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La règle d’accord de proximité

La règle d’accord de proximité

La règle d’accord de proximité

La langue que nous parlons modèle-t-elle notre façon de voir le monde ?

C’est historiquement l’une des deux grandes thèses de la linguistique, dite thèse de Sapir-Whorf, concurrente et opposée à celle de Chomski, pour qui il existerait une langue universelle1. Si dans l’imaginaire et les œuvres de fiction de l’imaginaire notamment, l’une et l’autre thèse ont été prises comme postulats par de nombreux univers (la langue universelle est la base des univers où la magie est fondée sur la connaissance et la prononciation des Noms Véritables des choses et des êtres, donnant à celui ou celle qui détient ce pouvoir tout contrôle sur ce qu’on sait Nommer), dans notre réalité, comme toujours, la vérité semble se situer entre ces deux extrêmes.

Ainsi, nous sommes nombreux à considérer que les mots dont nous nous servons ont une certaine influence sur ce qui nous entoure. Cela paraît bien évident pour tous ceux et toutes celles qui connaissent le pouvoir d’évocation des mots. Poétesses, écrivaines, orateurs, psychologues, politiciennes, ou simplement vendeurs et commerciaux, comme on dit maintenant, savent que certains mots peuvent ouvrir des portes et d’autres les fermer.

La langue est notre messagère vers l’autre, ou du moins l’une de nos messagères, car il existe aussi d’autres façons de communiquer, comme nos gestes et nos attitudes, nos regards.

Mais on peut aussi imaginer que le pouvoir des mots aille plus loin, et que leur utilisation change réellement les perceptions cognitives de ceux qui les utilisent et de celles qui les reçoivent. Les mots sont des symboles, et les symboles ont un pouvoir sur nos cerveaux que nous ne mesurons pas toujours. Un pouvoir immense.

C’est ainsi que l’un des débats qui agitent notre société a fait émergé la question de la primauté donnée au genre masculin dans la langue française comme l’un des leviers à manœuvrer pour rétablir une égalité entre hommes et femmes. Selon cette conception des choses, la vision trop masculine de notre société est renforcée par la règle grammaticale qui veut qu’en français l’on accorde en genre et en nombre un adjectif ou un verbe avec le masculin lorsque le sujet est composé d’au moins un terme masculin, et ce même si la majorité des termes du sujet sont féminins.

Je sais que c’est une discussion passionnée, et que les deux camps, ceux qui tiennent à conserver cette règle de grammaire et ceux qui désirent la changer, sont enflammés et souvent excessifs.

Je ne cherche à convaincre personne, ni dans un sens ni dans l’autre.

Mais j’ai bien réfléchi à la question, et j’ai décidé que mon inclination naturelle me conduisait plus volontiers vers un rééquilibrage des représentations symboliques du féminin et du masculin dans la langue française. J’ai donc fait le choix d’utiliser une règle antérieure, commune à plusieurs langues latines, voire indo-européennes, et promue par les tenants de ce rééquilibrage symbolique. La règle de l’accord de proximité.

J’ai même adopté la règle d’accord selon le sens, qui déroge elle aussi au dogme de la primauté du masculin.

Ce petit article est simplement là pour aider ceux et celles qui auraient fait le même choix que moi à le mettre en pratique dans leurs écrits, dans un monde où la règle de l’accord au masculin est encore une norme.

Ce que dit la règle

Tout simplement que l’on peut accorder en genre et en nombre un adjectif avec le plus proche des noms qu’il qualifie, ou un verbe avec le plus proche des chefs de groupes qui forment son sujet.

L’article de Wikipedia qui lui est consacré en explique bien les racines dans les langues proches du français : latin, grec, espagnol, tout en donnant des exemples de son utilisation en français qui était semble-t-il courante jusqu’au XVIIe siècle.

La page qu’Éliane Viennot lui consacre sur son site est également remplie d’exemples.

Ainsi, j’ai choisi d’écrire que :

J’ai bien réfléchi et les accords et fautes ratées par Antidote me laissent perplexe.

Au lieu de :

J’ai bien réfléchi et les accords et fautes ratés par Antidote me laissent perplexe.

La règle d’accord selon le sens ou syllepse grammaticale

Corollaire direct de l’utilisation de l’accord de proximité, l’accord selon le sens permet de moduler l’accord grammatical. On s’affranchit ainsi du seul masculin pour embrasser (c’est d’ailleurs le sens étymologique de syllepse) le sens profond de la phrase. Pour quelqu’un comme moi, qui considère les mots comme autant de symboles chargés de pouvoir, c’est cohérent.

De nombreux exemples peuvent être trouvés sur l’article que Wikipedia lui consacre.

Pourquoi cette règle ?

En préambule, je répète que je ne désire convaincre personne.

J’ai simplement l’envie d’exposer les raisons qui m’ont conduit à ce choix.

Tout d’abord, comme je l’ai dit au début de cet article, pour moi, les mots sont des symboles, et en ont donc la puissance, d’autant plus quand ils sont écrits, car leur permanence et leur matérialité, leur forme, leur confèrent plus encore de force.

Tout en rejetant toutes les outrances de ceux que les Anglais appellent les social justice warriors (les guerriers de la justice sociale en français, qui sont pour moi seulement des trolls avides de reconnaissance cherchant à mettre de l’huile sur le feu au lieu de discuter sereinement), il me semble naturel d’accorder (sic) ma façon d’écrire avec les valeurs qui ont du sens pour moi. Des valeurs que l’on peut appeler progressistes ou humanistes.

Il se trouve que la langue est tout de même un ensemble de codes, et qu’il est nécessaire d’y introduire des règles, afin que tout le monde puisse se comprendre. C’est d’ailleurs pour cela que le débat est si polarisé : chacun est conscient, des deux côtés, que sa vision porte en elle-même un implicite politique car le choix n’est pas neutre. La règle qui ressortira victorieuse de ce combat sera imposée à tous. Elle modèlera donc le discours de tous, tenants comme opposants. À terme, elle modèlera aussi les conceptions inconscientes, automatiques, de tous.

Une langue est aussi un ensemble de règles vivantes. Une langue n’est pas figée, sinon elle meurt. Il me semble donc légitime de la faire évoluer. Nous avons le droit de revendiquer les évolutions qui nous paraissent légitimes, et c’est l’usage qui tranchera, car qu’est-ce qu’une langue, si ce n’est un accord entre tous ses locuteurs ? Si nous décidons collectivement d’utiliser l’accord de proximité, alors il deviendra (ou redeviendra, plutôt), une règle établie du français.

La conclusion logique m’a conduit à adopter l’usage de l’accord de proximité comme celui de l’accord de sens.

Utiliser la règle d’accord de proximité

C’est bien beau, tout ça, me direz-vous (et vous aurez diablement raison) mais comment utiliser concrètement cette règle quand on a comme métier (ou passion) d’écrire, de corriger, voire d’éditer, et qu’on doit relire et corriger des centaines de pages de manuscrit ?

Car si au fil de l’écriture, cela me paraît assez simple en suivant les quelques règles qui précèdent, le problème est plus prégnant lors de l’étape de la correction elle-même, puisque vous allez commencer probablement par vous corriger vous-même à l’aide d’un logiciel (que ce soit le correcteur basique de Word ou Antidote) puis à confier cette tâche à d’autres yeux que les vôtres, plus aguerris ou simplement plus naïfs envers le texte.

Or, la règle n’étant pas encore officielle, il s’agira de vérifier tous les accords en gardant en tête cette particularité.

Je ne saurai trop vous conseiller de prévenir vos ß-lecteurs et ß-lectrices ou vos correcteurs, vos correctrices, pour leur éviter de s’arracher les cheveux à chaque accord, voire de barbouiller votre manuscrit avec tant de marques rouges qu’on n’y verra goutte au bout de deux pages. Une petite discussion sur votre choix et sur la règle elle-même est indispensable.

Pour ce qui est des logiciels de correction automatique, qui seront indispensables à un moment ou à un autre de votre processus de travail, c’est plus simple et plus compliqué à la fois.

À ma connaissance, aucun n’a encore été paramétré à ce jour pour tenir compte de cette règle.

Il faut donc ruser un peu.

Utiliser la règle de proximité avec Antidote

Étonnamment, Antidote semble ne pas remarquer de faute d’accord de genre dans la phrase d’exemple, ce qui pourrait faire penser qu’il accepte l’accord de proximité. Pourtant, il n’en est rien, car il suffit de faire une faute d’accord de nombre (oublier le s pluriel dans ratées) pour qu’il détecte non seulement celle-ci, mais aussi une faute d’accord selon le principe de primauté du masculin. Pourtant, un billet de blog récent sur le site de Druide, la société canadienne éditrice d’Antidote, explique la façon dont la société recommande son usage pour améliorer l’inclusivité. Et si le billet en question mentionne bien l’accord de proximité… rien n’est prévu dans les réglages d’Antidote pour l’activer.

Je pense que cela peut s’expliquer par le fait qu’Antidote utilise la syllepse grammaticale, mais je n’en jurerai pas.

Il me semble donc que la solution consiste à laisser Antidote rechercher les fautes d’accord, puis, à chaque fois, vérifier soigneusement que la faute qu’il détecte ne soit pas basée sur l’utilisation de la primauté du masculin.

Il serait souhaitable, pourtant, que Druide accepte d’intégrer l’accord de proximité dans ses réglages.

Pour aller plus loin

Si le sujet vous intéresse, il est possible que vous trouviez quelques autres réflexions à votre goût en écoutant deux émissions en podcast.

Le dernier épisode de la saison 2020 Du vent dans les synapses de France Inter, avec Daniel Fiévet, est notamment consacré à la langue française.

Et le podcast Parler comme jamais, de Laélia Véron, sur Binge Audio, qui à chaque épisode explore une facette de notre langue sous plusieurs angles passionnants.


  1. Et pour en savoir plus sur ces deux thèses, tout en apprenant comment communiquer avec E.T. si vous le croisez, je vous recommande de lire le très didactique Comment parler à un Alien ? de Frédéric Landragin, aux éditions du Bélial.  ↩

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Maîtriser la compilation dans Scrivener, les bases

Maîtriser la compilation dans Scrivener, les bases

Maîtriser la compilation dans Scrivener, les bases

Je ne cesse de vous vanter les mérites de Scrivener, mais il est vrai que certains de ses aspects les plus intéressants peuvent paraître intimidants, voire rebutant pour nombre d’entre nous au premier abord. Sa structuration en scrivenings, par exemple. Sa gestion un peu étrange des styles.

Mais c’est sa caractéristique la plus emblématique qui me semble être la plus problématique quand on rencontre ce logiciel pour la première fois. La compilation.

Alors pour ceux qui ont envie de mieux comprendre et surtout de maîtriser cette fonction essentielle de Scrivener, et pour accompagner l’utilisation des quelques formats de compilation que j’ai déjà partagés avec vous, je me suis dit qu’il était temps de plonger dans un petit tutoriel. Vous allez voir, tout est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît.

La Compilation, quèsaco ?

Ce n’est peut-être pas un hasard si beaucoup d’entre nous ont été pris d’une appréhension en découvrant que Scrivener utilisait le mot de compilation pour désigner l’exportation d’un texte.

Car ce mot est d’ordinaire utilisé dans un vocabulaire qui est très éloigné de l’écriture, même si l’on s’y sert du clavier aussi : la programmation informatique.

Dans ce domaine du codage, la compilation est l’opération qui permet d’obtenir un code binaire (donc une suite de 0 et de 1) à faire comprendre à la machine que vous allez programmer, et ce à partir d’une suite d’instructions écrites dans un langage plus «naturel» (naturel pour des programmeurs, hein, pas pour vous ou moi). Ainsi, à partir d’instructions écrites en anglais telles que la boucle conditionnelle if... then... else... l’opération de compilation va sortir une suite de nombreux 0 et 1 qui sera interprétable par le processeur de votre machine.

Si le processus est le même dans Scrivener, il ne vous sera pas nécessaire d’apprendre un langage informatique pour vous y retrouver, mais par contre il sera sans doute bon que, comme un codeur, vous appreniez à penser à la structure de votre texte en amont de votre écriture.

Car dans Scrivener, il s’agit par analogie avec le codage informatique d’obtenir plusieurs formes possibles à partir d’un même texte brut. En gros, vous écrivez dans Scrivener, et la compilation vous permet de programmer des mises en page différentes en fonction de vos besoins, simplement en choisissant le format désiré. Le tout sans avoir besoin de passer un temps fou à souligner les titres et à changer la police de caractère de votre corps de texte à chaque fois.

Vous pouvez ainsi choisir un format de compilation qui mettra en page votre texte avec une marge intérieure de 6 cm avec pages à droite et à gauche, une fonte Garamond pour le corps, taille 12, et une fonte Gotham en Black taille 24 pour vos titres de chapitre lorsque vous voudrez exporter votre texte en PDF pour le donner à vos correcteurs (c’est mon cas), mais par contre avec d’autres valeurs de marges, d’autres fontes et d’autres tailles de fonte pour l’envoyer à votre éditeur. Le tout à partir d’un même texte.

Le principe est simple, là aussi hérité du codage informatique, mais dans le domaine de l’internet : on sépare le fond (votre texte) de sa forme (la mise en page). Ainsi, vous pouvez changer à volonté la forme sans toucher au fond. C’est un principe que nous avons déjà abordé lorsque nous avons parlé de la fabrication d’un livre électronique au format EPUB.

C’est particulièrement utile pour une œuvre littéraire, je trouve, quand vous allez devoir reprendre toute la forme du texte en fonction de vos usages. Pour mes corrections, j’aime avoir une marge large pour mettre mes annotations, mais votre éditeur, lui, aura sans doute d’autres exigences de mise en page. Mieux, si vous écrivez des scénarios de cinéma ou de télévision ou des pièces de théâtre, peut-être que vous préférerez écrire dans votre propre fonte avec vos propres réglages (ceux de Scrivener) et devrez ensuite y appliquer la mise en forme classique recommandée, c’est-à-dire une fonte type «machine à écrire» comme Courrier et des indentations à chaque changement de personnage dans un dialogue.

Loin d’être une contrainte, la compilation est donc une chance : elle vous fait gagner du temps. Si et seulement si vous comprenez véritablement comment elle fonctionne. Parce que sinon, cela risque de vous en faire perdre beaucoup.

Étant donné que le manuel du Scrivener n’existe qu’en anglais et qu’il est peu didactique, mais aussi que les tutoriaux sur le site de l’éditeur (en anglais eux aussi) ne sont pas des plus clairs sur la façon de s’en servir au mieux, j’ai eu envie de vous faire profiter de la façon dont j’ai apprivoisé la bête.

La structure du texte

Le plus important pour saisir le fonctionnement de la compilation dans Scrivener c’est de comprendre la philosophie qui se cache derrière. Et elle tient en un mot : structurez.

Car votre texte n’est pas seulement composé de lettres qui forment des mots. Tout texte est structuré de multiples façons.

Les mots forment des phrases, qui s’agencent en paragraphes, qui vont former des sections, qui vont donner des chapitres. Les chapitres vont être regroupés en parties qui vont former un livre. Qui sera peut-être l’un des tomes d’une série. C’est la structure de la forme d’un roman. Mais vous pouvez aussi décider d’une autre structure, comme celle des pièces de théâtre : des répliques structurées en scènes structurées en actes. Ou au cinéma et à la télévision : un plan (comprenant des répliques différentes et des mouvements de caméra par exemple) fera partie d’une séquence qui composera le film ou l’épisode, dont chacun sera une saison.

La compilation dans Scrivener va se servir de votre structure pour la mettre en forme suivant vos instructions. Chaque chapitre commencera sur une nouvelle page, avec le mot «chapitre» et un numéro, par exemple.

C’est pour cela qu’un format de compilation doit être pensé en fonction de la structure que vous donnez à l’Ébauche (en anglais le logiciel appelle cela le Draft, le brouillon) de votre texte brut.

Il est donc nécessaire que vous pensiez cette structure à l’avance, en fonction de votre projet.

Voici les structures comparées de deux de mes projets : un article de blog et un roman. Vous pouvez constater que ce n’est pas la même chose du tout. Et la compilation de ces deux projets ne pourra pas se faire de la même façon. Sauf. Sauf si on avait structuré de façon superposable.

Le premier pas à faire est donc de construire dans votre Ébauche une structure type. En s’intéressant aux structures de mes articles de blog et de mes romans, vous pouvez comparer et constater que les deux structures utilisent des dossiers, des fichiers seuls et des fichiers imbriqués.

Vous pouvez très bien décider de faire ce travail de structuration de votre texte une fois qu’il est totalement écrit, ou en cours d’écriture. Vous pouvez même le changer au milieu de votre projet si vous en avez envie. Mais je trouve personnellement qu’il est plus pratique et plus intéressant de la faire avant de commencer à écrire. Car, pour ma part, cela m’aide à dégrossir un peu la forme que va prendre le projet.

Comment procède-t-on ?

Je vous recommande de commencer par le haut, le plus grand ensemble, et de descendre petit à petit dans le détail. Tome avant Partie, avant Chapitre, avant Scène avant Plan. Ou Article avant Section, avant Sous-section. Il est important de structurer jusqu’à atteindre la brique fondamentale de votre texte : pour mes textes littéraires, ce sont les plans («cinématographiques») qui correspondent à des actions importantes, pour mes articles de blog, ce sont les sous-sections qui correspondent à une idée ou une notion. Essayez de subdiviser jusqu’à ce que vous vous disiez que c’est inutile (certains pourront peut-être subdiviser jusqu’au paragraphe, d’autres pas). Quand vous atteignez ce moment, vous savez que vous avez votre brique d’écriture fondamentale (ce que dans un autre article j’ai appelé ma brique narrative fondamentale, mon plan «cinématographique»).

Cette unité fondamentale sera forcément un fichier (un texte, dit Scrivener). Pour tout ce qui est situé au-dessus dans l’arbre de votre structure, par contre, vous allez devoir choisir entre texte et dossier. Quelle est la différence ? Il n’y en a pas vraiment car les deux entités sont capables d’agir comme des «contenants» d’autres entités textes, et les deux entités sont capables de contenir de l’écrit. Disons que c’est à mon sens purement psychologique. C’est ainsi que j’ai considéré que les Scènes étaient chez moi des textes et les Chapitres comme les Parties des dossiers. Pourquoi ? Parce que ça m’a paru plus logique pour moi. Mais au fond, il n’y a aucune obligation, et j’aurais très bien pu décider que mes Chapitres étaient des textes.

La seule véritable différence va se voir plus tard, quand on déterminera la mise en page suivant la structure.

Une fois que vous avez décidé du squelette de votre projet, vous pouvez vous rendre dans Projet > Paramètres du Projet...

Exercice de structure du texte

À titre de petit exercice, je vous propose de reconstituer le cœur du format de compilation d’épreuve pour correction que vous pouvez télécharger plus bas.

Commencez par créer deux dossiers que vous allez nommer Introduction et Développement.

Dans chacun de ces dossiers, créez deux fichiers que vous allez nommer Scène d’introduction 1, Scène d’introduction 2, Scène de développement 1 et Scène de développement 2. Dans chaque scène, collez du lorem ipsum ou un autre texte de remplissage. Cela nous aidera à visualiser le résultat de votre compilation.

Types de section

Cette première fenêtre qui s’ouvre permet de déterminer les différents rôles que vont jouer les sections de votre structure dans votre mise en page.

Par exemple, mes plans cinématographiques, briques narratives constitutives des scènes, sont des moments dans la scène où une action précise se déroule. Je peux vouloir distinguer deux possibilités. D’un côté des plans qui seront intégrés dans la suite des actions d’une scène, dans une continuité narrative (un plan sur mon héros qui donne un coup d’épée sur les écailles du dragon en face de lui, et ensuite un autre plan où l’épée lui tombe des mains car elle a été brisée par la résistance incroyable de l’armure du monstre) et d’autres qui vont rompre la continuité narrative dans la scène pour introduire la vision d’un autre personnage, ou bien une analepse (un flashback). Simplement parce que j’ai envie que le lecteur puisse distinguer les deux visions de la scène (exemple, le premier plan vu par le dragon, le deuxième par le héros) par un formatage spécial de mon texte (un Style) ou une transition particulière entre les deux plans (par exemple un caractère spécial, comme la suite de trois astérisques *** qui est classiquement utilisée pour signifier un changement de temps, de lieu ou de perspective).

Dans un texte non fictionnel, certaines sous-sections pourront être des encadrés et d’autres de simples subdivisions d’un raisonnement.

Il s’agit donc de réfléchir à tous les types de rôles que va pouvoir jouer chaque section du texte. Voici mes types de sections pour mes romans et ceux pour mes articles.

Exercice types de sections

Pour recréer notre format de compilation, créez deux rôles : Chapitre et Scène.

Dossiers et fichiers

C’est en pensant aux types de sections que vous allez devoir déterminer si chaque section est importante par son texte, par son titre, ou par les deux. Typiquement, un dossier est juste là pour contenir d’autres fichiers et seul son titre est important. Mais on pourrait imaginer qu’un dossier formant un titre de chapitre puisse aussi contenir parfois du texte, sous la forme d’une citation inscrite en début de chapitre juste après le titre.

La vraie question pour déterminer si l’on a affaire à un dossier ou à un fichier c’est : la section contiendra-t-elle majoritairement le corps du texte ? Ou simplement un titre ?

Niveaux de structure

Dans l’onglet de droite de cette même fenêtre, vous allez trouver le titre Default Types by Structure.

Il s’agit de faire coïncider les deux listes précédentes : la structure de votre texte et les rôles de chaque section. Cela donnera à Scrivener une idée des rôles par défauts de chaque section en fonction de sa place dans la structure de votre texte.

Construction du format de compilation

Une fois que vous avez trouvé la structure de votre texte et que vous savez quel type de texte doit contenir chaque scrivening, il ne vous reste plus qu’à écrire.

Puis quand votre travail d’écriture est terminé, vient la partie la plus délicate mais aussi la plus intéressante : déterminer la mise en page.

La compilation visant à sortir un texte mis en forme, il faut donc se pencher sur la mise en forme que vous voulez pour un objectif donné, comme on l’a vu plus haut. Tout le travail qui vient maintenant peut d’abord se faire sur un morceau de papier, pour que vous puissiez décider de la matérialité de ce que vous allez décider. Ensuite, vous pouvez entrer dans le processus de la construction du format de compilation lui-même en sélectionnant dans Scrivener Fichier > Compiler... puis dans la fenêtre qui s’ouvre, soit vous choisissez un format déjà présent et voulez le modifier (si ce n’est pas un format d’origine) en cliquant droit Modifier le format... soit vous sélectionnez Dupliquer et modifier le format... pour en créer un nouveau à partir d’une base.

