Deux séries sur un thème : Anges et Démons

Deux séries sur un thème : Anges et Démons

Deux séries sur un thème : Anges et Démons

Dans le même esprit que la comparaison entre deux (ou trois) films sur un thème, il peut être intéressant de mettre face à face deux séries traitant d’un même sujet, afin d’y chercher quelques bonnes ou mauvaises idées.

Sur ma lancée après Horns, j’ai donc décidé de parler ici des Anges (et des Démons) dans Carnivàle (connue en France sous le nom de Caravane de l’étrange) et Dominion.

Les deux séries sont assez éloignées dans le temps comme dans leur traitement, et c’est justement ce qui à mon avis rend la comparaison intéressante.

Carnivàle, ou comment se perdre dans la narration

S’étalant sur deux saisons de 2003 à 2005, Carnivàle est une série très prometteuse sur le papier. Nous sommes durant le Dust Bowl des années trente aux États-Unis, et le jeune Ben Hawkins perd sa mère en même temps que ses terres à cause de la famine et de la Grande Dépression. Il croise alors la route d’une étrange caravane de forains menée par un nain énigmatique, dans laquelle il s’engage autant pour gagner sa vie que pour échapper aux forces de l’ordre.
Il y rencontrera des marginaux possédant parfois des talents inhabituels, pour ne pas dire des pouvoirs mystiques : un prestidigitateur aveugle, une diseuse de bonne aventure mutique et tétraplégique qui communique à sa fille ses prémonitions par télépathie, et par-dessus tout, le « Patron », de la caravane, son véritable guide, n’apparaissant jamais car affligé d’une infirmité ou d’une blessure, et dont le nain Samson n’est que l’exécuteur frustré.
Parallèlement à la découverte des pouvoirs de résurrection et de guérison qu’il possède depuis longtemps, cause du rejet de sa mère, la série s’intéresse à des centaines de kilomètres de là au destin d’un pasteur, le Frère Justin Crowe, en proie à des visions mystiques tout droit sorties de l’Ancien Testament, qui sera lui aussi peu à peu le réceptacle de pouvoirs miraculeux.

La série va progressivement glisser vers un fantastique biblique comparant la Grande Dépression à une Apocalypse transposée dans l’Amérique profonde. Vont s’y opposer Ben avec son pouvoir pas si bénéfique que cela (le vieux principe magique d’un échange d’énergie ou de « une vie contre une vie » étant le prix de la guérison, voire de la résurrection) et Justin accomplissant des prodiges dignes de Moïse et de ses Sept Plaies d’Égypte (hallucinations imposées aux mécréants, par exemple) mais aux prises avec des pulsions intérieures très sombres (inceste avec sa sœur, sadomasochisme avec ses servantes, meurtre, soif de sang). Cet univers un peu glauque et poisseux devient très intéressant par sa proposition de brouiller les cartes du manichéisme classique : on en vient rapidement à se demander quel côté est celui des Anges, quel côté celui des Anges Déchus. On pense à l’opposition cathare entre le Dieu du Nouveau Testament (Ben, la guérison genre « Lève-toi et marche ») et le Dieu de l’Ancien Testament, plus sombre car maléfique (Justin et « Œil pour Œil »). Entre les Anges menés par Michaël et les Anges Déchus tombés sur Terre à la suite de la rébellion de Lucifer, le plus beau d’entre les Archanges de Dieu dans la tradition biblique.

Malheureusement, pour se rendre compte de tout cela, il faut arriver au bout de deux saisons très décousues et marquées par des épisodes plats, sans aucun intérêt, noyant d’autres épisodes parfaitement captivants.

Sous prétexte de dévider la progression initiatique de son personnage principal (Ben), Daniel Knauf, le créateur de la série, s’enlise dans des digressions qui n’apportent rien d’autre que de l’ennui. Les relations entre les personnages pourraient être passionnantes (la faune de la Caravane étant très riche en personnalités hautes en couleur, rappelant le Freaks de Tod Browning), mais tournent vite en rond, sans que l’on comprenne bien où le scénariste voulait en venir.

Quant à la méta-intrigue qui devait courir sur pas moins de six saisons, elle fait du sur-place.

La réalisation est pourtant relativement soignée.

Les derniers épisodes sont les plus intéressants, paradoxalement, parce que l’arrêt programmé de la série par HBO pour cause de mauvaise audience et de mauvaises critiques imposait de tomber sur une fin plus ou moins satisfaisante. On assiste d’ailleurs plutôt à un twist final qu’à une véritable fin, qui laisse un goût amer d’inachevé au téléspectateur.

Reste que la série est un bijou documentaire sur la vie dans l’Amérique de la Grande Dépression, et parvient à installer une ambiance très particulière. On doit aussi reconnaître que les idées qui semblent sous-tendre sa mythologie sont très séduisantes, et auraient pu faire une très bonne intrigue si elles avaient été bien exploitées.

Dominion, ou quand la Colère de Dieu manque de souffle

Dominion nous amène dans un futur où, après la disparition soudaine et inexpliquée de Dieu, les Anges inférieurs menés par l’Archange Gabriel rendent l’Humanité responsable de ce désastre, et décident d’éradiquer cette plaie ouverte de la surface de la Terre. Michaël décide de se ranger du côté des Humains, tandis que les autres Anges Supérieurs restent neutres.

La série fait directement suite au film Légion qui raconte l’invasion des Anges.

Dans la série, une prophétie proclame qu’un humain deviendra l’Élu, capable de mettre fin à la guerre que se livrent les Créatures de Dieu. Ce pourrait bien être Alex, un jeune soldat de la garde angélique formée par Michaël dans la cité fortifiée de Vega, qui fut Las Vegas.
Autour de lui se nouent les intrigues entre des Anges infiltrés, des luttes de pouvoir, des opportunismes politiques, et d’inévitables rivalités amoureuses.
Il progressera cependant vers la compréhension des factions en présence et prendra peu à peu conscience de sa destinée.

https://www.youtube.com/watch?v=r4lAb84Sb38

Nous sommes là dans un registre tout à fait différent : le post-apocalyptique. La question centrale est : que reste-t-il si Dieu nous abandonne et que les Anges se tournent contre l’Humanité ? Que devient la religion ? Que deviennent les valeurs de l’Humanité (la série est américaine, bien sûr, ce qui explique la relation faite entre valeurs morales et religion) ?

On pense inévitablement à The 100 et à sa capacité à nous plonger dans un suspense et des interrogations morales sans cesse renouvelées. Mais ce qui aurait pu être une excellente idée de départ manque sur la durée du souffle épique que l’on attendrait d’un thème biblique. Les hésitations du jeune Alex sont presque irritantes.

La réalisation est cette fois très poussée, avec des décors, des effets spéciaux (les ailes des anges sont fantastiques), bref, des moyens.

Mais là encore la construction de la série est peu convaincante. Elle hésite constamment entre l’intrigue ésotérique assumée et les déchirements internes du personnage principal. Elle souffre aussi d’une impression tenace d’amateurisme, malgré un casting plutôt réussi, et quelques décors soignés. On n’y croit pas vraiment.

Les images de synthèse sont inégales, ce qui contribue peut-être à l’échec relatif de cette première saison.

La deuxième saura peut-être aller plus loin dans l’intrigue en reprenant des bases de réalisation plus cohérentes, et en assumant une direction claire dans son approche.

Ce que pourrait être une série biblique réussie

La comparaison entre les deux séries est difficile, puisqu’elles attaquent un angle différent de la question des Anges et des Démons. Mais toutes deux s’échouent sur des écueils qui les font sombrer hélas dans la catégorie des séries médiocres ou des bonnes idées gâchées.

Aucune des deux ne parvient à réunir scénario efficace et fouillé, personnages attachants et éclatants, réalisation soignée, et souffle épique.

Et pourtant la relation si particulière que les êtres angéliques sont censés entretenir avec à la fois leur Créateur, les Humains, et la Création pourrait donner lieu à une véritable série d’anthologie.

La base du scénario, comme les deux séries l’ont proposé, pourrait être le parcours initiatique d’un héros ou d’une héroïne découvrant sa véritable nature. Il ou elle serait confronté à la fois à des pouvoirs déroutants, mais aussi à des choix moraux non pas basés sur une opposition entre le Bien et le Mal, mais entre le Bien, le Mal, et l’Humanité. L’opposition avec les Anges Déchus, mais aussi la relation trouble que ces derniers entretiennent avec l’Humanité, pourrait être un bon ressort. N’oublions pas que Lucifer serait censé être entré en rébellion contre Dieu pour conquérir sa propre liberté. N’oublions pas qu’il est devenu le Tentateur, c’est-à-dire celui qui laisse le choix. La lutte devrait être intime, mais également cosmique, car si les enjeux personnels sont forts, les enjeux universels sont évidents lorsqu’il s’agit de Bien et de Mal.

En réfléchissant, je prendrais bien comme exemple de ces oppositions tripartite un film espagnol, Sin Noticias de Dios (en français Sans nouvelles de Dieu), avec Gael Cargia Bernal en Lucifer, Fanny Ardant en Archange, Victoria Abril en Ange et Penelope Cruz en Démon. Un film jouissif sans beaucoup d’effets spéciaux, et où l’enjeu entre l’Ange et le Démon, depuis que Dieu a disparu (tiens, comme dans Dominion…), est de savoir qui va remporter la « guerre » entre Ciel et Enfer. Or, c’est le destin d’une seule âme, celle du boxeur Manni, qui va décider de la victoire finale de l’Enfer (surpeuplé), ou de la résistance renouvelée du Ciel (dont si peu d’âmes sont dignes qu’il est devenu un désert déprimant).

