Mon hygiène numérique, partie 2 — en pratique

Mon hygiène numérique, partie 2 — en pratique

Mon hygiène numérique, partie 2 — en pratique

by Germain Huc | Sep 6, 2025 | 0 comments

C’est bien beau, les principes, mais en pratique ?

Dans un précédent article, j’exposais récemment mon hygiène numérique, ses principes et la façon dont je les mets en œuvre. Mais malgré quelques exemples, je restais assez théorique, et plusieurs personnes m’ont demandé de préciser un peu, voire m’ont carrément déclaré : «je ne comprends pas comment tu fais ça en pratique».

Alors je me suis dit qu’un complément s’imposait.

Je me réfèrerai à cet article fondateur, mais nous allons discuter ici des choix qui s’offrent à nous (et donc à vous) et de la façon dont je vous conseille de les aborder. Il y a sept questions qui, je pense, méritent d’être un peu approfondies. Pour chacune d’elles, je vous donnerai des exemples de fournisseurs, de services, ou de matériels qui peuvent répondre aux principes que j’énonce dans le premier article, avec des options gratuites et des options payantes. Il est évident, mais il est utile de le rappeler : les liens de cet article ne sont pas sponsorisés, je ne gagne donc rien à ce que vous les suiviez.

Embarquez donc avec moi dans ce voyage vers une hygiène numérique assez simple, mais efficace !

Cloud privé ou Cloud tiers ?

Si c’est la première question que je vais poser, c’est parce que le principe du cloud est devenu en quelques années une fondation de nos vies numériques. Tout est synchronisé, tout est disponible partout, sur notre smartphone, comme notre ordinateur, et nous voulons avoir accès à chaque fichier depuis l’un ou l’autre de ces appareils, voire depuis d’autres encore si, par exemple nous perdions les premiers.

Mettons de côté le coût environnemental de cette habitude, et retournons-nous juste quelques 15 années en arrière… cela n’existait pas vraiment autrement que pour nos mails, et encore… et nous savions nous en passer.

Mais admettons que cela soit indispensable.

Dans le premier article de cette série, j’énonce comme principe premier de toujours s’assurer de posséder nos propres données. Et je vous parle de construire un cloud privé, à travers ce que l’on appelle un NAS, ou Network Attached Storage. En français, cela s’appelle un Stockage Attaché au Réseau.

Ça a l’air mystérieux, mais c’est en fait tout simple.

Un NAS n’est rien de plus qu’un disque dur branché sur internet, et contrôlé par un mini-ordinateur constamment allumé.

C’est en réalité la cellule fondamentale des centres de données (les fameux datacenters dont vous entendez souvent parler dans les médias), qui sont eux constitués de millions de disques durs branchés sur internet via des contrôleurs beaucoup plus perfectionnés. Retenez donc cela : un disque dur branché sur internet est la seule chose dont vous avez besoin pour vous créer un cloud privé.

Mais, bien sûr, cela n’est pas gratuit. Plus encore, le coût d’un NAS est de quelques centaines d’euros, mais il faut y rajouter les disques durs à mettre à l’intérieur (car oui, au départ, quand on vous le vend, un NAS, ce n’est qu’une boîte vide avec beaucoup d’électronique, mais il faut y rajouter vous-mêmes les disques durs suivant la capacité que vous désirez). Et puis cela demande quelques compétences techniques pour apprendre à paramétrer ce cloud privé.

Donc, on peut parfois se demander s’il ne vaut mieux pas rester sur un cloud classique, mais bien sécurisé. En sachant qu’il ne le sera pas autant que si vous aviez vos propres données chez vous et qu’elles étaient cryptées, et avec une redondance, c’est-à-dire des sauvegardes. Rappelez-vous la Règle des Trois : 3 sauvegardes différentes, sur 2 formats différents au moins, dont au moins 1 est faite à un autre endroit que vos données premières (hors de chez vous, donc).

Voici les avantages et inconvénients des deux options, et quelques exemples de fournisseurs qui cochent tous les principes d’une bonne hygiène numérique.

Le NAS

Avantages :

  • Chez vous donc maîtrise totale des données et de leur utilisation. Personne ne pourra y accéder sans votre permission, si vous respectez les principes de sécurité recommandés.
  • Partage possible avec vos amis, votre famille, etc. Il suffit pour cela que vous créiez un compte avec des droits d’accès à chaque membre de votre «groupe d’utilisation».
  • Vous décidez du quota de synchronisation et de la taille de votre cloud, de 1 To (un téra-octet) à… plusieurs dizaines de To, car vous choisissez le nombre et la capacité de stockage des disques durs que vous y installez. Le coût est donc bien moindre, proportionnellement, aux offres commerciales de clouds tiers, si vous voulez vous constituer une très grande capacité.
  • Vous y stockez ce que vous voulez : photos, vidéos, textes, PDF… et le partagez avec qui vous voulez, comme un cloud classique.

Inconvénients :

  • Chez vous, donc vous êtes responsable de vos données, et ne pourrez pas les récupérer si vous n’avez pas fait de sauvegarde dans les règles de l’art (la Règle des Trois).
  • Demande quelques compétences techniques, assez simples à apprendre, mais qui peuvent paraître absconses à beaucoup de gens. Si les mots droits d’accès, redirections de ports, firewall vous font peur, ce n’est peut-être pas la meilleure solution pour vous.
  • Demande un investissement de départ conséquent : 200 à 600 € pour le NAS lui-même, plus le prix des disques durs à mettre à l’intérieur. Certains NAS n’embarquent qu’un seul disque, et cela peut être suffisant, même si vous ne pourrez pas bénéficier d’un effet secondaire très intéressant d’en posséder au moins deux : la redondance des données avec un système RAID. Si cela vous intéresse, suivez le lien qui vous explique en gros de quoi il s’agit — en résumé, si un des deux disques tombe en panne, vous pouvez reconstruire les données qu’il contenait à partir du deuxième…

Car oui, les disques durs, ça tombe en panne (ça m’est arrivé une fois sur l’un de mes quatre disques depuis que j’ai mon propre NAS) et donc vous pouvez perdre vos données si vous n’avez pas de système de sauvegarde ou de redondance.

Recommandations :

  • Synology. J’ai moi-même un NAS de cette marque. La prise en main est simple et vous pouvez être guidé pour le paramétrage. Il existe beaucoup de tutoriels sur le web pour vous y aider, également.

Le Cloud tiers

Avantages :

  • Déporté donc à l’abri des accidents domestiques (vol, incendie).
  • Tenu par un tiers, donc vous n’avez pas besoin de mettre à jour les applications qu’il permet côté serveur, seulement côté client, c’est-à-dire sur vos appareils terminaux (smartphone ou ordinateur) ni de vous préoccuper de la sécurité ou de la sauvegarde (mesures techniques prises par le fournisseur).
  • Généralement l’interface et l’utilisation sont assez simples et ne nécessitent pas de connaissances techniques particulières.

Inconvénients :

  • Fiabilité et confidentialité soumises à la confiance que vous pouvez accorder au fournisseur. Vous devez donc vous assurer de la politique de ce dernier sur ces points-là. Il est d’ailleurs «un plus» que la liaison soit chiffrée de bout en bout.
  • Le plus souvent commerciaux, ils peuvent coûter cher à long terme (abonnement mensuel qui, au bout d’un certain temps, vous revient plus cher que l’achat d’un NAS). Ce coût est même présent pour les fournisseurs associatifs, car il faut bien supporter la charge financière de l’entretien (ou même de la location) des serveurs (qui sont, je le rappelle, des NAS).
  • Ne vous appartient pas donc :
  • Vous serez soumis à un quota d’utilisation, que ce soit en quantité de données stockées ou de données échangées (trafic internet entre vos appareils) contre rémunération financière du fournisseur.
  • Tout partage de votre quota d’utilisation avec des amis ou votre famille vous coûtera plus d’argent.

Recommandations :

  • Proton Drive. Hébergé en Suisse et maintenu par la même équipe du CERN qui a créé Proton Mail. Sécurisée.
  • Cozy. Français, hébergé en France. Sécurisé mais pas chiffré en bout en bout.
  • pCloud. Suisse et hébergé en Suisse. Sécurisé mais chiffré de bout en bout seulement sur option. A la particularité de proposer des offres «à vie» c’est-à-dire sans abonnement, avec un seul paiement (plus cher, forcément).
  • Internxt. Espagnol, hébergé en Espagne, sécurisé et chiffré de bout en bout, avec des offres «à vie» là encore.

Choisir un fournisseur de mail

Les mails sont devenus centraux dans nos vies numériques, et dans nos vies tout court.

Trouver un bon fournisseur d’adresse mail est capital.

Là encore, vous pouvez avoir le choix entre héberger vous-même une solution de messagerie pour vous et vos proches, sur un NAS (par exemple, le paquet Mail du système Disk Station Manager ou DSM des NAS Synology) ou, solution la plus simple, faire héberger votre courrier chez un fournisseur tiers. Qui ne devra pas être Google, Yahoo, ou un autre fournisseur gratuit américain.

Les critères de choix doivent être :

  • Hébergement des données sur le territoire de l’Union européenne ou à défaut un pays européen avec la même politique restrictive sur l’utilisation des données (la Suisse, par exemple).
  • Sécurisation de vos données.
  • Pas de publicité.
  • Pas d’utilisation de vos données à des fins publicitaires.
  • Pas d’utilisation de vos données tout court.
  • Quota de stockage.
  • Possibilité de comptes pour votre famille et vos amis.
  • Possibilité d’utiliser un nom de domaine qui vous appartienne (exemple : @decaille-deplume.fr pour moi).
  • Intégration avec d’autres services (carnet d’adresses sécurisé, calendrier, espace de stockage de fichiers ; etc.).
  • Coût.

Recommandations gratuites :

  • Proton Mail. Créée par les ingénieurs du CERN en Suisse pour héberger leurs propres messageries sécurisées, cette entreprise a ouvert ses offres au public avec une grande qualité. Avec l’option gratuite, vous avez déjà tout ce qu’il faut pour vous créer une adresse mail sécurisée, même s’il y a peu d’espace. Mais si vous suivez mes recommandations du premier article, sur la gestion de vos mails, cet espace-là peut vous suffire pour de longues années.
  • Mailo. Un fournisseur français, indépendant des fournisseurs d’accès, avec un service de qualité et une option gratuite, c’est unique.

Recommandations payantes :

  • OVH. C’est le choix que j’ai fait, personnellement, car c’est OVH qui héberge d’écaille & de plume. J’ai donc possibilité d’avoir mon nom de domaine pour mes mails également.
  • Proton Mail. Les versions payantes offrent plus d’espace, et l’accès à d’autres services sécurisés, comme un cloud tiers, un calendrier, un Virtual Private Netword (ou VPN, une façon de rendre votre navigation vraiment privée), etc.
  • Mailo. La version payante vous garantit une adresse à vie, et vous offre plus d’espace.

Choisir un navigateur internet

Naviguer sur internet est devenu si trivial que nous en oublions que, fut un temps, cela n’était pas si facile. Pourtant, le logiciel qui nous permet de suivre les liens de site en site n’est pas anodin. Lui aussi doit faire l’objet d’un choix conscient, car, depuis que Chrome de Google, a envahi le web, la navigation sur les océans de l’internet n’est plus si sûre que par le passé. En effet, Chrome est le cheval de Troie de Google, et vous espionne autant qu’il vous guide. D’un autre côté, si vous possédez un iPhone ou que vous êtes sur Mac, vous ne connaissez pas vraiment autre chose que Safari, qui est plus respectueux, mais tout aussi hégémonique.

Qui parmi nous se rappelle de l’existence de Firefox ? Qui connaît d’autres possibilités ?

Pour choisir un navigateur internet, il faut tout d’abord bien intégrer la différence, qui était évidente avant l’arrivée de Chrome, mais qui ne l’est plus depuis, entre navigateur et moteur de recherche.

Pour le moteur de recherche, allez simplement voir la prochaine section de cet article.

Le navigateur est le logiciel, l’application, qui permet de voir les pages internet et de naviguer à travers les liens, donc de surfer pour visualiser les sites internet. Pour visualiser les pages, il se sert d’un moteur de rendu, qui permet de traduire le code de chaque page internet en un beau design qui vous donne envie de lire.

Parce que sans un navigateur, une page internet ressemble à un assemblage de deux codes informatiques : le HTML, qui exprime la structure du site, et le CSS, qui en exprime l’esthétique. Et ces codes, sans navigateur, ont une tête qui donne assez peu envie de les lire, puisque, par exemple, le code de la section que vous être en train de lire sur cet article ressemble à ceci.

Code HTML d'une partie de cet article

Alors qu’avec un navigateur, ça donne tout de suite plus le désir de cliquer, puisque les mêmes codes que plus haut une fois traduits resemblent à ceci…

Il existe en gros trois moteurs de rendu dans le monde :

  • Chromium, dont le nom fait immédiatement comprendre qu’il a été développé par Google pour son navigateur Chrome, mais qui a été aussi adopté par d’autres logiciels, comme Brave, par exemple.
  • WebKit, qui a été développé par Apple pour Safari.
  • Gecko, qui est le moteur de Firefox.

Comme aucun n’a vraiment étouffé les autres (même si Safari et Chrome écrasent un peu la concurrence, ils n’ont pas pu s’exterminer l’un l’autre), les sites internet sont souvent plus optimisés pour un moteur que pour un autre. Par exemple, si vous jouez en ligne au jeu de rôle sur Foundry VTT, vous savez qu’il vaut mieux utiliser Chromium comme moteur de rendu, parce que ça plante sur Safari (WebKit).

Vous comprendrez donc qu’il vaut mieux avoir deux ou trois navigateurs sous le coude, basés sur des moteurs de rendus différents, au cas où le site qui vous permet de payer vos impôts ou de lire les articles de votre blog préféré (d’écaille & de plume, bien sûr) ne soit pas aussi lisible sur celui que vous utilisez habituellement.

Pourquoi donc pas Chrome, allez-vous me demander ? Parce qu’il appartient à Google, et que, via ce navigateur, l’entreprise collecte toutes vos données de navigation pour nourrir son damné moteur de recherche et vous abreuver de publicités ciblées, tout en se confectionnant une base de données sur vos habitudes pour, via ses algorithmes, faire du fric sur votre dos.

Et pourquoi pas Safari ? Parce que, si Apple fait mieux question vie privée, son navigateur n’est pas forcément optimisé non plus. En effet, bien qu’Apple soit le créateur de WebKit, il n’utilise pas la dernière version pour Safari… et donc vous avez toujours un navigateur un peu en deçà des performances qu’il pourrait avoir… C’est quand même assez étonnant, mais c’est comme ça…

Alors que vous reste-t-il ? Même si tous les navigateurs sont gratuits, certains ont des options payantes, mais, honnêtement, ce n’est pas cela qui va guider votre choix.

Celui-ci va se faire sur les critères suivants :

  • Le moteur de rendu.
  • Le respect de la vie privée (pas de collecte de vos données).
  • Comportement vis-à-vis des traqueurs de publicité. Le mieux est d’intégrer ces bloqueurs de publicités et de traqueurs, pour vous permettre d’échapper à cette surveillance de masse à but mercantile.
  • La possibilité d’intégrer des extensions, qui sont des modules vous permettant, par exemple, de remplir les mots de passe directement sur le site sans avoir à les copier/coller.
  • Sa nationalité.

Donc, pour moi, il est important d’avoir deux navigateurs : un basé sur Chromium, et un autre su WebKit. Voici ce que je vous propose.

Navigateurs basés sur Chromium :

  • Brave. Américain mais base toute sa stratégie sur des valeurs proches de celles de l’Union européenne. Bloque les publicités, y compris sur YouTube, intègre un VPN.
  • Arc Browser. Américain, mais respectueux de la vie privée et bâti sur des principes proches des standards de l’Union européenne.
  • Vivaldi. Européen (Norvège), avec un VPN ainsi qu’un lecteur de flux RSS intégrés.

Navigateurs basés sur WebKit :

  • Orion. Américain mais ouvertement promoteur des valeurs défendues en Europe. Permet d’intégrer des extensions de Safari, mais aussi de Chromium et de Firefox. Bloque automatiquement les publicités de YouTube. C’est clairement mon choix.
  • Safari. Puisqu’il y a très peu de navigateurs basés sur WebKit en dehors de Safari, ce dernier est donc à mon avis la seule alternative à Orion.

Choisir un moteur de recherche

Qu’est-ce donc qu’un moteur de recherche ?

Eh bien, un moteur de recherche est un simple site web, comme d’écaille & de plume, mais au lieu de vous proposer mes articles, son but est de vous permettre de trouver, sur le vaste océan virtuel, les références que vous cherchez avec tant de difficultés. C’est une sorte de boussole qui permet de savoir où trouver les informations qu’il vous faut.

Cela explique que vous pouvez très bien avoir Google Search sur un navigateur différent de Chrome (je ne vous le conseille pas, puisque je ne vous conseille pas Google Search), ou un autre moteur de recherche que Google Search sur Chrome. Par exemple, vous pouvez vous servir de la recherche de Qwant sur le navigateur Orion, ou de la recherche DuckDuckGo sur le même Orion. Et vous pouvez même changer assez facilement, selon vos besoins. Mais toujours en évitant soigneusement Google Search.

D’ailleurs, ce dernier a commencé sans navigateur intégré, simplement, il fallait taper dans la barre d’adresse le fameux http://www.google.com. Cela vous menait jusqu’au site de Google, où vous pouviez commencer votre recherche.

À l’époque, il n’était pas encore devenu le géant qu’il est actuellement, et il a révolutionné la façon dont un navigue sur le web. Car auparavant, il fallait trouver presque seul son chemin.

De nos jours, il semble omniprésent et il est le grand collecteur de toutes vos données de navigation, un tas d’or numérique dont le dragon qui le couve fait ce qu’il veut, à notre détriment.

Pourtant, il existe des alternatives, qui ne collectent pas vos données et vous permettent tout autant de trouver ce que vous cherchez dans le vaste océan numérique.

Le choix sera fait sur les critères suivants :

  • Pertinence des résultats.
  • Utilisation de vos données (il ne faut pas qu’elles puissent se retrouver à faire de la publicité ou à être revendues).
  • Intégration d’une IA (pour l’instant, il ne vaut mieux pas, cela consomme énormément d’énergie pour chaque requête) et si c’est le cas, pouvez-vous la désactiver ?

Recommandations sur les moteurs de recherche gratuits :

  • DuckDuckGo. Moteur de recherche américain, mais se fondant sur des principes de protection de la vie privée. Il ne vous suivra pas dans vos déplacements et ne montre pas de publicité.
  • Qwant. Le moteur de recherche français. Bon, il cède lui aussi à la folie de l’intégration d’une IA, mais vous pouvez la désactiver facilement (ce que j’ai fait). Il préserve vos données de navigation.
  • Ecosia. Un moteur de recherche allemand qui se sert de la publicité générée par vos recherches pour planter des arbres et mener des actions écologiques. Pour moi, ça a tout du dilemme : je hais la publicité, qui influence les comportements presque toujours vers de la consommation à outrance, mais sans publicité, Ecosia ne mène pas d’actions… Je ne sais pas si vous parvenez à résoudre ce conflit-là… moi non, c’est pourquoi je n’ai pas jeté mon dévolu sur Ecosia au quotidien.
  • Swisscows. Comme son nom le laisse penser, il est Suisse. Pas de souci question confidentialité. Mais une très désagréable pop-up intégrée à chaque recherche si vous ne vous abonnez pas (il y a un abonnement payant, pour enlever ça).

Recommandations sur les moteurs de recherche payants :

  • Kagi. Pourquoi payer pour un moteur de recherche ? Kagi peut vous répondre. C’est en anglais, mais je trouve que c’est assez convaincant. Je n’ai pas encore sauté le pas moi-même, mais j’y songe.

Choisir une application de messagerie instantanée

Nous aimons tous discuter en ligne avec nos proches, que ce soit pour organiser l’anniversaire d’un ami ou pour partager l’adresse d’un site internet avec nos parents (https://decaille-deplume.fr est une bonne idée). Témoin le succès des messageries instantanées qui remplacent les SMS, comme WhatsApp.

Mais cette dernière appartient à Meta/Facebook/Instagram, et il faut donc s’en éloigner au plus vite. Car non seulement Meta se sert de vos conversations pour alimenter sa base de données sur votre compte Facebook, mais, en plus, elle vient de vous imposer son IA maison, que vous ne pouvez pas enlever, même si vous avez la possibilité de ne pas lui offrir vos données.

Quelles sont les alternatives ? Ces dernières doivent être :

  • Sécurisées, c’est-à-dire chiffrées de bout en bout, afin que personne ne puisse utiliser vos conversations ou les intercepter.
  • Totalement privées de publicité.

Il n’existe que peu de choix, à mon sens.

Recommandations gratuites :

Signal. Tout le monde la connaît depuis la bourde du secrétaire d’État de Trump qui a intégré un journaliste par erreur à une conversation confidentielle. Même si c’est une application américaine, elle est sous l’égide d’une fondation, open source, et chiffrée de bout en bout. Vos données sont sauves.

Skred. Application française, dont le principal intérêt par rapport à Signal est de ne pas nécessiter de numéro de téléphone.

Olvid. Française aussi, et ne nécessitant pas de numéro de téléphone non plus. Par contre, les appels audio et vidéo sont payants, avec un abonnement, au-delà du premier mois.

Choisir des canaux de discussion communautaires

Vous voulez quitter les réseaux dyssociaux, mais ne savez pas comment retrouver un endroit où discuter avec toutes ces personnes que vous y avez rencontrées ?

Vous avez trois possibilités, en gros :

Utiliser, comme je le fais personnellement, les commentaires des blogs que vous suivez par les flux RSS. Cette solution a le gros avantage de vous permettre de maîtriser ce que vous voulez suivre, mais le gros inconvénient de multiplier les endroits où ont lieu les conversations, en plus de ne pas permettre de la communication transversale, puisque vous ne pouvez pas initier de discussion vous-même, étant tributaire d’un article portant sur un sujet précis.

Choisir un réseau de discussion décentralisé, comme ceux du Fediverse. L’avantage est celui d’un réseau ouvert, avec des plateformes décentralisées. L’inconvénient est que la structure de la conversation singe celle des réseaux dyssociaux : limites de caractères dans les messages, difficulté de retrouver un message dans le flux, pas de prise sur la modération, pas de possibilité de paramétrer ses propres discussions en fonction des sujets, hormis avec les hashtags.

Choisir une application de forum, comme Discord. Dans ce dernier cas, l’avantage est le contrôle des personnes qui accèdent à votre espace (votre serveur), la possibilité de structurer ce serveur en différents salons avec une finesse extrême dans la gestion des permissions de chaque personne que vous invitez à y accéder, la possibilité également des communications transversales, c’est-à-dire qui se nouent entre des membres sans devoir passer par la permission du «propriétaire» du serveur (vous, quoi). L’inconvénient : Discord n’est pas open source et vos données sont hébergées par leurs serveurs. L’entreprise est américaine, non soumise aux lois européennes sur la protection des données.

Il y a donc un protocole concurrent, open source (c’est-à-dire dont le code est publié et disponible pour tout le monde), appelé Matrix (le nom est-il une référence au film, je ne sais pas), qui est devenu la base de plusieurs logiciels, dont le plus ressemblant à Discord se nomme Element. Il est même possible d’auto-héberger (sur un NAS donc) le serveur gérant votre propre instance Matrix. Mieux, Matrix peut accéder aux salons textuels de Discord, via une passerelle logicielle. Ce n’est pas l’interopérabilité complète, mais on s’en rapproche. Le défaut d’Element est de ne pas encore proposer de fonctionnalité de salon vidéo en dehors d’une «beta», c’est-à-dire d’une fonctionnalité en test.

Pour le moment, donc, si vous êtes sur une communauté utilisant Discord, vous n’avez pas vraiment le choix.

Mais cela pourrait changer.

Choisir un gestionnaire de mots de passe

Comme moi, vous avez remarqué que les mots de passe sont partout dans notre vie. Désormais, tout se fait sur internet, donc tout se fait via des comptes sur des sites divers et variés. Et chaque compte vous demande un nom d’utilisateur et un mot de passe. Potentiellement, il peut y avoir des dizaines de comptes et donc des dizaines de mots de passe à retenir.

C’est impossible pour un être humain normalement constitué et qui veut mettre dans sa mémoire des choses plus intéressantes que des suites de lettres, de chiffres et de symboles, sans oublier qu’il faut au moins une majuscule et une minuscule…

Alors, beaucoup de nos contemporains (dont vous faites peut-être partie) réutilisent sans cesse le même mot de passe avec des variantes subtiles… Et certains, même, choisissent des mots de passe dont ils sont sûrs de se rappeler facilement, donc des mots de passe simples, genre password ou même 123 456.

Ce sont deux très mauvaises idées.

Parce qu’un mot de passe simple n’est pas une protection suffisante (si vous avez pensé à la «feinte» de mettre motdepasse comme mot de passe, dîtes-vous bien que vous n’êtes pas le seul… et les hackers, ces cambrioleurs d’internet, l’essaieront parmi les premiers).

Parce que si vous utilisez un seul mot de passe, alors le découvrir mettra à nu toute votre vie numérique, c’est-à-dire toute votre vie tout court, vous exposant à un risque majeur d’usurpation d’identité. Et vous pensez que j’exagère ? Dites cela aux 200 000 (oui, deux cent mille) personnes qui sont victimes d’usurpation d’identité chaque année.

Par contre, vous pouvez très bien n’avoir à mémoriser qu’un seul mot de passe et garder toute votre vie numérique (donc toute votre vie, je le répète) en sécurité : si vous utilisez un gestionnaire de mots de passe.

Le principe est extrêmement simple : c’est une application qui ressemble à un coffre-fort numérique dans lequel vous entreposez tous vos mots de passe, et qui vous permet de les retrouver, voire de les utiliser sur chaque site correctement, si vous montrez patte blanche, c’est-à-dire si vous lui donnez un mot de passe un peu particulier, que l’on appelle un mot de passe maître. En gros, c’est un peu l’équivalent de l’Anneau Unique : un mot de passe pour les gouverner tous, un mot de passe pour les lier, et dans les ténèbres, les retrouver.

Bien évidemment, il faut pour cela que votre mot de passe maître soit complètement sûr, et donc qu’il soit complexe à trouver, donc à retenir. Mais c’est un bon exercice mental que de faire travailler sa mémoire. Et si vous n’avez qu’un seul mot de passe à retenir, il n’y a pas d’inconvénient majeur à ce qu’il soit un minimum complexe.

Si vous ne parvenez pas à en trouver un que vous puissiez mémoriser avec une seule suite aléatoire de 14 ou 15 chiffres, lettres majuscules et minuscules et symboles, vous pouvez utiliser une suite de mots qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, séparés par un tiret. C’est aussi efficace, apparemment.

En contrepartie, le gestionnaire de mots de passe se charge de garder tous les autres bien au chaud et en sécurité, il peut les remplir à votre place car il sait quel mot de passe correspond à quel site. Il peut même créer pour vous vos mots de passe, en les rendant réellement sûrs par une combinaison aléatoire, soit de chiffres, lettres et symboles, soit de mots comme dit précédemment.

