Le Choix des Anges en précommande

Le Choix des Anges en précommande

Le Choix des Anges en précommande

Tout est dans le titre, ou presque.

Après de nombreuses années d’efforts souvent entrecoupés hélas par les vicissitudes de la vie, je suis arrivé au bout de l’écriture de ce deuxième roman, puis au bout de sa préparation pour une publication en autoédition.

Le Choix des Anges est donc disponible en précommande tant dans sa version papier (livre broché de 296 pages en format A5, au prix de 12,66 €) que dans sa version numérique (format ePub, au prix de lancement de 2,99 €). Il sortira officiellement le 20 mars 2018, date à laquelle vous pourrez le lire véritablement. La version Kindle est en préparation et sera disponible le 20 mars également.

Vos commentaires et vos partages sont bien entendu les bienvenus.

Quant à moi, après avoir bouclé un mémoire professionnel qui attend une relecture depuis 2 mois, je vais pouvoir lancer un nouveau projet : Fée du Logis, dont l’écriture est tout juste entamée.

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Version papier

  • Date de publication 2018 (1ère édition), 2021 (2e édition)
  • Urban fantasy
  • 292 pages
  • Format A5, couverture rigide à signet
  • ISBN 9791093734033
  • Prix : 24€
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Version numérique

Date de publication

2018 (1ere édition), 2021 (2e édition)

ISBN

979-10-93734-02-6

Format de fichier

ePub

5,99 

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Version livre audio

  • À paraître en 2021 (texte de la 2e édition)
  • Lu par l'auteur
  • Urban fantasy
  • Formats .mp3, .m4b
  • 40 Mo
  • Prix : 14€
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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Making of a book, partie 2 : à livre ouvert, la maquette intérieure

Making of a book, partie 2 : à livre ouvert, la maquette intérieure

Making of a book, partie 2 : à livre ouvert, la maquette intérieure

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Depuis quelques siècles, les livres prennent d’abord la forme d’un livre papier. Si les raisons de s’autoéditer n’ont jamais été aussi nombreuses dans les années 2020, il n’en reste pas moins que concevoir un livre papier implique de se poser quelques questions et d’y répondre précisément. Voyons ensemble comment résoudre chacune et réaliser ainsi une maquette de livre papier pas à pas.

Version

2.0

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Mise à jour

24/01/2021

Changement des versions
24/01/2021
  • Mise en avant d’Affinity Publisher et suppression d’InDesign que je n’utilise plus.
  • Précisions sur l’importation des styles.
  • Détail de la création d’une table des matières avec Affinity Publisher.
  • Mise en avant de Books on Demand et suppression des détails concernant la publication vers Amazon KDP.

Les outils

Si LibreOffice, Word, ou Pages sont capables de faire une mise en page correcte, j’ai pour ma part préféré un logiciel plus spécialisé, essentiellement parce que la gestion des images dans les traitements de texte me semble très primitive et que je voulais également placer des en-têtes et des pieds de page un peu particuliers. J’avais besoin d’un logiciel capable de gérer à la fois une typographie fine et pointilleuse, et une mise en page un peu inhabituelle, avec des automatismes avancés me permettant de gagner du temps sur les opérations de mise en page répétitives.

Je ne suis pas favorable au modèle des abonnements pour utiliser un logiciel, aussi ai-je écarté InDesign alors que c’était le choix le plus logique. En effet, il est utilisé de façon professionnelle dans l’industrie du livre et une première prise en main avait montré qu’il pourrait remplir le cahier des charges. Il m’a en effet permis de réaliser la première édition du Choix des Anges.

Et puis, à force d’attendre une alternative, elle a fini par émerger.

Affinity Publisher est enfin sorti.

Je l’ai acheté (car il s’agit d’une licence classique, sans abonnement) pour une cinquantaine d’euros. Un investissement que je ne regrette pas, car il sait faire tout ce que réalise InDesign, sans avoir besoin de passer à la caisse tous les mois. J’ai pu reprendre la maquette du Choix des Anges et l’améliorer facilement pour une deuxième édition.

Les étapes de la fabrication de notre maquette seront donc réalisées avec ce logiciel, très ergonomique, et surtout très puissant. Vous pouvez d’ailleurs, si vous voulez aller plus loin que cet article de découverte, vous procurer le manuel (en anglais seulement, hélas) qui vient de sortir.

Même pour un auteur autoédité qui ne sort qu’un livre par an, l’investissement est extrêmement rentable.

Quand la taille importe vraiment : le format du livre

Si vous regardez dans votre bibliothèque, vous serez peut-être surpris de remarquer que les dimensions des livres sont très disparates entre les éditeurs, et même entre chaque collection chez un même éditeur. Ainsi vos livres sont plus ou moins hauts, plus ou moins larges, plus ou moins épais.

Théoriquement, on peut grouper les dimensions des livres suivant trois grandes catégories.

Les livres de poche, plutôt peu hauts et peu larges, mais parfois très épais, sont très populaires depuis quelques dizaines d’années. Ils sont caractérisés par une mise en page peu aérée afin de faire tenir le texte dans un espace restreint. Leur confort de lecture, parfois, s’en ressent.

Les livres plus classiques assez hauts et larges, parfois encore plus épais car possédant souvent un papier de meilleure qualité, ont la plupart du temps une mise en page plus aérée, et un confort de lecture plus grand. Mais ce dernier point n’est, hélas, pas une règle absolue.

Les « beaux livres » sont très hauts et très larges et sont souvent des éditions luxueuses où le texte est mis en valeur de manière plus soignée encore. Il arrive même que la tranche soit dorée, que la reliure soit cousue et recouverte de cuir.

Et pourtant, il n’existe aucun standard de taille et chaque éditeur a conçu ses livres de poche dans des dimensions légèrement différentes.

Chacun choisit donc le format et les proportions qu’il désire.

Vous en aurez une autre preuve lorsque vous examinerez comme moi les formats acceptés à la fabrication par deux des prestataires les plus fréquemment mandatés par les auteurs autoédités : Amazon et Lulu. Vous remarquerez avec moi qu’il y a peu de formats qui correspondent exactement entre les deux.

Vous allez donc devoir faire votre choix selon plusieurs critères.

  • Nature du livre
  • Encombrement désiré du livre
  • Épaisseur désirée du livre
  • Taille des marges du texte
  • Longueur du texte
  • Existence de plusieurs tomes
  • Identité de collection ou d’édition
  • Coût de fabrication du livre et prix final de l’ouvrage

Pour ma part, j’ai commencé par avoir envie d’un format assez haut et assez large, afin d’obtenir un confort de lecture le plus grand possible et une épaisseur modérée, mon texte étant relativement court (un peu plus de 78 300 mots), mais au prix d’un encombrement assez important. Je ne sais pas pour vous, mais si j’adore lire des livres de poche parce qu’ils sont transportables partout, je déteste cette sensation physique très rapide d’avoir les pouces qui ne savent plus où se mettre parce que le texte est collé au bord des pages et que l’épaisseur du livre rend la force déployée pour laisser le livre ouvert très désagréable. Je finis par ne plus savoir comment tenir le livre et changer régulièrement de position : main gauche ou droite en haut de la reliure, ou chaque main tenant les bords extérieurs du livre, pouce droit ou gauche sur le bas de la reliure. Bref, je suis un lecteur difficile, physiquement parlant. J’avais donc pensé qu’un livre haut et large, mais non pas carré, serait bien plus agréable. De plus, j’avais envie d’une proportion qui se rapproche un peu de l’écran d’un iPad. J’avais également dans l’idée de proposer une maquette intérieure qui soit basée sur une identité visuelle ainsi qu’un format assez haut de gamme en choisissant une mise en page dite « demi-luxe » (nous en reparlerons plus tard).

Cependant, le coût de fabrication du livre était important, ce qui bien sûr en faisait monter le prix final. Et mes conseillers (car j’en ai), m’ont fait remarquer qu’un roman qui se lit, se lit de nos jours dans le métro, dans le train, en vacances, dès que l’on a un moment, et que les formats de petite taille sont bien plus pratiques pour cela.

J’ai donc fait un compromis et opté pour un format A5 (148 mm x 210 mm) assez grand pour mettre en place une mise en page aérée et ne pas être trop épais, mais assez petit pour tenir facilement dans un sac.

C’est un format qui est proposé facilement par les prestataires européens d’impression à la demande, dont Books on Demand, que j’ai choisi, le format A5 est en effet assez naturel, puisqu’il fait partie des standards de dimension.

Pour ce qui est des prestataires américains, comme Lulu ou Amazon, je fais le choix de ne plus en parler ici, car il existe de nombreuses ressources sur la Toile, et car j’ai envie de privilégier des moyens plus locaux et éthiques de publier un livre.

Mise en page

Cependant, la question de la taille du livre ne peut s’envisager qu’en prévoyant aussi le type de mise en page que l’on souhaite, car c’est aussi un point important pour le confort de lecture comme pour l’identité visuelle que vous désirez offrir à l’ouvrage.

Un livre, c’est donc du texte mis en forme. Encore faut-il savoir comment.

D’abord, il y a les marges, encore appelées blancs, qui vont nous demander un peu de vocabulaire.

On appelle blanc de tête et blanc de pied les blancs situés respectivement en haut et en bas de la page.

On appelle grand fond le blanc situé à l’extérieur de la page, et petit fond le blanc à l’intérieur de la page près de la reliure.

La façon dont ces marges sont agencées, aussi appelée empagement, va avoir une influence sur la disposition du texte et donc sur la façon de lire. On considère en effet qu’il est plus agréable d’avoir de la place pour poser les doigts sans gêner la lecture si les marges extérieures du livre sont assez larges, voire plus larges que les marges intérieures. D’où les noms de grand fond et petit fond. Il est d’ailleurs étonnant que nombre de sites, à commencer par Amazon, continuent à recommander de faire l’inverse. Une autre raison d’abandonner définitivement le mastodonte américain.

On calcule chaque blanc suivant une proportion, qui a pu varier à travers les époques. Vous en trouverez ici plusieurs exemples.

Connaissant mon attrait pour le nombre d’or, j’aurais pu me laisser tenter, mais c’est finalement vers une proportion différente que je me suis tourné, après avoir fait quelques essais. C’est la règle des 4, 5, 6 et 7/10 e.

Pour l’obtenir, il est nécessaire de calculer l’empagement, c’est-à-dire la place qu’occupe le texte dans la largeur de la page. Classiquement, on retient trois tendances d’empagement.

  • Empagement « demi-luxe » : le texte (aussi appelé justification) occupe les ⅔ de la largeur de la page. La justification est donc de 98 mm pour une page A5 dans ce choix d’empagement.
  • Empagement courant : le texte occupe les ¾ de la largeur de la page. La justification est de 111 mm pour une page A5 dans ce choix d’empagement.
  • Empagement « luxe » : le texte occupe les ⅝ de la largeur de la page. La justification est de 92,5 mm pour une page A5 dans ce choix d’empagement.

L’empagement détermine donc ce que l’on appelle le blanc total, soit la proportion de la largeur de la page qui reste blanche.

