Mr Gilbert Norrell, honorable bourgeois de la région d’York, dans le nord de l’Angleterre, décide un beau jour de remettre à l’honneur la pratique de la magie dite « anglaise », abandonnée 300 ans plus tôt, car apparemment décrétée trop dangereuse. Se déclarant seul magicien praticien d’Angleterre, il débute par un coup d’éclat qui fera sa célébrité : il donne vie aux statues gothiques de la cathédrale d’York, sous les yeux médusés des magiciens « théoriciens » qu’il tient en si piètre estime.

Dès lors, il se destine à rendre la magie anglaise « honorable » et « respectable », loin des « maléfices » souvent attachés aux anciens magiciens héritiers du plus puissant d’entre eux, le fameux Roi Corbeau qui aurait régné dans le nord de l’Angleterre grâce à un pouvoir magique sans limites ou presque et à son alliance avec les êtres Fées.

Rapidement, les prodiges de Norrell lui attachent des hommes sans scrupules (Lascelles et Drawlight), mais aussi l’intérêt du gouvernement anglais, aux prises alors avec Napoléon et son expansion irrésistible sur le continent européen. Sir Walter Pole, politicien influent, va utiliser ses talents pour combattre le Blocus Continental mis en place par l’Empereur des Français contre les îles britanniques.

Mais ce sont deux autres magiciens qui vont changer le destin de Mr Norrell.
Jonathan Strange, tout d’abord. Un bourgeois oisif qui, sous l’influence de sa femme Arabella, intelligente et inspiratrice, va se lancer à corps perdu dans l’étude de la magie et va devenir le seul élève de Norrell. Il sera si prometteur qu’il prendra bien vite des voies différentes, si ce n’est opposées, de son illustre maître. Il en sera pour cela à la fois reconnu (il participera sur le champ de bataille à la guerre contre Napoléon, permettant aux anglais de remporter de nombreuses victoires tant dans la guerre d’Espagne que lors de la bataille décisive de Waterloo), et détesté (il sera accusé de sédition et jalousé par son maître qui le verra avec horreur se tourner vers les anciennes formes de magie, plus puissantes et plus sauvages que celles, respectables, qu’entend développer Mr Norrell).
Et le Gentleman aux Cheveux comme du Duvet de Chardon, un être Fée invoqué par mégarde par Norrell lors d’une tentative désespérée de rendre la vie à l’épouse décédée de Sir Walter Pole, base de toute l’histoire racontée dans le livre.

Ce sont les relations entre Norrell et Strange qui structurent le récit. Leur amitié, leur opposition, leur affrontement, leur réunion, content les deux visages de toute grande collaboration : l’admiration réciproque qu’ils éprouvent l’un pour l’autre n’a d’égale que le différend fondamental qui deviendra leur pomme de discorde. L’un désire retrouver la grandeur des mages d’autrefois et rendre à l’Angleterre son Enchantement, quand l’autre veut à tout prix éviter de répéter les mêmes erreurs que ses prédécesseurs en ostracisant la part la plus puissante de la magie : les êtres Fées.

Et c’est là le deuxième axe, le plus intéressant pour quelqu’un qui a baigné comme moi toute sa vie dans les mythes, les légendes des Sidhe et les contes celtes : la relation des deux magiciens envers la source de la magie que sont les Fées, et les conséquences qu’aura leur « invocation » du Gentleman aux Cheveux comme du Duvet de Chardon.

Susanna Clarke reprend avec intelligence les caractéristiques attribuées depuis des siècles à ces êtres inhumains : leur amoralité, leur obsession du jeu, leur égocentrisme, leurs interdits (les fameux geiss celtes), leur puissance magique et leur frivolité. Les Danses Féériques dans lesquelles les Humains sont entraînés pour leur plus grande perte. Les maléfices ou les bénéfices que peuvent engendrer les marchés passés avec ces créatures. Les subtilités et les règles que l’on doit suivre pour marchander avec eux et ne pas se retrouver pris au piège de leurs intérêts incompréhensibles.

Le roman, donc, était une sacrée découverte, d’une richesse foisonnante, bien plus encore que mon rapide résumé ne peut laisser entendre.

Quelques cartes du jeu de tarot créé par la BBC pour la promotion de la série.
Elles font écho au jeu de tarot que Childermass utilise tout au long des sept épisodes.

J’en ai même un temps voulu faire une adaptation en court-métrage de quelques scènes marquantes : celle de Strange expérimentant la folie à Venise, ou bien celle qui lui permit de comprendre la folie du Roi George.
Mais bien entendu, les moyens nécessaires à la réalisation étaient bien au-delà de ceux que je pouvais réunir, même après la production d’Ultima Necat.

Et cependant, d’autres avaient eu la même idée que moi, et les droits cinématographiques allèrent d’un studio à l’autre pendant si longtemps que l’on perdit l’espoir de voir un jour l’histoire portée à l’écran.

Si bien que lorsque j’entendis parler de la minisérie de la BBC, mon sang ne fit qu’un tour.

Les sept épisodes furent un véritable délice.
L’adaptation est réussie, dans tous les domaines.

Non seulement l’univers du roman est crédible à l’écran, non seulement l’ambiance est bien rendue, mais aussi le casting est choisi avec soin, et surtout le passage de l’écrit suranné à l’image cinématographique moderne est une grande, une splendide prouesse, qui permet de rendre honneur à toutes les petites notes de bas de page que Susanna Clarke avait si bien posée comme des cailloux dans un jeu de piste à travers ses 800 pages.

Les moyens mis sur le projet sont conséquents. Les effets spéciaux crédibles. La reconstitution des costumes, des décors, sans tâche. La réalisation et le soin porté à la lumière rendent hommage à l’ambiance à la fois sombre et flamboyante de l’histoire en la transposant vers un autre média sans la dénaturer.

Enfin, et surtout, les changements opérés dans la trame sont si bien intégrés qu’ils en deviennent invisibles ou lorsqu’ils apparaissent, c’est pour le meilleur.

Ainsi, Strange change un peu de caractère, en devenant plus amoureux de sa femme que passionné par son art magique, au contraire de son double d’encre et de papier, plus dévoré d’ambition, au moins jusqu’à ce qu’il comprenne le tour que lui a joué le garçon féérique. Son destin final en est par contre un peu moins tragique, le désintéressement altruiste dont il fera preuve perdant en force à cause du manque de l’antipathie que l’on pouvait ressentir pour lui dans la lecture du roman.

Ainsi, Norrell devient moins monolithique et plus ambigu dans sa façon de considérer son pupille et rival.

Ainsi, Childermass, le fidèle serviteur de Norrell, devient-il plus consistant et plus trouble que jamais, et sa relation à son maître se teinte-t-elle d’une plus grande ambiguïté, de même que son rapport à la magie.

Ainsi, Arabella Strange comme Lady Pole deviennent-elles plus combatives.

Ainsi, la présence de Lord Byron devient-elle si accessoire que le personnage en est juste évoqué dans un dialogue obscur entre Flora Greysteel et son père.

Et s’il est juste que ce soient des Anglais qui aient finalement adapté le roman de la renaissance de la magie anglaise, force également est de constater que l’art des séries made in britain n’a vraiment rien à envier à son cousin des Treize Colonies.

Pour vous en convaincre, un petit trailer ?

Et pour conclure : cette histoire et son univers si fouillé ne feraient-ils pas une excellente campagne de jeu de rôle ?

Tous les ingrédients y semblent réunis : un cadre historique peu souvent exploré, des personnages hauts en couleur, une magie puissante, mais cadrée, des opposants mystérieux, des factions diverses à incarner dans le groupe de héros (probablement tous des magiciens pour que cela soit intéressant).

Je songe à proposer, lorsque le temps redeviendra une denrée moins rare, l’idée à mes compagnons de jeu.

Il ne resterait qu’à trouver un système adéquat.

Je pense à FATE

L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman

L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman

L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman

Les artistes qui ont la capacité de garder en eux leur enfance jusqu’à la réintroduire de façon crédible et réussie dans leur œuvre sont peu nombreux, finalement. Le cinéma a Tim Burton. La littérature fantastique a Neil Gaiman.

Si c’est le film d’animation 3D tiré de son livre, Coraline, qui a fait connaître au grand public français son univers si personnel mêlant conte pour enfants, merveilleux et fantastique, l’homme était déjà un maître dans l’art de décrire le basculement du réel avec Neverwhere, pour ne citer que le plus connu de ses romans. Il est aussi un monument dans l’univers des comics avec ses séries Sandman et Death. Il est le coauteur, avec le regretté Terry Pratchett, de l’excellent De bons présages (Good Omens en anglais), où son don pour le fantastique se conjuguait avec celui du démiurge du Disque-Monde pour la dérision en une parfaite relecture de l’Apocalypse.