Vous pouvez aussi partir de zéro et cliquer sur le + en bas à gauche.

Dans tous les cas, bienvenue dans l’atelier du ciseleur de format…

La page

Tout texte depuis l’invention du livre sous forme de feuillets et non plus de rouleaux est présenté en tenant compte des contraintes physiques de la taille et de la forme du papier qui détermine une limite à la disposition. C’est pour cela que, paradoxalement, je pense qu’il est plus intéressant de commencer par le dernier item de la fenêtre de construction de format de compilation, les paramètres de page.

Ce sera indispensable pour les formats physiques (impression directe ou PDF) ou les fichiers de texte habituels (un fichier Word ou RTF), mais sans doute inutile pour les sorties purement numériques comme une page internet ou un livre EPUB.

Il se peut aussi que votre objectif soit simplement de sortir le texte brut sans tenir compte du format des pages parce que vous allez ensuite utiliser un logiciel spécialisé pour cela (c’est mon cas lors de la publication d’un texte définitif après toutes les corrections effectuées). Dans ce cas vous pouvez passer à la prochaine étape.

Si ce n’est pas le cas, demandez-vous donc ce que vous souhaitez pour la taille de la page (A4, A5, autre chose ?), des marges. Est-ce que vous allez opter pour une présentation en livret avec une reliure ou simplement des pages identiques sans distinction gauche/droite ? Vous pouvez aussi déterminer des entêtes et des pieds de page.

Les sections

C’est le cœur de votre format de compilation.

Vous allez y construire des gabarits de mise en page qui vont ensuite vous servir à habiller chaque scrivening en fonction de deux critères : son rôle dans le texte (plan sans rupture narrative, plan avec rupture narrative, scène…) et le la variation de forme que vous voulez lui donner.

Pour illustrer mon propos, nous pourrions construire trois gabarits différents.

Un premier sera appelé «Chapitre numéroté et avec titre». Il s’assurera que chaque scrivening dont le rôle sera Chapitre réponde à la forme suivante : le mot «Chapitre» suivi d’un numéro qui sera écrit en chiffres arabes, et à la ligne le titre du chapitre qui sera égal au titre du scrivening. C’est la forme dont je me sers pour Fæe du Logis.

Le deuxième sera «Chapitre numéroté romain sans titre». Au contraire du premier, chaque scrivening dont le rôle sera Chapitre prendra la forme suivante : le mot «Chapitre» suivi d’un numéro inscrit en chiffres romains, un saut de ligne et pas de titre. C’est la forme que j’ai adoptée pour Le Choix des Anges.

Quant au troisième, ce sera «Scène». Il contiendra le texte de chaque scène, sans titre particulier.

Chapitre numéroté avec titre

Dans l’onglet Mise en page des sections, cliquez sur le + en haut à droite.

Vous pouvez renommer le gabarit créé en «Chapitre numéroté avec titre».

En gardant ce gabarit sélectionné, vous cochez la case Title, et laissez décochées les autres cases (Metadata, Synopsis, Notes, Text). Cela indique à Scrivener que ce gabarit placera seulement le titre du scrivening en sortie. Comme il s’agit d’un dossier dans la structure que nous avons adoptée, et qu’il n’est pas prévu qu’il y ait du texte dans ce scrivening, cela nous servira simplement à placer le titre à chaque début de chapitre, et le texte du chapitre débutera à partir de celui qui sera dans la première Scène (donc le premier scrivening avec un rôle de Scène) qui sera placée dans l’arborescence de ce dossier.

Dès que vous avez coché la case, vous pouvez voir que Scrivener place en bas Titre de Section dans un espace de mise en page appelé Formatting. Vous pouvez cliquer dessus et modifier la mise en forme. Sélectionnez Titre de Section et mettez-le en gras, par exemple. C’est donc là que vous allez déterminer à quoi chaque titre de chapitre va ressembler.

En cliquant sur Title options, vous trouvez deux cases : Title prefix et Title suffix. Elles vont déterminer ce qui va automatiquement être inséré avant le titre du chapitre et après. Dans notre cas, nous aimerions un préfixe qui sera «Chapitre» puis une espace (vous verrez alors un petit point bleu matérialisant l’espace) suivie d’un chiffre arabe. Nous allons utiliser ce que Scrivener appelle un placeholder, un code générique. Il prend la forme d’un petit n précédé s’un $ et encadré entre < et >. Il fera en sorte d’insérer un chiffre arabe qui sera automatiquement généré avec le bon ordre. Si vous désirez obtenir la liste de tous les placeholders dans Scrivener faites Aide > Liste de tous les caractères génériques...

Puis, comme nous voulons que le titre du chapitre soit placé sur une ligne en bas du mot et du numéro de chapitre, nous devons faire un saut à la ligne, matérialisé par le caractère spécial adéquat : ¶.

Lorsque cela est fait, si vous revenez sur l’onglet Formatting, vous verrez que Scrivener a fait exactement ce que vous lui avez demandé…

Pour l’instant, nous ne nous intéresserons pas aux autres onglets.

Chapitre numéroté romain sans titre

De la même façon, cliquez sur le + en haut à droite.

Vous verrez que Scrivener crée automatiquement une copie du précédent, que vous pouvez renommer «Chapitre numéroté romain sans titre».

Comme vous ne voulez pas que Scrivener mette le titre du chapitre, vous pouvez décocher la case Title. Aucune des cases Title, Metadata, Synopsis, Notes, Text ne sera cochée. Et vous pouvez voir le résultat juste en bas dans l’onglet Formatting.

Mais comme nous voulons des chiffres romains, nous allons remplacer le placeholder par un grand R précédé du $ et encadré toujours par < et >.

Scène

Même chose pour le texte des Scènes.

Cliquez sur le + en haut à droite.

Scrivener copie automatiquement une copie du précédent gabarit, que vous pouvez renommer en «Scène».

Cette fois-ci, cochez la case Text. Vous pouvez mettre en forme le texte sa fonte, sa taille, etc.

Puis dans l’onglet Title options, vous effacez ce que vous avez mis dans la case prefix. Ainsi, vous obtenez simplement le texte de la scène, sans insertion du titre du scrivening.

Lorsque vous compilerez votre texte, il ressemblera à cela :

Les transitions

C’est déjà bien, c’est vrai. Mais ce n’est pas encore tout à fait ce que nous voulons.

Car comme je vous le disais plus haut, un livre est organisé en fonction de la place que laisse une page pour disposer le texte. Au fil des siècles, les imprimeurs puis les typographes et les éditeurs ont cherché les façons les plus harmonieuses, agréables et pratiques d’organiser le texte en fonction des pages et des conventions sont apparues, qui nous semblent si naturelles de nos jours que nous ne les remarquons même plus, mais qui existent bel et bien.

La plus élémentaire est que dans un roman, les chapitres commencent toujours sur une nouvelle page, et la plupart du temps sur une page de droite. C’est aussi souvent le cas des sections importantes et des chapitres dans les œuvres de non-fiction comme les essais. Deuxième convention, plus ou moins respectée, lorsque dans un chapitre on change de scène de façon marquante (changement de lieu, de temps, par exemple), cela se marque dans le texte par une ligne vide ou un signe typographique (les fameux trois astérisques *** ou l’astérisme qui reprend ces trois astérisques en les disposant en triangle).

C’est dans les Séparateurs que vous allez pouvoir programmer cela.

En cliquant sur cette section, vous allez voir qu’il y a deux possibilités de réglages : les réglages suivant les types de sections (donc les rôles, Section layout) et ceux suivant la distinction simple entre fichiers texte et dossiers. Il me semble plus fin et plus puissant de rester sur la première option, qui est présentée plus bas.

L’ordre de compilation

L’un des principes fondamentaux de la compilation dans Scrivener, c’est l’ordre dans lequel le logiciel va traiter vos scrivenings. Imaginez un petit lutin facétieux mais rigoureux qui va prendre la liste de vos scrivenings et va commencer… par le début, bien entendu, puis prendre le deuxième, puis le troisième, etc. Et à chacun il va regarder les paramètres de transition et les appliquer, puis passer au scrivening suivant sans prêter attention à sa place dans la hiérarchie de l’arborescence.

Un schéma valant mieux qu’un long discours, voici ce qui se passe (à droite) et ce qui ne se passe pas mais qu’on aurait pu imaginer (à gauche).

Retenez bien ce schéma, il aide à comprendre la suite, et souvent les erreurs que l’on peut commettre en programmant un nouveau format sont dues à ce qu’on a oublié cet ordre de priorité. Il vous permettra donc de savoir où vous avez commis une erreur.

Les types de transition

Scrivener propose quatre possibilités de marquer une transition entre deux scrivenings.

  • Single return, ou simple retour à la ligne, aura pour effet de rendre la transition invisible. Deux morceaux de texte séparés de cette manière donneront l’impression de n’être qu’un seul et même texte. C’est utile quand vous découpez votre texte en petits morceaux pour le rédiger mais que tous ces petits morceaux sont censés être une seule et même scène. Les plans sans rupture narrative sont typiquement séparés comme cela : ils n’ont pas d’existence marquée pour le lecteur alors qu’ils ont eu une vie séparée pour l’auteur lorsqu’il a écrit son livre.
  • Empty line créera une ligne vide comme séparation. C’est utile quand on veut marquer une séparation entre deux scènes.
  • Saut de page est plus radical, et cela sera le choix royal lorsque l’on changera de chapitre.
  • Custom, ou personnalisé, vous propose de choisir un ou plusieurs caractères à insérer sur une ligne pour marquer la séparation. C’est l’endroit où vous pouvez mettre votre astérisme ou vos trois astérisques.

Le choix de l’endroit : stratégie et logique

Le plus compliqué reste de savoir où faire la séparation car il existe trois possibilités : avant la section, après la section (c’est un peu spécial on le verra), ou entre deux sections de même nature. Sur un seul niveau (s’il n’y avait que des fichiers/dossiers de chapitres avec titre et texte des scènes) ce serait assez facile, et les trois possibilités seraient équivalentes.

Mais nous sommes ici sur (au moins) deux niveaux d’arborescence : des dossiers-titres de chapitre contenant des fichiers-scènes.

Si nous déterminons que le saut de page entre deux chapitres se fera à la fin de la section dossier-titre de chapitre, nous allons obtenir un saut de page non pas entre la fin du chapitre précédent et le titre du chapitre suivant, mais entre le titre du chapitre suivant et le début du texte dans ce chapitre… C’est sans doute mieux illustré avec un petit schéma.

Il est donc plus intelligent de placer le saut de page avant la section dossier-titre de chapitre.

Ainsi tous les chapitres vont débuter sur une nouvelle page, par le titre, puis le texte.

La séparation entre deux dossiers-titre de chapitre (donc sections de même nature) n’est pas importante car il est très peu probable que vous ayez dans votre structure de texte un titre de chapitre sans fichier-scène avant le prochain dossier-titre de chapitre.

Car il faut se souvenir que la compilation va parcourir votre arborescence dans l’ordre, soit : premier dossier, premier fichier, deuxième fichier, puis deuxième dossier, troisième fichier, quatrième fichier. Vous n’aurez donc jamais l’ordre : premier dossier, deuxième dossier. Cela équivaudrait à un titre de chapitre sans texte puis un deuxième titre de chapitre avec du texte.

Exercice transition

Sélectionnez le type de section que nous avons appelé Chapitre.

Commencez par décocher Use default separators qui vous forcerait à utiliser les séparateurs suivant dossier/texte.

Dans Separator before sections, sélectionnez Saut de page.

Aller ensuite dans le type de section que nous avons nommé Scène.

Vérifier que les options Separator before sections et Separator between sections soient bien réglées sur Single return, donc un simple retour à la ligne.

Compilez. Regardez ce que vous obtenez.

L’override après section

Jusqu’ici nous avons utilisé les transitions avant la section et entre les sections de même nature. Mais il existe une troisième option, plus délicate à manier (et je dirais même qu’elle est un peu vicieuse car on a tendance à vouloir l’utiliser alors qu’elle n’est intéressante que dans des circonstances bien précises). C’est la transition forcée après la section, ou Override separator after, comme elle est appelée dans le logiciel (oui, beaucoup de termes n’ont pas été traduits en français par l’éditeur de Scrivener).

Pour bien comprendre son principe, il faut se souvenir que ce n’est pas une «transition après», mais bien une «transition forcée après». Cela veut dire que si vous cochez cette option pour une section, la transition que vous allez ensuite déterminer (single return, empty line, saut de page ou custom) sera imposée à la place de la transition placée avant la section suivante, même si la section suivante avait une autre séparation normalement prévue à cet endroit. Dans le doute, c’est toujours cette transition forcée après la section actuelle qui prendra le pas sur une éventuelle transition prévue avant la section suivante.

Et je vais vous montrer pourquoi je vous mets en garde contre son usage immodéré.

Si votre structure ne contient que deux niveaux, par exemple des dossiers-titres de chapitre et des fichiers-textes de scènes, vous voudrez qu’à chaque chapitre, on commence par une nouvelle page, avec le titre du chapitre, puis son texte.

Pour obtenir cela, vous pouvez soit utiliser la méthode de l’exercice précédent, soit décider qu’après chaque dernière scène du chapitre, il y ait une transition forcée de saut de page. Et si vous cochez cette option pour la mise en page des scènes, vous allez obtenir une transition forcée comme prévu à la fin de la dernière scène.

Mais.

Mais si votre structure contient plus de deux niveaux, comme des dossiers-titres de chapitre, des fichiers-textes de scènes et plus bas encore des fichiers-textes de divisions de scène pour affiner un peu la construction et faciliter l’écriture de votre œuvre, là, tout s’écroule.

Parce que si vous avez utilisé l’option de l’Override after, comme la compilation prend scrivening après scrivening quelle que soit sa place dans l’arborescence mais dans l’ordre chronologique, si votre dernière scène de chapitre est composée de deux divisions de scène, vous allez obtenir une sortie texte où un saut de page sera inséré juste entre le dernier fichier-texte de chapitre et le premier fichier-texte division de scène.

Résultat : votre scène sera visuellement coupée avec un saut de page au beau milieu… et de plus, comme votre chapitre suivant ne sera pas prévu avec un dossier-titre de chapitre ayant un séparateur de saut de page avant, votre chapitre suivant va commencer juste sous la fin de votre chapitre actuel…

Votre mise en page sera complètement ratée…

La transition forcée après la section (ou override) n’est donc à utiliser que dans le cas où vous voulez que systématiquement, après une section déterminée, n’importe quelle autre section soit séparée par une seule et même transition.

Les règles de bonne utilisation et le petit schéma récapitulatif

On peut déduire de tout cela quelques règles de conduite à adopter quand on compile un texte dans Scrivener ou qu’on veut créer son propre format de compilation.

  1. Il faut savoir quelle structure on choisit, en partant de la plus grande division et en fractionnant jusqu’à la plus petite brique de texte que l’on va utiliser comme scrivening.
  2. Il faut déterminer quels sont les rôles et donc les gabarits de mise en page dont on va avoir besoin (chapitres avec titres ou sans titre, scènes, flashbacks, plans, etc.)
  3. La compilation suit un ordre systématiquement chronologique sans s’encombrer de l’arborescence.
  4. Il vaut mieux toujours prévoir la séparation dans les gabarits de mise en page comme une séparation avant la section actuelle et très rarement forcer une transition après.

Je vous récapitule le processus que nous venons de voir sur un schéma que j’espère clair et concis.

Le bonus : format de compilation à télécharger

Pour que la fête soit plus folle, voici le format de compilation dont je me sers pour mes épreuves de correction. Il est prévu pour le template de roman version 3 que je vous glisse également. Je suis sûr que vous en ferez bon usage.

Conclusion

Même si la compilation ne permettra jamais d’atteindre une mise en page complexe (pour cela, il vous faudra apprendre à vous servir d’un véritable logiciel de mise en page et un peu de temps de pratique avec), elle peut déjà rendre bien des services pour sortir un manuscrit assez rapidement et avec un très bon résultat pour peu qu’on ait compris quelques points de base. Surtout, il est indispensable de démystifier cette étape du logiciel pour en tirer le meilleur.

Et d’ailleurs, si ce type d’article vous intéresse, n’hésitez pas à me le faire savoir, il se pourrait que je vous réserve d’autres astuces pour mieux maîtriser encore le processus et l’utilisation de Scrivener.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique

Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique

Le rituel créatif, ou comment trouver sa Pierre philosophale artistique

Il y a quelques années, un film proclamait fièrement dans son titre : La sociologie est un sport de combat.

Mes amis, mes amies, la création peut en elle-même constituer un combat1.

Un art martial, si l’on peut dire, car je crois que, comme les techniques que l’on regroupe sous ce vocable, la création requiert de s’appliquer à soi-même une discipline stricte. Comme un judoka enchaîne les katas, un musicien doit travailler ses gammes, une peintre peaufiner son coup de pinceau, une dessinatrice son trait, et un écrivain doit… écrire.

L’analogie peut cependant aller plus loin. Comme un art martial, la création ne vise pas forcément à briser un adversaire de chair et d’os, mais bien plutôt à vaincre le seul véritable Ennemi : cette part de nous-mêmes qui se sert de la peur et de toutes les ressources qu’elle peut trouver pour nous limiter.

La création peut donc être vue comme un combat dirigé contre cet Ennemi intérieur, celui que je nomme le Défaiseur2. Je vois cette force primordiale comme la résistance naturelle de l’Univers à organiser sa matière brute, un peu comme une manifestation des lois de la thermodynamique, l’Entropie.

Le Défaiseur est puissant. Il y a une part de lui en chacun de nous, et au creux de notre âme, de notre corps, il étend ses tentacules gluants pour nous forcer à repousser ce moment fatidique, ce moment précis où nous passons à l’acte, où nous dirigeons toute notre énergie, toute notre concentration, toute notre attention vers l’acte de création. Il redoute tant ce moment où nous mettons en forme le chaos originel qu’il tente tout ce qui est possible pour nous en détourner. Il use de tous les stratagèmes, et notamment de la peur. La peur de ne pas réussir, la peur de mal faire (alors à quoi bon commencer puisque ce que je vais créer sera forcément mauvais ?). Au final, la peur de ne pas être aimé.

Deux forces sont donc à l’œuvre en nous, à l’image des deux dragons se combattant sans cesse dans le rêve du légendaire Uther Pendragon. Le dragon blanc et le dragon rouge. Deux forces opposées et d’égales puissances. Le Faiseur et le Défaiseur.

J’ai longtemps cru que le travail de l’artiste était de trouver quel dragon était son Faiseur, et de lui donner la victoire contre le Défaiseur. Je croyais qu’il s’agissait de vaincre les Ténèbres et d’assurer le règne de la Lumière.

C’est en substance ce que l’on nous répète depuis toujours, et qu’on continue de nous répéter, jusqu’à Julia Cameron dans sa méthode de développement personnel3 destiné aux artistes et aux créateurs. La création serait donc une opposition stérile entre le Bien et le Mal. Comme une guerre sans merci. Une ordalie. Qu’il faut remporter.

Et c’est vrai on peut souvent se sentir oppressé par ces deux forces contradictoires à l’œuvre en nous.

Et puis un jour…4

Un de mes amis, lors d’un bon repas, a prononcé une simple phrase. Quelques mots, sans fioritures. Précis.

«Moi, je profite de chaque instant dans ma journée, même de ce que je n’ai pas envie de faire».

Cette phrase a résonné en moi avec la force d’une formule magique pour dessiller mes yeux.

Quelques jours plus tard, j’ai commencé à penser qu’on pouvait voir ce combat autrement.

Je me suis souvenu de ces traités alchimiques du moyen-âge, qui enseignaient que la destruction n’était que la première étape d’un processus qui mènerait l’Adepte vers la réalisation de son Grand Œuvre, l’obtention de la Pierre philosophale.

Il se pourrait bien que l’opposition soit féconde, au contraire. Que l’interaction de l’ombre et de la lumière, du yin et du yang des arts martiaux, du soleil et de la lune, du soufre et du mercure alchimiques, soit justement un moteur.

Et si la création naissait justement du combat lui-même ? Le combat serait alors non seulement impossible à remporter, mais si l’on y parvenait vraiment, ce serait une catastrophe, puisqu’on tuerait du même coup toute possibilité de création. En conséquence de quoi, il serait vital de continuer à entretenir le combat le plus longtemps possible, pour continuer à créer. Comme un cycle de jours et de nuits ininterrompu créant le monde dans lequel nous vivons. Comme une interaction plutôt que comme un combat.

Tout cela m’a fait réfléchir.

J’ai l’impression d’avoir enfin compris quelque chose de fondamental sur ma façon de créer, d’avoir trouvé la clef qui mène à ma Pierre philosophale créative personnelle. Le Faiseur et le Défaiseur ne sont que les deux faces d’une même pièce. La pièce dans sa globalité, c’est moi, tout simplement. Ce n’est sans doute plus un combat, mais un dialogue.

J’ai découvert que dès lors, je pouvais construire un véritable rituel d’écriture pour permettre aux deux faces de se parler réellement, et de faire naître ce que je cherche à créer.

En le ressentant, j’ai eu envie de vous le faire partager.

Un rituel de création est une chose éminemment personnelle, mais qui sait si certaines de mes vérités ne pourraient pas résonner avec votre propre façon d’envisager les choses ?

L’état de flow

Le principe de ce rituel est tout simple : comment trouver à ce que le Faiseur et le Défaiseur puissent dialoguer, se nourrir l’un l’autre, pour accoucher de cet élan, de ce flow que nous recherchons tous dans nos activités créatrices. Il s’agit donc de trouver les forces et les faiblesses de l’un comme de l’autre, et de s’en servir pour trouver le point d’équilibre entre mon désir de Faire et les tentations du Défaiseur.

L’état de flow (que l’on pourrait traduire par écoulement ou flux, en français, mais que je désignerais plus sous le nom de flux & reflux, pour bien montrer sa dualité permanente) est un concept psychologique très populaire chez les sportifs, mais qui peut s’appliquer à toutes les activités humaines nécessitant de la concentration extrême, c’est-à-dire… toutes les activités humaines.

C’est cette constatation universelle, expérimentée au moins une fois dans la vie de chaque être humain sur la planète, qu’il existe un état très étrange de la conscience qui se manifeste par une complète absorption des facultés cognitives et physiques sur une tâche précise, avec une disparition presque totale des autres considérations, notamment les sollicitations extérieures distractrices, ce qui a comme conséquence de mobiliser toutes les ressources d’une personne vers la réalisation de la tâche. Nous entrons ainsi dans une sorte de mouvement en pleine harmonie où chacune de nos réalisations semble couler de source, où tout ce que nous faisons nous paraît non seulement facile, mais naturel, et où aucune difficulté ne parvient à nous freiner.