Dans mon cas, sur une page A5 de largeur 148 mm, en choisissant un empagement demi-luxe, le blanc total est de 50 mm. Il ne reste plus qu’à calculer les blancs :

  • Blanc de tête : 5/10 e du blanc total (soit 25 mm dans mon cas)
  • Blanc de pied : 7/10 e du blanc total (soit 35 mm dans mon cas)
  • Petit fond : 4/10 e du blanc total (soit 20 mm dans mon cas)
  • Grand fond : 6/10 e du blanc total (soit 30 mm dans mon cas)

Concrètement, avec Affinity Publisher, on commence par créer un document en pages vis-à-vis, et à indiquer la taille du papier comme les dimensions des marges (Fichier > Nouveau). On active ensuite la grille (Affichage > Gestionnaire de grille et d’axe...) et son magnétisme (Affichage > Gestionnaire de magnétisme...) afin de positionner correctement tous les éléments sur la page.

Le tout donne une impression, me semble-t-il, assez harmonieuse.

Vous voilà prêts à commencer votre maquette.

En-têtes et pieds de page

Vous aurez remarqué depuis bien longtemps que les blancs d’un livre sont souvent utilisés pour y inscrire des indications qui n’ont rien à voir avec le texte lui-même, mais qui permettent au lecteur de se repérer. Le numéro de la page par exemple, est une information précieuse.

On appelle ces zones les en-têtes (donc, placées dans le blanc de tête) et les pieds de page (placés dans le blanc de pied, merci, Monsieur de La Palice).

Affinity Publisher fonctionne avec le principe des cadres. On crée des cadres que l’on remplit ensuite d’un contenu. Ce peut être une image (cadre d’image), du texte (cadre de… texte) ou autre chose encore (mais pour la mise en page d’un roman, nous ne nous en servirons pas).

Il nous suffit de sélectionner l’outil de création d’un cadre de texte et de le créer à l’endroit qui nous sied en se servant de la grille, mais aussi de quelques repères, comme par exemple les marges de notre page, qui sont bien visibles.

Ensuite, nous remplissons le cadre. Si vous désirez que le numéro de la page soit automatiquement ajouté, vous sélectionnez l’option Texte > Insérer > Champs > Numéro de page. Pour les autres informations, il est d’usage d’indiquer le nom de l’auteur (mais est-ce bien nécessaire ?), le titre du livre, le titre du chapitre en cours. À vous de voir ce que vous désirez faire.

Pour ma part, vous le verrez, ma maquette est plus atypique. J’ai eu envie de positionner mes numéros de page sur les deux grands fonds, et le titre du livre comme le titre du chapitre en cours sur le grand fond de la page de gauche seulement.

Les gabarits

Je ne vous apprendrai rien en vous faisant remarquer qu’un livre a souvent des pages de gauche différentes de ses pages de droite. C’est encore plus vrai quand les marges intérieures et extérieures sont différentes entre elles. C’est évident quand on remarque que les en-têtes et les pieds de page sont différents à droite et à gauche. Enfin, pour enfoncer le clou, la convention veut qu’en Occident les chapitres débutent toujours sur une page de droite sans en-tête ni pied de page, et souvent même sans être numérotés (sans folio, dit-on dans le jargon).

Pour ne pas avoir à créer à chaque fois les marges des pages, ou à noter les numéros des pages par exemple, on peut créer des gabarits de pages. Les gabarits (appelés maquettes et planches dans Affinity Publisher) sont des modèles qui seront utilisés par le logiciel chaque fois que vous en aurez besoin. Tous les éléments présents sur un gabarit seront automatiquement répercutés sur toutes les pages de votre livre qui utilisent ce même gabarit. C’est très utile pour inscrire le numéro des pages et pour les en-têtes et les pieds de page, mais aussi pour les pages liminaires ou les premières pages de chapitre, qui ne sont jamais numérotées si l’on suit les règles admises.

Ces gabarits seront très pratiques par la suite, car ils permettent de gagner énormément de temps dans la réalisation de la maquette, mais aussi parce qu’ils vous permettent de créer une unité visuelle d’ouvrage en ouvrage. Vous pouvez ainsi décider d’une mise en page qui sera réutilisée pour vos livres ultérieurs.

C’est pour cela qu’en plus des gabarits évidents que sont les pages droite de texte et gauche de texte, je me suis créé d’autres modèles, comme ceux des premières pages de chapitre, ceux des pages de titre de chapitre, ou même des pages avec des textes ou des images qui se répèteront toujours au même endroit. Nous verrons plus loin quelles sont les pages qui méritent de créer un gabarit.

Pour le moment, de façon pratique, comment créer un gabarit ?

Tout simplement dans le panneau de gauche d’Affinty Publisher, onglet Pages, section Maquettes. Le logiciel a déjà créé une maquette appelée Planche de type A, qui correspond aux pages de droite et de gauche standard, vides, en vis-à-vis. En double-cliquant dessus, le logiciel vous les affiche. Vous pouvez les modifier à loisir et chaque changement sera répercuté sur toutes les pages qui utilisent ce gabarit. Vous pouvez aussi cliquer sur l’icône symbolisant une page stylisée pour ajouter une nouvelle maquette, Planche de type B, que vous pouvez renommer facilement.

Pour appliquer un gabarit, vous sélectionnez une page dans votre « chemin de fer » et vous glissez-déposez le gabarit voulu dessus. Rien de plus simple.

Toujours une question de styles

Nous avons déjà longuement parlé des styles et de leur utilité dans un traitement de texte ou même dans Scrivener, que ce soit pour créer un livre papier ou un livre électronique.

Les styles sont également essentiels dans la conception de la maquette.

Ils vont sans doute vous prendre du temps pour les créer, les peaufiner, les bichonner, mais une fois définis, ils vont vous simplifier la vie d’une façon incroyable, car ils possèdent un pouvoir rare dans le monde de l’informatique : ils sont interopérables.

Mon flux

En effet, mon flux de travail est essentiellement basé sur deux piliers.

Le premier est le format de texte RTF (rich text format), qui est reconnu et lu par tous les logiciels de traitement de texte comme par Scrivener ou Affinity Publisher.

Le deuxième est l’utilisation de styles qui sont inscrits, engrammés dans le fichier RTF, et que chaque logiciel sait reconnaître.

Un texte marqué avec un nom de style particulier dans Scrivener (ou dans Word ou dans LibreOffice) gardera attaché le nom de ce style si on l’exporte en format RTF.

Ainsi, comme nous l’avons vu dans la première partie de cette série, j’ai créé un style dans Scrivener qui me permet de marquer les portions de texte qui sont vues par un autre angle, ou qui désignent une scène décalée temporellement ou spatialement, des flashbacks.

Lorsque j’aurai compilé le texte, les portions marquées de ce style seront reconnues par Affinity Publisher, ce qui me permettra d’appliquer le style définitif propre au livre papier.

Mais mieux encore (et nous le verrons dans l’épisode 3 de la série Créer un EPUB), la compilation de Scrivener peut marquer le texte stylé pour le lier à la feuille de style CSS.

Il n’est donc besoin que ne marquer une seule fois le texte original, pour y appliquer ensuite les styles propres à chaque canal de diffusion : livre papier dans Affinity Publisher, livre électronique dans Brackets ou Sigil.

Les styles nécessaires à un livre papier

Pour un livre papier, vous allez avoir besoin de créer quelques styles en plus de ceux déjà pensés pour le texte lui-même et que nous avons déjà vu dans l’épisode 1 de cette série d’articles. Il y aura donc :

  • Le style des en-têtes et des pieds de page (numéros de page, notamment).
  • Le style du titre du livre.
  • Le style de la table des matières.

Les styles de Scrivener ne servent donc que pour marquer le texte sans véritablement lui donner une identité, tandis que cette dernière est définie dans les styles conçus dans Affinity Pulisher qui permettent de créer l’habillage véritable du livre.

Il faut bien distinguer styles de paragraphes (qui s’appliquent donc à l’ensemble d’un paragraphe et en modifient toute la structure et l’apparence : est-il centré, justifié à droite, à gauche, aligné à droite ou à gauche, avec quel retrait de première ligne, quel retrait tout court, etc.) et styles de caractères qui s’appliquent seulement à certaines parties d’un paragraphe par exemple (italique, avec quelle fonte, avec des ligatures, etc.).

Par exemple, mon corps de texte est défini par un style de paragraphe justifié, sans retrait global mais avec un retrait de première ligne de 3 mm, et un style de caractère de fonte Paciencia normal de corps 10 pixels avec un interlignage de 13 pixels, des ligatures communes et discrétionnaires activées.

Je vous conseille fortement de faire table rase des styles qui sont embarqués dans Affinity Publisher, car ils risquent de faire doublon et de vous perturber ensuite. Pour cela, cliquez sur Texte > Styles de texte > Détacher et supprimer tous les styles. Il ne restera plus que les ceux nommés [Aucun style] dans les styles de caractères comme dans les styles de paragraphes.

Le texte brut : compiler depuis Scrivener

Les phases préparatoires étant terminées, il est temps d’intégrer le texte dans la maquette. Pour cela il faut tout d’abord exporter celui-ci depuis Scrivener, ou, selon le terme qui convient le mieux, le compiler. Cette opération est un paramétrage qui mérite qu’on s’y attarde un peu, et je l’ai donc détaillée dans une autre série d’articles, dont le premier vous aidera à mieux vous y retrouver.

L’objectif est d’obtenir un fichier RTF reprenant l’intégralité du texte, celui de l’œuvre comme celui des pages liminaires, en un flux continu comportant aussi les styles utilisés.

Vous pouvez utiliser le format de compilation que j’ai créé spécialement pour cette opération. Il est téléchargeable librement, et vous pouvez le modifier selon vos propres besoins. Pour l’utiliser tel quel :

Il vous suffit de cliquer sur Fichier > Compiler et une fenêtre s’ouvre par-dessus votre projet.

Trois vérifications s’imposent.

Sélectionnez bien le format de compilation nommé Publication dans la partie de gauche (1).

Vérifiez que le format de sortie du texte compilé soit bien RTF dans la barre du haut, même si pour l’importation dans Affinity Publisher, le format DOCX fonctionne tout aussi bien (2).

Et surtout, veillez à ce que toutes les portions de votre texte soient incluses dans la compilation dans la liste de droite (3). Au besoin, cochez ou décochez ce dont vous avez besoin ou pas.

Après quelques secondes, vous trouverez sur votre bureau un fichier RTF contenant tout votre texte.

Petite incursion dans le format de compilation de Scrivener

Pour ceux que ça intéresse, il est temps de se pencher sur le format de compilation que j’ai créé dans Scrivener dans l’optique de mon flux de travail. Nous nous intéresserons seulement ici à la partie RTF et nous verrons dans un autre article la partie EPUB.

L’objectif du format est de sortir un texte simple dont les styles sont préservés.

Pour entrer dans son mécanisme, faites un clic droit et sélectionnez Modifier.

Vous pourrez l’explorer en détail vous-mêmes mais en voici les principaux points.

En sélectionnant l’option RTF, vous allez voir que les sections de texte seul sont très peu formatées. Les sections des titres de chapitre sont agencées de façon à ce que la compilation écrive « Chapitre » puis un saut de ligne et le numéro du chapitre en incrémentant à chaque fois. Les styles importants sont indiqués et les noms qu’ils vont porter dans le fichier également (c’est capital pour pouvoir ensuite changer vos styles en un clic).

Le texte n’est pas mis en page.

Les autres options n’ont pas été utiles donc je ne les détaille pas.

Intégrer le texte dans Affinity Publisher

Une fois en possession de votre texte compilé par Scrivener, vous pouvez revenir dans Affinity Publisher.