D’ailleurs, si vous avez suivit mes précédentes explorations des thèmes bibliques au cinéma (ici ou ici plus récemment) ou en série, précipitez-vous sur Good Omens, qui est la quintessence de ce qui s’est fait de mieux dans le genre : un ange et un démon sont obligés de collaborer pour retrouver l’Antéchrist, malencontreusement perdu puisqu’échangé dans une maternité à la naissance.

Avec son dernier ouvrage, L’océan au bout du chemin, Neil Gaiman renoue avec Neverwhere où il était question de mythes arthuriens, puisqu’il nous entraîne dans une version moderne du vieux thème des Sidhe celtes et du passage vers un autre monde dans la plus pure tradition gaélique ou galloise. Mais cette fois-ci, c’est un enfant qui découvre ce qui se cache derrière la réalité.

Le pitch : alors qu’il revient d’un enterrement, le narrateur se retrouve presque malgré lui dans le village où il vécut enfant, et se remémore un épisode fondateur, quand sa voisine, la très jeune et très vieille Lettie Hempstock, lui révéla que la mare dans la ferme au bout du chemin était en fait un véritable océan.

La couverture de l'édition française parue Au Diable Vauvert

La couverture de l’édition française parue Au Diable Vauvert

Ce point de départ ouvre un texte assez court, mais profondément marquant par la simplicité de l’écriture et sa puissance d’évocation. Je ne sais si la version française de Patrick Marcel a amplifié ce sentiment, mais la lecture est à la fois fluide et « absorbante ». La langue est volontairement enfantine, les phrases sont simples, sans fioritures. Et c’est justement ce qui provoque la puissance des images, des sons, des odeurs, même. En juxtaposant dans un même souffle et une même phrase une idée réelle et un événement fantastique, Neil Gaiman fait entrer le rêve (ou le cauchemar) dans la texture même du récit, et ce faisant dans le tissu même du monde vu par son héros.
C’est donc peu de dire que l’écriture y est finement ciselée, précisément pensée, et pourtant d’une fluidité désarmante, avec un caractère enfantin parfaitement rendu.

Et pourtant, ce n’est pas la seule qualité de ce voyage.

Car c’est surtout en revisitant nombre de principes des vieux contes celtes qu’il parvient à nous entraîner.

Les lecteurs anglo-saxons y auront peut-être été plus sensibles que nous, qui avons perdu beaucoup de cette tradition et de ces motifs narratifs.

Pourtant, c’est bien à la triple Déesse celte que les trois femmes de la famille Hempstock font pour moi référence. Lettie comme figure de la Vierge printanière, sa mère Ginnie comme celle de la Mère Universelle, et la Vieille Madame Hempstock, la grand-mère, comme celle de la « Crone », la Vieille Femme aux pouvoirs mystérieux, un peu sèche et cruelle qui a vécu le passage du temps et a acquis la sagesse que donne la proximité de la mort.

C’est bien au vieux principe de la magie celte faite d’illusions, le Glamour (ça ne vous rappelle rien ?), que les trois femmes Hempstock font appel à plusieurs reprises pour cacher la véritable nature des choses aux simples Mortels, depuis la configuration de leur maison, les phases de la lune, les vêtements prêtés au narrateur, jusqu’à leur propre apparence.

C’est bien aux animaux psychopompes de Morrigan, les corbeaux, que Neil Gaiman fait appel pour matérialiser les entités qui nettoient le réel des créatures qui n’ont pas le droit d’y séjourner.

Pour qui est familier des contes irlandais, ou des vieux mythes préarthuriens, le mélange apparaît comme familier et très moderne à la fois.

Car Neil Gaiman y insère ses propres créations. Je pense surtout à Ursula Monkton, et à l’obsession de l’auteur pour les êtres nées de l’assemblage de tissus, de boutons et de chiffons. On y retrouve l’imaginaire de Coraline.
Le thème même du récit : un enfant confronté à ce que les adultes ne peuvent ou ne veulent voir, prolonge cette parenté avec le film d’animation.

https://youtu.be/XvCdAEF2rOU

Pourtant le livre va plus loin, et les dernières pages sont encore plus belles, qui nous livrent une certaine philosophie de l’enfance et des souvenirs que les adultes en gardent, de la vie, du recommencement, du rêve et du réel.

À n’en pas douter, L’océan au bout du chemin est une petite perle de poésie.

eBook design : ma quête d’identité

eBook design : ma quête d’identité

eBook design : ma quête d’identité

J’ai actuellement plusieurs projets littéraires en maturation, et s’ils avancent lentement, c’est aussi parce que je prends le temps de m’interroger sur des aspects qui normalement ne sont pensés qu’après l’écriture.

Dans un continuum espace-temps classique, l’auteur écrit son manuscrit, puis l’éditeur conçoit l’ouvrage qui portera ces écrits. Dans mon cas, puisque le projet est de devenir mon propre éditeur (je vous renvoie ici pour les multiples raisons qui m’animent, et encore là, ou bien là, pour comprendre comment avec ma série de billets sur le format ePub3), je dois apprendre beaucoup de choses également. Et ma nature impatiente me conduit à m’intéresser à des aspects de la chaîne de publication avant même d’avoir terminé les corrections d’écriture.

Pour ma défense, je dois dire que le plaisir de la lecture a toujours été chez moi indissociable d’une certaine forme de plaisir esthétique devant l’objet livre, plaisir que je cherche à renouveler (puisqu’il n’est évidemment pas possible de le dupliquer) dans l’optique de ne publier que des livres électroniques.

En effet, je suis incapable de me satisfaire de mon écriture sans qu’elle ne prenne une forme qui soit esthétiquement agréable pour mon propre regard. Ainsi, j’abhorre les brouillons, moi qui suis si notoirement le roi des ratures. Je ne peux pas me mettre à écrire si je n’ai pas trouvé une police de caractères qui me plaise, alors que mon écriture manuscrite est, au mieux, digne d’un sismographe qui aurait été abreuvé d’incunables du XVe siècle en guise de données.

Alors, oui, je songe à la forme que prendra mon ouvrage une fois achevé, et cela veut dire beaucoup de choses…

Je me suis ainsi senti un peu « orphelin » de mon plaisir de lecture en me mettant à dévorer sur tablette. Comme si une partie de mon plaisir était gâchée par la tablette. Cette impression m’avait déjà effleuré avec certains livres physiques, lorsque les caractères étaient mal choisis, lorsque les pages étaient mal découpées, lorsque l’encre était de mauvaise qualité.
J’ai fini par comprendre comment retrouver l’impression de lire un livre : en soignant la forme, en donnant du caractère à l’ouvrage.

Puisqu’il n’est évidemment pas question de reproduire l’odeur du papier sur un support numérique, il faut s’attacher essentiellement à l’apparence visuelle du livre.

Je crois que je ne serai satisfait de ma production que si je lui donne une identité visuelle forte, quelque chose qui pourrait en faire un objet singulier : un Livre, comme ceux dont on s’émerveille de la couverture, de la texture du papier, de l’odeur, comme ceux que l’on feuillette avant de les acheter, ceux que l’on aimerait posséder pour le lire, mais aussi pour l’admirer. Les très vieux ouvrages ont souvent ces qualités-là, ou les premières éditions d’une œuvre. Même certains livres de poche peuvent acquérir ces qualités, avec le temps.

Mais comment réaliser cela avec juste de la programmation ?

J’ai alors été influencé dans mes recherches par quelqu’un qui semble penser la même chose que moi, puisqu’il se définit comme « ebook designer » : Jiminy Panoz.

J’étais à la recherche d’une façon de concevoir un livre numérique qui ne soit pas un simple fichier texte, fut-il rendu « fluide » par la magie de l’ePub3. Et Jiminy Panoz parle à la fois d’harmonie de mise en page, et d’accessibilité du livre, mais également d’esthétique.

Je crois donc aujourd’hui que s’il faut porter une attention particulière à la fonte que l’on va utiliser pour la présentation du livre, ou à la couverture – cependant tout le monde sait cela maintenant –, mais aussi à la mise en page du livre, à l’harmonie des interlignes, et à certaines parties qui me semblent délaissées dans la production numérique actuelle : la page de titre (différente de la couverture), la page de sommaire, et les titres de chapitres.

La théorie

Je vais détailler un peu mon propos en vous montrant mon évolution sur une petite année, depuis les premiers concepts sur le livre que j’ai conçu pour l’expérience cinématographique d’Ultima Necat jusqu’à aujourd’hui et mes projets pour Le Choix des Anges, Fée du Logis, Rocfou, ou Sur les genoux d’Isis.

La page de titre

Au fond, quel est le rôle de la page de titre ?

Outre qu’elle doit contenir légalement les mentions de droit d’auteur et les crédits, l’ISBN notamment, je crois que son rôle essentiel est de donner l’identité visuelle du livre. Et comme le livre numérique n’a plus de quatrième de couverture, il me semble important d’y présenter l’auteur, ou du moins d’y insérer un lien, même discret, vers son travail.