Cet état est très similaire à celui que l’on peut atteindre quand on maîtrise la méditation de pleine conscience ou dans les phénomènes liés à l’hypnose, la visualisation anticipatoire, les expériences chamaniques. Scientifiquement, il s’explique par l’activation de certains circuits cérébraux impliqués dans l’anticipation ou l’imagination.

Chacune des méthodes que je viens de mentionner (méditation, chamanisme, hypnose) se sert de techniques permettant de déclencher la modification de l’état de conscience. Dans la méditation de pleine conscience, c’est le travail qui ramène l’attention toujours au même endroit lorsqu’elle a tendance à s’évader. Dans le chamanisme, c’est souvent l’utilisation de conditions physiques ou physiologiques : chaleur, sudation, privation de nourriture, musique et son répétitifs, substances hallucinogènes.

Dans l’hypnose, que je connais beaucoup mieux, c’est une succession codifiée d’étapes mentales : la fixation de l’attention, la confusion, et enfin la dissociation. On peut apprendre à les utiliser assez facilement, mais la difficulté réside dans la prolongation de l’état de transe hypnotique, équivalent au flow, qui nécessite un apprentissage et une pratique régulière. Comme toute activité humaine, me direz-vous. Et vous aurez raison. Pour cela, il s’agit de se servir d’un outil que j’ai également emprunté à l’hypnose : l’ancrage, qui consiste à rappeler toute une séquence à l’aide d’un symbole qui peut être un geste, une forme, un parfum, une couleur. Finalement, un rituel.

Nous faisons tous appel plus ou moins consciemment à des rituels de création.

L’astuce ici consiste à construire délibérément ce rituel de manière hypnotique.

Une cascade pour illustrer l'état de flow

Le combat & le dialogue : la discipline

Bien évidemment, comme vous avez sans doute déjà votre propre rituel, vous avez remarqué que son existence n’est pas une condition suffisante à l’éloignement du Défaiseur et de ses manifestations les plus sournoises, comme la procrastination, par exemple.

Car le rituel, l’ancrage, n’est que le deuxième pilier d’une discipline.

Lorsque la création est un véritable désir, nous l’avons vu, elle réclame de la pratique. Un judoka répète ses katas quotidiennement, une peintre joue du pinceau tous les jours, un sculpteur prend ses outils chaque jour, un écrivain tape sur son clavier (ou trace ses lettres à la main) tous les jours.

Les arts martiaux nomment cela une discipline.

Je n’aime pas beaucoup le mot, pourtant il est assez parlant.

Il signifie vraiment que la création doit entrer dans notre vie comme une habitude, une façon de voir les choses, un temps incontournable. Il contient aussi toute cette connotation de progression, d’apprentissage, d’expérience, que l’on acquiert par la pratique renouvelée et l’intégration de techniques dans nos automatismes.

Une discipline implique de changer notre façon d’être pour un nouveau mode de vie.

Pour le dire simplement, créer doit devenir aussi indispensable à notre équilibre que dormir, manger, boire, ou avoir des contacts sociaux.

Pour cela, un rituel est indispensable, mais pas suffisant.

Parce que pour intégrer une nouvelle habitude, pour provoquer un changement significatif dans notre vie, il est nécessaire de trouver le pilier principal : la motivation, ce qui va nous donner l’énergie. Il nous faut un but, un objectif. Et reconnaître cette force qui nous pousse à l’atteindre. J’appelle cela le Désir.

Toute création est désir. Même les plus abstraites ont ce côté charnel, cette pulsion physique qui s’est extraite de l’artiste et incarnée dans l’œuvre. On ne peut pas créer sans ressentir le désir de la création, comme dans toute activité humaine.

Voilà pourquoi la première chose à découvrir, c’est notre motivation.

Tout le secret ensuite réside dans une simple mise à l’épreuve de notre motivation au feu du Défaiseur, et d’accepter que ce que nous prenions pour un ennemi est en fait un allié précieux. Refusez l’existence du Défaiseur et vous le verrez vous attaquer de plus belle. Acceptez son rôle et vous pourrez vous servir de la frustration qu’il fait naître pour alimenter votre désir, des distractions qu’il engendre pour nourrir votre inspiration, du découragement qu’il souffle pour trouver un nouveau défi, de la procrastination qu’il suggère pour comprendre ce qui vous fait peur.

Pour cela, j’ai quelques astuces, que je vous présente plus loin. Elles fonctionnent bien pour moi, mais peut-être devrez-vous les adapter pour vous-même.

La Motivation

Votre premier travail est de trouver votre motivation, c’est-à-dire le résultat de la confrontation entre votre Désir et le Défaiseur.

Le Désir

Quel est votre Désir ? Qu’est-ce qui vous pousse à créer ? Ce sont les deux premières questions auxquelles il faudra répondre. Les réponses seront différentes pour chacun de nous, elles seront intimes, et vous n’aurez pas besoin de les partager avec quiconque, sauf si vous en ressentez l’envie. Chacun et chacune d’entre nous a ses propres raisons, elles sont respectables.

La seule exigence est d’aller au bout de soi-même, et de se défaire des faux-semblants, d’être honnête envers soi-même.

Il ne peut s’agir d’un désir externe. Votre Désir n’est ni un engagement envers quelqu’un d’autre que vous, une promesse faite à un tiers, ni une deadline.

Le véritable Désir est interne, il vient de vous, naît en vous.

Il peut s’agir d’une envie, voire d’un besoin aussi physiologique que la nourriture.

Prenez-en conscience.

Reconnaissez-le.

Ce désir peut changer en fonction de vos projets, mais dans ce cas, il est plus efficace de reconnaître quelle est la racine qui lie tous ces désirs entre eux. Quelle est la cause première de votre engagement ? Pourquoi écrire ? Pourquoi peindre ? Qu’est-ce que ça vous apporte ?

Il est possible que ce Désir ne se laisse pas enfermer dans le cercle des mots, que ce ne soit qu’une impression, un sentiment vague, une émotion sans réelle définition.

L’important est d’en prendre conscience.

Vous voulez créer ? Alors approchez ce Désir de créer au plus près. Car c’est lui qui vous guide à chaque instant, c’est lui qui vous donne l’énergie de continuer. C’est lui qui est la raison profonde de votre engagement. C’est lui qui fait que vous êtes artiste, et pas financier (même si on peut être les deux, pourquoi pas ?).

Une fois que vous avez cerné votre Désir, ne le perdez pas. Ancrez-le.

Moi, j’utilise un ancrage visuel pour me rappeler en permanence mon Désir de créer. Une statuette représentant la déesse-chat égyptienne Bastet, qui trône sur mon bureau. Mais il y a quantité d’autres possibilités (un mantra sur un post-it, par exemple), et chacun doit trouver la sienne.

Le Défaiseur

Une fois en conscience de notre Désir, nous devons faire face au Défaiseur.

Pour moi, c’est la force en nous qui disperse nos tentatives d’organiser le chaos du monde, cette force primordiale qui s’oppose en permanence à nos efforts.

Le Défaiseur emploie essentiellement quatre types d’armes.

Les distractions pour nous détourner de la tâche créative. Vous aurez remarqué que dans ces moments-là, l’activité la plus insignifiante, la plus triviale, même celle que nous n’aimons pas particulièrement, nous paraît plus attractive que ce que nous sommes en train de créer.

Le découragement vient juste après, quand nous regardons ce que nous avons produit et ce qu’il reste à accomplir pour que le résultat nous satisfasse. Nous pensons que nous n’y parviendrons jamais, et même que ce que nous avons fait ne mérite pas même que l’on continue. Cela conduit à la troisième phase.

La frustration place nos désirs de réalisation en face de la réalité de ce que nous avons pu créer et utilise le décalage inévitable pour créer un sentiment désagréable de dévalorisation.

La procrastination, enfin, referme le cercle du Défaiseur en intégrant les trois dimensions précédentes dans une peur de ne pas réussir si forte qu’elle nous éloigne du passage à l’acte créatif. Elle utilise les distractions et notre le découragement, puis engendre de la frustration.

Yin & yang

La motivation peut faire dialoguer les deux dragons. Si l’on parvient à voir le Défaiseur comme un allié, ses armes peuvent être mises au service de notre Désir au lieu de se retourner contre lui.

Ainsi, les distractions peuvent nourrir l’inspiration. Notre cerveau est fait pour emmagasiner en permanence de nouvelles choses et il les malaxe ensuite dans le secret de ses circuits neuronaux. L’un d’entre eux, surtout, appelé le circuit par défaut, est celui qui est activé quand on ne fait rien de précis, ou que l’on ressent de l’ennui, bref, qu’il n’existe aucune sollicitation ni extérieure ni intérieure. Des plages de repos total du cerveau sont donc nécessaires à l’émergence de nouvelles idées. Mais les distractions du Défaiseur le sont tout autant pour alimenter notre stock. Il suffit d’encadrer ces distractions. Nous verrons comment grâce à l’ancrage du rituel.

Le découragement peut faire naître un nouveau défi, et donner un nouvel élan à notre création. L’état de flow est en effet dépendant en partie du niveau de défi qui nous est proposé dans la tâche en cours. Le découragement est juste la croyance que notre capacité à relever ce défi est insuffisante. Ma solution est simple : découper le défi en plusieurs sous-défis plus faciles à atteindre. C’est ce que les psychologues appellent le «minimal change» (en anglais dans le texte). Il est plus facile d’atteindre un objectif minime, et une fois qu’on y est parvenu, il est plus facile de remplir des objectifs plus ambitieux. Et le découragement lui-même peut être un moteur de notre Désir si nous sommes capables d’avoir un sursaut d’orgueil. «Ah il croit que je ne vais pas y arriver ? Je vais lui montrer, moi, à ce sacripant5, de quoi je suis vraiment capable !».

La frustration, elle, est encore plus facile à gérer. Il s’agit d’une impression d’inachevé. Qu’à cela ne tienne, nous remettre au travail va nous mener plus près encore de l’achèvement de notre objectif. La frustration est la clef qui peut nous permettre d’augmenter notre régularité, et la régularité limitera notre frustration à un niveau soutenable. Tout simplement parce que savoir que l’on est capable de travailler chaque jour quoi qu’il arrive est libérateur. Pas besoin de tout terminer aujourd’hui si je sais que demain, et après-demain, et les jours suivants, je saurai m’accorder le temps nécessaire et reprendre ce que j’ai entamé.

Enfin, la procrastination est le signal d’alarme qui me prévient que j’ai peur de quelque chose, que je me laisse entraîner vers les manifestations du syndrome de l’imposteur. Parfois, elle peut m’indiquer qu’une distraction est nécessaire à la «recharge» de mon inspiration, ce qui referme la boucle de façon vertueuse. Je m’accorde un temps de repos, un temps où je ne fais «rien», et cela remet paradoxalement mon esprit en marche vers là où il va naturellement : un foisonnement de liens entre diverses choses et un buissonnement créatif.

Mais comment parvenir à entrer dans ce cercle ?

C’est le rôle de l’Ancrage, le rituel lui-même.

L’Ancrage

Je crois que l’être humain partage avec les chats une affinité particulière pour le concept de ritualisation, d’habitude, de répétition. Nos félins domestiques ont érigé le rituel en style de vie : ils élisent leurs endroits préférés, leurs promenades en circuits bien définis. Ils apprennent vite. Le mien, par exemple, réclame toujours que je remplisse son écuelle d’eau dès que je remplis ma propre bouilloire pour me faire un thé, chaque matin, et ce même si ladite écuelle est déjà pleine. Ce satané animal ne daignera pas en boire tant que je n’aurai pas cédé.

Si tous les êtres humains ne sont pas aussi rigides dans leur ritualisation du quotidien, nous avons tous nos habitudes et nos préférences, nos petites manies et nos rituels. Certains se laveront le matin, et d’autres ne concevront de faire leur toilette que le soir avant de se coucher.

Si l’on se place à un niveau plus global, notre vie est rythmée par des rituels sociétaux comme nos horaires de travail, de repas et de repos, nos vacances. Plus encore, l’existence elle-même est marquée par des rituels fondamentaux (le jour et la nuit, les saisons, les lunaisons, les années, les fameux rythmes). Et chaque moment vraiment important dans notre vie sera ritualisé. Notre naissance ou la naissance de nos enfants (il y aura des faire-part, des cadeaux), nos anniversaires (qui seront prétexte à des célébrations diverses), nos unions (qu’est-ce que le mariage si ce n’est un rituel ?), nos deuils et notre propre mort (les funérailles représentant le rituel ultime, je crois).

C’est que j’ai l’intime conviction que la ritualisation a une fonction primordiale dans notre vie.

D’une part, elle est la pierre angulaire de l’apprentissage. Notre cerveau apprend par la répétition. Il existe même des méthodes d’apprentissages basées sur un système de rappels des informations à des intervalles très précis. Ces méthodes devraient être au moins citées à tous les élèves durant leur apprentissage parmi d’autres astuces permettant de rendre notre fonctionnement cognitif plus performant.

D’autre part, elle est la matière à partir de laquelle se créent les symboles dans notre vie. Elle nous permet de fonder notre existence sur des repères et d’en tirer une stabilité. Elle nous amène à créer du sens à partir des événements de notre vie.

Il me semble donc tout naturel de tirer parti de cette force dans la création.

L’Ancrage répond donc à deux enjeux principaux dans cet objectif.

  • La pérennisation de l’acte de création, afin de le garder vivace sur le long terme, au fil des semaines, des mois, des années de notre existence.
  • La concentration, de manière à ce que le temps de création soit le plus riche et foisonnant possible.

Voici comment je crée mon propre rituel.

Le Moment

Le plus important, car le plus difficile à trouver dans notre vie moderne, c’est bien le Temps. Si vous me suivez depuis quelque temps, justement, vous savez que c’est là ma Quête, et pas seulement la mienne d’ailleurs.

Avoir le temps de faire ce que l’on a envie de faire tout en réalisant ce que nous sommes obligés d’accomplir comme tâches imposées par notre vie, c’est la gageure de tout un chacun dans notre société. Et si la pandémie actuelle fait bien ressortir le luxe qu’est la mise à disposition du temps et la façon dont on l’emploie, ce n’est qu’une mise en exergue d’un fait déjà ancien.

Cette Quête du temps peut se résumer souvent à un dilemme central : à quel moment de la journée pouvons-nous réserver la pratique de notre Art ?

C’est la question. Celle à laquelle nous répondons souvent «je ne sais pas», ou pire «je n’ai pas vraiment le temps». Si vous avez répondu par la deuxième phrase, alors vous avez déjà abandonné la partie, et vous échouerez dans votre Quête, comme je l’ai fait à de nombreuses reprises. Car même le «dès que j’ai un moment» ne fonctionne pas. Je sais, je l’ai essayé.

Parce que la réponse, la seule qui vous ouvrira les portes du château du Graal, tel un Perceval moderne (le vrai, hein, pas celui de Kaamelott), se trouve être celle-ci :

Le temps que vous êtes prêt ou prête à imposer à votre vie. Donc à vous imposer accorder à vous-même.

Car comme nous sommes dans un rituel, ce temps doit si possible toujours être le même, de la même durée, et au même moment de la journée. Mais surtout, il doit être celui que vous choisissez de vous imposer accorder. Chaque personne aura son moment privilégié, qui sera certainement différent des autres. Beaucoup d’artistes disent qu’ils aiment profiter du calme du petit matin ou de celui de la nuit pour créer. Parfois il sera nécessaire de faire des ajustements ou des changements dans le choix de ce moment, pour tenir compte de la réalité des contingences quotidiennes.

Pour tout vous dire, mon moment à moi, actuellement et si j’ai le choix, se situe après 17 heures, dans une fenêtre qui peut durer jusqu’à 21 heures environ. C’est à cette période-là de la journée que je suis le plus efficace dans mon écriture, que tout coule avec une fluidité si grande que j’ai l’impression d’être né pour écrire. Or, il se trouve que dans la semaine, je suis au travail assez tard dans la journée et certainement bien après 17 heures. J’ai donc dû choisir un autre moment dans la journée. Le petit matin et la nuit me sont interdites car mon sommeil est un trésor sacré. J’ai donc jeté mon dévolu sur cette période étrange de la «mi-journée», entre 12 heures 30 et 13 heures 30, qui est mon temps d’écriture. Mon Temps Sacré, pour paraphraser le calendrier Gloranthien.

Ce moment est devenu incontournable, immuable. Non négociable.

Il fait désormais partie de mes besoins, au même titre que le repas. Au passage, je ne fais pas partie et n’ai jamais fait partie des gens qui sacrifient leur repas à leur travail, car je considère qu’il n’existe pas de travail si important qu’il justifie de se maltraiter soi-même, et penser qu’on est un héros parce qu’on n’a pas le temps de manger, ça me fait bien rire. Oui, même quand on est médecin, on peut et on doit prendre le temps de manger. Le monde ne dépend pas de notre anorexie. Je vous renvoie à ma façon de considérer le soin.

Ce moment est celui de la semaine. Le week-end, je suis libre de reprendre mon rythme naturel et d’écrire en fin d’après-midi. Si cela n’est pas possible, je m’arrange toujours pour trouver une heure d’écriture par jour durant ces deux jours.

Au départ, ce fut un véritable effort de ma part. Puis c’est devenu tellement naturel que je me prends à guetter mon heure d’écriture comme si c’était ma récompense. Je vous avoue que certains matins, je me lève avec l’espoir de cette heure-là dans la tête.

Car une fois qu’on a le moment, il faut l’ancrer en nous.

Pour cela, j’ai deux atouts. La répétition est le premier. Le deuxième est le temps lui-même, à travers sa limitation intentionnelle. Une heure c’est peu. C’est justement là l’intérêt. On n’a pas la possibilité de se disperser. Il faut être efficace, concentré, dédié. Au terme de l’heure, même si l’on est au beau milieu d’un passage qui coule de source, s’arrêter est essentiel, quitte à utiliser un réveil ou une alarme.

Cela peut paraître un peu cruel, voire masochiste. On se plaint de ne pas avoir assez de temps pour créer et on se limite volontairement quand l’inspiration est là mais qu’on a dépassé le temps ? Ça ne veut rien dire !

Au contraire.

En faisant cela, j’entretiens une certaine frustration volontaire, qui sera donc contrôlée, maîtrisée, domptée. D’ennemie, elle deviendra mon alliée, pour la simple et bonne raison que le lendemain, le cycle se répétera. Et que ce que je n’aurai pas écrit ce jour-là, je l’écrirai le lendemain. Je serai même impatient de l’écrire. J’aurai peut-être oublié la phrase exacte qui pointait le bout de son nez, mais mon esprit y aura travaillé toute une journée, et aura certainement fait d’autres liens, d’autres créations qui seront profitables. Cette frustration me garantira que je serai ponctuel au rendez-vous, et me permettra d’installer une habitude qui deviendra peu à peu une façon de vivre. Je ne perdrai plus le fil de mon écriture ou de mon intrigue. Je ne perdrai plus mes idées. Elles seront juste remisées dans un coin de ma mémoire pour y mûrir jusqu’au lendemain.

Le Lieu

Une fois que nous avons trouvé notre Moment, la deuxième question importante est de déterminer le Lieu dans lequel accomplir notre rituel de création.

Dans l’absolu, il est vrai que l’on peut créer n’importe où. Cependant, dans l’optique de se créer un rituel, avoir un environnement propice est essentiel. Une habitude se fonde aussi sur des repères sensoriels. De plus, une certaine ambiance peut nous aider à entrer plus vite dans un bon état de concentration.

Je pense donc qu’il est plus efficace de se choisir un lieu qui sera toujours le même.

Et plus encore, de se choisir un lieu agréable. Un lieu où l’on sait qu’on sera confortablement installé. Avec une bonne lumière, notamment. On doit bien sûr tenir compte des contraintes et nous n’avons pas tous accès à un atelier de 300 mètres carrés avec vue sur une forêt ou une chaîne de montagnes. L’essentiel est de s’aménager un endroit où l’on se sent bien, où l’on a envie de rester un peu, où l’on se sent apaisé.

Pour ma part, j’ai la chance d’avoir un bureau très agréable chez moi, mais je n’y suis donc que deux jours par semaine. J’ai donc investi la salle de repos de mon cabinet médical le reste du temps.

La Musique

Il existe deux écoles parmi les artistes : ceux qui aiment créer en musique, et ceux qui préfèrent le silence.

Vous l’aurez compris, je fais partie de la première espèce.

Pourtant, au final, il s’agit bien de la même chose : se confectionner un environnement sonore propice à la concentration. Les sons nous parviennent quoi que nous fassions car, alors que nous pouvons facilement fermer les yeux pour ne plus voir, nous pouvons difficilement fermer les oreilles pour ne plus entendre. Il est donc important de savoir si l’on préfère peupler son environnement de sons choisis (la musique) ou de silence, qui peut aussi être considéré comme une autre forme de musique. Car le silence total n’existe pas, sauf peut-être dans l’espace (où l’on ne vous entendra pas crier… mais c’est une autre histoire).

Les sons forment une sensorialité omniprésente dans notre vie, donc, ce qui explique qu’ils tiennent une si grande place dans mon rituel.

Peu importe si vous aimez le death metal ou la salsa, le funk ou la musique classique, l’essentiel est de choisir la musique qui vous convient. Vous pouvez vous constituer une playlist sur mesure. Ou vous pouvez vous servir de celles que les services de streaming musical vous concoctent régulièrement. C’est mon choix personnel. Chaque semaine, le service me propose une liste de lecture basée sur mes goûts musicaux. J’ai choisi d’utiliser ce mix de mes morceaux préférés comme compagnon d’écriture pour mes séances. Il change toutes les semaines, ce qui m’aide aussi à marquer le passage du temps.

Couper les distractions

Nous l’avons vu, l’état de flow se caractérise, un peu comme les autres états de conscience modifiés, par une oblitération aux stimuli extérieurs, une abstraction des distractions. Si l’on veut favoriser son émergence, il est indispensable de couper toutes les sources potentielles de distraction qui ne pourraient pas nous inspirer dans ce que nous créons.

Sans forcément opter pour le mode «anti-distraction» des applications d’écriture modernes (Ulysses, Scrivener ou autres) que je trouve personnellement trop extrémistes dans leur manière de nous plonger dans un environnement froid (noir ou blanc) et une police de caractère de type machine à écrire qui ne me convient pas, voire qui nous imposent un style de musique censément zen (type new age, un style que je peux aimer mais pas tout le temps) un peu monotone, il me semble nécessaire de poser comme règle d’or dans mes moments d’écriture l’interdiction de tout dérangement.