La partie la plus excitante de la fabrication du livre commence.

Créez un cadre de texte sur la première page, puis allez dans Fichier > Insérer..., sélectionnez le fichier RTF que Scrivener a compilé pour vous.

Le texte est alors automatiquement ajouté dans le cadre de texte, mais comme ce dernier est trop petit, le logiciel le tronque et affiche un petit symbole en forme de triangle rouge en face d’un œil barré pour vous signaler qu’il le fait.

Créer un gabarit avec des cadres de textes liés

En double-cliquant sur la Planche de type A dans l’onglet Maquettes du volet de gauche d’Affinity Publisher, le logiciel va vous ouvrir le gabarit de vos pages de texte.

Avec un outil Cadre de texte, vous pouvez insérer sur la page de gauche une zone où prendra place votre texte. Et vous faites la même chose pour le cadre de droite. Cliquez ensuite sur l’icône en forme de triangle blanc qui se trouve en bas à droite du cadre de gauche. Votre pointeur s’accompagnera d’une icône symbolisant une chaîne et quand vous le dirigerez vers le cadre de droite, celui-ci se trouvera sélectionné. Cliquez dans le cadre de texte de droite.

Vous venez de lier les deux cadres de textes.

Ainsi, quand un texte sera inséré dans le cadre de gauche, s’il est trop long pour y être contenu tout entier, il « coulera » jusque dans le cadre de droite.

Voici les deux pages de droite et de gauche de base de votre livre toutes prêtes à recevoir votre flux de texte.

Le Chemin de fer

C’est ainsi que l’on nomme la suite des pages de votre livre, sous la forme d’une liste de pages en vis-à-vis dont la première est toujours une page de droite, et la dernière une page de gauche.

Afin que votre livre soit correctement imprimé, vous devrez toujours vérifier que le nombre total de pages soit un multiple de 4. En effet, un livre n’est rien d’autre qu’une série de feuilles pliées en deux associées entre elles, ce qui crée obligatoirement 4 faces à chaque feuille. Vous serez donc peut-être obligés de rajouter une, deux ou trois pages blanches à la fin de votre ouvrage pour obtenir ce multiple de 4.

Cliquez alors sur la Page 1 de votre Chemin de fer dans l’onglet Pages.

Rajoutez des pages en cliquant sur l’icône en forme de page vierge. Affinity Publisher vous demande combien de pages vous désirez rajouter, avant ou après votre première page (après me semble plus approprié, non ?), et quelle maquette (donc quel gabarit) utiliser. Répondez 3 pages (pour obtenir un nombre de pages total qui soit multiple de 4, bien sûr), après la page 1, et selon la Planche de type A.

Il ne vous reste plus qu’à lier le cadre de texte de la première page avec celui de la page de gauche suivante, pour que le texte se mette à « s’écouler » de page en page… votre livre prend forme devant vous.

Les styles importés

Comme vous avez auparavant pris soin de faire table rase des styles par défaut d’Affinity Publisher, vous n’allez retrouver que vos propres styles, ceux qui ont été importés depuis Scrivener, plus les styles Normal, créé par Scrivener lors de la compilation pour marquer le corps du texte, et les [Aucun style] en paragraphe et en caractère.

Pourtant, l’affichage est un peu mensonger, et je vous conseille de demander à Affinity Publisher de Réinitialiser le formatage du texte, c’est-à-dire d’enlever toutes les mises en forme qui ne sont pas prévues par les styles. Cela peut se faire assez facilement en cliquant sur l’icône en forme de T englobé dans un cercle inachevé sur la droite du volet des styles, après avoir préalablement sélectionné tout votre texte (raccourci clavier Command+A).

Vous pouvez constater la différence.

À partir de là, votre travail va être de détailler style par style la mise en forme que vous décidez de leur appliquer. Espacements, fontes, taille, tabulations, justification, typographie, etc.

Si vous avez déjà créé des styles qui vous conviennent dans un précédent fichier d’Affinity Publisher, vous pouvez les importer. Cela vous fera gagner du temps. Il suffit de cliquer sur Texte > Styles de texte > Importer des styles de texte... et de choisir un fichier dont les styles portent exactement les mêmes noms que ceux de votre fichier actuel. Le logiciel ouvre une fenêtre modale qui vous demande ce que vous voulez faire des styles qui portent le même nom. Si votre fichier précédent avait une mise en forme qui vous convenait, le tour est joué en un clic…

Affiner la mise en page

Une fois le texte intégré dans le nombre de pages nécessaire et les styles bien fixés, vous allez devoir soigner quelques détails.

Tout d’abord, par convention, un chapitre débute toujours sur une page de droite. Si par hasard vous aviez un chapitre qui commençait sur une page de gauche, il vous suffirait d’insérer une nouvelle page blanche, sans en-tête ni pied de page, avant cette page-là, sans lier le cadre de texte. Vous allez ainsi décaler automatiquement le début du chapitre sur une page de droite et retomberez sur vos pieds.

C’est le moment de vérifier si les styles choisis pour certains passages de texte sont harmonieux, si vous n’avez pas trop de veuves et d’orphelines. Je ne veux pas parler ici de votre rôle de soutien de famille, mais bien de lignes qui appartiennent à des paragraphes et qui se retrouvent isolées en bas de page (les veuves) ou en début de page suivante (les orphelines). Personnellement je préfère en laisser plutôt que de déséquilibrer la symétrie des deux pages, mais c’est un choix non académique que j’assume. Par contre, évitez à tout prix de vous retrouver avec une orpheline sur la dernière page du chapitre (voire du livre), cela serait assez disgracieux (à mon goût, bien sûr). Au besoin, jouez avec un saut de ligne ou avec la valeur de l’interligne.

Les pages liminaires

Un livre, c’est le corps du texte, mais pas seulement.

Dans un essai, il peut y avoir une préface, un index, une bibliographie.

Dans un roman, il peut même y avoir un index des protagonistes (ce serait une bonne idée pour Game of Thrones, par exemple, et certaines éditions le font pour les œuvres de Tolkien), des appendices pour expliquer certains détails propres à l’univers (là encore, le Seigneur des Anneaux en regorge).

Mais il y a aussi toute une série de pages auxquelles on ne pense pas spontanément mais qui font aussi qu’un livre est entier.

Outre les pages de garde (vierges) situées au tout début du livre imprimé, on trouve :

La page de faux-titre.

La page de titre.

À son verso le colophon, sur lequel, généralement en bas de page sera apposé votre copyright (ou la mention d’une éventuelle licence Creative Commons), l’ISBN de l’édition, et l’année de l’édition, la raison sociale de l’éditeur, parfois le nom de l’imprimeur.

La table des matières, qui recense les chapitres, leurs numéros et leurs noms éventuels, et le numéro de la page où ils débutent, mais aussi le numéro des pages des éventuelles annexes.

La bibliographie de l’auteur peut également apparaître, généralement sur la page de gauche qui fait suite à la page de titre. Y sont listés les ouvrages déjà publiés dans les différentes maisons d’édition.

Toutes ces pages peuvent facilement être composées dans Affinity Publisher à partir d’un gabarit.

Les images

Les images éventuelles que vous allez intégrer dans votre maquette intérieure doivent répondre à certains critères pour être imprimées ensuite avec une qualité satisfaisante.

Tout d’abord, veillez à ce qu’elles soient d’une résolution suffisante, d’au moins 300 dpi/ppp/ppi c’est-à-dire 300 pixels par pouce. C’est le standard professionnel qui vous garantira que l’image ne sera pas pixellisée et illisible, ou pire, dégradée, lors de l’impression. Pour cela, utilisez si besoin est Affinity Photo, le concurrent beaucoup plus abordable de Photoshop (et sans abonnement, vous m’avez compris).

Ensuite, leur format est important. Privilégiez les formats lourds mais très fidèles que sont le TIFF, le PSD, le BMP, ou le PNG, voire le PDF.

Enfin, leur intégration doit les mettre en valeur. Traditionnellement, dans un roman, elles sont placées sur la page de gauche qui précède un titre de chapitre. Dans certaines œuvres décrivant des univers fantasmés comme la fantasy ou la science-fiction, des cartes sont même intégrées pour aider le lecteur à suivre la géographie, la politique, le périple des héros, et ces cartes se placent la plupart du temps en début d’ouvrage.

La table des matières

Scrivener est capable de créer une table des matières lors de la compilation, mais elle ne servirait à rien dans mon flux de travail, puisque la pagination va complètement changer lors de la mise en page dans Affinity Publisher. C’est donc à ce dernier qu’est dévolue la charge de construire l’indispensable repère destiné au lecteur.

Et vous allez voir, la chose est assez aisée à construire.

Tout d’abord, vous devez indiquer au logiciel quelles sont les différentes sections de votre livre : parties, chapitres, sous-chapitres, bref, les grands repères que vous voulez donner au lecteur. Pour ce faire, dans l’onglet Pages du volet de droite d’Affinity Publisher, cliquez sur l’icône en forme de signet, le Gestionnaire de sections. Par défaut, il vous présente une section qui englobe la totalité de votre ouvrage. Sur votre chemin de fer, double-cliquez sur la première page que vous désirez marquer, celle du premier repère que vous voulez indiquer. Puis dans le Gestionnaire de sections, cliquez sur l’icône en bas à gauche qui représente une page planche cornée. Vous venez de créer une nouvelle section. Vous pouvez lui donner son titre, par exemple, là, elle va pour moi s’appeler Première partie. Vous ferez de même pour le premier chapitre de cette première partie, etc. Jusqu’à ce que toutes les sections de votre ouvrage soient marquées.

Veillez bien à ce que dans toutes les sections, vos titres (ici Livre premier et La tour brisée) soient dotés de styles correspondants et hiérarchiquement ordonnés. C’est-à-dire que les grandes sections (ici les parties du livre) seront dotées d’un titre de hiérarchie header1, les plus petites d’un titre header2 (ici les chapitres du livre), les suivantes d’un titre header3 (ce pourraient être les sous-chapitres). C’est très important pour la cohérence de votre table des matières et pour l’automatisation de sa stylisation ensuite.

Sur une page avant votre premier chapitre, dans un cadre de texte, cliquez pour insérer du texte.

Puis allez dans la partie Table des matières dans le volet de gauche, cliquez sur l’icône en forme de plusieurs pages intitulée Insérer. Le logiciel crée un texte qui dit « aucune entrée de TDM trouvée », mais il a créé une première table des matières, nommée TDM1, que vous pouvez maintenant paramétrer. Si vous cochez Header1 et Header2 dans les cases des noms de styles d’entrée, la table des matières se met automatiquement à jour et vous voyez apparaître les titres des sections et leurs numéros de pages.

Il ne vous reste plus qu’à modifier les styles de la table des matières, regroupés sous les dossiers TDM : Entrée et TDM : Numéro, pour que votre table des matières soit parfaite. Par exemple en donnant une taille décroissante aux diverses entrées en fonction de leur hiérarchie.

La création du PDF

Une fois tous les éléments de votre maquette positionnés, toutes les pages correctement remplies de texte, tout le corps de votre texte parfaitement placé dans les cadres adéquats, le nombre de pages vérifié, les images de bonne qualité intégrées, il ne reste que la dernière étape, celle qui va produire le document final, l’exportation dans un format stable et lisible par tous.