Si vous ne voyez toujours pas l’énorme intérêt d’utiliser ce genre d’application… alors je ne peux plus rien pour vous…

Mais si vous désirez une réelle protection, alors il va vous falloir entrer dans la jungle des différents programmes qui vont vous faire de l’œil pour obtenir vos faveurs.

Là encore, il est vital de garder à l’esprit les grands principes.

Le mieux serait un gestionnaire de mots de passe qui stocke tout sur vos appareils, sans jamais le faire sur des serveurs distants, mais cela n’existe pas vraiment si vous désirez partager vos mots de passe entre tous vos appareils (et vous le désirez autant que moi, sinon, il va vous falloir vous passer de vos mots de passe, mettons sur votre téléphone… impossible de nos jours).

Vous allez donc dépendre d’une liaison sécurisée entre un serveur distant contenant tous vos mots de passe et vos appareils. Bien sûr, ledit serveur distant doit être sécurisé, donc — vous connaissez la chanson — se trouver physiquement sur le sol européen et géré par une entreprise européenne. Très honnêtement, je vous conseille, sur ce point précis, d’être intransigeant, alors que vous pouvez très bien confier d’autres données à des entreprises américaines tant qu’elles les stockent sur le sol européen. Parce que, comme dit plus haut, vos mots de passe sont l’accès à toute votre vie numérique, donc à toute votre vie.

Il y a peu de services qui cochent toutes les exigences de sécurité et de qualité. Voici mes recommandations.

Gestionnaires de mots de passe gratuits

  • Proton Pass : oui, l’équipe du CERN a encore frappé, et fort ! C’est un très bon gestionnaire, avec beaucoup de fonctions que vous ne trouverez que dans les plans payants des concurrents, notamment américains. Les seules limitations sur un compte payant sont l’absence de gestion du TouchID sur ordinateur et l’absence de possibilité de déléguer un accès d’urgence à un proche en cas de problème.
  • Bitwarden (si auto-hébergé) : C’est sans doute le meilleur gestionnaire car il peut être auto-hébergé sur votre NAS, mais très honnêtement, il est très complexe à installer dans cette configuration… et je n’y suis jamais vraiment arrivé. Il peut, cependant, stocker vos mots de passe sur un serveur distant basé en Europe (si vous prenez soin de choisir bitwarden.eu comme «entité», dès le début de votre processus d’inscription, ce qui n’est pas le choix présenté par défaut sur leur site. Si vous ne faites pas attention, vous serez coincés sur bitwarden.com, qui est basé aux USA avec donc des lois beaucoup plus intrusives sur vos mots de passe).

Gestionnaires de mots de passe payants

  • Proton Pass : C’est le seul qui soit à la fois européen, bon marché, avec des fonctionnalités avancées, efficace, simple, et non destiné aux entreprises.

Conclusion provisoire

De mon point de vue, la sécurité informatique sera un point vital dans les mois et les années à venir, qu’elles soient aussi sombres qu’elles s’annoncent lorsque j’écris ces lignes ou qu’elles nous surprennent agréablement en étant plus lumineuses.

Sans prétendre au statut d’expert (je n’en suis pas un en cette matière), je pense être suffisamment averti pour me permettre ces quelques conseils et je suis assez sûr de moi pour penser qu’ils contribueront à vous protéger, réellement.

Mais bien d’autres précautions sont aussi à suivre sur l’utilisation des technologies numériques. Cet article ne sera donc probablement pas très longtemps le dernier que je publierai sur le sujet.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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À Sir Nicholas

À Sir Nicholas

À Sir Nicholas

by Germain Huc | Mai 5, 2025 | 0 comments

Je maintiens, par déontologie, une stricte séparation entre ma vie privée et ma vie professionnelle.

Je me suis toujours interdit, par exemple, de franchir la limite de l’amitié avec des patients.

Parce que la relation de soin a besoin de ne pas être débordée par des émotions. Parce qu’elle est par nature asymétrique. Et donc incompatible avec une amitié.

Pourtant, je suis humain, et même si je préserve cette distance, il se peut que des affinités se créent avec certains patients.

Lorsque l’on suit un patient pendant des années, qu’on le voit pratiquement tous les jours, et que ces affinités sont présentes, il est fatal que les liens se nouent.

Alors, lorsque la mort emporte ce patient ou cette patiente, il est évident que j’en suis touché.

Parfois au point de sentir le besoin, la nécessité, de rendre hommage, au delà de mon propre cercle.

Mais toujours en respectant l’intimité et le secret médical, qui ne s’éteint pas avec la mort de la personne.

C’est ainsi que je voudrais vous parler de celui que je surnommerai Sir Nicholas, emporté le 3 mai 2025 à l’âge de 52 ans.

Nous n’avons pas vraiment parlé pendant deux années, même si nous nous savions rôlistes tous les deux, car il était suivi par ma collègue, et que j’avais de mon côté beaucoup de travail avec les patients dont j’avais la responsabilité. Nous avons durant ces deux ans seulement appris à nous connaître à travers l’hypnose dont je m’étais proposé de lui apprendre quelques techniques pour l’aider à gérer certaines conséquences de sa pathologie. Il les avait assez vite maîtrisées et intégrées, malgré les difficultés.

Puis, comme il arrive souvent, la vie a bouleversé la donne lorsque ma collègue a quitté l’établissement, et nous avons alors véritablement fait connaissance, il y a environ 14 mois.

Durant ce laps de temps finalement assez court, je pense que, plus que le simple et évident respect mutuel, une certaine connivence nous a uni tous les deux. Une estime mutuelle assez forte pour qu’il me propose, ainsi qu’à ma collègue neuropsychologue, elle aussi rôliste, de devenir observateurs de la campagne de jeu de rôle d’occulte contemporain complètement échevelée mais remplie de références érudites qu’il maîtrisait sur Discord avec une grande énergie, malgré la maladie qui rongeait ses forces. Une estime qu’il a aussi exprimée en me faisant l’honneur de me faire lire l’hommage funèbre qu’il avait mis beaucoup de cœur à écrire pour son père, décédé il y a quelques mois. Il y détaillait son parcours en y soulignant tout ce que son père (mais aussi sa mère) y avait permis. Issu d’une famille intellectuelle, il en sentait le poids autant que les ressources que cela lui avait offertes.

Au fil de nos échanges, j’ai découvert un homme incarnant intimement sa fonction d’enseignant, au sens le plus noble du terme. Au point que j’avais l’impression qu’il dirigeait consciemment toute la vie qui lui restait vers ce but aussi simple que sisyphéen de transmettre ce qu’il savait, ce qu’il avait appris, compris, afin d’élever les autres.

J’ai aussi trouvé quelqu’un qui ne pouvait s’empêcher de faire des liens, que ce soit de façon sérieuse ou à l’aide de jeux de mots. Il avait d’ailleurs un humour très particulier qui pouvait faire le grand écart entre la subtilité qui ne parlait qu’aux plus érudits, et le grossier volontiers provocateur. Cet humour noir, parfois cynique, et même limite, lui servait aussi à combattre tout ce que la vie avait mis comme épreuves sur son chemin. Les décès rapprochés de sa compagne et de son père, sa propre maladie, les conséquences qu’elle engendrait et les deuils de lui-même qu’elle le forçait à faire à un rythme infernal. Les insuffisances des systèmes qui l’entouraient, au premier chef, le système de soin dans lequel il était obligé de vivre, à savoir un établissement de soin dans les années 2020 en France, avec tout ce que cela suppose de problèmes de personnels.

Tout cela, il l’a affronté avec ses armes, et le plus courageusement possible, comme les personnages de jeu de rôle qu’il admirait. Nous avions beaucoup travaillé sur cela en hypnose, un jour, quand je n’étais pas encore son médecin traitant : sa fiche de personnage, les forces qui étaient les siennes et les pouvoirs qu’il pouvait mobiliser pour surmonter les épreuves. Son imaginaire était l’un de ces pouvoirs. Il avait d’ailleurs, en cela comme en beaucoup d’autres choses en dehors du champ scientifique, une érudition colossale. Le nombre de références qu’il pouvait invoquer pour appuyer une discussion sur n’importe quel sujet était proprement stupéfiant. Et beaucoup m’échappaient, il faut bien le dire.

Cette connaissance encyclopédique ne s’arrêtait pas aux portes de l’imaginaire. Nombre d’œuvres littéraires ou cinématographiques du genre lui étaient familières. Je suis fier de lui avoir fait découvrir et aimer Le dernier Magicien, de Meghan Lindholm, autre nom de plume de Robin Hobb. Je pense que cela lui a un peu servi dans la préparation de son Frisco en jeu de rôle. Dans notre dernière discussion, il me racontait sa découverte du cycle d’Hastur, dans la mythologie de Cthulhu, quand je lui confessai n’avoir lu Le Roi en Jaune de Chambers qu’il y a quelques années seulement. Il me conseilla plusieurs nouvelles dans ce Cycle. Il eut même la chance, grâce aux très nombreuses relations qu’il entretenait à travers le monde artistique et le monde tout court, de lire les épreuves du prochain roman d’Alain Damasio, me confia-t-il un jour, pas peu fier de me l’annoncer. Il avait aussi démasqué mon identité secrète de Serpent à Plume, et, dans son sourire entendu coutumier, il me l’avait révélé un jour, en passant, comme si cela était une bonne blague entre nous, mais aussi heureux que s’il avait déchiffré une énigme cruciale dans le déroulé d’un scénario de jeu de rôle.

Car, geek accompli et patenté, il programmait, notamment en JavaScript, même lorsque seuls ses yeux le lui permettaient.

Rôliste de la même génération que moi, mais évoluant dans des cercles éloignés de mes terres occitanes, il avait côtoyé la fine fleur des pionniers du genre : Anne Vétillard, dont nous regrettions tous les deux la disparition, les fondateurs de Casus Belli première édition, et bien d’autres. Et ses joueurs, au sujet desquels il ne tarissait pas d’éloges, et que j’ai pu voir évoluer dans son Frisco imaginaire. Avec eux, il a créé un univers foutraque auquel ils ont largement contribué, grâce aux mécanismes des jeux PbTA (ou propulsed by the Apocalyse système) qui encouragent la narration partagée. Pour avoir tenté cette façon de jouer, je peux affirmer que la façon dont le groupe s’y est pris était un coup de maître.

Le résultat était apparemment conforme à ses attentes. Alors que nous discutions des molécules que je projetais de lui prescrire, nous avions dérivé sur le sujet des drogues, qui le fascinait, et il déclarait, là encore en provocateur accompli : «je voudrais faire ressortir un univers qui serait vu par les yeux de personnes sous LSD». Et en effet, il y avait une thématique chromatique (le Roi en Jaune, le Géant Vert des publicités de notre enfance…) en honneur aux Painted Ladies, surnom donné aux maisons colorées de San Francisco, des créatures surnaturelles aux comportements erratiques ou désinhibés, des sauts de cohérence, et un amour profond de la vie.

C’est d’ailleurs cet amour profondément enraciné en lui de la vie qui m’a le plus marqué. Cette volonté de continuer, de créer, de partager, d’apprendre et d’enseigner, malgré les avancées de la maladie et les reculs de son propre corps. Si je suis fier d’une chose dans ce que j’ai pu faire pour lui, c’est bien cette discussion que nous avons eue il y a cinq ou six mois, lorsqu’il fut question de prendre une décision médicale radicale et très difficile pour lui, et que je lui ai juste rappelé qu’il pouvait encore être maître de son destin s’il prenait le contrôle de la façon dont il voulait occuper son temps. Je crois que cela lui a permis d’accepter cette décision déchirante, et surtout que, ce faisant, il a pu consacrer tout le temps dont il disposait à cet appétit de création, de partage, d’apprentissage et d’enseignement. Tout le temps, du moins, que la maladie lui laissait. C’est, je crois, cette discussion qui a scellé réellement la confiance qu’il a pu avoir en moi. L’expérience lui avait auparavant plutôt enseigné à se méfier, je pense, des discours que nous, les soignants et les médecins en particulier, pouvons tenir. Il avait encore cette représentation des anciens médecins qui décident pour leurs patients. Ma collègue et moi avons essayé de lui montrer que le paradigme avait changé, mais je crois qu’il ne l’a véritablement compris que lors de cet entretien fondateur.

Tout cela, si riche, s’est déployé sur seulement 14 mois.

Tout cela, tout en gardant, de son côté comme du mien et dans un pacte tacite jamais entamé, la juste distance qui pouvait garantir le fonctionnement optimal d’une relation de soin, donc d’aide. Il ne m’a jamais appelé que «Docteur», y compris dans ses mails, y compris quand il plaisantait. Je ne l’ai jamais appelé que «Monsieur», même lorsque nous discutions littérature.

Et si, par-devers moi, je l’avais surnommé Sir Nicholas, en référence au fantôme de la tour de Gryffondor dans le Harry Potter que nous connaissons tous, c’était surtout parce que sa présence était devenue un repère pour moi.

Je sais qu’elle le restera longtemps, même après sa disparition du monde physique.

D’abord parce qu’il m’a laissé quelques références à lire, encore.

Ensuite, parce que notre relation m’a beaucoup fait réfléchir sur la fin de vie et les débats actuels.

Enfin, parce que sa personnalité n’est pas de celles qui s’oublient facilement.

Si j’en crois les nombreux témoignages qu’il recevait déjà durant sa maladie, notamment d’anciennes élèves ou d’amis à lui, je ne serai pas le seul qu’il aura marqué en bien et profondément, durant sa vie.

Alors, pour tout cela, je salue sa mémoire ici, sous la forme de ce géant vert aux ramures de cerf dont il avait fait l’illustration de sa campagne Frisco. Cernunnos. Et avec ce morceau des Stranglers qui me fait penser à son appétit insatiable de vivre, à sa dernière balade au soleil, cinq jours avant sa mort. Always the Sun.

Mes respects à vous, Sir Nicholas.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Mon hygiène numérique

Mon hygiène numérique

Mon hygiène numérique

by Germain Huc | Avr 5, 2025 | 0 comments

Pourquoi une hygiène numérique ?

Le monde numérique remplit désormais nos vies, pour le pire comme pour le meilleur, que nous le voulions ou non. Aucune des activités humaines n’échappe désormais en totalité à l’utilisation de la technologie numérique, sauf, peut-être, la contemplation, la méditation, l’hypnose.

Nous devons donc composer dans notre vie avec des machines, des logiciels, des applications, qui sont partout dans notre quotidien.

Nous pourrions laisser cela se faire sans y réfléchir vraiment. Après tout, c’est un mouvement que nos ancêtres ont initié à partir du moment où ils ont créé le premier outil. Ce que nous vivons aujourd’hui n’en est que le prolongement naturel, et nous avons en quelque sorte coévolué avec la technologie.

Pourtant, il me semble sage de rester conscients de ce que ces outils ont de différent avec ceux que nous avons développés durant des millénaires. À mon sens, le numérique n’est pas un outil comme un autre, car il se démarque de tous par un principe fondamental : il n’est pas entièrement contrôlé par celle ou celui qui le manipule.

Car, que vous utilisiez un marteau, une perceuse, un stylo, une casserole, un fer à repasser, une agrafeuse ou une tondeuse (à cheveux, barbe ou… gazon), vous serez l’unique responsable de ce que l’outil accomplira (moyennant le fait d’avoir appris à vous en servir) et personne d’autre ne pourra se servir de cet outil ou de ce que vous réaliserez avec, à votre insu.

Alors que depuis que l’informatique existe, et avant même l’avènement d’internet…

  • Un ordinateur peut être infecté par un ver qui corrompt vos données et détraque son fonctionnement.
  • On peut aisément introduire un cheval de Troie informatique capable d’ouvrir une porte dérobée dans votre machine, et lui faire accomplir ce que l’on veut alors même que vous ne le savez pas, transformant votre ordinateur en zombie.

Et depuis l’apparition de la Toile, c’est encore pire, puisque…

  • D’autres personnes peuvent s’introduire encore plus facilement dans votre machine et s’en servir de la même façon que ce qui est décrit plus haut.
  • Mais en prime, toutes les données que vous laissez sur internet, que ce soit volontairement ou non, peuvent être collectées et agrégées pour peu à peu être recoupées et ainsi construire un modèle de prévision de vos actions, ou au minimum, cibler des publicités économiques ou politiques à même de manipuler votre comportement.

Cela n’est pas de la paranoïa, ou une dystopie, c’est la simple réalité. Pour preuve :

  • Google utilise depuis belle lurette le contenu de vos mails stockés sur Gmail et de vos recherches sur son moteur pour cibler les publicités que vous voyez apparaître dans votre boîte électronique ou dans les résultats de recherche.
  • Facebook/Meta a vendu à une société nommée Cambridge Analytica les données de centaines de milliers de personnes en 2016, permettant à cette dernière de manipuler des votes.
  • Lors de la dernière élection présidentielle en Roumanie, un candidat a utilisé de faux comptes sur le réseau dyssocial TikTok pour manipuler les résultats à son avantage.

Et ce ne sont que trois petites gouttelettes dans un océan d’exemples, que vous pourrez aisément trouver, ironie ultime, sur la Toile elle-même.

Alors oui, je ne cesse de dire que les océans virtuels d’internet sont remplis d’îles merveilleuses, mais cela n’empêche nullement le fait qu’ils soient aussi infestés de monstres plus dangereux que les krakens.

Il est donc un fait indiscutable que les outils numériques sont un cas très particulier comparés aux autres catégories d’outils inventés par l’espèce humaine au fil de ses dizaines de millénaires d’existence.

Il ne suffit pas d’apprendre à quelles fins nous en servir, et comment les manier, ni même les règles de sécurité les concernant. Il est nécessaire de savoir aussi comment éviter que leur usage ne soit détourné contre nous-mêmes avec notre participation active.

Pour enfoncer le clou (au sens propre ?) : il est peu probable que vous laissiez quelqu’un guider le marteau que vous avez dans les mains pour planter la pointe en métal dans votre doigt au lieu de la planche de bois que vous visiez au départ… mais il est plus que probable que vous ayez déjà laissé quelqu’un (la même personne ?) accéder à des données sensibles vous concernant lui permettant de vous envoyer de faux messages électroniques vous poussant à lui donner votre code de carte bancaire…

La question à dix millions de bitcoins est donc : laquelle de ces deux situations vous paraît la plus grave ?

J’ai pour ma part une idée nette de ma propre réponse, et je parie que ce sera la même que la vôtre…

Enfin, si l’on considère le contexte international en ce début de printemps 2025, s’affranchir de notre dépendance aux grandes entreprises d’outre-Atlantique et encourager les acteurs européens peut aussi être une motivation. En général, les premiers basent leur modèle sur l’exploitation de nos données (mais ce n’est pas une règle absolue, et certains, comme les créateurs du navigateur Orion par exemple, défendent des valeurs très proches des règles européennes) et les seconds se battent pour au contraire les mettre à l’écart des appétits voraces.

Il est donc vital, sans exagération de ma part, même si beaucoup trop de personnes avec lesquelles je discute du sujet ont tendance à le minimiser, de développer une ligne de conduite réfléchie dans notre utilisation de l’informatique. Ce que l’on peut appeler une hygiène numérique, à mon avis, aussi fondamentale que l’hygiène corporelle.

Voici comment j’ai constitué la mienne.

Principes

Toute règle de conduite doit obéir à des principes simples, clairs et aussi précis que possible, qui en seront les guides.

Lorsque vous aurez un doute sur la manière d’agir, vous référer à ces principes clairs, simples et précis vous permettra de minimiser les risques de vous tromper. Ils agiront comme des phares dans la brume, pour éclairer votre jugement et vous aider à prendre une décision.

Le plus difficile sera alors de garder en tête ces principes à chaque instant de votre vie numérique.

Et je sais très bien que cela n’est pas aisé, car, comme nous le verrons, ces principes entrent bien souvent en friction avec des fonctionnalités numériques qui nous semblent très pratiques et nous promettent un gain d’efficacité, donc un gain de temps. Mais qui sont basées sur des fondations parfois déjà bancales ou infiltrées par des périls mortels.

En ce sens, le respect de ces principes vous demandera d’augmenter votre tolérance à la frustration. Ce qui, j’en ai conscience, est un exploit dans la société actuelle, dont l’évolution est plutôt orientée vers le contraire, faisant de nous des êtres de plus en plus immatures, car de moins en moins patients.

Après tout, pourquoi la vie numérique échapperait-elle à la loi la plus universelle de la vie tout court, à savoir : vivre, c’est surmonter des difficultés en y prenant le plus de plaisir possible ?

La règle d’or

Premier principe, fondateur, qui engendre donc tous les autres, la règle d’or est celle-ci :

Toujours agir de manière à rester, le plus possible, maître de l’outil.

Héberger ses propres données

Pour éviter que nos données soient utilisées contre nous, la meilleure façon de procéder est encore de ne jamais les confier à un tiers, de les garder sur nos propres appareils. Encore faut-il que ces appareils soient sûrs et qu’ils ne soient pas ouverts à tous les vents. Et parfois, héberger ses données n’est pas possible, ou pas tout à fait sûr en cas de défaillance de notre matériel (voir la règle des Trois). De même, le principe de la synchronisation de certaines données entre plusieurs de nos appareils, apparu avec le concept de cloud, est devenu quelque chose de si naturel dans nos vies qu’il en est presque indispensable. Il faut donc adapter ce principe en le déclinant avec des règles en cascade.

  • Utiliser un matériel (hardware) fiable. Faire attention à la marque et à la qualité du matériel (ordinateur, smartphone, tablette, mais aussi disque dur pour héberger ses données). Cela est souvent synonyme de : accepter de payer un matériel assez cher pour être de bonne qualité. Un vieil adage dont nous devrions toujours nous inspirer proclame que «il faut être riche pour acheter bon marché», car, nous en avons tous fait l’expérience, les produits les moins chers sont la plupart du temps fabriqués avec le moins de soin, donc très fragiles, et donc amenés à être remplacés très vite, ce qui au final, nous coûte plus cher que d’avoir mis un prix plus élevé pour nous offrir une qualité supérieure.
  • Paramétrer son réseau domestique (ethernet ou wifi) pour cacher le nom (SSID) du réseau wifi, imposer un mot de passe fort pour y accéder (norme WPA2 ou 3). Si possible, créer un réseau parallèle pour les «invités», qui ne croise jamais celui que vous utilisez avec votre famille.
  • Utiliser une application de gestion de vos mots de passe de confiance.
  • Acquérir et apprendre à utiliser un NAS (Network Attached Storage ou stockage de données accessible en réseau) de manière à se constituer un Cloud privé.
  • Apprendre à créer des comptes avec des droits d’accès pour chaque utilisateur de votre réseau et de votre NAS.
  • Apprendre à sécuriser l’accès à votre NAS depuis l’extérieur de votre réseau domestique (i.e. depuis le vaste internet).
  • Utiliser votre NAS pour créer :
    • Un Cloud privé où vous pourrez synchroniser les documents que vous voulez garder accessibles en permanence.
    • Un espace de sauvegarde de vos données.
  • Si possible, utiliser des services internet qui vous permettent d’héberger vos données sur votre NAS (exemple : Bitwarden, application de gestion de mots de passe, FreshRSS, un agrégateur de flux RSS). Cela demande par contre souvent des compétences techniques en informatique assez poussées, ce qui, hélas, réserve encore ces solutions à des geeks, ce que nous ne sommes pas forcément toutes & tous.
  • Si le service que vous voulez utiliser ne permet pas d’héberger vous-mêmes les données qu’il va engendrer, ou si cela dépasse vos compétences techniques (pour ma part, j’ai réussi à installer FreshRSS sur mon NAS, mais j’ai été bien incapable de faire la même chose pour Bitwarden) bien veiller à :
    • La fiabilité du service et de celui ou celle qui le propose.
    • L’endroit où sont stockées vos données (quel pays, avec quelles valeurs, quelles protections pour vous en cas de désaccord, de besoin de quitter le service). Cela veut dire, désolé de le dire, en Europe, et pas ailleurs, notamment pas aux USA.
    • Qui est légalement propriétaire des données, vous ou le fournisseur du service ? Si ce n’est pas vous, fuyez avant même d’y déposer un seul octet.
    • Que fait le service de vos données ? À quoi les utilise-t-il ?
    • Que les données soient chiffrées de bout en bout, c’est-à-dire cryptées avant de quitter votre ordinateur, et décryptées seulement lorsqu’elles atteignent à nouveau votre ordinateur ou un appareil vous appartenant, sans jamais être décryptées sur le trajet ou sur les serveurs ou les datacenters de la personne qui propose le service.

La Règle des Trois

Qui est aussi, c’est pratique, la troisième règle.

Protéger ses données, c’est aussi les protéger des accidents.

Il est donc recommandé par les spécialistes de réaliser trois sauvegardes différentes de ses données, qui seront entreposées dans au moins deux endroits différents, dont au moins l’un est hors de chez vous.

Empreinte écologique & énergétique

Parce qu’il est une évidence que les ressources matérielles et énergétiques dont l’espèce humaine dispose sont limitées, il est logique de limiter notre propre consommation de ces ressources. Si vous n’êtes pas convaincus de cet argument-là, alors prenez quelques instants pour réfléchir juste à l’aspect économique de la chose : si vous consommez beaucoup de ressources, notamment énergétiques, vous allez en payer certaines plus cher, ne serait-ce que l’électricité nécessaire.

Il est donc sage de :

  • Choisir, là encore, de s’équiper d’un matériel fiable et qui deviendra obsolète le plus lentement possible. Cela veut souvent dire accepter de le payer plus cher. Pour ma part, j’essaie toujours d’acquérir un matériel de milieu-supérieur de gamme au minimum, car les puissances informatiques nécessaires à certaines activités (vidéo, montage, audio) croissent de façon très rapide. Mon matériel étant assez puissant, je n’aurai vraiment besoin de le changer qu’après plusieurs longues années.
  • Choisir les données que vous voulez synchroniser et donc ce que vous consommez comme bande passante internet. Cela réduit à la fois votre consommation énergétique (donc écologique), mais aussi les risques que ces données soient interceptées ou utilisées par d’autres. Dans tous les cas, si vous les avez cryptées de bout en bout, vous serez plus tranquille.

Valeurs politiques

Nous sommes des animaux sociaux. Nous aimons interagir les uns avec les autres. Tout le succès évolutif de notre espèce est d’ailleurs la conséquence de notre capacité à nous organiser en groupes pour nous entraider et construire en commun.

Même les plus misanthropes d’entre nous ont donc besoin de leurs congénères. C’est-à-dire de nous tous et toutes.

D’ailleurs, aucune et aucun d’entre nous ne pourra s’empêcher d’interagir avec les autres sur la Toile.

Et par nature, chaque interaction sur le web est une trace de notre façon de penser, de nos valeurs.

Il est donc évident que ces interactions vont constituer peu à peu une banque de données permettant de savoir ce que vous pensez, ce que vous aimez, ce que vous détestez, vos qualités et vos défauts.

Nous laissons tous une trace numérique de nos opinions et de nos goûts, et tout cela reflète notre personnalité, mais cela promeut aussi, que nous le voulions ou non, certaines valeurs dans le comportement qui transparait de nos échanges avec les autres.

