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Projet : Les consultations extraordinaires de Belladonne Mercier, psychologue des dieux

Projet : Les consultations extraordinaires de Belladonne Mercier, psychologue des dieux

J’écris des romans, mais ce n’est pas le seul moyen pour raconter des histoires. Parfois, il est même nécessaire de trouver une autre façon de transmettre un récit. C’est exactement le cas avec Les consultations extraordinaires, un projet que j’ai envie de mener en parallèle de mon quatrième roman, et dont je vais dévoiler le cheminement créatif au fur et à mesure sur Patreon.

Partie d’une illustration de l’artiste illustratrice Aemarielle sur Déméter et Coré, l’idée que les légendes qui racontent les aventures et les déboires des dieux sont parfois bien éprouvantes pour les protagonistes qu’elles mettent en scène a fait surgir cette évidence : beaucoup de divinités dans tous les panthéons du monde ont de sérieux problèmes psychologiques. De l’infidélité pathologique de Zeus au traumatisme d’Osiris assassiné par son frère puis ressuscité par sa femme dans un état… incomplet… mais tout de même dans le but d’engendrer alors qu’il n’en est plus capable… les mythologies antiques de toutes les contrées de la Terre regorgent d’exemples.

Des exemples qui s’accumulent tant qu’on pourrait légitimement leur conseiller de consulter.

C’est sur ce postulat que je construis une série de courts épisodes :

Le pitch

Un beau jour, alors qu’elle est en visite au Musée du Louvre, Belladonne Mercier, une psychologue reconnue, rencontre un homme étrange prétendant être Thot, le dieu égyptien du savoir et de l’écriture. Étrange, certes, car en plus de certaines aptitudes clairement surnaturelles et d’un comportement insupportablement pédant, il se trouve atteint d’une pathologie assez courante chez les humains : un trouble obsessionnel compulsif, aussi appelé « TOC ». Il note tout et se promène en permanence avec une balance pour peser absolument chaque objet qui lui tombe sous la main, sans pouvoir s’en empêcher.

Aidée de sa toute nouvelle stagiaire, Adélaïde Chamberlain, Belladonne va proposer une psychothérapie au pauvre hère, autant pour se débarrasser de ses interminables discours de monsieur-je-sais-tout que pour l’aider à recouvrer un équilibre mental.

Sans se douter une seconde que cette thérapie si particulière va l’emmener à découvrir un monde merveilleux autant que périlleux. Car « Thot » n’est pas la seule divinité à avoir besoin de ses services, et que, peut-être, quelque chose, ou quelqu’un, quelque part, œuvre dans l’ombre pour déstabiliser les piliers qui soutiennent le monde.

Belladonne Mercier devient la psychologue des dieux. Et croyez-moi, ce ne sera pas de tout repos…

L’intention et la forme

Cette histoire est une suite de tranches de vie (on peut dire « vie » à propos de divinités ?), une succession de rencontres, de traumatismes, de petits travers, de grandes souffrances, que j’ai envie de traiter sur un mode humoristique et décalé, autant pour montrer que les mythes sont souvent le reflet grossi des préoccupations et des aspirations humaines que pour nous amuser et nous faire réfléchir sur nos petits travers bien humains eux aussi.

De ce fait, j’imagine des épisodes d’une série. Des épisodes assez courts, percutants, avec beaucoup de dialogues, un ton flirtant avec la rupture du quatrième mur, comme dans les romans-feuilletons du XIXe siècle ou le film Amélie Poulain.

Et cette dernière référence me pousse à évoquer la voix grave, si familière d’André Dussolier.

Je comprends alors que ces épisodes ne peuvent pas être pensés autrement que contés par la voix.

Les consultations extraordinaires seront un podcast. Mon premier podcast.

Les épisodes feront entre 20 et 30 minutes chacun, et porteront des titres inspirés de chansons. Parce que.

La première saison, intitulée Walk Like an Egyptian, devrait en compter 5 ou 6.

Le premier d’entre eux, le pilote, si l’on peut dire, Knocking on heaven’s door, est en phase de conception.

Et je vais en partager chaque étape du processus de fabrication sur Patreon.

 

Offre spéciale sur Patreon : reçois la version audiobook de mon dernier roman

Offre spéciale sur Patreon : reçois la version audiobook de mon dernier roman

Une aventure débute souvent par un événement exceptionnel.

Mon aventure sur Patreon ne pouvait pas déroger à la règle.

Ainsi, j’ai décidé de t’offrir un beau cadeau si tu rejoins mes mécènes sur Patreon, quel que soit le palier que tu choisiras, si tu le fais avant le 22 février 2022 à minuit.

Il s’agit de l’audiobook (ou livre audio, si l’on s’en tient à la langue de Molière) de mon dernier roman, Fæe du Logis, dès le 15 mars 2022, en exclusivité avant sa sortie officielle.

Fæe du Logis

C’est mon troisième roman, et le dernier en date.

Il raconte l’histoire fantastique d’une malédiction et d’une rédemption, depuis la Renaissance jusqu’à notre époque, en passant par les horreurs de la guerre des Balkans dans les années 1990, à travers l’amour, la folie et la maladie.

Voici ce qu’en dit la quatrième de couverture :

De nos jours, plus personne ne croit aux malédictions.

Plus personne ne peut croire que le suicide de Victor, le père d’Alice, alors qu’elle n’était qu’une enfant, ne soit dû à autre chose qu’aux traumatismes qu’il avait vécus lors de la guerre en ex-Yougoslavie. Plus personne ne peut croire que le mal qui vient à frapper sa mère, Flora, avec laquelle les rapports étaient toujours orageux, ne soit autre chose qu’une affection génétique rare.

Personne, au XXIe siècle, ne croirait que ces faits puissent être reliés entre eux.

Plus personne ne croirait qu’une mystérieuse offense puisse en être à l’origine.

Une offense envers qui, d’ailleurs ?

De nos jours, plus personne ne croit aux êtres féériques.

Le livre audio

Au format MP3, il contient 22 pistes pour 18 chapitres. Il embarque plus de 13 heures de narration.

Et comme tu seras l’un des premiers à l’écouter, mais aussi parce que tu auras été l’une des premières personnes à me soutenir sur Patreon, il y aura une vingt-troisième piste dans le fichier, où ton nom sera cité parmi mes contributeurs.

Alors :

Rejoins moi !

Et tu recevras le livre audio de Fæe du Logis dès le 15 mars 2022.

Le Serpent à Plume ouvre sa page Patreon

Le Serpent à Plume ouvre sa page Patreon

Bienvenue

Bienvenue à toi, qui passes sur cette page.

Tu permets que l’on se tutoie, même brièvement, le temps d’un article ? Je trouve que c’est une bonne façon de faire plus ample connaissance, puisque tu sembles t’intéresser à mon univers imaginaire et à ce que je crée à partir de lui. Tu es d’ailleurs peut-être déjà un membre de la Tribu des Ptérophidiens et des Ptérophidiennes, ces personnes qui ont choisi de me suivre via ma lettre d’écaille & de plume. Ou bien tu connais déjà un peu ce que je présente et écris sur mon site, d’écaille & de plume. Ou alors tu as lu l’un de mes romans.

Mais tu peux aussi ne pas me connaître du tout, et te demander ce que je fais ici.

Dans ce cas, tu te poses certainement une question fondamentale :

Mais qui est donc le Serpent à Plume ?

Mon nom est Germain Huc. C’est celui que mes parents m’ont donné, mais est-ce mon Nom Véritable ? Chacune et chacun de nous possède un nom secret, celui qui contient en lui-même le cœur de ce que nous sommes. Cela restera un mystère.

J’ai choisi pour ma part d’être le Serpent à Plume. Un être un peu hybride, un rêve incarné. Le serpent qui s’enroule autour du caducée des disciples d’Hippocrate, et la plume qui donne le pouvoir d’écrire, de transmettre et de créer.

Ta deuxième question est donc très logiquement :

Qu’est-ce que je crée ?

Je donne naissance à des histoires. Des histoires qui font intervenir des mondes imaginaires, de la magie, du fantastique, de la fantasy, de la science-fiction. Je leur donne naissance le plus souvent grâce à ma plume, à l’écriture. Mais il m’arrive aussi de les façonner avec ma voix, ou avec des images animées, même si c’est beaucoup plus rare.

Ce qui nous amène à ta troisième question :

Est-ce que ça va te plaire ?

Cela pourrait te plaire si :

  • Si tu aimes les mots et leur richesse. Je mets un point d’honneur à travailler un style à la fois évocateur et précis, à la fois cinématographique et poétique. J’aime utiliser des mots que l’on n’emploie pas dans le langage courant, pour leurs sonorités ou leurs nuances qui nous emmènent ailleurs, un vocabulaire soutenu. Je suis un amoureux des découvertes et des expériences stylistiques, je suis influencé par le cinéma et les grands auteurs français.
  • Si tu es quelqu’un d’exigeant sur la qualité littéraire d’un récit. On laisse trop souvent croire que les littératures dites « de genre » et notamment celles de l’imaginaire, sont d’une qualité littéraire médiocre. Je fais tout ce que je peux pour que cette croyance soit reléguée aux oubliettes, et j’ai la prétention de savoir écrire au moins aussi bien que des écrivains de « littérature blanche ». Je cisèle mes phrases avec autant de soin, et sans doute mes mondes avec encore plus de minutie, puisque les miens sont souvent inventés de toutes pièces.
  • Si tu apprécies les personnages complexes. La diversité humaine est telle que nous pouvons explorer notre nature si particulière à l’infini grâce aux protagonistes de nos histoires. J’essaie de donner vie à des personnages aux multiples facettes.
  • Si tu veux découvrir des mondes imaginaires. Souvent, ils sont le reflet de notre propre monde, de nos propres travers, de nos propres rêves et de nos propres fantasmes. Ces mondes sont aussi le prétexte à la réflexion, à l’utopie, à revisiter notre Histoire ou nos légendes. Je t’emmènerai vers les étoiles ou dans des années d’après guerre fantasmées, dans les mondes qui se cachent aux interstices du nôtre, dans une histoire alternative ou un univers médiéval imprégné de magie et de légendes scandinaves et celtes, et plus loin encore.
  • Si tu sais prendre le temps et tu sais que créer prend du temps. C’est une vérité que l’instantanéité des réseaux dyssociaux a voulu nous faire oublier, mais faire quelque chose qui vaut la peine, que ce soit une phrase ou un podcast, cela prend du temps. Et cela vaut la peine de prendre d’autant plus de temps qu’on veut obtenir une œuvre qui fait honneur à son public. Il ne sert à rien de se précipiter ou de penser qu’on va publier un chef-d’œuvre tous les ans, ou même tous les trois mois. Je prends mon temps pour créer, d’abord parce que je veux obtenir un résultat qui soit le meilleur de ce que je puis façonner avec mes capacités, ensuite parce que j’ai un autre métier qui m’accapare beaucoup, et enfin parce que c’est comme cela que l’on pratique un art. On prend le temps qu’il faut. Tu devras donc t’attendre à ce que mes œuvres maturent lentement, à leur rythme propre, et tu pourras même entrer dans ce rythme, le goûter et le savourer.

Ta quatrième question semble donc poindre :

Pourquoi me soutenir sur Patreon ?

Patreon me permet de m’adresser à un public vrai, une audience qui choisit réellement de m’accompagner.

Patreon nous permet, à toi comme à moi, d’échapper à deux dangers majeurs de notre monde numérique actuel : les intermédiaires et les algorithmes. Nous serons en contact direct, sans dépendre de la bonne (ou mauvaise) volonté d’un tiers et sans être captifs de formules mathématiques. Ce que je choisirai de partager avec toi n’ira pas nourrir une hydre aux multiples têtes et n’emprisonnera pas ta capacité attentionnelle pour t’amener à scroller à l’infini un mur de publicités plus ou moins « pertinentes ».

Si mon univers te plaît, s’il te parle et fait résonner ou raisonner quelque chose en toi et que tu choisis de me soutenir, alors le faire sur Patreon sera une pierre de plus pour construire un monde où chaque personne garde la liberté de ce qui lui est le plus précieux : ce qu’elle fait de son temps.

Si tu choisis de m’offrir ce soutien, tu me permettras aussi d’investir dans des supports plus qualitatifs pour mes prochaines histoires, ou dans du matériel, par exemple.

D’ailleurs, tu te demandes certainement, dans ta cinquième question :

Ce que tu recevras en retour ?

Déjà, mes remerciements, exprimés sur mon site, d’écaille & de plume, et ici même, sur Patreon.

Ensuite, comme mécène, tu auras la possibilité de découvrir ce qui se trouve généralement caché aux yeux de tous : la manière dont je crée mes histoires, mon travail de documentation, de structuration du récit, la façon dont je conçois mes intrigues, les questions que je me pose, les choix esthétiques que j’opère et leurs raisons profondes.

Tu auras accès à des informations que les lecteurs ou auditeurs n’auront pas forcément, à des détails du monde qui n’apparaîtront pas dans le corps du texte mais qui sous-tendent la vraisemblance ou qui m’aident à me représenter un univers cohérent.

Bref, tu feras partie de l’aventure, toi aussi.

Si tu veux voir plus en détail tout ce que j’ai à t’offrir pour te remercier de ton soutien, tu pourras le consulter sur chaque palier sur la page Patreon.

Pour te donner une idée, à ceux et celles qui décideraient de me rejoindre, je propose donc, dès le palier Sphynge, de recevoir une lettre numérique un peu différente, la Lettre du Sphynx, dans laquelle je vais plus précisément parler de mon travail artistique. Ce sera sans doute plus technique que dans la lettre d’écaille & de plume. On y parlera choix narratifs, arcs, intrigue, trame, construction.

Je propose à celles et ceux qui voudraient aller plus loin, au palier Oiseau Tonnerre, de participer à des sessions de questions/réponses. Aux Phœnix, d’assister à des séances de lectures de chapitres achevés ou, plus intéressants peut-être, en cours de travail. Aux Dragons, une lettre bisannuelle écrite par l’un de mes personnages.

Et comme la fidélité est une qualité que j’apprécie particulièrement, à tous, à partir de sept mois de soutien, j’offre l’accès à plus de choses encore, selon le palier choisi : des bonus de mes tutoriels sur la confection d’un livre, du matériel non inclus de mes livres, l’accès à des brouillons ou des travaux en cours, la discussion sur ces brouillons, ou même une possibilité de ß- lecture.

À l’aventure !

C’est ce que je me suis dit lorsque j’ai décidé d’ouvrir cette page Patreon.

Ce sera une aventure pour moi, et je voudrais que ce le soit pour toi aussi.

Alors, saisis ton sac, prends ton bâton de marche, et lance-toi avec moi !

A book’s life, partie 1 : Écrire et laisser lire

A book’s life, partie 1 : Écrire et laisser lire

A book’s life, partie 1 : Écrire et laisser lire

L’achèvement…

Écrire un livre est une aventure. Le publier en est une deuxième, presque plus palpitante encore, comme nous l’avons vu lors de toutes les étapes des séries d’articles Making of a Book. Que ce soit en format papier, numérique ou audio, vous avez transpiré pratiquement sang et eau pour parvenir à réaliser l’ouvrage, puis à le diffuser à votre public.

Une fois que vos fichiers sont partis, que les plateformes de diffusion ont référencé votre ouvrage, qu’il est visible du monde entier et disponible à la vente, tout ce travail est désormais achevé.

Votre livre est né.

Vous avez certainement imaginé, voire rêvé ou fantasmé ce moment des dizaines ou des centaines de fois pendant que vous vous échiniez à écrire, puis à mettre en page. Vous avez ressenti, déjà, cette sensation de fierté que vous espériez vivre lorsque cela serait, enfin, le moment pour votre livre de sortir au jour.

Et pourtant…

… et l’angoisse de l’achèvement

Pourtant, sans doute avez-vous perçu cette étrange, étonnante émotion qui vient se mêler à la fierté et au bonheur.

La sourde inquiétude de voir d’autres personnes que celles que vous aviez soigneusement triées sur le volet auparavant s’emparer de votre texte, et le lire. Désormais, le monde entier peut lire votre œuvre. Désormais, le monde entier est libre d’être touché par vos mots, de ressentir ce que vous avez voulu exprimer avec leur aide. Désormais, le monde entier est libre d’aimer ce que vous avez voulu lui dire.

Ou pas.

Car le monde entier est aussi libre de ne pas ressentir ce que vous avez voulu exprimer, de trouver vos phrases banales, vos métaphores quelconques, votre récit plat, vos personnages détestables ou, pire, sans âme.

Le miroir de votre fierté reflète aussi votre exposition.

Vous pouvez tout aussi bien susciter l’admiration ou la moquerie.

Vous pouvez donc ressentir ce doute :

Et si ce livre n’était pas aussi bon que je l’aurais voulu ? Et s’il était au contraire très mauvais ? Et si j’étais mauvais, moi aussi ?

C’est à propos de cette angoisse que je voudrais que nous discutions dans cet article, afin de vous aider à comprendre ce qu’elle a à vous dire. Et une fois ce message compris, dans les articles suivants de cette série, nous aborderons ce que vous pourrez ou même devrez accomplir encore pour votre livre-enfant, même lorsqu’il aura quitté le nid de votre ordinateur.

Les mots et leur vie

Vous êtes un écrivain ou une écrivaine. Ce que je vais écrire ne devrait donc pas vous surprendre, et je parie même que cela devrait résonner fortement en vous.

Les mots ont une vie.

D’abord parce qu’ils naissent. Chaque mot que nous utilisons a une origine étymologique. Il est né quelque part, à une certaine époque, qui n’est peut-être pas la nôtre. Il a été usité des milliards de fois. Ce qui a légèrement modifié son sens premier. Car les mots changent. Leurs sens se multiplient. Du sens propre, on en vient à des sens voisins, à des nuances, puis à des sens figurés, puis à des expressions idiomatiques. Parfois même à des proverbes. Ils peuvent endosser une connotation particulière au cours du temps. À certaines époques très populaires, ils peuvent être rejetés à d’autres, voire tomber en désuétude ou dans l’oubli. À d’autres moments, ils peuvent avoir acquis une connotation péjorative et ne plus du tout exprimer ce qu’ils étaient censés désigner au départ. On peut même les trouver teintés politiquement ou philosophiquement.

C’est pourquoi vous avez choisi des mots précis dans l’écriture de votre texte.

Vous avez voulu jouer non seulement avec leurs sonorités, mais aussi avec leurs sens cachés, leurs doubles sens, voire leurs acceptions multiples, leurs ambiguïtés, leurs cortèges de représentations inconscientes dans l’imaginaire collectif de la langue dans laquelle vous les avez choisis. Car cela est vrai dans toutes les langues.

Cette vérité profonde et fondamentale a une implication sur l’achèvement de votre livre et l’angoisse qui l’accompagne.

Quoi que vous ayez écrit, il se peut que dans le temps, tout cela soit perçu différemment.

Car certains mots auront changé de sens, de connotation, d’usage.

Lisez un texte médiéval, comme Yvain ou le Chevalier au lion, par exemple, un de mes livres préférés, écrit au XIVe siècle par Chrétien de Troyes. Si vous le faites avec le texte originel, vous n’y comprendrez rien, car la langue a changé depuis sept siècles.

Et si vous pensez que j’exagère, lisez plutôt un ouvrage du XIXe siècle, comme Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. La langue est la même, mais les mots ne sont pas vraiment ceux dont nous avons l’habitude au XXIe siècle. Et certaines situations peuvent nous paraître décalées, ou scandaleuses. Le style trop ampoulé parfois, ou emphatique. On peut avoir l’impression d’y voir de la misogynie, ou du colonialisme…

Mais il faut se rappeler que ces livres ont été écrits dans une époque qui n’est pas la nôtre, avec des mots qui étaient un peu (ou beaucoup plus) différents de ceux d’aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que dans deux siècles d’ici, c’est peut-être votre propre texte qui paraîtra un peu décalé, ou au contraire, trouvera son public.