Ce format standard de l’industrie est le PDF.

Cependant, n’importe quel PDF ne fera pas l’affaire. Vous devez vous assurer de plusieurs critères.

Tout d’abord les fontes (ou polices de caractères) doivent être incorporées dans le PDF, de manière à ce que les caractères soient bien imprimés. Affinity Publisher fait ça très bien, automatiquement, sans même que vous ayez à le préciser.

Ensuite, il faut veiller à fournir un fichier aux normes demandées par votre service d’impression à la demande. Faut-il des traits de coupe, des repères ? Ou bien, au contraire, faut-il veiller à ce qu’il n’y en ait surtout pas ? Vous devrez vérifier cela dans Fichier > Configuration du document..., onglet Fond perdu.

Pour Books on Demand, vous devez aussi fournir un fichier PDF feuille à feuille, c’est-à-dire que la vue en double page que vous avez utilisée jusque là pour la mise en page, si elle est très pratique, n’est pas du tout adaptée. Il faut décocher dans Fichier > Configuration du document..., onglet Disposition l’option Doubles pages. Cela va prendre quelques minutes mais Affinity Publisher changera tout le fichier de manière à ce que chaque page soit présentée séparée des autres.

Vous êtes prêt à créer votre PDF grâce à Fichier > Exporter..., onglet PDF, préréglage PDF (pour impression). La résolution des images tramées sera bien de 300, comme nous en avons parlé plus tôt.

En cliquant sur Exporter, vous obtenez un très beau fichier de la maquette intérieure de votre livre, qui est prêt pour partir à l’impression…

Ah, peut-être pas, parce qu’il manque un très léger détail qui a pourtant une importance capitale : une couverture.

Et c’est ce que nous verrons dans le prochain épisode.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Making of a book, partie 1 : outils pour écrivain

Making of a book, partie 1 : outils pour écrivain

Making of a book, partie 1 : outils pour écrivain

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Publier un livre, c’est d’abord l’écrire, bien sûr.

Je n’ai pas la prétention de donner des cours d’écriture, car j’en serais incapable. D’autres font ça bien mieux que je ne le pourrais. Par contre je peux partager avec vous dans ce premier article quelques outils que j’ai adoptés pour moi-même. Je peux aussi vous livrer ma méthode, qui reste perfectible, personnelle, mais qui peut-être pourra vous donner quelques idées pour trouver ou peaufiner la vôtre.

Pour ce qui est de trouver l’idée première, l’amorce, l’étincelle créatrice, seule votre imagination saura vous guider.

Mais à partir de là, de ce mystère qui peut partir d’une impression, d’un sentiment, d’une vague sensation, parfois même seulement d’une couleur, d’une ambiance ou d’une simple phrase, il s’agit souvent d’apprivoiser le chaos, de l’organiser sans trop le brider, de sectionner des branches et d’en privilégier d’autres.

Version

2.2

}

Mise à jour

10/01/2021

Changement des versions
10/01/2021
  • Liste des styles nécessaires à l’édition.
06/01/2021
  • Changement d’images pour illustrer Scapple.
04/01/2021
  • Mise en avant de Scapple et suppression de MindNode que je n’utilise plus.
  • Mise en avant d’Affinity Publisher et suppression de Scribus que je n’utilise plus.
  • Correction de fautes et coquilles.

Order out of chaos, here comes the Mindmap again

Je vous ai déjà parlé de ma manie de faire des cartes heuristiques, des mindmaps, dans la conception des scénarios de jeu de rôle. Cette habitude s’est naturellement étendue à l’écriture littéraire comme elle a pu le faire dans ma vie quotidienne ou dans ma vie professionnelle pour structurer, ordonner, développer. Surtout développer. Car à partir de l’idée de base, de l’amorce de mon projet, je commence d’abord par creuser en notant tout ce que cela m’évoque.

J’ai d’abord utilisé un logiciel qui comprenait une version mobile, car je voulais noter mes idées n’importe où, dès que je les avais à l’esprit, ou revenir sur un canevas même quand j’étais loin de mon ordinateur.

Mais je me suis rendu compte que le travail sur une carte heuristique me demandait une concentration qui n’était pas compatible avec un iPhone, et que je n’étais jamais vraiment loin d’un poste de travail. Car je confondais la prise de notes avec leur organisation en carte heuristique.

Pour la prise de notes et être sûr de les fixer à un endroit où je les retrouverai toujours, je n’ai pas encore trouvé mon bonheur et on en discutera certainement dans un autre article.

Mais pour organiser mes idées, puisque j’ai besoin d’un logiciel qui me laisse toute créativité dans les liens et dans leur organisation, et je n’ai pas trouvé mieux que Scapple.

Quant à la méthode, une fois que j’ai jeté toutes les idées qui dérivent de l’originelle, un peu partout sur le canevas de Scapple, tout ce que m’inspire cette amorce, je commence à organiser en les reliant entre elles, en les regroupant, et souvent ces groupes engendrent d’autres idées qui en développent le concept. Je pousse la logique de chaque concept le plus loin possible et j’essaie de les expliquer les uns par rapport aux autres.

Je structure ainsi le début d’histoire entre l’intrigue, les personnages, les lieux et les éléments fondateurs.

J’utilise une sorte de code de présentation pour m’y retrouver facilement au premier coup d’œil. Les personnages, par exemple, sont entourés d’un cartouche vert, les concepts d’un cartouche rose, les dates d’un carré. Je vous livre mon fichier de base avec les styles qui correspondent en fin d’article.

Réalisme, recherches et crédibilité

Une histoire ne peut être crédible que si elle s’appuie sur une base solide qui en constituera le réalisme, ou mieux, la vraisemblance. Il est donc nécessaire de rechercher à chaque étape une cohérence dans l’intrigue, mais aussi dans l’univers décrit par l’histoire. Que ce soit pour un space opera poétique comme dans Poker d’Étoiles ou un monde rétrofuturiste comme pour Le Choix des Anges, ou plus encore dans une histoire censée se dérouler entre la Renaissance et nos jours dans des lieux comme Toulouse, Paris, ou Sarajevo comme le sera Fæe du Logis, il faut construire ou reconstruire pour soi comme pour le lecteur un monde, un environnement dans lequel prendra place l’intrigue elle-même.

Jusque là ma méthode restait archaïque : bouts de papier, marque-page dans mon navigateur internet, fichier texte.

Et puis, j’ai fini par adopter Scrivener. Comme il est mon outil également pour la phase d’écriture elle-même, je vous en parlerai plus en détail plus loin, mais la phase préparatoire de recherche peut aussi bénéficier des outils de Scrivener.

Le plus intéressant pour moi reste la faculté du logiciel à intégrer les pages internet que l’on glisse-dépose dans son interface. Il y crée instantanément une archive web consultable à tout moment lors de la rédaction.

Je prends également des notes en cours de rédaction, sur les points qui me semblent à approfondir ou à améliorer, les recherches à faire pour en développer d’autres, ou les liens à faire avec d’autres chapitres.

Je me sers également beaucoup des fiches de personnage et de lieu dont je vous ai déjà livré les fichiers pour construire peu à peu une cohérence dans mon histoire.

De la même manière, il est impératif de ne pas se contredire soi-même dans un livre qui se veut crédible, et ce notamment sur la chronologie. Vous savez bien que le temps est une donnée fondamentale pour moi, mais dans un livre de fiction, c’est plus encore le cas.

J’utilise donc Aeon Timeline qui permet de garder à l’esprit les dates importantes et de calculer automatiquement les âges des protagonistes à un moment donné de l’intrigue, tout comme la trace des événements passés et futurs afin de ne pas créer de paradoxes temporels qui pourraient anéantir votre si beau roman avant même qu’il ne soit né.

Et si je reviens dans le passé pour m’empêcher de faire ce rêve, est-ce que Fæe du Logis disparaîtra ?

Pensée terrifiante.

Aeon Timeline est même prévu pour s’interfacer avec Scrivener, ce qui permet de tenir l’intrigue à jour en même temps que les changements de chronologie et vice-versa.

Le travail à ce moment-là est un incessant va-et-vient entre Scapple, Scrivener et Aeon Timeline. Surtout pendant la phase de rédaction.

La plume du phœnix

J’ai écrit Le Choix des Anges de façon classique, avec un traitement de texte, LibreOffice, plus tard avec Pages.

Mais je me suis rendu compte que le processus d’écriture que j’avais mis en place rendait difficile le simple fait de retrouver un moment particulier de mon histoire pour le modifier. J’étais obligé de dérouler ou d’enrouler en permanence le fichier pour trouver deux endroits à corriger l’un par rapport à l’autre, pour vérifier leur cohérence ou leur tonalité. Et l’un comme l’autre devenaient lourds et lents au fur et à mesure que la rédaction avançait.

Je me suis donc tourné vers Scrivener et sa logique totalement différente qui permet de considérer chaque partie du texte comme un fichier séparé, organisé de façon fluide dans une sorte de chronologie narrative. Chaque morceau a son résumé, ses notes, parfois même des sauvegardes autonomes. On peut organiser chaque section avec des mots-clefs avec une liberté étonnante et un peu déroutante au début.

Il y a quantité de tutoriels sur Scrivener sur la Toile, notamment sur le site officiel de Littérature & latte. Vous pourrez en découvrir l’extrême versatilité et l’adaptabilité à tous les types de projets d’écriture.

Et à ma modeste échelle, je commets parfois quelques articles d’astuces que vous pouvez retrouver sur d’écaille & de plume.

Maison de Corrections

Vous avez envie d’écrire, c’est louable. Vous avez sans doute beaucoup de talent. Mais de grâce, soignez votre orthographe ! Il n’est rien de plus irritant, pour un lecteur, de bloquer sur un mot mal orthographié, sur une coquille oubliée, sur une tournure de phrase mal pensée. Pour ma part, une telle chose me gâche mon plaisir.

La Forme est sans doute aussi importante que le Fond, surtout pour un lecteur, ou même un relecteur ou un correcteur. Pour un éditeur c’est indispensable.

Et malgré toutes les dictées que ma mère m’a infligées (pour mon bien) dans mon enfance, tous les articles du Bescherelle que j’ai pu apprendre (et croyez-moi, j’avais intérêt à les savoir par cœur !), toutes les listes de mots que je devais connaître, il m’arrive à moi aussi de me tromper. Surtout sur un clavier d’ordinateur.

Corriger votre texte est donc incontournable.

Mais il existe plusieurs niveaux de corrections, que vous allez enchaîner voire superposer les uns aux autres.

Les corrections de fond, la « bêta-lecture »

Tout d’abord, il y a la correction la plus fondamentale, celle de la vraisemblance, de la cohérence et du réalisme de l’ouvrage. Si vous avez correctement pensé votre livre, il devrait y en avoir assez peu. Mais même l’intrigue la mieux pensée, même le personnage le plus travaillé psychologiquement peut se trouver dans une situation dont la vraisemblance peut être mise en doute à une lecture plus attentive. Et qui vous assure que vous n’avez pas dit que Tartampion avait les cheveux blonds au chapitre 4 et bruns au chapitre 5 ?

Chaque acte d’un personnage doit en outre être cohérent avec d’une part l’univers que vous avez construit, avec sa psychologie propre, et avec les réactions que sa psychologie lui autorisera lorsqu’il sera confronté à la situation que vous avez créée.