Le lecteur veut avant tout lire son texte, mais il n’est pas interdit de lui faire connaître l’auteur. La plupart des gens vous conseilleront de mettre la biographie de l’auteur et sa bibliographie éventuelle à la fin du fichier numérique, afin de ne pas rebuter le lecteur et de le laisser s’immerger dans le texte dès le départ. J’avoue ne pas être à l’aise avec cette façon de faire. Ainsi, comme lecteur de livres papier, j’ai l’habitude de consulter d’abord la quatrième de couverture pour avoir un pitch de l’ouvrage et un aperçu de l’identité de l’auteur, AVANT de lire le livre.

Premier concept de page de titre d'eBook

Premier concept de page de titre d’eBook

Pour un livre numérique, le pitch sera la plupart du temps présenté avant l’achat du livre, sur la plateforme choisie, et il n’est donc pas absolument nécessaire de l’intégrer dans le livre lui-même, bien que, vous le verrez, j’ai aussi un argument pour cela.

Par contre, que ce soit sur Amazon Kindle, sur Kobo, la Fnac, l’iBookstore ou d’autres plateformes, vous ne trouverez pas de biographie de l’auteur (à quelques exceptions près, si vous achetez le livre par exemple directement sur la plateforme numérique de l’éditeur de l’ouvrage, qui généralement soigne la présentation de ses auteurs).

Il me semble donc absolument indispensable d’intégrer une biographie voire une bibliographie dans le livre. Mais où ?

Ennuyer le lecteur avec un CV n’est pas le but de la chose. Mais en même temps il doit voir à qui il a faire. Cela tombe bien, nous sommes dans le numérique, donc servons-nous des liens hypertexte. Un lien peut donc pointer vers le site de l’auteur, vers une page Wikipedia, voire l’Encyclopédie Britannica si vous le voulez. Il n’y a pas de limites.

Mais on peut aller plus loin, et se servir des techniques de design issues du web : une fenêtre modale, par exemple, peut apparaître si l’on clique sur le lien, et montrer la biographie et la bibliographie de l’auteur à qui veut les lire. On ne force pas la main du lecteur, et on conçoit un objet qui n’est pas seulement un flux de données linéaire.

La page de sommaire

Son rôle est bien sûr de faciliter le repérage du lecteur dans l’ouvrage, mais avec l’avènement du numérique, la « table des matières », ou « table of content » comme disent les anglophones, sert aussi à naviguer dans le corps du texte afin de reprendre la lecture à un endroit précis, d’y revenir plus tard, en aidant les marques-page intégrés dans l’application de lecture. Le flux d’un livre numérique a en effet ceci de radicalement différent d’un livre papier : la recherche et la navigation sont possibles instantanément.

Hélas, bien souvent la table des matières des livres numériques est une bête liste de liens hypertexte non stylisée, un peu comme nous en avions dans les débuts de l’internet grand public. Mais si, souvenez-vous des sites du temps où nous surfions avec Netscape Navigator ! Des pages blanches avec des tonnes de liens qui demandaient presque autant de temps à parcourir que s’ils étaient imprimés sur du papier.

Pour ceux qui n'auraient pas connu cette période de l'Internet...

Pour ceux qui n’auraient pas connu cette période de l’Internet…

De nos jours, l’ergonomie du web a tant progressé ! Pourquoi ne pas s’en inspirer pour les pages de sommaire de nos livres numériques ?

Concept dessiné de table des matières

Concept dessiné de table des matières

C’est d’ailleurs là que je mettrais le pitch du livre.
Je vous avais dit que j’avais un argument pour l’y glisser tout de même dans l’ouvrage.
Il suffit de voir un peu plus loin que les années 2010. Que deviendra votre livre numérique lorsque vous ne serez plus là ? Si nous avons de la chance, les DRM auront été abolis, et ni Apple ni Amazon, ni Kobo ne seront propriétaires de vos ouvrages achetés, ni ne pourront les détruire à distance. Je prends donc le pari que vous aurez accumulé une bibliothèque de livres numériques conséquente, que vous pourrez léguer à quelqu’un.
Et ce quelqu’un pourrait avoir envie de les lire, vos livres, comme nous l’avons tous fait avec les livres que nous avons hérités de nos grands-parents, voire de nos parents.
Ne serait-il pas opportun qu’un pitch de l’ouvrage soit facilement accessible dans ce dernier ?

table des matières dans Ultima Necat, de l'idée à la réalisation

table des matières dans Ultima Necat, de l’idée à la réalisation

En fait, philosophiquement, je vois le livre numérique comme un objet pérenne (autant qu’il puisse l’être sans support physique, mais même les livres papier sont parfois détruits par les incendies, les inondations ou perdus tout simplement), et non comme une œuvre seulement disponible en streaming. Un véritable livre, pour moi, se conserve.

Les titres de chapitre

L’identité visuelle passe aussi par les changements de chapitre. Les mises en page actuelles sont très classiques dans le numérique, alors que dans l’édition papier, les maquettistes osent certaines audaces intéressantes, même pour de la fiction. Des enluminures, une mise en page graphique, bref, quelque chose qui met le lecteur dans l’ambiance de votre ouvrage. C’est à mon avis aussi important que le choix de la fonte ou de vos interlignes.

Des enluminures, mais, peut-être, pas à ce point-là en numérique...

Des enluminures, mais, peut-être, pas à ce point-là en numérique…

Hélas, ces théories sont souvent mises à mal par les applications de lecture numérique qui, toutes, absolument toutes, contiennent des bugs qui les empêchent de coller aux standards d’affichage de l’ePub tels qu’ils sont sensés être définis par le consortium IDPF.

La pratique : mes essais

Aussi ai-je rabattu de ma superbe, car mes belles idées se sont souvent heurtées à l’impossibilité technique d’être réalisées ne serait-ce que dans iBooks.

Mes premières idées de fenêtres modales ont été un tel cauchemar entre l’implémentation du JavaScript dans l’ePub et l’impossibilité de déterminer comment chaque application de lecture définissait son espace d’écran alloué au texte, que j’ai fini par les abandonner, alors que dans un navigateur internet tout fonctionnait à merveille. Et, franchement, ça avait de la gueule !

Le simple fait de penser une boîte de texte délimitée ou il serait nécessaire de faire défiler le texte pour qu’il soit complètement lu (un overflow pour ceux qui connaissent le code CSS3) afin d’y insérer la biographie de l’auteur s’est heurté à de nombreux bugs dans toutes les applications autres qu’iBooks, qui se comportait normalement.

Je ne vous raconte même pas le cauchemar des essais d’export en kf8, le format de Kindle qui ressemble à l’ePub3 : toute ma mise en page était à refaire…

Mes solutions actuelles sont de revenir à plus de simplicité sans pour autant abandonner les principes que je vous présentais plus haut. Les recherches de Jiminy Panoz sont venues là encore à mon secours, puisque son boilerplate min+, une sorte de gabarit de mise en page, explore en effet des possibilités de design qui m’ont bien inspiré.

Comment je vois le fonctionnement de mes pages de titre

Comment je vois le fonctionnement de mes pages de titre

Ainsi, la page de titre comporte-t-elle des liens vers la biographie et la bibliographie, dans le livre, mais dans un fichier qui sera non linéaire, c’est-à-dire qu’il ne fera pas obligatoirement partie de la séquence de lecture du texte. Il faudra cliquer pour découvrir. Les applications de lecture gèrent généralement bien les fichiers non linéaires, et leur mise en page peut-être plus simple que dans une fenêtre modale. La page de titre renvoie aussi vers mon site (oui, celui sur lequel vous êtes…) via le logo d’écaille & de plume du dragon et du phœnix, et vers la page de sommaire avec un détail de l’image de couverture.

Mon concept actuel de page de titre, non codé pour le moment...

Mon concept actuel de page de titre, non codé pour le moment…

La page de sommaire, elle, présente une table des matières plus graphique sans être complètement délirante, avec un pitch du récit pour servir de quatrième de couverture.

Concept actuel de table des matières, non codé pour le moment...

Concept actuel de table des matières, non codé pour le moment…

Enfin, l’intégration des réseaux sociaux est possible, de manière à laisser au lecteur l’opportunité de commenter sa lecture sur Goodreads, notamment.

Concept actuel de page de biographie et de bibliographie

Concept actuel de page de biographie et de bibliographie

Et vous, vous le voyez comment, le livre numérique qu’on a envie de garder ?

Créer un livre électronique au format epub3, partie 1 : structurer son texte

Créer un livre électronique au format epub3, partie 1 : structurer son texte

Créer un livre électronique au format epub3, partie 1 : structurer son texte

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Version

2.0

}

Mise à jour

10/01/2021

Changement des versions
10/01/2021
  • Refonte complète de la partie sur les styles, la traduction en EPUB, le CSS, les corrections sur les espaces insécables et fines.