Nos écrits restent, et parlent de nous. Ils influencent aussi le comportement des autres. Si nous nous comportons comme des trolls, nous allons inciter les autres à interagir avec agressivité. Si nous sommes bienveillants et courtois, nous inciterons à ce que les autres adoptent plus facilement ce comportement eux aussi.

Il est donc fondamental de réfléchir à ce que nous voulons promouvoir sur la Toile. La bienveillance ? L’écoute ? La réflexion ? L’humilité ?

Je milite personnellement pour ces valeurs-là précisément.

Et dans ce cas, les deux règles que je me fixe sont :

Ne pas mettre les pieds sur un réseau dyssocial (ou les quitter, ce qui, je crois, est devenu vital). Cela m’évite de liker sans réfléchir et d’être exposé à la désinformation de masse, la publicité ciblée. Cela m’évite aussi d’offrir mes données à des gens mal intentionnés (coucou Elon !).

M’abstenir de commenter tout et n’importe quoi et surtout n’importe comment. Cela veut dire que je ne commente que lorsque j’ai quelque chose de pertinent à apporter à une discussion. Si ce n’est pas le cas, je me tais. Et il se trouve que je sais ne pas être spécialiste de tout, je laisse donc les vrais spécialistes apporter leur propre contribution. Je peux poser une question, mais sans m’arroger le titre d’expert autoproclamé quand le sujet sort de mon domaine de compétence. Je crois vraiment que cette humilité devrait être plus répandue parmi nos contemporains. Si c’était le cas, je suis certain que nous y gagnerions tous.

Un outil à notre service, et pas l’inverse

L’informatique, le numérique. Ce sont des outils. Pas des fins en soi.

Cela veut dire que nous devons apprendre à nous servir de cet outil, mais que sa finalité est surtout de nous aider à accomplir quelque chose. L’apprentissage ne doit donc pas être impossible : nous devons pouvoir modifier des paramètres de ces outils nous-mêmes, et pas nous laisser dicter ces paramètres par eux.

Donc :

  • Réfléchir (ce qui implique d’abord de se questionner sur ce que l’on fait déjà et ce que l’on voudrait faire de la même façon ou différemment) à ce que nous voulons faire avec ces outils, décider à quoi nous voulons les employer.
  • Éviter d’utiliser des algorithmes que nous ne pouvons pas infléchir ou paramétrer.
  • Apprendre, au contraire, à programmer et automatiser ce que l’on peut pour gagner du temps dans les tâches répétitives et s’en dégager pour se concentrer sur les choses importantes, comme la création artistique et l’expression, dans mon cas. Cela peut mener à apprendre des langages de programmation, ou à utiliser des paramétrages plus simples, mais accessibles.

Première conséquence : une «tech-stack» éthique & sûre à la fois

En bon français, la tech-stack, c’est l’«empilement technologique», c’est-à-dire la somme des technologies que nous employons comme outils, les paramètres que nous choisissons.

Vous pouvez découvrir ma propre tech-stack sur une page qui sera mise à jour régulièrement. Vous pouvez aussi regarder celle de Lionel Davoust, qui m’a donné l’idée de lister la mienne.

Je vais ici expliciter certains de mes choix, afin d’illustrer en quoi ils découlent des principes que j’expose plus haut. Peut-être, d’ailleurs, pour qu’ils vous inspirent à vous également.

Matériel

Je suis fidèle à Apple depuis pratiquement 20 ans sans interruption, mais je l’étais déjà adolescent puisque mon premier ordinateur était un Apple IIc. Non pas que je sois un fanboy, mais tout simplement parce que la qualité du matériel et du système d’exploitation, leur intégration, et leur robustesse sont telles que je change très peu souvent de machine, et que je peux créer ce que je veux avec peu de difficulté (différence avec Linux, que j’ai testé il y a longtemps). Autre avantage : la politique de sécurité de l’ensemble, depuis les fondations de macOS et d’iOS, est un gage supplémentaire de sécurité et de confidentialité par rapport à l’autre grande plateforme de matériel (Windows, que je subis dans mon métier depuis que j’ai quitté le libéral). Cela demande un effort financier conséquent, j’en suis conscient. Mais c’est pour moi le prix de la tranquillité d’esprit et de la facilité d’utilisation, me permettant de me consacrer à ce qui est réellement important, et pas à m’escrimer à réparer ce qui ne marche pas ou à m’adapter aux façons de penser étranges d’un système pensé uniquement pour des informaticiens.

J’ai acheté et paramétré mon propre NAS en 2018. Depuis, je ne me sers des clouds tiers qu’à la marge, et j’apprends de plus en plus à utiliser mon cloud privé pour moi-même, avec ma famille, mes amis.

Fournisseurs de services

J’ai fermé mon compte Google en 2019, ce qui implique également de ne plus utiliser Gmail. Je refuse depuis lors de confier mes données à une entreprise qui les utilisera pour les exploiter à mon détriment. Je n’ai pas les compétences ni le temps d’installer et maintenir un compte e-mail sur mon NAS. J’ai donc fait le choix d’assumer financièrement le coût d’un fournisseur de compte de messagerie électronique e-mail. Un fournisseur français, avec des serveurs physiques installés en Europe, où la loi empêche que mes données soient saisies ou utilisées par un État ou une organisation, quelle qu’elle soit. Mon choix aurait aussi pu se porter sur Proton Mail, créé par les scientifiques du CERN.

Comme moteur de recherche, j’ai jeté mon dévolu sur DuckDuckGo, car il est assez performant mais surtout, il ne revend mes données à personne. J’ai depuis peu découvert Swisscows, qui est ma foi assez rapide et plutôt pertinent, avec des valeurs de protection de la vie privée et soumis à la législation suisse, donc à l’abri des appétits des grandes firmes. Je n’utilise jamais Google Search.

Je n’utilise jamais Chrome. J’ai récemment découvert Orion, basé sur la technologie d’Apple pour son propre navigateur, Safari, mais qui permet d’intégrer des extensions venant de l’univers de Chrome ou de celui de Firefox. Autre fonctionnalité bien pratique : Orion est le seul navigateur de ma connaissance à savoir zapper les publicités envahissantes et omniprésentes de YouTube. Sans que je n’aie rien à faire. Et si vraiment j’ai besoin d’un navigateur de la galaxie Chrome, je choisis Arc, qui utilise les fondations du navigateur de Google, mais sans les backdoors qui envoient toutes les données aux serveurs de Google.

Logiciels : sans abonnement à une exception près

S’il est normal que les créateurs de logiciels et d’applications soient correctement rémunérés pour leur travail, il n’est pas normal, de mon point de vue, que les utilisateurs soient pris financièrement en otage avec un abonnement.

Je refuse donc d’utiliser les logiciels d’Adobe pour créer mes couvertures et mes maquettes de livres. J’ai par contre trouvé une alternative beaucoup plus abordable et à la fois équivalente avec la suite Affinity : Photo, Designer, et Publisher.

Le seul abonnement logiciel que j’accepte est celui qui est fourni par Obsidian pour synchroniser mon coffre personnel, car Apple bloque les autres solutions, y compris celle qui aurait été mon premier choix ; héberger les synchronisations de mon iPhone et de mon iPad avec mes Mac sur mon NAS. Les serveurs d’Obsidian sont hébergés en fonction de votre localisation dans le monde. Pour moi, c’est donc en Europe (en Allemagne plus précisément), avec les garanties qui vont avec, en plus de celle de crypter de bout en bout le contenu de mes notes.

Deuxième conséquence : des réflexes & une discipline

Avoir une bonne hygiène numérique, c’est un peu comme pour l’hygiène corporelle : il faut se laver régulièrement.

Cela ne se fera pas avec de l’eau et du savon (sinon vous allez perdre votre matériel et vos données), mais avec quelques habitudes à prendre, un peu de maintenance, aidée parfois avec une petite dose d’automatisation c’est-à-dire de «programmation» de votre machine. Si je mets le mot entre guillemets, c’est qu’il est un peu exagéré. Pas besoin d’avoir une maîtrise du code informatique de hacker, ou de se prendre pour Mr Robot. Non, il suffit de se servir des outils intégrés à macOS, dans mon cas, pour faire les choses en partie à ma place.

Mails

Le temps que nous passons quotidiennement à écrire, lire, répondre, classer des messages électroniques est proprement ahurissant. Pour notre travail, pour nos affaires administratives, pour nos loisirs, avec notre famille, avec nos amis, avec nos contacts, et, comme si cela ne suffisait pas, il y a les newsletters et les messages de confirmation de commandes, d’inscription, etc., etc.

Vous aussi, vous vous sentez parfois proche de vous noyer là-dedans ?

À mon sens, rien ne sert de vouloir une hygiène numérique si on ne s’occupe pas de ce chantier en priorité.

Alors, voilà ce que j’ai mis en place.

Limiter les mails

Le mail le plus simple à classer, c’est celui qui n’existe pas.

Donc, je limite mes mails.

Je limite d’abord ceux que j’envoie.

J’essaie de ne pas spammer mes amis, et je n’envoie ma propre lettre d’écaille & de plume que tous les trois mois. Là, il est vrai que je triche un peu, parce que cette lettre d’écaille & de plume est très longue, souvent plus de 4 000 mots. C’est que, me semble-t-il — mais peut-être n’est-ce qu’une nostalgie de boomer qui regrette un peu les longues missives de son enfance —, il est plus agréable de recevoir un long message construit qu’un petit mail qui ressemble à s’y méprendre à un message instantané de ces réseaux dyssociaux que je hais.

Je limite ensuite ceux que je reçois.

Je refuse de donner mon adresse mail aux commerçants qui me le demandent (comprendre parfois : me l’imposent).

Je ne m’inscris qu’aux newsletters dont je sais qu’elles correspondent à des informations que je veux réellement suivre sur le long terme. Et je me désinscris des autres. Je traite les newsletters auxquelles je reste abonné d’une façon particulière, comme nous le verrons plus bas.

Marquer les mails

Je me sers des règles de filtrage que proposent la plupart des fournisseurs d’adresse mail pour marquer d’un drapeau (c’est la seule marque que je trouve à peu près pratique dans Mail d’Apple, qui n’a hélas toujours pas de fonction de tag ou étiquette, même en 2025) les messages que je reçois, afin de différencier d’un premier coup d’œil :

  • Les newsletters.
  • Les mails administratifs à traiter urgemment.
  • Les mails à lire plus attentivement.
  • Les indésirables (dont les newsletters auxquelles je n’arrive pas à me désabonner parce que… parce que certaines entreprises ne respectent pas la loi (i.e. s’en foutent parce qu’elles ne sont pas sur le territoire européen).

Puis, au fur et à mesure de mon processus de traitement des mails, je change éventuellement le drapeau.

  • Un drapeau signifiant que je suis en attente d’un retour du destinataire.
  • Un drapeau signifiant que je dois faire un retour à l’expéditeur.

Et lorsque ce retour est fait ou obtenu, et que la conversation est terminée, alors je passe à l’étape d’après :

Archiver ou supprimer ?

Une fois qu’une conversation par mail est terminée, je dois faire ce choix (cornélien ?).

C’est le plus souvent très facile.

Est-ce que je veux garder une trace de cette conversation ? Si la réponse est oui, j’archive la totalité de la conversation (mais je fais attention aux pièces jointes). Si la réponse est non, je supprime la totalité de la conversation, après avoir décidé quoi faire des éventuelles pièces jointes.

Archiver les newsletters

Pourquoi vouloir archiver des newsletters ?

Après tout, ce sont souvent des outils de promotion.

Pas seulement. Il y a des newsletters qui ont été le début de réelles conversations. Ce sont d’ailleurs presque les seules auxquelles je sois encore abonné. Comme toutes les conversations, il arrive que je veuille les garder, les archiver. J’applique alors la méthode précédente.

Il se peut aussi qu’elles renvoient vers des articles sur la Toile qui peuvent me servir de référence. Dans ce cas, je me rends sur l’article en question sur le site adéquat, et je le capture selon la méthode que je développe plus bas.

Cas particulier des archives de mes newsletters

En ce cas, je veux garder une archive du mail tel qu’il a été envoyé. J’ai déjà une archive du texte que j’ai écrit (dans un fichier Scrivener, en fait, un par année), mais j’aime garder une trace de la newsletter telle qu’elle a été envoyée aux Ptérophidiennes & Ptérophidiens.

En ce cas, je suis le lien en haut du message, qui permet de le voir sur un navigateur internet, et je l’enregistre ensuite comme une archive web, ce qui me permet d’avoir une version codée en HTML et CSS de la lettre d’écaille & de plume originelle.

Les pièces jointes

Elles peuvent peser très lourd dans un mail, et parfois, sans vraiment mériter d’être conservées.

Or, si vous archivez définitivement un mail avec ses pièces jointes inutiles… eh bien, vous perdez de l’espace disque sur votre ordinateur, qui est déjà saturé de vidéo et de musique… à moins que… bien sûr, avec le streaming… nous ne téléchargeons plus autant… mais quand même…

Bref, avant d’archiver pour la première fois (donc, pas en local, mais encore dans les archives du serveur de messagerie), je «détache» les pièces jointes, je les enregistre sur mon ordinateur si elles sont assez importantes pour être conservées (et je les tague, mais on en parle un peu après), ou je les supprime complètement de l’ordinateur comme du message et de la boîte mail, si elles ne le sont pas (importantes).

Je ne garde donc que le meilleur.

Archiver hors ligne

Il faut cependant savoir que, lorsque vous archivez une conversation contenue dans une boîte mail synchronisée selon le protocole IMAP (c’est le cas le plus fréquent, et de loin, le vieux protocole POP étant tombé en désuétude), ladite conversation est toujours stockée sur le serveur de votre fournisseur de messagerie. Ce qui veut dire que vous pouvez y avoir accès depuis tous vos appareils, ce qui est bien. Mais ce qui veut dire aussi que vous consommez de l’espace disque quelque part dans un datacenter et que vos données sont potentiellement accessibles à d’autres (même si, bien évidemment, vous avez pris la précaution de choisir un fournisseur de messagerie éthique, fiable et sérieux), et ça, c’est mal.

Donc, comme il est peu probable que j’aie besoin de retrouver sur tous mes appareils une conversation archivée depuis plus de 3 mois, je programme un déplacement des archives de tous mes comptes de messagerie en IMAP vers une archive hors-ligne sur mon ordinateur principal. Comme ça, je peux toujours y avoir accès si besoin, mais depuis un seul ordinateur, ce qui n’est pas très gênant pour une conversation qui a des chances de ne plus jamais refaire surface.

Par précaution, de toute façon, le contenu de tout mon ordinateur principal (actuellement, c’est Janus, mon MacStudio M1 Max) est sauvegardé en permanence via Time Machine, dont ces fameuses archives mail.

Vider mes indésirables

Le courrier indésirable, autrement appelé spam, est une vraie catastrophe pour l’Humanité.

Il y a quelques années, on chiffrait déjà la proportion de spams à 80 % des messages électroniques échangés dans le monde.

De plus, ils sont souvent de véritables hameçons pour vous inciter à donner vos codes de messagerie, de carte bleue, ou autres, à des hackers mal intentionnés à votre égard.

Donc, la mission de beaucoup de monde est de les éviter.

Il existe des règles intégrées à Mail d’Apple pour cela, mais, si on veut être certain de ne pas perdre un mail important qui se serait égaré par mégarde dans le spam, il est sage de garder les mails quelque temps en quarantaine. Trente jours sont pour moi un bon tempo. Mais cela veut dire que vous gardez des mails pourris pendant ces trente jours, et qu’il faut ensuite penser à vider la boîte où vous avez entreposé ces mails pendant leur quarantaine. Sinon, vous allez les garder très très très longtemps.

J’ai donc juste une autre règle de filtrage (encore une), pour automatiquement détruire les mails indésirables après 30 jours de quarantaine. Cela me force à regarder régulièrement s’il y a des courriers indésirables bloqués, et de les rediriger si besoin vers une boîte aux lettres s’ils s’avèrent être de vrais mails.

Bookmaker ou Bookmarker ?

Je parie (bookmaker ?) que ce jeu de mots vous laisse pantois…

Mais en fait, je parie surtout que, comme moi, vous avez déjà enregistré plus d’un millier de sites internet dans vos bookmarks, vos marque-pages ou signets en français, dans vos divers navigateurs internet. Car oui, je parie aussi que vous utilisez plusieurs navigateurs.

Comme moi, vous avez dû de temps à autre vous colleter avec des sites qui ne marchent pas correctement avec Safari mais avec Chrome, pas avec Chrome mais avec Firefox, pas avec Firefox mais Safari, etc. Vous avez donc des collections de marque-pages internet dans chaque navigateur… et, comme moi auparavant, vous êtes perdus…

Certaines d’entre vous ont peut-être déjà résolu ce problème en utilisant un logiciel de gestion des signets, comme Raindrop, Pocket, ou Instapaper.

Moi aussi. J’avais choisi Raindrop. C’était parfait parce que cela s’intégrait parfaitement à mes navigateurs.

Mais.

Mais je me suis rendu compte que ces signets sont des références que je n’utiliserai plus ou vraiment pas souvent, et dont je pourrais aisément me passer, ou dont je pourrais intégrer les informations dans mon réseau de savoir, c’est-à-dire dans Obsidian. Je ne vous ai pas encore vraiment parlé d’Obsidian. Mais, en attendant que je le fasse peut-être un jour, allez voir ce qu’en dit Lionel Davoust. Vous verrez, c’est un outil presque parfait.

Bref, je me sers d’Obsidian aussi pour gérer mes signets.

Soit dans des notes réalisées exprès dans ce but, et colligées dans une note spéciale appelée une Carte des matières (ou map of content, MOC en anglais).

Soit dans des «photographies» (clippings en anglais, qui n’a pas vraiment d’équivalent en français) de certaines pages de certains sites, parfois avec des mots ou des paragraphes surlignés par mes soins, et auxquels je peux faire référence dans mes autres notes. J’utilise pour cela une extension de mon navigateur internet nommée Obsidian web Clipper.

L’avantage de cela ?

Il y en a plusieurs.

  • Je ne dépends plus d’un fournisseur extérieur pour conserver mes signets et les synchroniser, puisqu’ils sont tous dans Obsidian.
  • Je peux les relier comme je le veux à mes notes écrites dans Obsidian par moi-même, et parfois faire des liens entre les pages et des synthèses pour trouver mes propres façons de faire.
  • Les liens peuvent s’ouvrir dans tous les navigateurs que j’ai à disposition.
  • Les liens sont centralisés une fois pour toutes.
  • Le nombre de signets réellement sous cette forme est beaucoup plus faible ainsi.

Organiser mes fichiers

Mais il n’y a pas que les mails et les signets, donc pas qu’internet, dans la vie numérique.

Il y a d’abord tout ce que nous avons téléchargé d’internet.

Et aussi (et surtout, je dirais, dans mon cas) ce que nous avons produit nous-mêmes.

Je suis certain que vous connaissez le problème principal de tout cela : un dossier qui contient trois dossiers qui contiennent chacun trois autres dossiers dont chacun contient plusieurs dossiers à leur tour, où vous allez stocker vos fichiers… mais au final, dans lequel des sous-sous-sous-sous-dossiers avez-vous mis ce fichier si important ?

Vous allez me dire qu’il existe la fonction de recherche de votre ordinateur pour cela. C’est vrai que Spotlight sur Mac fait des merveilles (je suis plus nuancé sur la fonction de recherche de Windows).

Pourtant, cela ne marche pas tout le temps.

Pour preuve, si vous avez un dossier Administratif dans lequel vous mettez tout ce qui concerne votre maison (sous-dossier) et aussi vos impôts (autre sous-dossier du dossier Administratif), dans lequel des deux sous-dossiers allez-vous ranger l’avis d’impôts fonciers ? Parce qu’après tout, cela concerne la maison, mais c’est un impôt…

Vous me direz que vous allez choisir un des deux au hasard ou selon ce qui vous paraît le plus logique.

Mais êtes-vous sûre et certain que vous allez faire ce même choix dans un an ?

Pour ma part, alors que je suis quelqu’un de constant et d’organisé, je me suis rendu compte que j’avais des avis d’impôts fonciers dans les deux sous-dossiers…

Et si cet exemple vous paraît trivial, ce n’est que parce que nous nous intéressons simplement à un seul niveau de sous-dossiers. Quand vous en avez cinq imbriqués…

Voilà pourquoi j’utilise depuis peu, en plus de mes sous-sous-sous-sous-dossiers (comme vous), une structure de dossiers favoris inspirés du framework (en français, cadre de travail) ACE pour Atlas, Calendrier, Efforts. Je vous en ai déjà touché quelques mots lorsque nous avons parlé il y a peu de ma nouvelle façon de préparer et Présenter mes parties de jeu de rôle. Cette structure a été pensée et développée par Nick Milo pour Obsidian au départ, mais peut parfaitement s’adapter pour organiser les fichiers d’un ordinateur.

J’utilise donc cette structure pour recenser mes fichiers grâce aux tags de macOS (voir plus bas).

Cela donne :

  • Le dossier Atlas, où je rassemble toutes les ressources me permettant d’écrire, monter, etc. Cela veut dire les manuels électroniques, les tutoriels en PDF, les cartes mentales que j’ai construites avec Scapple sur différents sujets, et bien d’autres choses.
  • Le dossier Calendrier (ou Chroniques pour Janus) où je rassemble d’une part mes archives administratives annuelles, organisées par année avec une structure déclinée ensuite de la même façon tous les ans, et les fichiers que j’appelle des traqueurs et qui servent à suivre des consommations, les ISBN de mes livres, des taxes, les références des articles et des pages de ce site, etc.
  • Le dossier Efforts, où je regroupe tous les projets que je mène, professionnels, artistiques ou personnels, classés suivant leur état d’avancement (voir mon utilisation des tags) : publiés, achevés, en cours, en germe, en sommeil.

Cela me permet de savoir que, même si un document n’est pas précisément rangé, je saurai où le trouver le plus facilement. D’autant plus que j’utilise dorénavant de façon extensive les tags de macOS.

Me servir des tags

Si vous connaissez les tags de Gmail, alors vous allez être déçus. Ou pas.

Le principe d’un tag est le même que le fameux hashtag ou #hashtag. C’est une sorte de mot-clef que vous accollez à un fichier informatique, afin de le catégoriser. Cela fait partie de ce que l’on appelle les métadonnées ou metadatas. Comme le nom du fichier, son poids informatique (la place qu’il prend dans la mémoire), son auteur, son extension de fichier (en gros par quel logiciel il peut être ouvert), son type MIME (si c’est une image au format JPEG ou HEIV, un audio au format MP3 ou OGG, un texte en format PDF ou DOCX, bref, vous voyez l’idée).

Chez Gmail, vous pouvez créer autant de tags que vous voulez. Au risque de ne plus trop savoir si vous avez décidé de catégoriser les mails de la nounou de votre enfant #nounou ou #nourrice. Et de vous perdre donc au lieu de vous y retrouver.

Chez macOS, les tags sont obligatoirement des pastilles de couleur, c’est-à-dire que, si vous voulez les différencier entre eux facilement, vous serez limités à sept, comme le nombre de couleurs dans l’arc-en-ciel (la huitième posera sans doute quelques problèmes à votre ordinateur, mais aussi à vous, je pense, si l’on en croit Terry Pratchett ou Howard Phillip Lovecraft). Cela pourrait être vu comme un inconvénient, mais je pense que c’est au contraire une très bonne chose, car cela évite de se disperser dans des termes si divers que l’on ne s’y retrouve plus. La contrainte est parfois une chance, comme dans la création artistique. Bref, ce choix limité guide nécessairement vers une option efficace, celle d’utiliser les tags pour marquer des états ou des statuts de fichiers. J’ai donc choisi de les utiliser pour qualifier l’utilisation que j’ai d’un fichier.

Pour moi, donc :

  • Bleu = ressource ou modèle (pour le coup, j’ai créé deux tags avec cette couleur).
  • Rouge = traqueur.
  • Jaune = à lire.
  • Orange = (projet) en sommeil.
  • Blanc = (projet) en germe.
  • Gris = (projet) en croissance.
  • Vert = (projet) achevé.
  • Mauve = (projet) publié.

La combinaison des tags d’un fichier et de son emplacement, va m’aider à retrouver assez vite ce que je cherche.

Conclusion temporaire

Oui, forcément, cette conclusion est temporaire, car les technologies avancent vite, très vite.

Nous n’avons pas abordé le sujet très complexe, délicat et controversé de l’I.A. et de la façon dont je l’utilise éventuellement. Ce sera pour un prochain article, que je promets aux Ptérophidiennes & Ptérophidiens depuis maintenant deux ans, mais qui mûrit à son rythme.

Pourtant, les technologies I.A. vont probablement bouleverser un peu ce qui précède.

D’abord parce qu’elles ont un besoin gargantuesque de données pour les nourrir et les faire progresser. Cela va accentuer la pression sur nos propres données, donc probablement réduire nos choix et nous forcer à arbitrer encore plus entre confort d’utilisation et protection de la vie privée.

Ensuite, parce que d’un autre côté, l’intégration d’une I.A. à nos systèmes (macOS, iOS, Windows, etc.) pourrait nous aider à mieux organiser nos mails et nos fichiers, et augmenter nos capacités de recherche interne via Spotlight, par exemple.

Il existe déjà des modèles de langage (autre nom des I.A. génératives) qui tournent en local c’est-à-dire sans jamais quitter votre ordinateur ni envoyer de données dans des serveurs, et qui peuvent être branchés sur, au hasard, Obsidian.

Tout ceci va évoluer avec les techniques, mais aussi avec les relations diplomatiques, notre capacité à affirmer ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas, individuellement mais aussi collectivement.

C’est pour cela qu’une seule chose ne doit pas bouger : notre aptitude à réfléchir par nous-mêmes et à évaluer ce qui se passe à l’aune de nos principes. Pour ma part, je suis convaincu que les meilleurs auxquels se référer en permanence sont les Six Principes que j’énonce dans cet article. Car, sans avoir peur de me répéter : ce sont les Principes qui nous permettent de déterminer notre conduite quand tout bouge autour de nous. Ils nous offrent un guide de réflexion et nous empêchent de nous fourvoyer. Du mieux possible en tous les cas.

Rendez-vous donc dans quelque temps pour une très probable suite de cette conversation…

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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De l’art de présenter un jeu de rôle, suite de la discussion en 2025

De l’art de présenter un jeu de rôle, suite de la discussion en 2025

De l’art de présenter un jeu de rôle, suite de la discussion en 2025

by Germain Huc | Mar 10, 2025 | 5 comments

De la suite dans les idées…

Il y a dix ans, en 2015, j’ai fait le constat amer de ne pas trouver de scénario ou de campagne de jeu de rôle écrite ou présentée de façon à faciliter l’appropriation par le Meneur de jeu. J’en avais tiré un article, publié sur ce site, où je tentais de résoudre l’équation impossible qui consiste à montrer les embranchements essentiels d’un scénario de jeu de rôle (puisque tout ne peut être prédit, les nœuds fondamentaux de l’intrigue, eux, doivent être signalés de façon claire) sous la forme d’une mindmap ou carte heuristique.

Je vous renvoie à la lecture de ce premier article, qui vous sera utile pour la suite, car je vais reprendre le fil de mes réflexions sans revenir en arrière.

No results found.