Vérifier que tout cela ne cloche pas est un travail difficile, car il faut prendre du recul avec le texte, avec les personnages, avec l’histoire.

C’est pour cela que je n’y vois que deux solutions : soit prendre deux ans de recul sans toucher le texte (à ce rythme-là, je n’accoucherais personnellement que d’un roman tous les 50 ans…), soit demander à quelqu’un d’autre de lire et de critiquer votre travail. C’est bien entendu la deuxième solution qui me paraît la plus intéressante, car elle permet aussi de confronter le point de vue d’un premier lecteur, ou même de plusieurs, avec celui de l’auteur. Souvent de la discussion naît la lumière, et cette situation ne fait pas exception à la règle.

Il faut bien sûr se trouver une ou plusieurs personnes de confiance, quelqu’un qui comprendra votre univers, qui sera suffisamment proche de vous pour l’apprécier et surtout pour vous faire des retours structurés, organisés, et des critiques constructives. Il n’est pas question de se limiter à un simple « oui c’est super génial » ou à un « je n’aime pas ». Il faut argumenter, développer, discuter. Pour l’auteur, cela demande un peu d’humilité, car il n’est pas toujours facile d’entendre que l’on n’a pas tout réussi du premier coup. Pour le bêta-lecteur, cela demande du doigté et de la diplomatie.

Ces corrections sont celles où l’auteur peut aussi « défendre son bout de gras », et argumenter lui aussi face à son bêta-lecteur. S’il pense que telle action du personnage est justifiée, il peut la garder, mais peut-être mieux l’expliquer.

La forme, une question de style

Une fois le fond stabilisé, il est maintenant temps de s’occuper de la forme.

Vos phrases sont-elles trop longues, trop courtes ? Y a-t-il des répétitions qui alourdissent le style, des fautes de syntaxe, un manque de concordance des temps ?

Je me sers de deux sources dans ce moment critique.

Tout d’abord Antidote, le logiciel de correction orthographique. Il a la particularité de repérer très facilement les répétitions ou les syntaxes discutables.

Ensuite et surtout, d’autres correcteurs ou correctrices humaines.

Là encore, vous seul jugerez si les corrections suggérées doivent être appliquées ou pas. Antidote n’est pas un logiciel parfait, il lui arrive de se tromper (assez souvent) ou d’être trop strict. Vos correcteurs auront sans doute aussi cette qualité. Mais même si Antidote réclame une correction pour l’emploi d’un mot familier, vous pouvez décider de le garder tout de même, car le personnage qui l’emploie possède un registre de langage familier, ou parce que vous désirez que votre style soit familier dans cette partie-là de votre livre. Vous pouvez décider de garder une répétition pour créer de l’emphase, pour donner un rythme à votre phrase comme en poésie ou en rhétorique.

Bref, là encore vous devrez faire des choix.

L’esprit et la lettre

Par contre, vous en aurez moins dans la troisième phase des corrections, la phase orthographique et grammaticale.

Là encore j’utilise deux sources (en plus de mes propres relectures) : Antidote et mes correctrices.

Antidote fera des suggestions de corrections basées sur les paramètres que vous lui aurez indiqués auparavant : voulez-vous écrire selon l’orthographe traditionnelle, ou la réforme simplifiée des années 1990 ? En fonction de ce choix, les graphies correctes ne seront pas les mêmes. Et Antidote vous les explique.

Cela simplifie le dialogue avec mes correctrices, qui ont parfois autant de doutes que moi sur une orthographe. Mais les yeux aguerris des humains peuvent parfois trouver des coquilles que le logiciel a laissé passer, car les mots n’étaient pas incorrects, même s’ils changent complètement le sens de la phrase (mère et mer, par exemple).

Un défaut actuel d’Antidote (même si Druide, la société éditrice, m’a assuré qu’elle y travaillait) est qu’il ne sait pas gérer l’accord de proximité.

L’art délicat de la typographie

Une fois l’orthographe corrigée, il faut s’occuper de la typographie, c’est-à-dire de la façon correcte d’enchaîner les signes de l’écriture, notamment (mais pas seulement) la ponctuation, de manière à ce que le texte ait une forme agréable pour le lecteur.

La typographie est essentiellement (mais pas seulement), l’art de savoir placer les espaces.

Les espaces fines, sécables, insécables. Car oui, en typographie on dit une espace et pas un espace. Antidote vous guidera pour savoir quels espaces utiliser : après les points et jamais avant, les espaces avant et après les deux points, les espaces avant et après les points d’interrogation ou d’exclamation. Les espaces entre les chiffres.

Cependant, vous apprendrez aussi à mettre en forme les dialogues, l’importance des tirets cadratin et semi cadratin, des apostrophes et virgules courbes, des guillemets français et de leur différence avec les anglais.

C’est Antidote qui me sert de guide, là aussi, en complément avec l’excellente série d’articles de Lionel Davoust qui expliquent tout cela de façon claire et illustrée. Et franchement, là, je les écoute toujours.

Existe-t-il un autre style ?

Cependant, comme vous pouvez le lire dans le premier volet de la série Créer un livre électronique au format ePub3, il est important de structurer le manuscrit final pour obtenir une base de texte qui sera mise en forme séparément. Une seule structure qui sera utilisée pour construire la forme de votre livre papier, et celle de la version électronique du même ouvrage.

On obtient cette structure grâce à l’emploi des styles de paragraphes ou des styles de caractères (voir le chapitre plus détaillé) dans les traitements de texte classiques comme LibreOffice, Pages ou Word.

Pour Scrivener, la philosophie est légèrement différente.

Le texte qui est dans le logiciel est un texte brut, peu mis en forme. Une fois écrit, il est nécessaire de le compiler, c’est-à-dire de l’exporter comme un fichier plus classique, dans l’ordre que vous aurez décidé. Par exemple, si vous désirez mettre le contenu du chapitre 11 avant celui du chapitre 7, pour quelque raison que ce soit (une sortie papier de correction permettant de mettre les deux chapitres en parallèle ?) vous indiquez simplement au logiciel qu’il doit organiser le manuscrit de sortie dans cet ordre-là, et abracadabra !

La phase de compilation (j’ai d’ailleurs écrit un article à ce sujet) est donc celle qui permet vraiment de donner une structure au texte, mais vous devrez sans doute auparavant distinguer dans votre rédaction les zones de texte qui différeront de votre texte principal, là encore avec des styles de paragraphes et des styles de caractère. Je vous en donne un exemple avec le premier chapitre du Choix des Anges, construit comme un montage de cinéma qui entrelace différents moments dans la narration faite par Armand. Pour distinguer les phases de flashback et celles de la narration normale, j’ai utilisé un style différent, que j’ai indiqué à Scrivener dès la rédaction. Ainsi, lorsque je vais compiler mon texte, les paramètres tiendront compte de ce style particulier.

La liste des styles utiles

Voici les styles que vous aurez certainement besoin de créer ou d’utiliser dans votre projet de livre.

Des styles de caractères :

  • Un style de mise en évidence pour les mots importants. On utilise en général une mise en italique.
  • Un style d’accentuation forte pour être encore plus marquant. On utilise la plupart du temps une mise en gras.
  • Un style mixte, pour combiner la mise en évidence et la mise en gras.
  • Un style mise en évidence dans un texte en italique, qui permet de renverser la mise en italique si besoin.
  • Un style de Première phrase de chapitre si vous voulez changer la casse de vos débuts de chapitre par exemple (on peut le faire autrement dans Scrivener, mais la solution d’un style est plus interopérable avec les autres logiciels comme les traitements de texte).

Des styles de paragraphes :

  • Un style de corps de texte, la base de votre texte.
  • Un style de titre de chapitre, pouvant être ensuite décliné pour la façon dont vous allez numéroter les chapitres.
  • Un style de titre de parties, si vous en avez dans votre texte, pouvant là aussi être décliné pour la façon dont vous voudriez numéroter les parties.
  • Des styles de scènes, vous permettant de distinguer autrement qu’avec les signes typographiques de changement de scène deux moments différents dans une même séquence, comme des analepses ou des prolepses (flashbacks et flashforwards).
  • Un style de dédicace, qui marque déjà le texte sur la page adéquate.
  • Un style de mentions légales qui marque lui aussi le texte sur la page dédiée.
  • Un style de titre de scène ou de division de scène.
  • Un style ou des styles pour vos entêtes et vos pieds de page.

Un seul texte, plusieurs vies

Une fois que le long et lent processus d’écriture est terminé, et même pendant, vous aurez besoin de mettre en forme le texte suivant vos besoins.

Or, un même texte peut être envoyé à vos bêta-lecteurs pour correction, ou au logiciel de mise en page pour obtenir un PDF nécessaire à la fabrication du livre papier, ou au logiciel qui créera le fichier électronique à intégrer dans une liseuse.

C’est là que la philosophie de Scrivener est à mon avis un énorme avantage. Le texte ne change pas. Vous n’avez rien à faire dessus. Seules sa forme et le format du fichier de sortie vont changer. Et cela peut se décider en quelques clics pour peu que vous sachiez exactement ce que vous voulez.

Il faut d’abord connaître vos propres besoins.

Pour ma part, j’ai décidé de concevoir trois mises en forme seulement, en fonction de ce que le texte va devenir et aussi des étapes nécessaires. Je vous résume tout cela dans une petite carte heuristique (ça faisait longtemps).

  • Une mise en forme qui aura pour but de donner le texte à mes correctrices, selon deux modalités qui restent leur choix : un fichier PDF à imprimer ou un fichier plus classique à corriger dans un traitement de texte. J’utilise aussi ce format pour mes propres corrections et pour y porter des annotations afin d’enregistrer la version audio du livre.
  • Une mise en forme de publication destinée au livre papier, essentiellement sous un format RTF qui sera importé dans un logiciel de mise en page comme Affinity Publisher, qui est celui que j’utilise personnellement.
  • Une mise en forme de publication destinée au livre électronique, comme un format EPUB natif que je corrigerai ensuite selon mes desiderata plus précis.

Pour chacune, j’ai décidé de ce que je voulais : des en-têtes sur la page, et lesquels, jusqu’aux marges, en passant par l’incorporation des styles ou non.

Et j’ai construit deux formats de compilation pour Scrivener. Un format dit « épreuve » et un format dit « publication » qui servira pour la suite du travail de production, tant en papier qu’en numérique.

Je détaillerai avec vous les étapes qui ont mené à la conception de ces formats de compilation dans plusieurs articles.

Maîtriser la compilation dans Scrivener, partie 1

Pour aller plus loin sur la compilation dans Scrivener.

La naissance de Janus

La suite de la vie du texte sera différente suivant que l’on désire fabriquer le livre papier, sa version électronique, ou encore sa version audio. Nous verrons cela dans trois séries d’articles complémentaires.

Au début de chacun d’eux, je passerai en revue avec vous les outils complémentaires qui sont les miens, et nous progresserons ensemble vers la réalisation de chaque incarnation de votre œuvre.

Les présents d’Héphaïstos

Tout comme le dieu forgeron le fit pour de célèbres Héros de la mythologie grecque, le Serpent à Plume a fait éclore dans son nid de flammes des armes magiques qui vous permettront de vaincre vos ennemis, mais surtout de surmonter les obstacles de la compilation avec Scrivener.