Ici pas d’images de synthèse, mais un simple jeu de couleurs et de langages : l’Enfer est filmé en couleurs chaudes au Mexique et les personnages y parlent anglais, le Paradis est filmé en couleurs froides à Paris et les personnages y parlent français, la Terre est filmée en Espagne avec une balance classique et les personnages y parlent bien sûr espagnol, quand enfin le Purgatoire est filmé avec une saturation de blanc avec des dialogues en latin.

C’est une comédie, mais les enjeux impliquent vraiment tout l’éventail des rapports entre anges, démons, et humains. Tentation, pouvoir, fascination, amour, rancune, envie.

Une série qui reprendrait certaines de ces idées en les remettant au goût du jour aurait à mon avis un bel avenir devant elle…

Si des réalisateurs me lisent : n’hésitez pas, lâchez-vous !

Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous lâcher la bande-annonce. Et si vous voyez le film, ne manquez pas le plus beau strip-tease de l’histoire du cinéma, celui fait à l’envers (en se rhabillant donc) par Penelope Cruz… Vous n’écouterez plus Kung Fu Fighting de la même façon ensuite…

Et si les Anges avaient le choix ?

Mon deuxième roman, Le Choix des Anges, traite justement de du Bien, du Mal et du chemin qui mène à l’un ou à autre, ou à l’un et à l’autre.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Jeu de Rôle

Horns, d’Alexandre Aja

Horns, d’Alexandre Aja

Horns, d’Alexandre Aja

La dualité portée par le thème de l’Ange et du Démon est un classique du fantastique. Elle porte souvent la problématique de la connaissance et du choix entre le Bien et le Mal, l’Idéal et les Instincts.

Je ne suis pas un grand amateur des films d’Alexandre Aja (La colline a des yeux, Mirrors, Haute tension), dont le fantastique tourne trop souvent à mon goût vers l’horrifique facile, mais je me suis laissé attirer par l’affiche du dernier en date, Horns, dont l’esthétique semblait plus se rapprocher d’un Pan’s Labyrinth (Guillermo del Toro) que d’un Saw.
Je dois avouer aussi que le fait d’y trouver Daniel « Harry Potter » Radcliffe affublé de cornes de bélier à la manière d’un faune en t-shirt et blouson de cuir m’a vraiment intrigué.

L'affiche de Horns

L’affiche de Horns

Le pitch est extrêmement simple, et très attirant : accusé du viol et du meurtre de sa petite amie Merrin Williams (Juno Temple), Ignatius « Ig » Perrish (Daniel Radcliffe), rongé par cette disparition, remarque dès le lendemain que des cornes poussent inexplicablement et très rapidement sur son crâne. En sa présence, désormais, les habitants de sa petite ville ne peuvent plus s’empêcher de confesser et de se laisser aller à leurs penchants les plus inavouables. Il va se servir de ce pouvoir pour découvrir qui lui a enlevé l’amour de sa vie.

L’intrigue hésite ensuite entre plusieurs genres et plusieurs thèmes : la fable merveilleuse, la bluette mélodramatique (une révélation très prévisible sur la défunte Merrin), l’étude de mœurs, le conte fantastique noir. À vrai dire, on a parfois du mal à s’y retrouver tant le film prétend explorer d’angles différents.

Mais l’intérêt réside véritablement ailleurs.

L’ambiance qu’installe la caméra d’Aja est pour moi le premier et le plus important. Toutes proportions gardées, on se retrouve un peu dans un « Twin Peaks biblique » : les personnages secondaires déjantés et cachant des secrets sombres et décalés, la figure angélique de la jeune fille assassinée après avoir été violée, les décors du nord-ouest des États Unis (forêt mystérieuse, petite ville, climat océanique), et ce fantastique d’abord insidieux puis progressivement de plus en plus prégnant. La musique est également très présente, ce qui renforce l’analogie avec la série culte de Lynch.

Cette caméra joue aussi avec le thème de la dualité : le mouvement de panoramique/plongée du début du film entre le plan du paradis perdu (couleurs chaudes, Ig et Merrin près de l’Arbre comme Adam et Ève, allongés l’un près de l’autre têtes bêches, leurs visages inversés comme des figures de tarot divinatoire) et celui de l’enfer (Ig étendu au sol, avec la gueule de bois après s’être saoulé pour oublier la mort de sa bien-aimée) est une véritable réussite à la fois sur le plan esthétique que sur le plan symbolique de la descente aux enfers. On retrouve à plusieurs reprises ces brusques transitions de plans comme autant de ruptures dans le réel, d’intrusions du Mal dans la réalité, ou de flash-back dans le présent, venant à la fois éclairer les événements et les assombrir de leurs révélations crues. Aja use aussi des symboles et les détourne : les serpents qui s’enroulent autour d’un bras ou d’un bâton, les talismans protecteurs.

Ensuite, la qualité esthétique des décors, des costumes, le soin pris dans la gestion des couleurs, font que l’esprit s’attache immédiatement à cet univers à la fois intrigant et dérangeant.

Enfin, voir Daniel Radcliffe parvenir à effacer l’image du petit sorcier de Privet Drive qui aurait pu lui coller à la peau pour endosser celle d’un jeune adulte torturé et lui-même possédé par l’ivresse du pouvoir comme par une culpabilité et une violence ambiguës n’est pas le moindre des plaisirs. Il devient rapidement très crédible, et parfaitement à l’aise dans ce jeu à contre-courant de ce que l’on connaissait de lui après la saga adaptée de J.K. Rowlings.

Ainsi, malgré une intrigue parfois prévisible et un éclairage trop hésitant, malgré une fin un peu trop grand guignol ou le manque de constance dans l’angle d’approche, Horns reste pour moi une réussite en matière de mélange entre film noir, conte fantastique, et éléments bibliques.

Toutes choses qui, justement, sont les ingrédients de base de ce qui occupe actuellement mon écriture.

Balade chinoise, d’Anatole X

Balade chinoise, d’Anatole X

Balade chinoise, d’Anatole X

S’il est des expériences qui ont pu me marquer dans ma plus si courte existence, la découverte de la Chine fait assurément partie des plus fortes.

Ce fut sans doute aussi le cas pour Anatole X, nom de plume choisi par l’une de mes compagnons de voyage à l’époque, puisque son premier roman se déroule à Shanghai.

Balade Chinoise est un court roman sur l’escapade d’une photographe reconnue qui se rend pour la première fois dans l’Empire du Milieu, presque à contrecœur, pour un vernissage. Elle sera bouleversée dans ses certitudes, ses angoisses et sa vision du monde par cet autre univers qui la happe et l’attire tout autant qu’il la repousse et l’effraie. Un choc suffisant pour changer réellement sa vie ?

Ce premier roman s’attaque à la force d’attraction d’un continent qui a déjà inspiré bien des écrivains, mais il le fait à travers les interrogations et les préoccupations artistiques d’une femme dont la vie s’est embourbée dans un confort matériel et moral dont elle est elle-même la complice autant que la victime.

Un sujet délicat que de parler du choc de la découverte mutuelle entre l’Orient et l’Occident, de leurs relations complexes et des échos qu’ils trouvent l’un dans l’autre dans la réalité et dans leurs fantasmes respectifs.
L’originalité tient ici dans le fait que cette rencontre est très personnelle, presque physique, entre le personnage principal et ce nouveau monde rempli de potentialités et de dangers. Elle est aussi et surtout psychique, morale, intime.

Ayant la chance de bien connaître l’auteur et d’avoir participé à la relecture du manuscrit, j’ai eu envie de lui poser quelques questions sur ce roman et sur sa façon d’écrire en général, tant il est vrai que chaque écrivain ressent les choses différemment des autres. Et elle a accepté de se prêter au jeu.

Chère Anatole, bienvenue dans le Nid du Phoenix. Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Tu ne veux pas le faire plutôt ?

Hum… Peut-on dire que tu es de la génération née dans les années 70, que tu as une formation et que tu travailles dans un milieu très technique ?

Et que l’écriture est une respiration nécessaire et un besoin jamais démenti depuis mon enfance.

Dans ton premier roman publié, Balade Chinoise, l’héroïne découvre plus qu’un nouveau continent, une autre planète. On sent la fascination que semble exercer ce monde tout au long de cet ouvrage sur elle. Pourquoi avoir choisi la Chine, et pourquoi cette fascination ?

La Chine a un pouvoir mystérieux. Tout la différencie du reste du monde : sa langue, son histoire, sa volonté de puissance actuelle inébranlable. Le meilleur comme le pire y cohabitent. La Chine est un pays qui a l’intelligence économique, pour le reste, la partie politique, je suis plus réservée. C’était pour moi le pays idéal pour évoquer un dépaysement brutal.

Sasha, l’héroïne, est photographe, et son récit est fait à la première personne. Est-ce que l’image et la couleur, si importantes pour son œuvre dans le livre ont changé ta façon d’écrire ?

Pas particulièrement. La photographie est à la fois une technique utile et un art. Cette ambivalence est étrange. Pour ce roman, choisir comme personnage principal, en mode subjectif, une photographe permet une lecture de l’environnement particulière où le regard et la sensibilité artistique dominent. Creuser cette approche m’intéressait.

Le milieu artistique est important dans le livre. Sasha est une artiste « arrivée », qui a du succès, qui gagne bien sa vie, confortablement même, mais qui semble opposer créativité et confort de vie. C’est un peu ce que l’on ressent aussi avec son « pendant » chinois, le personnage de Lao Wang, qui par force fait des choix totalement différents. Est-ce aussi ta façon de penser ? Duquel te sens-tu la plus proche ?