Donc, lorsque j’écris, je m’assure que toutes les personnes présentes sachent qu’il ne faut me déranger que si la maison brûle (de manière à ce que je puisse sauver le manuscrit et éventuellement ma peau) ou bien entendu de péril imminent.

Je quitte l’application de messagerie électronique, les mails, les messageries instantanées. N’étant plus sur les réseaux sociaux, je n’ai pas à me soucier de les couper le temps de mon rituel d’écriture, mais si vous avez encore un pied dans ces pièges attentionnels, je ne peux que vous encourager fermement à bloquer toutes les communications pendant que vous écrivez ou créez.

Je mets mon téléphone en mode «avion». Ou bien je l’éteins carrément.

L’idée est de considérer que durant cette heure-là, je ne suis pas disponible, donc pas joignable.

Je me retire dans un lieu symbolique de création, donc à la fois hors du monde et dans un monde autre (à défaut de l’Autre Monde celte que j’aimerais pouvoir visiter un jour). Dans ce monde, rien ne peut venir perturber ma concentration.

Par contre, j’ai besoin de laisser mon esprit avoir accès à des sources de documentation externe, donc à un navigateur internet, car parfois j’ai besoin de vérifier une information, un fait, une définition. J’ai aussi besoin de musique, comme on l’a vu plus haut, et parfois certains morceaux vont devoir changer selon mon humeur et la teneur, l’ambiance, de ce que j’écris. Je dois donc avoir accès aux contrôles de l’application de lecture musicale, au choix des morceaux, voire des listes de lecture.

C’est aussi pour cela que disposer d’un lieu bien éclairé et si possible avec une vue sur un paysage naturel m’aide énormément. Car parfois, il est nécessaire de laisser son regard errer plus ou moins vers l’extérieur pour que la concentration se recharge. Par exemple, alors que j’écris ces lignes, je vois le chat des voisins qui parcourt nonchalamment notre jardin, et ça me fait sourire, et étonnamment cela contribue à ma concentration.

Les étapes et la progression : du minimal change à la brique narrative

Fractionner la transe hypnotique est l’un des moyens que l’on utilise pour paradoxalement l’approfondir.

Vous aurez compris que l’édifice de mon rituel se base sur ce principe.

Je fractionne mon écriture dans le temps (une heure chaque jour), pour approfondir mon habitude.

Mais je fractionne aussi physiquement mon texte.

En effet, l’un des moyens les plus efficaces pour entretenir la motivation (et ce dans n’importe quel domaine) est de donner au cerveau la sensation d’un résultat sensible. Plus il verra que les résultats sont substantiels et réguliers, plus il engrangera de la satisfaction, et plus il sera entraîné à continuer.

Cependant, il est fondamental de lui fixer des objectifs qui soient atteignables et mesurables.

Le mieux est même de lui fixer des objectifs facilement atteignables au départ, quitte si l’on en a envie, à les augmenter par la suite, mais ce n’est pas nécessaire. Cela pourra éventuellement se faire plus tard.

L’essentiel est d’appliquer ce que l’on appelle d’un anglicisme facilement traduisible le minimal change. Le plus petit changement possible. Ancrer une habitude qui demande de la discipline peut être difficile à obtenir, car je vous rappelle que toute cette dynamique est sous la menace d’un déséquilibre des forces en présence au profit du Défaiseur et de ses alliés entropiques. Réussir demande donc de montrer à notre cerveau que le changement est possible. Voilà pourquoi le changement doit être visible, mais le plus petit possible pour ne pas demander un trop gros effort qui renforcerait le Défaiseur.

Il est donc nécessaire de trouver à mesurer notre progression.

Non pas pour le chiffre et la performance (vous savez que je déteste ça). Mais bien pour entretenir la motivation et montrer à mon cerveau que oui, je continue à avancer sur le chemin qui me mènera jusqu’à avoir terminé la rédaction de mon bouquin.

On pourrait se donner un objectif purement chiffré en nombre de pages (genre 1 page par jour), ou en nombre de mots (1000 par jour, comme certains auteurs de mes amis).

Personnellement je trouve que ça manque de sens. Le chiffre n’étant pas important en soi pour moi, il ne me satisfait pas. Je ne peux pas m’en contenter. J’ai besoin que la mesure de ma progression ait une signification.

C’est pourquoi je trouve plus intéressant de me servir de mon découpage du texte.

Quand je construis mon intrigue, je le fais en imaginant un cheminement de narration, une sorte de voyage du lecteur dans sa découverte de l’histoire, qui mélange à la fois la progression chronologique de l’histoire, la progression de la narration (ce qui n’est pas toujours la même chose), la progression de l’évolution des personnages, des événements. Je découpe donc mon livre en parties, chaque partie en chapitres, chaque chapitre en scènes. Ça, c’est ce que tous les écrivains font.

Je vais plus loin, en découpant chaque scène en sous-scènes, et parfois chaque sous-scène en actions.

J’ai emprunté ce découpage au cinéma, qui base toute sa grammaire narrative sur l’élément fondamental du plan pour en faire sa brique narrative. Chaque brique permet de savoir ce que l’on va observer sur l’écran. Un gros plan, un plan d’ensemble. Ce qui sera exprimé à l’écran, quel dialogue, quelle lumière. Quel mouvement de caméra. C’est l’unité fondamentale de la construction d’un film.

Je trouve que cela permet une grande liberté et une grande finesse dans l’élaboration d’une intrigue.

Mais pour rester dans notre propos de l’installation d’un rituel d’écriture, cela me donne une base de mesure facile de ma progression, non pas en substitution de la mesure chiffrée, mais en complément, afin de lui donner plus de sens.

De façon pratique, c’est l’une des raisons pour lesquelles j’adore travailler sur Scrivener, et plus sur un traitement de texte classique comme Word ou LibreOffice Writer.

Scrivener permet à la fois de découper et organiser un texte en briques narratives (qu’il appelle scrivenings) qui sont flexibles à l’infini et selon mes besoins, agençables en scènes, puis en chapitres, puis en parties, voire en plusieurs livres se répondant l’un l’autre et donc de construire une œuvre de façon fractale.

À chaque scrivening, j’associe un objectif en nombre de mots, selon l’importance que je veux lui donner en poids dans le récit. Par exemple, une scène très importante sera détaillée et aura un grand nombre de mots dans son objectif. Disons 2000. Une autre scène pourra être très peu importante, et pourra «peser» seulement 500 mots. Bien évidemment, cela peut bouger dans le temps en fonction de l’évolution de mon projet. Mais cela forme une fondation.

Ma progression se mesurera de deux manières à chaque séance d’écriture.

D’abord, je vais choisir quelle brique narrative je vais travailler. Cela me permet de travailler dans l’ordre que je veux, celui que je sens le mieux selon mon humeur. Par contre, lorsque je m’attaque à l’écriture d’un scrivening, donc d’une brique narrative fondamentale, je m’y tiens jusqu’à ce que cette brique soit totalement rédigée, et je ne change jamais en cours de route, jusqu’à ce que son statut change une fois. Quitte à ensuite, lorsqu’elle est posée, m’attaquer à la rédaction d’une brique narrative située bien avant ou bien après dans le récit. Mais lorsque j’ai terminé mon travail de rédaction sur une brique narrative, je passe son statut (chaque scrivening a un statut permettant de savoir où l’on en est de son élaboration) de «À écrire» à «Ébauche» puis «Premier jet», puis «Corrections stylistiques», enfin «Corrections orthographiques». Cela forme un objectif majeur dans mon rituel. Chaque scrivening qui avance ainsi dans son statut me donne une satisfaction me poussant à continuer.

Scrivener m’indiquera ensuite à chaque session combien de mots j’ai réussi à produire, avec deux barres de progression. L’une propre au scrivening en cours, l’autre suivant un objectif total du manuscrit. Chacune m’aide à me situer dans mes efforts. La première est tactique et me guide dans mes séances au jour le jour. La deuxième me montre à quel point le projet dans son ensemble avance vers sa conclusion, pour suivre la stratégie globale d’écriture du livre.

Plus tard, je peux aller voir les statistiques et l’historique de mes séances d’écritures, et rétrospectivement me féliciter d’avoir tenu la distance et d’avoir bien travaillé. Mon cerveau en sera encore plus motivé.

Conclusion

Tout ceci est ma façon de faire. Elle est très personnelle. Cependant, vous pourrez peut-être y trouver quelques principes ou quelques astuces qui serviront à la construction ou à l’amélioration de votre propre rituel.

Pour ma part, cette méthode fonctionne bien, depuis maintenant trois mois, sans discontinuer. Elle m’a permis de me reconnecter durablement au plaisir d’écrire. Le moindre de ses mérites n’a pas été celui de contribuer à me rendre un équilibre de vie satisfaisant malgré ma charge professionnelle. Le plus important a sans doute été qu’elle m’a à la fois donné la preuve que je pouvais reprendre la maîtrise de ma vie et rendu fier d’y parvenir.


  1. Certains même parlent de guerre, comme Steven Pressfield dans son essai The War of Art, un livre que je confesse ne pas avoir lu mais dont le titre a fait écho en moi, en référence au célèbre Art de la Guerre de Sun Tsu.  ↩
  2. D’après l’univers développé par Orson Scott Card dans la saga d’Alvin Maker, Alvin le Faiseur.  ↩
  3. Libérez votre créativité, publié en France chez J’ai Lu  ↩
  4. C’est souvent comme cela que naissent les changements…  ↩
  5. Oui, je suis adepte des mots anciens, et cette «insulte» est pour moi d’un charme fou. J’assume…  ↩

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Prescrire ou non un médicament, le bénéfice et le risque

Prescrire ou non un médicament, le bénéfice et le risque

Prescrire ou non un médicament, le bénéfice et le risque

En pleine pandémie, nous cherchons tous à trouver de nouveaux moyens de protéger, soigner et surtout guérir, chacun à notre niveau, que nous soyons soignants ou pas.

Nous nous tournons vers la recherche de nouveaux moyens immédiats (des médicaments curatifs pour tuer le virus) ou plus lointains (un vaccin pour protéger ceux qui n’ont pas encore contracté la maladie). Mais comme la recherche prend du temps, nous regardons aussi de plus en plus vers les médicaments que nous possédons déjà.

Je ne rentrerai pas dans le débat de savoir si la chloroquine et l’hydroxychloroquine peuvent être utilisées en traitement du Covid-19. Je ne suis pas qualifié pour cela, et très honnêtement, je crois que personne dans le monde ne l’est vraiment actuellement, pas même les promoteurs farouches ou les adversaires irréductibles de cette solution, avant que des études sérieuses, scientifiques, statistiques, nous l’aient montré.

Pourquoi ?

C’est tout l’objet de cet article, qui vise à vous montrer qu’il n’est pas si simple d’utiliser un médicament, même vieux et bien connu, sur une pathologie que l’on ne connaît pas bien.

Le bénéfice

Le but premier d’un traitement, qu’il soit médicamenteux ou non, est bien sûr de soigner, soulager, ou guérir une maladie. On attend donc des bénéfices en le prenant ou en le prescrivant. Mais il n’existe pas de médicament miracle, sauf dans certaines circonstances très particulières dans lesquelles on sait que certaines molécules sont extrêmement efficaces pour traiter une pathologie très ciblée (l’indométacine utilisée par exemple dans les hémicrânies paroxystiques, des céphalées assez rares).

Donc si l’on espère des bénéfices d’un traitement, on ne peut jamais être sûr de ce qu’il va apporter chez une personne en particulier. L’efficacité d’un traitement dépend en effet de nombreux facteurs qui ne sont pas tous maîtrisables et ce qui va marcher chez un patient peut très bien échouer chez une autre patiente et inversement.

Et puis d’ailleurs, quel bénéfice peut-on attendre ?

A-t-on un médicament qui soulage juste certains symptômes de la pathologie, ou alors un qui guérit totalement le patient et le débarrasse de son problème définitivement ? La majorité des traitements ont plutôt une place intermédiaire : ils ne guérissent pas complètement la maladie, mais aident à en soulager de nombreux symptômes, voire à les faire presque disparaître pour un temps long.

Le problème principal est qu’on ne sait jamais avant d’avoir essayé dans quel cas on va se trouver pour un patient donné avec une molécule donnée.

On est donc obligé de faire en quelque sorte un pari thérapeutique sur l’efficacité d’une molécule (ou d’un traitement non médicamenteux) dans une situation donnée.

Mais bien sûr on ne prescrit pas au petit bonheur la chance.

On sait que certains médicaments ont tendance à être plus efficaces que d’autres selon certaines circonstances et dans certaines pathologies.

Mais comment le sait-on ?

La maladie vient-elle nous dire elle-même : «Hey, salut, tu sais, si tu veux guérir ton patient, tu as plutôt intérêt à utiliser cette molécule, elle marche du tonnerre» ? Non, c’est un cas de figure que je n’ai jamais rencontré.

Un médecin génial ou un professeur vient-il nous dire : «Tiens, utilise ça, tu vas voir, ça va marcher» et on le croit sur parole ? On pourrait, et c’est d’ailleurs comme ça qu’on a fait pendant longtemps. Mais même les plus grands savants peuvent se tromper, et ne pas avoir testé le bon médicament, le plus efficace, celui qui aidera vraiment à soigner la maladie.

Alors maintenant, on se base sur une méthode qui a fait ses preuves : on compare l’efficacité des molécules sur différents groupes de patients, les plus nombreux possibles, et on regarde ce qui se passe. On en tire des statistiques qui aident à déterminer quels sont les traitements les plus efficaces sur une pathologie donnée. On peut aussi comparer plusieurs molécules entre elles et plusieurs formes de la maladie entre elles.

Et on regarde les bénéfices.

Mais là encore, il faut faire attention, car les fameuses études dont on parle beaucoup en ce moment, peuvent être interprétées de plusieurs façons différentes en fonction du point de vue depuis le lequel on les regarde.

Un exemple tout simple, avec les médicaments anti-cholestérol appelés statines.

Toutes les études pour les évaluer recherchent un bénéfice en particulier : la baisse du taux de cholestérol dans le sang.

Et de ce point de vue là, toutes les molécules testées sont reçues avec mention. Formidable, non ?

Oui, mais moi, comme médecin, je ne soigne pas un taux de cholestérol, je soigne un patient, et le bénéfice que j’attends pour mon patient s’il prend une statine, c’est non pas que son cholestérol baisse, mais qu’il puisse éviter de faire un infarctus ou un accident vasculaire cérébral, bref : que la molécule lui évite de tomber malade ou de mourir.

Donc, si je regarde les études qui montrent le bénéfice en termes de survie des patients ou d’accidents vasculaires évités… là, je ne vais pas avoir les mêmes résultats… très peu de statines ont montré scientifiquement que si vous les prenez, vous allez avoir statistiquement moins de risques de mourir d’un infarctus.

Étonnant, non ?

La question se pose donc aussi pour les essais sur les traitements du SARS-Cov-2.

Que va-t-on mesurer ?

Une baisse de charge virale chez les patients (comme dans l’essai mis en avant par le Pr Raoult) ?

Honnêtement, je crois que le patient s’en fout. Parce que moi, médecin, je m’en fous complètement de savoir si mon patient a une charge virale en baisse ou pas.

Ce que je veux savoir, c’est si le traitement empêche mon patient de contracter une forme grave, et s’il guérit le Covid-19. Je veux savoir si mon patient guérit plus vite avec le traitement que sans le traitement. Je veux savoir si c’est efficace pour soigner plus vite et guérir mon patient.

Et ça, jusqu’à présent, personne n’en parle…

Encore une fois, ce qui m’intéresse, c’est de guérir mes patients atteints de Covid-19.

Le risque

Mais s’il n’y avait que l’incertitude du bénéfice, ce serait un monde parfait…

Or, nous ne sommes pas dans un monde parfait. Plutôt dans un monde parfaitement imparfait, mais c’est une autre histoire.

Car tout médicament est aussi un poison.

Donc tout médicament risque de provoquer des effets indésirables chez mes patients.

Ces effets dépendent beaucoup de la dose utilisée, mais aussi du terrain du patient, des interactions avec d’autres molécules. Et puis certains effets indésirables sont incompressibles tellement ils sont fréquents, comme l’excitation et l’effet dopant des corticoïdes, ou la diarrhée avec certains antibiotiques. Et enfin, certains autres effets indésirables sont inhérents au mécanisme d’action de la molécule et sont donc obligatoires, comme l’accélération du rythme cardiaque avec le salbutamol, ou les perturbations du fonctionnement du foie avec le paracétamol.

Donc quand je prescris un médicament, je sais qu’il va potentiellement induire des effets secondaires de plus ou moins grande importance chez le patient.

Je tente de les minimiser, bien sûr, en ajustant la dose, en choisissant la molécule qui me semble avoir le profil le plus favorable pour chaque patient (et c’est aussi pour ça qu’une prescription valable chez une personne ne l’est pas forcément chez une autre) en fonction de ses antécédents médicaux.

Mais il y aura toujours un risque.

C’est vrai, certains effets secondaires sont assez peu graves, même s’ils sont gênants : une sensation de bouche sèche, bon, on s’en passerait, mais c’est acceptable. Comme l’insomnie fréquente avec les corticoïdes, encore eux.

Mais d’autres sont plus préoccupants et peuvent avoir des conséquences sur la vie future, comme les risques de fibrose pulmonaire et donc d’insuffisance respiratoire chronique définitive dans certains médicaments qui régulent le rythme cardiaque.

Et enfin, d’autres, plus rares, peuvent entraîner la mort.

Comme pour les bénéfices, les risques d’une molécule sont statistiques et on ne peut pas toujours les prévoir pour un patient en particulier.

On doit donc là aussi faire un pari thérapeutique.

C’est pour cela qu’on fait des études poussées sur la fréquence et la gravité des effets secondaires d’un médicament, et c’est surtout pour cela que tous les médicaments sont ensuite surveillés en permanence par un système qu’on appelle la pharmacovigilance, chargée de répertorier les nouveaux effets secondaires d’une molécule que l’on n’aurait pas remarqués auparavant.

Pour votre information, j’ai sélectionné quelques-uns des effets secondaires connus de la chloroquine/hydroxychloroquine d’après le Vidal. Les mises en exergue sont de moi, pour vous montrer que certains effets peuvent régresser après arrêt du traitement, ce qui veut dire que ce n’est pas systématique et que donc certains patients peuvent garder ces effets secondaires définitivement. J’ai aussi fait des liens vers les pages expliquant certains syndromes qui, pour être rares, sont gravissimes.

Peu fréquent : Des modifications au niveau de la cornée (œdème, dépôts cornéens) ont été rapportées. Soit elles sont asymptomatiques, soit elles provoquent des perturbations telles que des halos ou une photophobie. Elles sont réversibles à l’arrêt du traitement.

[…]

Très fréquent : douleur abdominale, nausées.

Fréquent : diarrhées, vomissements.

Ces symptômes disparaissent généralement dès la réduction de la dose ou à l’arrêt du traitement.

[…]

Fréquence indéterminée : éruptions bulleuses incluant l’érythème polymorphe, le syndrome de Stevens-Johnson, le syndrome de Lyell, et le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS syndrome), la photosensibilité, la dermite exfoliative, la pustulose exanthématique aiguë généralisée [PEAG] (cf. Mises en garde et Précautions d’emploi).

La PEAG est à distinguer du psoriasis, bien que Plaquenil puisse provoquer une aggravation de psoriasis. La PEAG peut être associée à de la fièvre et une hyperleucocytose. L’issue est généralement favorable après arrêt du traitement.

Fréquence indéterminée : cardiomyopathie qui peut mener à une insuffisance cardiaque d’évolution fatale dans certains cas (cf. Mises en garde et Précautions d’emploi, Surdosage). Une toxicité chronique doit être recherchée quand des troubles de la conduction (bloc de branche/bloc auriculoventriculaire) ou une hypertrophie ventriculaire sont diagnostiqués (cf. Mises en garde et Précautions d’emploi). L’arrêt du médicament peut conduire à la guérison.

La balance

Vous pouvez donc voir qu’il faut quand même sacrément réfléchir avant de prescrire un médicament.

Cette réflexion porte un nom dans le jargon médical : la balance bénéfice/risque.

C’est une notion assez simple à comprendre mais délicate à manier, que nous avions déjà effleurée lorsque nous avions parlé des examens médicaux de biologie ou de radiologie.

Elle consiste à peser les bénéfices potentiels attendus pour le patient dans sa situation personnelle actuelle et à les mettre en balance avec les risques que la molécule lui fait courir potentiellement. On essaie donc d’estimer deux statistiques l’une par rapport à l’autre. Et on décide en fonction.

Le bénéfice attendu est très supérieur au risque potentiel ? Alors on est serein : on peut prescrire sans arrière-pensée.

Le risque potentiel est au contraire très supérieur au bénéfice attendu ? Là encore, c’est facile : ce n’est pas une option thérapeutique et il faut en trouver une autre.

Mais le cas le plus fréquent est celui où l’on a des bénéfices réels mais pas fantastiques, contrebalancés par des risques rares mais sérieux. Là, croyez-moi, il faut beaucoup discuter avec le patient pour prendre une décision à deux qui soit acceptée réellement et bien comprise. Et il faut parfois prier pour que les choses se passent au mieux. Car là encore, c’est un pari.

Pour parler de la chloroquine : si la molécule guérissait le Covid-19 à tous les coups et empêchait les formes graves avec pneumopathie et détresse respiratoire aiguë, alors on pourrait être très contents et l’utiliser dans les formes qui commencent à devenir graves (parce que risquer une cardiopathie quand on va peut-être mourir d’une pneumopathie sévère, c’est acceptable).

Mais si la chloroquine n’était pas si efficace que ça, est-ce que vous seriez si sereins de risquer un syndrome de Lyell ou une cardiopathie définitive, voire la mort, pour une forme bénigne de Covid-19 qui aurait guéri seule avec un peu de repos ?

Ces deux options sont simples et votre réponse est évidente. Encore que pas pour tout le monde, si l’on en croit cet article.

Mais si la chloroquine était très efficace, mais pas toujours, et que vous êtes atteints d’une forme modérée de Covid-19 avec une pneumopathie (fièvre, très grandes difficultés à respirer, maux de tête, toux sèche très intense et importante) imposant que vous soyez en hospitalisation mais sans détresse respiratoire, vous essaieriez la chloroquine ? Même avec les risques de cardiopathie mortelle ?