Voici donc :

  • Un fichier d’exemple Scapple pour mes codes de présentation sur les cartes heuristiques.
  • Un modèle générique pour un roman (celui que j’utilise), et mes formats de compilation pour la correction, et pour la publication papier et numérique. Nous les utiliserons pour les prochaines étapes de la fabrication du livre dans sa version papier, mais également dans ses versions numérique ou audio.

Vous pouvez les télécharger en devenant membre de la Tribu des Ptérophidiens & Ptérophidiennes, à travers la lettre d’écaille & de plume.

Libre à vous des les utiliser ou de les modifier selon vos propres besoins, ils sont juste une base, certainement perfectibles.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Le Choix des Anges, les 3000 premiers mots

Le Choix des Anges, les 3000 premiers mots

Le Choix des Anges, les 3000 premiers mots

Malgré les difficultés et les obstacles que la vie pose sur son chemin, mon deuxième roman avance peu à peu. Il atteint actuellement la barre fatidique des cinquante mille mots, la dépasse même quelque peu. Il fera certainement dans les soixante dix mille une fois terminé.

Mais la gestation est longue, elle est parfois frustrante. Car je ne peux pas passer autant de temps que je le voudrais dans l’écriture. La fatigue physique qui me guettait depuis deux ans comme un félin pervers à l’affût m’a rattrapé il y a peu et a planté ses griffes dans ma chair. Comme tous les félins pervers (pléonasme ?), cette bête-là joue avec moi. Je dois donc ralentir mon rythme d’écriture, quand je voudrais tant l’augmenter. Mais les exigences de la vie font que d’autres priorités viennent percuter mes envies profondes.

La bonne nouvelle est que cet état aura une fin, une fin prévisible, même, puisque les ajustements professionnels qui sont à l’origine de mon épuisement seront enfin passés, digérés, résorbés, métabolisés d’ici l’été. Je prévois donc une accalmie à la rentrée, et si le plan se déroule sans accroc, Le Choix des Anges devrait sortir de la matrice au début de l’automne.

Mes bêta-lecteurs (qui sont loin d’être des lecteurs bêtas) seront alors les premiers à poser leurs yeux sur l’aventure noire et surnaturelle d’Armand et de Marianne. Une fois leurs retours intégrés et les inévitables corrections faites, le livre devrait sortir avant la fin de l’année.

Il prendra deux formes : une incarnation de papier bien concret, et une incarnation numérique, puisqu’il est juste que l’océan des données informatiques mondial puisse lui aussi s’en nourrir. Après tout, les algorithmes aussi ont le droit de s’évader en lisant un bon bouquin !

Je voulais cependant partager avec vous ce qui semblerait être devenu les premières pages du livre, après la refonte totale que j’ai entamée en septembre dernier. Il se pourrait que ce soit cette fois le véritable début de la narration, même si je ne peux garantir que mon choix soit définitif. Comme dirait un petit bonhomme vert de ma connaissance « toujours en mouvement est l’avenir ».

Je vous livre donc un peu plus des premiers mille quatre cents mots du livre. Une introduction in media res.

Et si vous voulez en savoir plus sur la genèse du Choix des Anges, vous pouvez aussi lire les articles que j’y ai déjà consacrés.

Un commencement est une chose fragile, délicate, précieuse.

Car au commencement, il n’y a pas vraiment la lumière. Mais bien l’ombre. L’ombre contient en elle-même tout ce qui n’est pas encore réalisé, et cependant qui pourrait l’être.

C’est un choix qui fait sortir la lumière hors de l’ombre. L’étincelle divine qui scinde l’incréé.

Alors la Création se déploie. Chaque acte, chaque mot, chaque idée, tout naît de cette étincelle primordiale qui désormais donne naissance à mille rayons de feu sans cesse renouvelés à chaque moment de notre existence.

Nous prenons à cet instant-là un chemin qui se déroule au fur et à mesure que nous le parcourons. Des lignes de lumière émergent de nos choix en permanence, pour l’éclairer et nous guider.

Parfois, on peut se demander comment cet enchaînement de choix et de conséquences nous a conduits là où nous en sommes. En se retournant sur son chemin, il est vertigineux de se rendre compte de l’improbabilité de ses méandres.

C’est le lot de chaque être vivant doué de conscience en ce monde.

C’était mon lot comme c’est le vôtre.

Si j’en avais vraiment eu l’occasion, j’aurais pu m’étonner ou rire intérieurement de la position dans laquelle je m’étais enferré lorsque tout cela a vraiment commencé. Outre que je n’en avais pas le loisir, maintenu par une poigne d’acier et frappé en tous sens, j’aurais peut-être déjà aperçu un pan de la vérité. Déjà, à ce moment-là, les lignes de mes avenirs n’étaient plus aussi claires. Elles avaient entamé leur métamorphose. Elles étaient plus floues, et se chevauchaient les unes les autres, se recoupant même à différents points précis. À dire vrai, définir le moment exact du commencement était déjà impossible. Je le sais maintenant.

Même alors, quand la douleur me vrillait la chair et que la volonté de survivre occupait toutes mes pensées, je pus confusément sentir la présence de ces lignes de lumière qui s’entremêlaient si bien que mon existence se déployait non pas de façon linéaire, mais selon différentes strates d’une seule réalité.

Des fragments de sons, d’images, de sensations, me percutaient avec autant de violence que les coups assénés sur mon corps. Les phrases se mélangèrent. Les contours de la réalité se firent plus imprécis, les visages se substituèrent à d’autres. Les odeurs se confondirent les unes aux autres. Ma tête se fit lourde et bascula. J’entendis à peine le Comte de Flamarens cracher son mépris.

— Je suis déçu de votre réponse, mon ami.

Le coup de poing ganté fit exploser la peau de ma pommette gauche avec un bruit mat, ébranlant l’une de mes dents et faisant jaillir une nouvelle gerbe de sang dans la nuit. Le goût âcre de métal s’insinua dans ma bouche, sur ma langue déjà gonflée. Je finis par renifler bruyamment et cracher à terre.

— Si c’est tout ce dont votre chien de chasse est capable, vous feriez mieux d’en changer, Monsieur le Comte.

Mon ton était plus bravache encore que je ne l’avais voulu. La sanction ne se fit pas attendre et un nouveau coup atteignit ma tempe.

— Qui tu traites de chien, face de rat ? Quand j’en aurai fini avec toi, tu regretteras d’avoir encore une gueule, et tu me supplieras de t’achever. Et je sais pas si je le ferai.

Serge avait mieux ajusté, cette fois. Mais il commençait à perdre patience. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’une ouverture ne se présente.

Le sourire goguenard du Comte de Flamarens vint interrompre mes pensées. Sa figure aristocratique me toisait avec dédain, mais intérêt. À ce moment-là, je ne pouvais savoir pourquoi.

— J’admire vraiment votre pugnacité, Monsieur de Saint Ange. Mais elle est totalement inutile en l’occurrence. Quant à vous, Monsieur de Saint Amans, je veux vous confesser quelque chose, en guise de bonne volonté.

Le ton mielleux contenait une menace délibérée qui lui donnait une résonance macabre. Pierre, ficelé à un pilier de granit moussu tout comme moi, son verre de lunettes droit fendillé et ses vêtements déchirés par la lutte qui nous avait opposés à nos adversaires, regardait le Comte de Flamarens avec un courage teinté de fatalisme.

— Je vous l’ai dit, Monsieur le Comte, nous n’avons parlé à personne de ce projet, depuis le jour où vous nous avez envoyé votre commande jusqu’à ce soir. Les plans de l’instrument sont restés enfermés dans un coffre de l’atelier, nos données numériques ont été cryptées avec l’algorithme que vous nous avez fourni, nous avons brûlé le reste, et personne n’a été admis à entrer dans l’atelier lorsque nous y avons travaillé, tous volets clos. Depuis un an, nous n’avons pas accepté d’autre commande, et l’atelier est resté fermé tout ce temps. Vous pouvez me croire, Monsieur le Comte. Nous avons le plus grand respect pour vous et nous avons fait selon vos volontés depuis le début…

Flamarens le coupa.

— Voyez-vous, plus encore que la pugnacité de votre élève, j’admire les personnes capables de confiance. C’est si difficile à gagner, mais surtout à garder, la confiance. Si difficile que je ne suis pas loin de la considérer comme le trésor le plus précieux qui soit dans la vie. Car lorsque l’on peut se reposer sur cette certitude qui prend racine dans la relation entre deux personnes, la vie semble vous rendre les choses plus faciles. On possède une foi capable de soulever les montagnes. Le sommeil est plus facile à trouver, quand vient la nuit. Nul besoin de regarder sans cesse derrière son épaule pour surveiller ses arrières. Ceux qui ont cette capacité à faire confiance sont bénis des dieux, ne croyez-vous pas ?

La question était toute rhétorique, bien entendu, mais il la posa tout de même. Si le discours était adressé à Pierre, il était en réalité destiné à Marianne, la propre fille de Flamarens, dont la lèvre était coupée et meurtrie presque autant que la mienne. Elle était fermement maintenue par Renaud, l’autre sbire de son père, au milieu des ruines d’une vieille église gothique, seulement éclairées par les puissantes lampes qu’ils avaient rapidement déposées çà et là. Elle ne quittait pas son père des yeux, si perçants et si beaux, pourtant acérés et meurtriers à ce moment-là. Sa mise étudiée de jeune femme de bonne famille était ruinée par les traces qui maculaient son bustier, les déchirures de sa robe, les branches qui l’avaient décoiffée.

— J’aimerais être ce genre d’homme. Vraiment. Et j’ai essayé, vous pouvez me croire. J’ai essayé aussi fort que je le pouvais. Mais hélas, trois fois hélas, il se trouve que j’en suis incapable. Je ne sais pas. Je ne peux pas. Avec le temps, j’ai fini par penser que je n’étais tout simplement pas destiné à l’être. Voilà pourquoi je ne suis pas convaincu par votre réponse. Vous m’en voyez tellement désolé.

Comme si cette simple phrase avait été un signe ardemment guetté, Serge frappa à nouveau. Mon foie. Il savait où porter le coup pour obtenir une douleur maximale. L’onde de choc mit quelques fractions de seconde à m’atteindre. J’eus l’impression que ma cage thoracique explosait.

— Je crains fort de devoir pousser votre élève dans ses retranchements pour être vraiment sûr que vous ne me cachez rien. Vous comprenez sans doute que je doive m’assurer que vous n’avez parlé à personne de notre arrangement et que toutes les règles que j’avais exigées ont été respectées. C’est d’une importance vitale pour mes projets.

— Vous êtes un vrai malade, Flamarens.

Serge me fit taire à nouveau, puis il se recula, mit sa main dans sa poche de pantalon et en ressortit un petit objet métallique qu’il ouvrit d’un bruit clair. À travers le rideau de sang qui me recouvrait en partie les yeux, je vis le reflet d’une lame.

— C’est une intéressante hypothèse, mon cher ami. Et je suppose qu’elle n’est pas dénuée de vérité. La méfiance est sans doute une maladie, après tout. Mais je ne connais qu’une seule façon d’y remédier.

Serge prit ma main gauche et la lame commença à piquer ma peau.