Sasha s’est détachée d’un milieu d’artistes « maudits » pour passer du côté des artistes plus établis, aux dépens de sa créativité. Elle a fait le choix de vivre sans idéal à un moment où son inspiration se tarissait. Lao Wang est un artiste jeune, engagé, résistant, dissident d’une politique qu’il juge totalitaire. Il s’inscrit cependant dans une tradition formelle de l’art de la calligraphie. Il est porté par un idéal politique et artistique que Sasha a perdu. Il ne s’agit pas d’une posture.
Ce n’est pas le confort matériel de Sasha qui a tari sa créativité. Sasha n’est pas un génie porté par son ego, son œuvre, sa vision de l’univers ou un idéal. C’est une femme qui a voulu réussir et a saisi les opportunités sans forcément en comprendre les enjeux et qui en ressent cruellement l’impact à ce moment de sa vie, où tout semble joué. Le confort matériel ne freine pas la créativité, il peut au contraire l’accompagner, la faciliter. Ce n’est pas le cas de Sasha.

Sasha fait souvent référence à son âge, et dans le roman les Européens comme les Occidentaux au sens large sont souvent décrits comme des gens sclérosés ou irrespectueux, bref comme des vieillards ou des enfants. Ce parallèle est-il calculé ?

Ce sont des occidentaux expatriés, qui viennent profiter de la manne chinoise. De vieux relents d’esprit colonialiste se révèlent dans leur comportement. Et puis, pour être honnête, ça m’amusait de nous caricaturer dans ce contexte.

L’ambivalence entre le frère Wu Li et la sœur Wu Jian est si forte qu’on a l’impression de voir deux facettes radicalement opposées et pourtant si proches. C’est encore une autre dualité au sein du roman, construit autour de multiples couples qui s’attirent et se repoussent à la fois. Est-ce finalement ta vision de la Chine, ou bien d’une façon plus large des relations que nous avons avec elle ?

C’est le yin et le yang…

Parlons un peu de toi. Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire dans ta vie, puis à publier ?

Rien ne m’a poussé, j’en ai eu envie dès que j’ai appris à écrire.
Pour la publication, dans ce cas précis, elle me permet de passer à un autre projet l’esprit libre.

As-tu des habitudes d’écriture, des rituels ?

Non, pas particulièrement.

As-tu des références littéraires précises, cultes ou qui t’ont marquées ?

Les plus marquantes sont :

  • Colette, pour la liberté au féminin après la série des Claudine

  • Boris Vian, pour sa sensibilité, sa façon d’imposer au roman sa prose poétique et ses histoires originales

  • John Irving, Le monde selon Garp a été mon livre de chevet pendant quelque temps. J’admire sa créativité, chaque page est surprenante !

  • Hanif Kureishi, Black Album et le Bouddha de Banlieue sont des portraits forts et, comme pour Irving, très créatifs, inhabituels, et en prise avec la société contemporaine de leur œuvre.

  • John Fante, Demande à la poussière est un chef d’œuvre absolu.

Balade Chinoise est autoéditée et seulement disponible en version électronique. Pourquoi ce choix ?

Parce que Le Dilettante n’a pas voulu le publier. Ça m’a vexée, j’ai décidé de m’auto éditer. Ça prend cinq minutes et on ressent une impression de liberté totale. Ça me plaît.

Tu as publié sur la plateforme Kobo, connue pour son application stricte de DRM (Digital Rights Management, un dispositif anticopie qui s’apparente à un verrou numérique empêchant de partager le livre) même s’il est possible de publier sans DRM depuis peu. Quelle est ta position sur les DRM dans l’édition ?

Aucune, je n’avais pas compris ce qu’impliquait ce choix. J’aurais dû te demander avant de le faire.

As-tu des projets littéraires ou artistiques en cours ?

J’écris un roman « choral » que j’espère humoristique, et je participe à un blog où je traite des questions d’éducation (http://www.energies-libres.fr). Je ne suis pas une artiste, en fait.

Qu’est-ce qui fait un artiste, alors, pour toi ?

Pour moi un artiste vit librement, guidé par sa vision personnelle du monde, sans autre forme de contrainte.

Merci Anatole et longue vie à Balade Chinoise.

Couverture_Balade_chinoise_Anatole_X

Je suis sûr qu’on aura l’occasion de parler à nouveau littérature ensemble dans le Nid du Phœnix…

Une drôle de… première !

Une drôle de… première !

Une drôle de… première !

Les lumières s’éteignent.
Le silence se fait peu à peu, on entend presque les respirations qui se suspendent, tendues dans l’attente de ce qui va advenir ensuite.
Ma gorge se serre.
Puis des pas sur la scène, deux autres comédiens qui prennent leurs places. Éloïse et Désiré Scarfati, les concierges romancés, sont prêts à se jeter dans la fiction écrite sur eux.

Et graduellement, comme l’aube qui se fait sur un champ de bataille, les feux des projecteurs déchirent le voile d’obscurité, et la scène prend vie. Les premières répliques fusent, le rythme s’installe rapidement. Les personnages prennent vie, leurs caractères s’ancrent dans la réalité, les gestes de mes camarades sont précis, travaillés et retravaillés depuis des mois, pour leur faire prendre substance.

Je suis toujours dans l’ombre, et la concentration ne me quitte pas, happé que je suis par l’histoire, par son déroulement, celui que les spectateurs admirent et celui que j’anticipe. Chaque réplique me fait sortir de moi-même, pour me faire entrer dans les années 40, la fin de la Deuxième Guerre, l’utopie communiste et le quotidien de la cellule Élisa Verlet.

Peu à peu, la tension monte encore en moi. Je sais que la fin du premier acte sonnera mon entrée imminente dans la lumière.

La lumière descend doucement sur le couple enlacé : Josyane et Jean-Louis entament leur brève romance de fiction.

Le deuxième acte débute et ma gorge se serre plus encore.

Léone entre en jeu pour pousser Roger dans ses derniers retranchements, pour exposer les petits renoncements auxquels il est prêt afin d’obtenir l’investiture du Parti aux élections municipales.
Jean-Louis qui revient pour faire du feu.
Et c’est le moment.

Ma casquette bien enfoncée sur l’arrière de mon crâne, ma veste d’époque épinglée d’une étoile rouge venant de Russie, mon écharpe qui réchauffe ma gorge sèche, je m’apprête à passer le mince filet qui sépare la réalité du lieu et l’intemporalité de la fiction.

Un drôle de cadeau, acte 3

Un drôle de cadeau, acte 3

Dans ce laps de temps infime et infini à la fois, je songe que quelques années en arrière, dans une salle à quelques mètres, je passais des nuits à arpenter des rêves ludiques partagés avec des compagnons qui endossaient comme moi les costumes de héros de papier dans des parties de jeu de rôle interminables. Je pense à ce que j’aurais ressenti en sachant que j’allais jouer un véritable rôle devant un public. Je pense que, de toute façon, cela fait presque dix ans que je fais du théâtre, et que cet endroit en vaut un autre. Je pense aussi, surtout, à Marcel, à mon double fictionnel, qui en quelques secondes prend possession de mon enveloppe corporelle, s’installe dans mes os et ma chair comme s’il enfilait un costume. Le moment fatidique estompe les frontières. Je peux sentir la joie et la bonhomie de Marcel, son optimisme et sa faconde, sa sensibilité à fleur de peau.

Il ne me faut qu’un pas, et ce pas met en marche l’enchaînement de gestes, de paroles, de sentiments, qui donnent à Marcel son existence tangible.

Ma gorge se libère, mes muscles se dénouent, mes yeux, privés de leurs verres correcteurs du quotidien, sont dans la lumière, et ne discernent plus, au-delà de mes compagnons de scène, que des ombres floues. Mon univers se réduit à ce décor de théâtre, aux planches de la scène, aux accessoires et aux costumes, mais par un prodige que seul permet le rôle, il s’étend aussi bien au-delà de ce lieu, de cette époque, et gagne plus de réalité. Au-delà du rideau d’ombres que la lumière vive des projecteurs crée en contraste devant mon regard déjà myope, ce ne sont plus des spectateurs, ce ne sont plus des parents, des amis, des collègues, une épouse aimante. Ce sont des rues parisiennes, des manifestations enflammées, des rêves de société idéale et des amours fragiles.

L’accent méridional de Marcel coule naturellement dans mes veines, je n’ai qu’à le libérer, à lui donner force et à pousser ses inflexions vers plus de rondeur.

Les deuxième et troisième actes déroulent leurs trames, et Marcel espère enfin faire danser Josyane, s’amuse des manœuvres de Roger, s’inquiète de celles de Jean-Louis, considère Léone avec curiosité, tout comme il aimerait recevoir un peu d’amitié de la part de Suzanne.

Et vient le quatrième acte.
Celui du dénouement inattendu.
Celui qui fait vieillir de sept années, qui fait changer une veste ajustée pour un manteau trop grand, celui qui change la bonhomie en ironie, tempère l’humour et serre la gorge à nouveau, non pas par le trac, mais par la dureté de ce que Marcel a vécu.

Un drôle de cadeau, acte 4, avant l'entrée en scène de Marcel Feuillard

Un drôle de cadeau, acte 4, avant l’entrée en scène de Marcel Feuillard

Enfin, il danse avec Josyane, mais un peu tard, mais maladroitement, mais faiblement. Amaigri, blessé, malade peut-être. Et lucide.

Je prononce la dernière phrase, et, lentement, mes pas me mènent vers la sortie. La musique des Chœurs de l’Armée Rouge, leurs voix, accompagnent l’instant. Le tableau se fige comme les personnages qu’incarnent mes compagnons entrent dans l’immobilité de leurs destins.

Je souffle, seul dans la coulisse.
J’ai vécu ce retour sur les planches aussi intensément que je m’y attendais.

La lumière s’éteint, puis jaillit à nouveau, et les applaudissements m’appellent à rejoindre mes camarades comédiens pour saluer le public. Je ne distingue toujours pas plus loin que le bord de la scène, mais je peux sentir autre chose. Le public est là. Mes parents, mes amis, mes collègues, ma femme. Ceux que je ne connais pas, également.
Ils sont là nombreux.
Ils nourrissent ce sentiment de joie profonde de leurs applaudissements, des leurs commentaires, de leurs encouragements. Mes mains prennent celles de mes camarades. Et nous nous inclinons.
C’est pour le public que nous avons joué.
C’est aussi pour nous.
C’est aussi pour moi.