Car surtout, il faut se rappeler que le lectorat change lui aussi avec son temps.

Chaque lecteur & chaque lectrice

Si les mots ont une vie, c’est parce que leurs locutrices et leurs locuteurs sont des êtres vivants, donc en perpétuelle évolution. On ne reçoit pas un texte de la même manière à 20 ans et à 40 ans. Certaines choses vont nous paraître barbantes à l’âge où l’on sort de l’adolescence, et pertinentes voire emplies de sagesse à l’âge mûr.

Et si l’on va plus loin dans l’analyse, il faut se rappeler ce dont nous avons déjà discuté lorsque je vous présentais l’influence que les techniques cinématographiques et théâtrales ont sur mon écriture : la différence fondamentale entre la littérature et ces deux autres arts est que dans la première, c’est le lecteur ou la lectrice qui donnent vie aux significations et à tout un enchaînement de préconceptions inconscientes à chaque mot que vous écrivez. Une histoire écrite est en réalité coconstruite par l’autrice et la lectrice, l’auteur et le lecteur. Le premier apporte le choix des mots en espérant que la deuxième y rattachera des associations d’idées qui la pousseront à évoquer un décor, une ambiance, une lumière. Bref, si par vos mots vous plantez des jalons, c’est bien votre lectorat qui parcourra le chemin. Au contraire du théâtre et du cinéma, qui montrent, donc imposent une vision, celle du metteur en scène, la lectrice, le lecteur, sont libres d’imaginer ce que vous ne faites qu’évoquer par vos mots.

Pensez donc bien à ceci :

Votre livre est un catalyseur d’émotions, d’images et de sensations, pas une œuvre à la signification absolue. Ce qu’il va faire naître surgira lors de la rencontre entre lui et une personne singulière : chaque lecteur est singulier, chaque lectrice est singulière.

Et quand on accepte ce simple fait, il est plus facile de faire face à l’avis des autres, aux :

Louanges & critiques

Il est en effet une constante chez tous les écrivains, et probablement chez tous les artistes : ils sont sensibles à la critique.

C’est très compréhensible : alors que nous avons mis toute notre énergie, nos tripes, et des centaines d’heures de travail acharné à créer une œuvre, puis que nous avons accepté de la donner (même si nous la vendons, nous la donnons à voir) aux autres, quels qu’ils soient, il est important de savoir que nous l’avons fait à raison. Il est important pour nous qu’elle soit appréciée pour l’intention que nous avons eue en lui donnant vie. Aimée n’est pas le bon terme. Je dirais : reconnue dans son intention. Un essayiste aura à cœur que son livre fasse réfléchir, même si son public n’est pas toujours d’accord avec lui. Une romancière préfèrera sans doute que son ouvrage provoque des émotions et emporte ses lecteurs dans un autre monde, même s’il le fait vers un monde qui n’est pas très souhaitable (par exemple, qui aimerait vraiment vivre dans le monde de Hunger Games ? Je gage que la réponse est personne. Pourtant, le cycle n’est pas vraiment un échec, n’est-ce pas ?).

Nous voulons donc, de tout notre cœur, que notre objectif soit atteint, pour toutes celles et tous ceux qui liront notre livre.

Et si d’aventure ce n’est pas le cas, si une personne n’a pas été conquise, si nous avons manqué notre but dans son cas, et si par malheur elle ose l’exprimer, nous pouvons nous sentir remis en question. Nous-mêmes, personnellement. Comme si la critique visait, non pas l’œuvre seulement, mais à travers elle son autrice, son auteur. Nous. Comme être humain.

De la même manière, si nous avons visé si juste qu’une personne se sent emportée par notre œuvre au-delà de ce que nous avions imaginé, son enthousiasme va nous offrir un supplément de narcissisme. Comme le shoot d’une drogue. Et nous allons nous sentir renforcés comme être humain. Nous aurons été capables de créer ça. Et ça va nous apporter une intense émotion de fierté.

Mais en réalité, peut-on vraiment confondre l’autrice et son œuvre au point de faire dépendre la valeur de l’une de celle de l’autre ? Et de remettre ce jugement en cause à chaque personne qui lit l’ouvrage ? Faut-il que notre livre soit unanimement apprécié pour que nous nous sentions vraiment avoir une valeur comme personne ?

Si c’est le cas, alors il n’existe au monde, et il n’a jamais existé ni n’existera jamais, aucun auteur, aucune artiste de valeur.

Car comme nous l’avons vu plus haut, si l’on garde à l’esprit que le livre est un catalyseur, alors il va parler à certaines personnes et en repousser d’autres, selon la qualité de la rencontre. Cela voudra dire qu’il va plaire et déplaire. Plus encore, il peut plaire à certains moments de la vie et déplaire à d’autres. Il peut déplaire à certaines époques et plaire à d’autres.

Chaque avis de lecteur ou de lectrice peut donc nous faire plaisir ou au contraire nous procurer une émotion négative. C’est humain, et c’est bien ainsi. Mais il est bon de se souvenir, dans un cas comme dans l’autre, qu’il ne signifie pas que notre valeur en soit dépendante. Nous ne sommes pas un génie si cet avis est dithyrambique, et nous ne sommes pas un parfait imbécile s’il est au contraire dur et cassant.

Voilà pourquoi il est important de se souvenir que la valeur d’un livre se mesure à l’aune de la rencontre qu’il pourra nouer avec son public, qui sera certainement différent du public d’un autre livre.

Ce qui fait notre valeur, ce n’est pas que l’on aime ou pas nos œuvres, c’est qui nous sommes comme être humain.

Une théorie de l’évolution

Et pourtant, paradoxe de plus dans l’existence, nous sommes aussi en partie ce que nous faisons, ce que nous créons.

De mon point de vue, si notre valeur est corrélée d’une certaine façon à nos œuvres, c’est surtout sur le soin que nous apportons à leur création, sur notre authenticité dans le processus.

L’art, je crois, est l’expression la plus pure de ce qu’il y a à l’intérieur de nous-mêmes et il s’agit en réalité d’être fidèle et authentique à cela. Il s’agit de veiller à respecter ce que nous voulons exprimer, à ne pas le trahir, à toujours être sincère, à ne jamais mentir.

Si nous parvenons à suivre cette voie constamment, à chaque instant de notre création, et pour chaque œuvre, alors, je crois, nous sommes à la hauteur, et nous pouvons nous sentir fiers et fières de ce que nous créons, quelle que soit la réception du public.

Je pense même que l’on peut aller plus loin.

Nous sommes humains. Nous faisons partie du règne des êtres vivants. Donc nous naissons et restons imparfaits.

Non pas imparfaits dans le sens d’un absolu, mais finalement, dans la signification : perfectibles.

Nous vivons car nous évoluons, nous évoluons car nous vivons.

Nous apprenons à vivre à chaque instant de notre vie.

Nous apprenons donc à créer à chaque création.

Il est alors illusoire de croire que l’on peut créer une œuvre parfaite, car cela n’existe même pas conceptuellement.

L’œuvre est l’expression de ce que nous sommes à un moment de notre vie : lorsque nous l’avons créée. Et si nous restons fidèles tout au long à ce que nous sommes à cet instant-là, cet instant où l’œuvre naît de nos mains et de nos esprits, alors nous sommes sincères, authentiques et nous sommes des artistes dignes de ce nom.

Vient un moment, alors, où l’on peut se retourner pour contempler chacune de nos œuvres sur le chemin de vie et d’art que nous avons parcouru.

À ce moment précis, nous pouvons mesurer notre évolution.

Car toute vie étant imparfaite et perfectible, chaque création nous rapproche un peu plus de la perfection sans jamais nous la laisser atteindre. C’est là, je crois, toute la beauté de l’art : nous enfantons des choses qui tendent vers un idéal sans jamais le toucher, et pourtant nous en apercevons la lumière de plus en plus proche au fil du temps. Nous nous changeons nous-mêmes dans le processus, seulement si nous restons fidèles à ce qu’il y a à l’intérieur de nous-mêmes au moment où nous créons. C’est un double mouvement où nous changeons le monde et où le monde nous change pour nous le faire changer en retour. Une spirale comme vous savez que je les aime.

En nous retournant vers nos premiers textes, nous pouvons nous voir évoluer. Et c’est la qualité de cette évolution qui, je crois, fait la valeur d’une ou d’un artiste. Relire mes premiers textes me montre avec acuité leurs défauts, mais ils sont le reflet de ce que j’étais au moment où je les ai écrits. Peut-être que mes textes actuels eux aussi me montreront dans quelques années qui je suis aujourd’hui. Il est donc possible que le public apprécie les premiers, pas les derniers, ou inversement. Que cela change, au cours du temps.

Ce qu’on lègue au monde

Ce qui est important, finalement, pour moi, ce n’est pas tant que les critiques positives pleuvent sur mes livres (même si je ne cache pas que j’aimerais beaucoup que cela soit le cas, soyons honnêtes), mais de continuer à écrire des histoires du mieux que je le peux, avec tout ce que j’apprends, avec toute mon âme, avec toutes mes tripes, et de me dire qu’elles vont enrichir le patrimoine commun de l’Humanité, enrichir également l’univers dans son ensemble, en y apportant de la complexité, des potentialités, peut-être en touchant d’autres êtres vivants, que je ne connaîtrai jamais car ils seront trop loin de moi dans le temps ou l’espace (voire dans l’espace-temps).

Ce que je retiens de l’achèvement, au tout début de cet article, c’est que le livre que j’ai écrit est né.

Comme un enfant, il va devenir autonome, il va vivre des aventures dont je ne saurai peut-être rien, rencontrer des personnes et faire ses propres expériences.

Je n’ai fait que le mettre au monde, que le léguer à tous ceux et toutes celles qui voudront bien prendre la peine de le rencontrer.

Le reste ne m’appartient déjà plus.

Et ce morceau de moi-même qui est en lui continuera de voyager loin et longtemps après que je ne sois plus.

En publiant mon texte, j’ai de fait renoncé à le contrôler ou à déterminer qui sera « digne » ou pas de le lire.

Il ne m’appartient plus. Il appartient au monde.

En retour, il ne me détermine plus vraiment. Il est un morceau de moi, déjà passé, comme un souvenir. Comme tel, il est déjà relégué au second plan de ma vie, car ce qui compte, c’est ce que je vis maintenant, ce que j’écris maintenant. Si ce que j’ai écrit il y a longtemps continue de constituer mon histoire, si cela m’a construit, cela ne me définit plus. Je suis défini par ce que je fais, ce que j’écris maintenant.

A book’s life, an author’s path

Voilà pourquoi, je pense, on peut concevoir l’acte de créer comme le cycle d’un végétal.

Nous faisons éclore des fleurs, nos idées, qui mûrissent en fruits que nous offrons aux autres, nos créations. Ces fruits vont nourrir des êtres vivants, mais s’ils sont issus de notre sève, ils ne sauraient résumer l’arbre entier à eux seuls. Car leur qualité peut varier selon les années, les intempéries, l’ensoleillement, le terroir.

Je considère donc que l’itinéraire d’un ou une artiste consiste à semer des œuvres comme un arbre dispense des fruits ou tombe ses feuilles. Nous perdons un peu de nous-mêmes, tout en progressant sur un chemin qui nous grandit. Comme si chaque morceau offert, au lieu d’être perdu, était une expérience de gagnée.

Notre sentier est donc, j’en suis convaincu, de trouver à chaque fois à nous améliorer tout en choisissant de mieux en mieux à qui nos fruits pourront le mieux convenir. À glisser le plus de graines possible, à les confier aux meilleurs vents.

C’est ainsi que cette nouvelle série d’articles, A book’s life, va s’intéresser aux moyens que nous pouvons utiliser, tels des courants aériens ou les pollinisateurs dans la nature, pour partager nos créations avec celles et ceux qui sauront le mieux en goûter la savoureuse chair, et, qui sait, en découvrir les graines qui leur permettront à leur tour d’ensemencer leur propre fibre artistique.

Nous parlerons des moyens de partager nos ouvrages, de faire connaître notre travail.

Mais avant tout cela, il était nécessaire de bien comprendre et accepter que nous ne sommes pas seulement la somme de nos œuvres. Nous sommes ceux qui continuent à parcourir le chemin, quoi que les autres pensent.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Making of an (audio)book, partie 2 : Enregistrer sa voix

Making of an (audio)book, partie 2 : Enregistrer sa voix

Making of an (audio)book, partie 2 : Enregistrer sa voix

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Raconter et faire vivre : l’art du conteur à l’usage des auteurs timides

Tout est fin prêt pour capter votre voix dans votre ordinateur. Votre texte est devant vous. Maintenant, il faut se lancer. Mais pour que votre lecteur/auditeur soit emporté par votre voix autant qu’il aurait pu l’être par les mots imprimés sur une page (voire davantage), il existe quelques petites techniques.

La voix de son maître… ou presque

La première chose à savoir, c’est que nous commençons tous et toutes par détester notre propre voix lorsque nous l’entendons à travers un enregistrement. C’est naturel. C’est désagréable. Une partie de nous s’insurge.

Ce n’est pas possible, ce n’est pas ma voix, et je n’ai pas cet accent ridicule quand je parle.

Mais il est nécessaire de passer au-dessus de cette réticence, de ce dégoût, de cette impression d’être quelqu’un d’autre. Car ce que nous croyons entendre n’est pas ce que les autres perçoivent réellement. Cette sensation désagréable vient du fait que nous percevons notre voix à travers deux canaux différents : le son produit qui parvient à nos oreilles, et la conduction osseuse des vibrations de notre larynx jusqu’à notre crâne, qui ajoute des fréquences à ces signaux. Alors que les autres ne discernent que le premier, nous sommes les seuls à entendre les deuxièmes. Nous sommes donc habitués à une voix qui n’est paradoxalement pas la nôtre. Et le décalage entre ce que nous croyons être notre parole et sa réalité est toujours un choc.

Pour s’en libérer, il est utile de considérer la voix que nous allons entendre comme celle d’une autre personne, ou comme une simple extension du texte. J’ai trouvé l’astuce de me raccrocher aux formes d’onde que les logiciels montrent pour y imaginer les mots eux-mêmes, leur prononciation. Ainsi, la ligne temporelle qui se déroule sous mes yeux recrée le texte, et la voix devient moins étrangère. Moins étrange en tous les cas.

« Coupez, on la refait ! »

L’énorme avantage de l’enregistrement reste l’opportunité de recommencer encore et encore pour obtenir exactement le résultat que vous désirez. C’est ce qu’au cinéma on appelle des prises. C’est votre arme décisive dans cette bataille. Votre atout maître. Mais c’est aussi un possible handicap, si vous n’apprenez pas à accepter la simple différence entre ce que vous imaginez du texte et ce que vous aurez récolté lorsque votre voix sera captée.

Ensuite, vous verrez vite que dire un texte est fatigant. Parfois épuisant dans des scènes intenses (les scènes de combat, les scènes émotionnellement fortes, les scènes sensuelles). Est-ce parce que le fait de penser à une action (donc de la dire) fait intervenir les mêmes neurones que si l’on agit réellement (c’est ce que l’on appelle les neurones-miroirs) ? Je ne sais pas, c’est mon hypothèse et elle n’a pas la force d’une vérité scientifique, mais j’ai parfois l’impression d’avoir moi aussi donné des coups ou ressenti des émotions fortes lorsque je dis ce genre de séquence à l’oral. Quoi qu’il en soit, cette fatigue peut devenir un problème pour votre voix : la faire faiblir ou trembler, changer son timbre, sa tessiture, ou vous faire bredouiller, trébucher sur les mots, perdre l’intention et l’intonation, changer un mot pour un autre, et j’en passe.

Mon conseil est simple dans ce cas : faites une pause.

Même si cela ne fait que dix minutes que vous avez commencé l’enregistrement et qu’il vous reste 600 pages à dire. Croyez-moi, il vaut mieux ajourner et reprendre plus tard, que de piétiner et se rendre compte qu’on n’est pas content de soi. Si vous faites une pause, vous reviendrez plus en forme, et cela se sentira sur votre diction et votre implication. Cela sera plus fluide et vous pourrez parler plus longtemps et mieux.

Dans le cas de Fæe du Logis, par exemple, j’ai deux chapitres très longs, heureusement découpés en scènes séparées dans leur ambiance. J’ai donc fait en sorte de faire des pauses entre deux scènes, même si le chapitre a pris plusieurs jours à enregistrer.

Et quand vous bredouillez et que vous devez recommencer une phrase en plein paragraphe dans une scène d’action, la nouvelle prise doit se faire dans la même énergie que la phrase précédente. Il est alors utile de relire mentalement ou à haute voix (encore mieux) la phrase précédente avant de rouvrir le micro pour capter la suite.

Cependant, comme je vous le disais dans la première partie de cette série d’articles, je vous déconseille d’arrêter au beau milieu d’une scène. Pour deux raisons principales : d’abord parce que l’énergie, l’implication, votre interprétation de cette scène pourront avoir changé entretemps, et donc modifier la façon dont le texte sera reçu, ensuite parce que les conditions physiques de la captation de votre voix auront pu elles aussi changer. Le vent se sera peut-être levé entretemps, faisant vibrer les volets. Vous aurez peut-être déplacé votre micro, et il captera alors votre voix de façon plus faible ou plus forte. Les bruits de la pièce auront peut-être changé, et modifieront l’impression sonore à l’écoute.

Ma solution dans ce cas est radicale : j’ai la chance de pouvoir laisser la pièce en l’état entre deux sessions d’enregistrement. Je prends soin de ne surtout plus bouger le micro, de mettre la chaise exactement à la même place, jour après jour. Ainsi, ma voix sera toujours à peu près à la même distance de la cellule du micro, et sera captée de la même manière. Comme j’ai un micro unidirectionnel et comme je suis dans un endroit calme, les bruits environnants sont moins importants.

J’ai ainsi enregistré soirée après soirée tout le texte de Fæe du Logis, avec une impression d’harmonie dans le rendu sonore, comme s’il s’agissait d’une seule et unique prise de son (à partir du moment où j’ai mis en place cette petite routine, bien sûr, donc à partir du chapitre 4).

Rendre le texte vivant

La deuxième difficulté la plus importante après avoir accepté sa propre voix reste la capacité à dire le texte de façon convaincante, qui soit vivante.

Je connais deux techniques pour m’y aider.

La plus fondamentale tient en un mot : implication.

Il s’agit pour moi de m’immerger dans le texte et dans ce qu’il raconte. Pour qu’il soit vivant, il faut que le narrateur, la conteuse, que vous serez, vive elle-même l’action. Que vous vous laissiez emporter par ce que vous avez écrit. Cela va vous donner une énergie dans la voix, mais surtout cela va naturellement guider votre intonation, votre souffle, vos pauses, le volume de votre voix. Si vous vivez vous-mêmes les émotions que vous lisez (et ça devrait être facile, puisque c’est vous qui les avez écrites, elles devraient donc vous parler mieux qu’à quiconque), alors vous les direz facilement, et vous les transmettrez avec efficacité à votre auditoire.

Veillez simplement à ne pas vous céder à votre enthousiasme, et à laisser celles et ceux qui vous écouteront s’imprégner de l’action, de l’histoire.

C’est là que la deuxième technique est utile : gérez votre souffle et votre rythme respiratoire en fonction du texte et des endroits que vous aurez préparés auparavant.

Vous avez bien sûr pris soin de repérer les passages qui méritent qu’on accélère un peu le rythme de parole (pour moi, ce sont les scènes d’action, parfois les scènes « chargées » en émotion) et celles qui demandent à ralentir le rythme de diction (les scènes sensuelles, par exemple).

Calez-vous dessus.