Il se trouve que, depuis, en creusant encore le sujet, je m’étais rendu compte que les Wiki pouvaient être utilisés de façon textuelle depuis longtemps, mais manquaient de la fonction essentielle de la carte mentale.

J’étais resté quelque temps sur le logiciel MindNode, puis j’ai découvert Scapple, l’application Mac créée par les concepteurs de Scrivener. Vous savez quelle admiration je voue à Scrivener, qui me sert pour quasiment tout ce que j’écris, donc cela ne vous surprendra pas de savoir que je me suis rué sur Scapple et que j’en ai usé et abusé pour beaucoup de choses, depuis la conception des intrigues de mes romans jusqu’à celle de mon réseau informatique domestique. Et bien sûr, en passant par mes scénarios de jeu de rôle. Qu’ils soient les miens ou ceux que je voulais prendre en main pour les maîtriser à mes camarades de jeu, d’ailleurs.

Je vous en glisse quelques exemples ici.

Pourtant, je butais toujours sur la difficulté suivante : pour être efficace, une carte heuristique doit permettre de se référer rapidement au texte d’une scène, ou du moins à certains paramètres fondamentaux, comme tonalité, protagonistes PNJ, notes diverses, voire Aspects si on joue à FATE. Le faire avec un livre papier à côté ou son pendant en PDF n’était pas chose aisée.

Et puis, bien évidemment, depuis une certaine pandémie virale, les rôlistes comme les autres personnes se sont mis à faire leurs activités via internet. Nous avons donc assisté à l’explosion des plateformes de jeu de rôle en ligne du type Roll20, Let’s Rôle, ou FoundryVTT. Or, ces plateformes ne se contentent pas de vous proposer un moyen d’interagir à distance le temps d’un scénario. Elles ont aussi peu à peu fait entrer des mécaniques de jeux vidéo dans leurs possibilités, à savoir : la gestion des personnages et de leurs caractéristiques chiffrées, puis, plus tard, et cerise sur le gâteau, la constitution de réels environnements (des scènes) avec des fichiers PDF pouvant être partagés avec les joueurs pour expliquer un contexte.

Pourtant, si les plateformes de jeu en ligne sont attirantes, elles restent un peu prisonnières d’une configuration précise (monde, système, scénario) et d’une connexion à internet. Il leur manque également la capacité à créer une réelle carte mentale.

Or, depuis trois ans, j’ai découvert une application nommée :

Capture d'écran d'une note dans mon coffre Obsidian personnel

Obsidian

Obsidian est une application multiplateforme de gestion de notes, capable de constituer ce que l’on appelle un réseau de savoir, ou réseau de connaissances (personal knowledge manager en anglais, ou PKM). Son principe est tout bête : dans un coffre (donc, un dossier informatique), l’application met en relation par des liens hypertextes que vous créez vous-même des fichiers textuels contenant des notes écrites ou des médias divers (images, sons, vidéos), à la manière d’un Wiki. Cependant, sa puissance va bien au-delà d’un Wiki.

Obsidian est capable de gérer les métadonnées de ces notes, dont des tags, de générer des notes journalières, et même de… créer une mindmap avec vos notes…

Si vous voulez lire quelque chose de bien plus approfondi sur le sujet, allez lire l’article de Lionel Davoust, et suivez ce qu’il va écrire à partir de maintenant sur cette application et la façon de s’en servir, car je pense que ce sera une mine d’informations cruciales. Puisque c’est grâce à Lionel que j’ai découvert Obsidian, il n’est que justice de vous le conseiller.

Des tas de gens l’utilisent pour garder trace de leurs notes personnelles, de leurs réflexions, de leur journal intime, voire pour concevoir l’intrigue de romans de fantasy, comme Lionel Davoust. Il y a même des gens qui s’en servent pour le jeu de rôle depuis bien longtemps… mais c’est surtout pour gérer leurs parties comme sur une plateforme du genre de Roll20.

Il y a bien des fans anglophones qui ont transformé Obsidian en un véritable gestionnaire de partie de jeu de rôle, mais c’est seulement pour D&D, forcément… ce qui n’est pas mon propos. Mon objectif est simplement d’écrire et de présenter un scénario de manière non linéaire, pas de gérer les aspects techniques d’une partie.

J’ai moi-même adopté Obsidian pour consigner mes notes de joueur lors des parties que j’ai suivies depuis un an.

J’ai donc, lorsque la fonction canva d’Obsidian est apparue, su qu’il fallait qu’un jour j’expérimente la préparation d’un scénario en me servant de ce logiciel, que j’avais déjà adopté pour gérer mes notes personnelles.

C’est ce que j’ai fait.

Et, franchement, je crois que j’ai trouvé un Graal.

Alors, comme toujours, je partage avec vous.

Le seul prérequis est que vous vous soyez familiarisé avec Obsidian lui-même, c’est-à-dire avec :

Une fois que vous aurez expérimenté, trafiqué, joué avec tout cela, vous pouvez embarquer avec moi. Je vous récompenserai en partageant avec vous un coffre-kit contenant tout ce qui, à mon avis, est nécessaire pour écrire ou présenter un scénario de jeu de rôle grâce à Obsidian.

Capture d'écran du coffre Obsidian du scénario Whiplash

Obsidian pour un scénario, mise en place

Maintenant, trêve d’explications. Si vous avez suivi mes conseils un peu plus haut et que vous avez un peu pris en main Obsidian, vous devez déjà être à moitié convaincu de faire l’essai sur un scénario. Alors voilà comment, personnellement, je me sers de l’engin.

Un coffre par scénario ou campagne

Pour ne pas mélanger les genres, je vous conseille de créer un coffre spécifique pour chaque scénario ou chaque campagne, ainsi, vous garderez un coffre peu chargé, ce qui permettra de le partager plus facilement avec celles & ceux qui seront intéressés pour faire jouer ce scénario ou cette campagne précise, vous évitant de devoir trier ce que vous transmettrez.

Nous verrons plus loin que vous pourrez transférer ou copier les notes de comptes-rendus des sessions dans votre coffre personnel pour en garder trace. Vous pouvez d’ailleurs faire de même avec tout le scénario si vous gardez à l’esprit une règle simple :

Paramétrer le coffre du scénario de façon à être compatible avec la structure et les métadonnées de votre coffre principal.

Les quelques réglages qui suivent peuvent vous y aider.

Cependant, ils sont surtout là pour optimiser les outils intégrés à Obsidian (recherche, liens, etc.).

Les plugins

Voici les plugins (ou modules dans la langue de Molière) que je vous recommande d’activer.

Les modules de base :

  • Aperçus de page : vous pourrez directement voir une note en restant sur la précédente, c’est très utile en cours de jeu,
  • Canvas : c’est la fonction qui permet à Obsidian de remplacer Scapple,
  • Compositeur de note : utile en préparation, surtout,
  • Espaces de travail : pour enregistrer la disposition de vos divisions de fenêtre,
  • Importateur de fichiers Markdown : c’est surtout utile en préparation, pour importer des notes déjà prises ailleurs,
  • Modèles : pour rapidement créer des notes correspondant à une présentation particulière (pour les personnages, par exemple),
  • Notes quotidiennes : pour enregistrer les sessions de jeu dans des notes que vous pourrez suivre facilement par date,
  • Palette de commandes : très pratique en préparation comme en jeu,
  • Rechercher : bien évidemment, ça vous fera gagner un temps très précieux en cours de jeu.

Les modules communautaires :

  • Dataview : ce module est une pierre angulaire du coffre, car il vous offre la possibilité de créer des tableaux et des listes de notes suivant des critères bien précis, et grâce à une petite syntaxe de code très simple à apprendre (un peu comme le Markdown).
  • Note Refactor : pour scinder ou condenser vos notes à volonté.
  • QuickAdd : pour créer une note de façon encore plus rapide, avec le modèle adéquat et dans le dossier que vous aurez décidé à l’avance.
  • Tag Wrangler : pour démultiplier les possibilités des tags en les imbriquant (par exemple #blessé/gravement ou #blessé/légèrement).
  • Templater : pour démultiplier les possibilités des modèles de notes.
  • Clone Vault : qui me sert à créer un coffre vierge (mais avec tous mes réglages, les modèles et la structure de fichiers déjà en place) pour créer un nouveau scénario.

Et pour débuter, je pense que c’est bien suffisant.

Vous pouvez aussi avoir envie d’essayer :

  • Leaflet : pour créer des cartes géographiques ou des images interactives. Je ne l’ai pour le moment pas essayé.

Les dossiers

La structure des dossiers de votre coffre est une question majeure. Elle va en effet guider la façon dont vous allez gérer, catégoriser, donc retrouver visuellement vos notes dans une arborescence dont nous avons tous & toutes l’habitude depuis des dizaines d’années avec l’informatique moderne.

D’ailleurs, cela me fait penser qu’un jour, il faudrait que je vous parle de la façon dont Obsidian a aussi chamboulé cette organisation sur mon système informatique au sens large. Mais ce sera pour un futur article.

Revenons à nos moutons… et à nos dossiers.

Comme il est facile de se perdre dans trente niveaux de dossiers imbriqués (je suis sûr que vous savez de quoi je parle, si vous allez fouiller dans votre propre ordinateur, vous allez retrouver un dossier qui contient cinq dossiers dont chacun en contient trois autres au moins, dont chacun aura quatre subdivisions, et ainsi de suite, jusqu’au vertige…), la ligne de conduite est de commencer par une structure la plus simple et générique possible.

Celle que je propose pour votre coffre scénaristique est inspirée par le modèle ACE, que promeut une figure très connue de la mouvance Obsidian, Nick Milo. Si vous suivez le lien, vous tomberez sur l’article où Nick explique le concept du classement ACE, mais je vais résumer à très gros traits ici, pour aller à l’essentiel.

ACE est l’acronyme pour Atlas (des notes permettant de trouver d’autres notes grâce à une recherche spatiale, depuis l’échelle symbolique d’un continent jusqu’à celle d’un brin d’herbe), Calendrier (des notes permettant de trouver d’autres notes grâce à une recherche temporelle, donc suivant des dates), Efforts (des notes permettant de regrouper des notes sur des domaines où vous concentrez beaucoup des efforts de votre vie). On y adjoint le dossier «+» pour entreposer les notes que l’on ne sait pas encore classer, et le dossier «X», pour Extra, où l’on entrepose les notes de «soutien» aux autres notes (les images, les documents sources, les templates).

Dans le cas d’un coffre scénaristique, nous allons plutôt parler de :

  • + : Tout ce qui regroupe les comptes-rendus de partie, scindés en autant de groupes avec lesquels vous avez joué le scénario au fil du temps,
  • Acteurs : tout ce qui concerne des protagonistes, que ce soit des personnes physiques ou des organisations
  • Chronologie : tout ce qui permet de gérer ce qui arrive dans l’univers de jeu, comme les scènes, les faits passés, etc.
  • Éléments : tout ce qui fait le décor de votre univers, comme les lieux et les objets.
  • X : tout ce qui est support des autres notes, comme vos modèles, les images, etc.

J’ai hésité à créer une structure de dossiers plutôt inspirée par une plateforme de jeu en ligne, notamment FoundryVTT, puisque c’est celle qui est la plus geek, et surtout celle que mon groupe de jeu utilise. Mais ma structure me semble plus simple et plus lisible (la catégorie Journaux de FoundryVTT regroupe à la fois des Éléments et des comptes-rendus de session de jeu) et, si nous le voulons vraiment, il existe des plugins de part et d’autre (donc certains pour Obsidian et d’autres pour FoundryVTT), de manière à faire se synchroniser les deux, quelle que soit la structure. Pour ma part, je n’en vois pas encore le besoin. Mais cela viendra peut-être, qui sait ?

Capture d'écran de la structure ACE des dossiers d'un coffre Obsidian de scénario

Les propriétés

Les propriétés des notes d’Obsidian sont en fait des métadonnées, qui caractérisent le fichier texte sur le sujet dont il traite. Elles permettent ensuite de raffiner les recherches que vous pourrez faire, soit sur le moment, soit à l’aide du plugin Dataview, et de créer des tables et des listes automatiquement.

Ces propriétés auront deux rôles fondamentaux :

  1. Permettre une intégration facile dans votre coffre personnel si besoin (c’est-à-dire, comme nous le verrons plus loin, de garder une trace de vos sessions de jeu avec vos camarades ou même de transférer tout le coffre du scénario dans le vôtre),
  2. Permettre le fonctionnement correct des requêtes faites avec Dataview sur des notes récapitulatives (par exemple sur la note qui répertorie la liste des membres d’une faction parmi vos PNJ).

Je vous propose d’utiliser les propriétés suivantes :

  • domaine : la valeur que je propose pour toutes vos notes dans le coffre du scénario est jeu de rôle.
  • type : les valeurs utiles seront chapitre, événement, chronologie, personnage, organisation, lieu, objet, session.
  • univers : vous y indiquerez, par exemple, Mythe de Cthulhu, ou Pendragon, ou médiéval fantastique.
  • système : le système de jeu que vous utilisez.
  • Campagne : le nom de votre Campagne.
  • tabledejeu : le nom de votre groupe de jeu actuel (celui avec lequel vous jouez le scénario actuellement).
  • joueurs : les noms des joueurs.
  • meneur : le nom du Meneur (a priori c’est vous).
  • date : la date de création de la note. Ça peut être utile dans certains cas.
  • dateSession : dans les journaux de parties.
  • numSession : dans les journaux, là aussi.
  • scénario : le nom du scénario, bien évidemment. C’est surtout utile si vous voulez transférer les notes dans votre coffre principal ensuite.
  • appartenance : permet de suivre les allégeances d’un personnage.
  • propriétaire actuel : pour tenir compte du propriétaire d’un objet ou d’un lieu.
  • localisation actuelle : pour tenir le compte de la localisation d’un personnage ou d’un objet.
  • lieuxliés : pour lister les lieux où la scène pourra se dérouler.
  • scènesliées : pour avoir une idée des scènes qui peuvent mener à celle-ci, ou de celles qui peuvent suivre.
  • personnages : pour avoir sous la main les protagonistes qui pourront intervenir dans la scène ou dans le lieu.

Il pourra y en avoir d’autres, selon vos besoins. Ceux-ci sont à mon avis les essentiels.

Les tags

Par le passé, j’ai été un grand amateur de tags. Je les utilisais pour catégoriser mes idées suivant des domaines de savoir (exemple : tout ce qui touche à l’immunologie devenait #immunologie, ou, en jeu de rôle, #jdr, tout ce qui est une machination, #machination, un complot, #complot, un personnage, #personnage).

Mais j’ai bien vite découvert un grave défaut chez eux : leur tendance à se multiplier de façon incontrôlée. Si bien qu’au bout d’un moment, vous vous retrouvez avec pas moins de 5 (cinq !) tags pour exprimer la même idée (#machination et #complot, déjà, c’est un peu déroutant, lequel utiliser ?), et que, finalement, ils ne vous permettent plus d’étiqueter clairement, facilement, et efficacement une note. En effet, j’avais des tags pour chaque domaine, et, comme ils se recoupaient, je ne parvenais pas à savoir où les classer et je ne les retrouvais pas lorsque j’en avais besoin.

J’ai donc pris une décision drastique :

Les tags sont réservés à des états d’un fichier, d’une note, comme lorsqu’on décide qu’une recette est #ratée, ou #réussie, ou qu’un plat est #trop cuit, ou que le texte d’un roman est #en cours de correction ou bien #achevé.

En jeu de rôle, les tags seront utilisés de la même façon, pour marquer l’état d’un concept (#décédé, #empoisonné, par exemple pour les personnages, ou #détruit, #à découvrir, pour les lieux, les objets).

Pour les autres catégorisations, il y a les propriétés d’Obsidian, c’est-à-dire les autres métadonnées. Qui sont, finalement, des catégories différentes de tags.

Et là, miracle, ça fonctionne ! Pour moi en tous les cas, il se peut que, pour vous, ce soit moins clair, car nous sommes tous différents, et nos cerveaux n’ont pas forcément la même façon de penser. C’est en tous les cas la manière la plus simple et la plus efficace (les deux étant souvent liées) que j’ai trouvée pour moi, à ce jour.

Les modèles

Comme je vous l’ai dit plus haut, il est intéressant de se servir de modèles de notes, ce que les Anglais appellent des templates. Cela fait gagner beaucoup de temps, et permet de retrouver plus facilement la note dont vous aurez besoin au moment où vous en aurez besoin.

Vous devrez créer un modèle de note pour chaque type.

Je vous conseille :

  • Chapitre (scène majeure)
  • Événement (scène mineure)
  • Personnage
  • Organisation
  • Lieu
  • Objet
  • Session

Pour l’exemple, voici ce que comporte une note de type personnage et un modèle d’événement.

Vous remarquerez l’utilisation dans ces modèles de listes de tâches. Je crois que c’est le système le plus utile pour être certain de se souvenir de faits marquants à utiliser en jeu. C’est avec cela que je gère les Aspects narratifs des jeux comme FATE.

Modèle pour prise de note de session de jeu de rôle dans le coffre Obsidian du scénario Whiplash

Ma pratique : la préparation du scénario

Alors voilà, tout est prêt dans Obsidian. Maintenant, il s’agit soit d’écrire votre scénario, soit de préparer votre prochaine session de jeu avec vos camarades.

Personnellement, voici comme je m’y prends.

Créer les notes

C’est évident, mais ça va mieux en le disant : tout part de la création de vos notes.

Une note par personnage, une note par objet, par lieu, par scène, par événement…

Une note doit symboliser une pièce du jeu, et chaque pièce du jeu doit être portée par une note et une seule.

Quel que soit votre point de départ, je crois qu’une bonne façon de faire est d’écrire vos propres notes, avec vos propres mots, c’est-à-dire sans copier-coller le texte de ce scénario que vous avez trouvé si cool dans le commerce et dont vous avez acquis le PDF.

Pourquoi ?

Parce que c’est ainsi que vous retiendrez le mieux les éléments dont il est question. Votre cerveau aura lui-même synthétisé et produit la note, il aura donc déjà fait le chemin neuronal pour se l’approprier.

Il existe bien sûr des exceptions.

En pratique :

  • Je me sers beaucoup du module QuickAdd, qui facilite la création d’une note précise selon son type.
  • Je crée, dès que je le peux, des liens entre les différentes notes (par exemple, un personnage possède un objet important pour l’intrigue, alors je crée déjà un lien depuis la note du personnage vers cet objet, même si la note de l’objet n’existe pas encore. Il me suffira de cliquer sur le lien pour créer la note plus tard).
  • Sur les notes créées à partir d’autres notes, comme je viens de le décrire, j’utilise le module d’insertion de modèle.

Les cartes mentales du scénario

Mais, me direz-vous, jusqu’à présent, on ne parle que de texte, jamais de cartes mentales. Tu nous as baladés, hein, Germain !

Pas vraiment.

C’est que, dans ma façon de voir les choses, la carte mentale a besoin des notes écrites, et vice-versa.

Il est donc utile de construire la carte mentale en même temps que l’on rédige ses notes.

C’est là qu’interviennent les Canvas d’Obsidian.

Le principe est simple : un tableau blanc infini, sur lequel vous pouvez accrocher une note (au hasard : une scène) que vous allez ensuite relier à l’autre note (une autre scène ? Un personnage qui intervient dans la première ? Un objet ou un indice que l’on peut y trouver ?).

Une véritable carte mentale, avec en prime l’avantage de pouvoir accéder à chaque note soit en la survolant (c’est là que le plugin Aperçu de page est très utile), soit en cliquant dessus pour l’ouvrir dans un nouvel onglet. Ou dans une division de la fenêtre principale, juste à côté ou en dessous, c’est encore mieux.

En préparant le scénario, vous pouvez donc visualiser chaque nœud important de l’intrigue, placer les éléments essentiels à ne pas oublier.

Je vous conseille également d’adopter un code de couleurs pour différencier au premier coup d’œil un personnage d’un événement, d’un objet ou d’une scène. Personnellement, j’ai recyclé les couleurs que j’avais configurées pour Scapple, à savoir :

  • Personnage : vert,
  • Chapitre ou événement : bleu,
  • Objet : jaune,
  • Lieu : orange,
  • Question à trancher : violet.

N’hésitez surtout pas à modifier et remodifier ces cartes lorsque vous relirez ensuite le scénario. Parfois, des liens vont vous apparaître évidents lors d’une relecture, que vous n’aurez pas vus lors de votre découverte. De toute façon, cette carte est amenée à être modifiée à nouveau lors du déroulement du jeu.

Ma pratique : se servir d’Obsidian durant le jeu

Oui, la plus grande utilité d’Obsidian est là : pendant le jeu, il sera votre allié pour à la fois gérer le déroulement de façon fluide et prendre des notes, qui à leur tour, pourront influencer le déroulement futur.

Voici comment je m’y prends.

Un espace de travail dédié

Le plugin Espaces de travail permet d’enregistrer des dispositions particulières des divisions de la fenêtre de l’application, et de les appeler lorsque vous en avez besoin. Car l’organisation spatiale des informations me semble primordiale pour être efficace dans la préparation du scénario, mais aussi dans son déroulé. Et ce ne sont pas forcément des dispositions similaires.

Quand je conçois ou prépare un scénario, j’ai besoin d’accéder à la liste des fichiers/notes, puis d’un grand espace pour placer mon tableau de carte mentale, et enfin d’un plus petit panneau pour y envoyer les notes que je regarde plus attentivement.

Par contre, lors de la session elle-même, je n’ai pas forcément besoin d’un accès à l’arborescence des notes. Je préfère avoir plus de place pour ma carte mentale et la visualisation des notes elles-mêmes, et d’y ajouter un endroit où prendre mes notes en cours de partie.

Il me faut donc deux espaces de travail distincts, que je peux rappeler quand j’en ai envie.

Prendre des notes tout en maîtrisant

Pendant longtemps, comme je suis né à une époque où les ordinateurs étaient peu répandus (euphémisme), j’ai préféré prendre mes notes de parties de jeu de rôle (mais pas que celles-là) à la main avec un simple stylo ou un crayon à papier.

Mais il serait dommage de ne pas profiter de la puissance d’Obsidian pour lui confier aussi cette tâche-là.

J’ai donc, depuis deux ou trois ans environ, commencé à prendre mes notes de joueur au clavier.

C’est moins agréable sur le moment, mais cela me permet d’être plus rapide et plus précis.

J’ai donc décidé de faire de même pour mes notes de meneur de jeu.

Le plus important, dans ces cas-là, pour moi, c’est de tenir le compte des faits marquants qui vont avoir un impact sur le reste de l’histoire.

Un coup d’avance : déjà préparer la session d’après

Voilà pourquoi je me sers des listes de tâches d’Obsidian et de quelques requêtes dataview pour répercuter celles qui n’ont pas encore été purgées, d’une séance à l’autre. Ainsi, je ne crains pas d’oublier quelque chose de fondamental, même si nous rejouons six mois plus tard.

Ma pratique : garder une trace des sessions

Je vous ai déjà dit combien j’aime garder trace des histoires de jeu de rôle qui m’ont marqué.

Il n’y a pas de raisons que cela change avec l’âge et j’ai donc prévu d’intégrer au moins les notes que j’ai prises durant la session de jeu dans mon coffre Obsidian principal.

C’est d’une simplicité enfantine : il suffit de copier les fichiers sources, qui ne sont que des fichiers texte avec une extension en .md, dans le coffre de destination, et le tour est joué.

Le Journal du MJ

D’ailleurs, il y a un fichier spécialement dédié à l’enregistrement de tout ce qui s’est déroulé durant le scénario. Je l’appelle, le Journal du MJ. Il compile tous les événements que j’aurai consignés dans les notes de sessions, pour peu que j’aie renseigné le champ «tabledejeu» des propriétés de chacune. En effet, il peut arriver que nous fassions jouer un même scénario à plusieurs tables de jeu, à plusieurs groupes. Cela m’arrivait beaucoup lorsque j’avais plus de temps pour jouer. J’avais deux ou parfois trois tables de jeu, avec des personnes différentes. Bien sûr, depuis maintenant quelques années, je n’en ai plus qu’une. Cependant, il est plaisant de consigner mes aventures avec le reste de mes camarades. C’est pour cela que j’ai prévu de copier ces fichiers dans mon coffre Obsidian personnel après chaque conclusion.

Le coffre personnel pour les archives

Car, comme je vous l’ai dit au début de cet article, Obsidian n’est pas seulement un moyen de présenter des scénarios de jeu de rôle, même s’il y excelle. C’est avant tout un réseau de notes pouvant se rapporter à… à tout ce que vous voulez.

Pour moi, c’est donc à la fois un incubateur d’idées (pour la plupart ayant trait à la création artistique, mais aussi au jeu de rôle lui-même), l’endroit où je garde des références de la vie de tous les jours (comme celles des cartouches de mon imprimante, ou ma correction de vue), un journal de bord sur mes réunions professionnelles, et un réseau de savoir et de connaissances où j’entrepose des notions et concepts touchant à beaucoup de domaines.

Les coffres de mes scénarios sont donc conçus comme des unités fractales, un peu sur le modèle de ce que fait FATE avec des concepts de jeu imbriqués les uns dans les autres : ils reflètent à une échelle plus basse l’organisation de mon coffre principal.

Le principal avantage à raisonner ainsi est facile à comprendre : une unité fractale peut être intégrée dans son modèle supérieur. Il m’est ainsi trivial de copier non seulement les notes de mes sessions dans mon coffre principal, mais également tout le contenu du coffre du scénario, pour servir d’archive.

Je peux aussi décider de laisser le coffre comme il est, c’est vrai.

Mais l’intérêt de l’intégrer dans le réseau principal est d’y faire référence si d’aventure une idée de scénario connexe, soit dans le même univers, soit partageant des mécaniques de jeu similaires, soit des thèmes proches, venait à naître dans mon esprit malade. Il pourrait même arriver que cela nourrisse un autre domaine de mes centres d’intérêt.

Qui parmi vous n’a jamais été inspiré par un film ou un livre afin d’écrire un scénario de jeu de rôle ? Obsidian ne créera pas à votre place (et c’est heureux, car le plaisir de la création est dans le geste de créer lui-même, pas forcément dans le résultat), mais il pourra largement contribuer à faire émerger les idées que vous pourriez avoir envie de développer !

Alors, on essaie ?

Je ne sais si cette petite présentation aura su vous convaincre de tenter l’aventure, ou, à défaut, titiller votre curiosité pour l’outil. J’espère au moins avoir réussi à vous interroger sur la manière dont vous, vous préparez vos scénarios. Est-ce que votre méthode vous satisfait pleinement ? Est-ce que vous pensez à l’améliorer ? Est-ce que vous en restez à la bonne vieille solution du stabilo sur du papier (et si elle vous convient, c’est parfait, parce que je reconnais qu’on n’a pas trouvé plus simple) ?

Bref, ça m’intéresserait de savoir.

Et pour appuyer mon propos, rien de tel que de vous proposer d’essayer vous-même Obsidian, et donc de partager avec vous deux coffres de scénario : un coffre vierge (mais formaté selon les conseils que je vous donne dans cet article) et un coffre basé sur le scénario Whiplash que j’avais écrit il y a quelques années pour Star Cowboy, mon univers à base d’un mix de Cowboy Bebop et Mass Effect. Vous verrez que je laisse volontairement des liens non créés dans ce scénario (la note concernant L’Anneau, l’une des deux organisations criminelles que les PJ doivent affronter, est presque vierge, et d’autres liens attendent juste que vous leur offriez une note), et que les cartes mentales ne sont pas exhaustives. Cela pour vous inciter à créer vos propres liens et à prendre en main le scénario vous-mêmes, voire à broder pour votre interprétation de la Campagne.