La première représentation d’Un drôle de cadeau a eu lieu le samedi 28 février, à la MJC Croix Daurade de Toulouse, pour le festival Théâtres d’Hivers 2015.

Un drôle de cadeau, l'affiche

Un drôle de cadeau, l’affiche

Nous rejouons la pièce en juin, pour Vélorution.

eBook design : ma quête d’identité

eBook design : ma quête d’identité

eBook design : ma quête d’identité

J’ai actuellement plusieurs projets littéraires en maturation, et s’ils avancent lentement, c’est aussi parce que je prends le temps de m’interroger sur des aspects qui normalement ne sont pensés qu’après l’écriture.

Dans un continuum espace-temps classique, l’auteur écrit son manuscrit, puis l’éditeur conçoit l’ouvrage qui portera ces écrits. Dans mon cas, puisque le projet est de devenir mon propre éditeur (je vous renvoie ici pour les multiples raisons qui m’animent, et encore là, ou bien là, pour comprendre comment avec ma série de billets sur le format ePub3), je dois apprendre beaucoup de choses également. Et ma nature impatiente me conduit à m’intéresser à des aspects de la chaîne de publication avant même d’avoir terminé les corrections d’écriture.

Pour ma défense, je dois dire que le plaisir de la lecture a toujours été chez moi indissociable d’une certaine forme de plaisir esthétique devant l’objet livre, plaisir que je cherche à renouveler (puisqu’il n’est évidemment pas possible de le dupliquer) dans l’optique de ne publier que des livres électroniques.

En effet, je suis incapable de me satisfaire de mon écriture sans qu’elle ne prenne une forme qui soit esthétiquement agréable pour mon propre regard. Ainsi, j’abhorre les brouillons, moi qui suis si notoirement le roi des ratures. Je ne peux pas me mettre à écrire si je n’ai pas trouvé une police de caractères qui me plaise, alors que mon écriture manuscrite est, au mieux, digne d’un sismographe qui aurait été abreuvé d’incunables du XVe siècle en guise de données.

Alors, oui, je songe à la forme que prendra mon ouvrage une fois achevé, et cela veut dire beaucoup de choses…

Je me suis ainsi senti un peu « orphelin » de mon plaisir de lecture en me mettant à dévorer sur tablette. Comme si une partie de mon plaisir était gâchée par la tablette. Cette impression m’avait déjà effleuré avec certains livres physiques, lorsque les caractères étaient mal choisis, lorsque les pages étaient mal découpées, lorsque l’encre était de mauvaise qualité.
J’ai fini par comprendre comment retrouver l’impression de lire un livre : en soignant la forme, en donnant du caractère à l’ouvrage.

Puisqu’il n’est évidemment pas question de reproduire l’odeur du papier sur un support numérique, il faut s’attacher essentiellement à l’apparence visuelle du livre.

Je crois que je ne serai satisfait de ma production que si je lui donne une identité visuelle forte, quelque chose qui pourrait en faire un objet singulier : un Livre, comme ceux dont on s’émerveille de la couverture, de la texture du papier, de l’odeur, comme ceux que l’on feuillette avant de les acheter, ceux que l’on aimerait posséder pour le lire, mais aussi pour l’admirer. Les très vieux ouvrages ont souvent ces qualités-là, ou les premières éditions d’une œuvre. Même certains livres de poche peuvent acquérir ces qualités, avec le temps.

Mais comment réaliser cela avec juste de la programmation ?

J’ai alors été influencé dans mes recherches par quelqu’un qui semble penser la même chose que moi, puisqu’il se définit comme « ebook designer » : Jiminy Panoz.

J’étais à la recherche d’une façon de concevoir un livre numérique qui ne soit pas un simple fichier texte, fut-il rendu « fluide » par la magie de l’ePub3. Et Jiminy Panoz parle à la fois d’harmonie de mise en page, et d’accessibilité du livre, mais également d’esthétique.

Je crois donc aujourd’hui que s’il faut porter une attention particulière à la fonte que l’on va utiliser pour la présentation du livre, ou à la couverture – cependant tout le monde sait cela maintenant –, mais aussi à la mise en page du livre, à l’harmonie des interlignes, et à certaines parties qui me semblent délaissées dans la production numérique actuelle : la page de titre (différente de la couverture), la page de sommaire, et les titres de chapitres.

La théorie

Je vais détailler un peu mon propos en vous montrant mon évolution sur une petite année, depuis les premiers concepts sur le livre que j’ai conçu pour l’expérience cinématographique d’Ultima Necat jusqu’à aujourd’hui et mes projets pour Le Choix des Anges, Fée du Logis, Rocfou, ou Sur les genoux d’Isis.

La page de titre

Au fond, quel est le rôle de la page de titre ?

Outre qu’elle doit contenir légalement les mentions de droit d’auteur et les crédits, l’ISBN notamment, je crois que son rôle essentiel est de donner l’identité visuelle du livre. Et comme le livre numérique n’a plus de quatrième de couverture, il me semble important d’y présenter l’auteur, ou du moins d’y insérer un lien, même discret, vers son travail.

Le lecteur veut avant tout lire son texte, mais il n’est pas interdit de lui faire connaître l’auteur. La plupart des gens vous conseilleront de mettre la biographie de l’auteur et sa bibliographie éventuelle à la fin du fichier numérique, afin de ne pas rebuter le lecteur et de le laisser s’immerger dans le texte dès le départ. J’avoue ne pas être à l’aise avec cette façon de faire. Ainsi, comme lecteur de livres papier, j’ai l’habitude de consulter d’abord la quatrième de couverture pour avoir un pitch de l’ouvrage et un aperçu de l’identité de l’auteur, AVANT de lire le livre.

Premier concept de page de titre d'eBook

Premier concept de page de titre d’eBook

Pour un livre numérique, le pitch sera la plupart du temps présenté avant l’achat du livre, sur la plateforme choisie, et il n’est donc pas absolument nécessaire de l’intégrer dans le livre lui-même, bien que, vous le verrez, j’ai aussi un argument pour cela.

Par contre, que ce soit sur Amazon Kindle, sur Kobo, la Fnac, l’iBookstore ou d’autres plateformes, vous ne trouverez pas de biographie de l’auteur (à quelques exceptions près, si vous achetez le livre par exemple directement sur la plateforme numérique de l’éditeur de l’ouvrage, qui généralement soigne la présentation de ses auteurs).

Il me semble donc absolument indispensable d’intégrer une biographie voire une bibliographie dans le livre. Mais où ?

Ennuyer le lecteur avec un CV n’est pas le but de la chose. Mais en même temps il doit voir à qui il a faire. Cela tombe bien, nous sommes dans le numérique, donc servons-nous des liens hypertexte. Un lien peut donc pointer vers le site de l’auteur, vers une page Wikipedia, voire l’Encyclopédie Britannica si vous le voulez. Il n’y a pas de limites.

Mais on peut aller plus loin, et se servir des techniques de design issues du web : une fenêtre modale, par exemple, peut apparaître si l’on clique sur le lien, et montrer la biographie et la bibliographie de l’auteur à qui veut les lire. On ne force pas la main du lecteur, et on conçoit un objet qui n’est pas seulement un flux de données linéaire.

La page de sommaire

Son rôle est bien sûr de faciliter le repérage du lecteur dans l’ouvrage, mais avec l’avènement du numérique, la « table des matières », ou « table of content » comme disent les anglophones, sert aussi à naviguer dans le corps du texte afin de reprendre la lecture à un endroit précis, d’y revenir plus tard, en aidant les marques-page intégrés dans l’application de lecture. Le flux d’un livre numérique a en effet ceci de radicalement différent d’un livre papier : la recherche et la navigation sont possibles instantanément.

Hélas, bien souvent la table des matières des livres numériques est une bête liste de liens hypertexte non stylisée, un peu comme nous en avions dans les débuts de l’internet grand public. Mais si, souvenez-vous des sites du temps où nous surfions avec Netscape Navigator ! Des pages blanches avec des tonnes de liens qui demandaient presque autant de temps à parcourir que s’ils étaient imprimés sur du papier.

Pour ceux qui n'auraient pas connu cette période de l'Internet...

Pour ceux qui n’auraient pas connu cette période de l’Internet…

De nos jours, l’ergonomie du web a tant progressé ! Pourquoi ne pas s’en inspirer pour les pages de sommaire de nos livres numériques ?

Concept dessiné de table des matières

Concept dessiné de table des matières

C’est d’ailleurs là que je mettrais le pitch du livre.
Je vous avais dit que j’avais un argument pour l’y glisser tout de même dans l’ouvrage.
Il suffit de voir un peu plus loin que les années 2010. Que deviendra votre livre numérique lorsque vous ne serez plus là ? Si nous avons de la chance, les DRM auront été abolis, et ni Apple ni Amazon, ni Kobo ne seront propriétaires de vos ouvrages achetés, ni ne pourront les détruire à distance. Je prends donc le pari que vous aurez accumulé une bibliothèque de livres numériques conséquente, que vous pourrez léguer à quelqu’un.
Et ce quelqu’un pourrait avoir envie de les lire, vos livres, comme nous l’avons tous fait avec les livres que nous avons hérités de nos grands-parents, voire de nos parents.
Ne serait-il pas opportun qu’un pitch de l’ouvrage soit facilement accessible dans ce dernier ?

table des matières dans Ultima Necat, de l'idée à la réalisation

table des matières dans Ultima Necat, de l’idée à la réalisation

En fait, philosophiquement, je vois le livre numérique comme un objet pérenne (autant qu’il puisse l’être sans support physique, mais même les livres papier sont parfois détruits par les incendies, les inondations ou perdus tout simplement), et non comme une œuvre seulement disponible en streaming. Un véritable livre, pour moi, se conserve.