Pourquoi le format EPUB ?

Lorsque l’on parle de livre électronique, la plupart des gens mélangent facilement tout un tas de réalités différentes, en confondant le PDF avec le format Kindle ou l’EPUB. Si d’ailleurs on simplifie au maximum, même un simple fichier au format TXT pourrait être un livre électronique.

Cependant, il me semble que le véritable livre électronique doit répondre à certaines caractéristiques et tout d’abord le confort de lecture. Lire un PDF à la mise en page fixe n’est pas vraiment toujours du plus grand confort, car la taille des caractères ne s’adapte pas à la taille de l’écran sur lequel vous lisez. Ainsi, si sur un ordinateur certains textes en PDF peuvent facilement se lire, sur tablette cela devient beaucoup plus compliqué et quasiment impossible sans zoomer 4 fois sur un smartphone. Et je ne parle même pas d’une liseuse…

On considère donc que seuls quelques rares formats répondent aux contraintes qui définissent un livre électronique. Les deux plus importants sont l’EPUB, format libre développé par un consortium regroupant différents acteurs majeurs du secteur de l’informatique (car le standard de codage est basé sur le langage informatique des pages web), et les formats Kindle développés par Amazon dans son coin, plus ou moins avec les mêmes bases mais en rajoutant des barrières. Apple a fait de même avec son format iBooks, dans le même dessein de contrôler de bout en bout la chaîne de vente et d’enfermer ses clients dans une architecture maîtrisée. Il faut néanmoins reconnaître que l’iBookstore accepte les fichiers au format EPUB, ce qui n’est pas le cas pour Amazon.

L’EPUB3

La norme EPUB en est à sa troisième itération majeure. Elle est basée sur un principe simple : le livre sera codé comme un site web, avec les mêmes langages, et selon les mêmes principes. Il n’y aura que quelques particularités rajoutées au code pour faire comprendre au logiciel de la liseuse ou de la tablette (un navigateur internet un peu modifié) qu’il s’agit bien d’un livre.

Cela a pour conséquence que le fond (le texte que vous avez mis tant de temps à peaufiner dans le secret de votre atelier d’écriture) sera dans un fichier séparé de la forme (la police de caractère, sa taille et les couleurs utilisées pour les gros titres, les titres intermédiaires, le corps du texte, les citations, etc.). C’est le principe même de codage des sites internet. Ainsi, vous pourrez quand bon vous semble (ou le lecteur), changer tout ou partie de la forme pour améliorer le confort de lecture.

C’était déjà le cas pour les deux itérations précédentes de la norme, mais cette dernière version permet une véritable avancée dans la mise en page et dans les possibilités d’ajouter des images, des vidéos, de l’audio et de l’interactivité, car elle est basée sur les standards modernes du codage internet que sont les langages HTML5 et CSS3.

Ne vous inquiétez pas, derrière ces noms barbares se cachent en fait de grands cœurs qui vous donneront beaucoup de satisfaction si vous savez leur parler gentiment…

Livre de flux ou livre à mise en page fixe, telle est la question

En parlant de mise en page, cette séparation entre le fond et la forme prend tout son sens quand on sait que les liseuses et les tablettes ne donnent jamais véritablement le même rendu, et que le principe du livre électronique est celui que je vous énonçais plus haut, à savoir :

La mise en page doit pouvoir s’adapter pour rendre le confort de lecture le plus grand au lecteur.

Cette mise en page va dépendre donc de contraintes techniques telles que la taille de votre écran (7 pouces, 9 pouces, 12 pouces, au-delà), sa technologie (couleur, pas couleur, retina, pas retina), mais aussi de contraintes humaines : les difficultés de vision éventuelles de votre lecteur (il lui faudra augmenter la taille de la police de caractères pour bien voir), ses envies (tient-il sa tablette en mode portrait ou paysage pour lire ?), ses habitudes.

C’est là qu’il faut faire un choix métaphysique.

Allez-vous créer un livre dont la mise en page s’adaptera au support en prévoyant des règles dans votre mise en forme (c’est ce que l’on appelle le « flux » de données), ou bien allez-vous fabriquer un livre dont la mise en page sera fixée à l’avance, avec le moins de latitude possible pour le lecteur ?

Généralement, on choisit un livre de flux pour un ouvrage composé essentiellement de texte et où la mise en page n’est pas absolument nécessaire à la bonne compréhension du fond. Un roman, une nouvelle, seront construits selon cette philosophie.

Par contre, un livre dont la mise en page est essentielle à la compréhension (une bande dessinée, un reportage photo, un livre pour enfants avec des images à manipuler) sera conçu de manière à ce que sa forme soit la plus fixée possible, comme un PDF. Mais avec en tête le postulat que la lisibilité doit être maximum.

La différence essentielle entre les deux approches est que l’ouvrage qui en sortira sera soit lisible par à peu près toutes les liseuses et toutes les tablettes dans le premier cas (le flux étant disposé différemment selon les règles que vous aurez spécifiées pour chaque appareil dans votre codage, et laissant au lecteur la possibilité d’agrandir le texte, de se passer des images, de changer les couleurs, etc.), soit codé spécifiquement pour une marque, un type, un modèle, voire un seul logiciel dans le deuxième cas (car les règles de mise en page seront tellement draconiennes que cela vous demandera un travail énorme pour les rendre parfaites, et le lecteur ne pourra modifier ni couleurs ni taille, au risque de ruiner le but même du livre).

Le choix est donc dans le degré de maîtrise que l’on accepte de perdre sur sa mise en page. C’est assez frustrant, je dois l’avouer, lorsque l’on a envie que la forme soit aussi impeccable que le fond. Et je n’ose imaginer ce que doivent ressentir les maquettistes de formation devant cet état de fait…

Il est possible, cela dit, de mélanger un peu les deux approches et de garder la possibilité de maintenir une mise en page fixe sur certaines pages tout en conservant sur d’autre une structure de type « flux », via une astuce particulière de codage du fichier de mise en forme (le fameux fichier de CSS) dont je vous parlerai dans quelque temps.

Existe-t-il un autre Style ? Pourquoi et comment structurer un texte

Une fois ce choix cornélien effectué, il est temps de s’occuper du texte.

Il faut écrire. Écrire. Encore écrire. Beaucoup.

Vous pouvez écumer l’internet en quête de nombreux conseils d’écriture. Vous allez travailler votre propre style, trouver votre propre méthode de travail, et parvenir à un manuscrit définitif.

Et c’est une fois votre texte achevé, relu et encore relu des dizaines de fois, que vous allez pouvoir le préparer à devenir un vrai livre, et un livre numérique dans le cas qui nous intéresse ici.

Pour cela, vous allez devoir le mettre en forme, puisque c’est cela éditer un livre. Créer à partir d’un texte brut une mise en page harmonieuse. Déterminer si vous voulez que vos titres de chapitre soient en « fonte Times New Roman de taille 20, centrés avec un espace de 20 points au-dessus du paragraphe, et un espace de 60 points en dessous du paragraphe » ou bien en « fonte Helvetica de taille 30, alignés à gauche avec un espace de 24 points au-dessus du paragraphe, et un espace de 36 points en dessous du paragraphe », ou d’une autre façon, et ceci pour chaque chapitre, mais également comment vous voulez que votre corps de texte apparaisse, comment les mises en exergue dans votre texte vont apparaître, etc.

Là est le point crucial : votre texte est composé de différentes parties qui ont une fonction bien particulière, un sens. Les titres servent au lecteur à savoir où il se trouve dans le récit, les mises en exergue servent à ce que le lecteur comprenne qu’il est face à un mot ou une expression particulièrement importante, etc. Et dans tout ouvrage, c’est parce qu’on aura repéré ces motifs que l’on pourra les mettre en forme.

Dans les logiciels de traitement de texte, comme la suite Office de Microsoft, LibreOffice Writer, Pages de chez Apple, mais aussi avec Scrivener, dont je me sers, on peut donc procéder de deux manières : avec une mise en forme « directe », ou avec des Styles.

La mise en forme directe consiste à mettre un mot en italique ou en gras, en sélectionnant simplement le mot et en cliquant sur l’icône « italique » ou l’icône « gras ». Son inconvénient pratique est qu’il faut sélectionner chaque mot ou groupe de mots ayant une fonction particulière et lui appliquer la mise en forme que l’on désire à chaque fois, d’où une répétition d’actions rapidement insurmontable sur un texte long.

L’idée des Styles est au contraire de se baser sur la fonction de chaque partie de votre texte, et de vous laisser ensuite déterminer comment vous voulez présenter chacune d’elles une bonne fois pour toutes, sans avoir à mettre en forme un à un chaque titre par exemple. Vous aurez toujours à sélectionner les parties de texte qui auront une fonction, mais vous devrez simplement indiquer laquelle. S’agit-il d’un titre de chapitre, d’une mise en exergue, d’une citation, ou d’autre chose ? La mise en forme est automatiquement appliquée suivant un style prédéterminé par le logiciel, mais que vous pourrez ensuite changer à volonté.