Là encore, n’hésitez pas à revenir ici pour témoigner sur votre expérience qu’elle soit bonne ou mauvaise… ou entre les deux, comme c’est souvent le cas dans la vie.

Les trésors cachés de la Tribu Ptérophidienne

Si le Serpent à Plume existe, il n’est pas le seul de son espèce. D’autres l’ont rejoint. Ensemble, ils forment la Tribu Ptérophidienne, une communauté d’écaille & de plume, réunie autour d’une lettre électronique trimestrielle, la lettre d’écaille & de plume, ainsi que des trésors que je cache dans la Caverne du Dragon. Il s’agit d’aides pour faciliter l’écriture de textes, ou d’aides de jeu pour des univers de jeu de rôle – les miens comme ceux des autres d’ailleurs – voire des scénarios entiers.

Vous pouvez vous aussi devenir Ptérophidien ou Ptérophidienne en ouvrant les yeux de l’Esprit Guetteur, un animal merveilleux. Mais comme toutes les créatures fantastiques, il faut l’apprivoiser d’abord. Vous avez de la chance, ce spécimen se contentera de votre adresse de messagerie électronique, pour venir vous remettre à chaque saison la lettre exclusive des Ptéophidiens. Bien évidemment, votre adresse ne sera jamais cédée à des tiers.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Making of an (audio)book, partie 3 : La maquette audio

Making of an (audio)book, partie 3 : La maquette audio

Making of an (audio)book, partie 3 : La maquette audio

by Germain Huc | Fév 17, 2025 | 0 comments

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Il ne suffit pas d’avoir enregistré sa voix pour publier un audiobook, tout comme il ne suffit pas d’avoir écrit un texte, aussi poignant soit-il, pour le publier tel quel. Un livre, sonore, numérique ou papier, a besoin d’une mise en page pour devenir présentable. De même, comme un livre papier et comme un livre numérique, un livre audio doit avoir une maquette, c’est-à-dire l’équivalent d’un découpage. Les différents chapitres, bien entendu, mais aussi une « page » de titre, des « pages » de crédits, etc.

Si nous continuons sur la métaphore du livre papier, il s’agira de faire attention à l’orthographe (nous allons donc vérifier votre diction, mais aussi la façon dont les mots sonnent à l’oreille), à la typographie (le style de vos paroles, qui peut changer en fonction du personnage qui va parler, du narrateur), aux signes de ponctuation (des bruitages qui vont indiquer à votre auditoire que l’on change de lieu ou d’ambiance), aux marges et aux blancs (les temps de silence, le rythme de votre élocution).

Tout cela, nous sommes habitués à le faire sur un logiciel de traitement de texte ou un studio d’écriture (comme Scrivener) pour un livre papier.

Pour un audiobook, nous allons devoir nous servir d’un éditeur de son, et apprendre beaucoup de choses inhabituelles pour des gens d’écriture.

Pourtant, fondamentalement, ce sera la même chose qu’avec un texte écrit, et nous n’aurons pas besoin de devenir des musiciens professionnels ou des ingénieurs du son pour obtenir un résultat correct, voire d’allure professionnelle, comme nous l’avons déjà fait avec les versions papier et numérique de nos textes.

Alors, donnez-moi votre main… nous commençons tout de suite !

Les outils

Je vous ai parlé des éditeurs de son un peu plus haut, et je vous ai même cité deux logiciels dans la première partie de cette série sur la fabrication d’un livre audio : Audacity et GarageBand.

On peut très bien s’en sortir avec eux, comme on peut très bien écrire un bon roman avec Word ou LibreOffice Writer.

Pourtant, comme le fait Scrivener pour l’écrit, il existe des logiciels plus puissants, au départ conçus pour créer ou arranger de la musique, mais qui sont parfaits pour traiter toutes sortes de sons… comme de la parole. J’ai ainsi découvert que GarageBand avait un grand frère, nommé Logic Pro. J’en ai fait l’essai lorsque j’ai commencé à monter la première saison des Consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux, et j’ai été convaincu. Le maniement est légèrement plus complexe, mais certains outils, comme le vocal transformer me sont devenus si indispensables, que j’ai fini par acheter une licence. Certaines astuces que je vous livrerai donc dans ce tutoriel nécessitent un tel logiciel, mais je le signalerai à chaque fois. De même, Logic Pro est disponible uniquement sur Mac ou iOS, mais il existe des équivalents sur Windows : je ne citerai que Cubase, Audition d’Adobe et Reaper, qui font référence dans le domaine.

Cependant, encore une fois, il est possible de faire du travail correct en se contentant d’Audacity ou de GarageBand.

De même, il existe des plugins, c’est-à-dire des modules additionnels, qui sont la plupart du temps vendus par des éditeurs tiers pour s’interfacer avec Logic Pro ou Audacity, afin de multiplier les possibilités. À mon avis, sauf si vous faites de la musique de façon professionnelle, vous n’avez pas besoin de casser votre tirelire pour vous les offrir. Pour réaliser un audiobook, hormis dans des projets qui demandent beaucoup de travail sur le son, mais dont je ne peux même pas imaginer un exemple, vous pourrez vous dispenser de telles dépenses et vous pourriez investir à la place dans un bon micro pour que vos enregistrements soient les plus propres possibles.

Ceci étant posé, commençons par le commencement…

La structure d’un livre audio

Reprenons notre analogie avec le livre papier.

Dans tout livre, il n’y a pas seulement le corps du texte.

Il existe aussi ce que l’on appelle les pages liminaires. Elles regroupent ces pages qui tournent autour du texte principal, mais n’en font pas partie à proprement parler. Un index, une table des matières, mais aussi la page de titre, celle de dédicace, les remerciements, voire une bibliographie ou une page de présentation de l’auteur ou de l’autrice sont des pages liminaires.

Dans un livre papier, la convention veut que chaque page liminaire (chaque type de page liminaire pour être plus précis) soit traitée comme un chapitre à part entière dans le flux du livre, c’est-à-dire dans la présentation et l’ordre des pages.

Ainsi, toujours dans un livre papier, comme nous l’avons vu dans l’article À livre ouvert, chaque page liminaire doit commencer sur une page de droite du livre, et doit suivre un ordre précis. Typiquement : page de garde, page de faux-titre, page de titre, colophon, dédicace, table des matières, bibliographie de l’auteur ou de l’autrice. Puis le corps du texte lui-même, dans lequel chaque partie, comme chaque chapitre, commence sur une page de droite. On a parfois même des pages post-liminaires, comme une présentation de l’auteur ou de l’autrice, des remerciements, etc.

Le même principe se transpose dans un livre audio avec une base simple :

Chaque partie importante est un fichier audio séparé.

Sauf… si vous créez un fichier M4B. Mais nous en parlerons plus tard

Ainsi, dans l’ordre, on devra trouver plusieurs fichiers, que vous regrouperez dans un même dossier et que vous aurez soin de numéroter pour en garder l’ordre de lecture :

  • Les crédits d’ouverture, c’est-à-dire le titre du livre, le nom de l’auteur ou de l’autrice (en toute logique : vous-même) et le nom de narrateur ou de la narratrice (là encore, vous-même) ainsi que des autres personnes qui interviennent dans la lecture, si vous avez fait ce choix-là à la conception de votre audiobook.
  • La dédicace, si vous en avez une.
  • L’avant-propos ou la préface, si elles existent.
  • Chaque chapitre.
  • Les remerciements éventuels.
  • La postface éventuelle.
  • Tout ce qui est appendices, notes, etc. doit faire l’objet de fichiers séparés, placés ensuite.
  • Enfin, les crédits de clôture, qui permettent de bien comprendre que la narration est terminée, et peuvent contenir les crédits des personnes qui ont contribué au livre, les crédits des sons additionnels, des images de la couverture, ou d’autres choses encore que vous auriez mis dans le texte éditorial du livre.

Par convention, chaque fichier ne doit pas avoir une durée plus longue que 120 minutes. Si vous avez des chapitres si longs qu’ils dépassent cette durée de lecture, alors il est conseillé de les scinder en plusieurs parties, à des endroits qui ne gênent pas la compréhension (entre deux paragraphes, mais pas en plein milieu d’une action non plus), en indiquant dans le nom du fichier de quelle partie du chapitre il s’agit.

De même, chaque fichier commence par une indication verbale de son statut et de son titre éventuel. Par exemple, au début du premier chapitre, vous devrez insérer une indication vocale du genre « Chapitre un, Le mystère de l’audiobook », ou simplement « Chapitre un » si vos chapitres n’ont pas de titre. Les remerciements commenceront de même par « Remerciements ».

Enfin, par convention également, chaque fichier, avant même la première voix, le premier son, commence par un « bruit de fond silencieux » de la pièce dans laquelle vous enregistrez, d’environ 0,5 à 1 seconde. Chaque fichier se termine par 3 à 5 secondes de ce même bruit de fond.

Concrètement, pour l’audiobook de Poker d’Étoiles, le dossier informatique contient les fichiers suivants (notez l’importance du 0 des dizaines pour les neuf premiers chapitres, ils sont là pour vous assurer que l’appareil qui va lire les chapitres ne se trompe pas dans l’ordre de lecture ; et si vous avez plus de 99 chapitres, n’hésitez pas à faire la même chose pour les centaines et donc de numéroter votre premier fichier 001) :

01— Crédits d’ouverture.mp 3

02-Dédicace.mp 3

03-Les cartes.mp 3 (le titre de mon premier chapitre)

04-Premier Jeu.mp 3

05-Deuxième Jeu.mp 3

06-Troisième Jeu.mp 3

07-Coupe.mp 3

08-Quatrième Jeu.mp 3

09-Cinquième Jeu.mp 3

10-Sixième Jeu.mp 3

11-Septième Jeu.mp 3

12-Huitième Jeu.mp 3

13-Neuvième Jeu.mp 3

14-Dixième Jeu.mp 3

15-Onzième Jeu.mp 3

16-Douzième Jeu.mp 3

17-Remerciements.mp 3

18-Crédits de fermeture.mp 3

De même, chaque fichier ressemble à cela :

Nettoyer la voix

Tout comme nous vérifions toujours que notre texte ne soit pas encombré de fautes de frappe, de coquilles ou autres fautes disgracieuses, nous devons nous assurer que la voix que nous avons enregistrée soit « propre », c’est-à-dire sans bruit de fond, sans parasite, bien intelligible.

Cela demande, dans le logiciel d’édition audio, de lire le fichier, de couper la partie gênante, puis de recoller les morceaux restants pour « effacer » la faute comme pour un texte avec la touche ou la touche . Et de recommencer à chaque fois que l’on repère une coquille sonore.

C’est fastidieux, comme dirait le Merlin de Kaamelott.

Mais cela garantit une certaine qualité à notre ouvrage audio.

Pourtant, cela peut ne pas suffire.

En effet, si vous n’avez pas pu suivre tous mes conseils d’enregistrement (et même si vous les avez suivis, il se peut toujours que des accidents se soient produits, qui vous aient échappé sur le moment), votre voix est peut-être parasitée par un bruit de fond constant et très ennuyeux. Là, pas moyen de couper/coller car le bruit se superpose à votre voix, sans interruption.

Dans ce cas, vous avez trois solutions :

  • Recommencer l’enregistrement de cette partie-là. C’est le plus sûr, mais attention, c’est assez risqué, car il y a de fortes chances pour que la différence de prise sonore entre votre « original » et cette « rustine » s’entende beaucoup ensuite, en donnant une impression désagréable. En effet, les conditions seront forcément différentes de votre première prise (le micro peut être placé un poil plus près ou plus loin, le temps au-dehors pas le même, etc., etc.
  • Recommencer l’enregistrement de tout le chapitre pour garder une unité sonore. Outre que cela peut être long si vous avez un chapitre d’une heure et demie, c’est un peu rageant de devoir tout recommencer pour seulement deux minutes où on entend cet avion dans le ciel alors que vous installez une ambiance médiévale…
  • Vous servir des outils d’I.A. analytique (et attention c’est très différent d’une I.A. générative, qui, de mon point de vue, n’est pas éthique, mais nous en discuterons une autre fois) pour analyser le passage en question et le débarrasser par traitement informatique des fréquences spécifiques du bruit parasite. L’inconvénient est surtout financier, car tous ces programmes sont payants à des degrés divers.

Il existe plusieurs outils de ce type. J’ai pour ma part opté pour lalala.ia lorsque j’ai dû nettoyer des voix enregistrées pour ma podfiction Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux. J’ai décidé d’utiliser l’I.A. dans ce cas-là, car la voix était celle d’un comédien, parasitée par un écho qui montrait tout de suite que l’enregistrement avait eu lieu dans un autre espace, et que je ne pouvais pas le faire tourner à nouveau. Si le problème avait été localisé sur ma propre voix, j’aurais plutôt opté pour un enregistrement en rustine. Mais chaque problème est unique, et il vous sera peut-être impossible de vous passer de l’I.A. Dans ce cas, je ne saurais trop vous conseiller de bien choisir le service que vous utiliserez, afin de garder les droits sur votre fichier audio et de vérifier qu’il ne sera pas utilisé autrement que pour l’apprentissage de l’I.A.

Les Styles de texte en audio

Bon, vous avez vos fichiers, ils sont tous nommés comme il faut, ils ont tous une seconde de silence au début et trois à la fin, ils commencent tous par une annonce vocale de leur statut et de leur titre… mais si vous pensez que c’est déjà fini… vous allez être déçus. Car le principal n’a pas encore commencé.

De la même façon que nous avons appris à nous servir des Styles de texte dans la mise en page papier et dans la mise en page numérique, nous allons devoir apprendre à créer des Styles de voix pour la version audio.

Pour bien comprendre ce concept, je vous propose de tenter de définir ce qu’est un Style de texte et à quoi il sert, en réalité.

De mon point de vue, un Style de texte a pour principal rôle de donner une indication métatextuelle au lecteur, lui permettant de comprendre très rapidement qu’une rupture de lieu, d’action, de temps ou de personnage vient d’avoir lieu, et d’identifier précisément à quoi cette rupture se rapporte.

C’est une partie des conventions qui régissent la compréhension de la façon de raconter l’histoire, une convention de narration, donc, au même titre que la typographie dont elle peut se servir, mais qui ne lui est pas confondue. Car on peut utiliser une typographie seule, sous forme de symboles, comme le fait Alain Damasio dans La Horde du contrevent et dans Les furtifs pour signifier un personnage ou un concept, sans forcément user d’un Style de texte à proprement parler. Les tirets cadratins ou semi cadratins (les — ou les —), associés aux guillemets, que l’on inscrit au début des répliques des personnages dans les dialogues, servent justement à déterminer que :

  1. Nous sommes dans un dialogue
  2. Un nouveau personnage commence à prendre la parole.

Mais ces deux codes, car il s’agit bien de cela, participent de la même grammaire narrative.

Cette grammaire doit donc être transposée à l’écoute pour que l’histoire puisse se dérouler en toute compréhension, et que l’expérience de l’auditoire soit au moins aussi agréable que celle du lectorat. Même si ces deux expériences seront différentes.

La création des Styles de voix aura donc pour objectifs de :

  • Poser l’ambiance
  • Différencier les personnages
  • Différencier les lieux
  • Différencier les temps de la narration (un flashback, un flashforward)

Pour y parvenir, je vous propose de suivre quelques règles simples, sur lesquelles vous allez ensuite laisser libre cours à votre sensibilité artistique et aux choix qui, selon vous, serviront le mieux votre projet.

À chaque voix sa piste

Un roman, ou tout autre texte de fiction, font presque toujours intervenir plusieurs personnages. Que vous ayez choisi d’interpréter avec votre seule voix chacun de ces protagonistes, ou que vous ayez demandé à des comédiens et des comédiennes de vous prêter voix forte, il est nécessaire de différencier chaque personnage pour l’auditoire. Vous l’avez peut-être fait en variant légèrement votre accent, par des différences subtiles, mais vous aurez probablement besoin d’accentuer ces légers réglages. Et pour cela, le plus simple est de vous constituer un ensemble de pistes vocales.

Chaque voix, au sens large, devra avoir sa piste dans le logiciel de montage audio.

Lorsque je dis « au sens large », je fais référence aussi à la voix du ou des narrateurs.

Par exemple, voici ce que cela donne pour le quatrième chapitre de Poker d’Étoiles :

  • La piste des musiques éventuelles
  • La piste des jingles sonores
  • La piste du texte éditorial (titre du chapitre)
  • La piste du narrateur, Sean, qui raconte l’histoire
  • La piste des dialogues de Sean dans l’action
  • La piste du personnage d’Eddy dans l’action
  • La piste du personnage de Dom dans l’action
  • La piste du personnage de Démosthène dans l’action

Les captures d’écran qui suivent vous montrent également la façon dont j’ai découpé l’enregistrement pour que chaque voix prenne sa place sur la piste qui lui est dédiée. Vous remarquerez également que je fais se chevaucher les voix, pour éviter qu’il y ait un « vide », c’est-à-dire un silence sans l’ambiance de la pièce. C’est un principe de montage sonore que je vous conseille d’adopter, car il évite de sortir l’auditoire de l’ambiance particulière de la scène.

De plus, j’ai fait parfois en sorte de rapprocher les interventions de personnages qui se répondent lorsqu’ils s’interrompent les uns les autres, ou dans une discussion animée.

La variation du rythme de la voix, mais aussi des interventions de chaque protagoniste, est une astuce très puissante pour installer une atmosphère. Si vous avez suivi mes conseils lors de l’enregistrement, vous avez bien fait attention à ne pas parler trop vite, à ne pas vous précipiter, mais également à habiter votre texte, pour le rendre plus vivant. Normalement, cela a dû créer un rythme naturel dans la narration, un rythme qu’il vous faudra respecter le plus possible au montage. Veillez cependant à ne pas trop accélérer le rythme ni à trop l’étirer. Dans le premier cas, vous pourriez surcharger votre auditoire d’informations qu’il n’aurait pas le temps d’intégrer, et, dans le deuxième, vous pourriez l’ennuyer. Trouver le bon rythme de narration est une affaire d’habitude, d’expérience. N’hésitez pas à réécouter plusieurs fois pour vous faire une idée, et même, si vous voulez mon secret ultime, essayez de le faire en fermant les yeux, pour vous concentrer uniquement sur ce que vous écoutez. Vous verrez que, rapidement, vous sentirez si le rythme est bon ou s’il faut le changer légèrement.

À chaque voix ses effets

Pourquoi séparer les voix des différents protagonistes dans des pistes différentes ?

Parce que cela sera plus facile ensuite pour leur assigner des effets sonores distincts.

Si nous reprenons l’exemple du quatrième chapitre de Poker d’Étoiles, mon premier roman, il fait intervenir un personnage, Démosthène, qui est une Intelligence Artificielle. Une véritable I.A., pas les algorithmes idiots qu’on nous vend actuellement comme étant « intelligents » alors qu’ils ne sont que statistiques. Non, une véritable I.A., consciente d’elle-même et des autres. Cette I.A. pourrait avoir une voix légèrement synthétique, si j’en avais fait le choix. Et dans ce cas, il aurait été simple d’assigner à la piste sonore qui lui est dévolue un effet de synthèse vocale, déformant ma voix, déjà un peu changée par le ton que j’ai pris à l’enregistrement pour incarner ce personnage en particulier. Il se trouve que je n’ai pas fait ce choix-là, et que j’ai préféré garder à Démosthène une voix humaine, certes avec un ton un peu pompeux et sentencieux, rappelant le Higgins de la série Magnum PI, avec Tom Selleck, qui était joué par l’inimitable John Hillerman. J’ai préféré utiliser dans ce cas un EQ ou Égaliseur en bon français, dont nous parlerons juste après.

Pourtant, d’autres effets peuvent parfois être utiles pour caractériser une voix différente, et nous les verrons dans un autre article, tout comme nous pourrons aussi détailler comment les paramétrer techniquement parlant. Ce qui suit n’est que la philosophie générale de leur utilisation.

Retenez pour l’instant que chaque personnage doit avoir sa propre voix, donc sa propre piste, pour posséder ses propres réglages sonores, dont font partie les effets sonores.

Spectre des fréquences de l'égaliseur, voix du personnage Démosthène dans Poker d’Étoiles

À chaque voix son spectre de fréquences

Parmi ces effets sonores, le plus utile est ce fameux Égaliseur (ou EQ en anglais).

Pour comprendre ce qu’est un Égaliseur, il nous faut faire un tout petit peu de théorie du son. Rassurez-vous, ce sera simple, et cela nous servira aussi pour comprendre d’autres étapes essentielles de la production, comme les effets globaux, le mixage, et quelques notions sur le mastering.

Les caractéristiques de l’onde sonore

Ce que nous appelons un son est l’effet du déplacement des molécules de l’air selon une onde dont le point d’origine est ce que nous pourrons convenir de nommer un émetteur. Ce déplacement de molécules a un effet physique inéluctable : il vient immanquablement frapper une membrane chez tous les animaux qui en sont pourvus, le tympan, dont la vibration sous l’impact informe un nerf dit auditif, lui-même produisant en réponse un signal électrique qui est interprété par le cerveau.

Lorsque nous entendons un son, c’est donc que notre cerveau a traduit la réponse électrique de la vibration de notre tympan sous l’effet de l’onde sonore.

Comme tout phénomène ondulatoire, un son possède deux caractéristiques essentielles : une intensité et une fréquence.

L’intensité est la notion la plus complexe à comprendre, car sa mesure peut se faire de différentes manières, qui pourtant sont toutes notées avec la même échelle, le décibel (dB). Je vais simplifier à l’extrême (et il est possible d’aller plus loin en lisant deux ou trois choses ici, , ou encore par là) en disant que l’intensité est la mesure de la puissance du son qui parvient à nos oreilles. Cette intensité est en gros la hauteur qu’atteint la crête de l’onde sonore, la quantité de matière aérienne que l’onde est capable de déplacer. On comprend vite que plus l’onde est puissante, plus elle déplace de matière, plus son pic sera haut, et plus sa mesure en dB sera forte (donc plus son impact sur notre tympan sera puissant, plus le niveau sonore sera élevé). Ainsi, cette intensité est plutôt une puissance. Il est aussi important de savoir que plus la source du son est éloignée, plus l’onde s’atténue (comme dans une étendue d’eau) et plus son intensité sera atténuée, d’un facteur non pas linéaire, mais logarithmique (c’est-à-dire que l’atténuation d’un son de 3 dB équivaut à une division de son intensité par 2). Et si vous vous demandez pourquoi nous parlerons ensuite presque toujours de dB négatifs, c’est parce que, contrairement à l’échelle des décibels comme bruit (où le plus petit son perçu par l’oreille humaine est noté 0 dB et un avion 130 dB), les professionnels du son travaillent avec des mesures d’atténuation, où le 0 dB équivaut à un son non atténué, et un son de -3 dB est un son dont l’intensité est divisée par 2, comme un son de -6 dB a une intensité/puissance divisée par 4.

Quant à la fréquence, il s’agit du nombre de fois que les crêtes et les creux de l’onde se répètent par seconde (et cela se mesure en Hertz ou Hz). Une fréquence de 6 000 Hz équivaut donc à une onde dont les crêtes se propagent à la fréquence de 6 000 fois par seconde. La fréquence mesure donc aussi ce que l’on appelle la longueur d’onde et une autre façon de la représenter pour bien comprendre son rôle dans notre montage d’audiobook (parce que c’est bien pour cela que nous allons l’utiliser) est de la définir comme le nombre de fois en une seconde que l’onde sonore va venir frapper notre tympan. Si la fréquence est élevée, le son sera aigu. Si la fréquence est basse, le son sera grave.

Les fréquences audibles par l’oreille humaine

Parce que oui, notre ouïe n’est pas sensible à toutes les fréquences sonores (j’ai essayé de la faire avec un « non », mais ça marchait moins bien). En gros, et en moyenne, un être humain peut percevoir les sons dans une gamme de fréquences allant de 20 Hz à 20 000 Hz, ce qui nous fait tout de même une grande diversité. En dessous, on parle d’infra-sons, au-dessus, d’ultra-sons.

Il faut cependant savoir que notre oreille est la plus sensible aux fréquences comprises entre 2 000 Hz et 5 000 Hz.

L’égaliseur & le spectre de fréquences

La voix d’une personne est composée de sons divers (les syllabes qui forment les mots) émis selon des fréquences qui varient légèrement d’un individu à l’autre. On parle de timbre de la voix pour désigner toutes les petites particularités d’une voix singulière. On parle de tessiture en chant pour catégoriser la plage de fréquence qui est la plus naturelle à une personne donnée. Par exemple, les voix qui sont plus naturellement graves sont dites des voix de baryton.

C’est que chaque voix a un spectre de fréquences qui représente la répartition des fréquences et leur volume sonore, leur intensité, dans la production des sons. En ce sens, on peut presque superposer le spectre et le timbre d’une voix.

Et c’est là que cela devient important pour notre travail de styles vocaux : si vous voulez différencier les voix de vos personnages, y compris si vous les interprétez toutes vous-mêmes, il peut être utile de légèrement modifier leur spectre de fréquences… en vous servant d’un égaliseur !

Cet effet sonore a le pouvoir de modifier l’intensité du signal émis sur une fréquence ou une plage de fréquences données, et donc d’altérer la perception d’une voix enregistrée. Votre voix pourra paraître plus aiguë ou plus grave, ou vous pourrez gommer certaines fréquences, en accentuer d’autres… jusqu’à parfois complètement dénaturer le matériau de départ, c’est-à-dire votre propre voix.

Si vous couplez une utilisation subtile mais systématique de l’égaliseur avec une interprétation solide de vos personnages (en variant un peu la façon dont ils parlent lors de l’enregistrement), vous obtiendrez des résultats qui pourront être surprenants. Mais le mot important ici est subtile. Vous verrez, si vous jouez avec les réglages, qu’un égaliseur peut renforcer l’impression que vous voulez que la voix dégage, ou la ruiner totalement. Il vous faut donc agir de manière prudente, mais ne pas hésiter à faire des essais. Les logiciels d’édition audio permettent tous d’appliquer des réglages de façon non destructive, et vous pourrez donc revenir en arrière facilement.

Cerise sur le gâteau, la plupart des logiciels d’édition audio possèdent aussi des presets ou réglages prédéterminés qui appliquent des courbes de spectres de fréquences conçues pour divers effets. Par exemple, un effet de « conversation téléphonique » est souvent obtenu avec un spectre de fréquence dit « compressé », qui éteint les basses fréquences et éteint également les hautes fréquences de la voix.

Pourtant, je vous conseille de trouver le réglage qui ira le mieux à votre propre voix de narrateur ou narratrice, en fonction des caractéristiques que vous voudrez lui donner. Une bonne base est de partir de presets, mais de les modifier. Dans mon cas, je voulais accentuer un peu l’effet « enveloppant » de ma voix, privilégier les graves, et cette courbe donne ceci.