Les titres de chapitre

L’identité visuelle passe aussi par les changements de chapitre. Les mises en page actuelles sont très classiques dans le numérique, alors que dans l’édition papier, les maquettistes osent certaines audaces intéressantes, même pour de la fiction. Des enluminures, une mise en page graphique, bref, quelque chose qui met le lecteur dans l’ambiance de votre ouvrage. C’est à mon avis aussi important que le choix de la fonte ou de vos interlignes.

Des enluminures, mais, peut-être, pas à ce point-là en numérique...

Des enluminures, mais, peut-être, pas à ce point-là en numérique…

Hélas, ces théories sont souvent mises à mal par les applications de lecture numérique qui, toutes, absolument toutes, contiennent des bugs qui les empêchent de coller aux standards d’affichage de l’ePub tels qu’ils sont sensés être définis par le consortium IDPF.

La pratique : mes essais

Aussi ai-je rabattu de ma superbe, car mes belles idées se sont souvent heurtées à l’impossibilité technique d’être réalisées ne serait-ce que dans iBooks.

Mes premières idées de fenêtres modales ont été un tel cauchemar entre l’implémentation du JavaScript dans l’ePub et l’impossibilité de déterminer comment chaque application de lecture définissait son espace d’écran alloué au texte, que j’ai fini par les abandonner, alors que dans un navigateur internet tout fonctionnait à merveille. Et, franchement, ça avait de la gueule !

Le simple fait de penser une boîte de texte délimitée ou il serait nécessaire de faire défiler le texte pour qu’il soit complètement lu (un overflow pour ceux qui connaissent le code CSS3) afin d’y insérer la biographie de l’auteur s’est heurté à de nombreux bugs dans toutes les applications autres qu’iBooks, qui se comportait normalement.

Je ne vous raconte même pas le cauchemar des essais d’export en kf8, le format de Kindle qui ressemble à l’ePub3 : toute ma mise en page était à refaire…

Mes solutions actuelles sont de revenir à plus de simplicité sans pour autant abandonner les principes que je vous présentais plus haut. Les recherches de Jiminy Panoz sont venues là encore à mon secours, puisque son boilerplate min+, une sorte de gabarit de mise en page, explore en effet des possibilités de design qui m’ont bien inspiré.

Comment je vois le fonctionnement de mes pages de titre

Comment je vois le fonctionnement de mes pages de titre

Ainsi, la page de titre comporte-t-elle des liens vers la biographie et la bibliographie, dans le livre, mais dans un fichier qui sera non linéaire, c’est-à-dire qu’il ne fera pas obligatoirement partie de la séquence de lecture du texte. Il faudra cliquer pour découvrir. Les applications de lecture gèrent généralement bien les fichiers non linéaires, et leur mise en page peut-être plus simple que dans une fenêtre modale. La page de titre renvoie aussi vers mon site (oui, celui sur lequel vous êtes…) via le logo d’écaille & de plume du dragon et du phœnix, et vers la page de sommaire avec un détail de l’image de couverture.

Mon concept actuel de page de titre, non codé pour le moment...

Mon concept actuel de page de titre, non codé pour le moment…

La page de sommaire, elle, présente une table des matières plus graphique sans être complètement délirante, avec un pitch du récit pour servir de quatrième de couverture.

Concept actuel de table des matières, non codé pour le moment...

Concept actuel de table des matières, non codé pour le moment…

Enfin, l’intégration des réseaux sociaux est possible, de manière à laisser au lecteur l’opportunité de commenter sa lecture sur Goodreads, notamment.

Concept actuel de page de biographie et de bibliographie

Concept actuel de page de biographie et de bibliographie

Et vous, vous le voyez comment, le livre numérique qu’on a envie de garder ?

Superproduction… théâtrale

Superproduction… théâtrale

Superproduction… théâtrale

Le 28 février prochain aura lieu la première de Un drôle de cadeau, la pièce de Jean Bouchaud que mes camarades de la Compagnie Raymond Crocotte et moi-même allons jouer au festival Théâtre d’Hiver de la Mairie de Toulouse.

Comme vous le savez déjà, la distribution de cette pièce nous a déjà posé quelques problèmes, puisque, outre mon arrivée pour jouer le rôle de Marcel Feuillard suite à l’indisponibilité du premier comédien chargé du rôle, c’est une remplaçante pour celui de Léone Chalière qu’il nous a fallu chercher…
Malgré trois candidatures, nous n’avons pas pu trouver de successeur à Emmanuelle Bost, qui, heureusement, a pu différer son départ pour les forêts mystérieuses de Bretagne afin de jouer avec nous une ultime fois.

Mais ces petits tracas ne nous ont pas découragés, et puisque tout est bien qui finit bien, je peux donc vous parler… et vous montrer… à quoi nous avons occupé notre temps.

Car pour cette nouvelle production, la Compagnie Raymond Crocotte a carrément changé de dimensions, et s’est lancée dans une débauche de moyens jamais connue par la troupe depuis sa naissance en 2006. Une profusion de décors, d’accessoires, des costumes, des visuels… bref : une superproduction digne d’Hollywood dans notre référentiel de compagnie amateur !

Voilà l'effet que cela fait de jouer dans Un drôle de Cadeau...

Voilà l’effet que cela fait de jouer dans Un drôle de Cadeau…

Certes nous sommes huit comédiens sur scène, mais nous avions déjà l’habitude d’être nombreux depuis notre adaptation de Psychanalyse des Contes de Fées.

C’est surtout le contexte historique et la pièce elle-même qui ont demandé beaucoup de travail dans la recherche de réalisme visuel et scénique, comme le « pitch » écrit par Corinne Jacquet, notre metteuse en scène, le laisse deviner :

Le Vietnam s’appelle Indochine, Picasso dessine des colombes, les Français remercient Mister Marshall qui leur envoie des dollars et du coca-cola… Nous sommes en 1949 et Staline va avoir 70 ans. La petite cellule du Parti Communiste du 14e arrondissement de Paris ne fait vraiment pas honneur au camarade Maurice Thorez : pas une seule adhésion depuis des mois, affiches non collées, journaux non diffusés, livres non vendus s’amoncellent dans le local donnant sur l’arrière-cour d’un petit immeuble entre la loge des époux Scarfati et les escaliers qui montent aux étages.

Roger Blot, croque-mort, Josyane Terson, vendeuse, Marcel Feuillard, ouvrier, Suzanne Lalande, institutrice, tous militants du PCF, désespèrent Léone Chalière, représentante de la direction fédérale… Or, la cellule « Élisa Verlet » se doit elle aussi de trouver un cadeau pour « le petit père des peuples ». Il n’est jamais facile de choisir un cadeau d’anniversaire mais imaginez la difficulté d’en trouver un qui plaise à Joseph Staline ! Les camarades de la cellule finiront cependant par dénicher pour l’occasion un drôle de cadeau qui fera l’effet d’une bombe à Moscou…

Cette pièce, en traitant d’un sujet historique grave sur le ton de la comédie, rassemble à la fois les qualités du vaudeville et du plus profond des drames. On pense à Prévert, à René Clair mais aussi à Feydeau et à sa folle mécanique burlesque. Du rire, de la tendresse et au final une réflexion sur le dogmatisme : ce qui arrive quand l’homme cesse de penser par lui-même.

Et c’est donc tout naturellement que nous avons dû réutiliser la structure modulable de décor qu’avait déjà réalisée Frédéric Dalmasso pour Échauffements Climatiques, afin de construire un espace scénique séparant la cour d’immeuble du local de la cellule Élisa Verlet. Cette structure a été recouverte de toiles amovibles grâce à un système de scratch (merci à Sabine et à Liliane pour la couture), qui ont été peintes en trompe-l’œil par Monique Mazarguil, son talent d’illustratrice mis une fois encore au service de la troupe.

C’est ensuite le bronze d’art qui tient une place centrale dans l’histoire qui a été sculpté. Nous avons également trouvé un vieil électrophone, des portraits de Lénine et de Staline qui correspondaient à ce qui était décrit dans la pièce (cherchez Lénine avec une casquette dans une bonne résolution sur internet… vous aurez du travail…). Au chapitre des accessoires, le poêle qui sert de chauffage aux camarades en ce mois de décembre 1949 a été réalisé par Frédéric qui décidément, pourrait être engagé comme décorateur/accessoiriste dans une production de cinéma (tiens… ça me donne une idée pour mon prochain opus…)
Enfin, c’est la maquette du camp de travail en allumettes, réalisée par Xavier Fouchet (alias le flic ancien collabo Désiré Scarfati dans la pièce).

Et pour les costumes, même recherche intensive de véracité, à partir de photographies d’époque, pas faciles à trouver non plus.

Enfin, les visuels. Une cellule du Part Communiste Français recèle des trésors : des affiches de propagande, des revues officielles (L’Union Soviétique parue de 1949 à 1963, Études Soviétiques qui lui ressemblait beaucoup), des journaux (L’Humanité bien sûr), des livres (l’autobiographie de Maurice Thorez intitulée Fils du Peuple)…
Et pour la touche finale, un magazine osé de l’époque, Paris-Hollywood, dont la reconstitution de la couverture a été un véritable plaisir pour moi…

Tout ceci sans oublier de faux billets de l’époque (c’est fou ce que les francs semblent désuets maintenant), des cartes de membres du PCF, un vélo datant du milieu des années 50 récupéré dans une association de passionnés…

Le souci du détail est allé assez loin, et, toutes proportions gardées, je me suis souvenu de ce que les équipes de Weta Workshop ont accompli pour la saga de Peter Jackson dans la Terre du Milieu. Leur credo était que plus les détails étaient soignés et « faisaient vrais », plus l’immersion était forte pour le spectateur, qui pouvait plonger dans un monde cohérent jusqu’au plus petit bouton de manchette.