Mais rappelez-vous surtout de garder un débit de parole assez lent en général, de manière à ce que celles et ceux qui vous écoutent puissent recevoir ce que vous dites, l’imaginer, se le représenter. Car il faut que le cerveau de votre auditoire traite les informations que vous distillez par votre voix. Qu’il prenne le temps de se figurer le décor, les personnages, les gestes. Qu’il rajoute des éléments que vous n’aurez même pas dits mais qui viendront de sa propre imagination, de sa propre expérience, comme lorsqu’on lit un texte dans notre tête. Laissez faire l’imagination de votre auditeur, laissez-lui le temps de vous aider par son incroyable richesse. Et vous verrez que le même texte dit un peu plus lentement (mais avec vie) aura l’air d’être plus chargé et plus évocateur, simplement parce que c’est l’esprit de l’auditeur lui-même qui vous aura aidé.

Vouloir aller vite est un défaut que nous avons tous au départ. Il est naturel, il découle de notre envie d’en finir avec une partie fatigante et parfois ingrate du travail. Mais si vous y mettez de l’implication, vous verrez que cela peut être la partie la plus intense et la plus riche du processus.

Pour ma part, quand je suis en plein enregistrement, c’est comme si j’étais en train de vivre l’histoire, comme lorsque je lis, comme lorsque je regarde un film ou un bon épisode de série.

Alors si j’ai un seul conseil à vous donner, ce serait celui-ci : profitez de cette phase au maximum, car elle vous fera redécouvrir votre texte, vos personnages, l’ambiance, presque comme si vous étiez votre propre lecteur. Et ça, ça n’a pas vraiment d’équivalent, à mon sens, dans l’écriture proprement dite.

Changer sa voix ou ne pas changer sa voix

Pourtant, il existe des questions philosophiques auxquelles vous allez devoir répondre avant d’ouvrir le micro.

La plus importante est celle-ci :

Vais-je changer ma voix pour simuler mes différents personnages, ou au contraire garder la mienne, celle du narrateur, en variant seulement de très petites choses à chaque fois ?

Ce choix est essentiel, car il s’agira de le conserver tout au long de votre livre, donc de votre enregistrement, même si celui-ci s’étale sur des semaines.

Chaque terme de l’alternative a ses avantages et ses inconvénients.

Changer de voix à chaque personnage permet de mieux marquer les différences entre personnages (ne serait-ce qu’entre personnages féminins et masculins), en jouant le rôle des guillemets ou des tirets cadratin de l’écrit (ces fameux — qui ouvrent les tirades lorsque l’on change de personne dans un dialogue). On rajoute aussi une couche de crédibilité et de consistance auxdits personnages, car la voix peut dévoiler beaucoup sur un caractère, et créer une ambiance délibérée. Par exemple, dans Le Choix des Anges, j’ai donné volontairement un accent un peu dédaigneux à l’un des méchants, le Comte de Flamarens, pour donner à imaginer un physique bien particulier. On peut aussi choisir une voix très grave pour un videur de boîte de nuit, une voix plus fluette pour un comptable. Ou au contraire, jouer sur un contraste inattendu et faire l’inverse (même si je ne vous le conseille pas, car l’archétype est un allié précieux si l’on veut se servir de l’imagination de l’auditeur). Tout ce que le changement de voix pourra apporter sera de l’ordre de l’inconscient, d’une perception archétypale. Cela enrichira votre récit.

À une seule condition : que ce soit très bien fait.

Car l’inconvénient majeur de cette technique est sa fragilité extrême. Une voix non maîtrisée peut devenir ridicule, jetant à terre toutes vos espérances et tout le travail que vous aurez fait sur le texte. Si vous tombez dans la caricature, le passage sensuel qui vous espériez presque érotique va devenir un pastiche et faire rire l’auditrice au lieu de l’émouvoir ou de l’émoustiller. Il faut donc être très sûr de soi et de sa capacité à créer des voix différentes qui soient crédibles et suffisamment distinctes les unes des autres (sinon ça ne sert à rien d’avoir choisi de changer de voix à chaque personnage).

Deuxième écueil à éviter : le risque de « perdre » une voix que vous aviez trouvée. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé, mais parfois, il arrive qu’on « oublie » comment faire une voix. C’est gênant quand cela arrive à 10 pages de la fin, et que vous êtes obligés d’enregistrer à nouveau tous les dialogues du personnage dont vous avez perdu la voix. Je vous conseille donc de vous aider d’un enregistrement de référence, mais surtout de ne pas étaler l’enregistrement de votre livre sur plus de quelques semaines, et de surtout ne pas espacer vos sessions de plus de quelques jours. Cela entretiendra votre mémoire corporelle et gardera bien au chaud la voix que vous aurez choisie.

Dernier inconvénient du choix de changer les voix : la fatigue est plus grande, car vous devrez forcer votre voix naturelle. Par définition, vous allez emprunter des voies que votre voix n’aurait jamais prises en temps normal, donc forcer vos muscles et vos cordes vocales.

Une des solutions pour vous débarrasser de ces trois difficultés reste de demander à d’autres personnes d’enregistrer les voix différentes. Mais outre qu’il vous faut trouver des participants qui soient prêts à tenter l’aventure, il faudra dégager du temps, coordonner des agendas… bref, on entre plus dans le cadre de la réalisation d’un film que dans la lecture d’un livre. Et d’ailleurs, cela donne aussi une différence sur l’œuvre finale : une pièce de théâtre sonore, ou une fiction sonore.

Ce sera un résultat complètement autre si vous choisissez d’enregistrer en gardant toujours la même voix (modulo les intonations et les changements de rythme, bien entendu), celle du narrateur ou de la narratrice. Votre livre sera alors vraiment un livre audio, et votre voix accompagnera plus l’auditeur, qui va plus s’en imprégner. Vous obtiendrez ainsi un effet de familiarité, qui pourra augmenter l’immersion dans l’histoire. En effet, les changements de voix peuvent parfois gêner certains auditoires, les sortir de cette sorte de « transe hypnotique » qu’est la lecture.

La difficulté reste de permettre, surtout dans les dialogues, une distinction suffisante entre les personnages. Il vous faudra jouer sur les intonations, les silences, quelques artifices tout de même (vous approcher du micro pour accentuer les fréquences graves sur tel personnage, ou au contraire vous éloigner un peu pour rendre une voix légèrement plus aigüe).

Mais le résultat est plus reproductible. Vous n’aurez pas à réfléchir pour savoir quelle voix prendre pour quel personnage.

Ces deux options sont bien sûr non exclusives l’une de l’autre. Vous pouvez décider de garder toujours la même voix, sauf pour certains personnages très précis. Par contre, ne changez pas d’avis en cours de route, cela perdrait vos auditeurs.

La diction

Le but d’un livre audio est bien évidemment que votre auditoire comprenne ce que vous allez dire.

Il est donc nécessaire de travailler votre diction pour être le plus intelligible possible.

Cela veut dire, je le répète, parler lentement.

Pas trop lentement pour éviter que tout le monde s’endorme, mais suffisamment quand même pour s’assurer que tout le monde comprend, ressent, vit l’histoire. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, rien ne vous empêche d’augmenter le rythme de vos phrases à certains moments de tension, mais cet effet doit rester un effet, justement, et pas une façon d’expédier le texte.

Même dans les moments où vous allez parler plus vite, vous devrez être compréhensible.

Il faut donc apprendre à articuler le texte, à éviter de mâcher ou tronquer les mots (sauf dans les dialogues si c’est un effet recherché, mais là encore cela doit rester un effet).

Je pourrais vous encourager à pratiquer des exercices de diction, comme :

Les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches, archisèches ?

Ou bien

C’est l’évadé du Nevada qui dévala dans la vallée, dans la vallée du Nevada, sur un vilain vélo volé.

Je pourrais.

Et d’ailleurs, cela pourrait vous aider. Mais je pense qu’il est juste nécessaire de faire attention à la façon dont vous parlez. Si vous parlez assez lentement et que vous gardez toujours en tête l’intention du texte, cela devrait déjà être suffisant pour vous permettre de transmettre un texte correct.

« Moteur… ça tourne… action ! »

Techniquement, l’enregistrement audio ressemble beaucoup à la captation vidéo.

Et une preuve de plus en est ce conseil tout bête : laissez toujours une ou deux respirations (donc quelques secondes) de blanc après avoir branché le micro, avant de parler, et inversement, après avoir fini de parler avant de couper le micro.

Cela va vous permettre de séparer facilement, au montage, les bruits parasites des boutons de marche/arrêt, de votre voix.

C’est la même chose qui se produit lorsque sur un plateau de cinéma vous entendez :

« Moteur (demandé, rajoute-t-on en général) » prononcé par le chef opérateur ou le réalisateur.

Quelques secondes de blanc.

« Ça tourne », affirmé par le caméraman lorsqu’il constate que la machine est bien en train d’enregistrer, car il peut exister un délai et si on commençait tout de suite à jouer, on pourrait donc perdre quelques précieuses secondes de l’action.

Quelques secondes de blanc à nouveau et enfin :

« Action ! » Crié par le réalisateur, signal de début du jeu pour les acteurs.

La patience

Le plus important, finalement, et vous l’aurez lu entre les lignes de tout ce qui précède, c’est bien la patience.

Dire un texte, ça prend du temps.

Même si on cherchait à le dire le plus vite possible, cela prendrait un temps certain.

Mais si en plus vous le dîtes lentement, avec l’intention juste à chaque phrase, que vous le vivez et cherchez à le faire vivre, cela va vous prendre un peu plus de temps.

Et si l’on rajoute les nombreuses prises pour certains passages plus délicats, les expérimentations qui seront ou pas convaincantes et vous conduiront à tenter différents accents, différents rythmes, différentes voix, les mots qui trébuchent parfois dans votre bouche, les erreurs d’étourderie, les interruptions dues à la fatigue ou à la nécessité de boire pour éviter que votre bouche s’assèche…

Vous aurez intérêt à être armés de patience, car l’enregistrement prendra un temps beaucoup plus long que le simple fait de lire un livre dans votre tête.

Il s’agit pour vous de le savoir pour ne pas vous décourager.

Et de vous poser des objectifs, par exemple. Un chapitre par session d’enregistrement. Ou une scène par session, comme je le fais parce que j’ai des chapitres à rallonge, en général.

Cela vous aidera à garder la motivation et l’enthousiasme intacts.

C’est d’ailleurs ça qui est le plus difficile.

Que votre envie soit la même du début à la fin, pour transmettre chaque émotion jusqu’à la conclusion de votre histoire.

Il jouait du micro debout

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’auditeur ça peut vouloir dire beaucoup.

La position physique que vous adopterez aura une grande influence sur votre voix et sur la façon dont vous allez pouvoir vous exprimer.

Beaucoup de conseils vous affirmeront qu’il est mieux d’être debout pour dire un texte.

Je le crois aussi.

D’abord parce que vous éviterez la sédentarité qui a tendance à toucher les « gens du clavier » comme les écrivains (mais pas seulement eux), et donc les maux de dos qui vont avec. Votre corps vous le rendra en vous permettant d’enregistrer plus longtemps. Nathalie Bagadey, par exemple, utilise un pupitre réglable. Je ne l’ai pas encore essayé, mais il me semble très prometteur.

Il me semble aussi que dans mon cas personnel, j’ai surtout besoin de bouger les bras, les mains, la tête, lorsque j’enregistre.

Cela me permet d’accompagner mes mots physiquement, d’appuyer mon intention.

Car les émotions passent toujours par le corps, qu’on le veuille ou non. Les exprimer corporellement permet donc de les vivre et représenter plus intensément. C’est une des bases du jeu d’acteur.

Donc n’hésitez pas à parler avec les mains, à bouger, à vous déplacer. Cela peut vraiment donner une lecture plus vivante (si elle reste compréhensible, bien entendu).

C’est dans la boîte !

Au bout du compte, vous allez obtenir une jolie liste de fichiers (je vous conseille un fichier par chapitre, car c’est le découpage que les boutiques de livres audio demandent) qui seront comme autant de diamants bruts.

Il nous restera à les tailler avec le talent des orfèvres. Ce que nous discuterons dans le prochain article.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Fæe du Logis est disponible en papier et en numérique

Fæe du Logis est disponible en papier et en numérique

Fæe du Logis est disponible en papier et en numérique

J’ai mis 3 ans à l’écrire, et il est enfin là !
Sans doute un peu aidé par la période du premier confinement qui m’a permis d’ancrer (si ce n’est d’encrer), ma discipline d’écriture dans mon quotidien, chaque midi pendant environ une heure, je suis parvenu à terminer cette histoire qui trottait dans ma tête depuis plus longtemps encore. J’espère lui avoir rendu justice.
Désormais, c’est entre vos mains qu’elle se trouve, et je la regarderai parcourir son chemin avec tendresse.
Il n’est plus en mon pouvoir de déterminer son destin à présent. Je ne peux que souhaiter qu’elle touche les lecteurs et les lectrices qui lui feront confiance. Certaines et certains vont l’aimer, d’autres moins. Tous sauront, je le crois, que c’est de mon mieux que je suis entré dans l’aventure.
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez vous rendre sur la page consacrée à Fæe du Logis, ou lire l’article que je lui ai consacré il y a quelques semaines.
Et si vous voulez vous aussi entrer peu à peu dans l’Autre Monde, les liens qui suivent vous permettront d’acquérir le roman lui-même.

Version papier

  • Date de publication 02/11/2021
  • Urban fantasy
  • 400 pages
  • Format A5, couverture rigide à signet
  • ISBN 9791093734033
  • Prix : 25€
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Version numérique

Date de publication

02/11/2021

ISBN

979-10-93734-05-7

Format de fichier

ePub

5,99 

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Version livre audio

  • À paraître en 2021
  • Lu par l'auteur
  • Urban fantasy
  • Formats .mp3, .m4b
  • 40 Mo
  • Prix : 14€
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Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Fæe du Logis, du rêve au roman

Fæe du Logis, du rêve au roman

Le texte de mon troisième roman est enfin terminé. Il est passé par de longs mois d’écriture sur le premier jet depuis le mois d’octobre 2019, puis durant le premier confinement en 2020, jusqu’en juin de cette année-là. A suivi une étape d’intense relecture sur le fond, à la fois par mes bêta-lectrices et par moi-même, après une pause nécessaire pour permettre à mon esprit de retrouver les mots avec une certaine naïveté. Il a ensuite subi une première phase de corrections sur l’histoire, notamment sur certains passages qui étaient peu clairs ou trop peu développés. Certains personnages ont été retravaillés, leur caractère approfondi, leur implication dans l’intrigue repensée. Tout cela a pris une longue année de plus, jusqu’en juin 2021.

Une deuxième relecture est alors intervenue, à la fois sur le fond et la forme. Puis une deuxième phase de correction a amené encore quelques changements, plus mineurs cette fois-ci.

La version définitive du texte en est sortie en août 2021, avant des passages aux dernières corrections orthographiques à l’aide d’Antidote et une impression papier pour laisser le soin à des yeux humains de traquer les dernières coquilles.

Après plusieurs années, je peux dire que Fæe du Logis est achevé.

Pourtant, sa véritable histoire ne fait que commencer, car bientôt, vous pourrez tenir le livre papier dans vos mains, ou, si vous le préférez, télécharger le texte sur votre liseuse, ou encore écouter ma voix vous conter cette histoire dans un livre audio.

Il est donc temps de vous présenter cette nouvelle création.

Un rêve

Tout a commencé en 2014, alors que j’avais commencé à investir cet espace virtuel comme on s’installe dans un nid douillet, et que je prévoyais d’écrire en plus de mes articles, un deuxième roman intitulé Le Choix des Anges, finalement publié en 2018.

Tout a commencé par un rêve.

Un rêve étrange, d’une netteté incroyable, assez surprenant, dans lequel une mystérieuse femme enceinte me montrait du regard le panorama des toits de brique rouge de Toulouse en m’affirmant :

Tout va bien se passer, maintenant.

Comme il arrive souvent dans les rêves, cette femme était un mélange de plusieurs personnes que je connaissais, qui avaient peuplé mon existence jusque là, et en même temps n’était aucune d’entre elles. Comme il arrive parfois, cette scène finale du songe est restée gravée dans ma mémoire. Comme il arrive plus rarement, l’ambiance de sérénité, de réalité prégnante et de bienveillante certitude qui baignait ce songe a continué d’être ancrée en moi pendant de longues heures, puis plusieurs jours, quelques semaines, des mois. Ces six mots, tout simples, ne m’ont pas quitté, et avec eux ce sentiment profond, presque indescriptible, qu’en effet, tout se passerait bien, que quelqu’un veillait sur moi et sur ma compagne. Je me sentais rempli de calme et de confiance en l’avenir.

Je ne suis pas le Serpent à plume pour rien. En moi coexistent deux faces. Mon côté logique, cartésien, scientifique. Mon côté rêveur, mystique, imaginatif. Ces deux faces se mélangent en se respectant l’une l’autre. Je ne crois pas aux messages magiques, aux présages et aux esprits qui parleraient dans nos rêves. Je ne crois pas non plus aux délires freudiens des gourous de l’inconscient tout puissant. Je place ma confiance dans la capacité de l’esprit humain d’assembler des idées, des perceptions, des impressions, en une création nouvelle. Je crois fermement que la complexité évolutive des systèmes du vivant comme des systèmes de l’univers dans son ensemble est en elle-même la véritable réponse au sens de notre existence (même si 42 pourrait être une solution acceptable).

Alors sans doute mon esprit double ne pouvait-il que s’emparer de cette impression, de ce sentiment à la fois diffus et puissant, de ces six mots et du songe qui les avait vus prononcés. Il fallait, je le savais au plus profond de moi, que je fasse quelque chose de tout cela.

Alors j’ai décidé d’en tirer une histoire.

J’ai décidé que je pouvais moi-même donner un sens à ces six mots, en imaginant un récit qui pourrait mener jusqu’à cette même scène. Un récit parmi les infinités possibles, et qui pourtant serait le mien. Ma façon à moi d’expliquer, de rendre justice, de transmettre.

Un premier chapitre sur d’écaille & de plume

Assez rapidement, il m’est devenu évident que ce récit serait assez long, mais surtout, qu’il impliquerait de m’intéresser à un domaine de l’imaginaire qui n’était pas le plus simple pour moi : le fantastique. L’irruption de quelque chose ou quelqu’un de surnaturel dans le quotidien de notre monde semblait la meilleure façon d’aborder ce projet. C’est un exercice que j’ai toujours trouvé difficile, délicat, car éminemment complexe à rendre par l’écrit. Pourtant, mes inclinations littéraires m’avaient assez tôt poussé vers la poésie, qui excelle dans cette capacité à diffuser l’étrange dans le banal, à infuser le doute, à susciter les interrogations et les interprétations. Pourtant, les œuvres d’un Neil Gaiman, maître de ces détournements de la réalité pour y distiller un surnaturel subtil, ont toujours fait partie de mon panthéon des œuvres les plus réussies.

J’ai commencé par me dire que ce serait donc un exercice.

Comme tel, j’ai décidé de composer une série d’épisodes, comme un feuilleton, qui serait publié sur ce site.

Au sortir du rêve lui-même, le concept d’une femme surnaturelle était déjà là. Nourri aux légendes celtes et scandinaves depuis ma plus tendre enfance, j’ai naturellement pensé à l’Autre Monde, celui du Petit peuple, des Fæs, de ces êtres qui n’ont pas la même façon de percevoir le Bien et le Mal que nous. J’ai pensé à une bénédiction qui pouvait être une malédiction et à l’inverse. J’ai pensé à la façon dont une malédiction pouvait prendre racine dans notre monde. J’ai pensé naturellement à la maladie, puisque la combattre est mon métier.

Alors j’ai écrit un premier chapitre, que j’ai publié ici.

Mais la forme ne convenait pas. Mais le fond ne parvenait pas à une cohérence suffisante. Et Le Choix des Anges occupait trop mon esprit. Alors, il n’y eut pas de suite. Pas tout de suite.