— On va y aller tout doux, mon beau. D’abord une phalange, puis une autre, et une autre. Puis j’attaquerai la main elle-même, et pour varier les plaisirs, j’enfoncerai juste la pointe de quelques centimètres dans les plaies déjà ouvertes, et je tournerai. Dans un sens, puis dans l’autre. On va bien s’amuser, tu vas voir…

Le tranchant entama la peau de mon petit doigt. Doucement, lentement. Comme lorsqu’on prend le temps de peaufiner la taille d’une éclisse de violon. Je m’efforçais de ne pas crier, supportant chaque vague de souffrance comme on aborde un nouvel adversaire sur le ring. Je soufflais, expirais, inspirais, rapidement, bruyamment.

— Arrête, Charles ! Tu vois bien qu’ils n’ont rien dit ! Laisse-les partir !

Serge s’arrêta, le métal encore hésitant entre le muscle et le tendon.

Flamarens se retourna vers sa fille, une rage visible déformant son visage en une caricature pathétique. Il écumait mais continua de s’adresser à Pierre.

— Savez-vous ce que ça fait, Monsieur de Saint Amans, de ne pas atteindre le but qu’on s’est fixé, malgré tous les efforts que l’on a pu faire ?

Il planta ses yeux dans ceux de sa fille. Ils soutinrent leur duel muet de longs instants. Puis le père continua à parler sans briser l’affrontement.

— On se sent trahi. On se sent déçu. Profondément. De confiance, il ne peut plus en être question. On voit soudain toute la réalité des choses, dans leur entière cruauté, dans leur nudité crue. On est seul, Monsieur de Saint Amans. Irrémédiablement seul. C’est en prenant conscience de cette vérité première, cependant, qu’on se libère vraiment. Et que l’on fait ce qui doit l’être pour accomplir son véritable destin.

Il dirigea le révolver vers Marianne.

— M’empêcher de nuire, c’est bien ce que tu veux ? Et dis-moi, ma fille, qui a bien pu nuire à l’autre durant toutes ces années ? Je ne te demandais pas grand-chose à part respecter le nom que tu portes. Même ça, tu n’en as pas été capable. J’ai passé l’éponge sur toutes tes frasques, j’ai même accepté tes fréquentations et je ne t’ai pas punie lorsque tu as délibérément mis notre famille en danger pour me nuire. Oui, me nuire, à moi, ton père ! Mais ça, ma fille, je ne peux pas te le pardonner. Tu ne te mettras pas en travers de mon chemin. Et d’ailleurs, tu pensais vraiment que j’étais aussi faible que ça ? Qu’il suffisait de me pointer une arme dessus pour que je m’effondre en pleurant ? Tu penses que tu pourrais être capable de me tuer, simplement ? Comme ça ?

Le coup de feu prit tout le monde de court. Encore aujourd’hui il retentit dans ma tête, mêlé au cri d’horreur que poussa Marianne. Quand après une fraction de seconde j’ai compris que ce n’était pas sur sa fille que Flamarens avait tiré, et que j’ai vu la tâche écarlate s’étaler sur la chemise blanche de Pierre, le monde a soudain basculé. Pierre était avec René ma seule famille, le seul repère dans ma vie depuis aussi longtemps que je m’en souvenais. L’univers s’est contracté autour de lui. Il respira soudain si difficilement, ses traits déformés par la douleur, son souffle court, et ses mains s’agitèrent pour trouver la force de chaque battement de cœur. Je ne pouvais pas y croire. Tout le reste devint brumeux et me parvint avec décalage. Ma tête résonnait encore de l’explosion. Je ne percevais plus rien d’autre que la douleur de Pierre, sa lutte pour survivre. Cependant, même à cet instant, il était déjà évident pour moi qu’il ne tarderait pas à perdre ce combat-là. Marianne se dégagea de la poigne de Renaud pour se ruer vers le corps de Pierre qui glissait déjà à terre. Elle chercha à comprimer la plaie par laquelle s’épanchait un sang trop noir avec un morceau de tissu arraché à sa robe. Même dans la lumière incertaine et crue des lampes, il me fut facile de comprendre que le flot ne cessa pas vraiment. Les vêtements de Pierre devenaient peu à peu plus poisseux et pourpres. La vie voulait sortir de son corps, et chaque flot épais en charriait plus que la terre ne pouvait en boire avidement. Tant et tant qu’une flaque plus sombre commençait déjà à se former près de lui, qui teintait les lichens et les pierres. Il voulut parler mais ne put prononcer la moindre parole. À chaque effort son visage devenait plus pâle, ses membres se faisaient plus lourds, ses doigts plus gourds. Puis tout à coup son regard se figea, sa respiration se suspendit à l’infini, son cœur s’arrêta. J’ai senti le mien se serrer.

Flamarens s’était rapproché. Il était tout à côté de nous maintenant.

Il tenait la cithare entre ses mains. Celle que Pierre et moi avions mis une année entière à fabriquer selon ses plans.

Une cithare, une simple cithare. Un instrument vieux comme le monde, utilisé par les Hébreux et les antiques Chinois. Sa forme, cependant, se rapprochait plus du dessin organique d’une feuille d’érable que de la simple géométrie d’un instrument classique. Ses dix cordes de longueurs différentes étaient placées non pas de façon parallèle mais suivant un agencement qui paraissait défier toute logique. Aucun musicien de ma connaissance n’aurait cru possible d’en sortir un son.

Car Charles de Flamarens n’avait pas désiré une cithare banale. Descendant en ligne directe d’un seigneur médiéval dont la légende vantait la cruauté, il avait presque réussi à éclipser l’aura de son aïeul. Il détenait une fortune colossale qui lui assurait un pouvoir incontournable sur la région et qui lui servait entre autres à corrompre les autorités locales pour satisfaire ses excentricités. Il était connu pour être un grand amateur d’art, de ceux qui ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins. Pour parfaire le tableau, sa réputation voulait qu’il s’intéresse également à l’occulte. De sombres histoires courraient à son sujet, qui ne se murmuraient que dans le secret des alcôves. Des histoires de chair et de sang.

Dans le sang qui s’étalait désormais à nos pieds, le sang de Pierre qui emportait toute sa vie, il déposa avec soin la cithare. Le bois happa le liquide rouge. Il se teinta peu à peu, comme s’il changeait d’essence. Charles s’assura que l’instrument entier s’imprègne d’écarlate. Il ne souriait pas, soupira.

— C’était un mal nécessaire, hélas. Il manquait une chose, un élément essentiel à l’instrument que vous m’avez apporté ce soir. Afin qu’il soit complet, le bois doit être imbibé du sang de son créateur. Je n’avais donc d’autre choix que de sacrifier Pierre. J’en suis désolé. Il était un grand luthier.

J’ai à peine entendu ce qu’il était en train de dire. Je ne comprenais qu’une chose. Pierre venait de mourir sous mes yeux et c’était cet homme qui l’avait tué. De sang-froid. Je voyais son visage tout près du mien. Une fureur incontrôlable s’est emparée de moi.

Et apparemment aussi de Marianne.

Elle parvint à saisir, en jouant de l’effet de surprise, le révolver que tenait son père, et à l’en frapper de la crosse. Flamarens tomba à terre, et elle braqua aussitôt le calibre vers Serge.

— Libère-le, Serge. Maintenant.

Le couteau hésita encore, mais la jeune femme tenait son arme fermement et on ne pouvait douter de sa détermination. La lame trancha mes liens au lieu de trancher ma chair.

Mon poing droit vola instantanément, pour s’écraser en plein dans le visage couturé de Serge, qui partit à la renverse, couché pour le compte.

Renaud tenta de dégainer son arme, mais Marianne surprit son geste et tira une sommation. Il resta pétrifié et laissa tomber le révolver.

Je me ruai vers Flamarens à terre, agrippant sa gorge dans une rage meurtrière. Il lutta faiblement mais il n’était pas de taille et j’ai commencé à serrer, serrer, serrer. Je n’avais qu’à peine conscience de ce que je faisais. Tout était rouge, tout était noir. Tout était violence et souffrance.

Une main se posa doucement sur mon bras. Je vis le visage de Marianne. Cela m’arrêta net, comme si le simple contact de sa main avait brisé mon aveuglement, comme si notre long tête à tête dans la voiture avait laissé des traces en moi. Une porte ouverte.

Renaud avait récupéré son arme et nous tenait en joue, mais n’osait pas agir par crainte de blesser son employeur.

Je compris que si je ne revenais pas à la raison, nous irions rejoindre Pierre dans un monde meilleur.

— Lâchez votre arme.

Je raffermis ma prise afin de montrer que je ne plaisantais pas. Mais je crois que mon expression était déjà suffisamment éloquente.

Marianne, voyant que le majordome obéissait, s’empressa de ramasser la cithare dont le bois couleur d’automne était maintenant luisant. Après un signe de sa part, je déroulais brusquement mon bras en lâchant ma prise et dans le même mouvement je lâchai un violent crochet du gauche qui envoya Charles de Flamarens valdinguer à travers les pierres. Lorsque son crâne heurta les restes d’une colonne, il s’immobilisa, sonné. Dans l’élan, Marianne et moi nous sommes mis à courir en direction de la voiture, à travers les ruines illuminées par la pleine lune.

Moins d’une centaine de mètres nous séparaient de la voiture noire qui était notre seule vraie chance de salut. Je crois n’avoir jamais couru aussi vite de mon existence. À chaque bond, je m’efforçais de garder les yeux fixés sur l’endroit où était posée la masse sombre de métal luisant. J’avais conscience de la présence de Marianne un peu derrière moi mais rien ne comptait plus que de se rapprocher du but.

Soudain, à une distance que je ne saurais estimer, une brutale impulsion éclata dans mon esprit. Je m’immobilisai, manquant de faire trébucher Marianne, et un son étrange, un mot que je ne connaissais pas jaillit de ma bouche.

Une image s’imposa d’elle-même.

L’image d’un homme d’âge mûr, la quarantaine robuste, dont le costume de soirée ne pouvait totalement dissimuler la carrure imposante. Cet homme qu’à peine une heure plus tôt j’avais croisé dans le jardin luxuriant qui servait d’écrin à la demeure du Comte de Flamarens.

Le souvenir de ce début de nuit revint à ma mémoire, syncopé, désordonné, et pourtant porteur d’un sens nouveau.

Le parc tout entier avait été éclairé par des milliers de bougies pour la Fête du Solstice. Les lueurs captives de lanternes de métal dansaient de façon mystérieuse sur les robes de soirée chatoyantes et dénudées des jeunes femmes ou sur les formes menaçantes ou grotesques des statues d’êtres mythologiques qui peuplaient l’endroit.

L’homme semblait être plongé dans la contemplation du reflet des étoiles et de la lune dans l’eau d’un bassin. Il portait une barbe bien taillée et aussi noire que la nuit. Machinalement, je tournai la tête dans sa direction. Presque au même instant, il se désintéressa de la surface liquide pour me regarder droit dans les yeux. Je fus capté par ce regard, aussi profond que le rêve le plus sombre. Quelques fugitives secondes, j’eus la sensation que mon environnement s’était rétréci pour se résumer à ce regard. Plus rien ne parvenait à attirer mon attention. Les bruits s’assourdirent. La lumière faiblit. Il a ostensiblement regardé le coffret que je portais dans mes bras. Puis quelque chose brisa le silence. J’eus la certitude que sans remuer ses lèvres, il m’avait chuchoté quelque chose. Une phrase dont je ne parvenais pas à saisir le sens et dont pourtant je savais qu’elle s’éclairerait au moment voulu, comme un jeu de mots ou un proverbe dont on comprend enfin, des années plus tard, le sens profond.