Il reste à savoir si nous aurons autant de succès avec Un drôle de Cadeau que la bande de Frodon et Sam… J’ai comme un doute : nous n’avons pas d’acteur de synthèse programmé en motion capture…

Magie Brute, de Larry Correia

Magie Brute, de Larry Correia

Magie Brute, de Larry Correia

J’ai entendu pour la première fois parler des Chroniques du Grimnoir par +Car Beket, qui en prépare une adaptation en jeu de rôle avec Fate. Intrigué, j’ai voulu lire les romans.

Le mélange des genres Noir, « steampunck », et fantastique peut sembler être une chimère improbable et même un monstre de Frankenstein au premier abord. Je mets « steampunck » entre guillemets car il n’est pas vraiment ici question d’un monde où la technologie vapeur a remplacé l’électricité, mais bien plutôt d’une ambiance de douce uchronie et de dépaysement à la fois technologique et culturel, dont l’exemple le plus frappant est la présence de dirigeables comme moyens de transport, aux côtés du train. Un marqueur d’uchronie déjà utilisé dans de nombreuses œuvres, par exemple la série Fringe.

Les deux réalités de Fringe, dont l'une avec ses Zeppelin

Les deux réalités de Fringe, dont l’une avec ses Zeppelin

Magie brute est le premier opus du cycle, dans lequel Larry Correia développe son postulat de base.

Au cours du XIXe siècle, certaines personnes dotées de pouvoirs particuliers ont commencé à apparaître, possédant chacune un talent « magique ». Parmi ces Actifs, il y avait les Torches, capables de contrôler le feu, de l’éteindre ou de le faire naître à volonté, les Brutes, dont la force et la taille pouvaient changer, les Guérisseurs, dont le toucher pouvait faire cicatriser plus vite ou même écarter la maladie, ou encore les Lourds, qui savent modifier la gravité, la plier à leur désir pour alourdir ou alléger tout ce qui les entoure, eux-mêmes compris.
Jake Sullivan fait partie de cette dernière catégorie, mais contrairement à la réputation des Lourds, il se trouve être très fin, si fin qu’il attire l’attention de J. Edgar Hoover, qui dans l’Amérique du Grimnoir utilise les talents de ceux qu’une bonne partie de la population considère comme des monstres pour traquer leurs semblables, en tous les cas ceux qui se sont rendus coupables de crimes.
Pour cela, Sullivan lui aussi a eu affaire à la justice, pour un crime qu’il n’avait pas commis. Mais ce héros de la Grande Guerre est donc obligé de travailler pour les Fédéraux afin d’éponger sa dette. C’est par ce biais qu’il se trouve mêlé à la guerre secrète qui oppose la Société du Grimnoir, une organisation qui lutte pour maintenir la paix, et le Président de l’Impérium, un homme mystérieux aux pouvoirs terrifiants.

L’univers du Grimnoir est complexe, plus qu’il n’y paraît, riche, et pas si manichéen qu’on pourrait le craindre. Il y a là matière à de nombreuses intrigues, et les personnages, s’ils sont souvent caricaturaux, sont campés et suffisamment crédibles malgré ce léger défaut.

En outre, la traduction de Marie Surgers est savoureuse, qui parvient bien à rendre ce mélange d’argot, d’expressions imagées, de dialogues percutants et de détails dépaysants. L’ambiance m’a conquis, surtout sur la première moitié du récit.

Car hélas, j’ai beaucoup moins accroché sur l’intrigue centrale du livre, cette course à l’armement plutôt terne, sans véritable souffle. J’ai trouvé l’action assez fade, même avec les quelques morceaux de bravoure tentés dans les scènes de combat. Même celle qui à la fin se déroule sur plusieurs blimps à la fois m’a laissé relativement froid.
Peut-être est-ce parce que les enjeux sont tellement énormes qu’on ne les appréhende plus. Peut-être aussi parce que l’on s’attend à une problématique personnelle plus marquée pour les personnages, une tradition bien ancrée du genre Noir, et que l’on se retrouve dans une confrontation géopolitique et presque mystique qui relègue au second plan les interrogations de Sullivan envers ses frères, ou de Faye, l’orpheline qui pourrait être si attachante.

Il est difficile de concilier dans un même récit deux échelles d’enjeux aussi différents. Cela demande à mon sens un extraordinaire sens du dosage et de l’équilibre, et une grande maîtrise du rythme, pour ne pas étouffer l’un avec l’autre, mais surtout pour souligner l’enjeu du macrocosme grâce à celui du microcosme. C’est je crois la seule façon d’être à la fois pertinent et fluide.
C’est encore plus vrai dans le genre Noir, qui est surtout centré sur les enjeux psychologiques ou sociaux des personnages eux-mêmes, et s’accommode mal des luttes planétaires ou politiques. Sauf bien sûr pour les montrer sous un jour cynique et s’en servir comme révélateur des abîmes psychologiques où se vautrent leurs conjurés.

Hélas, je n’ai pas trouvé ce dosage réussi dans Magie brute, ce qui m’a fait l’effet d’une très belle idée mal exploitée.

Cette impression va-t-elle se confirmer dans le deuxième tome ?

Predestination, des frères Spierig

Predestination, des frères Spierig

Predestination, des frères Spierig

Votre doigt vient sans doute de se crisper sur le bouton de votre souris, de faire glisser la molette jusqu’à ce que la date de cet article apparaisse. Sans doute pensez-vous que vous venez de faire un bond en arrière dans le temps.
Oui, mon article sur le voyage dans le temps, c’était bien sur Flash Forward, en 2014
Non, vous ne rêvez pas, on est bien en 2015

Mais sans doute que si vous lisez ces lignes, est-ce parce que vous étiez prédestinés à les lire. Car vous les avez déjà lues dans le futur, et vous ne faites que reproduire ce que vous avez alors accompli dans notre avenir.

Et si les deux phrases précédentes ne vous donnent pas une véritable migraine, alors vous êtes prêts à voir, ou revoir si dans le futur vous l’avez déjà fait, le film des frères Spierig.

Son sujet est assez simple, presque digne d’un blockbuster : un agent temporel au service d’une mystérieuse organisation gouvernementale américaine accomplit une dernière mission pour arrêter le criminel qui lui a échappé durant de longues années, et enfin l’empêcher de commettre un crime dans le futur.

Les premières images sont extrêmement esthétiques, avec des jeux sur la lumière, une ambiance qui fait beaucoup penser au Dark City d’Alex Proyas ou à L’armée des Douze Singes de Terry Gilliam, une voix off en parfait (dé)calage avec elles, dans une signature qui rappelle les films noirs. L’accessoire principal du film, cette boîte à violon qui permet le déplacement du voyageur temporel dans un souffle très évocateur, renforce encore cette impression.

Le décor de la première scène

Le décor de la première scène

Mais rapidement, on est plongés dans un drame aussi intimiste que presque métaphysique, avec la plus belle illustration d’un paradoxe temporel fondateur que j’aie pu lire ou voir dans ma vie, à égalité avec les Douze Singes et sa boucle temporelle culte.

Car il ne s’agit pas ici d’une seule, mais bien que plusieurs boucles temporelles enchâssées les unes dans les autres, avec une grande maîtrise dans le scénario et une belle réalisation, même si l’on peut regretter quelques plans un peu trop « téléphonés ». Ces boucles sont si bien entremêlées qu’elles donnent vraiment le vertige en nous confrontant à un paradoxe de l’œuf et de la poule en forme de poupées russes.

Quant à l’interprétation, Ethan Hawke et Sarah Snook sont très convaincants, y compris dans les sujets les plus intimes dans le cas de la dernière, dont je ne parlerai pas ici pour ne pas déflorer une intrigue ciselée de façon minutieuse. Et ce n’est pas très étonnant, quand on sait que cette intrigue est adaptée d’une nouvelle de Robert A. Heinlein, Vous les Zombies (All You Zombies en V.O.)… que je vais m’empresser de lire…

En déroulant les crédits de fin, de nombreuses questions assaillent l’esprit : l’agent temporel a-t-il vraiment réussi sa mission, les dysfonctionnements étaient-ils voulus par l’énigmatique Mr Robertson, que sait-il, d’ailleurs, cet étrange Mr Robertson ?

Mr Robertson, et Noah Taylor, son interprète

Mr Robertson, et Noah Taylor, son interprète

Y aura-t-il plus de réponses dans la nouvelle que dans le film ? Très probablement non, et c’est sans doute ça qui est le meilleur.

Les barbares, anciens ou modernes…

Les barbares, anciens ou modernes…

Les barbares, anciens ou modernes…

Ce que nous avons vécu hier, mercredi 7 janvier 2015, n’est hélas qu’une nouvelle résurgence d’un mal plus profond, plus ancien, plus tentaculaire.
Un mal qui hante l’Humanité depuis sa naissance.

Ceux qui ont osé lâchement assassiner des personnes désarmées simplement parce qu’elles étaient libres, parce qu’elle incarnaient la liberté de penser, la liberté de dénoncer, la liberté d’éclairer par le rire les ténèbres qui envahissent trop souvent le monde, ceux là ne sont pas seulement lâches, ils sont privés de Conscience.

Ces barbares ne sont que l’incarnation actuelle de ceux qui brûlaient des livres au rythme du pas de l’oie durant le XXe siècle, eux-mêmes héritiers des esprits étriqués qui en brûlaient, au nom de Dieu, déjà (même si ce n’était pas le même…), aux XVIIe et XVIIIe…

Ils sont les derniers avatars des barbares qui, sûrs d’être les Elus de je-ne-sais quelle cause, entité, ou personnalité, imbus d’eux-mêmes au point d’en éclater de suffisance et d’en suinter de bêtise, ont pu sévir dans notre Histoire au fil des siècles.