No results found.

Un roman

Puis, lorsque Le Choix des Anges a pris son envol, en mars 2018, et qu’a suivi une courte phase de «post-librum blues», l’évidence est revenue me frapper : le prochain roman ne pouvait être qu’issu de Fæe du Logis. J’ai donc construit une trame avec mes outils préférés, Scapple et Aeon Timeline. Car je fais partie de ces écrivains que l’on dit «architectes» : j’ai besoin de connaître non seulement la fin, mais aussi les étapes d’une histoire, pour commencer à l’explorer à l’écrit. Bien évidemment, la rédaction elle-même m’offre souvent (toujours) des surprises. Une partie du travail d’écriture est en fait de savoir comment intégrer dans ce que j’avais prévu au départ ce que le flot de l’écriture a fait émerger de façon imprévue. C’est à la fois la partie la plus ardue et celle qui est la plus passionnante. Je m’y creuse la tête fréquemment, et certaines idées, certains problèmes d’articulation ou d’intégration, peuvent occuper mon esprit pendant des jours, voire des nuits.

Et au bout du chemin, l’agencement de plus de 650 000 signes donne naissance à une histoire que je pense être la plus fidèle à ce que le rêve a signifié pour moi.

Cette histoire, qui s’étale sur plusieurs époques, depuis la Renaissance jusqu’en 2018, est imprégnée d’amour et de tristesse, de maladie, de malédictions, de trahisons et de loyautés, de colère et de mort, de souffrance et de résilience, de courage et d’amitié, de sentiments fraternels, de réconciliations et de rédemptions.

Pour vous en livrer le résumé de la quatrième de couverture :

De nos jours, plus personne ne croit aux malédictions.

Plus personne ne peut croire que le suicide de Victor, le père d’Alice, alors qu’elle n’était qu’une enfant, ne soit dû à autre chose qu’aux traumatismes qu’il avait vécus lors de la guerre en ex-Yougoslavie. Plus personne ne peut croire que le mal qui vient à frapper sa mère, Flora, avec laquelle les rapports étaient toujours orageux, ne soit autre chose qu’une affection génétique rare.

Personne, au XXIe siècle, ne croirait que ces faits puissent être reliés entre eux.

Plus personne ne croirait qu’une mystérieuse offense puisse en être à l’origine.

Une offense envers qui, d’ailleurs ?

De nos jours, plus personne ne croit aux êtres féériques.

La couverture

Fidèle à la nouvelle identité graphique que j’ai inaugurée avec la deuxième édition du Choix des Anges, la couverture de Fæe du Logis est conçue comme minimaliste, pour être autant reconnaissable en numérique et en papier. Elle met en avant la typographie du titre, et deux illustrations d’Arthur Rackham (1867–1939) : la forme du satyre qu’il créa pour The Wind in the Willows, de Kenneth Grahame, et l’illustration d’Undine pour le livre éponyme de Friedrich de la Motte Fouqué.

La maquette intérieure

Là encore, j’ai repris l’identité graphique utilisée pour Le Choix des Anges. Le confort de lecture étant pour moi l’un des paramètres les plus importants, j’ai gardé la fonte Paciencia avec une taille correcte, conservé la plus grande marge extérieure par rapport à l’intérieure. Et repris une aération du texte qui permette une harmonie de la mise en page. Je n’aime pas, en effet, les textes qui sont comprimés dans la totalité de l’espace d’une page. J’aime au contraire que les mots soient aussi entourés d’un blanc conséquent.

Maquette de Fæe du Logis, pages de bibliographie et de titre
Maquette de Fæe du Logis, page de titre de partie
Maquette de Fæe du Logis, page de titre de chapitre
Maquette de Fæe du Logis, pages de texte

La publication

Donc, le texte est achevé, mais quand donc pourrez-vous le lire ?

C’est une excellente question.

Étant donné que je me refuse à sortir un livre lors de ce que l’on appelle la «rentrée littéraire», moment où l’on a le plus de chance de le laisser se noyer dans la masse des centaines d’autres œuvres qui sont publiées en même temps, il serait plus logique d’attendre octobre, qui est aussi le «mois de l’imaginaire» depuis quelques années.

Pourtant, j’ai plutôt décidé de la date du 2 novembre 2021.

Pourquoi ?

Simplement parce que j’aime beaucoup les symboles, et que la nuit de Samhain (ou Halloween de nos jours) est le point culminant de l’histoire. Publier Fæe du Logis juste après cette date me semble approprié pour respecter le rêve qui lui a en quelque sorte donné naissance.

Gagner un exemplaire

C’est la deuxième raison à ce délai de presque trois mois.

Je vous offre la possibilité de gagner un exemplaire dédicacé, jusqu’au 31 octobre 2021.

Pour cela, cependant, vous devrez entrer vous aussi dans un Autre Monde, celui de la Tribu des Ptérophidiens et des Ptérophidiennes. Cela signifie vous inscrire à la lettre d’écaille & de plume, et ensuite de répondre au mail de bienvenue en expliquant en 50 mots maximum quelle personne, dans votre vie, aurait pu être un être venu de l’Autre Monde, et pourquoi.

Durant toute cette période, j’enverrai toutes les deux semaines une mini-lettre d’écaille & de plume pour partager les textes que j’aurai reçus, et je les afficherai tous sur une page privée à laquelle seuls les Ptérophidiens & Ptérophidiennes auront accès sur d’écaille & de plume.

Le 1er novembre, en fonction de mon propre avis, mais aussi du vôtre si vous désirez le donner (car vous pourrez voter), le plus beau texte fera gagner à son auteur ou son autrice un exemplaire dédicacé de Fæe du Logis.

Alors à votre plume, votre crayon, votre stylo (ou stylet), à votre clavier, bref, à vous de jouer !

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Abolir le privilège de créer

Abolir le privilège de créer

Abolir le privilège de créer

Question : Vous sentez-vous concerné par les difficultés rencontrées par des auteurs ?

Réponse : Je ne me sens pas touché en raison du corporatisme que cela représente. D’abord, il y a tellement d’autres secteurs dans la merde et qu’il faut mieux aider. En second, je pense que nous produisons trop. Certains écrivent sans avoir la nécessité vitale de le faire. À un moment donné, même si on est très brillant, on ne se renouvelle pas assez. Je n’ai pas envie de défendre tout ça, ce n’est pas prioritaire. Pouvoir créer est un privilège.
— Alain Damasio, revue Livres Hebdo, 02/04/2021.

La réplique a fait couler de l’encre dans le milieu littéraire (est-ce un pléonasme ?).

C’est qu’elle étonne et détone sur le plan politique et philosophique de la part d’un auteur par ailleurs très engagé.

J’admire les œuvres d’Alain Damasio.

Elles sont souvent des bijoux dont la forme est travaillée autant que le fond en une harmonie rarement atteinte en littérature.

Mais surtout, elles portent en elles une vision de l’être humain émancipatrice.

Alors, comment comprendre une déclaration aussi paradoxale avec cette posture habituelle ?

Car en substance, si les mots veulent bien dire ce qu’ils sont censés exprimer, Alain Damasio développe l’affirmation selon laquelle :

  1. Pour mériter d’écrire, il faut être brillant et se renouveler, mais aussi en avoir une nécessité vitale.
  2. Seuls certains peuvent mériter ce privilège qu’est la création.

En résumé : les êtres humains ne sont pas tous légitimes à prétendre au titre de créateur.

Personnellement, cette affirmation me hérisse le poil et me révolte.

L’industrie de la création

Bizarrement, alors qu’il se présente souvent comme un partisan de l’anticapitalisme, Alain Damasio légitime dans cette déclaration une vision de la création littéraire soumise à la loi du marché.

Pour lui, «nous produisons trop».

La phrase est vague, et pourtant elle fait écho à un argument qu’on lit de temps à autre pour expliquer que les auteurs gagnent mal leur vie : le nombre de livres produits chaque année serait tellement important qu’ils entreraient en concurrence les uns avec les autres, en plus d’être en concurrence avec les autres moyens d’expression que sont les films, les séries, les jeux vidéos, et le pouvoir d’achat des consommateurs de culture étant limité, chaque auteur ne percevrait qu’une portion infime de ce gâteau financier et ne pourrait donc pas en vivre décemment.

J’ai volontairement parlé de concurrence, de pouvoir d’achat et de consommateurs.

Dans cette simple phrase, Alain Damasio se soumet au paradigme capitaliste de l’industrie de la création.

Selon son raisonnement, si l’on avait moins de personnes qui se prétendaient autrices, les véritables créateurs ne se feraient pas concurrence, et gagneraient mieux leur vie.

Je ne suis pas d’accord.

Je défends quant à moi l’idée selon laquelle on mesure la valeur d’une société à la place qu’elle accorde (ou pas) à ceux et celles de ses membres qui sont en capacité d’apporter plus de beauté, de réflexion, de connaissance, de sagesse, au trésor commun de l’Humanité.

Et si une société facilite l’émergence en son sein de tels créateurs, alors elle a des chances de faire briller plus loin, plus longtemps et plus fortement le phare de l’intelligence dans l’univers.

Pour moi, il n’existe pas un stock fini de création possible dans une société, mais au contraire un potentiel infini. Et pour moi, plus il y a de créateurs et de créatrices actives dans la société, plus celle-ci devient riche d’idées, de concepts, de beauté, plus elle est digne d’être montrée en exemple.

Pour une bonne raison, qu’Alain Damasio cite pourtant dans sa malheureuse tirade :

La nécessité vitale de créer

Là encore, ces cinq mots sont assez flous et l’on ne sait pas exactement ce qu’Alain Damasio leur donne comme véritable signification.

Je vais donc expliquer ce qu’ils signifient pour moi.

D’abord, de façon intime, c’est un élan que je ressens physiquement, dans ma chair, dans mon sang, dans mes tripes. Donc dans mon esprit, car comme l’a récemment montré un autre Damasio, Antonio (aucun lien avec Alain, à ma connaissance, «ils sont fils uniques» comme dirait Serge Karamazov), dans son dernier ouvrage Sentir et savoir, l’émergence de la conscience chez les êtres vivants prend racine dans le corps lui-même. Ainsi, les sensations physiques qui chez moi expriment ce besoin d’exprimer mes sentiments, mes espoirs, mes révoltes, mes pensées, ma vision particulière du monde, font-elles naître une conscience que j’ose qualifier d’artistique, en plus de créatrice. J’ai expérimenté dans ma vie des périodes où ce besoin était réprimé, à cause de manque de temps, ou de confiance en moi, ou de préoccupations plus «immédiates». J’en ai ressenti une sensation physique de recroquevillement, de malaise, une sorte de nausée permanente qui chez moi naît dans mon abdomen et se prolonge jusque dans ma gorge. J’en ai ressenti des symptômes physiques aussi réels, nets et puissants que lorsque j’ai faim, ou soif, ou lorsque je suis pris d’une fièvre.

Ainsi, contrairement à la théorie de la pyramide de Maslow, qui postule que l’on ne peut commencer à atteindre les étages supérieurs que si les étages inférieurs sont bien stabilisés, je ressens plutôt que les étages supérieurs ont une influence sur les étages inférieurs. Du moins dans mon cas particulier.

Mais on pourrait imaginer que ce ne soit le cas que d’une minorité d’auteurs et d’autrices.

Je ne le pense pas.

Je suis même persuadé que ce besoin vital, cette nécessité, est consubstancielle à tous les êtres vivants doués de conscience, voire à tous les êtres vivants, voire à l’univers dans son ensemble.

Car qu’est-ce que la création ?

C’est l’apport au monde de quelque chose qui n’existait pas auparavant, au moins sous cette forme particulière, avec cet agencement particulier. C’est faire émerger une propriété nouvelle à partir d’éléments déjà présents. C’est augmenter les potentialités de nouvelle création à partir de ce que l’on vient juste de construire de nouveau.

C’est augmenter la palette d’actions possibles, l’enrichir d’une nouvelle option.

Que font les êtres humains, en permanence ? Ils créent de nouvelles relations entre eux, sociales. Ils créent de nouvelles idées, de nouvelles techniques, dans chaque domaine de leur vie, que ce soit dans la façon de fabriquer du pain ou dans la poésie, que ce soit dans le choix de leurs itinéraires routiers ou de leur déroulement de carrière.

Plus intéressant encore — et l’autre Damasio, encore lui, le montre beaucoup mieux que moi —, que font les êtres vivants aussi simples que des bactéries face à des conditions de vie qu’elles ne connaissaient pas auparavant ? Elles s’adaptent (et font donc preuve d’intelligence) et parfois font émerger de nouveaux mécanismes biologiques, de nouvelles façons d’utiliser des protéines déjà existantes, voire créent de nouvelles protéines. Elles créent. Par nécessité vitale. Et on peut aller plus loin en affirmant que si elles existent toujours, c’est justement parce que l’évolution naturelle les a sélectionnées par ce critère-là. Les bactéries ne peuvent exister que si elles obéissent à la loi de la nécessité vitale de créer.

Et si je pousse le raisonnement encore plus loin, je peux même étendre cette nécessité au fonctionnement de l’univers dans son ensemble. Pour qu’il puisse exister (et nous avec), il a fallu qu’il compose des quarks, puis des leptons à partir de ces quarks, puis des atomes à partir de ces leptons, puis des molécules à partir de ces atomes, puis des organismes vivants à partir de ces molécules. L’évolution de l’univers se fait avec toujours plus de complexité, toujours plus de création de potentialités. L’univers n’existe que parce qu’il répond lui aussi à cette nécessité vitale de créer.

Pourquoi donc seuls certains êtres humains y seraient-ils soumis, et pas les autres ?

Le privilège de créer

C’est la notion qui a le plus fait réagir dans la réplique d’Alain Damasio.

Créer est-il un privilège ?

Je crois que j’ai démontré que ce n’était pas le cas dans l’univers et dans notre biologie. Mais concentrons-nous sur le sens social que l’on peut trouver au concept.

Si créer est un privilège, alors il existe deux catégories d’êtres humains : ceux qui possèdent ce privilège, et ceux qui en sont privés. On peut accepter ce fait si l’on considère que c’est un don de la Nature, une qualité intrinsèque, génétique, sur laquelle on n’a pas de prise, un peu comme certaines personnes sont douées pour les langues, et d’autres pas, ou certaines personnes sont plus «câblées» pour comprendre les concepts complexes de la théorie quantique à boucle et d’autres pas.

Pourtant, nous sommes nombreux à penser que la création artistique est aussi une affaire de techniques que l’on peut apprendre, comme un artisan verrier peut suivre l’enseignement de son maître. Certes, selon que nous serons plus ou moins doués, nous pourrons mieux ou moins bien utiliser ces techniques et le résultat sera plus ou moins harmonieux, plus ou moins novateur, plus ou moins réussi. Mais chacune et chacun d’entre nous a les capacités pour apprendre.

Il existe donc une deuxième possibilité de considérer ce concept de privilège, c’est la notion de droit.

Il y aurait donc des personnes qui auraient le droit de créer, et d’autres à qui on dénierait ce droit.

Mais alors, qui décide ?

Qui a le pouvoir de déterminer si j’ai le droit, le privilège, de créer, ou si je ne l’ai pas ?

Y a-t-il quelque part un comité qui attribue ce droit ?

Ou bien est-ce le choix arbitraire d’un Souverain ?

Ou encore est-ce un droit d’origine divine, une Illumination venue d’En-Haut ?

Non, aucune de ces affirmations n’est réaliste, ou audible du simple point de vue éthique.

Créer n’est pas un privilège. Créer est dans la nature même des êtres humains.

D’ailleurs, en ce symbolique 4 août 2021, 232 ans après qu’une assemblée ait voté dans la nuit l’abolition des privilèges sociaux qui avaient cours en France depuis des siècles, l’abolition du privilège de créer me semble plus fondamentale que jamais.

Et je complète d’ailleurs en promulguant :

Une Déclaration universelle des droits de l’être humain et du créateur

Article premier

Tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux devant le droit inaliénable de créer de nouvelles expériences artistiques.

Article deuxième

Ils sont tous doués de talents propres, différents pour chacune et chacun, et restent libres de les utiliser comme ils l’entendent afin d’exprimer leurs sentiments et leurs émotions comme bon leur semble.

Quant aux autres articles, je crois fermement qu’ils devraient comprendre le devoir pour la société et l’État qui en est l’émanation de veiller à ce que chacune et chacun puisse exercer ce droit fondamental, et donc apporter aide et assistance aux créateurs, aux artistes, aux autrices et aux auteurs, au même titre qu’il le fait pour d’autres secteurs d’activité humaine.

Dans une période où une pandémie met en danger nos corps, n’oublions pas que la santé n’est pas seulement une absence de maladie physique, mais bien aussi un état de complet bien-être, physique, mental et social, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé.

La faculté de créer peut y contribuer.

Et s’il faut écouter un Damasio, préférons les travaux d’Antonio aux déclarations maladroites d’Alain.

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Se vacciner : un devoir citoyen

Se vacciner : un devoir citoyen

Se vacciner : un devoir citoyen

Nous venons de vivre, et vivons toujours, un traumatisme qui traverse chacune et chacun d’entre nous dans toutes les sphères de notre existence. Nous l’avons vécu individuellement, dans la peur de la maladie, de la souffrance, de la mort, dans la privation de liberté, dans l’arrêt de nos loisirs, dans la perturbation majeure de nos activités professionnelles. Nous l’avons vécu dans nos relations sentimentales, familiales, amicales, par l’éloignement physique, la peur de contaminer ou être contaminé, l’inquiétude pour celles et ceux qui nous sont proches. Nous l’avons parfois vécu de façon intime par des douleurs, de la fatigue, du temps qui semble filer entre nos doigts. Nous l’avons hélas vécu aussi par la perte, le décès, le deuil. Nous l’avons également vécu dans le tissu de notre société, dans les liens qui nous relient aux autres par cette grande trame qui constitue l’Humanité, et que même les anachorètes les plus extrémistes ne peuvent rejeter complètement puisqu’ils se définissent toujours par rapport à elle, même si c’est en opposition frontale.

Nous venons de prendre conscience, dans notre société qui prône l’individualisme le plus forcené, que, pourtant, notre vie n’a de sens que si nous la relions à celle d’autres êtres humains.

On a beau dire, je prends le pari que même les plus égoïstes d’entre nous auront ressenti ce manque d’échanges avec les autres, même si ce n’était qu’avec leurs amis ou leurs parents.

L’être humain est un animal social.

Autrement dit : notre vie n’a de sens que si nous formons une société.

Une fois cela posé comme axiome (je crois que personne ne peut contester ce fait tout simple), il est plus que temps d’en tirer quelques conséquences sur nos comportements.

Parce que si nous voulons continuer à vivre en société, il est impératif d’agir comme si nous en étions l’un de ses membres, donc d’en respecter les règles.

Avertissement

J’en suis le premier peiné, mais l’expérience actuelle d’internet étant ce qu’elle est, c’est-à-dire le reflet d’une société incapable de discuter sereinement et avec bienveillance, sans mauvaise foi ni pseudoarguments fallacieux parés des atours de la science sans en avoir la réalité, je prends la décision de fermer préventivement les commentaires sur cet article.

J’anticipe ainsi les éventuelles flamewars dont sont coutumiers nos contemporains, mais j’empêche de fait le débat. J’en suis désolé.

Cet espace virtuel doit rester un lieu calme et respectueux. Si vous voulez vous écharper de façon stérile et idiote, ou exprimer combien je suis un cryptofasciste réactionnaire et liberticide à la solde de big-pharma digne d’être lynché, allez sur Twitter voir si j’y suis… (spoiler : non).

Les règles de la vie en société

Toute société a des règles.

Toutes les sociétés ont des règles.

Toutes.