C’est une question plus complexe, bien entendu. Et certains auront répondu oui, quand d’autres auront tout de suite refusé le risque de la molécule. Et bien d’autres encore auront pensé «je ne sais vraiment pas, vous en pensez quoi, docteur ?».

Justement, le docteur n’en pense rien dans ce cas-là.

Parce que le docteur, au moment où il écrit ces lignes, ne sait pas si la chloroquine est si efficace que ça pour guérir le Covid-19 (je vous renvoie deux chapitres au-dessus).

Importance de la science

Alors comment savoir ?

C’est facile : il faut étudier la molécule selon un protocole scientifique.

On essaie la molécule en question en sélectionnant deux groupes de patients comparables (mêmes proportions en âge, sexe, pathologies diverses, etc.) et on l’administre à ceux du premier groupe alors qu’on donne soit un placebo soit un autre traitement à ceux du deuxième groupe.

Et on regarde si statistiquement, la molécule fait mieux que le placebo ou que l’autre traitement et quels sont les pourcentages d’efficacité et d’effets secondaires.

Bien sûr, pour que cela soit acceptable par tous, il faut des garde-fous éthiques (nous y reviendrons) mais il faut aussi un peu de temps pour vérifier que la molécule n’ait pas des effets secondaires non prévus, qu’il n’y ait pas d’effets retardés, pour analyser les données et faire un travail propre qui soit sûr autant qu’on puisse l’être.

Souvent même il faut faire d’autres études pour confirmer ou infirmer la première.

Car tout cela n’est pas aussi simple que je le raconte là, bien entendu.

Il faut donc du temps.

Mais quand on n’en a pas vraiment, comme c’est le cas actuellement, on fait comment ?

Des procédures accélérées existent, en prenant plus de risques.

Et pourtant, si l’on veut avoir une certitude et utiliser convenablement la molécule en question, il faut un minimum de rigueur et de sérieux.

Éthique et études scientifiques des traitements médicamenteux

Alors, quand on n’a pas vraiment le temps mais qu’on doit quand même essayer de sauver des patients, que fait-on ?

On écoute son éthique personnelle mais aussi la déontologie de son métier de soignant.

Dans une tribune adressée au journal Le Monde, mais hélas retranchée derrière un paywall ce qui la rend parfaitement illisible au plus grand monde, le Pr Raoult titre «Le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste».

L’article étant donc payant, je ne l’ai pas lu en entier, et je ne sais pas quel est le propos complet du Pr Raoult.

Je ne vais donc pas le critiquer, je vais simplement donner ma version de la signification de cette phrase qui a servi de titre à sa tribune. Je vais expliciter en quoi pour moi l’éthique, puisqu’il est question de cela, d’un soignant et celle d’un méthodologiste peuvent se rejoindre ou se séparer.

Le début de son propos insiste sur les conflits d’intérêt, ce qui semble être une base à la fois du métier de médecin (l’article 5 du Code de déontologie précise bien que le médecin doit être indépendant pour ne pas être nuisible à son patient) et de celui de méthodologiste (s’approcher de la vérité demande d’être dégagé le plus possible des influences extérieures). Il parle aussi de l’idiotie des essais dits de «non-infériorité» et en cela je le rejoins, mais cela n’a pas vraiment de lien avec ce qui nous intéresse dans le traitement d’une maladie infectieuse émergente.

Prenons la phrase de son titre.

Un médecin est un soignant. Son rôle est de soulager et soigner toujours, guérir s’il le peut.

Un méthodologiste est un scientifique non clinicien, dont le rôle est de construire des expériences pures qui seront inattaquables et donc de démontrer grâce à l’interprétation qu’il fera de ses résultats un fait indiscutable, en l’occurrence l’efficacité ou non d’une molécule, son innocuité ou ses effets secondaires, et donc d’éclairer la balance bénéfice-risque.

Les buts ne sont pas les mêmes.

D’un côté quelqu’un qui doit agir, de l’autre quelqu’un qui doit démontrer, convaincre.

L’éthique du médecin lui enjoint, depuis des millénaires de «primum non nocere», d’abord ne pas nuire (sous-entendu : au patient). Ce qui veut dire que l’on va s’interdire de faire peser un trop gros risque à son patient. On va s’efforcer de trouver le meilleur équilibre dans la balance bénéfice/risque.

L’éthique du méthodologiste est celle de l’approche la plus rigoureuse, donc pas forcément la moins risquée.

Mais comment s’approcher du plus juste bénéfice/risque sans rigueur ?

Comment ne pas se baser sur la méthode pour en tirer des conclusions solides et établir son évaluation du bénéfice et du risque sur une fondation stable ?

Si l’on veut d’abord ne pas nuire, il faut commencer par savoir si l’on a au moins un bénéfice attendu à l’utilisation potentielle de la molécule chez un patient. En fonction de l’importance du bénéfice, on va pouvoir évaluer les risques et leur acceptabilité.

On peut ainsi, et c’est prévu, modifier la méthode ou arrêter une étude en cours si l’on se rend compte qu’une molécule est soit très efficace (et donc les patients qui prenaient le placebo ou un autre médicament auraient une perte de chance, ce qui serait contraire à l’éthique, on leur donne donc les mêmes chances que les autres et on interrompt l’étude) soit très dangereuse.

On peut aussi donner un traitement de manière dite «compassionnelle», c’est-à-dire des traitements dont on sait qu’ils ont une chance infime de marcher ou qu’ils ont de très gros effets secondaires potentiels. Mais cela on ne le fait que dans des cas désespérés, des cas où de toute façon le patient est «perdu» et où le risque, même fatal, peut sembler acceptable pour cela.

Mais à la base, il faut une fondation à notre estimation du bénéfice et donc du risque.

Si nous n’avons pas d’études, nous n’avons pas cette fondation, et notre éthique en est rendue caduque.

À mon sens donc, le méthodologiste et le médecin ne sont pas ennemis, mais bien complémentaires l’un de l’autre.

Un médecin doit réfléchir en méthodologiste et en soignant.

Il ne doit pas oublier la science, mais ensuite, c’est son humanité, sa probité, son éthique de soignant qui doivent le guider. Et parfois, c’est vrai, son intuition, c’est-à-dire l’accumulation des petits signes de son expérience. Son sens clinique, qui lui, ne peut pas être modélisé. En tous les cas pas actuellement.

Mais autant le sens clinique est pertinent dans une situation particulière, pour évaluer un bénéfice et un risque individuellement sur un patient ou une patiente données, autant il ne l’est plus pour dire «cette molécule nous débarrassera à coup sûr du virus». Parce que, quelle que soit la puissance de son intuition, elle sera incapable de prédire comment tous les patients vont réagir à cette molécule et incapable de prédire si l’efficacité sera la même. Cela, c’est le domaine des méthodologistes.

À nous, soignants, d’adapter ensuite les résultats des études statistiques à nos patients de chair et d’os.

Mais vouloir faire l’un sans l’autre est une bêtise.

Conclusion

Il peut être tentant de chercher un sauveur dans une situation de crise. De s’en remettre à quelqu’un qui aura toutes les réponses. Voire à une molécule qui sera vue comme notre planche de salut.

Mais je crois qu’il ne faut pas oublier en chemin d’exercer notre intelligence, notre esprit critique, notre discernement.

Il me semble que nous aurions tout intérêt à garder la tête froide et à ne pas imaginer que nous pourrions trouver un remède miracle pour cette pandémie comme pour les suivantes qui viendront sans doute.

Parce que nous avons déjà vécu cela, et que nous devrions nous en souvenir. Ce n’était pas il y a si longtemps que cela. C’était en 2009, il y a 11 ans, lors de l’épidémie de grippe H1N1.

Souvenez-vous. Nous avions rapidement eu un vaccin car contrairement au SARS-Cov-2, le H1N1 était un virus de grippe, donc un virus familier. Nous rêverions d’avoir un vaccin si tôt pour le SARS-Cov-2 ! Et pourtant, un vaccin, c’est comme un médicament, il y a des bénéfices et des risques. Il y a 11 ans, tout le monde s’est rué sur le vaccin disponible. Mais alors que son bénéfice était assez incertain, car la grippe H1N1 s’est avérée relativement peu sévère, l’évaluation de son risque, elle, nous a montré, hélas après coup, un taux assez important d’effets secondaires.

Gardons-nous d’aller trop vite encore une fois.

Apprenons de nos erreurs passées.

Ne nous jetons pas sur une molécule dont on ne sait pas encore si elle a des bénéfices certains sur l’infection Covid-19 mais dont nous connaissons très bien les potentiels effets secondaires.

Parce que si nous sommes trop hâtifs, nous pourrions le regretter.

Je crois que personne n’a envie que nous nous rendions compte dans un an que la chloroquine a été administrée de façon inconsidérée et que des dizaines, des centaines voire des milliers de patients pourraient se retrouver avec de sérieux problèmes cardiaques à cause de cela. Ce serait un véritable scandale sanitaire.

Donc étudions la chloroquine, mais n’en faisons pas une arme absolue contre SARS-Cov-2, et surtout, évitons de croire que c’est véritablement la «fin de partie1» annoncée un peu vite, il me semble.


  1. En référence au titre un peu putaclic quand même de la vidéo du Pr Raoult sur YouTube, devenue virale depuis sa publication.  ↩

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Deux mains, une évolution

Deux mains, une évolution

Deux mains, une évolution

J’écris cet article lors du sixième jour de confinement décrété en France pour endiguer l’épidémie provoquée par le virus SARS-Cov-2. Une épidémie qui a débuté en décembre 2019 en Chine, dans la ville de Wuhan, province du Hubei, pour devenir une véritable pandémie depuis lors, la première de cette importance depuis très longtemps.

Il n’est pas encore temps de tirer les conclusions de cette crise majeure pour plus d’un milliard de personnes de par le monde. Hormis dans le foyer originel de l’épidémie et en Corée du Sud, le virus est encore très actif et provoque toujours de très nombreux cas de pneumopathies et de syndromes de détresse respiratoire aiguë. Nous sommes en plein milieu du gué, en plein cœur de la tempête. Nous ne pouvons pour l’instant que faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que l’épidémie cause le moins de dégâts humains possible.

Je ne vais pas discuter ici de la pertinence ou de la non-pertinence des choix qui ont été faits et assumés pour endiguer les contaminations. Ce sera l’objet, je crois, de nombreuses discussions une fois que la vague sera derrière nous, et je suis sûr que nous y consacrerons tous du temps et de l’énergie. Je crois que dans une crise, il n’est pas d’autre choix que de se soutenir tous, d’être tous conscients qu’on fait de son mieux avec ce qu’on a. Il sera temps ensuite de porter des jugements sur ce qui a été fait, ce qui aurait pu être évité et ce qui aurait dû être accompli.

D’en tirer des leçons pour l’avenir.

Il sera bien, à ce moment-là, que nous écoutions ceux dont le métier est justement de prévenir et de traiter ce genre de crise majeure. Je ne parle pas des politiques, mais des infectiologues et des épidémiologistes. N’étant ni l’un ni l’autre, je ne m’avancerai pas avant eux.

Cependant, mon métier de soignant, de médecin généraliste plus particulièrement, me met dans une position très singulière dans cette période étrange que l’on croirait tout droit sortie d’un film catastrophe hollywoodien.

J’ai à ce jour certainement été en contact avec le fameux virus. J’ai eu de nombreuses présomptions concernant des patients, qui hélas n’ont pas pu être soumis à un test biologique puisque la conduite actuelle dans notre pays est de ne dépister que les cas graves. Et honnêtement, je suis heureux de n’avoir pour l’instant eu à déplorer aucun cas de pneumopathie virale due au SARS-Cov-2 parmi mes patients.

Mais j’ai été en contact. Avec mon pauvre masque chirurgical et mon savon, du désinfectant pour les objets et quelques règles de conduite. Je fais ce que je peux, avec les moyens qu’on me donne, en essayant de protéger mes patients, mais aussi mes proches, ma famille, et moi-même en premier lieu. Car, rappelez-vous, soigner commence par prendre soin de soi-même.

Ces quelques jours ont été un peu surréalistes pour moi comme pour tout le monde.

Je suis allé travailler dans mon cabinet médical vidé de ses paramédicaux à part les infirmières, en traversant des villages presque déserts, j’ai vu nombre de patients par téléconsultation en mode “dégradé” c’est-à-dire sans pouvoir les examiner, ce qui enlève une bonne partie des informations qui me permettent en général de faire un diagnostic à peu près juste. J’ai aussi constaté que l’épidémie n’empêchait pas les autres pathologies d’apparaître. J’ai compris que le confinement était une épreuve extrêmement violente pour les personnes psychiquement fragiles ou isolées habituellement. J’ai touché du doigt ce que cela peut vouloir dire de “faire de la médecine de brousse” sans plus de radiologue disponible ni de biologie possible. On doit se reposer uniquement sur la présentation clinique des patients, et souvent, comme je l’ai dit plus haut, sans les examiner, ou si peu.

Pourtant, ce n’est pas cela qui me frappe le plus.

Ce que je retire de plus marquant d’ores et déjà de cette pandémie tient à trois réflexions que je voulais partager avec vous, car je suis certain qu’elles devront faire partie de nos changements individuels comme collectifs une fois que nous aurons surmonté l’épreuve.

Je crois que, même au milieu de la tempête, nous avons besoin de mettre un peu de sens à ce que nous vivons. Et j’espère que nous trouverons tous un sens à cela.

Le sens que j’aimerais donner à cette crise, pour me donner espoir, est que ce que nous vivons ici doit nous servir pour l’après. J’aimerais aussi, mais c’est là à mon avis une nécessité si nous voulons apprendre de ce que nous vivons, que ces constats soient partagés par le plus grand nombre.

L’hygiène de base : une redécouverte bienvenue

Cela fait des années que je ne cesse de le marteler : se laver les mains devrait être un réflexe chez tout le monde. Et ce réflexe était en train de se perdre avant que la pandémie n’apparaisse.

Ces dernières années, le nombre de cas de gastro-entérites virales n’a cessé d’augmenter dans mes consultations. Leur prévalence tout au long de l’année a également changé. Lorsque dans les années 2000 nous avions à soigner deux épidémies par an, une en été et une en hiver, nous avions avant la pandémie Covid-19 des cas toute l’année. Je n’ai pas fait d’étude épidémiologique sur cet état de fait, mais il est une chose certaine : les virus de gastro-entérite se transmettent, pour la grande majorité d’entre eux, par contact. C’est-à-dire que si l’on se lave les mains correctement, on ne transmet pas sa gastro-entérite, et on n’en attrape pas.

Le simple lavage des mains pourrait éviter également d’autres maladies infectieuses : les salmonelloses, la typhoïde, la toxoplasmose, les conjonctivites bactériennes et virales, plusieurs parasitoses intestinales, les oxyures qui touchent les enfants mais aussi les adultes. Et j’en passe…

Se moucher ou tousser dans son coude pourrait aussi éviter bien d’autres pathologies, outre les rhumes (et d’autres coronavirus) : la rougeole, des pneumopathies à streptocoque et à germes dits “atypiques”… Prévert aurait pu faire un inventaire assez large.

Alors je fais un rêve, celui que tous nous gardions ces habitudes que le SARS-Cov-2 a remis au goût du jour.

Et j’ose une prédiction si nous y parvenons : étonnamment nous devrions remarquer une baisse des pathologies infectieuses bénignes (et quelques unes moins bénignes car on peut mourir de certaines d’entre elles) dans les années qui suivront, ce qui économisera des soins et permettra de mieux utiliser le temps médical dont nous disposons en période de tension démographique.

Les maladies infectieuses à l’ère moderne

Un autre petit rappel bienvenu que nous envoie cette pandémie : oui, sur notre planète, il existe encore des micro-organismes et il en existera toujours. Ce qui veut dire que nous allons devoir réapprendre à vivre avec cette menace que nous avions crue révolue depuis que la science nous a apporté les antibiotiques puis les antiviraux.

Non, nous n’éradiquerons pas toutes les maladies infectieuses, même si nous sommes beaucoup mieux armés qu’il y a un siècle pour les combattre.

Raison de plus pour nous mettre à enfin utiliser des gestes simples qui permettent d’éviter d’être contaminés et de contaminer les autres, certes.

Mais plus encore, nous devons vraiment revoir notre façon de considérer les molécules antibiotiques et antivirales dont nous avons la chance de disposer. Ce ne sont pas, et nous ne devons plus les voir comme, des choses anodines. Ces molécules sont là pour sauver nos vies lorsque cela est nécessaire. Elles sont rares (trop rares, et je rappellerais que depuis 20 ans, aucune nouvelle famille d’antibiotiques n’a été découverte par la recherche, et ce n’est pas faute de chercher). Elles sont donc des ressources précieuses. Elles doivent faire partie des trésors de l’Humanité et donc considérés comme tels. Elles devraient être partagées et mises à la disposition de tous, mais surtout elles devraient faire l’objet d’une plus grande sagesse dans leur utilisation.

Déjà et depuis de très nombreuses années, l’OMS comme d’autres instances médicales alertent sur le développement des résistances acquises par les bactéries envers les antibiotiques. Le taux de bactéries multirésistantes, voire super-résistantes (échappant à tous les antibiotiques connus), est en explosion à travers le monde.

Ce que nous vivons ici avec un virus (les antiviraux dont nous disposons ne sont pas aussi efficaces ni aussi faciles à manier que les antibiotiques que nous utilisons contre les bactéries), nous pourrions le vivre aussi face à une bactérie super-résistante, avec un taux de mortalité bien supérieur. Et cela pourrait être bien pire que le Covid-19.

Pour éviter cela, mieux vaut économiser nos armes, éviter que les bactéries ne s’habituent à elles et n’y trouvent des parades. Donc, de grâce, continuons à diminuer notre recours aux antibiotiques. De grâce, cessons de réclamer à tout bout de champ à notre médecin qu’il nous en prescrive pour un simple rhume sous prétexte que chez nous “ça se surinfecte toujours”. Car ce n’est pas vrai. Il est rare qu’un rhume se surinfecte vraiment, hormis si vous souffrez d’une baisse immunitaire due à un traitement immunosuppresseur pour une greffe d’organe ou une chimiothérapie.

Si nous économisons nos antibiotiques et nos antiviraux, nous n’aurons pas à retourner à une époque où, il n’y a pas si longtemps, à peine un siècle, un panaris pouvait entraîner la mort par septicémie ou une simple infection urinaire mener à la dialyse (encore qu’il y a un siècle nous n’avions pas accès à la dialyse, c’était donc une insuffisance rénale terminale qui attendait les gens, avec un tableau sympathique de troubles cognitifs et mentaux avant d’entraîner un coma et la mort).

Nous refusons d’être malades, comme si nous étions des dieux, alors nous croyons que nous pouvons tuer même les rhumes. Mais, breaking news, nous sommes mortels, et surtout, nous ne sommes pas des dieux. La maladie est notre lot commun. Nous avons même un moyen naturel de la combattre, qui s’appelle un système immunitaire. Il a justement évolué au cours des millénaires et des siècles pour nous aider à combattre les maladies infectieuses. Certes, de façon imparfaite, mais il nous protège tout de même assez efficacement, et hormis complications, nos rhumes classiques n’entraînent pas la mort. Laissons donc notre système immunitaire faire son travail dans les cas bénins, et réservons les armes antibiotiques et antivirales pour les cas où notre vie est réellement en danger. Laissons le temps faire. Car notre corps peut parfaitement se remettre d’un rhume simple si on lui laisse assez de temps, ce qui veut dire d’accepter de ne pas être à 100 % de nos capacités pendant quelques jours, voire semaines, voire de prendre deux jours de repos complet au lit sans pouvoir rien faire d’autre que nous soigner pour guérir. Cela veut dire accepter de n’être pas parfaits. D’être humains, et pas des machines à produire et à consommer.

Mais ça, je sais que ce sera dur pour nos sociétés consuméristes.

C’est pourtant une vraie chance d’en prendre conscience.

Pour en revenir aux virus, ces animaux parasites dont fait partie SARS-Cov-2, soyons reconnaissants qu’ils nous aient plutôt épargnés cette fois-ci. Aussi dure soit la situation actuelle, pensons à ce que cela a été en 1918 et 1919, lors de la grippe dite “espagnole” qui a décimé 50 millions de personnes à l’époque, soit plus de deux fois plus que la Première Guerre mondiale pourtant appelée Grande Guerre, et presque autant que la Deuxième. Pensons à ce que cela signifie en Afrique de vivre une épidémie causée par le virus Ebola dont le taux de létalité de 80 % fait passer SARS-Cov-2 pour un petit joueur, alors que déjà le Covid-19 nous arrache nos parents et sature les capacités de réanimation de nos systèmes de santé. Imaginons ce que nous aurions pu vivre si SARS-Cov-2 avait un taux de létalité, mettons “seulement” de 30 % : au moment où j’écris ces lignes, nous en serions à 81 409 morts dans le monde dont 4337 rien qu’en France.

Cette pandémie nous prépare.

Elle nous prépare à la véritable pandémie qui pourrait survenir si nous ne prenons pas garde.

Elle nous permet de savoir que nous sommes capables de séquencer un génome viral très rapidement, donc de trouver le moyen de repérer le virus chez des personnes infectées, parfois même avant que les symptômes ne se déclarent. C’est une avancée majeure qui permet de se défendre bien mieux qu’on ne pouvait l’espérer.

Elle nous permet de savoir ce qu’il faudrait faire si un virus plus meurtrier apparaissait. Et je crois qu’on a encore du boulot.

Elle nous permet surtout de prendre conscience du fait que les micro-organismes, bactéries comme virus, font partie de notre écosystème, et que si nous bouleversons par trop cet écosystème, ils pourraient échapper à leur niche actuelle.

D’après ce que l’on sait au moment où j’écris cet article, SARS-Cov-2 serait originellement un virus de chauve-souris ayant muté en franchissant la barrière d’espèce vers le pangolin. Et ce serait parce que des gens ont été braconner des pangolins en Malaisie pour en vendre la viande sur un marché de Wuhan que le virus se serait adapté à notre physiologie, traversant à nouveau la barrière d’espèce pour nous infecter à notre tour.

Donc si ce cheminement a réellement donné naissance au virus contre lequel nous devons lutter, cela veut dire que nous sommes victimes tous, collectivement, de notre propre bêtise. Parce que certains d’entre nous prennent la nature comme un supermarché dont on peut abuser sans vergogne, nous voilà sous la menace d’un virus qui a déjà chamboulé la vie d’un milliard d’êtres humains sur la planète et menace les économies de très nombreux pays…

Ave Gaïa

Ce qui m’amène donc à ma troisième réflexion sur cette pandémie.