Comparons-la à celle que j’ai choisie pour caractériser Eddy dans Poker d’Étoiles, et vous verrez que, alors même que j’ai dit ses répliques avec une voix légèrement plus aiguë et enjouée, il m’a fallu travailler les fréquences différemment pour obtenir ce que je cherchais.

Bref, vous le comprenez, c’est un domaine où votre créativité va pouvoir s’exprimer pleinement.

Et, si vous voulez mon avis, cela force également à se poser les bonnes questions sur vos personnages, car les interpréter va vous les faire réellement voir sous un angle plus concret.

Les effets de Space Design

J’utilise à dessein (dessin ?) l’expression anglaise, car je la trouve plus parlante que son équivalent français de « conception d’espace ». Ces effets sonores sont très utiles, car ils permettent de donner l’illusion d’un lieu particulier. Cela peut être une caverne, un vaisseau spatial, une chambre à coucher ou une salle de concert. Tous ces lieux ont en commun deux caractéristiques paramétrables :

Une réverbération (effet reverb en anglais), c’est-à-dire une façon de simuler le rebond des ondes sonores sur les parois du lieu (un écho, si vous préférez).

Un délai (effet delay dans la langue de Shakespeare), c’est-à-dire le temps de latence de ce rebond sonore.

Grâce à eux, vous serez en mesure de suggérer un changement d’espace ou de temps dans votre narration, voire une asymétrie (un de vos personnages est dans un lieu, tandis qu’un autre est ailleurs).

Nous verrons dans le chapitre sur le mixage comment concrètement s’en servir.

Les marques de rupture de séquence

Comme nous l’avons dit au début, chaque chapitre doit posséder son propre espace, donc son propre fichier son.

Mais dans certains ouvrages, il existe des subdivisions dans chaque chapitre. Faute de mieux, et parce que je suis familier du vocabulaire du cinéma, je nomme ces divisions des séquences.

En littérature, la convention est de marquer ces divisions par un signe typographique appelé un astérisme, noté ⁂, c’est-à-dire trois astérisques placés en triangle. On peut également trouver d’autres signes avec la même signification. Pour Poker d’Étoiles, j’ai utilisé un symbole de carte à jouer, à savoir un as de pique.

Mais dans un audiobook, il faut trouver autre chose.

Pourquoi pas un jingle sonore ? Toujours le même, pour que votre auditoire comprenne vite la convention que vous lui proposez.

Les petits fichiers modèles

Me pardonnerez-vous ce jeu de mots faisant référence à une autrice française célèbre du XIXe siècle ?

Quelle que soit votre réponse, cela pourra peut-être vous permettre de gagner du temps.

Car, vous l’aurez compris, maintenant que vous avez vos pistes et vos réglages sonores en tête, vous allez devoir les répéter à chaque fichier que va comprendre votre audiobook. Cela peut se faire facilement et rapidement si votre livre comporte quinze ou vingt chapitres avec quatre ou cinq pages liminaires, mais ce sera beaucoup plus long et fastidieux s’il compte cent chapitres et dix pages liminaires !

Je vous conseille donc de construire un fichier modèle (ou template ou encore layout en anglais) qui vous servira de base pour tous les chapitres de votre livre audio. Que votre logiciel de montage (comme c’est le cas pour Logic Pro) vous le permette facilement ou non (comme c’est hélas le cas pour GarageBand), un fichier modèle que vous n’aurez qu’à copier-coller en changeant simplement son titre sera un gain de temps appréciable.

Il devra comporter les pistes dont vous aurez toujours besoin (musique, bruitages, une piste par personnage principal du livre, une ou deux pistes pour les personnages silhouettes, c’est-à-dire les figurants), avec pour chacune d’entre elles les réglages que vous aurez décidés (effets sonores, égaliseurs, etc.).

Je vous livre dans l’image suivante la capture d’écran de mon propre fichier modèle pour l’audiobook de Poker d’Étoiles, mon premier roman. Vous pourrez constater que j’ai même reproduit les tranches de console de mixage (que nous verrons plus tard) avec leurs réglages de base.

Construisez-vous donc un fichier modèle pour chaque projet de livre audio, et ce, dès le début de votre enregistrement si vous le pouvez.

Le rythme

Je l’ai déjà évoqué plus haut, le rythme de votre narration est essentiel. Il doit être pensé pour servir au mieux votre projet, et notamment pour rendre au mieux l’ambiance de chaque scène, voire de chaque séquence, ou de chaque plan. Vous pouvez vous référer à ce que j’en disais dans l’article de cette série dédié à l’enregistrement, mais je vais reprendre quelques éléments ici, car le montage est une sorte de recréation de votre audio.

En effet, il est fort probable que vous ayez fait des pauses un peu plus longues que nécessaire à chaque fois que vous avez changé un peu votre voix dans un dialogue entre plusieurs personnages, le temps de changer votre voix pour l’adapter à chaque protagoniste. De mon côté, j’ai même poussé le vice jusqu’à couper l’enregistrement entre chaque réplique de personnages différents, afin de me mettre quelques secondes dans la peau de chacun d’entre eux.

Le résultat en est souvent que des temps de silence inopportuns se sont glissés dans votre enregistrement brut (nous appellerons cela des rushes, comme au cinéma).

Vous devrez donc, lors du montage, non seulement dispatcher des bouts d’enregistrement entre les différentes pistes selon leur appartenance à l’un ou l’autre des protagonistes du récit, mais aussi revoir un peu le rythme de l’enchaînement des répliques ou des blocs de paragraphes.

Par exemple, il se peut qu’un personnage en interrompe un autre. Comme il est peu probable que vous ayez pu le jouer réellement lors de l’enregistrement, vous devrez le recréer lors du montage.

Bref, vous allez devoir réécouter tous vos rushes, et reconstituer le texte. C’est, de mon point de vue, l’une des étapes les plus satisfaisantes, car vous allez voir l’histoire se dérouler sous vos yeux, et vous allez pouvoir la sculpter.

Les bruitages

Vous pourrez d’ailleurs, si cela vous paraît judicieux, enrichir cette histoire et votre narration avec des bruitages.

J’ai déjà parlé des jingles sonores qui serviront d’astérisme pour marquer les changements de séquence à l’intérieur des chapitres.

Mais il est aussi possible de souligner certains passages de votre fiction avec des bruitages qui auront un rôle plus narratif que typographique.

Mon avis là-dessus est cependant assez prudent. Un livre audio n’est pas un podcast. Généralement, il n’a pas été pensé dès l’écriture pour le format audio, et la preuve en est qu’il est plus probable que vous en soyez la seule voix. De même, le texte sera littéraire, pas théâtral ou cinématographique. Il y aura certainement beaucoup de passages « contés » par un narrateur, et beaucoup moins de dialogues que dans une podfiction. Les bruitages ont donc moins leur place, car ils seront comme intégrés aux mots eux-mêmes, et ils feraient double emploi si vous les rajoutiez. Ils pourraient même noyer votre texte et sa beauté dans une forme de surenchère inutile, voire contre-productive.

D’un autre côté, il serait dommage de vous priver des avantages que le média audio pourrait apporter à l’immersion de votre auditoire dans votre histoire. Peut-être que certains bruitages, bien dosés, placés à des endroits stratégiques, pourraient bénéficier à votre texte. Vous en serez seuls juges.

Mais je vous engage vraiment à réfléchir à chaque bruitage, à son utilité, à ce qu’il va produire comme effet, et à être conscients de ce que cela va entraîner comme distorsion dans la réception de votre texte. Car, encore une fois, nous sommes dans le cadre d’un livre audio, donc de la lecture d’une histoire écrite au départ pour être lue silencieusement, pas forcément « dite ».

La musique

C’est un peu la même chose pour la musique.

Si l’on peut facilement imaginer une sorte de mini-générique pour introduire chaque chapitre (comme un « gros » astérisme), il est plus délicat d’insérer des nappes sonores musicales à l’intérieur même de la narration.

Sauf.

Sauf si, par exemple, la scène décrite est censée se dérouler dans une ambiance musicale et que vous puissiez insérer ladite ambiance dans le montage, c’est-à-dire que vous en possédiez à la fois le fichier son et les droits de reproduction. Mais il faut absolument, je crois, éviter là encore de surcharger votre texte. C’est-à-dire que, si les mots lus décrivent déjà la musique en détail, au lieu de simplement nommer le morceau, il me semble contre-productif de plaquer par-dessus la musique elle-même. D’abord parce que vous allez introduire une confusion dans l’esprit de votre auditoire, qui ne va pas pouvoir se concentrer à la fois sur la musique et sur vos mots décrivant la musique (car, doit-on le rappeler, le cerveau humain, même celui des femmes, est incapable de faire correctement deux choses en même temps). Ensuite, parce que ce que votre texte va dire de la musique est votre propre interprétation de ressentis lors de l’écoute, et que ladite écoute pourrait très bien ne pas du tout évoquer les mêmes choses à votre auditoire. Dans ce cas, vous allez sortir votre auditoire de l’histoire, le sortir en tous les cas de la transe hypnotique consentie, du pacte de lecture noué entre vous, qui implique que votre lectorat accepte ce que vous lui suggérez. La dissonance (mot bien choisi) entre votre interprétation par les mots et ce que le cerveau de votre auditoire va interpréter de la musique elle-même va totalement détacher votre public de ce que vous voudriez lui faire ressentir.

Il est donc, je crois, très délicat d’utiliser de la musique dans ce cas.

Sauf si cela est mûrement pensé et réfléchi.

Après tout, en art, les règles sont faites pour être brisées.

Le tout est de le faire en connaissance de cause et donc en pleine conscience.

L’ours

Il ne s’agit pas d’aller chasser un plantigrade qui aurait mauvais caractère.

Un ours est le nom que l’on donne au cinéma au premier montage, brut, des images tournées, avant l’application des effets spéciaux, des ajustements de couleur, etc.

C’est l’histoire racontée sans raffinements, sans les artifices.

Pour un livre audio, c’est votre voix, brute, avec peut-être simplement les effets les plus simples.

Mais ce n’est pas encore une histoire « publiable », parce qu’elle n’a pas encore totalement été mise en page.

Vous allez pour cela devoir encore passer deux étapes, dont la plus importante est le mixage, qui va s’assurer que les différents morceaux s’harmonisent correctement les uns avec les autres sur le plan sonore.

Le mixage

L’étape du mixage consiste à s’assurer que les sons ne vont pas agresser votre auditoire (rien ne sera trop fort), ne vont pas non plus l’empêcher de faire le voyage avec vous lors de la narration (rien ne sera trop faible pour être entendu et compris), et ne vont pas se « marcher sur les pieds » (rien ne gênera la compréhension d’autre chose). Bref, que tout sera correctement agencé en un tout harmonieux.

C’est un processus un peu technique et relativement complexe, mais je vais tâcher de vous indiquer ce que j’en ai retenu, ainsi que mes propres « recettes », tout en précisant que je ne suis pas ingénieur du son, et que, bien entendu, je n’ai pas les compétences qui permettraient de me considérer comme une référence dans le domaine. C’est donc bien plus un petit mémo à mon attention personnelle, que je partage avec vous parce que c’est en fait le but premier de ce site depuis sa création : être un peu mon « carnet de notes de voyage personnel, mais partagé » dans mes pérégrinations artistiques.

Mais commençons par quelques petites notions d’acoustique (rien de plus complexe que ce que nous avons vu précédemment, je vous rassure).

Les pics et les crêtes

Lorsque vous regardez la forme des ondes de votre enregistrement, vous voyez bien que les oscillations ont des intensités différentes (des pics, qui sont plutôt dénommés « crêtes » en mixage audio, peut-être en référence à celles des punks ? Non, je ne pense pas). Vous remarquerez que certaines pistes ont des crêtes plus hautes que les autres, au point qu’elles se rapprochent peut-être dangereusement du « zéro » dB et qu’elles entrent dans la zone rouge de l’oscilloscope.

Cette zone rouge correspond à une sensation désagréable de « saturation » du son, et bien mixer votre enregistrement va surtout consister en premier à éviter d’atteindre cette zone rouge.

La première des choses à faire est donc de jouer dans la table de mixage (appelée avec la touche X de votre clavier dans Logic Pro), sur les potentiomètres des différentes pistes pour régler leurs niveaux sonores respectifs, afin d’éviter la zone rouge, ou mieux, de rester dans la zone verte, qui correspond à un traitement acceptable du signal.

De la même façon, vous allez devoir régler le niveau de chacune des pistes afin d’obtenir une harmonie dans les différentes voix, et d’obtenir les focalisations d’attention voulues de la part de votre auditoire. Par exemple, si une voix doit être plus lointaine que les autres, ou une autre plus présente, ou si vous désirez mettre l’emphase sur un moment en particulier, c’est là qu’il faut commencer à le faire (même si, bien entendu, vous avez pu déjà prévoir cela à l’enregistrement).

Le niveau moyen

Pour calculer le niveau sonore moyen de votre mix (votre mélange de sons), on peut utiliser un concept appelé RMS pour Root Mean Square (ou racine carrée moyenne), qui mesure l’intensité sonore moyenne sur un intervalle de 300 millisecondes.

Certains logiciels n’offrent pas cette mesure, mais utilisent la LUFS (ou Loudness Unit Full Scale), qui mesure plutôt l’intensité sonore perçue par l’auditoire, de façon globale, mais instantanée. La différence est donc subtile entre le niveau des crêtes (on peut avoir un niveau sonore moyen faible avec parfois des pics d’intensité sonore très forts) et le niveau moyen, et d’un autre côté, la perception d’intensité sonore.

Le seuil de bruit

C’est le seuil à partir duquel on entend quelque chose dans le « silence » de votre pièce d’enregistrement. Car le silence n’existe jamais vraiment dans une pièce normale. Et il peut y avoir eu des bruits « parasites » enregistrés avec votre voix.

Grouper les pistes par Bus

Alors non, il n’est pas question d’envoyer vos pistes audio faire un voyage en autocar…

Un bus est une tranche de la console de mixage qui regroupe d’autres tranches (donc d’autres pistes) afin de leur appliquer certains réglages en une seule fois (des effets, des modulations, etc.).

  • Les voix dans le Bus 1, que l’on peut renommer « Voix ».
  • Les effets sonores et bruitages dans le Bus 2, intitulé « Bruitages » (je suis d’une originalité folle, vous ne trouvez pas ?).
  • Les musiques dans le Bus 3, que l’on nommera… « Musique ».

Il sera intéressant de faire sortir ces trois Bus vers un quatrième (Bus 4, donc), nommé « Sub-Mix », lui-même branché sur la sortie finale (« Output Stereo » dans mon cas).

Ensuite, il peut être utile de créer des Bus d’entrée depuis chaque piste de voix. Un Bus 5 pour les effets de Reverb, un Bus 6 pour les effets de Delay. Tous les deux iront en sortie vers le Bus 4, le « Sub-Mix ».

Pourquoi créer des bus ?

Parce qu’il vous sera plus simple de faire certains réglages une fois pour toutes les pistes d’une même catégorie, comme de monter le niveau de toutes les voix par rapport à celui des bruitages.

Une fois que c’est fait, vous devriez également avoir une meilleure vision de l’organisation de votre mixage. Pour vous en montrer un exemple, j’ai décidé, dans la version audio de Poker d’Étoiles, d’appliquer une ambiance d’écho particulière lorsque mes personnages évoluent dans ce que j’ai nommé « la Toile », une sorte d’internet interstellaire. J’ai donc regroupé les voix des personnages lors des moments de l’histoire où ils s’y rendent dans un bus dédié, ce qui m’a permis de régler finement le niveau sonore une fois l’effet de Space Design appliqué.

D’ailleurs, dans Logic Pro, j’ai réglé le niveau du potentiomètre rond du bus de Space Design pour déterminer l’intensité de cet effet afin de créer une Toile qui me satisfasse.

Tout cela vous permet de réellement construire un ensemble cohérent avec le minimum de réglages nécessaires.

Les tranches et les effets sonores

Puis, piste par piste, vous pouvez commencer à appliquer quelques autres paramètres pour améliorer la qualité sonore de chacune. Vous remarquerez que chaque piste possède des emplacements, disposés de façon verticale, pour accueillir des effets sonores variés.

Il est important de comprendre que ces emplacements fonctionnent comme une chaîne de traitements appliqués au signal de la piste. Et donc, que leur ordre est fondamental, puisque le premier de la liste sera appliqué en… premier, et que le deuxième sera appliqué sur le résultat qui sortira de ce premier effet. Il n’y aura donc pas le même résultat si vous appliquez d’abord un effet de gain, puis un effet de noise gate, ou au contraire, d’abord l’effet de noise gate puis seulement celui de gain.

Gain

Pour schématiser, le gain est le volume du signal d’une source sonore à l’entrée d’un circuit de traitement du son. Il est très différent du volume simple, qui est le niveau sonore à la sortie.

Si c’est l’effet sonore que je vous recommande d’utiliser en premier, c’est bien qu’il permet d’amplifier le signal de chacune des pistes de voix de manière à avoir de la matière pour les autres effets ensuite. Et bien évidemment, je ne vous conseille d’appliquer cet effet que sur les voix. En général, la musique et les bruitages sont enregistrés de façon calibrée et avec un gain naturel assez conséquent. De plus, vous voudrez plutôt amplifier les voix, puisque ce sont elles qui sont fondamentales dans un livre audio, non ?

Mon réglage personnel est d’appliquer un gain de +2 dB sur chaque piste de voix.

Noise gate

Là encore, à n’appliquer que sur les voix, pour « nettoyer » votre enregistrement des bruits parasites qui auraient pu s’y glisser. Le noise gate est, comme son nom l’indique, un portail qui laisse entrer ou pas un son en fonction de son intensité (pas de sa fréquence… ça, ce sera le boulot de l’EQ).

En gros, cet effet vous permet de déterminer un seuil d’intensité en dB en deçà duquel tous les signaux sonores seront supprimés. Il faut bien le régler, parce que, si vous allez trop bas, vous allez laisser passer le petit ronflement du ventilateur qui se faisait entendre dans la pièce à côté quand vous enregistriez, mais si vous le paramétrez trop haut, vous allez aussi manger les sons qui dans votre voix sont naturellement plus bas en intensité… et ça risque de devenir vraiment moche pour la compréhension.

Mon réglage personnel est d’appliquer un noise gate de -50 dB sur toutes les pistes de voix. C’est-à-dire que, sur chacune, les sons qui seront inférieurs à -50 dB seront simplement supprimés.

On voit bien l’intérêt d’avoir d’abord appliqué un gain à la piste : ainsi, vous allez « attraper » beaucoup plus de bruits parasites, puisque vous avez augmenté leur volume précédemment.

Compresseur

Ensuite vient donc le temps de la compression audio. C’est une opération qui consiste à amplifier de façon variable le signal qui y entre, de manière à en diminuer l’intensité s’il dépasse un certain seuil. C’est en quelque sorte le « miroir » du noise gate, mais dans les hautes intensités. Un miroir qui, de plus, est déformant, car il ne va pas supprimer les sons, mais en diminuer l’intensité lorsqu’ils dépassent le seuil, et plus ils dépasseront, plus ils seront diminués.

Un compresseur a pour effet d’augmenter le niveau sonore moyen de la piste, tout en en limitant les crêtes.

J’applique cet effet aux seules pistes vocales.

Mon réglage personnel est un seuil (threshold) à -27,5 dB avec un ratio de 1,8:1 et un knee (en français, cela équivaut à une pente de courbe) à 0,7 et une attaque (attack) à 23 ms.

EQ

Enfin, pour chaque piste vocale, un effet d’égaliseur ou EQ.

Un EQ est un réglage qui permet de faire varier le gain de certaines fréquences d’une piste sonore. En clair : vous allez pouvoir faire varier l’intensité des graves et des aigus, donc contrôler le timbre de la voix. Cela implique que vous allez aussi pouvoir faire varier les caractéristiques de la voix enregistrée sur une piste en particulier, donc, dans votre livre audio, cela va renforcer l’illusion d’avoir affaire avec plusieurs personnages différents, éventuellement d’un genre différent du vôtre.

Je vous encourage donc fortement à trouver un réglage d’EQ différent pour chaque personnage, et un réglage bien différent pour la voix de narration. C’est un énorme travail, mais cela sera vraiment payant.

Le « sub-mix »

Une fois que tout cela est fait, vous pouvez vous occuper du « sous-mixage ». C’est une étape où vous allez contrôler le signal sortant, avant son envoi à la tranche de mastering. À ce stade-là, votre mixage est presque terminé. Presque. Il ne vous reste qu’à appliquer un compresseur un peu particulier, que l’on appelle :

Le « limiter »

Pour s’assurer que votre mixage ne dépasse jamais le niveau maximum et ne soit jamais « écrêté », c’est-à-dire que les niveaux excédant 0 dB ne soient coupés brutalement par le haut-parleur qui diffusera votre livre audio, faisant ainsi perdre des informations sonores en plus de produire une désagréable impression de saturation à l’oreille, vous allez de voir prendre les devants. Un limiter, ou limiteur en français, va agir comme un compresseur qui va diminuer le gain des plus hautes intensités de votre « sous-mixage » en les supprimant purement et simplement.

Mon réglage personnel, sur ce limiteur général (car il se situe à la fin de toutes les pistes et les affectera donc toutes en même temps) est le suivant : Gain +3 dB, Release 20,0 ms, Oupout level -3,1 dB, Lookahead 2,0 ms.

Utiliser le Multimètre pour les pics et le RMS

Juste après, dans la même tranche de « sous-mixage », j’ai activé un Multimètre, une console de visualisation des crêtes (peaks en anglais) et du RMS. Cela me permet de réécouter le mixage (ou du moins des morceaux « critiques » de ce mixage) en surveillant les niveaux que je me suis fixés comme cible. Et en fonction, j’interviens à un endroit ou à un autre de la chaîne précédente des effets et des réglages. Ce seuil, dans mon cas, était de -3,1 dB.

Puis, quand je suis assez satisfait, je passe à la dernière étape, qui est la plus complexe à comprendre (en tous les cas pour moi).

Le mastering

La notion de mastering est un peu difficile à appréhender, en effet. Il s’agit, une fois le mixage effectué, de préparer le résultat à une diffusion en faisant en sorte que tous les appareils possibles puissent le lire avec un maximum de fidélité et d’efficacité.

Ce processus est complexe et fait intervenir des notions que je maîtrise peu, mais qui affinent les pics et le RMS, via un EQ global.

Ça tombe bien, Logic Pro possède un module qui automatise ce processus pour moi.

Il suffit que je me fixe une limite de peak, c’est-à-dire de hauteur de crête maximale, et que je joue avec les réglages du module, pour obtenir ce que je désire. Dans mon cas, en me basant sur les exigences de la plateforme Findaway Voices, dont nous parlerons dans le prochain épisode de cette série d’articles, je me suis fixé une limite de crête à -3,1 dB.

Il me semble plus simple de vous livrer une vidéo en français qui détaille un peu l’utilisation de ce module automatique.

Si vous travaillez avec un autre logiciel de montage audio, par contre, je n’ai pas vraiment de trucs ou astuces à vous donner, car, encore une fois, je ne suis pas ingénieur du son. D’autres ressources en ligne vous aideront sans doute.

Choix du papier, choix du format audio

Lorsque tous les réglages sont faits, vous avez accompli le plus difficile : l’équivalent de la mise en page pour un livre papier. Mais tout n’est pas fini, car une fois votre maquette obtenue, et pour continuer sur la métaphore du livre papier, il vous reste à choisir la qualité du papier et le type de reliure que vous voulez pour votre livre audio.

Et comme nous l’avons vu pour ses équivalents imprimé et numérique, vous pouvez aussi choisir plusieurs finitions pour un même texte.

Un livre audio est avant tout un ensemble de données numériques, à notre époque, puisqu’on ne peut pas le faire tenir sur un disque vinyle ou même un CD classique, sauf pour un texte très très très court.

Le choix va donc porter, comme pour du papier, sur la qualité de votre support, cette fois-ci numérique. Voulez-vous un papier haut de gamme avec une belle reliure, et donc un format de fichier qui préserve le plus la qualité audio, mais avec un poids de fichier beaucoup plus important, donc un besoin de stockage fort et un appareil peut-être plus puissant pour le lire ? Ou bien voulez-vous quelque chose de plus abordable, mais avec une qualité audio plus faible, donc comme un papier meilleur marché et une reliure brochée simple ?

Nous allons passer en revue les formats informatiques que vous pouvez choisir en fonction de ces contraintes : qualité de la restitution audio et, corollaire négatif, poids du fichier et nécessité d’un appareil perfectionné pour le lire.

Première possibilité, les formats non compressés, comme l’ALAC (Apple Lossless Audio Codec) et sa version libre, le FLAC (Free Lossless Audio Codec). Ils ont la qualité la plus haute, mais avec un poids de fichier effrayant, de plusieurs giga-octets (Go) par heure d’audio, presque aussi haut qu’une vidéo. Très honnêtement, ils ne sont utiles que pour constituer un master, c’est-à-dire une matrice à partir de laquelle produire les fichiers destinés à la diffusion, une matrice que vous garderez comme archive, bien au chaud. Car un livre audio ne nécessite pas une qualité sonore aussi importante qu’un morceau de musique. Sa dynamique sonore n’est pas énorme, et les fréquences sont moins variées. Une compression informatique avec perte d’information ne lui sera absolument pas préjudiciable. D’autant plus que c’est déjà le cas pour la musique elle-même, alors qu’elle demande une plus grande fidélité.

Deuxième possibilité, à l’autre bout du spectre, le format audio de compression avec perte d’information le plus populaire, le MP3. Sa compression est très forte, et sa diffusion très large vous garantit que votre auditoire sera toujours capable de lire votre livre audio avec la plus grande facilité et la plus grande accessibilité. Il a la qualité audio la moins forte, mais encore une fois, même la musique se sert du MP3. Il suffit, pour que la qualité soit professionnelle et le confort d’écoute maximal, que vous preniez bien soin de choisir un débit qui sera au moins de 192 kbit/s (ou kilobits par seconde) lors de l’encodage.

Il existe cependant une option intermédiaire, le M4A, qui est un format audio basé sur le MPEG4 ou MP4, successeur du MP3 avec un algorithme d’encodage beaucoup plus performant. Il permet d’obtenir une perte d’information moindre pour le même taux de compression. Autrement dit : pour le même poids de fichier, vous aurez une meilleure qualité, ou pour une même qualité, un fichier de plus petite taille. L’inconvénient de ce format : il ne peut être lu que par des appareils assez récents, et beaucoup de vos auditrices & auditeurs risquent de ne pas pouvoir entendre votre histoire.

Enfin, un format très particulier a été créé par Apple il y a des années, spécialement pour le livre audio, le M4B. Comme vous pouvez vous en douter, c’est une variante du M4A dont le B signifie book, pour livre. Son avantage : alors que tous les autres formats vous obligent à créer un fichier par chapitre et à les regrouper dans un dossier pour naviguer facilement de l’un à l’autre en fonction de votre lecture, le M4B rassemble tous vos chapitres en un seul fichier avec des marqueurs permettant à votre auditoire de trouver un chapitre en particulier, et même, comme dans un véritable livre papier ou numérique, de mettre des marque-pages pour ne pas perdre l’endroit précis où il a arrêté d’écouter l’histoire. C’est le format le plus abouti… mais également le moins répandu, car il n’est lisible que par certaines applications très limitées… Le plus compliqué est encore de créer un fichier M4B correct. Pour cela, personnellement, je me sers de Audiobook Builder.