Même les familles mafieuses. Même les gangs. Même les communautés libertaires qui vivent en autarcie dans le fin fond des forêts du Nouveau Monde. Même les cellules anarchistes ont des règles. Si.

Et savez-vous la seule règle qui soit commune à toutes ces sociétés ? La seule règle, d’ailleurs, qui soit commune à toutes les sociétés humaines ?

Chaque membre à part entière d’une société doit protéger et défendre les autres membres de cette société.

Bien évidemment, si un membre de la société commet un crime ou enfreint les règles, il ou elle sera sanctionnée. Mais par défaut, même les mafieux se protègent entre eux.

La citoyenneté

Lorsque le concept nait en Grèce antique, la citoyenneté est l’appartenance à une société particulière. La société démocratique d’une cité-État. On était citoyen d’Athènes, ou citoyen de Sparte, ou citoyen de Thèbes.

Le sens a pu glisser vers le concept d’appartenance à un pays, mais dans notre propre pays, la France, comme dans les pays occidentaux au sens large, être citoyen recouvre la même acception que dans la Grèce antique : être impliqué dans la vie de la société.

Un citoyen a des droits. Il a une existence légale qui lui permet d’être reconnu pour ce qu’il ou elle est et donc : d’acquérir ou de louer un appartement, d’avoir une assurance maladie, de scolariser ses enfants, de travailler, de voter pour choisir son gouvernement, son représentant à l’Assemblée. Un ensemble de droits politiques mais aussi de la vie de tous les jours. Il ou elle peut vivre comme il ou elle l’entend, sous réserve de respecter la loi.

Car un citoyen a des devoirs. Même si nous ne devons plus effectuer un service militaire comme jusque dans les années 1990, nous devons rendre quelques services à notre société. Payer nos impôts, par exemple.

Mais notre premier devoir n’est pas face à «la société», cette entité devenue presque abstraite pour beaucoup d’entre nos contemporains. Notre premier devoir est envers toutes les personnes qui forment cette société avec nous. Et ce premier devoir, comme pour toutes les associations d’êtres humains, est de les protéger et défendre.

Car on ne peut pas profiter d’un droit sans en retour en assumer un devoir.

Et quand je dis ça, je ne me place même pas du côté de la morale, mais simplement d’un côté bassement matériel, presque cynique.

Même si l’on est le dernier des égoïstes, et si notre plaisir de regarder Netflix guide seul notre conduite, nous sommes bien contents de trouver des gens pour jouer dans les séries Netflix que nous regardons, nous sommes bien contents de trouver des gens pour cuire notre pain, pour garder nos enfants pendant que nous regardons Netflix, pour brasser la bière que nous allons déguster pendant notre match de foot. Et d’ailleurs, croyons-nous que le canapé sur lequel nous sommes vautrés s’est assemblé tout seul ? J’ai essayé de me concentrer pour demander à ce qu’un nouveau canapé émerge du chaos sans intervention humaine. Mais j’ai échoué. Non, il a bien fallu des gens pour le fabriquer, le livrer.

Protéger l’autre est donc non seulement moral, mais aussi dans notre intérêt. C’est de la simple intelligence. Cette intelligence dont nous sommes sensés être les mieux pourvus en tant qu’espèce dominante et consciente.

Le métier du soin

Parmi nous, certains et certaines ont choisi un métier en rapport avec le soin. Que ce soit aide-soignant, infirmière, médecin, éducatrice, kinésithérapeute, nous avons tous choisi cette voie.

J’imagine que ce n’est pas par défaut.

Car soigner est difficile. Physiquement parfois, moralement souvent. Nous sommes confrontés à la souffrance, la déchéance, la détresse, la mort parfois.

Je crois que si nous n’avions pas eu une bonne raison de continuer à faire ce métier, nous en aurions changé.

Qu’est-ce qui cloche donc pour qu’un soignant ou une soignante refuse d’aider «les autres», c’est-à-dire en l’occurrence tout le monde, à sortir de la pandémie en ne se faisant pas vacciner ?

Pire : qu’est-ce qui cloche pour qu’un soignant se transforme en un vecteur de maladie (en ne se faisant pas vacciner) et donc provoque l’inverse de ce qu’il ou elle veut au départ ?

La confiance et la méfiance

La racine de ce mal est, je crois, la méfiance généralisée.

Comme sur Twitter, tout le monde croit que tout le monde lui en veut. Tout le monde croit que tout le monde est mauvais. Tout le monde croit dur comme fer le contraire de la réalité.

Parce que c’est plus commode.

C’est plus commode de croire qu’un milliardaire américain tout seul a réussi à faire basculer dans un plan maléfique des milliers de scientifiques pour dominer le monde avec des vaccins et un peu de 5G que de se dire qu’on va faire un acte désintéressé. Parce que comme ça c’est la faute des autres. Jamais la nôtre.

Parce que comme ça on risque moins.

C’est sûr qu’on ne risque pas de se faire contrôler par des nanomachines. Et en prime on ne risque pas de se débarrasser du virus non plus. On ne risque pas de voir s’arrêter les morts en réanimation.

Mais la racine du mal c’est aussi la confiance mal placée.

Parce qu’on croit tout savoir tout seul.

On croit maîtriser des disciplines ardues comme l’épidémiologie (au hasard), la biologie moléculaire, la génétique, la microbiologie, la virologie, parce qu’on a eu deux cours de sciences de la vie en quatrième. Ou qu’on est président de la République et qu’on est passé par l’ENA.

Parce qu’on croit qu’un grand professeur dans son coin peut avoir raison contre des centaines de gens qui se basent sur la science.

On croit qu’un seul cerveau humain peut être plus fiable que plusieurs milliers qui partagent leurs connaissances et s’entraident. Sérieusement, vous avez déjà essayé de battre tout seul une équipe de gens entraînés ? À n’importe quel sport ou n’importe quelle activité ? Vous savez d’avance ce que ça va donner… vous allez vous ridiculiser face à toute cette intelligence collective dressée contre vous. Même Léonard de Vinci s’est trompé. Souvent. Même Galilée, invoqué à tort et à travers par ceux qui croient mieux savoir que les scientifiques (les vrais), s’est basé sur des faits et des observations avec la rigueur de la science.

En résumé, on place notre confiance dans les mauvaises personnes ou les mauvais concepts, et on tourne le dos aux personnes qui pourraient nous secourir et nous aider, aux concepts qui pourraient être utiles.

La vaccination

Parce que la vaccination, en vrai, c’est quoi ?

C’est le moyen le plus naturel qui soit de se protéger des infections.

Car voyez-vous, quand les tenants des «médecines naturelles» vous énoncent d’un air sentencieux qu’il faut laisser le corps se défendre seul… en fait ils vous disent de vous faire vacciner !

Parce que c’est exactement ce qu’est la vaccination : un moyen de faire en sorte que le corps se défende efficacement SEUL sans l’aide de produits chimiques comme des antibiotiques ou des antiviraux.

Notre corps est capable de produire des défenses contre un micro-organisme, si on lui en laisse l’opportunité AVANT de croiser la maladie elle-même.

La vaccination sert à ça : on nous injecte un morceau du microbe que l’on veut combattre, et, miracle de la biologie et de notre système immunitaire, nous fabriquons seuls des défenses qui seront efficaces contre le véritable microbe si nous le rencontrons. Cela sans l’aide de la moindre molécule antibiotique. Sans même un traitement curatif. Car c’est préventif !

Alors certains vont dire qu’il y a des effets secondaires…

Oui.

Comme lorsque vous buvez des litres de tisane aux plantes pour vous protéger des infections au lieu de vous vacciner : certaines plantes provoquent des effets secondaires graves, comme des insuffisances rénales pouvant vous conduire en dialyse le reste de votre vie… n’oublions surtout pas que les médicaments, au départ, ce sont des plantes… et que les plantes qui soignent sont souvent des poisons, dont l’effet thérapeutique et l’effet mortel n’est parfois séparé que par une dose infime…

La liberté

Alors on va me rétorquer qu’il est de la liberté de chacun de décider s’il ou elle veut se faire vacciner.

Oui. Et non.

La liberté est peut-être la première à être citée dans le triptyque de la devise républicaine dans notre pays, mais ce n’est pas la seule. Il ne faut jamais oublier la troisième : la fraternité. Qui nous rappelle que notre société fait attention à ses membres.

De plus, la liberté sans aucune limite, ce n’est pas la liberté, mais le chaos.

Sans aucune limite à notre liberté, nous serions libres de marcher sur les autres, et ça, peut-être que certaines et certains s’en balancent. Mais n’oublions jamais que l’inverse est aussi vrai. Sans aucune limite à notre liberté, les autres seraient libres de nous marcher dessus.

Quand donc il est nécessaire d’arrêter un fléau comme une maladie infectieuse, si nous sommes vraiment des citoyens à part entière, il est de notre devoir de nous faire vacciner. Pour nous-mêmes. Pour nos proches. Pour tous ceux qui sont fragiles. Pour toutes les personnes qui voudraient retrouver une vie sociale, culturelle, familiale normale. Une vie tout court.

Si nous voulons faire partie de la société, il est de notre devoir de citoyen et de citoyenne de nous faire vacciner.

Et si nous refusons, il est donc clair que nous ne voulons pas faire partie de la société. Il est donc juste d’en assumer les conséquences. Ces conséquences devraient être de ne pas pouvoir aller dans certains lieux publics.

Je ne nie pas la liberté de ne pas se faire vacciner. Je défends par contre un principe qui est consubstantiel à la liberté : la responsabilité de ses actes.

L’intelligence

Admettons cependant une minute que notre liberté soit absolue.

Il serait tout de même nécessaire de se vacciner.

Par simple intelligence.

Par simple calcul égoïste. Même si on n’est pas une personne à risque.

Et ce pour deux raisons simples.

La première, parce que nous aussi nous voulons certainement retrouver la possibilité de voir des amis en toute sérénité, d’aller dans des concerts, des festivals, des musées.

La deuxième, plus fondamentale encore. Parce que nous avons tous envie de garder ceux que nous aimons en vie. Et que nous tenons nous-mêmes à la vie.

Parce que ce que les journaux télévisés n’expliquent pas vraiment, c’est que lorsque les services de réanimation sont pleins à craquer de gens qui sont atteints de Covid19, le danger n’est pas seulement pour ces malades. Le danger est aussi, et surtout, si l’on pense seulement à soi-même. Si d’aventure, vous, ou moi, ou votre mère, votre oncle, votre meilleure amie, nous avions un accident de la route grave, ou un AVC, ou un infarctus du myocarde. Ces situations sont banales, arrivent tous les jours, et pas seulement aux autres. Si un jour donc, une personne proche, non à risque de forme grave de Covid19, devait être admise en réanimation suite à un accident de la route, et que le service est incapable de la soigner par manque de place, serions-nous capables de continuer à clamer haut et fort que nous refusons de nous faire vacciner ?

Ne pas se faire vacciner, c’est prendre ce risque. Pour nous et nos proches. Pour toutes les autres personnes.

L’obligation : un aveu de l’échec de l’intelligence collective

Dans une société apaisée et démocratique, il devrait donc être évident pour tout le monde que la seule conduite intelligente, honorable, légitime, éthique, morale, est de se faire vacciner contre le germe responsable d’un danger pour toutes les personnes qui forment notre Cité.

Cela ne devrait même pas poser de question.

Cela devrait être si évident qu’on n’en discuterait même pas.

Mais nous sommes loin d’être dans une société apaisée. Quant à la démocratie, elle est bien malade elle-même.

Alors on en vient à penser à l’obligation par la loi.

On en vient à menacer les soignants de cette obligation. Alors qu’encore une fois il est dans la simple logique qu’ils se fassent vacciner volontairement, de par le métier qu’ils ont eux-mêmes choisi.

Vous l’aurez compris, je suis partisan de cette mesure d’obligation des soignants.

Mais j’irais même plus loin.

Cette obligation devrait au moins être indirecte pour tous. En conditionnant certains actes de la vie quotidienne de citoyen à un certificat vaccinal, comme se rendre dans certains lieux collectifs.

Parce que lorsque l’on fait un choix, il est indispensable de l’assumer, et d’en assumer aussi les conséquences.

Certains me traiteront de fasciste, ce que je ne suis certainement pas.

Ma philosophie est simplement de rendre à chaque personne son libre arbitre, ce qui veut dire la possibilité d’être responsable des choix que l’on fait en toute liberté. Comme chacun de nos choix a des conséquences sur les autres, chacun de nos choix a des conséquences pour nous-mêmes en retour.

Pourtant, cette obligation serait terrible, parce qu’elle signifierait que nous avons véritablement échoué, tous autant que nous sommes, à hausser notre niveau collectif d’intelligence. Elle signifierait que nous sommes encore des enfants qui doivent être grondés, punis, parce qu’ils ne sont pas capables d’apprendre.

Si on en arrivait là, nous démontrerions une fois de plus notre immaturité.

J’espère que ce ne sera pas le cas, même si je deviens de plus en plus réaliste au fil du temps.

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Making of an (audio)book, partie 1 : Avant l’enregistrement

Making of an (audio)book, partie 1 : Avant l’enregistrement

Making of an (audio)book, partie 1 : Avant l’enregistrement

Dans cette triple série d’articles, Making of a bookCréer un livre électronique au format ePub3, et Making of an (audio)book, je vous propose le résultat de mes recherches, de mes essais et de mes explorations diverses et variées sur la façon de produire un livre, respectivement en format papier, en format électronique, et en format audio. Ces articles ont vocation à évoluer dans le temps, aussi n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’écaille & de plume qui vous avertira de toute mise à jour.

Pourquoi un livre audio ?

A priori, lire est une activité qui implique le sens de la vue. On s’imagine dans un bon fauteuil, éclairé par une douce lumière ou sur un transat en plein soleil, à l’ombre d’un parasol, ou allongé sur un lit. Dans chacune de ces images, la plupart d’entre nous intégrons un objet affichant des caractères écrits. Ce sera peut-être un bouquin de poche à la couverture souple, ou bien un livre relié, ou une tablette, une liseuse. Ce sera écrit. Lire nous demandera alors de déchiffrer les mots qui s’étaleront devant nos yeux. Nous laisserons nos pensées suivre l’évocation des mots.

Pourtant, si nous nous rappelons certainement toutes et tous de notre premier vrai livre, celui que nous avons réussi à déchiffrer pour notre seul plaisir, nos premières expériences de la lecture ne sont pas celles dont nous nous souvenons spontanément.

Nous découvrons véritablement le plaisir de la lecture par le biais de nos oreilles, lorsque nos parents, alors que nous sommes encore des nourrissons dans un berceau, nous racontent des histoires pour enfants. Il s’agit parfois de contes, de courtes historiettes, de fables moralisatrices ou non, de comptines. À chaque fois, pour l’écrasante majorité d’entre nous, c’est la voix de nos proches qui est le véhicule premier de l’activité littéraire.

On nous fait la lecture.

Si nous perdons cette habitude, bercés par notre propre voix intérieure lorsque nous explorons l’univers contenu dans les caractères d’imprimerie, écouter raconter une histoire peut rester un plaisir enfantin convoqué dans notre vie d’adulte. Nous pouvons retrouver une façon plus archaïque, mais pas moins belle ou puissante, de nous laisser emporter par un récit.

L’art des conteurs est une autre façon d’entrer dans une histoire, de la vivre.

En outre, cet art est encore plus présent dans notre quotidien que nous pourrions le penser. Le théâtre, le cinéma, les séries télévisées utilisent ses techniques.

Ainsi, quand nous écrivons nous-mêmes, est-il normal de nous considérer comme des conteuses et des conteurs.

Pourquoi alors ne pas sauter le pas et créer une version audio de nos écrits ?

D’autant plus si nous sommes maîtres de la destinée de notre texte, puisque nous sommes réalisautrices et réalisauteurs.

Cette série vous raconte le chemin que j’ai emprunté pour cela. Ce n’est certes pas le seul, mais peut-être pourra-t-il tout de même receler quelques précieuses indications pour suivre le vôtre.

Préparer le texte

La première des choses nécessaires pour créer un livre audio est un texte. Votre texte.

Cependant, même si cela est théoriquement possible, je vous déconseille de lire votre texte de but en blanc à partir de votre livre sous sa forme finale, qu’elle soit brochée ou reliée. Bien entendu, nous n’avons pas le choix lorsque nous faisons une lecture à partir de l’ouvrage de quelqu’un d’autre. Pourtant, vous découvrirez très vite combien il est inconfortable d’être interrompu au beau milieu d’une phrase par la fin de la page. Vous découvrirez aussi qu’il est très utile, au contraire, d’annoter le texte pour se souvenir des moments où l’on aura besoin de faire une pause plus longue, où l’on devra insister sur un mot ou bien où il sera nécessaire d’accélérer ou ralentir le rythme. On pourra aussi se laisser des marques pour se rappeler de changer de voix dans un dialogue (si on décide de le faire, bien entendu).

Tout cela est bien plus facile si l’on dispose d’une mise en page spécialement pensée dans ce but.

Pour cela, nous devons déterminer quelles seront les caractéristiques les plus utiles.

  • Les mots doivent se détacher clairement de la page. Il faut donc utiliser une fonte très lisible et d’assez grande taille.
  • Les paragraphes doivent également se détacher facilement les uns des autres. Cela permet de faire des pauses facilement durant l’enregistrement et de reprendre sans s’inquiéter.
  • De façon cruciale, les phrases ne doivent pas être coupées à la fin d’une page, afin que nous ne soyons pas obligés de choisir entre nous interrompre brièvement dans la lecture (et créer ainsi une rupture malvenue tout autant que désagréable à l’oreille dans le rythme de la narration audio) ou tourner la page très rapidement en faisant un boucan du tonnerre qui va se retrouver capté par le microphone, ruinant tous nos efforts.

Les deux premières conditions peuvent facilement se réaliser avec Scrivener, mais la troisième, la plus importante, nécessite de pouvoir demander une mise en page où les paragraphes ne seront pas scindés à cheval sur deux pages. Cela, Scrivener ne sait pas le faire. Il faut donc utiliser une mise en page plus paramétrable. Et un simple logiciel de traitement de texte le fera très bien.

Voilà pourquoi je compile mon texte depuis Scrivener vers LibreOffice, pour en extraire ensuite un fichier PDF. J’imprime chapitre après chapitre au fur et à mesure de l’avancée de mon enregistrement, pour pouvoir annoter le texte facilement

Compiler depuis Scrivener

Comme vous avez déjà lu la série d’articles Making of a Book, vous savez que c’est ce logiciel qui me sert à rédiger mes textes les plus divers, depuis mes romans jusqu’à mes mémoires professionnels. Si vous voulez comprendre un peu mieux le processus de compilation dans Scrivener — un processus qui permet de sortir le même texte sous différentes formes simplement en cliquant sur quelques options — je vous renvoie à l’article que je lui ai consacré.

Vous trouverez également le format que j’utilise plus bas. Je le partage avec vous bien volontiers.

Pour celles et ceux d’entre vous qui en ont déjà les bases, nous allons entrer dans quelques détails plus techniques.

L’objectif du format de compilation que j’ai baptisé Épreuve pour livre audio est de permettre de sortir le texte en RTF de manière à l’intégrer le plus aisément possible dans LibreOffice sans perdre les styles que j’ai patiemment marqués pendant toute la phase de rédaction. Veillez donc bien à sélectionner Rich Text (.rtf) dans la barre du haut de la fenêtre de compilation pour voir apparaître le format.

Ce dernier est basé sur les structures de mes précédents formats. Vous ne serez donc pas étonnés de constater la présence de types de sections comme Plans avec rupture narrative ou Scènes, Chapitres et Parties. Pour vous rafraîchir la mémoire, j’utilise une arborescence de dossiers de Parties, renfermant des dossiers de Chapitres, renfermant des textes de Scènes, eux-mêmes pouvant être subdivisés en Plans avec ou sans rupture narrative.