Quand l’être humain veut s’affranchir des règles du respect quant à son propre écosystème, sa morgue se retourne contre lui. Contre nous tous.

Avons-nous vraiment besoin de manger du pangolin ?

Avons-nous vraiment besoin d’aller à des milliers de kilomètres (la distance entre Kuala Lumpur et Wuhan est de plus de 3300 kilomètres à vol d’oiseau) pour chasser et tuer un animal d’une espèce (protégée car en voie d’extinction) pour la manger ?

La réponse semble évidente.

Et pourtant, des inconscients l’ont fait.

Ils l’ont fait parce que nous avons pris l’habitude de considérer que les animaux et les plantes étaient notre propriété, et que parce que c’était le cas, nous n’avions aucun compte à rendre. Ils l’ont fait parce que les règles qui régissent nos sociétés ont perdu toute mesure et toute décence. Parce que nous n’avons pas compris que nous étions en train de scier la branche sur laquelle nous étions assis.

Blesse Gaïa, elle se défendra.

Son champion prend la forme d’un être microscopique, mais il est pourtant capable de terrasser nos sociétés si hautaines et sûres d’elles, de briser notre commerce, de couper les contacts physiques qui sont la base de notre vie quotidienne.

Il serait temps que nous comprenions tous une valeur fondamentale : le respect.

Le respect de nous-mêmes en premier lieu, le respect des autres, et tout simplement le respect de cette planète où nous vivons.

Si nous persistons à nous foutre de tout et notamment de notre impact sur la Nature, alors notre vie va devenir plus angoissante et plus difficile encore que pendant ce confinement qui ne durera que quelques semaines. Car si nous abîmons notre maison commune, alors nous serons confinés pour toujours dans un endroit invivable dont nous ne pourrons plus jamais sortir, un endroit qu’auparavant nous appelions la Terre.

Les trois vœux

Pour “après”, donc, je formule trois vœux.

Si un génie bien intentionné, dans une lampe ou ailleurs, veut bien les exaucer, je crois que ce serait pour moi un extraordinaire cadeau.

Mon premier vœu est le plus simple.

Bordel, lavez-vous les mains !

Prenez cette habitude et ancrez-là au plus profond de vos automatismes, comme celle de respirer, de marcher ou de regarder la télévision. Lavez-vous les mains dès que vous entrez ou sortez de chez vous, dès que vous êtes allés aux toilettes, dès que vous allez manger ou toucher de la nourriture, mais également quand vous venez de finir de bricoler ou de jardiner, quand vous avez rangé des objets dans votre garage. Bref, lavez-vous les mains le plus souvent possible. Je ne vous demande pas de le faire comme moi, plus de 60 fois par jour, mais un minimum.

Mon deuxième vœu est déjà plus ambitieux.

Arrêtons de penser que nous sommes tout-puissants et que la technique ou la technologie vont tout régler. Protégeons les trésors que nous avons accumulés grâce aux découvertes des grands savants qui nous ont donné les antibiotiques et les antiviraux. Commençons à réfléchir à ce que nous faisons.

Quant à mon troisième vœu, s’il se réalisait, cette crise n’aurait vraiment pas été vaine.

Revenons à la raison quant à notre place dans l’écosystème terrien. Nous ne sommes pas les maîtres de la Nature, nous en sommes juste un maillon. Si nous voulons rester en vie comme espèce et comme civilisation, changeons de modèle de vie, transformons notre façon de voyager, de nous nourrir, de nous vêtir.

Alors, cette pandémie n’aura pas été seulement une cruelle meurtrière, elle aura aussi été le sursaut qui nous aura évité une plus grande catastrophe.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Outils & astuces pour écrire depuis plusieurs ordinateurs

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Outils & astuces pour écrire depuis plusieurs ordinateurs

Il est en de l’écriture comme de toutes les autres activités humaines : une pratique en constante évolution au fil des siècles et des outils inventés pour la faciliter et l’améliorer. Les tablettes de cire gravées à l’aide d’un stylet, les rouleaux de papyrus (Égypte) ou de bambou (Chine) encrés grâce à des calames, les vélins enluminés, ont cédé la place aux plumes et aux papiers. Puis ce furent les machines à écrire dactylographiques. Puis les ordinateurs et leurs traitements de texte.

Et de nos jours, le texte (mais aussi l’image, parfois) n’est plus cantonné à un support unique. Il est autant virtuel qu’ubiquitaire car les outils actuels s’appuient beaucoup sur le stockage en ligne, dans le fameux (et fumeux) nuage électronique de nos données.

Le processus créatif est imprévisible par nature. Il fait surgir des idées de façon brusque, presque incongrue parfois. Et chaque artiste, depuis toujours, a trouvé ses propres techniques, ses propres astuces, pour apprivoiser ce bouillonnement et capturer chaque idée, puis pour en organiser le chaos, en ordonner le flot, et en faire surgir l’œuvre aboutie.

Beaucoup d’entre nous sont d’ailleurs en quête constante du flux parfait, celui qui nous conviendra encore mieux. C’est, je crois, une quête consubstantielle à la création.

C’est pour cela que je suis avec intérêt autant qu’amusement les essais de mes camarades comme les miens.

Car ma pratique de l’écriture, et peut-être aussi la vôtre, est tributaire du temps que j’ai à lui consacrer. Parfois j’ai du temps quand je suis chez moi, parfois j’ai du temps lorsque je suis ailleurs que chez moi.

Il m’arrive de noter rapidement quelques mots ou quelques phrases sur un bout de papier, mais quand j’ai vraiment du temps pour écrire en dehors de chez moi, il est important que je puisse me référer à ce que j’ai déjà pu rédiger, aux notes que j’ai prises chez moi, à tout un tas de références. Que je n’ai pas dans un carnet car cela prendrait trop de place pour être transporté. J’ai déjà une lourde mallette à emporter presque partout avec moi pour mon métier.

Je dispose par contre de mon ordinateur portable, un MacBook Pro qui rend de fiers services, même s’il n’est pas doté du clavier le plus agréable que j’aie connu.

Donc, comme beaucoup d’entre nous, j’ai choisi de synchroniser mes deux ordinateurs : Tezcatlipoca, le Miroir Fumant de 27 pouces qui me sert de machine principale à la maison, et Paracelse, mon MacBook Pro qui me suis jusqu’au cabinet dans lequel j’exerce.

Oui, je donne des noms à certains de mes objets. Nous pourrons en discuter une autre fois, et je suis sûr qu’en entendant certains de mes arguments vous trouverez cette habitude moins puérile qu’il n’y paraît au premier abord.

Pour le moment, le fait essentiel est que Tezcatlipoca et Paracelse sont synchronisés sur mes travaux d’écriture en cours. Une fois terminés, les fichiers réintègrent la seule mémoire de Tezcatlipoca, tout en étant sauvegardés ailleurs, au cas où.

C’est pour cela que je voudrais ici vous présenter quelques astuces qui me permettent de commencer un texte chez moi, et parfois de le poursuivre quand j’ai du temps entre deux patients, de le reprendre et de le terminer de retour à la maison, le tout dans une fluidité presque parfaite. Presque. Ne rêvons pas, la perfection n’est pas de ce monde.

Mais si vous utilisez les mêmes outils que moi, peut-être que vous pourrez trouver dans les paragraphes qui suivent deux ou trois choses qui vous faciliteront la vie.

Il est possible d’ailleurs que cet article évolue au fur et à mesure que je dénicherai pour vous de nouvelles astuces, ou que j’en trouverai pour de nouveaux outils.

Le nuage et sa pluie de données

Alors bien sûr, vous aurez deviné seuls que tout mon système repose sur le nuage, le cloud, bref, un stockage de données accessible à chaque machine du flux via internet.

Mais pas n’importe lequel.

Un nuage privé.

En clair, un disque dur réseau branché chez moi, qui stocke mes données comme un nuage type Dropbox, Drive, ou iCloud pour les redistribuer à chaque ordinateur branché sur son flux, en permanence.

Pourquoi un nuage privé ?

Pour deux raisons principales.

La première est que je déteste l’idée que des firmes américaines aient des copies de mes fichiers sensibles. Bien évidemment, je ne stocke pas des secrets d’État (à la différence d’Hilary Clinton qui s’était faite épinglée lors de l’élection américaine de 2016 à cause de cela), mais la loi américaine est moins protectrice que les lois européennes et par principe, je pense que ce qui est privé doit rester privé.

La deuxième raison est que les nuages commerciaux sont hébergés dans des centres de données qui consomment énormément d’électricité pour leur fonctionnement mais plus encore pour leur refroidissement. Avoir un petit nuage chez soi consomme assez peu et votre disque dur réseau n’aura besoin que d’un simple ventilateur intégré, pas de centaines avec passages de fluides. La facture énergétique est donc beaucoup plus légère ainsi que la consommation en ressources.

Il existe aussi une troisième raison, mais je n’ai pas vraiment calculé donc elle est simplement intuitive (donc potentiellement erronée), son coût est plus avantageux. Car pour un investissement de départ assez peu important (achat du boîtier réseau et des disques durs à mettre dedans), je dispose d’un espace de stockage plutôt conséquent (dans ma configuration potentiellement 3 To, oui, vous lisez bien, trois téra-octets). Cela coûterait assez cher tous les mois si je décidais de m’offrir le même stockage chez un fournisseur.

Cela dit, les petites astuces que je vais vous livrer plus loin fonctionnent également avec Dropbox, OneDrive, et les autres. Sauf iCloud, qui pour l’instant est un peu plus fermé.

La seule chose à savoir d’important est que ces nuages, privés ou publics, vous allouent une zone où vous pouvez déposer vos fichiers comme vous l’entendez. Vous pouvez même les organiser comme bon vous semble.

Cela permet un principe simple qui est la base de mon flux : les données partagées par mes deux ordinateurs, Tezcatlipoca et Paracelse, sont paramétrées pour être trouvées par chaque application sur le nuage privé. C’est le cas des textes que j’écris, mais aussi et surtout des réglages de chaque application, ce qui m’offre un confort extraordinaire : retrouver un environnement de travail familier complètement paramétré sur les deux machines, comme si elles n’en formaient qu’une seule.

Le principe universel… sur Mac

Je sais, tout le monde ne travaille pas sous Mac.

Mais c’est mon cas, donc ces astuces seront, je le crains, valables seulement sur cette plateforme, sauf si une version Windows existe pour une application en particulier, comme c’est le cas pour Scrivener.

En pratique, je crée un dossier «réglages» dans mon espace synchronisé, où je glisse les fichiers qu’utilise l’application en question pour enregistrer mes préférences. La seule difficulté consiste à trouver ces fichiers et à demander à l’application d’utiliser un emplacement spécial : celui de votre nuage.

Scapple

Il y a quelques années, j’utilisais beaucoup MindNode pour concevoir mes cartes heuristiques (oui, je me sers de cartes heuristiques notamment pour concevoir les intrigues de mes romans, de mes scénarios de jeu de rôle, et beaucoup d’autres choses encore). Puis j’ai découvert Scapple. Sorti de la même forge que Scrivener, il s’y intègre très bien. Mais surtout, il laisse plus de liberté sur la disposition des idées et les liens entre chaque nœud.

Il a cependant un gros défaut : sa façon de gérer les styles des nœuds est archaïque, pour le moins.

Ainsi, il est impossible de créer un fichier de styles qui serait partagé sur vos deux ordinateurs.

L’astuce est que Scapple peut par contre parfaitement importer les styles d’un autre document Scapple.

Il suffit donc de créer un document Scapple qui vous servira de légende pour vos cartes heuristiques, de le placer sur votre nuage. Et de demander ensuite, lorsque vous créerez un nouveau document qui devra respecter les mêmes codes pour identifier des nœuds précis, Format > Note Style > Import Note Styles... en spécifiant le nom de votre document de référence.

Typinator

J’ai longuement hésité avant de choisir un logiciel d’expansion de texte. J’avais bien sûr lu les louanges que Lionel Davoust a déclamées plusieurs fois sur TextExpander. J’ai hésité, puis je me suis décidé à tenter l’expérience, et il est vrai que ce genre de logiciel fait gagner du temps, même si pour moi, c’est plutôt paradoxalement dans mon métier et pas dans l’écriture proprement dite.

Si, je vous assure, c’est plus facile de taper «strptn» que d’écrite à chaque fois «streptotest négatif». Je suis formel, j’ai fait l’essai. Je fais moins d’erreurs, et je vais plus vite.

Car, pour ceux et celles d’entre vous qui ne connaissent pas les expanseurs de texte, le principe est simple. Vous définissez une abréviation qui sera automatiquement développée par le logiciel à chaque fois que vous allez la taper au clavier.

Il faut écrire souvent les mêmes mots ou les mêmes expressions pour que ce soit utile.

Parce qu’on peut donner une abréviation à un mot, une suite de mots, une phrase entière (comme une formule de politesse par exemple) ou même un paragraphe complet, voire un texte stéréotypé.

J’ai personnellement choisi Typinator pour deux raisons : je suis uniquement sous Mac (je n’aime pas vraiment écrire sur mon iPhone ou mon iPad, je n’ai donc pas besoin d’une application présente sur iOS), et je déteste les logiciels qui sont commercialisés via un abonnement (ce que fait hélas TextExpander).

Il faut donc paramétrer vos propres abréviations, les tester, et les modifier si besoin.

Comment faire pour qu’elles soient synchronisées entre Tezcatlipoca et Paracelse ?

Dans la fenêtre de Typinator, il suffit de cliquer sur Préférences. Puis dans l’onglet Expansion, en bas, vous trouverez un chemin d’accès au dossier des jeux d’abréviations. Il vous suffit de cliquer sur Modifier... puis vous choisissez le dossier de votre nuage où vous allez déposer vos réglages. Vous sélectionnez, et voilà le travail !

Il ne vous reste plus qu’à faire de même sur votre deuxième ordinateur.

Dorénavant, dès que j’ajoute, modifie, ou supprime un réglage d’abréviation sur Tezcatlipoca, il est répercuté automatiquement sur Paracelse, et inversement.

Scrivener

Scrivener est un outil d’écriture fantastique.

Mais il a un gros souci sur la synchronisation qu’il est censé permettre. Outre le fait qu’elle n’est prévue pour fonctionner qu’avec Dropbox (ce qui est un peu léger, quand même), il ne s’agit pas d’une véritable synchronisation, mais plutôt d’une sauvegarde déportée. En effet, vous ne pourrez pas vous en servir pour faire du travail collaboratif car le système ne permet pas à deux copies du même document d’être ouvertes en même temps.

Ceci posé, si comme moi vous êtes seul à travailler sur vos textes, et que comme moi vous n’avez pas encore acquis le pouvoir de vous trouver à deux endroits en même temps, cela ne devrait pas vous poser de problème majeur. Car vos besoins seront simplement de pouvoir reprendre sur un ordinateur là où vous vous serez arrêté avec un autre. Une sauvegarde déportée fera très bien l’affaire.

Ceci pour le texte lui-même.

Mais pour les Modèles de Projets ? Pour les formats de Compilation ?

Et pour vos réglages ?

Car Scrivener est un outil d’écriture fantastique.

Mais il regorge de réglages fins et complexes.

Et une fois qu’on a enfin trouvé à les paramétrer, tout recommencer sur une deuxième machine sans rien oublier est… presque impossible. Alors voilà comment je me débrouille.

Le projet lui-même (le texte)

L’astuce est assez simple.

Pour que vous puissiez retrouver votre texte dans l’état où vous l’avez laissé sur votre précédente machine, il suffit de placer le fichier (il a une extension en .scriv) dans un dossier de votre nuage privé. Vous l’ouvrirez toujours depuis cette zone tant que vous n’aurez pas fini de travailler avec.

Il y a une précaution à prendre pour ne pas se retrouver avec un conflit (Scrivener ne saurait pas quelle version de votre texte garder si n’aviez pas laissé votre copie distante se synchroniser correctement, celle sur votre ordinateur, ou celle sur votre nuage privé).

À chaque fois que vous fermez le document en cours, laissez le temps à votre système de nuage de synchroniser le fichier c’est-à-dire de le transférer sur votre Dropbox ou votre disque dur réseau. Cela se voit en général à la petite pastille verte que votre système indique à côté du fichier. Si ce n’est pas le cas, vous devriez voir une pastille rouge ou alors, lorsque la synchronisation est en cours, une pastille bleue avec deux flèches circulaires.

À partir de là, vous pouvez sans inquiétude ouvrir le même fichier depuis votre autre ordinateur. Et retrouver votre texte dans l’état où vous l’aviez laissé.

Je sais que cette façon de faire n’est pas recommandée par les créateurs de Scrivener, encore qu’ils donnent la même astuce que moi ici, mais pour moi, ça marche vraiment parfaitement.

Réglages de l’application : Préférences

Vous les trouverez dans Scrivener > Préférences...

La personnalisation de l’interface peut aller très loin. Je vous laisse l’explorer, au besoin en vous servant du manuel très complet (bien qu’en anglais) accessible à partir de Aide > Manuel de Scrivener. Peut-être qu’un jour je vous donnerai quelques astuces concernant Scrivener lui-même, d’ailleurs. Si vous êtes sages…

Mais pour transférer vos réglages d’un ordinateur vers l’autre, il suffit de cliquer sur le petit menu déroulant Gérer... qui se trouve en bas à gauche de la fenêtre des préférences et de sélectionner Save Preferences to File... (oui, Scrivener n’est jamais totalement traduit en français).

Vous déterminez un endroit sur votre nuage privé pour enregistrer le fichier des réglages.

Puis sur votre deuxième ordinateur, vous cliquez toujours sur le menu déroulant Gérer... dans les préférences et sélectionnez Load Preferences from File...

C’est aussi simple que cela.

Modèles de Projets

Les modèles de projets sont des structures de fichiers Scrivener qui permettent de gagner du temps dans l’organisation de votre texte comme dans quelques réglages qui ont trait à votre document lui-même. Par exemple les statuts que peuvent prendre vos morceaux de texte. Personnellement j’ai défini ces statuts comme étant, dans l’ordre chronologique de progression de mon écriture :

  • À écrire
  • Ébauche
  • Premier jet
  • Révisions
  • Corrections stylistiques
  • Corrections orthographiques
  • Définitif

Mais vous pouvez très bien choisir d’en rajouter ou d’en supprimer, de les renommer.

Vous pouvez aussi modifier la structure de votre plan en fonction du type de texte que vous êtes en train d’écrire.

Tous mes articles de blog (y compris celui-ci) sont structurés sous un dossier portant le titre de l’article, en fichiers portant le titre de la section de l’article, et éventuellement des sous-sections. Mes romans sont structurés avec un dossier par partie, regroupant des dossiers par chapitre, et des fichiers qui correspondent aux unités narratives dans chaque chapitre, voire des sous-unités au-dessous.

Cette structure est intéressante pour l’écriture elle-même, car elle aide à se concentrer sur une partie en particulier et à réorganiser la narration ou la démonstration si besoin, mais elle est surtout fondamentale pour exporter votre texte une fois terminé.

Car, nous en avions parlé lorsque je vous avais présenté Scrivener dans ma série d’articles Making of a book, votre texte terminé sera exporté (on dit compilé) pour être mis en forme de façon différente en fonction de l’usage que vous en ferez. Il peut par exemple être transformé en un texte papier avec une marge importante et des interlignes confortables pour être envoyé à un correcteur, ou transformé en fichiers séparés pour construire un livre électronique au format ePub3 comme nous avons appris à le faire dans cette série d’articles. Le tout, si votre structure a été bien pensée au début et que vos formats de compilation sont corrects (un format pour la copie papier de correction et un format pour la création de l’ePub) en quelques clics.

Pour cela, il faut de nombreux réglages, et tout recommencer à chaque fois est trop long, donc Scrivener permet de créer des modèles de projets. J’écris mes articles avec un modèle de projet spécialement conçu (que vous pouvez télécharger).

Pour partager ces modèles d’un ordinateur à l’autre, il vous suffit d’abord de créer votre modèle (ou template, en anglais). Vous le sauvegardez comme un modèle en sélectionnant Fichier > Enregistrer comme modèle... Puis vous choisissez Fichier > Nouveau projet... et Scrivener vous amène jusqu’à la fenêtre des modèles de projets. Vous sélectionnez le vôtre (vous lui avez préalablement donné un nom, bien sûr, et une icône). Vous cliquez sur le menu déroulant Options, et sélectionnez Exporter le modèle... pour ensuite choisir le dossier sur votre nuage privé où vous allez stocker vos modèles.

Sur votre deuxième ordinateur, en ouvrant Scrivener, vous faites Fichier > Nouveau projet... > Options > Importer des modèles... et vous retrouvez le fichier du modèle sur votre nuage.

Vous pouvez donc commencer un nouveau projet sur ce modèle exactement de la même façon sur vos deux machines.

Formats de Compilation

Les modèles (templates) de projet de Scrivener embarquent en général leurs propres formats de compilation, puisque chaque modèle est conçu avec un flux de travail bien précis. Mais il se peut que vous ayez des formats de compilation «passe-partout» disponibles pour plusieurs modèles.

Pour partager ces formats entre vos deux machines, il faut d’abord se rendre dans la fenêtre de compilation (Fichier > Compiler...). Grâce à la roue dentée en bas à gauche, vous pouvez Exporter le format... à partir de votre première machine, enregistrer le fichier obtenu sur votre nuage privé, puis sur votre deuxième machine Importer des formats... et le tour est joué !

Antidote

Antidote est un correcteur orthographique assez bien fichu (meilleur en tous les cas que ceux de Word ou de LibreOffice), et relativement bon marché. Il est disponible sur Mac et sur Windows.

Comme tous les correcteurs, il peut apprendre au fur et à mesure les nouveaux mots que vous pourrez intégrer dans des dictionnaires personnels.

La synchronisation apportée par l’éditeur, Druide, ne concerne finalement que les favoris que vous aurez déterminés (des mots ou des listes de mots) et ces dictionnaires personnels, mais pas les réglages ni l’apparence, que vous devrez paramétrer sur chaque machine (la licence vous offre le droit d’utiliser Antidote sur 3 machines).

De plus, cette synchronisation est une option… payante bien entendu.

Mais il existe un moyen très simple et gratuit pour partager vos dictionnaires personnels grâce à votre nuage privé. Il suffit de savoir où chercher.

Tout d’abord, il faut afficher vos dictionnaires personnels. Cliquez sur Fenêtre > Dictionnaires personnels ou tapez ⌘U et sur le volet de gauche, cliquez sur la roue dentée. Commencez par Créer un dictionnaire. C’est dans ce dictionnaire personnel que vous pourrez mettre les mots que vous allez apprendre à Antidote. Une fois que cela est fait, sélectionnez ce dictionnaire dans le volet de gauche, puis à nouveau avec la roue dentée, cliquez sur Afficher dans le Finder. Une fenêtre va s’ouvrir pour vous montrer l’emplacement du dictionnaire créé.