En pleine fuite dans la nuit, je venais juste de prononcer l’un de ces mots étranges, incompréhensibles mais lourds, que j’avais cru entendre dans le jardin de Flamarens. Presque aussitôt, un son étrange fit écho à celui que je venais de prononcer. Une note de musique d’une telle majesté qu’elle produisit en retour un silence plus complet que si le monde s’était arrêté de tourner, ou si la Création dans son ensemble avait retenu son souffle.

Un son véritablement divin. La cithare répondait.

Cela paraissait étrange, même à ce moment-là.

Ce son rappelait les autres, ceux de la Fête du Solstice au Manoir des Flamarens, que nous avions quitté quelque temps plus tôt. La plus courte nuit de l’année et son cortège de festivités débridées avaient toujours suscité chez moi une fascination proche de la ferveur religieuse, même si je n’ai jamais cru en un quelconque Dieu, ni en aucun de ses saints, et encore moins aux anges et aux démons. J’étais encore bien naïf à cette époque-là, même avec mes vingt-huit ans. Pourtant je sentais confusément que cette ambiance hors du temps naissait de quelque mystère ancien et cela me mettait à chaque fois dans un état d’esprit étrange.

Une heure plus tôt, autant dire une éternité, le coffret de bois laqué que je gardais dans mes bras n’était pas le seul à occuper mes pensées. Deux jours plus tard devait avoir lieu le combat pour lequel je me préparais depuis dix ans : le tournoi de Saint Gilles. Le remporter me conférerait le statut d’Initié de Saint Gilles, je deviendrais l’un des sept Maîtres de l’art de la boxe. Dix ans plus tôt, Yvain le Bel, le plus vieux et le plus respecté des Sept, avait fini par mourir, et les tournois de sélection pour trouver son successeur avaient débuté dans tout le pays. J’avais aussitôt désiré tenter ma chance. Je boxais depuis des années déjà, guidé et entraîné par René de Saint Antoine, un ancien élève d’Yvain. Il m’avait jugé prêt, il m’avait fait confiance, et j’avais entamé le long processus de sélection, enchaîné les combats durant dix longues années, pour me hisser jusqu’au tournoi final. Celui qui aurait lieu deux jours plus tard.

Dans la voiture noire de Pierre, je me sentais écartelé entre mon désir de gagner le combat des Initiés, et mon regret de quitter, si je le remportais, la douce routine de l’atelier de lutherie. Les gens s’étaient toujours étonnés de l’apparente dichotomie de ma vie, campée entre les gestes précis, méticuleux, doux et artistiques de la facture d’instruments, le contact chaud du bois, la faculté de créer, et les explosions brutales de force destructrice, la sueur, le sang et les cris, la rage de vaincre, les chocs, les craquements des os, les hématomes et la fureur des combats de boxe. Mais j’étais ainsi fait, et si l’on considère ce que je suis devenu, tout ceci entre dans un schéma cohérent qui témoigne de ce que pouvait être mon Destin. Créer et détruire ne sont pas des actes si éloignés l’un de l’autre si on les considère comme les deux faces d’une même pièce.

Mais les gens n’ont pas ce regard-là.

Pour l’heure, ma vie était donc divisée entre ces deux pôles apparemment contradictoires. Mon travail de Compagnon Luthier dans l’atelier réputé de Pierre de Saint Amans, le plus grand facteur d’instruments de tout le pays. L’entraînement éprouvant et les combats de boxe sous la houlette de René, dans l’espoir de devenir l’un des Sept.

Et ce soir-là, c’était ma vie de luthier qui avait décidé de mon Destin.

À suivre, dans quelques mois…

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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L’univers du Choix des Anges

L’univers du Choix des Anges

L’univers du Choix des Anges

Originellement destiné à être un court ou un moyen métrage, Le Choix des Anges s’est peu à peu transformé en un projet purement littéraire. Par manque de temps, par manque d’une équipe motivée, et aussi par choix personnel, l’œuvre est devenue une nouvelle, puis un roman, qui prend une forme plus approfondie, plus aboutie, sous cette enveloppe de mots, que je ne l’avais pensé au départ sous une apparence d’images animées.

Il se peut que dans plusieurs années le désir d’en faire un film puisse se concrétiser, mais pour le moment le cœur du projet est bien littéraire.

Et il avance. La rédaction du premier jet est depuis longtemps derrière moi. Actuellement, je travaille à lui donner une dimension plus profonde, plus réfléchie, plus mature. Une ambition plus grande. La réécriture avance à un bon rythme, et j’espère qu’elle sera achevée à la fin de l’année, pour remise en correction vers de nouveaux bêta-lecteurs en plus des anciens.

Cependant, tout le travail de réflexion sur le film qui devait être tourné (et qui le sera peut-être un jour) n’a pas été inutile, loin de là. Toutes ces heures de méditation et d’exploration de l’intrigue et de l’ambiance se retrouvent dans les mots mieux encore qu’ils n’auraient pu l’être imprimés sur la pellicule.

Elles m’ont aidé à construire un univers je l’espère à la fois cohérent et dépaysant, familier et fantastique.

Géographie et toponymie

L’ambition de départ était donc de construire un récit noir et fantastique qui chercherait à trouver de nouvelles images, une nouvelle esthétique.

Je me suis tourné vers l’idée de construire un monde où la nature pourrait jouer le rôle que la ville incarne dans la tradition des romans hard-boiled américains. Celui d’un cadre, d’un écrin, mettant en scène les désirs, les pulsions, les sacrifices, les renoncements, des personnages, eux-mêmes prisonniers de cet environnement.

En même temps, l’esthétique des romans gothiques et l’importance des bâtiments dans l’ambiance noire m’ont conduit à penser que le côté fantastique, voire mythologique, du récit serait renforcé par la présence d’un monde historique, d’un passé.

Voilà pourquoi rapidement mon imaginaire a fait émerger des paysages du vieux sud-ouest de la France, de cette région occitane qui a vu naître et s’épanouir le catharisme, qui a vécu la guerre de religion qui y mit fin comme celles qui déchirèrent les catholiques et les protestants. Des centaines de châteaux en ruines, de vieilles églises, de bâtisses médiévales ou renaissance sont posés dans un cadre vallonné ou escarpé tour à tour, parsemé de bois, de forêts ou de champs.

Plus particulièrement, c’est un mélange de paysages du Lauragais, du Gers, des Corbières et du Minervois qui ont ainsi structuré mes décors : des collines sur lesquelles sont perchées de vieilles fermes de briques ou d’antiques châteaux, des demeures de maîtres, des manoirs, des églises fortifiées. La présence des pins, des cyprès, une végétation qui rappelle un peu la Toscane.

J’ai construit le récit autour d’un village médiéval aux habitations de pierre grise qui pourrait être Bruniquel, Cordes, Lagrasse, ou Minerve. Un village assez grand, assez ancien, assez mystérieux, à l’histoire assez tourmentée pour accueillir l’intrigue biblique qui emporte Armand et Marianne, mais assez petit pour que la nature alentours ait un rôle, celui d’un océan qui met à distance le reste du monde. Et rende crédible les événements fantastiques tout en plaçant un flou volontaire sur l’époque où tout est sensé se dérouler.

C’est donc naturellement que les noms de lieux et les noms des personnages font référence à nos contrées.

Le village, dont Armand porte le nom, est Saint Ange. Le tournoi de boxe est celui des Initiés de Saint Gilles. Le maître luthier d’Armand est Pierre Saint Amans. Le père de Marianne est le Comte de Flamarens.

Costumes, habitudes, technologie… fantastique

J’ai été marqué par plusieurs œuvres qui ont osé mêler des ambiances et des époques différentes pour construire une véritable couleur originale. La principale est Caprica, la série préquelle de Battlestar Galactica, qui réussit à construire un tout cohérent en mélangeant la mode des années quarante et cinquante à une technologie informatique et spatiale, comme Matrix l’avait fait en incorporant une esthétique punk (voire cyberpunk) à une couleur gothique. Ou Bienvenue à Gattaca d’une manière encore différente.

Ainsi, j’ai repris la mode des années quarante et cinquante, celle de l’âge d’or du noir (Le faucon maltais, pour ne citer que lui), en y poussant notre technologie actuelle : tablettes tactiles, piratages informatiques, réseau internet. Marianne se trouve dans le rôle de la hackeuse sinon de génie, du moins très douée.

Les voitures sont toutes des berlines noires, les hommes portent le chapeau de feutre à la Bogart, les femmes fument des porte-cigarettes, un peu comme dans la série de photographies qu’Annie Leibovitz avait réalisée en 2007 pour le Spécial Hollywood de Vanity Fair.

Et pourtant, le fait de nous situer à une époque indéterminée dans un pays qui ressemble à la France ou au moins le sud de l’Europe permet de comprendre que l’intrigue se porte rapidement vers des enjeux mystiques, fantastiques, bibliques. Un peu comme dans La neuvième porte, dont la seule véritable réussite est cette plongée dans le fantastique.

https://youtu.be/oIlrjjwuMes

Mais s’il faut vraiment chercher un modèle, c’est bien du côté de Angel Heart qu’il faut porter son attention. Le passé historique, les vieilles pierres du sud-ouest, me semblaient un parfait pendant aux croyances animistes et vaudou de La Nouvelle-Orléans poisseuse du film d’Alan Parker.

La dualité : la musique et le Noble Art

Armand est un luthier. L’un des décors est donc l’atelier de son maître, Pierre. Il m’a suffi de puiser dans mes souvenirs d’enfance, lorsque j’accompagnais mon père dans l’atelier de son luthier.

Mais Armand est aussi un boxeur. Je voulais une autre passion pour mon personnage principal, quelque chose qui l’ancre dans la matérialité, qui soit physique, et en même temps avec une connotation qui rappelle l’époque des années quarante et cinquante. La boxe était le choix évident. En faire un élément central de l’intrigue paraissait aussi une bonne idée, histoire de mettre en scène un milieu plus interlope que le milieu des artistes.

Mais il était essentiel aussi que la musique accompagne Armand différemment. Laurie, la chanteuse de jazz à laquelle il est lié, peut faire le trait d’union entre la musique et la boxe, entre un univers artistique et un univers plus matérialiste, plus dangereux. Archétype de la femme fatale aux motivations plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord, Laurie est à la fois la révélatrice de la double nature des choses dans le Choix des Anges, une alliée comme une adversaire, une victime comme un bourreau, et une personnalité dont les désirs vont être le moteur d’une partie de l’intrigue.

Bien qu’elle soit physiquement différente, j’ai pris comme modèle le personnage d’Emma dans le Dark City d’Alex Proyas, joué par Jennifer Connelly. Emma chante Sway, Laurie aura son moment de lumière avec une version française revisitée de Cry me a river.

Toujours une histoire de temps…

C’est la réponse à la question de la fin : quand sera-t-il possible de lire Le Choix des Anges ?

J’aimerais beaucoup pouvoir être plus précis. Mais il reste encore du travail. Et une fois la nouvelle version écrite, il restera à attendre les retours de mes nouveaux bêta-lecteurs et les conclusions de mes anciens. J’en profiterai pour terminer les maquettes des versions électronique et papier de l’ouvrage, déjà bien avancées. C’est ensuite que, les corrections et la chasse aux coquilles terminées, je me lancerai dans ma première expérience dauto-édition.

Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai hâte !

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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