Car les Styles ne sont en fait que des formatages particuliers de la typographie, qui pourront être réutilisés facilement ensuite. Ils correspondent parfaitement à nos besoins de mise en forme puisqu’ils permettent de dire que, par exemple, « les titres de chapitre seront en Police Helvetica de taille 14 points, en gras, soulignés », et que « le corps de texte sera en Police Times New Roman de taille 11 points, normal », tandis que « les citations seront en Police Times New Roman de taille 12 et en italique ».

Les Styles pourront même s’appliquer aux paragraphes. Ainsi les paragraphes de Titre peuvent-ils être « centrés avec un espace de 20 points au-dessus du paragraphe, et un espace de 60 points en dessous du paragraphe », tandis que « le corps de texte sera constitué de paragraphes justifiés avec un espace de 5 points avant et après le paragraphe, et une indentation de la première ligne de 60 points », et « les citations seront des paragraphes justifiés avec une marge droite et une marge gauche de 70 points ». Par exemple.

Une fois les styles créés ou modifiés, vous n’aurez qu’à sélectionner un morceau de votre texte et décider de lui appliquer le format « Titre » ou le format « corps de texte ». Et s’il vous prend l’envie de changer l’aspect de votre texte, il vous suffit de changer les paramètres du Style « Titre » pour que, automatiquement, votre logiciel change tous les bouts de texte qui seront indiqués comme étant des titres.

L’avantage majeur de cette façon de faire reste que vous obtenez un texte structuré suivant ses différentes fonctions, sa signification. On appelle ça un balisage sémantique.

Et outre qu’il va vous faire gagner un temps fou et vous éviter d’oublier de mettre en forme un titre accidentellement, le balisage possède trois autres qualités.

La première est d’éliminer les sauts de ligne intempestifs (les lignes vides avec des retours chariot manuels). À la place, vous pouvez déterminer que le style de paragraphe utilisé laisse quelques points/pixels/millimètres de distance en haut et en bas. Cela rend le texte plus facilement adaptable aux différentes résolutions d’écran, et vous aurez aussi moins de lignes veuves et orphelines dans votre texte (ça, c’est valable à la fois pour le papier et le numérique).

La deuxième : la hiérarchie de titres.

Le titre de votre roman n’aura pas la même forme que le titre d’un chapitre, et ils seront tous deux différents du titre d’une partie, ou de celui d’un sous-chapitre. Vous allez donc les hiérarchiser, en donnant la forme d’un « Titre1 » au grand titre de votre roman, celle d’un « Titre2 » au titre des parties de ce dernier regroupant plusieurs chapitres, celle d’un « Titre3 » aux titres des chapitres, et éventuellement une « Titre4 » aux titres des sous-chapitres si vous en avez.

Enfin, la plus importante pour ce qui est des livres numériques : c’est cette structure qui permet au logiciel de lecture de comprendre où sont les titres, où est le corps du texte, où est la marge éventuelle et de les afficher correctement à l’écran, car votre texte sera codé dans un fichier HTML5 avec ces fameuses balises.

Il est donc, vous en serez, je pense, maintenant convaincus, fondamental, de structurer votre texte.

Nous pouvons alors voir un peu plus en détail comment.

Les styles à utiliser

Vous allez pouvoir vous aider des styles que vous avez déjà déterminés dans Scrivener pour le format papier de votre livre. Nous l’avons déjà vu dans l’article qui y est consacré, et vous pouvez vous y reporter.

Néanmoins, il faut garder deux choses à l’esprit : d’une part, vous n’aurez pas besoin de certains styles pour une sortie numérique de votre œuvre, puisque par définition ce sera le support de lecture (tablette, smartphone, liseuse) qui gérera complètement les entêtes et les pieds de page ainsi que les numéros de page qui pourront varier en fonction de la taille de police sélectionnée par votre lecteur ou votre lectrice pour son confort ; d’autre part, tous les autres styles ne seront que des propositions que vous ferez à votre lectorat, qui sera libre de les refuser pour appliquer son propre réglage.

Au final, les styles dont vous aurez vraiment besoin de vous préoccuper seront ceux qui suivent.

Des styles de caractères :

  • Un style de mise en évidence pour les mots importants. On utilise en général une mise en italique.
  • Un style d’accentuation forte pour être encore plus marquant. On utilise la plupart du temps une mise en gras.
  • Un style mixte, pour combiner la mise en évidence et la mise en gras.
  • Un style mise en évidence dans un texte en italique, qui permet de renverser la mise en italique si besoin.
  • Un style de Première phrase de chapitre si vous voulez changer la casse de vos débuts de chapitre par exemple (on peut le faire autrement dans Scrivener, mais la solution d’un style est plus interopérable avec les autres logiciels comme les traitements de texte).

Des styles de paragraphes :

  • Un style de corps de texte, la base de votre texte.
  • Un style de titre de chapitre, pouvant être ensuite décliné pour la façon dont vous allez numéroter les chapitres.
  • Un style de titre de parties, si vous en avez dans votre texte, pouvant là aussi être décliné pour la façon dont vous voudriez numéroter les parties.
  • Des styles de scènes, vous permettant de distinguer autrement qu’avec les signes typographiques de changement de scène deux moments différents dans une même séquence, comme des analepses ou des prolepses (flashbacks et flashforwards).
  • Un style de dédicace, qui marque déjà le texte sur la page adéquate.
  • Un style de mentions légales qui marque lui aussi le texte sur la page dédiée.
  • Un style de titre de scène ou de division de scène.

La traduction des styles en EPUB

Si vous êtes familier des usages d’écriture technique du web, tout cela va vous sembler basique.

Si ce n’est pas le cas, je vous conseille de vous pencher un peu sur les fondamentaux du langage HTML5. Vous pouvez vous référer à ce cours, que je trouve particulièrement didactique. Une autre façon de voir les choses est d’approcher la syntaxe d’écriture en markdown, une façon de coder des balises de manière très simple et presque naturelle.

Une balise est en effet simplement une marque qui entoure un mot ou un groupe de mots pour indiquer sa signification, sa fonction.

Si le titre de votre chapitre est « Introduction », par exemple.

Il sera indiqué en HTML5 par le code suivant :

<h1>Introduction</h1>

h1 est l’abréviation de header 1, c’est-à-dire entête 1 en bon français, pour désigner un titre très important, le premier en importance hiérarchique. Car un titre de chapitre sera plus important dans la hiérarchie qu’un titre de sous-chapitre. Mais on pourrait aussi imaginer que votre livre soit divisé en parties comprenant chacune plusieurs chapitres. Dans ce cas c’est le titre de partie qui sera le plus haut placé dans la hiérarchie (un header 1) alors que les titres de chapitre seront plus bas (des headers 2).

Cette hiérarchie des titres est essentielle, car elle correspond au codage du fichier HTML5 que vous obtiendrez dans votre livre au format EPUB. Le Titre1 deviendra une balise h1 (ou header 1), et votre Titre4 une balise h4 (ou header 4).

Chaque style sera transformé en une balise. Si vous utilisez Scrivener, ce sera automatique ou presque, lors de la compilation de votre texte en EPUB (on y vient plus bas).

Pour les styles les plus classiques, il suffira d’utiliser les balises simples du langage HTML5.

Par exemple : h1 à h6 pour les titres (titre du livre, sous-titre, titres de parties, titres de chapitres, titres de sous-chapitres…), blockquote pour les citations, em pour les mises en exergue, strong pour les accentuations fortes, p pour les paragraphes de corps de texte.

Mais lorsqu’aucune balise standard du HTML5 ne correspond à votre style, alors vous devrez choisir d’attribuer une classe à l’une de ces balises pour créer une sorte de nouvelle « sous-balise ».

Si l’on veut créer un style pour les analepses (flashbacks), on se rend vite compte qu’il n’existe pas de balise toute faite en HTML5. On peut donc choisir de créer une classe analepse pour certains paragraphes (balises p). Et ainsi chaque paragraphe de votre texte qui sera un flashback sera encadré par une balise notée <p class=”analepse”>.

Une fois que tout votre texte sera codé en HTML5, il sera complètement balisé pour l’application de lecture.

Si vous voulez savoir à quoi il ressemble, vous avez le choix entre deux possibilités.

Soit vous voulez voir le code, et vous devrez ouvrir le fichier correspondant avec un logiciel spécial baptisé « éditeur de code », sorte de traitement de texte spécialisé dans la gestion des balises. Je me sers de Brackets qui a l’avantage d’être libre et multiplateforme. Cela donnera ce genre de chose.