Il y a deux fichiers par dictionnaire personnel. L’un a une extension en .atq et le deuxième en .xml. Copiez les deux, et déplacez-les dans le dossier de votre nuage privé que vous avez dédié à Antidote.

Ensuite, en revenant sur Antidote lui-même, supprimez votre dictionnaire personnel (cliquez dessus, et via la roue dentée, cliquez sur Supprimer).

Enfin, à nouveau avec la roue dentée, sélectionnez Ajouter un dictionnaire existant. Une fenêtre du Finder va s’ouvrir pour vous permettre de trouver le dossier réservé à Antidote sur votre nuage privé. Vous n’avez plus qu’à sélectionner le fichier se terminant par .atq que vous y aviez copié. À la question que vous pose le système, vous répondez que vous voulez l’original. Et votre dictionnaire personnel est maintenant localisé sur votre nuage privé.

Il ne vous reste plus qu’à allumer votre deuxime machine, à ouvrir la fenêtre des dictionnaires personnels (Fenêtre > Dictionnaires personnels ou tapez ⌘U), à Ajouter un dictionnaire existant avec la roue dentée, répondre que vous désirez l’original.

Votre dictionnaire personnel est désormais partagé entre vos deux machines.

Dès que vous y ajouterez un mot nouveau, il sera disponible instantanément sur les deux.

LibreOffice

Je ne rédige plus directement avec lui, puisque vous avez compris que j’utilise essentiellement Scrivener pour cela, mais LibreOffice peut dans l’étape suivante rendre service pour la mise en forme de documents simples (lettres, ou compte-rendu de réunions par exemple) sans qu’il soit besoin de faire appel à un logiciel de mise en page comme je le fais avec Affinity Publisher pour des écrits longs comme mes romans.

J’ai donc besoin que ma mise en forme soit codifiée pour chaque type de document.

Il suffit de déterminer des modèles de styles.

Ces modèles sont par défaut localisés sur un ordinateur, mais vous pouvez facilement demander à LibreOffice de déplacer son intérêt sur un dossier situé sur votre nuage.

Pour cela, cliquez sur LibreOffice > Préférences... et dans l’onglet LibreOffice de la fenêtre qui s’ouvre (panneau latéral gauche), cliquez sur Chemins puis sur Modèles, et enfin sur le bouton Éditer...

Vous allez découvrir à quel endroit LibreOffice stocke les modèles sur votre ordinateur.

Cliquez à droite sur Ajouter... trouvez le chemin d’accès au dossier partagé sur votre nuage où vous voulez placer vos modèles de styles. Une fois que cela est fait, cliquez sur le rond de sélection à gauche pour en faire le chemin par défaut puis sur OK et à nouveau sur OK.

Ensuite, redémarrez LibreOffice.

Vous n’aurez plus qu’à faire pointer LibreOffice sur votre deuxième machine exactement au même endroit.

Lorsque vous créerez un modèle de styles, il sera enregistré par défaut sur votre nuage.

Conclusion (provisoire)

Bien évidemment, toutes ces astuces étant basées sur l’utilisation d’un nuage informatique, un accès internet est une nécessité. Même si la synchronisation de vos données peut se faire a posteriori également.

On peut d’ailleurs imaginer utiliser le même système avec une clef USB, ce qui élimine le besoin d’une connexion internet mais oblige à avoir en permanence la clef USB contenant les données branchée à l’ordinateur qui est en cours d’utilisation, et de la déplacer à chaque fois que l’on change.

Si vous utilisez les mêmes logiciels, n’hésitez pas à partager vos propres astuces dans les commentaires.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Être éclectique au XXIe siècle, ou comment prendre à rebrousse-poil tous les conseils marketing sur son blog

Être éclectique au XXIe siècle, ou comment prendre à rebrousse-poil tous les conseils marketing sur son blog

Être éclectique au XXIe siècle, ou comment prendre à rebrousse-poil tous les conseils marketing sur son blog

«Il est chouette, ton blog… je relaierais bien quelques articles. Dommage que des écrits sur le soin côtoient d’autres sur le jeu de rôle et encore d’autres sur la littérature. Ce mélange des genres ne fait pas vraiment sérieux.»

La remarque était bienveillante et, après en avoir discuté avec l’auteur, avait pour but de déplorer le peu de fréquentation de cet espace virtuel au regard de son intérêt, d’y trouver une explication, et de m’aider donc à conquérir un lectorat plus nombreux. Une bonne intention, donc.

Et c’est vrai. Ce blog n’a pas d’autre ligne éditoriale, comme on dit dans le journaliste ou les maisons d’édition, que mon bon plaisir et mon intérêt pour certains sujets, sans se soucier d’instaurer une thématique unique qui permettrait à coup sûr d’identifier à l’avance de quoi va traiter le prochain article. Il n’y a ici d’autre cohérence que cette multiplicité d’intérêts, justement. Cette curiosité pour des sujets variés.

Cela dit, en creusant bien, on pourrait certainement dénicher un fil rouge : cet espace traite la plupart du temps de ma passion pour les histoires, les contes, la fiction. Et parfois s’y invitent cependant des sujets sans aucun rapport. Sur mon métier, qui n’a pas vraiment de lien direct avec la fiction… quoique, comme dirait Raymond Devos… Les histoires des vies qui se succèdent dans mon cabinet médical pourraient parfois nourrir nouvelles, romans et séries… D’autres médecins d’ailleurs, ont entamé leur carrière littéraire par ce biais-là, tel Martin Winckler. Ce ne serait pas déshonorant pour moi. Sauf que je n’ai pas envie d’écrire sur mon métier, d’en faire un objet de fiction. Je peux m’en servir dans l’écriture de mes propres intrigues, pour leur instiller vraisemblance par exemple, ou parce que cela peut servir le récit (j’ai en tête l’une des explications cliniques des symptômes qui accompagnent l’exercice de la magie par l’un des héros de Rocfou, ou bien une scène d’accouchement en Égypte antique du deuxième millénaire avant Jésus-Christ dans Sur les genoux d’Isis, un roman qui verra peut-être le jour dans quelques années). Mais la médecine n’est pas mon sujet en tant que telle.

Et par conséquent, mon blog peut donner l’impression d’un joyeux capharnaüm.

Ce qui peut être l’une des explications, parmi une multitude d’autres, de son audience confidentielle (pour l’année 2019, en moyenne 458 visites mensuelles, soit un peu plus de 15 par jour) si l’on écoute les conseils avisés des gourous du blogging.

Car si vous avez déjà traîné vos guêtres du côté des sites spécialisés dans l’activité qui consiste à expliquer comment écrire des articles pour attirer le plus de lecteurs sur votre blog1, l’un des premiers conseils que vous allez lire sera celui-ci : trouvez votre niche, le sujet que les gens ont envie de lire, et tenez-vous-y, n’y dérogez surtout pas.

En gros, un blog doit aborder un thème et un seul (sous-entendu : pour avoir du succès).

Autant dire qu’en effet d’écaille & de plume dénote…

Sauf que.

Sauf que cette injonction de spécialisation me déplaît fortement. Elle est même aux antipodes de ce que je suis.

Aux antipodes de ce que j’aimerais voir devenir le monde.

Et c’est cette vision du monde et ce regard que j’aimerais partager avec vous dans cet article.

Le monde (du blog, mais pas que) tel qu’il est

Pour comprendre à quel point le modèle que j’ai envie de promouvoir sur ce site est éloigné du modèle dominant sur la Toile, il faut commencer par brosser le portrait de ce qu’est cette norme, justement. Laissez-moi donc vous faire découvrir les travers de la blogosphère, en précisant d’emblée qu’il existe, bien heureusement et bien évidemment, de nombreux blogs qui ne suivent pas cette tendance sur tous les points, même si Google et Google Analytics sont très (trop) largement répandus, hélas.

Il est aussi entendu que je vais parfois un peu pousser le trait, cela seulement pour montrer la logique sous-jacente.

La suprématie du moteur de recherche

Dans les années 2010, et depuis longtemps, trouver un site internet ou un blog pour la première fois passe dans 90 % des cas par une requête sur un moteur de recherche. Au hasard, et même s’il a maintenant des concurrents2 qui commencent à prendre de l’ampleur… Google.

Depuis des années, ce moteur a écrasé les alternatives, qui sont devenues marginales, jusqu’à imposer son propre modèle à l’ensemble du web, et en dicter de nombreuses caractéristiques actuelles. L’histoire des moteurs de recherche internet est déjà riche bien que jeune, et vous pourrez comprendre en lisant cet article ou même celui-ci, comment Google est arrivé là où il en est.

À la fin de l’histoire (du moins la fin jusqu’à maintenant), c’est donc Google qui domine. Les robots et autres crawlers ne sont certes pas son apanage, et le règne des algorithmes n’est pas seulement de son fait, mais c’est son algorithme qui détermine de fait la politique de visibilité de presque tous les sites existants.

Car le problème essentiel des sites internet, c’est la visibilité. Comment, en effet, trouver son public, son lectorat, alors qu’il existe des milliards de sites et de blogs ? Et pour l’internaute perdu dans la vaste étendue des océans numériques, comment trouver la perle rare ?

Nous avons déjà parlé des flux RSS et des webrings dans un précédent article. Il y eut aussi des annuaires web, des portails qui permettaient d’indexer les sites sur une base volontariste.

Mais ce sont bien les moteurs de recherche, avec leurs algorithmes et leurs robots, qui ont permis de faire avancer le recensement du web à une vitesse fulgurante.

Et la recherche a commencé à se faire à l’aide des fameux mots-clefs, ce que l’on appelle les métadonnées, des balises décrivant le sujet du site ou du blog, le sujet de l’article, son titre, son auteur, etc. Autant d’étiquettes qui permettent de détailler réellement le sujet dont il va être question. L’algorithme compare ces métadonnées avec la phrase de requête, et classe les résultats en fonction de la pertinence de chacun par rapport à la demande initiale de l’internaute.

Premier écueil : comment déterminer la pertinence d’un résultat ? Vous avez certainement comme moi été surpris de constater que le langage naturel n’est pas forcément bien compris par les moteurs de recherche, et qu’il fallait parfois chercher longtemps avant de trouver un site qui convienne à votre demande.

La deuxième question qui se posa ensuite fut la présentation des résultats trouvés par ces algorithmes. Sur des requêtes simples, des millions de résultats de pages internet peuvent facilement avoir été considérés comme pertinents par le moteur. Laquelle ou lesquelles de ces pages privilégier ? Celle qui est considérée comme «plus pertinente» ? On a vu que cela pouvait être hasardeux. Celle qui a le plus de popularité ? C’est le principe même de Google.

Et ce sont donc les sites qui sont considérés par les utilisateurs eux-mêmes comme pertinents qui sont mis en avant par Google. Mais comment ? Tout simplement en se basant sur le principe qu’un site aura plus de visites s’il répond à une demande. En somme, les plus gros sites, les plus populaires, remportent la mise et se voient présenter dans les dix premières places du listing des résultats de votre recherche.

Et ça marche. Je veux dire que cette méthode permet en effet dans de très nombreuses situations de trouver l’information que vous recherchez. Mais dans certains cas, cela peut quand même avoir quelques inconvénients, dont le principal est simple : plus vous aurez de visiteurs, plus vous aurez de chances d’en avoir.

La course à l’audience

Que les choses soient claires : écrire un blog et clamer ne pas vouloir être lu par la terre entière n’est pas une position tenable ni même simplement crédible. Nous voulons tous que notre blog affiche des millions de vues par jour. Ce n’est pas du narcissisme. C’est le même principe de partage que celui qui pousse un écrivain à publier ses écrits, un peintre à exposer ses toiles, un cinéaste à chercher à ce que son film soit distribué dans le plus de salles de cinéma possible.

C’est le propre d’un moyen d’expression que d’être destiné à un public. Le plus large possible.

Tendre vers toujours plus de visibilité et toujours plus de public est donc logique.

Le classement des résultats sur une recherche Google est tel que les dix premiers sont souvent les seuls visités réellement par les internautes à la recherche d’une information précise (je n’ai pas les chiffres sous la main). Et comme nous l’avons évoqué plus haut, Google donne une prime à ceux qui ont déjà beaucoup de visites. Cela entraîne mécaniquement une course à l’audience, les sites ayant le plus de fréquentation étant jugés plus pertinents, donc mieux exposés, et donc récoltant plus encore d’audience.

Ce qui semble intéressant si l’on recherche une recette de charlotte aux fraises : on va forcément la trouver. Mais on va trouver la recette la plus populaire. Peut-être celle qui statistiquement aura le plus de chance de plaire à ses convives. Mais peut-être va-t-on passer à côté d’une pure merveille gustative qui sera mal notée par Google…

Si l’on rajoute à cela la course aux likes et aux retweets venue des réseaux commerciaux, on comprendra que la mesure d’une audience d’un site est devenue le Graal, l’alpha et l’oméga, la pierre fondatrice du web des années 2010 (en attendant de voir ce que cela deviendra dans les années 2020 que nous venons d’aborder).

Mais puisque tout le monde va trouver la fameuse recette de charlotte aux fraises mise en avant par Google sur le premier résultat, la deuxième recette, celle qui est perdue dans les tréfonds du classement, n’aura que peu de chance d’être même essayée. Et tout le monde fera la charlotte aux fraises de la même manière, sans chercher à aller plus loin.

Alors pour éviter cela, bien sûr, il existe des moyens d’influencer l’algorithme de Google, de jouer avec lui, de le tromper, parfois. Dans le but de faire plus d’audience. Et de participer à cette course à l’échalote (aux fraises ? Bon d’accord je sors).

La SEO

Oui, je dis bien la SEO et non le SEO, comme tous les gourous le répètent à l’envi.

Car que je sache, dans Search Engine Optimization, ou Optimisation pour les Moteurs de Recherche, le mot optimisation est bien féminin, en français…

Et maintenant que Maître Capello a glissé son grain de sel dans la conversation, mon exposé peut reprendre.

Il existe, disais-je plus haut, des moyens de ruser avec l’algorithme de Google.

Ces moyens sont regroupés dans la discipline marketing de la SEO.

Discipline complexe, elle vise à optimiser le placement du site dans les résultats de Google (puisque c’est le dominant) en jouant sur tous les paramètres connus de l’algorithme du moteur de recherche. Je dis bien connus, car l’algorithme est le secret le mieux gardé de l’entreprise, donc personne n’a de certitude… même si.

Si vous avez parcouru la page mise en lien sur les explications de Google quant au fonctionnement de son moteur, vous avez pu voir que de nombreux paramètres peuvent influencer la façon dont il va présenter votre site. S’il est optimisé pour les appareils mobiles, il aura plus de chances d’être haut dans le classement que s’il ne l’est pas, par exemple.

Il y a donc toute une série de manipulations possibles à effectuer sur un blog ou un site pour «forcer la main» de Google et vous «propulser» plus haut dans la liste des sites recommandés par le moteur de recherche.

Des dizaines, voire des centaines d’articles vont vous expliquer comment optimiser votre site. Certaines de ces optimisations sont bienvenues (vitesse de chargement des pages, accessibilité, sécurité), mais d’autres m’ont toujours fait dresser les cheveux sur la tête (pour ne pas dire l’inverse, qui est carrément inconfortable).

On vous expliquera par exemple, entre autres conneries billevesées comment bien rédiger un titre, avec si possible le fameux «les x façons de savoir comment les articles de SEO vont faire ressembler le vôtre à un inventaire à la Prévert auquel on aurait retiré toute poésie». On vous expliquera aussi comment rédiger votre texte (non, pardon, votre contenu, pour parler comme il faut). Si possible en se contredisant : beaucoup vous diront qu’il faut privilégier les articles courts et écrire moins de 600 mots (autant dire que sur d’écaille & de plume je dois être classé comme bavard, voire verbeux par l’algorithme), mais environ le même nombre vous dira que finalement, plus de 2000 mots c’est mieux. Et qui a raison ? Personne ne le sait.

Et je ne mentionne même pas les conseils sur le vocabulaire à utiliser (pas trop compliqué, surtout)…

Au final, cela revient à changer votre façon d’écrire dans le but d’augmenter votre référencement.

Donc, pour aller au fond des choses : d’écrire dans le but d’avoir plus de visites, donc d’écrire ce que les gens ont envie de lire, et pas ce que vous avez envie d’écrire vous-même. D’écrire de façon standardisée.

Au temps pour la promotion de l’individualité et de l’originalité.

Google Analytics, comment transformer un blogueur en espion numérique

Google a donc créé Analytics, un code (javascript pour les geeks qui sont parmi nous) à insérer dans certaines parties de votre site pour créer des cookies (les fameux cookies) permettant de suivre à la trace le comportement de chacun des visiteurs de votre site. Dans les moindres détails.

Ce code, installé sur presque tous les sites, car fortement conseillé et poussé en avant comme étant un indispensable plus dans la gestion de votre vitrine numérique, espionne en réalité purement et simplement votre audience.

Grâce à lui, vous pouvez savoir (liste non exhaustive) : tout sur l’appareil qu’a utilisé un visiteur en particulier pour surfer sur votre site (marque, taille de l’écran, résolution de l’écran, navigateur internet utilisé), tout sur l’emplacement du visiteur lui-même (continent, pays, région, ville, adresse IP), tout sur le moyen utilisé par le visiteur pour arriver jusqu’à votre site (adresse du site qui l’a redirigé vers vous, requête complète utilisée sur le moteur de recherche, réseau social éventuel), tout sur le comportement qu’il a eu sur votre site (la première page consultée, les pages suivantes éventuelles et dans l’ordre, son temps de lecture de vos articles, le temps pendant lequel il est resté sur votre site, sur quels liens il aura cliqué, les sujets qui l’auront intéressé ou pas).

Il permet aussi de croiser toutes ces données entre elles et avec d’autres encore, pour trouver l’âge ou la tranche d’âge de chaque visiteur, son sexe, ses centres d’intérêt.

Tout cela vous abreuvera ensuite de statistiques sur votre lectorat, ses habitudes, les articles qui chez vous fonctionnent le mieux, etc.

Objectif affiché : vous permettre de mieux connaître vos visiteurs et d’adapter votre contenu à leurs besoins.

Ce qui est étonnant, c’est qu’Analytics ne choque personne. Tout le monde trouve normal de suivre à la trace les gestes de ses visiteurs… Et bien pas (plus, en fait) moi.

La mesure d’audience sert à quoi, au final ?

Dans le cas d’un petit site comme le mien, à me rassurer sur le fait d’être un peu lu. Et cela, une extension simple et non intrusive comme Jetpack de WordPress peut très bien le faire. Grâce à elle je sais à peu près quelle est mon audience, mais je ne la détaille pas comme un statisticien de chez BVA. Parce que ça ne me sert à rien. Je le sais, j’ai traîné sur les statistiques d’Analytics pendant de longues sessions… et je n’ai rien appris de concret sur ce que ça allait apporter à mon site de savoir quelle était la tranche d’âge de mes visiteurs. J’ai donc fermé mon compte Analytics et supprimé le code sur mon blog. Ce qui accessoirement a aussi libéré mon lectorat de cookies intrusifs…

Dans le cas d’un plus gros site, j’ai du mal à voir ce que cela apporte vraiment.

L’omniprésence de la publicité

Cependant, si beaucoup sont obnubilés par leur classement Google et par l’engagement de leurs visiteurs, c’est surtout parce qu’il y a un enjeu financier à la clef.

Le monde fonctionne grâce et malgré l’argent. Internet ne fait pas exception.

Je parle surtout du fait que créer, héberger, maintenir un site ou blog, sont des activités qui ont un coût. Pour rentabiliser ce coût, ou simplement pour l’amortir, on peut être tenté par la publicité, véritable cancer du net.

Plus votre site va être visité, plus la régie publicitaire va engranger de clics, plus vous serez payé. Vous rentabiliserez votre site.

Personnellement, je ne supporte plus la moindre publicité sur un site internet tant j’en ai été abreuvé durant des années, à grands coups de bannières clignotantes flashy, de boutons qui apparaissent sans crier gare, de fenêtres intempestives qui surgissent comme un diable de sa boîte.

Là encore, comme vos cookies publicitaires auront ciblé votre visiteur, on va lui proposer des publicités en rapport avec son historique de visites. Il est donc plus intéressant que vous ayez une niche bien déterminée, afin de pouvoir nouer des partenariats plus intéressants financièrement.

Il me semble plus sain de construire un véritable site vitrine, qui affiche ce que l’on vend, comme celui d’Aemarielle, par exemple, que je vous conseille de visiter.

Là, au moins, les choses sont claires et le visiteur n’est pas trahi.

La fragmentation du monde

L’un des paramètres les plus pervers mesurés par Google et consorts pour déterminer la pertinence d’un site conduit à considérer qu’il ne doit avoir qu’une thématique, ou du moins doit avoir une seule thématique principale. C’est en tous les cas le conseil que vous trouverez dans tous les articles traitant des «x règles à suivre pour faire de votre site un succès».

Comme le moteur de recherche tente de déterminer la pertinence de votre site, il va se fier à des recommandations. Celles des sites déjà reconnus comme spécialisés dans le domaine de la requête de l’internaute seront très fortement mises en valeur, comme vous avez pu le lire dans les liens précédents.

Ce qui est assez vertueux sur le principe d’un groupe de pairs. Les spécialistes du domaine vous recommandent, vous êtes donc utile et votre site pertinent.

Mais là encore c’est le chiffre qui pose problème. Car Google part du principe que plus vous avez de recommandations par des sites plus importants dans le domaine, et plus vous êtes pertinent. Il vous faut donc obtenir un grand nombre de recommandations par vos pairs. Et cela n’est atteignable que si vous publiez beaucoup d’articles dans le domaine en question.

Donc cela encourage de fait des sites monothématiques.

Okay.

C’est efficace, c’est vrai, pour trouver une information en particulier. Il faut reconnaître que ça marche. Sinon, nous n’utiliserions plus de moteurs de recherche.

Mais j’y vois juste un corollaire qui me déplaît.

Le web se transforme en une infinité de sites traitant chacun d’un sujet en particulier, et un seul si possible.

Comme si chaque domaine devait se traiter indépendamment de tout le reste.

En poussant le trait à fond, cela signifie que chaque domaine sur le net va creuser son sillon sans faire de lien avec d’autres sujets. Un comble quand on songe que le principe même du net, c’est le lien hypertexte !