Les pages sont paramétrées avec des marges de 2 cm de chaque côté, sans vis-à-vis. En en-têtes se trouvent le titre du livre avec la mention Lecture audio, le nom de l’auteur (moi, donc). En pied de page, j’ai bien entendu intégré la pagination et la date de la compilation.

La différence principale avec le format d’Épreuve pour corrections (qui, lui, passe seulement par Scrivener pour sortir une version PDF du texte avec une mise en page aérée) tient dans la gestion des styles.

Cette fois-ci, pour parvenir à travailler sur les styles plus efficacement, j’ai demandé à Scrivener de créer un style Corps de texte pour le… corps de texte (et oui). La compilation changera aussi les noms des autres styles pour les faire coller à ceux qui sont nativement intégrés dans LibreOffice.

Cela permet d’obtenir exactement ce que l’on veut en trois clics ensuite.

Le modèle LibreOffice

Une fois que vous avez obtenu le fichier RTF qui contient votre texte, vous pouvez l’ouvrir avec LibreOffice. Vous pouvez même demander à Scrivener d’ouvrir automatiquement le fichier dès qu’il a fini de le compiler, il y a une option pour cela.

Vous allez cependant avoir la mauvaise surprise de constater que la forme du texte est loin d’être satisfaisante. Scrivener ne se contente pas, en effet, d’exporter le nom des styles. Il exporte aussi tout un tas de formatage direct assez disgracieux. Qu’à cela ne tienne, il suffit de sélectionner tout le texte grâce au raccourci clavier Command+A (ou Control+A si vous travaillez avec un PC), puis un clic droit et de choisir Effacer le formatage direct. Vous aurez l’impression que cela n’a fait qu’empirer la situation. Pourtant, en vous rendant dans le volet latéral de droite de LibreOffice, dans la section des Styles, vous pourrez cliquer sur la croix verte en haut à droite dénommée Actions sur les styles, et en sélectionnant Charger les styles, une fenêtre modale s’ouvre. Dans la liste, vous pouvez choisir de charger un jeu de Styles déjà implémenté dans le logiciel comme Par défaut, ou bien votre propre jeu. Vous pouvez même y intégrer le mien, que je partage également avec vous.

Instantanément, la forme change complètement.

Si vous utilisez mon jeu de styles, vous n’avez plus rien d’autre à faire que d’exporter en PDF pour imprimer ensuite.

Si vous utilisez le vôtre, le réglage le plus important est de vous rendre dans le style Corps de texte, et de le modifier en faisant un clic droit dessus. Dans l’onglet Enchaînements, veillez impérativement à décocher les options Traitement des orphelines et Traitement des veuves, ce qui va vous ouvrir la possibilité de cocher l’option fondamentale Ne pas scinder le paragraphe.

À partir de là, les autres retouches que vous désirerez faire sur vos styles (augmenter la taille de la fonte par exemple) seront presque secondaires. Vous aurez atteint votre but : un texte lisible qui ne coupera aucune phrase en bas de page.

Votre lecture en sera plus que facilitée, croyez-moi.

Marquer le texte

Vous pourriez objecter à tout ce qui précède que vous préférez lire votre texte directement à partir de l’écran de votre ordinateur. Outre qu’il vous faudrait, à mon avis, un très grand écran (ou deux écrans normaux) pour à la fois lire le texte convenablement et surveiller l’enregistrement audio dans votre logiciel de montage, je crois que cela vous priverait d’une possibilité presque aussi centrale pour préparer votre lecture : le marquage du texte. À mon sens, rien ne vaut le papier pour cela. Vous pourrez à loisir annoter, placer des signes et autres symboles, en vous entrainant à dire le texte à voix haute pour repérer les ruptures de rythme, les pauses, etc.

Chacune et chacun d’entre nous trouvera ses propres symboles.

Il sera nécessaire que vous trouviez les vôtres pour signaler :

  • Les endroits du texte où vous placerez une emphase à l’oral
  • Les pauses courtes
  • Les pauses longues
  • Les pauses très longues
  • Les interruptions soudaines
  • L’augmentation de la vitesse de lecture sur un passage
  • La diminution de la vitesse de lecture sur un passage
  • Les effets sonores
  • Les changements de voix (pour les personnages par exemple)

Une fois cela achevé, chapitre par chapitre (surtout, ne faites pas tout d’un trait, car vous allez vous apercevoir à l’enregistrement que vous aurez besoin de modifier certaines choses), vous pouvez vous attaquer à la préparation de l’enregistrement lui-même.

Préparer l’enregistrement

Comme dans beaucoup de domaines de la vie, il est dommage de confondre vitesse et précipitation. Vous pourriez enregistrer votre narration à l’aide du dictaphone de votre téléphone portable ou du micro interne de votre ordinateur, mais vous allez dans ce cas obtenir une qualité sonore… médiocre, au mieux.

Si vous voulez qu’une « lectrice » ou un « lecteur » audio (ne dirait-on pas mieux auditrice ou auditeur ? Je ne sais) puisse passer quelques heures de son temps précieux à écouter votre voix lui raconter l’histoire que vous avez si patiemment écrite durant des mois voire des années, il faut lui offrir des conditions optimales.

Capter du son ne s’improvise pas. C’est même un métier, et pas des plus simples.

La nature des ondes sonores, leur propagation dans l’air, la façon dont elles interagissent avec les matériaux composant les parois d’une pièce, tout cela rend un enregistrement délicat. Pourtant, point n’est besoin d’un diplôme d’ingénieur du son pour parvenir à une qualité satisfaisante. Il suffit de suivre quelques règles simples.

Le matériel

La première règle est de s’équiper d’un minimum de matériel, et si possible de bonne qualité. En effet, si la qualité ne vous garantit pas un enregistrement digne d’un studio professionnel (ça vous coûterait quelques dizaines de milliers d’euros), elle vous facilitera beaucoup l’obtention d’un son correctement capté et donc assez bon pour être agréable aux oreilles de votre public.

Le microphone

En toute logique, pour capturer des sons, vous allez avoir besoin d’un microphone. Comme je l’ai dit plus haut, oubliez les microphones intégrés aux ordinateurs et aux téléphones portables. Leur qualité de captation est peut-être bonne, mais ils ont un très gros défaut : ils sont omnidirectionnels. Non, ce n’est pas une maladie émergente et non, ce n’est pas contagieux. Cela veut juste dire qu’ils captent le son de la même manière dans toutes les directions. Et que donc ils enregistrent aussi bien les miaulements de votre chat dans la pièce qui est à votre droite que le bruit de la tondeuse du voisin en face de vous, en plus des vibrations faites par l’aspirateur qui fonctionne dans la pièce du haut, et accessoirement votre voix.

Comme le plus important dans tout cela est votre voix (même si les miaulements de votre chat racontent peut-être une histoire passionnante), et qu’il est impossible de séparer facilement des signaux audio mélangés sauf si vous avez un matériel informatique digne de la CIA, le mieux est de s’assurer que le microphone que vous aurez choisi ne capte que dans une seule direction, la vôtre. Cela s’appelle un micro unidirectionnel.

Il existe de très bons microphones de ce type, à des prix raisonnables lorsqu’ils se connectent en USB à votre ordinateur. L’alternative est une connectique XLR (le standard des microphones de musiciens ou de cinéma) qui nécessite dans ce cas l’acquisition d’une interface avec votre ordinateur (une carte son, par exemple).

Je vous conseille de choisir la première option. C’est beaucoup moins cher et ça donne de très bons résultats pour capter seulement de la voix.

De mon côté, j’ai jeté mon dévolu sur l’un des microphones les plus recommandés pour la réalisation de podcast, à savoir le Blue Yeti. Il a l’avantage de pouvoir enregistrer en unidirectionnel, bien entendu, mais aussi, si on le souhaite, en bidirectionnel (pour une interview face à face) ou en omnidirectionnel (pour capter des sons d’ambiance, par exemple), et, cerise sur le gâteau, en stéréo. Il a une connectique USB très simple. Il est vendu avec un pied qui le stabilise parfaitement sur votre bureau. Il a une sortie mini-jack pour y brancher votre casque audio, ce qui vous permettra d’avoir un retour immédiat des sons que vous enregistrez, ainsi qu’un bouton pour régler le gain.

Son seul défaut est son prix. Environ 150 €.

Le filtre anti-pop

Il ne s’agit pas de vous empêcher d’écouter Britney Spears (quoique, peut-être cela serait-il d’utilité publique ?), mais de limiter voire supprimer les petits bruits de bouche explosifs que l’on fait lorsque l’on prononce des syllabes en p, en b, en t. Les fameux « pop ». Cet ustensile se présente comme une membrane fine de tissu tendue dans un cercle. Vous en avez certainement déjà vu sur des images de chanteurs enregistrant en studio.

Bien que le Yeti soit un bon microphone, inutile de prendre des risques et de faire croire à votre auditoire que vous postillonnez à tous va. Votre voix sera débarrassée de ces bruits parasites dès l’enregistrement. D’autant qu’on peut trouver un filtre anti-pop pour une dizaine d’euros.

Stabiliser le micro

Éliminer les bruits parasites avant même l’enregistrement c’est aussi veiller aux vibrations qui pourraient être captées par le microphone. Le Yeti est livré avec un pied qui le stabilise véritablement bien. Pourtant, je ne le trouve pas pratique pour avoir devant moi à la fois le texte sur papier et l’écran de l’ordinateur afin de surveiller l’enregistrement.

Il existe donc une autre solution : un bras télescopique. Fixé sur le bureau à côté de l’écran, il permet de garder de la place et en même temps de déplacer facilement le capteur du micro.

Cependant, si vous choisissez cette option, veillez à vous équiper également d’une « araignée », un dispositif qui permet d’atténuer les vibrations transmises par le pied au microphone. Il vous évitera d’avoir des « clongs » sur la piste enregistrée lorsque vous allez bouger.

Comme j’ai un Yeti, le plus simple était de m’équiper du bras et de l’araignée conçus spécialement par Blue, à savoir respectivement le Compass et le Radius III. L’investissement double le prix du microphone, mais en contrepartie, vous obtenez une installation qui ne prend pas tout l’espace sur votre bureau et qui cependant autorise plusieurs configurations. Lorsque je joue une partie de jeu de rôle en ligne avec mes camarades des Mésaventuriers, ou lorsque j’enregistre un chapitre d’un livre audio.

Le casque audio pour un retour parfait

C’est bien beau de capter votre voix, mais il peut être utile de savoir précisément ce que vous gravez dans votre fichier. Et pour cela il vous faut ce que l’on appelle un retour audio. Grâce à un casque, vous allez entendre non pas ce que vous dites directement, mais bien ce que le micro a capté et enregistré. Et ceci, en direct.

Il est nécessaire de se brancher sur le microphone directement s’il dispose d’une telle option, et en filaire. Oubliez les technologies bluetooth, elles auront toutes tendance à provoquer un décalage très désagréable qui va créer un écho.

Le logiciel

Une fois le matériel bien en place, il reste un détail important régler : comment allez-vous transformer le son capté en fichier audio informatique, et avec quels outils allez-vous travailler ces signaux ?

Bien évidemment, il y aura quelques retouches à faire sur ce qui aura été enregistré. Au minimum égaliser le son, parfois quelques effets sonores, des musiques ou des bruitages si vous êtes comme moi du genre à vouloir investir complètement le champ de l’adaptation à cette nouvelle façon de raconter votre histoire.

Nous aurons donc besoin d’un logiciel de montage audio.

Il en existe beaucoup. Les deux plus intéressants à mon avis sont Audacity, qui a l’avantage d’être libre, gratuit, et multiplateforme, et GarageBand si vous êtes sous Mac, parce qu’il est très simple à prendre en main.

J’ai choisi le deuxième car j’ai l’habitude des logiciels d’Apple pour le montage (j’utilise Final Cut pour le montage vidéo depuis des années, j’ai donc quelques réflexes).

GarageBand

Le logiciel d’Apple est simple, mais il est au départ prévu pour les musiciens. Nous allons avoir besoin de le paramétrer quelque peu pour qu’il convienne à l’enregistrement vocal. Il faut d’abord savoir qu’il est nécessaire de démarrer un nouveau projet avec GarageBand en faisant abstraction de tous les petits réglages que le logiciel va automatiquement appliquer si vous lui dites tout de suite que vous voulez enregistrer votre voix (dans les modèles de projet). Contrairement à ce que l’on aurait donc tendance à faire spontanément, je vous recommande donc de débuter par un projet dit « vide ». C’est ensuite que vous allez lui indiquer que vous désirez enregistrer votre voix.

La piste d’enregistrement

GarageBand affiche une première piste d’enregistrement dont vous pouvez régler le niveau de gain dans la petite case en bas à gauche. C’est une alternative au gain intégré au micro si vous possédez un tel appareil, et je pense pour ma part que c’est la meilleure solution. Car augmenter le gain de votre micro c’est aussi augmenter le volume de tout ce qu’il capte, dont les éventuels bruits parasites. Il me semble mieux pensé de n’augmenter que le gain de ce que le micro a transmis à votre ordinateur.

Cette première piste peut être celle sur laquelle vous enregistrez votre voix « brute ». C’est en tous les cas comme cela que je l’utilise.

Mais bien évidemment, l’intérêt majeur d’un logiciel de montage son, c’est d’effectuer un… montage. Donc de disposer de plusieurs pistes. N’hésitez pas à en créer autant que vous en aurez besoin. Mais nous verrons cela plus en détail dans l’épisode 3 de cette série.

Réglages indispensables

GarageBand ayant été pensé pour des musiciens, vous devrez effectuer quelques changements dans ses paramètres.

Les premiers sont simplement de lui demander de compter les durées d’enregistrement, et non pas les mesures et le tempo.

Ensuite, il est nécessaire d’intégrer un noise gate, un paramètre de réduction de bruit, d’environ 64 dB, pour abaisser au maximum les craquements parasites sur votre voix.

Égaliseur

Il peut être utile de jouer avec un effet de compression de la voix et l’égaliseur. Je me suis pour ma part inspiré des réglages conseillés par Rob Dircks, que vous pouvez retrouver ici, pour créer les miens. Ce réglage a l’avantage de rendre une voix plus chaude et agréable. Bien évidemment, il n’en transforme pas la tonalité au point de donner les basses de Barry White, mais le résultat m’a tout de même permis de ne pas trop souffrir de m’entendre moi-même.

L’environnement

Le matériel ne fait pas tout dans la vie.

Les conditions d’un bon enregistrement sont aussi importantes voire plus que le matériel qui va capter votre voix.

Vous devrez donc contrôler certaines choses dans votre environnement.

Sans aller jusqu’à l’extrême de ceux ou celles qui reproduisent le feutré d’un studio en plaquant des cartons d’œufs ou des mousses sur leurs murs, une condition est fondamentale à obtenir…

Luxe et volupté si vous voulez, le calme, c’est certain

Votre objectif est clair : que votre micro capte votre voix et que votre voix. Assurez-vous donc d’obtenir le calme le plus grand possible autour de vous. Et quand je dis autour de vous, ce n’est pas seulement dans la pièce où vous enregistrez, mais aussi dans la maison ou l’appartement, voire à l’extérieur.

Si vous avez un micro suffisamment sensible, il pourra en effet capturer des sons que vous n’entendrez même pas vous-mêmes. Le vent (par chez moi, c’est l’Ennemi ultime) qui fera claquer les volets ou même simplement dont le souffle en rafales pourra perturber les ondes sonores. La tondeuse du voisin. Votre chat.

D’ailleurs, le calme n’est pas destiné qu’à la sensibilité du micro.

Il est aussi bon pour la concentration du lecteur, c’est-à-dire vous.

Préparer le lecteur

Enregistrer un texte est toujours une expérience vorace en énergie.

Il ne s’agit pas seulement de lire votre texte. Certes, c’est votre texte et vous le connaissez bien. Mais, vous allez certainement le redécouvrir sous un jour jusqu’ici inconnu, ce qui pourra peut-être vous déstabiliser un peu. De plus, il va être nécessaire de le lire avec le plus de conviction dont vous serez capable. Il s’agira de lui donner vie à travers votre souffle, votre intonation, votre jeu. Vous allez devoir interpréter votre texte. Comme un comédien, une actrice. Lui prêter de la consistance. Vous allez devoir incarner dans votre voix chacun des personnages, chacune des situations.

Celles et ceux d’entre vous qui ont déjà lu un texte en public comprendront tout de suite ce que je viens de décrire.

Il est aussi difficile de donner vie à un texte que de jouer ce texte sur une scène de théâtre.

Le seul et pourtant immense avantage que vous aurez consiste en la possibilité de fractionner l’enregistrement, même si, nous le verrons, je vous déconseille de trop attendre pour enregistrer ce qui sera partie d’un même chapitre.

Cet avantage vous permet de souffler (nous verrons que gérer le souffle est vital), d’humecter vos lèvres et de vous hydrater.

Mais vous comprendrez aisément pourquoi physiquement vous avez intérêt à prendre soin de vous-même.

Car vous allez vite découvrir qu’enregistrer, interpréter, vivre ce que vivent vos protagonistes, c’est physiquement éprouvant.

Prenez donc la précaution d’être frais, dispos, reposée.

Et surtout : prenez soin de votre voix.

Prendre soin de sa voix

L’une des choses les plus utiles que l’on apprend quand on fait du théâtre, c’est d’apprivoiser sa voix.

Bien entendu, il ne sera pas ici question de « parler pour les spectateurs du fond », comme on le fait sur scène.

Par contre, on peut se souvenir que la voix est le véhicule le plus puissant des émotions. Il sera ainsi nécessaire de la moduler. Et pour cela, mieux vaut connaître la hauteur « de base » de sa propre voix. Nous avons tous un timbre personnel. Certains grave, d’autres aigü. Aussi étonnant que cela puisse paraître, beaucoup d’entre nous ne se servent pas de cette voix naturelle mais d’une autre, plus grave ou plus aiguë que notre voix naturelle. Et cela fatigue. Nous ne parvenons pas alors à tenir cette voix très longtemps, cela nous fait mal, dans la gorge. Ou bien nous nous essoufflons très vite.

Prenez donc le temps de connaître votre voix naturelle. Celle que vous pourrez tenir sans ressentir cette douleur dans la gorge qui montrera que vous forcez dessus. Évitez de prévoir un enregistrement le lendemain d’une soirée bien arrosée ou de fumer quinze paquets de cigarettes avant (sauf si vous allez devoir interpréter un personnage à la Gainsbarre, bien entendu, mais dans ce cas, prévoyez de ne capter que ses répliques à lui, et pas celles du narrateur).

Vous pouvez aussi veiller à bien vous hydrater, pour que votre voix soit plus facile à produire, que vos cordes vocales soient bien chaudes. Certains utilisent du thé pour cela. Je ne sais si le miel est efficace (je déteste le miel) mais c’est assez populaire.

Les présents du Serpent à Plume

Comme promis, voici des ressources pour vous aider à débuter.

  • Mon format de compilation Scrivener pour lecture audio.
  • Mon modèle de styles pour LibreOffice.

Faites-en bon usage…

Format de compilation pour Scrivener

Modèle de styles pour LibreOffice

Prêts ? Prêtes ? Allons-y !

Texte, matériel, logiciel, lecteur ou lectrice, tout ceci est maintenant fin prêt.

Il ne reste qu’à se lancer.

C’est l’objet de la deuxième partie de cette série d’articles.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Le Choix des Anges en audiobook : l’extrait est disponible

Le Choix des Anges en audiobook : l’extrait est disponible

Le Choix des Anges en audiobook : l’extrait est disponible

L’idée trottait dans ma tête depuis un bon moment déjà. Depuis que j’ai découvert les fictions audio de France Culture, si je suis honnête, ce qui veut dire quelques années, finalement. Pourtant, elle n’a vraiment émergé que lorsque je me suis laissé entraîner dans la découverte de podcasts l’année dernière.