Soit vous voulez voir le résultat « lisible par un humain et pas par un cyborg », et sous devrez l’ouvrir dans un navigateur internet. Cela donnera ceci.

Vous trouvez ça moche ?

C’est normal, car vous n’avez fait que la moitié du travail jusqu’ici.

Vous n’avez fait que déclarer au navigateur (qui est le moteur de toutes les applications de lecture) quelles parties du texte correspondaient à quels styles.

Mais vous n’avez pas encore défini comment vous vouliez que soient ces styles.

Ça, c’est le boulot d’un autre fichier…

Here comes the CSS

Souvent nommé style.css, c’est un fichier qui n’est autre que la déclaration de l’apparence que vous voulez donner à chacun de vos styles.

Le langage CSS3 peut facilement s’apprendre, ici par exemple.

Pourtant, c’est lui qui sera le plus compliqué à paramétrer pour votre livre numérique, car les applications de lecture le gèrent de façon très personnelle. Et c’est un euphémisme.

Nous nous y pencherons plus en détail dans le troisième article de cette série, le temps pour vous de vous familiariser suffisamment avec lui. Sachez simplement que les logiciels qui permettent de créer un fichier EPUB à partir d’un texte classique créent un fichier CSS basique dont vous pouvez vous contenter si vous êtes peu exigeants.

Comme ce n’est pas mon cas, je vous montrerai donc comment obtenir ce que vous souhaitez précisément.

Et pour vous donner un exemple de son utilité, voici le rendu final du texte avec un code CSS fonctionnel basique, et le rendu final avec un code CSS mitonné aux petits oignons par mes soins. C’est mieux, non ?

Métamorphose du texte vers l’EPUB

Au contraire d’un fichier de texte (que son format soit DOC ou DOCX pour Word, RTF ou ODT pour LibreOffice), un livre électronique n’est pas un seul fichier constitué d’un seul tenant. C’est une sorte de dossier contenu dans une archive comme le format ZIP (si je vous parle chinois, allez voir quelques définitions de formats de fichiers ici). Nous explorerons d’ailleurs en détail les entrailles d’un livre EPUB dans le prochain article de cette série.

Il faut donc transformer notre fichier texte en une archive EPUB.

Nous pourrions le faire nous-mêmes, « à la main ». Mais ce serait pénible, tant la transition est complexe.

Alors, pour gagner du temps, il est utile de laisser un logiciel faire le plus gros du travail pour nous, car vous verrez, vous vous embêterez déjà assez comme ça lorsqu’il s’agira de peaufiner votre livre pour en faire quelque chose qui vous plaise vraiment tout en satisfaisant aux règles strictes et parfois capricieuses des logiciels de lecture électronique (vous vous souvenez, le CSS, c’est bien, mais le CSS qui marche bien partout comme on veut, c’est rare).

Bien sûr, cette étape ne donnera pas naissance au produit fini, mais plutôt à une ébauche, à une pierre brute que vous allez devoir patiemment polir en vous attaquant au code. Mais au moins, le gros du travail aura été fait d’un simple clic…

Il existe de soi-disant « éditeurs de livres électroniques », des logiciels dérivés d’applications pour créer des sites internet, comme Blue Griffon EPUB Edition, mais ils sont tous vendus très très chers pour ce qu’ils font… Personnellement, je préfère comme toujours la liberté, ce qui veut dire souvent mettre les mains dans le cambouis… le code…

Pourtant, les logiciels de traitement de texte habituels sont capables de produire un fichier EPUB à partir de votre texte.

Dans LibreOffice, cliquer sur Fichier > Exporter vers... > Exporter au format EPUB crée un fichier fonctionnel.

Pour ma part, comme nous l’avons vu dans l’épisode 1 de la série d’articles Making of a book, j’utilise Scrivener pour composer mes écrits, et je me sers donc de la fonction de compilation vers l’EPUB3 intégrée dans le logiciel.

Nous détaillerons dans l’épisode 3 de cette série les étapes de cette compilation, et je vais plus en profondeur dans les arcanes de cette opération dans une autre série d’articles. Mais il suffit pour l’instant de savoir qu’en cliquant sur Fichier > Compiler, et en choisissant le format de publication que j’ai partagé avec vous avec l’option EPUB3, Scrivener crée pour vous le fichier adéquat.

Ne reste plus qu’à tester son rendu sur votre tablette.

Vous remarquerez que le résultat est là encore perfectible. Même si c’est un excellent début, ce n’est pas encore un livre au rendu parfait car l’automatisation n’a pas préservé tous les réglages de styles. Pour cela, il faudra faire soi-même le travail en découvrant les entrailles du fichier.

Ce sera l’objet de notre deuxième épisode : EPUB Anatomy

Mais en attendant, il reste des choses à faire sur le texte lui-même, c’est-à-dire sa version HTML.

Maison de Corrections

Comme vous avez déjà lu le premier épisode de la série d’articles Making of a book, vous savez déjà qu’il est indispensable de corriger votre manuscrit une fois terminé. Et vous l’avez déjà effectué, parce que vous êtes formidable.

Mais dans le cas de la production d’un livre électronique, une étape de correction supplémentaire va devoir vérifier que le format EPUB garde toutes les modifications typographiques que vous aviez décidé de faire.

Ces espaces qu’il vaut mieux entendre crier

Car lorsque vous avez corrigé votre texte avec Antidote, ce dernier vous a obligeamment fait remarquer que vous deviez à certains endroits précis insérer des espaces insécables, des espaces fines ou des espaces fines insécables. La typographie est en effet régie par des lois strictes.

Si vous n’avez pas besoin de les connaître par cœur pour un format papier — Antidote faisant bien son travail — vous allez par contre devoir vous y familiariser pour le format électronique. En effet, l’exportation en EPUB, que ce soit avec LibreOffice ou avec la compilation de Scrivener, n’est pour le moment pas capable de gérer les espaces. Le fichier EPUB généré par ces logiciels va systématiquement comporter un seul type d’espace : les espaces normales sécables.

C’est ainsi qu’on se retrouve régulièrement, et même avec des livres numériques achetés dans le commerce, avec des horreurs du genre : un point d’exclamation tout seul en début de ligne et plus rien ensuite.

Je vous accorde que c’est un détail, mais au début, je vous ai bien dit que j’étais exigeant…

Si je mets autant d’énergie et de soin à écrire un texte qui me paraisse assez bon pour intéresser d’autres que moi, je refuse de le voir gâché par des bêtises de présentation.

Il est donc nécessaire d’entendre à nouveau parler vos espaces insécables, et vos espaces fines insécables.

L’idée est donc de corriger chaque chapitre ou chaque section de texte du fichier EPUB pour remplacer les espaces sécables par les codes indiquant au navigateur web qui sert de lecteur qu’il est nécessaire d’insérer des espaces particulières.

Vous allez me dire « c’est fastidieux ! » et vous auriez raison.

Voilà pourquoi je vous conseille deux méthodes.

La première consiste à vous servir de la fonction de rechercher/remplacer de votre éditeur de code (pour ma part, comme je vous l’ai dit plus haut, je me sers de Brackets) et de lui demander de faire les substitutions pour chaque règle automatiquement. Vous allez voir que c’est plus rapide, mais tout autant fastidieux. Car il faut faire une recherche pour les espaces derrière les guillemets ouvrants, puis une autre pour les espaces devant les guillemets fermants, puis une autre pour les espaces devant les points d’exclamation, puis une autre pour les points d’interrogation, etc.

Deuxième façon de faire, plus maligne, créer un petit programme qui fera ça tout seul suivant vos instructions. Vous n’aurez alors plus qu’à lui dire quel fichier inspecter, et le tour sera joué.

« Programmer ? Mais mon bon Monsieur, je suis un écrivain, moi, mais un programmeur ! Et même si je suis un geek parce que j’écris dans le domaine de l’imaginaire, je n’ai aucune envie d’apprendre un langage informatique ! Veuillez donc passer votre chemin avec vos balivernes et laissez-moi tranquille avec vos espaces insécables démoniaques ! »

Voilà en substance ce que vous pourriez me dire. Et là encore je ne pourrais vous donner tort.

Sauf que d’autres ont déjà bossé pour vous.

D’abord, Lizzie Crowdagger a créé un petit programme qui fait exactement le travail dont nous parlons. Il suffit d’apprendre à l’installer. Et je crois qu’il doit bien marcher… mais ce ne fut pas le cas pour moi. Je ne sais pas pourquoi, allez donc deviner… Peut-être parce que je suis sur Mac… Ou pas…

Essayez-le, car peut-être que pour vous ce sera un succès.

Mais si comme moi vous ne parvenez pas à le faire fonctionner correctement, alors, je vous livre ma solution personnelle.