À vous de faire un choix.

Pour ma part, j’ai longuement hésité, et j’ai tranché : j’encode mon master en ALAC, et je diffuse mes livres audio sous deux formats différents, une archive ZIP contenant les fichiers MP3, et un fichier M4B. Ainsi, mon auditoire peut choisir entre un format populaire d’assez bonne qualité (le MP3 encodé en 192 kbit/s) et un format plus pratique et plus « livresque », mais qui ne peut pas être lu avec toutes les applications.

Un livre, pas juste des fichiers

Pourtant, même lorsque vous avez obtenu vos fichiers encodés dans le bon format, celui que vous avez choisi, vous n’avez pas encore fabriqué un véritable livre audio. Parce qu’un véritable livre audio c’est avant tout un livre. Et pour que vos fichiers deviennent un livre, il leur manque deux choses importantes : une couverture, et des métadonnées. Les deux sont d’ailleurs liées (ou reliées…) puisque la couverture est une des métadonnées de vos fichiers.

Mais que sont ces fameuses métadonnées ?

Nous en avons un peu parlé lorsque nous avons vu les étapes de publication des livres papier et des livres numériques.

Les métadonnées sont l’ensemble des informations qui permettent de classer votre livre : le nom de l’auteur ou de l’autrice (dont… votre nom), le titre du livre, le nom de l’éditeur, le numéro du tome dans la série s’il y a lieu, la couverture…

Ce sont des informations qui ne sont pas réellement une partie de l’histoire, mais qui forment l’enveloppe de votre livre. C’est pourquoi j’ai l’habitude de dire que c’est son corps, son identité. Si le livre audio avait existé il y a cinquante ans, ces métadonnées auraient été inscrites sur la pochette du vinyle, ou sur le boîtier du CD, dans la jaquette, ou au dos. Comme un livre audio est immatériel, de nos jours, ces informations sont codées dans le fichier lui-même, et apparaissent dans l’application de lecture.

Mais pour les y intégrer, vous devrez utiliser soit les facultés d’édition de votre logiciel audio (Logic Pro le fait pour le format MP3, dont les métadonnées sont intégrées dans ce que l’on appelle des balises ID3), soit une application spécialisée. Pour ma part, je me sers d’un logiciel pour Mac appelé sobrement Meta, de Nightbirdsevolve, mais qui n’a rien à voir avec le réseau dyssocial du même nom. Il est très simple et vous permet d’éditer facilement toutes les métadonnées imaginables sur tous les fichiers audio imaginables.

Les métadonnées

Les métadonnées essentielles que vous devez encoder dans vos fichiers sont les suivantes : Artiste, Titre, Album, Année, Numéro de la piste, Nombre de pistes, Genre, Langue, Date de publication, Durée, Éditeur, Copyright, Crédits, Site web, DRM (s’il y a lieu, mais je vous conseille de ne pas implémenter de DRM dans vos livres audio), Licence DRM.

Et bien évidemment :

La couverture

Vous avez déjà créé une couverture pour votre livre au format papier et au format numérique EPUB. Il est désormais temps d’adapter cette couverture pour le format audio. Par convention venant du monde du podcast, la couverture d’u livre audio est basée sur une image carrée. Cela vient-il de la pochette des CD et, avant elle, de celle des vinyles ? C’est mon hypothèse.

Quoi qu’il en soit, ce changement de ratio dans l’image va peut-être vous demander une petite adaptation du design que vous aviez créé pour les autres formes de votre ouvrage.

Pour l’exemple, voici les différentes couvertures de Poker d’Étoiles.

Il ne reste plus qu’à écouter… puis à diffuser !

Oui, parce que, maintenant que vous avez enfin terminé la forme audio de votre livre, il faut que votre lectorat… votre auditoire… puisse le trouver et l’acquérir.

Ce sera la dernière étape de notre voyage.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Le Serpent à Plume ouvre sa propre librairie… virtuelle

Le Serpent à Plume ouvre sa propre librairie… virtuelle

Le Serpent à Plume ouvre sa propre librairie… virtuelle

by Germain Huc | Fév 9, 2025 | 0 comments

À première vue, d’aucuns pourraient juger que la décision d’ouvrir un espace numérique de vente de mes livres sur le Nid du Serpent à Plume soit un contresens, voire ramer à contre-courant de l’air du temps, ou pire, commettre une erreur tragique. Il est vrai que, si l’on se fie à l’actualité récente en ce début d’année 2025 dans le milieu des littératures de l’imaginaire, on a de quoi ressentir une pointe de frilosité : après le piratage de leur site en novembre-décembre, les éditeurs bien connus des Moutons électriques, qui publient rien moins que tous les écrits de Jean-Philippe Jaworski, ont annoncé qu’ils mettaient la clef sous la porte. Cela fait suite à la renaissance in-extremis d’une autre maison d’édition historique du genre, ActuSF, en 2024, après plusieurs mois d’incertitude.

Comme lecteur, je ressens cette fermeture comme une perte cruelle. Le travail des maisons d’édition dans l’imaginaire, notamment des petites maisons indépendantes comme l’étaient Les Moutons électriques, est indispensable à la diffusion du genre.

Malgré mon clair militantisme pour l’indépendance et la réalisation de livre par les auteurs et les autrices elles-mêmes depuis l’ouverture de ce Nid virtuel, je sais que la vitalité de l’imaginaire francophone tient pour une grande part à l’édition traditionnelle et à des maisons comme Les Moutons électriques, L’Atalante, ActuSF, La Volte, et j’en passe.

Alors quoi ? Dans un paysage politique et médiatique de plus en plus tendu, où la culture est malmenée, où les idées d’extrême droite ont non seulement droit de cité, mais sont surtout en passe de gagner contre l’Humanisme qui me tient tant à cœur, où les seules œuvres qui surnagent sont celles qui ont une force de frappe médiatique conséquente, celles qui ont une présence sur les réseaux dyssociaux, celles qui sont adaptées par Netflix et consorts ou qui possèdent un lectorat-auditoire déjà bien installé, il faudrait donc baisser les bras et se résigner ?

Ce n’est pas dans ma nature.

Ce n’est pas dans ma culture.

Si je dois rester largement méconnu — et c’est avec certitude ce qui sera mon destin d’artiste — ce ne sera pas faute d’avoir tracé mon chemin, porté haut mes valeurs, comme les Chevaliers de la Table ronde les couleurs d’une Dame. L’une de mes citations fétiches est extraite de la pièce Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand. La voici :

CYRANO

[…]

Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais !

Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !

Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !

Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là ! Vous êtes mille ?

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !

Le Mensonge ?

[Il frappe de son épée le vide.]

Tiens, tiens ! Ha ! Ha ! les Compromis,

Les Préjugés, les Lâchetés !…

[Il frappe.]

Que je pactise ?

Jamais, jamais ! Ah ! te voilà, toi, la Sottise !

Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

[Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant.]

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !

Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose

Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

Mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tache,

J’emporte malgré vous,

[Il s’élance l’épée haute.]

Et c’est…

[L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.]

ROXANE, [se penchant sur lui et lui baisant le front]

C’est ?…

CYRANO, [rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant]

Mon panache.

Ainsi donc, l’air du temps est à la concentration des pouvoirs, aux plateformes et aux monopoles. Tout cela ne me plaît guère. Mais je crois qu’il peut y avoir de la place, une place minuscule, une place dans les marges, pour une autre façon de faire. La Toile a encore un certain pouvoir, même (et surtout) si nous refusons de nous plier aux algorithmes.

Toute une autre tendance de notre époque est à la décentralisation, à la déconcentration.

Certes, le risque en est la fragmentation, la dilution.

Mais c’est aussi le gage de l’indépendance.

Il se trouve que, depuis quelque temps, la fréquentation de ce Nid Virtuel recommence à monter. Est-ce par la diffusion des Consultations extraordinaires ? Je ne sais. Mais je pense qu’il est bien plus efficace et authentique de proposer mes œuvres directement ici que sur une plateforme. De plus, moi qui, pour le moment, ne me déplace pas en salon littéraire (les raisons en sont principalement : un métier principal qui me prend beaucoup de temps, une vie personnelle que je ne veux pas sacrifier, la priorité donnée à la création elle-même), j’ai peu de contacts avec mes lecteurs et mes lectrices. Et j’avoue que cela me manque.

Ouvrir un espace de vente directe de mes œuvres ici ouvrira peut-être à plus de commentaires, plus d’échanges. Ou pas. Je n’ai pas une communauté assez large pour ouvrir un serveur Discord, alors je pense qu’il est d’abord utile de donner à voir ce que je fais ici.

La boutique

Cependant, si vous me suivez depuis quelques années, ou que vous avez suffisamment lu d’articles ici, vous devez vous douter que je ne vais pas ouvrir une boutique classique. Oui, je le sais, cela risque donc de ne pas «marcher» aussi bien que si je faisais les choses selon ce que l’on trouve déjà ailleurs, selon ce qui est conseillé ou prescrit, habituellement.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, je cherche plus à construire quelque chose qui me ressemble qu’à appliquer ce qui est censé marcher. Car, si l’on y réfléchit, pouvons-nous citer un exemple d’un écrivain qui vive de la vente de ses livres sur un site internet ? Ou même sur des plateformes numériques ? Personnellement, j’en suis bien incapable, et pas seulement parce que les chiffres de ventes restent toujours un secret. C’est juste parce que cela n’existe pas. Ou pas encore…

Je suis donc déterminé à intégrer ma «boutique» dans l’univers du Serpent à Plume.

D’abord, cela ne se nommera pas une boutique. Comme écrivain, je suis persuadé du pouvoir des mots et notamment du pouvoir des Noms. C’est d’ailleurs une des constantes de mes univers imaginaires, où la magie, le surnaturel, le pouvoir que mes protagonistes ont sur leur monde ou leur réalité leur vient de leur connaissance des mots. De même, les noms de mes protagonistes ne sont jamais innocents, ils ont toujours une signification et un rôle dans le récit.

Il n’y a donc pas de raison que l’endroit de ce Nid Virtuel où vous pourrez acheter mes œuvres échappe à la règle.

Cet endroit se nommera La Grande Bibliothèque.

Une référence à celle d’Alexandrie, bien évidemment.

Mais aussi une simple salle dans la section plus large, déjà existante, de la Caverne du Serpent, la section des Merveilles à télécharger.

Je vois cette Grande Bibliothèque comme partie d’un continuum entre les différentes créations que je libère dans le grand monde : les petites astuces que je publie dans des articles, les modèles que j’offre (modèles pour des logiciels que j’utilise, par exemple), les univers de jeu de rôle auxquels je donne accès aux Ptérophidiennes & Ptérophidiens, les personnes abonnées à ma lettre d’écaille & de plume, et tout ce que je donne à mes Mécènes sur Patreon (comme les livrets des épisodes de ma podfiction, Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux).

C’est ainsi que la Grande Bibliothèque, si elle reste la première étape dans l’exploration de la Caverne du Serpent, n’en est que l’entrée, et qu’il reste possible de découvrir d’autres salles sans s’y arrêter.

Pour autant, c’est là que vous trouverez ce qui m’est le plus précieux.

Il y aura pourtant une autre entrée, mise en avant lors de l’accès à la page principale du site et qui se fera vite oublier si vous continuez vers le bas de la page.

Pourquoi seulement les versions numériques et audio ?

Alors que je clame haut et fort que je désire être indépendant des plateformes, je laisse les versions papier de mes livres en vente sur Books on Demand, et je ne les propose pas ici, ce n’est pas logique.

Outre que la vente par internet de produits physiques est beaucoup plus complexe que la vente de produits numériques (ce que sont les versions électronique et audio), donc pas forcément ce dans quoi je veux me lancer au tout début de l’ouverture de ma librairie virtuelle, je voudrais aussi, pour le moment du moins, privilégier la vente via des librairies physiques. Car, bien sûr, l’une des forces de mon partenariat avec BoD reste la possibilité pour vous de commander mes ouvrages par l’intermédiaire de votre libraire de chair et d’os préféré. Cela vous permettra de soutenir les petites librairies, entre autres.

Tableau de Petrus Christus, peintre flamand du XVe siècle

Le prix

Alors, je ne gagnerai pas une fortune en vendant mes œuvres, et, de toute façon, là n’a jamais été mon objectif en publiant ce que je crée. Si un prix doit être fixé, c’est que la société dans laquelle nous vivons considère que la valeur de la création, comme la valeur du travail, doit se mesurer en argent ou en or, fussent-ils numériques. Ce qui est gratuit est hélas synonyme de «sans valeur» pour beaucoup d’entre nos contemporains.

J’existe comme artiste, donc je donne un prix à ce que je crée. Et je le fixe librement. Du moins le plus librement possible.

Je déteste les prix en «,99». Je les trouve déloyaux, manipulateurs, trompeurs.

Si je suis contraint d’utiliser de tels prix pour les livres numériques, afin qu’ils puissent être distribués par les plateformes, telles qu’Apple Books ou Kobo, rien ne me force à m’y plier pour les livres audio. Ces derniers ont donc un prix «rond».

Plus encore, je pense que les œuvres numériques, n’ayant pas de matérialité par définition, ne nécessitant donc pas de frais de stockage (si ce n’est un peu d’espace disque), doivent être proposées pour un prix plus abordable que la version papier. Une version audio demande beaucoup de temps pour être produite, c’est vrai. Et cela mérite d’être valorisé par un prix plus haut.

Aussi ai-je décidé de proposer un prix unique pour toutes mes versions numériques EPUB : 5,99 €. Mais aussi un prix unique pour toutes mes versions audio : 18,00 €.

Poker d’Étoiles, le livre audio

Et justement, le déclencheur de toute cette réflexion est l’aboutissement de la production de mon premier livre audio, à partir du texte de mon premier roman, Poker d’Étoiles. Plein d’enthousiasme après mon expérience dans la podfiction avec Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux, j’ai décidé de transposer ce que j’avais appris de nouveau à mes projets de livres audio. Et j’ai passé beaucoup, beaucoup de temps à peaufiner cette version d’un peu plus de dix heures d’écoute. Avec quelques effets sonores (assez peu, finalement), mais aussi et surtout un travail plus approfondi sur le contrôle de l’enregistrement et sur le mixage.

Une fois le livre audio terminé, je me suis naturellement demandé comment le faire naître dans le vaste monde.

Il était évident pour moi que j’allais éviter Audible, bras armé d’Amazon dans le commerce des livres audio, parce que je veux promouvoir un autre modèle, et que mes valeurs n’entrent pas en résonance (c’est le cas de le dire) avec celles du géant américain. J’aurais pu me tourner vers les plateformes qui distribuent déjà les autres formats de mes livres, comme BoD ou 7Switch. Mais j’ai réfléchi au fait que la distribution directe pouvait aussi avoir tous les avantages que je vous présente un peu plus haut, plus certains autres.

En ce XXVe siècle où les humains ont colonisé d’autres systèmes solaires, Sean et Eddy survivent de parties de poker et de contrebande, grâce à leur audace et à Démosthène, la très susceptible Intelligence Artificielle qui pilote leur vaisseau.
Alors que Sean vient de perdre une nouvelle partie de poker, une jeune femme apparaît littéralement dans sa vie, lui transmettant à la fois des ennemis sans scrupules déterminés à l’éliminer, une responsabilité aux dimensions du cosmos et un amour qui le mènera à trouver sa place dans cet univers.

Format de fichier

m4b, mp3

Durée de lecture

10:00:48

18,00 

Ptérophidiens & Mécènes

Car, en France, le prix d’un livre physique ou numérique est fixé une fois pour toutes, et il n’est donc pas possible de consentir des rabais, sauf pour les livres audio, qui sont pour l’instant dans un vide juridique.

Cela me permet de faire une chose impossible pour les versions numériques (et a fortiori pour les versions papier) : récompenser la fidélité de celles & ceux qui me suivent depuis longtemps avec un peu plus qu’un rabais de 5 %, le seul qui soit autorisé pour les formats plus «anciens».

D’abord, j’avais envie de récompenser mes correspondants, celles & ceux qui lisent et parfois répondent à ma lettre d’écaille & de plume, ce long message que j’envoie tous les trois mois, les 1er février, 1er mai, 1er août et 1er novembre de chaque année, dates des anciennes fêtes celtes d’Imbolc, Beltaine, Lughnasadh, et Samhain. Lors de ces échanges, je livre certaines de mes réflexions sur… sur beaucoup de sujets en fait. Principalement sur ma façon de créer, ma vision de l’art, mais aussi sur beaucoup d’autres sujets qui m’ont touché dans les trois mois passés. J’y déroule aussi toutes les découvertes culturelles ou scientifiques que j’ai faites durant le trimestre écoulé, mes coups de cœur musicaux ou littéraires. Et j’ai la chance d’avoir de véritables correspondances avec plusieurs de ces personnes. Certaines me suivent d’ailleurs depuis plusieurs années.

Et j’avais donc envie de les remercier, avec une réduction de 20 % sur la version audio de Poker d’Étoiles, via un code de réduction à utiliser dans la Grande Bibliothèque.

Ensuite, malgré la confidentialité de ce que je crée, j’ai décidé d’ouvrir une page sur Patreon, la plateforme de micromécénat, certes américaine, mais bien mieux positionnée éthiquement que son équivalent français, dont je ne citerai même pas le nom.

J’ai peu de Mécènes, mais leur geste me touche suffisamment pour que je décide de leur offrir la version audio de Poker d’Étoiles, via là encore un code de réduction à utiliser dans la Grande Bibliothèque. Oui. Leur offrir.

C’est ma façon de les remercier.

Les portes de la Grande Bibliothèque s’ouvrent

Le Gardien vous attend.

Demandez-lui ce que vous cherchez, et, en bon bibliothécaire, il vous le trouvera.

Suivez-moi vers la Grande Bibliothèque

Devenez Mécène

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux

Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux

Pourquoi il est maintenant devenu vital de quitter les réseaux dyssociaux

by Germain Huc | Jan 27, 2025 | 0 comments

De quoi et de qui parlons-nous ?

Lorsque j’écris cet article, en janvier 2025, internet est principalement dominé par des plateformes clamant être des «lieux d’échange et de libre expression» où l’on est censé pouvoir discuter avec d’autres humains sur tous les sujets que nous voulons, sans frontières et sans jugement.

Ça, c’est l’affichage.

La réalité est toute autre.

En réalité, ces plateformes sont de gigantesques entreprises commerciales captant les conversations des personnes qui y sont inscrites pour nourrir des algorithmes qui biaisent lesdites conversations, dans le but de garder l’attention desdites personnes le plus longtemps possible, afin de leur montrer des textes ou des images ciblées à l’aide des profils de personnalité construits à partir des données récoltées.

Ces textes et images ciblées peuvent être des publicités à visée commerciales réalisées au profit d’entreprises qui payent les plateformes, mais peuvent également être des fausses informations, des rumeurs, de la propagande politique ou idéologique.

Le point commun est cependant de manipuler le comportement des personnes qui utilisent ces plateformes.

Voici pour le «quoi».

Intéressons-nous donc à «qui», à travers un inventaire.

À tout seigneur, tout honneur : commençons par les fondateurs.

Facebook, qui a également avalé Instagram et WhatsApp, puis a créé Threads, et les a regroupés dans un sac appelé Meta. Jusqu’à il y a peu, la manipulation était commerciale, avec des publicités que même vous ou moi pouvions acheter afin de toucher de quelques centaines à plusieurs milliers d’individus, et des publicités de propagande, servant les intérêts d’acteurs politiques qui, eux, achetaient l’accès à des millions de personnes. Par exemple, la société Cambridge Analytica a utilisé la plateforme pour influencer le vote de centaines de milliers de personnes lors des élections américaines de 2016 et du referendum britannique sur le Brexit. Mais le fond restait commercial, car Meta elle-même n’avait pas d’autre but que son propre profit financier. En 2025, suivant l’exemple du Twitter d’Elon Musk (voir juste un petit peu plus bas), Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et pionnier de ces réseaux dyssociaux, décide de donner dans la propagande idéologique en autorisant les propos haineux envers certaines catégories de personnes (femmes, transgenres, entre autres) et de favoriser la diffusion de mensonges en arrêtant toute modération des propos et images sur ses plateformes.

Twitter, rebaptisé selon l’antépénultième lettre de l’alphabet latin par son nouveau propriétaire Elan Musk, s’est transformée de l’agora d’invectives et de harcèlement qu’elle était déjà avant son rachat, en outil de propagande viriliste, xénophobe, obscurantiste (promouvant des propos et idées antiscientifiques), complotiste, au service d’un seul. Le tout-puissant algorithme de la plateforme est ainsi le maître pour tous ses utilisateurs, sauf pour son propriétaire, unique personne au monde à pouvoir décider de montrer ses tweets à l’ensemble des captifs de la plateforme.

YouTube, depuis très longtemps propriété de Google dans le gigantesque conglomérat Alphabet, augmente d’année en année la dose de publicité qu’il impose à toutes les personnes qui y regardent n’importe quelle vidéo, et force sans que l’on puisse s’y opposer la lecture automatique d’autres vidéos déterminées par l’algorithme.

Mais d’autres se sont ensuite construits sur les mêmes modèles.

TikTok, entreprise soumise à la loi chinoise et dont les données sont donc toutes traitées sur le sol de l’Empire du Milieu, vise autant à faire de l’argent qu’à d’autres objectifs qui pourraient être décidés par les autorités d’un pays où la démocratie n’a pas le même sens que dans notre culture.

Snapchat, réseau au départ censé permettre la disparition automatique des messages envoyés, s’en sert pour cibler de la publicité.

Je ne compte pour le moment pas Bluesky ni Mastodon dans cette liste, leur caractère dyssocial n’étant pas établi, par jeunesse pour le premier et par conception pour le deuxième.

Pourtant, même ces deux exceptions ne trouvent pas beaucoup grâce à mes yeux, car Bluesky est centralisé, pour le moment uniquement maintenu par son entreprise d’origine, dont l’objectif reste le profit, et les deux solutions ont en commun avec toutes les autres, y compris les toxiques, de nous engager à rester concentrés sur leur flux (et ce, même si Mastodon a abandonné le flux infini).

Bref, vous l’aurez compris, je crois que, loin de nous libérer, ces outils nous emprisonnent individuellement et collectivement. Ils nous tiennent captifs. Mais nous en sommes bien les complices.

De la servitude volontaire (à l’ère numérique)

Je vous engage à relire ce petit texte du XVIe siècle qu’est le traité Le discours de la servitude volontaire, d’Étienne de la Boétie. Il suffit de remplacer quelques mots pour y lire une description parfaite de la situation dans laquelle nous sommes cinq siècles plus tard face aux réseaux dyssociaux.

L’argument le plus percutant de ce livre est la façon dont il démonte la mécanique de l’aliénation : le fait simple que le règne d’un tyran ne tient que parce qu’il enrôle d’autres personnes dans la même fonction, à une échelle plus petite, et que ces personnes feront de même à leur tour, et ainsi de suite.

Cette mécanique implacable est à l’œuvre dans nos rapports avec les réseaux dyssociaux d’une façon si évidente que nous ne le voyons même pas.

Car nous devenons, du simple fait d’avoir des followers ou d’être un follower nous-mêmes, non seulement captifs de ceux qui nous suivent et de ceux que nous suivons, mais aussi leurs geôliers. En effet, nous ne pouvons pas partir du réseau, car nous avons peur de perdre le contact avec eux, et eux ne peuvent pas partir, car ils ont peur de perdre contact avec nous.

Les victimes sont elles-mêmes des bourreaux.

Les consommateurs deviennent des dealers.

Et tout ce beau monde est prisonnier du système pervers qu’il nourrit.

Volontairement.

Parce que, bien évidemment que nous pouvons partir. Qu’est-ce qu’un réseau dyssocial comme Twitter ou Facebook, en fait ? Un annuaire où nous savons trouver des gens pour échanger avec eux. En y réfléchissant, vous connaissez forcément des moyens d’interagir avec ces gens autrement, avec d’autres moyens de communication. Là, comme ça, au débotté, on peut en trouver quatre : une adresse mail, un numéro de téléphone, une autre application de contact respectueuse, elle, de la vie privée, comme Signal, ou un rendez-vous dans un bar. Ce qui nous retient, en réalité, c’est la peur.

Et c’est pourquoi nous ne voulons pas partir. Parce que nous avons peur de ne pas trouver de clients autrement, parce que nous avons peur de rater des informations importantes, parce que nous avons peur de devenir invisibles dans un monde où la visibilité est devenue vitale, etc.

Si l’on pousse très honnêtement jusqu’au bout les raisons de ce refus de changer, on trouvera, au-delà des fausses excuses que nous pouvons servir à nous-mêmes comme aux autres, la simple habitude. C’est tellement plus simple, facile et confortable de ne pas changer, de ne pas risquer.

Car changer implique une prise de risque, donc du courage.

Bien sûr que, si nous sommes seuls à partir des réseaux, cela ne changera rien, et qu’il faudrait être des milliers, voire des millions, à le faire pour que ça fonctionne. Et personne ne le fera, si ?

Et bien, retournons l’argument.

Si personne ne lance le signal de départ, comment donc les millions d’autres vont-ils avoir ce signal ?

«Un chemin d’un millier de li commence par un seul pas», dit un proverbe chinois sans doute inventé.

Ce pas, c’est à nous de le faire, sinon, rien ne changera, de cela nous pouvons en être certains. Et nous n’aurons plus la légitimité pour nous plaindre de ce que nous aurons choisi en conscience de perpétuer, auquel nous aurons choisi de collaborer, comme des complices.

Cela implique un certain courage et de faire des deuils.

Mais je vais vous faire un aveu : être en dehors des réseaux dyssociaux m’a rendu à moi-même, beaucoup plus que les «deuils» que j’ai eu à accomplir pour m’en sortir ne m’ont blessé.

Alors, si ce qui précède ne vous a pas convaincu, j’ai d’autres arguments à faire valoir. Des raisons qui pourraient faire pencher votre balance intérieure.

Les raisons égoïstes et pourtant légitimes

D’abord, quitter les réseaux dyssociaux vous sera profitable à vous, soyez-en sûrs et certaines.

Se libérer du temps (de cerveau disponible ou physique)

Vous ne serez plus un zombi faisant défiler les posts de façon automatique sans vous rappeler du dixième de ce que vous avez vu. On prétend que les réseaux nous apportent de l’information. C’est se mentir. Pouvez-vous citer réellement une information qui vous a marqué dans le dernier scrolling que vous avez passé une heure à effectuer ? Je veux dire, une véritable information, qui valait le temps que vous avez passé à voir des mêmes, des photos de chats, ou des insultes ? Je parie que non. Mieux : savez-vous combien de temps vous passez chaque jour sur ces applications à faire défiler des centaines de messages qui ne vous apportent rien ?