J’ai un roman qui ne demande qu’à trouver de nouveaux lecteurs.

J’ai une petite expérience de la lecture de texte, du jeu d’acteur, de la technique audio et du montage à travers mon passé de réalisateur amateur.

Il était naturel que les deux propositions de l’équation se rencontrent à un moment ou à un autre.

Je me suis donc lancé et j’ai commencé à enregistrer les premiers chapitres du Choix des Anges.

Je savais que ça n’allait pas être un long fleuve tranquille, mais j’ai tout de même découvert que le nombre de choses à apprendre était conséquent. Sans doute plus que je ne l’avais anticipé.

Mais j’aime apprendre.

Et je poursuis donc le travail, en espérant que la version audio du Choix des Anges soit à la hauteur de la deuxième édition sur le plan de la qualité de réalisation, tout autant que cet univers m’a porté pendant les six années où je l’ai peu à peu exploré dans les pas d’Armand.

Il se peut aussi que je transcrive mes difficultés et mes trouvailles, mes astuces et mes petites victoires, dans une nouvelle série d’articles Making of a Book. Surveillez bien vos flux RSS ou vos messages, cela ne saurait véritablement tarder.

En attendant, je vous livre la version audio de l’extrait des 3 000 premiers mots du livre.

Le Choix des Anges, extrait audiobook

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Grammaire narrative, comment s’inspirer du théâtre et du cinéma dans l’écriture

Grammaire narrative, comment s’inspirer du théâtre et du cinéma dans l’écriture

Grammaire narrative, comment s’inspirer du théâtre et du cinéma dans l’écriture

Si raconter une histoire est tout un art, il est plus juste de dire que c’est l’affaire de plusieurs.

Depuis la voix du conteur à la veillée au coin du feu, jusqu’aux choix d’actions laissés à un joueur dans un jeu vidéo, les êtres humains ont en effet créé une grande variété de moyens pour transmettre une fable à un public. Car toutes ces approches, aussi différentes soient-elles, comme le cinéma muet, la littérature et la chanson, partagent le même but : transmettre, faire ressentir une émotion. Et la faire vivre ou ressentir à un autre être humain (ou à un autre être vivant, pour ne pas oublier le Petit Peuple).

Toutes les disciplines artistiques ne visent pas forcément la narration, c’est-à-dire la relation d’une série d’événements qui adviennent à un ou plusieurs personnages, mais toutes peuvent être utilisées pour cela et plus encore, chacune peut enrichir la narration de ses propres spécificités.

Il semble évident que l’on ne peut pas raconter une même histoire, une même série d’événements, de la même façon dans un livre de quatre cents pages que dans un film de deux heures, une série télévisée de huit épisodes de quarante-cinq minutes chacun, ou dans une pièce de théâtre d’une heure quarante cinq minutes. D’une part car on ne dispose pas du même temps, mais surtout parce que les canaux de réception de cette histoire par le public seront bien différents. La vue et l’ouïe sollicitées par les trois dernières disciplines pourraient sembler plus riches que le seul déchiffrage des signes d’écriture de la première, même si nous avons tous expérimenté l’immersion totale dont est capable un texte écrit par sa puissance d’évocation.

Chaque discipline impose donc d’adapter son discours, sa façon de faire.

Au fil du temps, les êtres humains perfectionnent leurs techniques, et découvrent de nouvelles façons de parler aux autres, de transmettre leurs émotions et leurs expériences, d’une part en développant de nouvelles disciplines artistiques (la bande dessinée puis le jeu vidéo étant les deux derniers enfants de cette nombreuse progéniture) mais aussi en construisant des codes de communication à l’intérieur de chacune de ces disciplines qui, surprenants et déroutants pour le premier public qui les aura abordés, deviennent ensuite partie d’une culture narrative partagée. Les premiers spectateurs d’un flashback au cinéma ont sans doute perçu la technique comme un tour de force narratif. Peut-être y eut-il des spectateurs qui ne saisirent pas tout de suite ce que signifiait ce changement de temps brutal dans la narration. Mais peu à peu, les générations se succédant, cette technique est devenue partie intégrante des codes du cinéma, pour être maintenant l’un des outils de base de tout réalisateur.

Plus encore, et c’est le sujet dont j’aimerais que nous discutions dans cet article, je pense que chaque moyen d’expression, chaque discipline artistique, peut emprunter à d’autres leurs techniques, puis, en ayant soin de les adapter à son propre paradigme, en enrichir son propre lexique.

C’est ce qui s’est passé à la naissance du cinéma, lorsque les pionniers ont adapté les techniques théâtrales comme le célèbre fusil de Tchekov, ou pensé la voix off comme une façon d’aborder la narration à la première personne des romans noirs.

Je crois qu’à notre époque c’est la littérature qui emprunte à son tour aux autres disciplines.J’aimerais ainsi montrer comment, par un curieux effet de boomerang, mon écriture personnelle se retrouve influencée par les deux autres arts que j’ai pu approcher de près, à savoir le théâtre et surtout le cinéma.

Une grammaire narrative ?

Cette notion de grammaire narrative existe déjà, et je vous invite à aller jeter un œil sur cet article qui explique de façon très théorique (et un peu trop mathématique) ce que le terme recouvre habituellement. Comme vous pourrez le déduire, il s’agit ici de tenter de structurer la façon dont le récit s’enchaîne, la colonne vertébrale elle-même des actions et des événements, les causes et les conséquences. Dans cette acception, la grammaire narrative s’intéresse donc à une notion objective : elle se pose la question “que se passe-t-il ?”

Cependant je vais ici utiliser le terme de grammaire narrative dans un tout autre sens.

Je vais m’intéresser non pas à la façon dont l’histoire se déroule d’un point de vue objectif (c’est-à-dire quels sont les événements qui se sont réellement déroulés, comment et pourquoi, avec quelles implications à la fois physiques et psychologiques pour les personnages et le monde considéré) mais bien plus d’un point de vue subjectif : comment l’histoire est racontée, avec quels moyens, en choisissant sur quel événement appuyer, quel événement passer sous silence, quoi mettre en exergue et quelle couleur donner à une scène, voire par quel endroit commencer à raconter l’histoire.

Je vais me poser la question : “comment raconter ce qu’il s’est passé ?”

Car si un récit est l’enchaînement des événements et des actions qui se déroulent dans un cadre donné avec des personnages donnés, la narration est la façon dont ce récit sera raconté, transmis, à travers un discours artistique. De là l’idée que ce discours artistique peut être un véritable langage. Il devient évident que raconter une histoire à travers l’écrit équivaut à utiliser un langage particulier et la raconter à travers l’image animée du cinéma implique d’utiliser un autre langage. Comme si l’on utilisait le français dans un cas et l’anglais dans l’autre. Nous savons tous que si l’histoire est la même, dans les deux langues elle sera racontée différemment. Car chaque langue possède ses propres règles.

Comme pour une langue, maîtriser la narration par un art en particulier implique d’en connaître les règles de syntaxe (la façon correcte d’agencer les mots et les phrases, ici les procédés artistiques tels que l’ellipse, le flashback ou la caméra subjective par exemple) et de sémantique (le sens de chaque mot, ici le sens que peut revêtir un trans-trav au cinéma, par exemple). En un mot : la grammaire.

Théâtre et cinéma, correspondances et différences avec la littérature

Ce titre pourrait vous paraître curieux.

D’une part, il est évident que le théâtre partage avec la littérature des racines communes. Dans les temps anciens, les scènes écrites ont sans doute d’abord été contées, et peut-être mimées, avant d’être couchées sur des tablettes puis du parchemin. Les grandes sagas nordiques, les poèmes homériques, ont certainement été plus ou moins mises en scène durant leurs déclamations.

D’autre part, le théâtre et le cinéma se distinguent tant de la littérature par leur côté visuel prédominant, qu’il semble impossible de considérer qu’il y ait correspondance.

Mais si l’on regarde de plus près, ces trois arts partagent bien plus, et ce qui les sépare n’est pas ce que l’on aurait pu penser au premier abord.

Correspondances

La structure des histoires classiques en trois actes — le mot n’est pas anodin — que sont l’exposition, le développement et le dénouement, ou parfois en cinq, est héritée par la littérature depuis l’art théâtral. C’est que la conception même de la narration a été explorée au départ dans la dramaturgie. Plus tard, cette structure sera utilisée également dans le cinéma, depuis les origines jusqu’à Hollywood, depuis Ben Hur jusqu’aux Avengers.

Plus loin encore, dans chacune des trois approches, l’auteur ou l’autrice (metteur en scène, réalisatrice) choisit ce qu’il ou elle montre et ce qu’il ou elle cache. On détermine le cadre de l’histoire, et ce qu’il recouvrira. On détermine ce qui sera passé sous silence, ce qui sera expliqué et comment. On choisit les zones d’ombre également. On choisit même les ambiguïtés éventuelles. Comme les fins où finalement on peut renverser toute l’intrigue.

Dans les trois arts, on utilise les mêmes ingrédients de base : des personnages, des ressorts dramatiques, des décors, des enjeux, des univers.

Dans les trois arts, on joue avec les représentations mentales du public, avec ses préjugés.

Dans les trois arts, on détermine le point de vue d’où l’histoire sera racontée. Et on pourra en changer si le besoin s’en fait sentir. C’est une autre façon de raconter les mêmes événements, mais en variant leur interprétation.

Dans les trois arts, on utilise l’image et le son. On peut même utiliser l’odeur et le toucher, par l’évocation. Si cela est évident pour un texte qui va facilement vous faire penser à l’odeur de la lavande rien qu’en écrivant ces quelques mots, cela peut aussi se faire au théâtre ou au cinéma en montrant des brins ou des plants de lavande. On peut aussi évoquer la chaleur de la même manière.

Une narration réussie se servira de tous les sens du spectateur ou de la spectatrice pour évoquer les émotions adaptées à ce que l’on désire exprimer. Et cela est possible dans les trois façons de raconter l’histoire.

La puissance du regard : la différence

La véritable différence entre les trois approches me semble consister en la liberté laissée ou pas au public de co-construire la scène qu’on lui présente.

Je m’explique.

La littérature joue énormément, si ce n’est exclusivement, sur le mécanisme d’analogie, car le langage humain, qu’il soit oral ou écrit, repose sur la propriété fondamentale que les mots sont des symboles, non des axiomes. Ils représentent un concept qui sera compris par tous, mais qui sera compris différemment par tous. Pour mieux me faire comprendre, il suffit de vous demander de fermer les yeux (ou pas, ça peut aussi se faire les yeux ouverts), et de vous représenter un éléphant. Imaginez-le. La grande majorité d’entre nous aura à l’esprit l’image d’un éléphant d’Afrique, avec ses grandes oreilles, ses défenses imposantes, son air majestueux. Mais peut-être qu’une petite partie d’entre nous aura imaginé un éléphant d’Asie, avec des oreilles bien plus petites, des défenses de taille plus modeste, et quelques touches de poils drus sur un crâne plus bosselé. Le mot que j’ai écrit était le même pour tous. Éléphant. Pourtant, l’image mentale et l’ambiance qui colorait cette image, jusqu’à l’environnement même que votre esprit y aura rajouté (tropicale humide ou de savane sèche), auront été aussi différentes pour presque chacune et chacun d’entre nous. Ainsi, quand j’écris une scène, je sais que tous mes mots seront interprétés par mes lectrices et mes lecteurs différemment.

Je peux d’ailleurs en jouer. Car cette propriété fondamentale, si elle peut être un écueil quand il s’agit de faire passer une image très précise, peut devenir une grande force si on accompagne son pouvoir d’évocation. Il est alors très facile de provoquer l’émergence de sentiments, d’émotions, de sensations, en agençant les mots de façon correcte. Il faut pour cela accepter de laisser l’esprit du lecteur ou de la lectrice construire une partie de la scène. Lui permettre de s’approprier les mots et les concepts qu’ils recouvrent. Ainsi, chaque livre est un peu une création partagée entre celui ou celle qui l’écrit et celle ou celui qui le lit. À chaque personne qui ouvrira le livre correspondra une réalité différente du message du livre.

À l’opposé, le cinéma fixe et fige car il repose sur la relative universalité de deux sens physiques, la vue et l’ouïe. Je sais que l’on pourrait aussi discuter ce fait car scientifiquement, il semblerait que notre vision soit aussi une création intérieure permanente d’interprétation de la part de notre cerveau. Néanmoins, cette interprétation est basée non plus sur des symboles humains, mais sur des forces physiques : les longueurs d’onde des couleurs, les contours des ombres et des lumières reflétant ceux des objets, etc. Le mécanisme à l’œuvre ici est donc plus une réception d’un cadre défini, plutôt qu’une co-création.

Lorsque vous et moi regardons le film Excalibur, nous voyons tous et toutes les armures scintiller et briller comme si elles étaient passées au polish. Aucun et aucune d’entre nous ne les a imaginées ternes.

Le cinéma impose sa vision au spectateur. Il commence à lui imposer le cadre de l’image, les mouvements de caméra. Mais il lui impose surtout le contexte des couleurs, les décors, les accessoires et leurs formes, les sons. C’est même tout l’enjeu de cet art majeur que de susciter des émotions à travers des choix fixés.

Le mouvement de la narration dans une œuvre écrite et dans une œuvre filmée est donc totalement déterminé par cette opposition fondamentale. Liberté absolue de celle ou celui qui reçoit et perçoit l’œuvre dans un cas, liberté très surveillée dans l’autre.

Quant au théâtre, il se situe finalement à l’interface des deux.

Le théâtre fige, c’est vrai, car il fixe un cadre de décor et un choix d’accessoires, de costumes. Mais ces choix de mise en scène seront tout d’abord différents d’un metteur en scène à l’autre à partir d’un même texte. Et plus encore, comme il s’agit d’un spectacle vivant, par nature donc changeant à chaque représentation, ces choix peuvent également changer. Si l’on se place maintenant du point de vue du spectateur ou de la spectatrice, certaines choses restent encore du domaine du symbole : le hors-cadre, les effets spéciaux (largement plus rudimentaires qu’au cinéma), et aussi la qualité de l’interprétation par les comédiens. Car si dans le cinéma on peut reprendre une scène autant de fois qu’il le faut pour obtenir exactement l’effet recherché, c’est impossible par nature au théâtre. La performance de l’actrice ou de l’acteur va donc conditionner la précision du symbole et donc la réception par le spectateur ou la spectatrice.

Je soutiens donc que ce qui fait la véritable différence entre les trois arts, c’est la puissance contenue dans la volonté de l’auteur ou de l’autrice. Absolue au cinéma, elle s’édulcore nettement dans le théâtre où les interprètes seront les comédiens, véritables intermédiaires dans la restitution de l’œuvre, et finalement cette puissance est totalement partagée en littérature avec le lecteur ou la lectrice, qui seuls décident quoi faire des mots qu’ils déchiffrent.

L’écrivain est un metteur en scène ou un réalisateur

Il résulte de cette brève comparaison que les mécanismes mis en œuvre dans l’un des trois arts peuvent être exploités dans les deux autres, avec en tête l’adaptation nécessaire pour donner au public sa juste place. Il ne faut jamais oublier quel est le canal que l’on utilise, pour ne pas risquer le contresens ou le faux-sens.

Et il est même évident que le travail d’un écrivain se rapproche fondamentalement du metteur en scène comme du réalisateur, plus encore que du scénariste.

Le scénario est, au cinéma, le texte brut de l’histoire. Il se rapproche du texte brut de la pièce de théâtre.

Dans les deux cas, la forme de ces écrits est aride. Elle est succincte. Elle va à l’essentiel. Elle est constituée de deux paramètres très déséquilibrés dans leurs proportions. Essentiellement des dialogues. De façon très minoritaire des indications visant à expliciter le propos du dramaturge ou du scénariste, les didascalies.

Il n’y a pas de fioritures sur la couleur du ciel, le chant des oiseaux, ou même, ce qui pourrait pourtant paraître fondamental, l’état d’esprit des personnages durant le dialogue, les sous-entendus, la façon dont ils se regardent, dont ils marchent ou se font face.

Un scénario ou un texte de théâtre ne contiennent presque pas d’indication de mise en scène.

Voici plus bas deux exemples, qui vont vous montrer la nette différence qui existe entre un scénario et une œuvre littéraire.

Quelle est cette différence ?

La mise en scène.

L’écrivain aura non seulement écrit un scénario, mais il l’aura également habillé de tout ce qui aurait été l’art du réalisateur qui l’aurait porté à l’écran.

Ainsi, il aura pensé aux costumes de ses personnages, à leur passé, à leurs mouvements au cours de la scène, aux décors qu’ils traverseront, tout comme un metteur en scène de théâtre l’aurait fait.

Mais plus encore, il aura pensé à ce qu’il montre et comment il le montre, à ce qu’il cache. Parlera-t-il seulement du regard des personnages dans un face-à-face tendu, comme s’il avait fait un très gros plan dans un film ? Ou bien aura-t-il à cœur de montrer la totalité des attitudes corporelles, de décrire les gestes nerveux des protagonistes, comme s’il avait décidé de filmer en plan large ? Ou bien mélangera-t-il les deux approches ?

Plus encore, il va penser au mouvement de son point de vue, comme s’il braquait sa caméra, son œil, ses mots, vers une direction particulière.

Comme un réalisateur.

Il va penser aux effets spéciaux, aux couleurs et aux sons, aux autres sens. Au hors-champ.

Le travail d’un écrivain, c’est de créer le film que vous auriez vu si vous aviez été voir son histoire au cinéma. Mais avec le concours de votre propre caméra intérieure manœuvrée par la puissance de votre capacité de représentation mentale. L’avantage énorme est que le budget n’est plus limité du tout. Et que la puissance de chaque évocation est maximale car c’est votre esprit à vous qui sera en charge de chaque sensation. Et chaque sensation sera donc taillée sur mesure pour vous.

C’est ainsi qu’à mon avis, il est essentiel pour un écrivain ou une écrivaine de s’intéresser aux techniques narratives du cinéma et du théâtre. D’autant que d’autres nous ont précédés, et en ont déjà importé certains usages.

Structure narrative

L’un des apports les plus discrets mais les plus fondamentaux du cinéma dans ma façon d’appréhender la narration réside dans sa structuration. Parce que toute histoire est faite d’un enchaînement d’événements, d’actions et de réactions, on peut la représenter sous la forme d’une suite logique (dans le sens cause puis effet voire effets) depuis les prémices (ce qui est parfois caché au début de l’histoire) jusqu’à sa conclusion voire ses conséquences (qui sont aussi parfois non racontées), en passant par chaque étape d’un chemin. Cette suite logique est parfois la même dans le récit et dans sa narration, parfois la narration emprunte un chemin différent pour raconter le récit. Mais toutes les étapes de l’histoire sont bien les mêmes, et ce y compris dans les cas où la narration ne les montre pas toutes.

Cela posé, il est naturel d’en déduire que chaque histoire possède une structure. Et que chaque façon de raconter cette histoire aura également une structure.

La brique narrative fondamentale

On peut en effet se représenter chaque moment important de l’histoire sous la forme d’une brique, et ainsi comprendre l’histoire sous la forme d’un enchaînement de ces briques. Donc la narration comme un enchaînement propre à laisser le public reconstituer l’histoire selon un schéma parfois superposable, parfois très différent.

Ce concept a été poussé à son paroxysme par James Harris, dans son Tableau périodique de la narration.

En partant des tropes narratifs, ces archétypes populaires qui sous-tendent toutes les histoires, cette table permet de construire une base sur laquelle un récit peut se déployer. Elle joue sur l’analogie entre les tropes et les atomes dans l’univers. Comme en chimie, si vous agencez certains atomes les uns avec les autres, vous obtenez une molécule qui représentera votre histoire. Vous pourrez vous amuser, comme le fait James Harris lui-même, à reconstituer les molécules qui représentent des histoires très connues, comme Star Wars ou Ghostbusters.