BBEdit et Applescript à la rescousse des espaces

L’idée étant d’automatiser des tâches répétitives, il était tentant de se servir des outils déjà disponibles sur un Mac au départ. En effet, la petite application Automator est là pour ça. Mais si elle est extrêmement facile à prendre en main, elle n’est pas assez puissante pour faire ce travail seule.

Alors on peut se servir du langage de programmation maison d’Apple, l’Applescript.

Relativement simple, il est capable de commander une application à condition que les concepteurs d’icelle aient pensé à en donner la possibilité.

Or, Brackets n’est pas une application dite « scriptable ».

Qu’à cela ne tienne, il existe un éditeur de code qui est à la fois gratuit et scriptable : BBEdit.

Il ne me convient pas pour travailler en détail sur le code HTML ou CSS, mais il est entièrement scriptable et fera donc l’affaire pour automatiquement trouver toutes les espaces à changer dans mon texte.

Je vous propose donc, après avoir téléchargé le logiciel BBEdit, d’ouvrir l’application Éditeur de script qui se trouve dans les Utilitaires de votre Mac, et d’y coller le code suivant (en prenant soin d’enlever les \ situés avant les #) :

tell application "BBEdit"
activate
replace " !" using "<span style=\"espace-fine-insecable\">&\#8239;</span>!" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
replace " ?" using "<span style=\"espace-fine-insecable\">&\#8239;</span>?" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
replace "« " using "«<span style=\"espace-fine-insecable\">&\#8239;</span>" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
replace " »" using "<span style=\"espace-fine-insecable\">&\#8239;</span>»" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
replace "— " using "—<span style=\"espace-insecable\">&\#160;</span>" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
replace "—  " using "—<span style=\"espace-insecable\">&\#160;</span>" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
replace " :" using "<span style=\"espace-insecable\">&\#160;</span>:" searching in text 1 of text window 1 options {search mode:literal, starting at top:true, wrap around:false, reverse:false, case sensitive:false, match words:false, extend selection:false}
end tell
Mon Applescript de correction des espaces dans un fichier HTML

Puis enregistrez-le.

Lorsque vous aurez trouvé le fichier qui contient le code HTML de votre texte, qui devrait avoir un nom ressemblant à chapter.xhtml, vous l’ouvrez avec BBEdit. Puis vous cliquez sur l’icône play de l’Éditeur de script.

Presque de façon magique, tout devrait se corriger.

Et maintenant ?

Et bien maintenant que vous avez structuré votre texte, que vous l’avez exporté en EPUB et que vous avez corrigé les quelques erreurs de typographies laissées par cette métamorphose, il est temps de se préoccuper réellement de ce qui se cache dans ce fichier.

Pour être honnête, mieux vaut d’ailleurs que vous le sachiez avant, parce que sinon, vous allez vous retrouver avec un fichier EPUB et vous n’arriverez pas même à en ouvrir les entrailles pour trouver votre texte à corriger…

C’est le moment de faire une dissection.

Prenez vos scalpels, et rendez-vous dans le deuxième article de cette série : EPUB Anatomy.

Faire le choix de l’autoédition en 2014

Faire le choix de l’autoédition en 2014

Faire le choix de l’autoédition en 2014

Lorsque l’on a en soi le démon de l’écriture, vient fatalement un moment où l’on se pose la question du devenir de ces milliers de lignes que l’on accumule au fil du temps, des idées qu’on a fait surgir de son imagination, des images que l’on a fait naître, des personnages et des intrigues que l’on a patiemment construits. Tout cela restera-t-il à tout jamais enfoui dans un tiroir ou caché dans un fichier texte perdu dans les entrailles de l’ordinateur ? Ou bien ambitionnera-t-on de devenir quelqu’un que faute de mieux ou pourrait appeler un écrivain ?

Si l’on a assez confiance en son écriture, il est probable que le deuxième chemin se fasse si insistant qu’on songe à l’emprunter un jour.

C’est à ce moment-là que tout se complique.

Au Commencement… l’hubris de l’écrivain

Avoir l’audace de penser que ce que l’on produit est non seulement lisible, mais plus encore, mérite d’être lu, impose alors d’accomplir un véritable parcours initiatique semé d’embûches. Parce qu’il ne suffit pas de se proclamer écrivain pour le devenir. Comme pour toutes les activités humaines, l’écriture s’apprend. Patiemment. Pas à pas.

D’abord il faut se laisser du temps.

Du temps pour se relire soi-même et tenter de juger autant que faire se peut son propre travail à l’aune de ce que l’on imaginait avant de commencer à écrire. Pour ma part, je laisse souvent un texte « reposer » des semaines ou des mois, afin de m’éclaircir peu à peu les idées, de me sortir l’histoire et les mots de la tête. Lorsqu’enfin je reviens dessus et que suffisamment de temps est passé, je le relis entièrement et je prends des notes dans la marge. J’essaie de découvrir l’histoire comme si je ne l’avais pas écrite. Est-ce qu’elle me plaît ? Est-ce qu’elle est bien contée ? Est-ce que j’ai envie d’aller plus loin ? Et je corrige.

Tous les auteurs, tous les artistes même, connaissent cette discipline de l’aller et retour entre leur œuvre et leur exigence.

Mais être publié c’est se confronter à l’autre. Subir son regard sur l’œuvre. Et donc un peu sur nous-mêmes, qui y avons tant investi de temps et de passion.

La solution la plus simple est donc de trouver des relecteurs, ceux que l’on appelle les bêta-testeurs dans le monde de l’informatique. Souvent choisis dans le cercle familial, ils sont alors plus ou moins partiaux. Mais c’est déjà un premier regard extérieur, même s’il est forcément plus indulgent que le lecteur lambda.

J’ai la chance d’avoir des parents dont la sensibilité artistique est très forte et une épouse dont l’univers imaginaire est extrêmement proche du mien tout en ayant un esprit critique et logique très fort. Ils forment mes premiers relecteurs.

Il faut cependant aller plus loin si l’on veut vraiment savoir ce que l’œuvre a dans le ventre et trouver un relecteur attentif non seulement aux fautes élémentaires (orthographe, grammaire), mais aussi à l’intrigue, aux personnages, à l’ambiance. Quelqu’un dont l’expertise de la narration saura guider l’auteur ou au moins lui apporter un regard neuf et critique, subjectif mais étayé, argumenté.

Ça peut être le rôle des ateliers d’écriture, des appels à texte, mais aussi des autres artistes, d’un « agent littéraire » (quoique ce terme ne m’a jamais vraiment paru clair…) ou bien… d’un éditeur. Ce dernier prendra également en charge, une fois que le manuscrit semblera arrivé à maturité, la fabrication matérielle du livre, comme le producteur le fait pour un album de musique.

L’ère de l’édition « classique »

Dans les Temps Préhistoriques d’avant l’internet, publier un livre était une entreprise extrêmement coûteuse en matériel et en savoir-faire. Il fallait du papier, matière première chère et difficile à produire, des petits caractères de plomb, de l’encre, de la main d’œuvre qualifiée, obtenir l’imprimatur de la censure…

Le rôle des éditeurs, qui étaient parfois eux-mêmes des imprimeurs, était immense. Les risques qu’ils assumaient l’étaient tout autant. Véritables armateurs de l’aventure littéraire, leur investissement était comparable à ceux qui envoyaient des navires à l’autre bout du monde connu.

Puis les technologies ont évolué, et le rôle de l’éditeur est devenu celui de conseiller artistique tout autant que celui de producteur (au sens de bailleur financier) comme je l’évoquais plus haut.

Suivant la ligne éditoriale qu’il voulait imprimer à sa maison, à sa « marque », et suivant ce qu’il pensait du potentiel d’un écrivain, l’éditeur entrait dans le cycle de naissance de l’œuvre en faisant une critique plus ou moins fouillée, mais toujours sans concessions.

Du moins c’est ce que l’on attendait de lui.

Puis il prenait en charge la fabrication du livre, sa matérialisation en un ouvrage de papier relié, sa distribution jusque dans les plus petites librairies des plus petits villages de France, sa « promotion », sa commercialisation.

Il avait un rôle essentiel dans la naissance du livre fini. C’était lui qui le publiait, pas l’auteur, qui d’ailleurs lui cédait les droits sur son œuvre. Les droits commerciaux. En échange du support financier par l’éditeur du coût écrasant de la production physique d’un livre, de son stockage, de sa distribution, de sa publicité et de la gestion afférente, l’auteur n’était plus maître du destin de son œuvre une fois publiée. Sans compter que le contrat qui liait les deux parties était souvent assez avantageux pour l’éditeur en termes financiers. Il fallait bien compenser les risques pris.

Encore une fois les parallèles avec l’armateur de navires ou le producteur de musique ou de film me semblent les plus parlant.