Et bien, quelle que soit la réponse, imaginez que vous pourriez utiliser ce temps à bien d’autres choses : discuter avec des amis en chair et en os, lire un bon bouquin, ou en écrire un, qui sait ? Vous pourriez même aller faire du sport, prendre soin de vous ou de vos proches…

Se libérer une capacité à réfléchir par soi-même

Je vous ai parlé plus haut du scandale de Cambridge Analytica. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg. Les réseaux dyssociaux sont le terrain de jeu de personnes qui veulent vous influencer. Je ne parle pas seulement des influenceurs, qui affichent clairement la couleur. Non, eux, au moins, ils disent ce qu’ils font. Je parle plutôt de toutes ces manipulations cachées de l’algorithme qui orientent les messages que vous voyez apparaître dans votre fil, en fonction de ce qui retiendra le plus votre attention, pour modifier subtilement vos comportements. Qu’ils soient électoraux, commerciaux, ou même personnels.

Car vous ne choisissez pas ce que vous allez voir.

C’est l’algorithme qui choisit pour vous. Toujours de façon orientée.

Et si vous croyez que vous allez voir les publications des gens que vous suivez… vous êtes bien naïfs.

Tous les algorithmes, en tête celui d’Instagram, amputent votre fil de certaines publications auxquelles pourtant vous êtes abonné. Chez Meta, la proportion de ce que vous manquez peut aller très loin.

Vous sortir de ces réseaux vous permettra de réellement choisir ce que vous voyez, et de vous faire réellement une opinion, car, de plus, vous échapperez aux mensonges éhontés ou non, qui tentent de vous manipuler.

Se libérer des trolls

Vous n’avez pas pu y échapper.

Les trolls existent véritablement dans notre monde. Ils ont leur royaume sur internet. Et leurs cavernes sont les gouffres puants des réseaux dyssociaux.

Toujours prêts à critiquer ce que vous faites ou dites, ils utilisent la mauvaise foi, les insultes, les mensonges, le harcèlement. Parfois la violence physique, même.

Quitter ces grottes ne vous empêchera pas d’en croiser un ou deux de temps à autre sur un blog, en commentaire d’articles. Mais cela vous épargnera la multitude de leurs semblables qui hante les réseaux. Vous pourrez donc, lorsque ce sera le cas, presque en rire, et il vous sera plus facile de les berner pour attendre patiemment que les rayons du soleil viennent les pétrifier dans leur bêtise crasse.

Se libérer des bots

Savez-vous qu’une partie des comptes que vous suivez a de grandes chances d’être en réalité constituée par des bots ? Des programmes informatiques, parfois téléguidés par des sociétés ou des États, de manière à vous influencer ? L’explosion des IA génératives du type de ChatGPT a encore considérablement augmenté la proportion de ces faux comptes que vous prenez sûrement pour de véritables personnes de chair et d’os… et qui ne sont en réalité que des imposteurs.

Avant le rachat de Twitter par Elon Musk, le chiffre de 5 % de faux comptes ou de bots était avancé par la plateforme. Musk, sans preuve, avait argué qu’ils seraient plutôt 20 %. Mais admettons que 5 % soient vrais, cela veut dire que sur 100 comptes que vous suivez, 5 sont faux et que vous ne le savez pas…

Je ne sais pas vous, mais moi, ça me ferait peur.

Se libérer (un peu) de la publicité

Vous n’avez pas pu manquer de le remarquer également : les réseaux dyssociaux sont remplis de publicité. Jusqu’à prendre la place des posts des gens que vous suivez. La proportion de messages publicitaires par rapport aux messages des gens que vous suivez est parfois énorme.

Partir des réseaux dyssociaux vous libérera d’une partie de ces annonces non sollicitées.

Bien sûr, le reste de la Toile est aussi colonisée par la publicité. Mais une source de moins ne vous ferait-elle pas du bien ?

Retrouver le plaisir d’échanger

La meilleure raison de quitter les réseaux dyssociaux reste pour moi de retrouver une qualité d’échange avec d’autres personnes dont vous ne vous souvenez même pas, avant les flame-wars, les insultes et les incompréhensions.

L’algorithme est dirigé pour maximiser vos interactions négatives, afin de vous faire rester le plus longtemps possible et de vous exposer le plus possible à la publicité. Il est aussi orienté pour favoriser les discours clivants, souvent haineux, insultants ou provoquants.

Il est sain de ne pas avoir les mêmes opinions, car, à l’image de ce qui se passe dans la nature, la diversité est gage de survie : plus il y a d’opinions et plus des idées intéressantes peuvent être à disposition pour résoudre un problème, tout comme une diversité génétique importante permet à une espèce de mieux s’adapter à des changements d’environnement.

Mais diversité ne veut pas dire combat à tout prix !

La discussion peut et doit être constructive.

Mais à trois conditions qui sont rarement réunies sur les réseaux : l’honnêteté intellectuelle et le respect et la prise en compte réelle des arguments de l’autre, en acceptant de pouvoir se remettre en question de bonne foi.

Une combinaison totalement contraire aux pratiques des réseaux dyssociaux, de par leur conception elle-même.

Les quitter vous permettra de discuter à nouveau sereinement avec les gens que vous croiserez dans la rue ou même sur des blogs, car votre visibilité ne dépendra pas du nombre d’insultes que vous lui balancerez à la figure.

Les raisons politiques

Pourtant, au-delà des raisons personnelles qui pourront vous soulager vous-mêmes, il existe bien d’autres arguments qui peuvent motiver votre départ des réseaux dyssociaux. Ce sont les arguments politiques, c’est-à-dire ceux qui touchent à l’orientation que vous voulez donner à la société dans laquelle nous vivons.

Pour cela, je vais présumer que les valeurs qui basent vos opinions, quel que soit votre bord politique, sont celles qui respectent la démocratie.

Encore faut-il définir ce que l’on appelle démocratie. Je me fonde sur la définition historique de cette notion, telle qu’elle est née et a grandi dans le siècle des Lumières. En voici les caractéristiques principales :

  • La prise en compte des opinions différentes des vôtres,
  • La tolérance envers tous les points de vue,
  • Un cadre fixé par ce que l’on appelle l’État de droit, un ensemble de règles dont la plus importante est la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et médiatique.

Ces conditions ne sont par exemple pas réunies dans les dictatures assumées bien évidemment, mais également dans les théocraties (Dieu est au-dessus de la Loi, ce qui est l’inverse d’une démocratie), les soi-disant démocraties populaires (il n’y a qu’une opinion valable, et refus de la pluralité). Elles ne le sont pas non plus dans les soi-disant démocraties illibérales (il n’y existe plus de séparation des pouvoirs).

Si vous n’adhérez pas à ces principes de base, évidemment, mon discours ne pourra que combattre vos idées. Je vous invite donc à passer votre chemin.

Si par contre vous êtes persuadés de leur validité, quel que soit votre bord politique, qu’il soit de gauche, de droite, de l’extrême centre, progressiste ou conservateur, je gage que les arguments qui suivent peuvent vous parler.

Privilégier la discussion longue

Être en démocratie, c’est accepter le débat, et donc la confrontation respectueuse et polie des arguments pour dégager, sinon un consensus, du moins une majorité adhérant à un compromis. Pour cela, chaque partie originellement opposée aux autres va faire un pas dans la direction de ceux avec lesquels elle n’est au départ pas d’accord. Elle va écouter les arguments des autres et, lorsqu’ils sont de bonne foi, toutes les parties vont adapter alors leur vision pour les prendre en compte.

Cela nécessite d’accepter de faire évoluer ses opinions pour prendre en compte en toute bonne foi des idées auxquelles nous n’avions pas pensé seul. C’est l’inverse de vouloir convaincre l’autre, ou de se laisser dicter sa conduite. C’est simplement accepter que seuls, nous ne possédons pas la Vérité. Car le débat est une collaboration.

Pour cela, il faut se laisser de l’espace et du temps.

Il faut aussi savoir réellement écouter l’autre, sans penser uniquement à contredire ses idées ou à rester concentrés sur les nôtres.

Il faut pouvoir déployer des arguments, les examiner conjointement avec les autres parties, qui au départ, ne pensent pas comme nous. Il faut analyser ces arguments, regarder ce qu’ils peuvent apporter de constructif, et les intégrer au corpus commun sur lequel toutes les parties vont se mettre d’accord.

Un processus qui, vous l’avez déjà compris, est l’opposé de ce qui est privilégié sur les réseaux dyssociaux.

Quitter ces silos de guerre permanente entre gens persuadés de détenir LA vérité vous permettra de recommencer à vraiment discuter avec les autres êtres humains.

Même s’il faut pour cela se rééduquer un peu, éviter les punchlines et les raccourcis faciles auxquels nous avons été habitués.

Privilégier la courtoisie

Car il faut aussi réapprendre la courtoisie, la vraie, celle qui consiste à laisser l’autre développer ses arguments, à lui laisser suffisamment de temps de parole ou d’écrit, pour développer sa vision, et voir ce qui peut y être intéressant pour la nôtre.

L’autre est une chance, pas un problème.

Et il est donc logique d’être poli avec lui ou elle. Ce qui implique donc de :

  • Ne pas lui couper la parole,
  • Ne pas l’insulter sciemment,
  • S’excuser si on l’a fait involontairement,
  • Ne pas réfuter ses arguments par principe,
  • Ne pas les dénigrer,
  • Ne pas se laisser guider par ses propres émotions,
  • Considérer son point de vue comme ayant autant d’importance que le nôtre.

C’est-à-dire :

Privilégier la tolérance

Là encore, être tolérant, ce n’est pas accepter n’importe quoi.

On peut être tolérant avec toutes les idées et tous les comportements qui ont la même tolérance envers les autres et qui respectent la Loi, seule habilitée à dire ce qui est permis ou pas.

Ainsi, la «tolérance» que prônent Twitter et son propriétaire n’est en réalité qu’une absence de loi autre que la sienne. N’est pas tolérant celui qui, dans notre pays en 2025, accepte qu’on traite quelqu’un de «malade mental» parce que son orientation sexuelle est différente. Non, cela n’est pas de la tolérance, c’est le contraire, de l’intolérance.

Avec toutes les autres idées, celles qui n’enfreignent pas la loi et sont tolérantes avec les autres idées en retour, nous pouvons être en désaccord, mais nous pouvons les accepter comme faisant partie de la diversité de notre société. Et c’est bien.

Privilégier la qualité

En quittant les réseaux dyssociaux, vous privilégierez donc la qualité de vos échanges avec les autres, et vous contribuerez à promouvoir une forme de société où le débat est possible, souhaitable, apaisé et constructif. Vous diffuserez donc autour de vous cette vision que, ensemble, nous pouvons affronter les problèmes qui se posent à nous, et les régler grâce aux solutions que nous aurons construites de façon collaborative, y compris avec des choses auxquelles nous n’avions pas pensé de prime abord.

Vous deviendrez des influenceurs de démocratie.

Reprendre le pouvoir à ceux qui tentent de régir nos vies

Ainsi, vous confisquerez le pouvoir aux quelques personnes qui tentent de régir votre vie, qu’elle soit personnelle ou politique. Vous serez pleinement dans la discussion publique, la vraie, celle qui fera avancer vos idées, pas celle de quelques milliardaires dont le seul intérêt est le leur.

Reprendre le pouvoir sur la façon dont le monde évolue

Enfin, en quittant les réseaux dyssociaux, vous pourrez prendre votre véritable place dans les décisions qui changent le monde dans lequel nous vivons. Vous aurez une réelle prise sur ce qu’il faut faire pour s’adapter aux changements inéluctables, pour empêcher des catastrophes, pour améliorer la vie, pour construire des projets. Vous aurez un poids, car vous ne serez plus complice de ce que vous refusez.

Comment faire ?

«C’est bien beau, germain, ce discours politique, mais, concrètement, comment on fait pour s’en sortir, de ces pièges ?»

Très bonne question.

Je vais vous donner ma vision de la solution, qui n’est peut-être pas la solution qui vous ira, mais qui sera sans doute, je l’espère, un point de départ pour vous permettre de construire la vôtre.

À mon sens, puisqu’«un voyage d’un millier de li commence par un seul pas», la première chose à faire est de prendre conscience du problème, puis de décider de sortir de ce piège. D’où cet article. Ces deux étapes ne sont pas les plus faciles, car beaucoup d’entre nous vont rester dans le déni («non, ça va, je gère») ou dans l’évitement («mais c’est pas possible pour moi de partir, j’ai tous mes contacts professionnels sur ces réseaux»).

Mais une fois que cela est décidé, alors, pour moi, il existe deux voies.

La première, pour la majorité d’entre nous, qui ne nous servons pas des réseaux pour vendre ou trouver des clients. Elle consiste en trois phases simples :

  1. Annoncer le départ sur chacun des réseaux dyssociaux où vous êtes, éventuellement en expliquant brièvement pourquoi, et en donnant une date, ainsi qu’un moyen de vous joindre ou de vous retrouver ailleurs. Quant à cet ailleurs, voyez plus bas quels sont mes conseils. Cette annonce a de fortes chances d’être bloquée par l’algorithme et de ne jamais atteindre vos abonnés. Alors, je vous conseille de le faire par message privé, à votre rythme si vous avez de très nombreux followers.
  2. Trouver un ailleurs, c’est là le plus complexe. Lisez la section suivante pour voir ce que je propose, sachant que rien n’est parfait et que vous expérimenterez obligatoirement des changements dans vos habitudes, dans les fonctionnalités possibles, et que vous perdrez inévitablement quelques personnes dans votre transition. Mais vous en gagnerez aussi, j’en suis certain. Installez-vous dans ce nouveau lieu, et accueillez peu à peu vos contacts, anciens ou nouveaux. Apprivoisez le fonctionnement et l’ambiance.
  3. Fermez votre compte sur les réseaux dyssociaux au jour choisi et annoncé, en n’oubliant pas auparavant de récupérer les données que chacun a engrangées sur vous (et vous verrez que la somme est proprement gigantesque). Ensuite, vous pouvez profiter de votre nouvelle liberté.

Deuxième voie, pour celles & ceux d’entre nous qui utilisent les réseaux dyssociaux pour vendre leurs créations ou pour tisser du lien. Elle est similaire, à deux détails près :

  1. Votre ailleurs devra obligatoirement vous permettre d’être indépendant. Je pense que les plateformes de micromécénat sont une bonne alternative, comme Patreon, par exemple. Mais vous pouvez également investir Discord, qui vous dédie un espace dont vous serez maître. Le mieux est encore d’interfacer tout cela avec votre propre site ou blog.
  2. Vous êtes peut-être suivie par de très très nombreux followers (genre des milliers ou dizaines de milliers) et faire un message privé à chacune et chacun sera impossible ou coûteux. Vous allez donc devoir ruser avec l’algorithme. Au lieu d’écrire dans le corps du tweet, glissez le message dans une image, ou dans un petit morceau audio. Ou bien organisez un live où vous annoncerez la nouvelle en avant-première.

Par quoi remplacer ?

Si vous tenez vraiment à remplacer un réseau dyssocial par une autre plateforme, alors je vous conseille, comme tout le monde, d’aller sur Bluesky ou sur Mastodon, ou sur toutes les applications du Fediverse.

Mais sachez que la première est également une entreprise privée à but lucratif et que, tôt ou tard, vous serez confronté à beaucoup des défauts que l’on peut reprocher à Twitter et aux autres : extension de la publicité, captation de l’attention pour vous retenir et vous faire visionner ces publicités, contournement de la modération (cela a déjà commencé), invasion des discours complotistes, haineux, mensongers, voire des bots.

Quant à la seconde, son fonctionnement est moins intuitif, mais plus respectueux. Cependant, Mastodon garde en lui une tare originelle : par conception, même si la limite est plus lâche, la discussion est bridée à 500 caractères par message. Il n’est pas possible de réellement discuter en 500 caractères.

La troisième solution est la «moins pire» : pas d’algorithme, pas de publicité, interconnexion, décentralisation, modération assurée par les «instances» elles-mêmes, donc plus réactives.

Mais à mon sens, le rêve d’un forum mondial universel, même sans algorithme, ne pourrait tenir qu’avec une modération sévère. Et c’est là que le bât blesse : aucune modération n’est assez souple ni assez réactive pour intervenir de façon à ce que l’instantanéité de ces réseaux ne soit presque anéantie. Donc, tôt ou tard, les mêmes trolls séviront partout ailleurs, dès qu’une taille critique aura été atteinte par un réseau.

«Alors, par quoi remplacer ces lieux de discussion, hein, Germain ?»

Vous avez bien raison de me poser la question.

Il se trouve que j’y ai déjà répondu dans deux autres articles qui, s’ils datent déjà de quelques années, sont toujours d’actualité, car les solutions qu’ils proposent sont toujours fonctionnelles. Pour vous donner l’eau à la bouche, sachez qu’il est possible de se constituer soi-même un mini-réseau réellement social, en se servant d’outils que je vous présente pas à pas dans ces deux articles, et qui se nomment blogs, sites internet (pour les gens que vous voulez suivre), flux RSS (pour vous permettre de les suivre), et commentaires (pour vous permettre d’interagir).

À mon tour donc, de vous poser une simple question :

Quand allez-vous briser vos chaînes et vous libérer ?

Pour aller plus loin

RSS, sur l’écume des flux & reflux des océans numériques

RSS, sur l’écume des flux & reflux des océans numériques

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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2024

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2024

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2024

by Germain Huc | Sep 8, 2024 | 0 comments

Depuis mon premier article, consacré aux podcasts que j’écoutais en 2020, l’eau des océans virtuels n’a cessé de s’écouler, tout autant qu’elle a passé sous les ponts temporels. J’ai moi-même commis une podfiction, une fiction sous la forme d’un podcast.

Si je continue à en écouter, chaque jour durant mes trajets en voiture, mes chaînes et émissions préférées ont quelque peu changé. Certaines ne sont plus actives (Sur les épaules de Darwin, Agence tous Geeks), et c’est bien dommage. Mais j’en ai découvert d’autres, qui sont nées depuis ou qui avaient auparavant échappé à mes oreilles.

Alors, un peu comme un guide qui défriche régulièrement les sentiers qu’il parcourt, je mets à jour mes cartes d’exploration. Embarquez avec moi sur les ondes de 2024 !

Les précédentes découvertes

La liste qui suit ne présentera que les ajouts à mes précédentes découvertes. Vous pourrez donc sans aucun doute trouver d’autres podcasts encore en lisant ou en relisant ce que j’avais publié en 2020.

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2020

D’autres mondes à explorer sur la Toile, spécial podcasts 2020

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Podcasts pour découvrir le monde tel qu’il est ou tel qu’il fut

Nota Bene, le podcast

Au départ, il y a une chaîne YouTube, Nota Bene, créée et dirigée par Benjamin Brillaud, passionné d’Histoire et d’archéologie, qui travaille, me semble-t-il, de façon très sérieuse. Mais je suis un peu réticent envers YouTube, et lorsqu’un podcast est apparu, je me suis naturellement abonné.

Je ne le regrette pas. Même si l’on perd l’image, on gagne, je trouve, en immersion. La voix de Benjamin est très radiophonique. Et l’on apprend beaucoup de choses. Sur des sujets très divers. Les épisodes sont en général assez longs, entre 30 minutes et plus de 2 heures lorsqu’il s’agit de captures de streams YouTube.

Méta de choc

Gloire à mon épouse, Sandrine, pour m’avoir fait découvrir ce podcast, dont l’ambition est de développer une métacritique de la pensée, c’est-à-dire de nous interroger sur la façon dont nous pensons. En gros, penser sur la pensée et ses mécanismes, c’est-à-dire essentiellement ses biais, les fameux biais cognitifs. Le tout appliqué aux croyances modernes.

C’est d’ailleurs cet angle qui est à la fois la force et la faiblesse de ce podcast.

Il s’agit d’une force, car les croyances modernes de type new age sont une parfaite matière d’expérimentation pour appliquer des règles d’hygiène de pensée basique. Par exemple se défaire des biais des arguments d’autorité, dépister les erreurs statistiques, les erreurs méthodologiques, etc. On peut également brasser des connaissances scientifiques actuelles (le dernier épisode en date au moment où j’écris cet article est centré sur les expériences de sortie de corps, et, s’il est un peu long, il présente des faits stupéfiants qui remettent les choses à leur place : dans la boîte crânienne).

Et c’est aussi une faiblesse car il peut parfois donner l’impression de «s’acharner» sur le new age. En ce sens, l’écoute de L’esprit critique, le podcast, est un sain complément, pour élargir un peu le spectre.

Les contes des mille et une sciences

Cédric Villani, mathématicien connu, nous livre trois courtes saisons sur l’histoire d’un concept scientifique à chaque fois.

On a parfois un peu de mal à suivre parce que c’est assez court, mais c’est un bon complément à La science CQFD et l’écriture est plutôt bien faite.

L’entretien archéologique

Depuis peu, cette émission de France Culture est adossée, le vendredi, à Sciences Chrono, un spin off de La Science CQFD animé par Antoine Beauchamp, mais auparavant, c’était une émission à part entière, créée par un véritable archéologue, Vincent Charpentier.

Comme son nom l’indique, il s’agit d’un entretien avec un ou une archéologue au sujet de découvertes récentes, et toujours en détaillant les méthodes utilisées, les hypothèses que les découvertes permettent de poser ou d’imaginer, en remettant en perspective par rapport aux connaissances actuelles. Bref, c’est réellement un entretien scientifique : on se base sur les faits, on compare à ce que l’on sait déjà, on pose des questions à la lumière de cette confrontation, on donne des pistes.

Le spectre des sujets est impressionnant, couvrant pratiquement toutes les époques et toute la planète.

C’est sans doute un peu plus technique mais c’est passionnant.

Infra

Par les mêmes créatrices que Chasseurs de science dont je parlais il y a quatre ans, Infra est le type même de l’émission «méta», c’est-à-dire de celle qui pourrait être son propre sujet. En effet, il s’agit de prendre un fait relié au monde du son (depuis le claquement des bulles des papiers protecteurs jusqu’aux ondes émises par notre globe terrestre) et de l’expliquer scientifiquement mais aussi sociologiquement, psychologiquement, etc. Là encore, la voix est une composante importante du plaisir de cette écoute. Les textes sont bien écrits et très didactiques.

J’attends avec impatience le prochain épisode, le dernier datant d’avril 2024.

L’esprit critique, le podcast

Encore un podcast un peu frustrant parce qu’on attend un nouvel épisode avec impatience.

Un poil plus politique que Méta de choc, il est aussi construit différemment.

Il s’agit de replacer des faits derrière des concepts ou des phrases entendues dans l’actualité.

L’auteur mise sur l’intelligence de son auditoire, ce que j’apprécie toujours.

Le dernier épisode date de janvier 2024, j’espère que le podcast n’est pas en fin de vie…

La science, CQFD

La méthode scientifique est morte, vive La science CQFD ! L’équipe qui entourait Nicolas Martin dans la seconde a repris le flambeau avec la première sous la houlette de Natacha Triou, et avec brio. Toujours aussi claire, toujours aussi passionnante, l’émission nous promène de physique pure en mathématiques, de biologie en archéologie, de médecine en informatique, pour nous donner à la fois une culture scientifique et une analyse des dernières théories en date, qu’elles soient affirmées ou discutées. On y retrouve aussi le tropisme de l’équipe pour la SF, ce qui ne gâche rien, vous en conviendrez avec moi.

C’est presque mon écoute quotidienne.

Podcasts pour imaginer le monde

C’est plus que de la SF

Lloyd Chéry est journaliste, co-rédacteur en chef de la célèbre revue de SF Métal hurlant, et maintenant scénariste de bande dessinée. C’est surtout un très grand connaisseur de science-fiction et l’un de ses meilleurs guides. En effet, loin de s’adresser seulement aux érudits du genre, il permet vraiment de découvrir classiques et perles rares à travers ses entretiens.

Chaque épisode s’intéresse à une œuvre de SF à travers soit l’interview de son créateur ou de sa créatrice, soit une analyse avec des spécialistes. On prend le temps, là encore, en presque 50 minutes à chaque fois, parfois plus. Et, chose rarissime, si vous parlez une langue étrangère, les auteurs et autrices sont traduits seulement après leurs propres mots, c’est-à-dire que vous pourrez entendre la voix et le propos de Hugh Howey directement en anglais sans surcouche de traduction, puis seulement dans un second temps cette traduction. Même chose pour Kim Stanley Robinson, ou d’autres encore.

C’est plus que de la fantasy

Petit frère de C’est plus que de la SF, ce podcast s’intéresse, comme vous vous en douterez, à la fantasy, avec le même principe. Seul défaut : je pense que c’est une émission actuellement en sommeil. Mais vous pourrez y écouter le trop rare Jean-Philippe Jaworski, à propos de sa trilogie du Chevalier aux épines.

Callisto

Le même Benjamin Brillaud qui officie sur Nota Bene prête sa voix au projet de son épouse, Calie Brillaud, sur ce podcast qui veut chaque semaine raconter une légende ou un mythe. Si cela vous rappelle Contes des soirs perdus, c’est normal, c’est un peu le même créneau (de château ? Ah ah…) cependant il y a de grandes différences entre les deux émissions.

D’abord, les épisodes sont beaucoup plus courts. À mon humble avis, un peu trop courts. On est à peine entré dans l’ambiance que c’est déjà fini, même si l’habillage sonore est très bien fichu. D’ailleurs, certaines histoires méritent plusieurs épisodes, et sans doute que les créateurs s’en sont rendu compte, puisque parmi les derniers en date au moment où j’écris ces lignes, il y a deux épisodes sur un héros perse, Rostam.

Mais cela est compensé par une voix très radiophonique comme je le disais plus haut, vraiment très agréable, qui fait beaucoup pour la réussite de ces petites capsules d’imaginaire. L’écriture est un peu trop style indirect, et j’aimerais beaucoup voir ce que cela donne en narration plus «théâtralisée», parce que clairement, avec cette voix, c’est du gâchis de ne pas endosser un peu plus un rôle.

Hôtel Gorgias

Alors même que je terminais le tournage de ma propre podfiction, Les consultations extraordinaires de Belladone Mercier, psychologue des dieux, Alexandra, ma belle-sœur, m’a suggéré d’écouter cette série, lauréate, excusez du peu, du prix de la révélation lors de l’édition 2022 du Paris Podcast festival. Écrit par Roman Facerias-Lacoste, cette fiction tourne autour d’un hôtel très particulier, aux clients étranges et au personnel non moins surprenant.

Il y est question d’enfers, de crimes, de surnaturel.

L’écriture est bien maîtrisée, sur des épisodes courts, en général moins de 20 minutes, et avec une ambiance sonore très travaillée. Les voix sont bien choisies et les comédiens et comédiennes tiennent bien leurs rôles.

Un petit bijou, vraiment.

Quand les dieux rôdaient sur la terre

Enfin, pour celles & ceux parmi vous qui aiment, comme moi, la mythologie grecque, cette émission de France Inter est une ressource précieuse. Pierre Judet de la Combe revient en effet en détail sur des événements mythologiques en les éclairant par des liens avec d’autres légendes, ou en les remettant en perspective. Son phrasé inhabituel n’est pas désagréable mais il peut surprendre ou rebuter. De mon point de vue, il participe, avec sa scansion un peu monotone, à plonger dans l’émission comme dans un poème homérique ou une chanson de geste.

Vous ne serez pas surpris lorsque je vous avouerai que c’est une des bases de travail pour l’écriture de la saison 2 des Consultations extraordinaires de Belladone Mercier.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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