Cependant, ces briques sont faites pour symboliser l’histoire.

Je vous propose d’utiliser le même principe pour décrire la narration, et donc la façon dont l’histoire est racontée, ce qui n’est pas toujours la même chose.

Traditionnellement, l’écriture fictionnelle prend comme brique narrative fondamentale la scène, qu’elle a empruntée au théâtre. Ainsi, une scène contient en elle-même un morceau de l’intrigue et l’enchaînement des scènes mène le public depuis le début du livre jusqu’à son terme, et d’habitude (dans un schéma temporel traditionnel) depuis le début de l’histoire jusqu’à son dénouement.

Si l’on reprend la molécule de Star Wars, elle décrit l’histoire du conflit de “la bande des cinq personnages” (Luke, Han, Chewbacca, les droïdes) contre l’Empire représenté par l’ancien Élu (Vador) devenu le Dragon (l’âme damnée) et qui se rebelle contre le Grand Méchant (You have failed me).

Cependant, les scènes du film commencent par la présentation de Vador lorsqu’il aborde le vaisseau de Leïa. Celle-ci envoie les droïdes chercher de l’aide auprès d’Obi-Wan, mais ils trouvent Luke à la place. Pour le reste du film, je fais confiance à votre mémoire.

Cette petite comparaison est là pour montrer que chaque scène introduit une étape dans la progression de l’intrigue.

C’est ainsi souvent que les écrivains structurent leurs trames. Scène après scène, ils font progresser leur récit.

Et c’est bien ainsi que je procède moi aussi lorsque je construis une intrigue, au départ, dans ce que j’appellerais la préproduction, pour me rapprocher encore un peu plus du vocabulaire de l’image. Pourtant, lorsque je rédige, je descends d’un cran dans le détail, et j’utilise une brique fondamentale plus petite, qui me vient là encore de la puissance du cinéma.

Le plan cinématographique comme brique narrative

Au cinéma, un plan est défini comme l’intervalle durant lequel l’image n’est pas interrompue par une coupe. Ainsi, dans une scène de dialogue classique filmée en champ (personnage 1 face à la caméra) et contrechamp (personnage 2 face à la caméra), chaque moment filmé en champ correspondra à un plan, qui sera séparé des plans en contrechamp par une coupe nette (un cut, dans le jargon). On aura ainsi un plan en champ, puis un plan en contrechamp, puis un plan en champ et ainsi de suite jusqu’à la fin de la scène.

Ce qui est une nécessité au cinéma (changer la caméra de place pour montrer un personnage de face alors qu’il est disposé de dos sinon) permet au réalisateur de découper sa scène (on dit une séquence) et de la travailler de façon indépendante.

Cela permet aussi de jouer avec les points de vue, comme avec le temps et le mouvement, comme nous allons le voir plus loin.

Je me suis surpris à utiliser ce même découpage dans beaucoup de scènes de mes romans, car je me rends compte que mon écriture est souvent construite d’après des images que je visualise moi-même.

Ce qui veut dire qu’une fois que je sais quel est l’enjeu de ma scène (de ma séquence écrite), je vais la découper en plus petites unités de temps, correspondant peu ou prou à une action importante d’un personnage, et je vais rédiger chaque plan ainsi créé. Puis, comme au cinéma, une fois mes plans “filmés” (enfin, rédigés), je vais passer par une phase de “montage”, où je vais agencer certains plans différemment pour construire une séquence parfois un peu différente de ce que je prévoyais au départ. Car souvent, il peut être intéressant de faire surgir des choses que l’on n’avait pas vraiment prévues ou dont on n’avait pas vraiment conscience.

Ce procédé m’est devenu si naturel que je me prends parfois à structurer d’emblée mes plans puis à les regrouper en scènes.

Voilà pourquoi, dans la structure de base de mes projets Scrivener, la brique narrative fondamentale est devenue le plan cinématographique, et non plus la scène.

Le temps dans la narration

La narration n’est ni plus ni moins que de devenir le maître du temps.

Car le fait de raconter une histoire n’est pas autre chose que de transmettre à quelqu’un l’enchaînement des événements qui se sont déroulés pour des personnages dans un contexte donné. Chaque action s’inscrit donc dans une succession temporelle de causes et d’effets. Et comme le narrateur seul sait ce qu’il s’est passé, il peut maîtriser totalement comment il relate ces événements.

Il peut donner plus d’importance à certains (et donc prendre beaucoup de temps pour les raconter, même si dans la réalité ces événements ont duré une fraction de seconde) et moins à d’autres (et résumé en une phrase des événements qui ont pris plusieurs années de la vie des personnages).

Le théâtre et le cinéma surtout gèrent le temps d’une façon très différente de la littérature, et pourtant, il y a des techniques qui semblent vraiment pouvoir être basculées de l’un à l’autre.

Les ellipses

Les ellipses sont aussi vieilles que le monde et tous les écrivains les utilisent.

Ce sont ces raccourcis temporels que nous faisons pour résumer en quelques mots ou quelques phrases des périodes entières, variant d’une minute à une vie entière, afin de concentrer le récit (l’attention de notre public) sur ce que nous pensons être plus important, en écartant délibérément des périodes que nous jugeons inintéressantes, ennuyeuses ou sans rapport avec l’intrigue principale.

Ainsi les propositions du style “le lendemain matin” ou “trois jours plus tard”, sont des ellipses.

Au théâtre, faire passer une période de temps en quelques instants est plus délicat. Les mots n’étant pas écrits, il faut jouer sur un changement de décors, de costumes, de maquillage.

Au cinéma, on peut à la fois utiliser les artifices de l’écrit (un texte déclamant sur fond noir “trois jours plus tard” était très utilisé dans les films muets), et ceux du son (avec une voix off, dont nous reparlerons plus tard). Mais ce que je trouve le plus intéressant est l’image. Les coupes et les transitions entre plans (les fondus enchaînés, fondus au noir ou au blanc par exemple) sont par définition de bonnes façons de créer une ellipse.

S’inspirer de la dissolution d’images dans d’autres peut ainsi être une façon créative de marquer le passage du temps dans un texte. Il faut certes le faire prudemment et délicatement. Il faut baliser cette transition pour nos lectrices et nos lecteurs, mais c’est faisable. Et je crois que cela peut amener une véritable ambiance, si bien entendu on n’en abuse pas.

J’aurais tendance à penser qu’une telle utilisation est possible seulement pour des ellipses temporelles couvrant des périodes de temps très importantes, comme des années.

On peut ainsi imaginer un effet du genre d’un gros plan sur le visage du personnage principal avec une description de ses traits, de ses yeux, puis glisser un changement de couleur de ses iris vieillissants, de ses cheveux ou des poils de sa barbe qui pourraient blanchir, puis la caméra pourrait à nouveau élargir son cadre pour détailler le même visage, mais ridé et fatigué.

L’effet serait à mon sens, si c’est bien réalisé, d’une poésie extrême.

Flashbacks et flashforwards

Le cinéma a popularisé le flashback, même si l’analepse était connue dans la littérature. Elle était pratiquée de façon plus discrète, sans être marquée ni vraiment posée comme telle. Lorsque l’on écrivait d’un personnage que “dans son enfance, il avait perdu son vélo rouge, celui qu’il aimait tant, au point de ne pas pouvoir s’arrêter de pleurer pendant des jours”, c’était déjà une analepse.

De même pour le contraire de l’analepse, la prolepse, ou flashforward en cinéma. Écrire que “des années plus tard, lorsqu’il se pencherait à nouveau sur le déroulé des événements, il en rirait bien volontiers”, c’est déjà projeter l’action dans le futur, et donc faire une prolepse.

La seule véritable différence réside dans l’utilisation assumée et marquée de ces sauts temporels dans le récit, au point d’en faire un plan, voire une scène entière. C’est, je crois, totalement faire sien le célèbre adage artistique “show, don’t tell” (ou “montre-le, ne le raconte pas”) qui est inhérent au langage cinématographique.

Là où en effet la littérature (par essence un médium qui s’interpose entre ce qu’il veut montrer et à qui il veut le montrer) et le théâtre (qui démontre plus par l’image, l’action, mais reste bloqué dans le moment présent du spectacle vivant, sans pouvoir jouer avec le temps au-delà de certaines conventions) ont tendance ou sont obligés de passer par le discours indirect pour développer des sauts temporels originaux, le cinéma possède à la fois la qualité essentielle d’être par nature démonstratif et les contraintes comme les moyens techniques d’enregistrement qui lui donnent une souplesse incroyable dans la maîtrise de la ligne chronologique.

C’est donc naturellement le cinéma qui a exploré ces dimensions de jeux chronologiques.

Pourtant, je pense que la littérature a presque plus de potentiel dans ce domaine que l’image, de par l’absence totale de contraintes physiques. Les possibilités sont infinies, si on adapte un peu les codes.

Il est par exemple nécessaire de définir une convention avec le lecteur ou la lectrice, lorsque l’on change d’époque dans le récit. Soit à l’intérieur de l’écriture elle-même, en prenant soin que les articulations logiques au sein même de la phrase ou du paragraphe soient nettes et claires, mais surtout reproductibles. Soit par la typographie, qui est une alliée trop souvent négligée. Mettre un passage en italique, ou changer de fonte, ou encadrer un paragraphe avec un glyphe symbolisant une époque, un personnage (comme le fait Damasio dans La Horde du Contrevent), une façon d’être, tout est possible.

La narration mélangée

On peut même aller plus loin. Et là encore, c’est le cinéma qui m’a poussé à y réfléchir et à oser.

Lorsque j’ai vu pour la première fois le chef-d’œuvre de Christopher Nolan, Memento, j’ai pris une énorme claque narrative. Si vous ne l’avez pas vu, courrez d’abord combler cette lacune en interrompant tout de suite votre lecture car je vais un peu spoiler dans les lignes qui suivent. Si vous l’avez déjà vu, souvenez-vous de ces deux lignes temporelles qui s’entrecroisent à rebours, l’une montée à l’envers, de la fin jusqu’au début, l’autre dans un sens chronologique antérograde pour expliquer la réalité de ce qui arrive à Léonard, depuis le diabète de sa femme, l’agression et son traumatisme, jusqu’à la véritable nature de ce qui lui est arrivé.

À ma connaissance, c’est le premier film à jouer ainsi avec le temps de la narration.

La littérature depuis longtemps entremêle les fils d’intrigues, les arcs et les points de vue, et je suis sûr que parmi les millions de livres que je n’ai pas lus, quelqu’un, quelque part, a déjà utilisé cet entrelacement de fils narratifs en littérature.

C’est pourtant le cinéma qui m’y a amené.

J’ai utilisé ce procédé dans Le Choix des Anges comme dans Fæe du Logis, à chaque fois avec un grand bonheur.

Le narrateur et le point de vue

L’une des premières questions à se poser quand on débute l’écriture d’un livre de fiction est de savoir quel point de vue l’on va adopter. Du côté de qui allons-nous placer la caméra, par les yeux de qui l’histoire va-t-elle être vue ? Et, corollaire : qui va la raconter ? Il se peut que les deux se confondent, que le narrateur soit la personne dont le point de vue aura été choisi. Il se peut aussi que les deux soient différents, et que la narratrice raconte l’histoire depuis le point de vue d’un personnage en particulier, qui n’est pas elle, ou depuis le point de vue de plusieurs personnages.

Ces deux choix sont communs à la littérature et au cinéma.

Deux techniques de changement de point de vue peuvent être transposées de l’un à l’autre.

La Voix Off

Originellement, la voix off est un procédé utilisé dans les films noirs, les polars désabusés des années 40 et 50, permettant de donner des informations inaccessibles autrement sur les états d’âme du protagoniste principal, sensé raconter lui-même ses (més) aventures. Il autorise les mêmes choses que la narration à la première personne du singulier en littérature. Le point de vue se confond avec le narrateur. On raconte l’histoire telle que le narrateur, qui en est l’un des protagonistes, l’a lui-même vécue. On a accès à ses réflexions, à ses doutes, à ses conjectures.

La voix off commente presque l’action, en un métatexte qui offre un niveau de lecture un peu plus élevé que l’action elle-même.

Cet artifice, très critiqué à une époque, semblait une maladroite façon de singer la narration à la première personne.

L’envie m’est venue de la faire traverser la frontière dans l’autre sens et de m’en servir de façon assumée dans l’écriture.

Quand le narrateur est omniscient, mais fait tout de même partie de l’intrigue, comme Armand dans Le Choix des Anges, la voix off peut parfaitement s’intégrer de temps à autre dans le fil du récit.

Plus encore, on pourrait estimer la souligner avec une certaine typographie, afin de suivre le métatexte comme une intrigue parallèle. On pourrait imaginer un dialogue, une discussion, une argumentation, entre deux protagonistes omniscients à propos de l’intrigue, par exemple deux divinités commentant les actions de leurs champions. Je visualise assez bien Poséidon et Athéna discutant des mérites respectifs d’Hector et Achille durant leur duel devant les murs de Troie.

La caméra subjective

Un cran plus loin dans le fameux “show, don’t tell”, la caméra subjective consiste au cinéma à voir l’action littéralement par le regard de l’un de ses effecteurs. L’objectif est placé à hauteur du regard, elle bouge souvent beaucoup, étant portée à l’épaule. On voit parfois même les bras et les jambes du protagoniste pour accentuer l’effet d’identification.

C’est une technique très puissante pour impliquer le spectateur. Il est en prise directe avec le sens principal du personnage, la vue.

Par définition impossible au théâtre, elle est par contre totalement transposable en littérature, mais il faut pour cela respecter, je crois, une règle absolue : il faut éliminer toute référence à une identité dans le texte, et ne livrer que les sensations brutes, dans des phrases nominales, si possible courtes. Car la caméra subjective est utile dans des scènes d’action, afin d’en accroître l’intensité. Pour cela, il me semble fondamental d’effacer tout ce qui pourrait faire écran entre les sensations ressenties par le personnage et la perception qu’en a la lectrice ou le lecteur.

Je pense que dans cette optique-là, il faut bombarder le public avec un feu nourri de sensations, d’images, de sons, d’odeurs, de goûts. Autant profiter de la puissance d’évocation des mots pour saturer le cerveau du lecteur. Ne jamais dire à qui sont les bras et les jambes va conduire le cerveau à les faire siennes. Ne pas dire qui reçoit les informations sensorielles va de même impliquer que c’est l’esprit de la lectrice qui va se les approprier.

Pour que cela réussisse, cependant, il vaut mieux avoir un petit bagage poétique, et maîtriser un peu les règles de prosodie.

La caméra : cadre et mouvement

Tout comme le point de vue est la question la plus importante à laquelle un écrivain doit répondre, le cadre est celle à laquelle est confronté le réalisateur, de façon à la fois plus complexe et plus aiguë, car l’image est forgée par les réponses qu’il y apportera, tandis que la nature symbolique de l’écrit tendra à pallier potentiellement un mauvais choix de l’écrivain par la puissance d’imagination du lecteur. Les réflexions du réalisateur peuvent donc grandement profiter à l’écrivain pour améliorer l’immersion dans le texte.

Où placer le cadre ?

Le cadre, c’est ce rectangle horizontal qui délimite ce que voit le spectateur. C’est un outil surpuissant, car il impose à ce dernier un point de focalisation de son attention. Et élimine de fait (hormis bien entendu techniques particulières) ce qui est hors de son champ, comme si cela n’existait pas.

Pour chaque plan, le réalisateur doit se demander ce qu’il va montrer en plaçant la caméra à un endroit particulier et en choisissant la puissance des lentilles afin de déterminer comment il le montre. Par exemple, utiliser une focale longue va permettre de s’éloigner du sujet sans le perdre dans un trop grand espace, mais utiliser une focale courte va obliger à se rapprocher de lui pour détailler ses expressions, rendant la scène très intime avec lui. Les deux choix impliquent une ambiance très différente dans la scène, et donc évoquent des émotions différentes aussi.

Il me semble nécessaire de faire le même travail quand on entame la rédaction d’une scène ou même d’un plan. Quelle va être notre focale ? Où vais-je placer la caméra ? Qu’est-ce que je vais montrer, qu’est-ce que je vais laisser dans l’ombre ?

Les valeurs de plans

Corollaire : à quel point vais-je détailler certaines parties et en laisser floues d’autres ?

Ainsi, vais-je faire un gros plan, ou un plan d’ensemble ?

Les valeurs de plans sont la dimension première du cadre.

Si vous ne les maîtrisez pas encore, vous trouverez ici de bons exemples.

Et comme un réalisateur ou une réalisatrice, vous saurez alors que vous pouvez choisir de changer de valeur entre deux plans, de manière à donner plus ou moins de détails, à corriger l’attention, à élargir la scène.

La ligne d’action

La règle de ligne d’action est délicate à manier au cinéma. Elle régit la direction des regards dans un montage en champ et contrechamp, par exemple. Elle détermine ce qui est compréhensible naturellement et presque instinctivement par le cerveau humain en fonction de comment on lui a montré les choses.

Là encore, ce questionnement me semble utile à transposer dans l’écriture. Toujours se demander si ce que l’on a montré sera interprété correctement ou si ce ne sera pas l’objet d’un possible contresens.

Le mouvement

Le cinéma contemporain use et abuse des mouvements de caméra, là où le cinéma classique ne pouvait que laisser sa caméra à une place fixe dans la durée d’un même plan.

La littérature moderne, surtout la littérature de l’imaginaire, gagnerait, je pense, à intégrer également certains de ces mouvements.

Les panoramiques droit et gauche sont simples et sont fréquents en littérature. Les “autour de lui”, ou “aux alentours” introduisent ce genre de mouvement de l’œil de la caméra littéraire. Comme le zoom, qu’il soit avant ou arrière, peut être suggéré par la focalisation brutale ou graduelle vers des détails de plus en plus fins dans une description (par exemple en partant de l’allure générale d’un personnage vers son visage, ses traits, puis son regard et enfin le puits de ses iris).

Beaucoup plus complexes à utiliser sont les travellings, qui suivent une ligne rectiligne ou courbe, dans les trois plans de l’espace. Pourtant, il est possible de construire une action ou une description en suivant l’un ou l’autre de ces mouvements.

Le trans-trav

Inventé par Hitchcock, le trans-trav est l’association entre un zoom avant et un travelling arrière, ou au contraire un zoom arrière et un travelling avant. Il donne une impression de malaise dans les deux sens, en perturbant les notions de distance relative entre le sujet filmé et son environnement. Il met en exergue.

C’est l’un des mouvements de caméra les plus complexes à rendre par des mots. Je n’y suis jamais parvenu.

Pourtant, je pense que réussir cette transposition serait vraiment une technique puissante pour suggérer une émotion très forte, comme la peur, le vertige, l’épiphanie ressentie par un personnage ou une révélation faire au lecteur.

Conclusion

Au terme de ce très (trop ?) long article, j’en viens à déduire que m’intéresser de près à d’autres formes artistiques, à d’autres façons de raconter les histoires, m’a vraiment enrichi sur le plan littéraire.

Je ne saurais donc trop vous conseiller d’explorer à votre tour les autres disciplines qui vous parlent, pour y dénicher des choses à transposer, à adapter, à malaxer.

Les arts se nourrissent les uns les autres.

Pour aller plus loin, quelques références

Quelques références à lire et relire si vous voulez en savoir plus sur la narration dans le cinéma.

L’écriture de scénarios, édition revue et augmentée, de Jean-Marie Roth, chez Chiron éditeur, 2004. ISBN 2702710468.

Réaliser ses films plan par plan, par Steven D. Katz, chez Eyrolles, 2005. ISBN 2212116829.

Raconter en images ou l’art du montage, par Nathalie Hureau, aux éditions Scope et la Maison du film court, 2005. ISBN 2912573165.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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