L’éditeur, Faiseur de Rois

Comme je le disais plus haut, l’éditeur peut être un maillon essentiel de la maturation d’un livre, de sa « croissance » si on le compare à la gestation d’un être vivant. Il peut guider l’auteur, lui suggérer des pistes auxquelles il n’avait pas pensé, ou lui indiquer celles qui ne mènent pas forcément là où il le pensait…

C’est en ce sens que le travail d’un éditeur sert vraiment au livre qu’il produit.

Cependant ce rôle peut très bien être tenu par quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui est impliqué dans la relecture, qui en a les compétences de par son habitude, son métier parfois. Les scénaristes américains nomment cet être étrange un « script-doctor ». C’est souvent un scénariste lui-même qui fait une relecture en profondeur, et parfois aide à remanier drastiquement certains scripts.

Ce système n’est pas encore une habitude sur le Vieux Continent, que ce soit au cinéma ou en littérature.

Publier un livre et être reconnu pour cela c’est encore en France suivre le parcours traditionnel remontant en gros au XIXe siècle.

Ceux qui voudraient de nos jours comme à cette époque s’affranchir de ce système n’ont pas vraiment le choix : soit ils renoncent à publier, soit ils publient « à compte d’auteur », c’est-à-dire qu’ils prennent en charge financièrement les coûts exorbitants de fabrication, sans pour autant avoir plus d’avantages qu’un auteur publié « à compte d’éditeur ».

De tels auteurs sont toujours regardés avec méfiance et condescendance. Ils sont considérés comme des auteurs ratés (vous comprenez, personne n’a voulu les publier…) ou comme des mégalomanes persuadés d’un talent imaginaire, à qui seule la force de l’argent permet de flatter un ego démesuré. Mais personne ne croit vraiment qu’on puisse vouloir trouver un autre système…

L’éditeur devient donc non seulement un passage obligé, mais également un Faiseur de Rois, puisque les prix littéraires, des plus modestes aux plus prestigieux, sont décernés à des auteurs publiés par le cénacle.

Mais est-ce que ce parcours est encore vrai en 2014 ?

L’ère de l’édition numérique

Fabriquer un livre aujourd’hui n’a plus vraiment grand-chose à voir avec la même activité au XVIe siècle, ni même au XIXe.

Pensez : l’écriture elle-même se fait sur un ordinateur qui ne consomme que de l’électricité, pas de papier et pas d’encre, on peut corriger à l’infini sans raturer. La mise en page se fait encore sur ordinateur, avec un risque moindre de fautes et de coquilles, pour peu qu’on utilise un bon correcteur informatique. L’impression elle-même est gérée par des ordinateurs préréglés, qui commandent des rotatives parfaitement calibrées. Le papier ne sert donc qu’une seule fois, et nos sociétés savent le fabriquer et même le recycler de façon acceptable. L’encre n’est pas plus un problème.

Et jusqu’à récemment il restait juste le frein de l’accès à ces savoir-faire. Jusqu’à récemment.

Il y a quelques années déjà que sont apparues des sociétés, d’abord américaines, puis européennes, permettant ce que l’on appelle l’impression à la demande. Le principe est assez simple. Le coût d’une impression est devenu tellement bas qu’il est devenu rentable d’imprimer exemplaire par exemplaire, et ce quel que soit le nombre de pages. Un livre imprimé à la demande ne coûtera pas beaucoup plus cher qu’un livre tiré à dix mille exemplaires (même s’il existe bien sûr une différence).

Dans le monde du jeu de rôle, une niche un peu particulière de l’édition, cela commence à faire quelques années que lulu.com et d’autres sont utilisés par les éditeurs comme par les auteurs eux-mêmes.

Ce premier verrou libéré, il ne restait plus que celui de la distribution.

Là encore l’internet a bouleversé les choses.

Les plateformes en ligne comme Amazon n’ont été que les précurseurs. De nombreuses librairies indépendantes commencent à s’y mettre. Soumettre la commande d’un livre peut donc être très simple. Même dans un petit village loin des centres de distribution, votre libraire peut vous commander votre ouvrage, voire déclencher l’impression à la demande. Le lecteur peut même le faire seul, depuis son propre accès internet.

Les circuits de distribution physique, qui sont toujours indispensables, peuvent alors se mettre en marche.

Mieux encore, le livre devient maintenant numérique, et sa fabrication ne réclame donc aucune ressource physique. Plus besoin d’impression. Plus de coût de fabrication.

Plus besoin de quelqu’un pour supporter le coût financier de la fabrication d’un livre.

Plus besoin d’éditeur…

En fait, dans ce modèle émergent il reste tout de même un acteur absolument indispensable : les plateformes internet de téléchargement ou de commande. Amazon, l’iBookstore, Kobo, Barnes & Noble en sont les meilleurs exemples car ils préfigurent ce que tout cela peut devenir. D’autres librairies en ligne existent bien sûr, dont certaines hexagonales, mais elles n’ont pas encore la taille critique pour accéder au nouveau pouvoir : la visibilité.

Comme dans l’édition traditionnelle, un livre n’est lu que s’il est connu, s’il rencontre son public.

Comme dans une librairie, il faut fureter sur les plateformes pour dénicher la perle rare, le bouquin qui vous fera rêver ou rire ou pleurer ou réfléchir, ou les quatre à la fois. Mais hélas, contrairement à un véritable libraire, la plateforme ne vous conseille pas vraiment… Il faut donc être malin lorsque l’on veut se faire connaître, tout autant qu’avoir une bonne écriture.

Pour la promotion non plus, il n’y a plus besoin d’éditeur, puisque les canaux de communication ne sont plus centralisés : Twitter, Facebook, Goodreads surtout, peuvent très bien faire connaître votre ouvrage. Et nul besoin d’être éditeur pour y avoir accès et très bien savoir en jouer.

La Liberté guidant l’auteur ?

Fort de ces réflexions, peut-on avoir une vraie démarche littéraire et publier en autoédition en 2014 ?

Ma réponse est trois fois oui.

Oui, parce que si les premières étapes de l’écriture ne nécessitent personne d’autre que soi, les étapes suivantes de relecture et de correction peuvent désormais entrer dans l’ère de l’écriture collaborative, à travers un site internet par exemple, mais aussi au gré de collaborations entre auteurs, comme j’ai la chance d’en vivre, notamment avec Mlle N. malgré et sans doute grâce à la différence de nos univers. L’exigence de qualité restera la même. En tous les cas je ne la ressens pas moins grande que lorsque Manuscrit.com a accepté de publier Poker d’Étoiles.

Oui, parce qu’à condition de s’intéresser un peu à des choses très simples comme la mise en page basique, ou plus complexe comme certains langages informatiques (HTML, CSS et JavaScript essentiellement), il est extrêmement facile de concevoir une maquette papier, un simple PDF ou un ebook, puis de les matérialiser (ou dématérialiser dans le dernier cas).

Oui, enfin, parce que diffuser et vendre son livre, même si cela demande du travail, beaucoup de travail, est parfaitement possible. D’autres l’ont fait. Je pense à Jean-Claude Dunyach, mais aussi à Agnès Martin-Lugand.

Reste à discuter de la motivation profonde de tout cela.

Pourquoi s’ennuyer (pour rester poli) à accomplir tout ce travail de mise en forme, de technicité, de promotion, quand on n’a déjà pas assez de temps à son goût pour écrire et qu’on peut laisser un éditeur s’en charger ?

Chacun aura sa réponse, mais la mienne tient en un mot : liberté.

En signant pour Poker d’Étoiles, j’ai cédé les droits de mon œuvre à l’éditeur. Je ne suis plus maître de la façon dont mes écrits sont diffusés. Poker d’Étoiles n’est disponible qu’en papier et en PDF, pas en véritable ebook. Pas sur la boutique Kindle d’Amazon ni l’iBookstore d’Apple. La couverture du livre papier est sobre, mais je ne l’aurais pas imaginée comme cela. Et je n’ai aucun pouvoir là-dessus. Je ne suis plus maître d’une adaptation cinématographique, ayant aussi signé un contrat sur ce point-là. Non qu’Hollywood m’ait fait une offre, bien sûr (encore que j’avais élaboré un casting imaginaire sympathique que je vous livrerai peut-être un jour…), ou qu’on m’ait forcé la main pour signer…

Mais je ne suis plus maître du jeu.

Et je me suis rendu compte au fil des années que si j’avais tant aimé la réalisation au cinéma, si j’ai eu autant envie de m’essayer à la mise en scène et à la production technique d’un film, c’était aussi parce que j’attache énormément d’importance à la forme que va prendre une œuvre. Les mots d’un livre sont son essence, son âme, mais la façon dont l’ouvrage est présenté devient son enveloppe corporelle, son sang, ses os, sa chair.

J’ai envie d’avoir mon mot à dire aussi sur tout cela dans mes écrits.

C’est pour cela bientôt, cette année je l’espère, certains de mes projets vont naître sous mon entière responsabilité, constitués d’imaginaire pur, mais habillés d’écaille & de plume