La barbarie, c’est l’absence de culture, l’absence de doute, l’absence de compassion. C’est être enfermé dans un système qui étouffe la pensée à un point tel qu’il l’anéantit dans la tête même de celui qui est endoctriné. C’est perdre son Humanité.

La nature humaine est violente, encore empreinte du sceau du prédateur, de l’animal qui devait survivre, qui devait conquérir un territoire pour lui et les siens. Mais elle n’est pas barbare. En tous les cas je ne puis me résoudre à le croire.

Voilà pourquoi nous, êtres Humains, nous tous, nous devons refuser cette barbarie.
Nous devons rester dignes, nous devons rester libres.
Nous devons reprendre le flambeau.

Il s’agit bien d’un combat, mais du combat inégal entre les Ténèbres et la Lumière, à l’intérieur de nous-mêmes comme à l’intérieur de nos sociétés.
Inégal, ce combat l’est à plus d’un titre.
D’abord parce que la tentation de répondre à la violence par la violence est forte.
Il ne faut pas y céder.
Car c’est surtout parce que la plume est, sera et a toujours été plus forte que l’épée, que ce combat est inégal. A la fin, que nous montre la barbarie ? Que pour tenter de faire taire un simple crayon, elle doit recourir à une arme automatique ou à un lance-roquettes. Et que, même alors que le sang a été versé, c’est le crayon qui remporte la mise. La barbarie est faible, l’Humanité est forte.

La victoire finale est promise à ceux qui tiennent la torche éclairée, à ceux qui envers et contre tout essayent d’arracher un sourire, un rire, une larme, avec des mots simples, avec des images, avec des sons, avec de l’intelligence et de la complicité, avec de l’Art, avec de l’éducation. Pas à ceux qui veulent recouvrir nos esprits et nos vies de Ténèbres.

Pour chasser les Ténèbres, une seule arme, à multiples usages : l’éducation. Apprendre aux autres à penser, à critiquer, les autres comme eux-mêmes, apprendre soi-même la dérision, l’auto-dérision, apprendre à douter de tout, sans se gaver de certitudes, jamais.

Apprendre à être Humain.

Et réapprendre à être Humaniste.

Une année d’écaille & de plume

Une année d’écaille & de plume

Une année d’écaille & de plume

Tous les rythmes propres de la Nature sont des cycles, des révolutions dans lesquelles chaque phénomène, chaque être vivant, se retrouve périodiquement au même moment à la fois inchangé et profondément différent. Les levers du soleil sont immuables et toujours différents, les cycles des cellules vivantes ne sont jamais identiques… et les serpents changent périodiquement de peau en abandonnant leur ancienne mue. Les êtres humains ne font pas exception à la règle. Et les serpents à plumes ne peuvent pas plus y déroger…

C’est donc pour moi le moment délicat et intemporel, le temps suspendu, où le bilan du cycle précédent doit rencontrer l’anticipation du cycle suivant. Le moment où l’on jette un œil à l’année écoulée pour mieux se projeter vers celle qui va s’ouvrir. En quelques chiffres et quelques pensées jetées un peu comme elles viennent.

Le premier cycle du Serpent à Plumes

Cette première année, je m’étais fixé quelques objectifs simples.

24.

Nombre d’articles publiés cette année.

44779.

Nombre de mots publiés dans les articles de blog.

1940.

Nombre de mots moyens pour un article.


Le premier d’entre eux était tout simplement de faire vivre ce site, en postant régulièrement. Je suis parvenu à remplir cette mission-là, puisque mon métronome intérieur a égrainé les articles toutes les deux semaines. J’ai donc repris un bon rythme d’écriture après plusieurs années de difficultés à prendre la plume, et ce même avec une vie professionnelle et personnelle remplie de tracas ou de projets, prévus comme impromptus. L’écriture est autant une discipline qu’un plaisir, et j’ai maintenant acquis le « réflexe » que je cherchais à retrouver.

11.

Nombre d’articles dans L’encre & la plume. Catégorie d’Articles la plus représentée.

2.

Nombre d’articles de tutoriel (Les Pixe-Ailes du Phœnix).


En regardant ce que j’ai écrit durant cette année, je me rends compte que, sans surprise, les deux sujets les plus représentés sont de loin la littérature et le cinéma (11 et 9 articles respectivement). J’ai peu écrit sur le jeu de rôle, ne jouant pas assez pour me sentir l’autorité de le faire. Mon propos s’est porté assez souvent sur le côté numérique de la lecture, notamment avec ma série sur le livre électronique.

Article le plus lu.

Fate et le Format série américaine en jeu de rôle.

436.

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4:19.

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Mais l’article qui a eu le plus de succès (et qui peut-être me vaut le plus de mon lectorat) est paradoxalement un article s’intéressant au jeu de rôle. Un engouement assez inattendu pour moi, même si je sais que la communauté rôliste est assez friande d’aides de jeu.

Je suis donc parvenu aux trois objectifs que je m’étais fixés : écrire, écrire sur ce qui me tenait à cœur, toucher un petit lectorat (autre que mes amis).

Mes petits bémols : ne pas avoir eu la possibilité de poster plus de mes écrits, le temps manquant pour assumer à la fois l’écriture sur cet espace, l’écriture sur Énergies Libres, un projet plus collaboratif avec des limites de temps plus dures, et l’écriture sur mes propres projets littéraires.

Les songes d’un nouveau cycle

Voici ce que la mue va nous apporter en 2015, si je parviens à me couvrir d’une nouvelle peau.

Tout d’abord, continuer sur cette lancée et ne pas ralentir mon rythme de publication sur cet espace. J’espère continuer à maintenir l’exigence de qualité qui me satisfait à peu près sur mes articles.

Je voudrais pouvoir donner corps aux quatre autres chapitres de Fée du Logis, pour vous les présenter tout au long de l’année qui s’ouvre.
Puis trouver enfin la discipline d’écrire aussi sur mes trois projets majeurs : Le Choix des Anges, Rocfou, et Sur les genoux d’Isis, dont je vous parlerai certainement dans les mois qui viennent.

Bref, je voudrais recommencer à écrire des histoires.

L’année devrait au moins voir naître la version littéraire du Choix des Anges. La correction est presque achevée. Il restera à peaufiner une couverture, à créer la maquette de livre électronique (et qui sait, une version papier ?), et à offrir la liberté à cette histoire, avant de la porter en images si le projet d’en faire un film peut devenir réalité.

Vous devriez aussi entendre parler d’Un drôle de cadeau, puisque nous devons jouer la première le 28 février 2015.

Enfin, je forme le souhait que vous soyez plus nombreux encore au fil des mois à me lire et me suivre. Après tout, c’est aussi pour cela qu’on se met à écrire…

Bonnes fêtes à vous !

La Désolation de Smaug, Extended Cut

La Désolation de Smaug, Extended Cut

La Désolation de Smaug, Extended Cut

C’est toujours la même chose avec Peter Jackson : à chaque sortie d’un film de son interprétation de la Terre du Milieu, il faut attendre un an de plus avant d’avoir la véritable version, celle qui donne le plus de sel à l’œuvre, celle qu’il a vraiment pensée.
Ce qui est sans doute un peu une ficelle marketing permet aussi paradoxalement de prolonger le plaisir de la découverte de cet univers riche et fouillé qu’il met autant d’ardeur à explorer que Tolkien à le créer. Ainsi, chaque « version longue » est l’occasion de se demander si on avait bien vu tel détail lors de la sortie en salle, ou si on avait remarqué tel plan, ou, parfois, si les scènes ajoutées apportent vraiment quelque chose à l’histoire et à l’univers.
C’est en quelque sorte une école de patience qui apprend à goûter plus encore ce que l’on a anticipé si longtemps.

La Désolation de Smaug ne fait pas exception.

Le deuxième volet de la trilogie du Hobbit était pour moi à sa sortie le morceau le plus attendu. J’avais hâte de voir le Cracheur de Feu du Nord, et l’interprétation qu’en avait imaginé Peter Jackson avec la voix et les mouvements de Benedict Cumberbatch. J’avais hâte de rencontrer Bard. J’avais hâte de contempler le Royaume des Elfes Sylvestres.

Lorsqu’il y a un an le film est enfin sorti, j’ai comme tout le monde été surpris par la romance qui se nouait entre un Nain et une Elfe Sylvestre. J’ai été un peu déçu par certaines scènes à mon avis trop numériques (Legolas virevoltant lors du combat contre les Orcs sur la rivière). Mais j’avais été conquis par Bard, impressionné par Smaug, fasciné par Thranduil.

Smaug le Terrible, la grande réussite du film

Smaug le Terrible, la grande réussite du film

Un an après, Peter Jackson sort le troisième volet, mais aussi son « extended cut » du deuxième, sur lequel je me suis rué.

Comme pour la version longue de La Communauté de l’Anneau ou des Deux Tours, celle-ci apporte un montage un peu différent sur des scènes clefs, même si le bouleversement n’est pas aussi grand que sur le premier volet du Seigneur des Anneaux (dans lequel tout le début a été complètement remonté dans la version longue, avec une introduction bien plus fidèle au livre tout en étant bien plus dynamique par rapport à la version sortie en salle).
Des scènes clefs qui sont tellement importantes que l’on se demande bien pourquoi elles ont été éliminées de la première version cinéma. Car si elles ne concernent pas véritablement le cœur de l’histoire, elles ont à voir avec la toile de fond du plan de Sauron, avec les machinations qui se sont tramées depuis l’attaque du Dragon sur Erebor. On apprend donc beaucoup de choses sur le destin d’un personnage essentiel : Thrain, le père de Thorin. Pourquoi il a disparu, et comment il a disparu. Le lien avec le Seigneur des Anneaux est encore plus prégnant avec ces révélations, qui esquissent le plan à long terme de Sauron. L’incursion de Gandalf au cœur de Dol Guldur prend une tout autre ampleur.
Par contre, que Gandalf découvre autant de choses peut interroger sur le temps qu’il mettra ensuite à faire le lien entre l’anneau de Bilbon et l’Anneau Unique dans La Communauté de l’Anneau, qui se déroule bien des années plus tard.
Toujours est-il que ces nouvelles scènes donnent une dimension plus « politique » à l’intrigue, en l’insérant dans une vision globale de l’hexalogie qui donne de la cohérence à l’ensemble.

Bien sûr, les puristes pourront arguer que la cohérence ainsi exposée n’est pas tout à fait fidèle aux écrits de Tolkien. L’adaptation d’une œuvre artistique doit forcément passer par une interprétation personnelle, une appropriation de l’œuvre originale et donc une modification de certains détails. Dans le cas présent je trouve les ajustements assez bien faits pour passer inaperçus et s’intégrer dans le reste de la trame tout en apportant au film cette dimension, absente du Hobbit littéraire.

Thrain, Fils de Thror, père de Thorin Oakenshield, dans la Version Longue

Thrain, Fils de Thror, père de Thorin Oakenshield, dans la Version Longue

Les autres ajouts sont plus discrets : quelques échanges supplémentaires entre le Maître de Lacville et son âme damnée, notamment, ou bien l’entrée clandestine des Nains dans Lacville (ou plutôt Esgaroth), plutôt bien faite. J’ai regretté de ne pas en avoir plus vu sur Smaug, mais il faut reconnaître que toutes les scènes avaient déjà été montrées dans la version cinéma et qu’il n’y avait probablement pas grand-chose de plus à tourner sans trop délayer.

On ressort de cette séance avec des étoiles plein les yeux, et l’esprit encore bouillonnant. L’immersion fonctionne mieux encore qu’avec la version cinéma, ce qui me semble être le but de ce genre d’exercice.

Il ne reste plus qu’à clore la trilogie en dégustant La Bataille des Cinq Armées une première fois au cinéma… et à attendre l’année prochaine pour une nouvelle version longue !

Flash Forward, la série qui retourne vers le futur

Flash Forward, la série qui retourne vers le futur

Flash Forward, la série qui retourne vers le futur

Nous allons bientôt fêter les trente ans de Retour vers le Futur (Back to the Future, Robert Zemeckis), précisément le 23 octobre 2015, et cet anniversaire commence déjà à susciter quelques défis et autres réflexions sur la Toile.

Dans une autre vie, lorsque j’étais un rédacteur très régulier et très impliqué de V.I.T.R.I.O.L., un fanzine de jeux de rôle que j’avais contribué à créer avec plusieurs camarades de jeu, j’avais déjà exploré ce thème, à la fois de façon littéraire et de façon plus explicative.

Vous ne connaissez pas V.I.T.R.I.O.L. ? Honte à vous ! Sachez que ce fanzine a eu à son heure de gloire un tirage à… pas moins de… cent exemplaires ! Sur la région toulousaine… Si, si… A l’époque (le 15 septembre 1995, pour ce numéro 4 intitulé Somewhere in Time), c’était une assez grosse performance pour un fanzine dédié au jeu de rôle, et plus largement à l’imaginaire. Bientôt vingt ans, donc, que mes camarades et moi-même avons exploré les facettes du voyage dans le temps dans ce numéro.

La couverture du numéro 4 de VITRIOL, sur le voyage dans le Temps... oui, le prix est en Francs Français...

La couverture du numéro 4 de VITRIOL, sur le voyage dans le Temps… oui, le prix est en Francs Français…

Et vingt ans après, le voyage dans le temps est encore une question qui tourne dans ma tête, et qui réapparaît périodiquement dans ma vie, puisqu’après l’expérience V.I.T.R.I.O.L., j’ai participé il y a quelques années au tournage d’un court-métrage professionnel, Demain la Veille, dont le thème était l’inversion de la course du temps. Elle a même été réactivée après la vision de Flash Forward, une série américaine datant de 2009, qui a à mon avis renouvelé un peu la façon dont on peut envisager ce thème.

En effet, le voyage dans le temps se fait habituellement vers le passé, rarement vers le futur (à l’exception notable de la Planète des Singes, ou de Retour vers le Futur 2), mais surtout, il implique toujours un voyage (d’où le nom, me direz-vous…). Le héros est souvent arraché à son époque pour vivre des aventures qui auront une répercussion extrême puisqu’elles modifieront l’écoulement du temps, l’histoire, la sienne ou celle de l’Humanité tout entière, voire la réalité elle-même. Il est en tous les cas privé de repères, doit faire très attention à ne pas modifier des événements fondateurs de sa propre histoire ou de son propre futur.

Le postulat pris par Flash Forward est un peu différent : un beau jour, les habitants de la planète entière ont perdu connaissance au même instant pendant deux minutes et dix-sept secondes, durant lesquelles ils ont eu une « vision » de leur futur exactement six mois plus tard. Et cette vision partagée par toute l’Humanité change radicalement la vie de tous.

Petit avant-goût en images :

https://www.youtube.com/watch?v=ksp3_QnWAm8

Il ne s’agit donc pas vraiment d’un voyage dans le temps, bien que la première saison décrive le parcours que plusieurs personnages clefs font jusqu’à la date fatidique de leur vision.
On se trouve donc à mi-chemin entre la parabole sur le Destin et les paradoxes temporels classiques (et si je change une de mes actions, est-ce que je vais changer le futur?). La question n’est donc plus « que dois-je préserver de ce que je sais du déroulement des événements ? », mais plus « mes actions sont-elles déterminées par le futur que j’ai aperçu ? ».

Et les personnages y répondent de façon très diverse : de celui (Demetri) qui n’ayant pas eu de vision, en conclu qu’il sera mort six mois plus tard et essaie à tout prix de comprendre ce qui est sensé lui arriver pour survivre, à un autre (Aaron) qui se voit retrouver sa fille en Afghanistan alors qu’il la croyait morte, et qui va tout faire pour que sa vision se réalise.

On retrouve les paradoxes temporels dans l’enquête que le personnage principal, Mark Benford (joué par Joseph Fiennes, le frère de Ralph-Voldemort), agent spécial du FBI, mène sur ce que tout le monde appelle le Blackout. Dans sa vision, il était devant un tableau résumant son enquête. Il possède donc certains indices parce qu’il les a appris pendant sa vision. Le futur lui a donc donné les clefs qui lui permettent d’arriver jusqu’à l’avenir. Mais s’il n’avait pas eu de vision, jamais il n’aurait enquêté…

La Mosaïque dans la vision de Mark Benford, qui lui permet d'enquêter sur le Blackout

La Mosaïque dans la vision de Mark Benford, qui lui permet d’enquêter sur le Blackout

La série exploite aussi quelques idées issues des théories quantiques et déjà en vogue en 1985 lors de la sortie de Retour vers le Futur. Cependant, en lieu et place de l’excentrique Doc et de ses expressions fameuses (« Nom de Zeus »), de ses discours incompréhensibles sur la nature de l’espace-temps et de son côté « professeur Tournesol », Flash Forward met en scène plusieurs scientifiques aux caractères beaucoup plus sérieux et parfois opposés, démêlant ainsi la vieille image du savant fou en plusieurs de ses composantes.

Il y a Lloyd, persuadé d’être à l’origine du Blackout à cause d’une expérience et rongé par une culpabilité double puisque sa femme a perdu la vie lors de cet événement (eh oui, les gens qui s’endorment au volant ont souvent des accidents…), et son ami-opposé Simon (joué par un Dominic Monaghan parfaitement flippant), brillantissime mais un brin sociopathe, uniquement préoccupé par lui-même et son lourd secret. Il y a D. Gibbons (ou Dyson Frost), que l’on pense être le responsable véritable et le créateur du Blackout, une sorte d’illuminé qui n’en est pas à son coup d’essai et qui cherche à atteindre un but mystérieux en explorant les futurs possibles de plus en plus loin.

On est plongé dans les paradoxes du chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant tant qu’on a pas regardé dans sa boîte si le poison l’avait tué ou laissé en vie, ou dans le principe d’incertitude de Heisenberg (le vrai, pas Walter White, hein…) qui empêche de tout connaître d’une particule.

De ce point de vue, la série est très bien faite, et je me suis trouvé frustré qu’elle n’ait pas eu la chance d’être poursuivie au-delà de la première saison, prometteuse. La fin est d’ailleurs assez bien fichue, avec un saut dans le temps de l’histoire elle-même.

Par contre, je comprends très bien pourquoi elle n’a pas eu beaucoup de succès d’un point de vue télévisuel pur. Les personnages, pour fouillés qu’ils aient été, sont parfois beaucoup trop caricaturaux (Mark Benford et ses réactions parfois très primaires pour un agent spécial du FBI dont on attendrait beaucoup plus de retenue, même avec sa faiblesse alcoolique), ou adoptent un comportement difficilement plausible (Olivia, la femme de Mark, médecin, qui a des réactions très étranges pour le spectateur à propos de sa vision la montrant six mois plus tard amoureuse folle d’un autre homme alors qu’elle est le jour du Blackout aussi attachée à son mari qu’on puisse l’être).

En résumé, Flash Forward est une bonne série à voir lorsqu’on s’intéresse au voyage dans le temps, notamment à sa variante théorique dite « des écluses temporelles » (révisez Retour vers le Futur, Doc Brown en parle, ou lisez V.I.T.RI.O.L. n°4, si vous avez la chance de le posséder).

J’aurais bien vu une saison 2, mais hélas, il faut se contenter de la seule première… et pourquoi pas inventer la suite dans un roman ou un scénario de jeu de rôle ?

ChallengeRVLF-Retourverslefutur