Le système promu par Google nous incite de fait à voir le monde avec des œillères, en prenant chaque activité humaine isolément. Il pousse à se spécialiser de plus en plus.

Mais comment faire pour voir la globalité du monde ? Comment appréhender sa complexité croissante ?

En suivant la logique de cette façon de voir, l’internet, mais en fait et surtout le savoir humain, devient un kaléidoscope si inextricable que plus personne ne pourrait en dégager une vue d’ensemble. Sauf peut-être une machine. C’est peut-être le véritable but poursuivi, d’ailleurs, puisque je rappelle que Google est très impliqué dans les recherches sur l’intelligence artificielle et sur d’autres thématiques orientées vers le transhumanisme.

Une vision bornée de la vie

Au final, l’internet des années 2010 est orienté dans une direction qui promeut les statistiques de visite, la catégorisation des visiteurs, la spécialisation toujours plus grande, et partant de là une vision un peu bornée du monde et de la façon de l’envisager.

Une vision du monde où il n’est pas sérieux de présenter un article sur le jeu de rôle à côté d’un article sur l’évolution du système de santé en France.

Mais pourquoi cela ne serait-il pas sérieux ?

Deux réponses me viennent à l’esprit.

D’une part on peut considérer que le jeu de rôle est une activité qui n’est pas sérieuse. C’est vrai, quoi, ces grands enfants à peine responsables (au passage, les quadras qui jouent avec moi ont tous des métiers à responsabilité) qui jouent aux cow-boys et aux indiens… enfin, à l’Empire et la Rebellion… ou au Gondor et au Mordor… ils ne peuvent pas être sérieux, et on ne mélange pas du jeu à de la réflexion. Et bien j’ai envie de dire : perdu ! Le jeu est une façon de voir les choses sous un autre angle. De découvrir d’autres façons de faire. D’y réfléchir ensuite. Du moins cela peut l’être.

D’autre part ne sont considérées comme sérieuses par notre société que les personnes qui choisissent une voie sans jamais la quitter, et surtout sans jamais voir ailleurs. On prend pour postulat que maîtriser un sujet interdit forcément de s’intéresser en profondeur à d’autres.

Je soutiens le contraire.

Le monde (du blog, mais pas que) tel que je le conçois

L’exposé qui précède a peut-être été un peu long, mais il me semblait nécessaire pour montrer à quel point la spécialisation était non seulement ancrée dans nos représentations mentales, mais aussi encouragée par l’organisation actuelle des moteurs de recherche.

Or, à mon sens, les sites les plus intéressants ne sont pas forcément ceux qui creusent le même sillon depuis leur naissance (il y en a de très bien et très riches, cependant) mais bien ceux qui mettent en lien les divers domaines du savoir et des activités humaines, ou qui tentent de mettre en perspective leur thème de prédilection avec ces autres domaines. Tel Cosmo Orbüs par exemple, qui explore notre société à travers des productions artistiques et culturelles mais aussi une réflexion de fond sur le transhumanisme, nourrie parfois par des moyens surprenants (comme le jeu de rôle, au hasard).

Voilà donc maintenant venu le temps de présenter mon manifeste pour un éclectisme du XXIe siècle.

Une vision « holistique » de la vie

Il me semble évident que chaque être humain est potentiellement impliqué dans de nombreux domaines et de nombreuses activités. Nous avons tous plusieurs facettes. Nous pouvons être enfants de nos parents, parents de nos enfants. Nous pouvons être un conjoint, une amante, mais également une amie, une professionnelle d’un domaine, un passionné d’un autre domaine. Tout cela à la fois et en une seule personne. Nous pouvons être médecins et devoir bricoler une étagère. Nous pouvons être ingénieurs et aimer cuisiner. Nous pouvons être chaudronniers et passionnés de culture manga.

Nous sommes des êtres multiples, chacun et chacune d’entre nous.

Parce que la vie n’est pas une succession de spécialisations. Elle est une mise en lien de multiples sphères d’activité.

Plus encore, chaque sphère peut se nourrir des liens qu’elle fait avec les autres.

L’art de cuisiner peut parfaitement nourrir non seulement au sens propre, mais au sens figuré, les intuitions de l’ingénieur. L’archéologue qui aura quelques connaissances de cuisine pourra peut-être mieux imaginer dans son métier comment des vestiges épars peuvent s’imbriquer pour former les ruines d’un four à bois antique. L’acteur de cinéma qui veut incarner correctement un marin va sans doute s’intéresser à la navigation, à la vie en mer, et va peut-être nourrir son interprétation de ses propres expériences nautiques.

La vie est multiple. L’expérience de la vie est multiple.

Vivre c’est embrasser tout ce qu’il est possible d’apprendre, et le mettre en lien avec tout le reste.

Partant de là, il est naturel pour moi de considérer que le jeu de rôle sera aussi sérieux que la réflexion sur le système de soin en France. Les deux pouvant naturellement se compléter dans une vision de la vie qui sera globale.

L’authenticité

Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans un grand discours au vocabulaire politico-marketing qui vanterait mes «valeurs».

Authenticité, pour moi ce n’est pas seulement un mot, ce sont des actes. Et aussi des écrits, dans le cas présent.

Assumer qui l’on est

Mon discours ici n’est pas calibré. Il n’est pas fabriqué. Il n’est pas feint.

Lorsque j’ai envie d’écrire quelque chose sur cet espace virtuel, comme lorsque j’écris un livre, j’y mets mes tripes.

Je fais bien sûr attention à ce que j’écris, afin de rester en permanence fidèle à ma ligne de conduite générale, à savoir le respect que tout un chacun mérite.

Et pourtant je ne cherche pas à plaire.

J’écris avant tout ce que j’ai envie d’écrire, et sur les sujets qui me touchent ou me font envie. Sur les sujets qui m’intéressent ou qui me passionnent. Sur ceux que je connais. Sur ceux que je découvre. Sur ceux vers lesquels je fais des liens, de véritables liens qui se transforment ici en liens hypertextes.

Ma pensée, comme la vôtre, fonctionne par analogies, par rapprochements d’idées entre elles. Des idées ou des concepts qui parfois n’ont qu’une lointaine parenté l’un avec l’autre, l’une avec l’autre.

Cet espace n’a d’autre dessein que de me ressembler, au moins un peu.

Il n’est pas un reflet exact, mais vise à une certaine fidélité en intention.

Et si ma pensée est éclectique, si elle fait des liens entre divers domaines qui n’ont a priori que peu de points communs, alors cet espace en sera sans doute à un moment l’expression.

Je ne me limite pas à une profession, à une passion, à une case, ou même à un formulaire avec plusieurs centaines de cases.

Je suis un être vivant et conscient, donc je cherche à embrasser toute l’étendue de ce que le monde veut bien m’offrir.

Je cherche à être moi.

Ici aussi.

Ce qui est « sérieux » et ce qui ne l’est pas…

Et donc ce qui est «sérieux», pour moi, c’est l’intention que l’on met dans le geste, autant que le geste lui-même.

L’enfer en est pavé, je le sais.

Mais l’intention c’est aussi ce qui colore le geste que l’on fait, comme le mot que l’on écrit ou prononce.

Dire bonjour et sourire (sourire vraiment, avec cette intention-là), c’est autre chose que dire bonjour et offrir un sourire calibré de vendeur calculant déjà combien on peut tirer du pigeon à qui l’on serre la main.

On peut donc discuter de sujets graves en étant soi-même manipulateur, donc pas sérieux.

On peut aborder des sujets qui paraissent futiles avec une intention réelle d’en faire émerger quelque chose de surprenant.

Toute la démarche artistique est là : faire émerger quelque chose de surprenant, de plus grand.

L’art est un jeu.

Parce que le jeu c’est sérieux.

C’est par le jeu que, nous tous, nous avons abordé le monde quand nous étions enfants.

C’est par le jeu que notre esprit parvient souvent à saisir ces paradoxes qui fondent notre vie.

C’est par le jeu que nous parvenons à bousculer nos certitudes et à comprendre l’autre.

Et si le jeu de rôle, c’était aussi sérieux, dans ce sens-là ?

Sans se prendre au sérieux.

Sans se croire arrivé à une compréhension totale.

Parce que la vie est mouvement perpétuel, et que nous avons tous, tout le temps, à nous adapter à ce mouvement.

Ce que nous avons cru éternel un jour est remis en cause quelque temps après, ce que nous avions cru mouvant peut soudainement se pérenniser.

Donc il n’est pas pour moi question de pontifier, d’édicter, de professer, de sentencer.

Il est question d’être moi.

Avec des contradictions, sans doute, que vous aurez peut-être déjà relevées.

Nous sommes tous contradictoires et paradoxaux. C’est la nature humaine. C’est peut-être même la nature de la vie.

Que ceux qui ne sont pas pétris de contradictions le clament, que je puisse dévoiler leur mensonge.

Et au passage, c’est certainement l’une des raisons qui m’ont fait quitter les réseaux prétendument sociaux. La proportion de gens qui s’y croient cohérents en permanence et s’en gargarisent à l’envi en rabaissant les autres a fini de m’en dégoûter.

Le refus de l’affiliation, du sponsoring, de la publicité

Premier acte de cette authenticité : refuser d’entrer dans le cercle pour moi vicieux de la monétisation de cet espace numérique.

Je maintiens son existence sur mes deniers propres, parce que j’en ai les moyens actuellement, et parce que je considère que c’est un plaisir que je m’offre. C’est aussi, soyons honnêtes jusqu’au bout, une façon pour moi de faire connaître ce que j’écris, ce que je produis, ce à quoi je tiens vraiment. Parfois d’ailleurs je l’utilise pour faire connaître des œuvres que j’écris mais aussi celles des autres. Toujours des œuvres qui m’ont vraiment touché.

Et c’est pourquoi ici il ne sera jamais question d’affiliation.

Si mon métier de médecin m’a appris quelque chose sur l’indépendance, c’est bien le refus des conflits d’intérêts. Il est pour moi évident qu’un tel conflit est inévitable si l’on entre dans le circuit des affiliations, sponsorings et autres partenariats. On est immanquablement confronté à des biais qui emprisonnent l’esprit et empoisonnent les écrits.

De la même façon, ici, il n’y aura jamais de publicité.

Je suis devenu allergique aux publicités, vraiment.

Je fuis les sites qui en affichent. Et ceux que je ne peux pas fuir, je les lis soit grâce au RSS, soit en activant un bloqueur.

Je me suis demandé si le mécénat numérique, type Patreon ou Tipeee, pouvait être une façon de pérenniser l’existence de ce site. Le mécénat me semble parfaitement respectable, car il est une démarche active et volontaire du mécène, pas un matraquage éhonté de publicités de la part de l’auteur du site, ni une activité un peu honteuse de demi-mondain aliénant sa liberté pour un peu d’argent (je suis volontairement caricatural).

Pour le moment je ne me sens pas légitime à proposer un mécénat, mais peut-être que cela changera un jour. Je vous explique plus longuement pourquoi ici, en même temps que je décris comment je désire remplacer le mécénat d’argent par un mécénat d’implication.

Dans l’intervalle, d’écaille & de plume restera financé uniquement par mes propres ressources, ce qui me semble être un gage d’indépendance et par là même d’authenticité.

La disparition des statistiques de comportement des utilisateurs

Deuxième corollaire, ce site n’utilise plus, et ce depuis un bon moment, aucune technologie capable de suivre le comportement de ses visiteurs.

J’ai supprimé mon compte Google Analytics, comme mon compte Google tout court, d’ailleurs, mais c’est une autre histoire.

Je ne dispose plus que de statistiques brutes de visites : nombre de visiteurs, de pages lues, sites référents et liens sur lesquels des visiteurs ont pu cliquer. Mais sans mettre en relation ces données entre elles, je ne sais donc pas qui est venu d’où pour cliquer où.

Je considère que ceux qui me font l’honneur de leur visite ont droit à leur intimité.

Je ne cherche pas à en savoir plus sur eux.

Libre à eux, par contre, d’entrer en contact avec moi s’ils le désirent. Ils ont pour cela la possibilité de me laisser un message via le formulaire de contact du site, ou même ma lettre d’information.

Un carnet de bord

Parce que depuis le début, ce site est conçu, pensé, maintenu, comme si c’était vraiment mon carnet de bord.

Une chose personnelle, laissée à disposition, cependant, de ceux qui le trouveraient par hasard sur la Toile.

Je navigue sur les flots numériques de l’internet, et sur les océans de l’existence en même temps.

Ceci est la transcription de mes voyages.


  1. Au passage, l’acte de coller à des règles de marketing dans l’écriture du texte pour attirer le chaland est pour moi la négation même de l’authenticité.  ↩
  2. Par exemple, Ecosia et Qwant commencent à faire partie des référents réguliers pour d’écaille & de plume.  ↩

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Une Communauté d’écaille & de plume

Une Communauté d’écaille & de plume

Une Communauté d’écaille & de plume

Nous venons de quitter les années numérotées en 10 selon le vingt et unième siècle du calendrier grégorien du monde occidental.

Nous ouvrons une nouvelle période, un nouveau cycle commun.

J’espère qu’à vous tous et toutes, il offrira de vivre en bonne santé, ainsi que de nombreuses découvertes artistiques et d’émerveillements quotidiens.

Comme à chaque ouverture de cycle, nous définissons ou redéfinissons nos buts, nos désirs, nos contraintes.

Cette année, je cherche une nouvelle articulation entre ma vie professionnelle et ma vie artistique.

Une quête, périodique chez moi, qui trouve cette fois un écho dans la réflexion sur ce qui me pousse à écrire et à vouloir être lu, mais aussi sur les moyens d’y parvenir à notre époque, entre offre pléthorique, marketing omniprésent, réseaux dits sociaux surtout commerciaux, financement participatif et micromécénat, œuvres collaboratives, entre-aide et groupes de pairs.

Cela a fait naître deux articles que je vous livre l’un après l’autre.

Deux articles qui tournent autour d’un pivot : la création artistique est pour moi indissociable de l’idée de partage.

L’un parlera de ce que je veux partager sur ce blog et comment je veux le partager.

L’autre, celui que vous êtes en train de lire, traite de ma conception d’un mot que l’on entend très souvent sur le net, la communauté d’un artiste.

The Fellowship of Writing

Un mot pour les trouver, et dans la lumière les lier.

Librement adapté de J.R.R. Tolkien

Tout artiste crée pour exprimer quelque chose. Pour dire quelque chose du monde extérieur ou plus fréquemment de son monde personnel, voire de l’intersection des deux.

Je ne fais pas exception.

J’écris pour être lu, comme j’ai pu interpréter des personnages de théâtre ou réaliser des films pour être vu (au sens que ce terme a pris depuis la belle définition de James Cameron dans Avatar, c’est-à-dire vraiment compris).

J’ai des choses à dire, dont je ne suis pas d’ailleurs forcément toujours conscient avant de les écrire ou de les publier. Une œuvre artistique s’écrit parfois sans se révéler complètement à son auteur, même après quelques années. Mais c’est un autre débat.

Ce qui compte est là : ce que j’ai à dire n’est que chaos stérile s’il n’est pas reçu par quelqu’un, qui entendra, ressentira, comprendra, résonnera, raisonnera à partir de ce message. Comme une pierre jetée dans l’eau provoque des ondes concentriques qui toucheront le rivage au bout du chemin, mes mots sont là pour provoquer une réaction. Il n’est pas même besoin que cette réaction soit dirigée dans le même sens, qu’elle soit en accord complet avec le message. Elle peut parfois être à rebrousse-poil. Peu importe, si le message crée une réaction féconde.

Il s’ensuit naturellement que chaque artiste s’adresse à un public, à une audience.

Si le message qu’il clame parle à quelques personnes, cette audience peut commencer à s’intéresser à son travail, à regarder ses autres productions, à attendre les prochaines, à suivre son parcours, de plus ou moins près.

Peu à peu se constitue une communauté.

Un groupe de personnes qui partagent un intérêt commun, basé sur ce que l’artiste crée, sur ce qu’il ou elle exprime. Suivant la notoriété et la résonnance de l’artiste, la communauté peut être limitée à la contenance d’un local à vélo, ou s’étendre à des millions d’individus.

Pourtant, quel que soit le nombre, chaque membre de cette communauté a une fonction, comme dans la prestigieuse compagnie qui aide un certain Hobbit à porter un anneau maléfique jusque dans la fournaise où il fut jadis forgé. Le but est radicalement différent, mais à l’instar des Sam, Aragorn, Meriadoc ou Boromir, j’aime à croire que chacun et chacune d’entre nous peut jouer un rôle.

J’en vois quelques grandes catégories.

Les plus nombreux sont ceux qui sont touchés par l’œuvre, et qui continuent à suivre le travail de l’artiste. Ils forment la base de la communauté. Leur soutien est essentiel, car ils sont l’audience. Ils reçoivent l’œuvre, voire l’achètent.

Ensuite il y a les évangélistes, ceux qui font la promotion des œuvres de l’artiste qu’ils ont appréciées et contribuent à diffuser plus encore ses œuvres, à élargir le diamètre des ondes concentriques vers d’autres publics. On peut ranger les booktubeuses, les journalistes, les fans inconditionnels, dans cette catégorie. D’ailleurs, leur fonction est également de critiquer l’œuvre, de montrer ses forces et ses faiblesses.

Il y a les mécènes, qui sont prêts à soutenir l’artiste financièrement pour lui permettre d’aller au bout de ses réalisations en supportant les coûts de production en totalité ou en partie, voire en le dégageant de certaines contraintes matérielles pour lui offrir plus de temps à consacrer à son art. C’est le travail principal des producteurs de cinéma, des grandes institutions qui prennent des artistes “en résidence”. C’est une fonction qui se développe, nous le verrons plus loin, dans ce que l’on appelle le micromécénat, accessible à tout un chacun.

D’autres peuvent s’impliquer dans la correction des manuscrits, sur le versant orthographique ou plus profondément, sur le versant de ce que l’on nomme la “bêta-lecture” ou le travail éditorial, une critique en profondeur de la structure d’un récit, des personnages, de leur épaisseur psychologique, de ce qui fonctionne bien ou moins bien dans la narration, avant que l’œuvre ne soit terminée. C’est le travail également des éditeurs dans le monde littéraire.

Enfin, les plus impliqués peuvent co-créer. Il peut s’agir d’autres artistes qui partagent un même univers, ou qui nourrissent leurs créations d’une réflexion en commun. J’y range les illustrateurs qui font émerger les couvertures des livres, les compositeurs de bande originale, les cinéastes qui adaptent certaines œuvres, ceux qui s’inspirent d’une œuvre pour faire naître la leur, les auteurs de fan-fictions.

Je vous accorde que ces catégories sont un peu artificielles, mais elles m’ont servi dans ma réflexion.

Car tout cela a tout de même pour moi une application pratique.

Notre époque a ceci de fantastique qu’elle met à disposition de tous les moyens de créer. Que ce soit d’écrire, de peindre, de dessiner, de composer, de sculpter, il est plus facile de nos jours de se lancer dans une aventure artistique que lors des siècles qui ont précédé. Mais la médaille possède toujours un revers, et en l’occurrence, plus d’accessibilité signifie beaucoup plus d’offre. Et donc moins de visibilité. Tous les écrivains débutants sont noyés dans la masse des milliers, si ce n’est des dizaines de milliers, d’autres. Il est donc beaucoup plus facile d’avoir accès aux moyens de s’exprimer, mais beaucoup plus difficile de trouver un public, d’atteindre une audience.

Il est donc plus difficile encore de vivre de son art, c’est-à-dire de parvenir à ce que la société reconnaisse la valeur d’un artiste au point de lui offrir les moyens de mener une vie matérielle correcte. À côté des rares succès fulgurants, l’écrasante majorité des artistes doit composer soit avec des revenus très faibles (pour ne pas dire indigents) soit avec une autre activité professionnelle offrant une stabilité financière suffisante.

Il est de ce fait devenu impossible pour quelqu’un qui cherche à s’exprimer à travers une activité artistique de le faire sans penser un minimum à la façon dont il va atteindre son public.

J’ai essayé. J’ai bien vu que cela ne menait pas très loin.

Il est donc nécessaire de trouver une stratégie qui permette de trouver une audience, une communauté.

Vous trouverez sur la Toile de nombreux conseils sur ce qu’il est devenu classique d’appeler du marketing (même si ce terme me révulse). Parce que d’autres y ont pensé avant moi, bien entendu. Pourtant, je crois vraiment que, plus que tous les conseils du monde, le plus important est de trouver la façon de faire qui soit la plus en phase avec l’artiste que vous êtes. Cela veut dire trouver votre propre stratégie, à partir de vos forces et de vos faiblesses (nous en avons tous).

En guise d’illustration, et tout autant afin de la servir, car le partage en fait intimement partie, je vais exposer ici celle que j’ai choisi de suivre en ce début d’année 2020 après y avoir longuement réfléchi. Pour ce faire, je vous propose de passer en revue tous les moyens communément utilisés à notre époque et de voir ceux que je vais utiliser en les structurant sur le modèle précédent des rôles.

Vous pourrez trouver aussi un article très intéressant de Lizzie Crowdagger sur son blog (ça date de 2017 mais je trouve la réflexion globale encore valable début 2020) à propos de ce modèle de communauté et de ce qu’il implique dans la création artistique.

Les données initiales du problème

Pour que la stratégie de la communauté ait une cohérence, le plus efficace reste de la tailler sur mesure pour nous-mêmes, ce qui implique bien entendu de déterminer précisément ce que l’on veut mais aussi ce que l’on ne veut pas, ce que l’on peut investir et ce que l’on ne peut pas.

Cela équivaut à se regarder dans un miroir, et à discuter sérieusement avec son reflet dans la glace.

Dans mon cas, la donnée fondamentale est ma dualité de Serpent à Plume.

La plume est mon côté artistique, celui que j’aimerais développer un peu plus avec cette stratégie.

Le serpent, tout aussi important pour moi, reste mon métier de médecin, puisque je désire le conserver, tout au moins dans les années qui viennent, même si cela sera avec des changements.

D’abord, et ce n’est pas le moindre des points à prendre en considération, mon métier m’offre une relative aisance financière (j’ai dit relative, hein, je ne suis pas héritier d’une grande fortune) qu’il serait difficile d’égaler avec le revenu d’une activité artistique littéraire balbutiante. Sans être matérialiste, la vie n’est pas seulement faite d’art, d’amour et d’eau fraîche, mais également de quelques contingences matérielles et de menus plaisirs. Étant lucide sur le succès que mes œuvres peuvent potentiellement remporter, je ne pense pas que mon activité artistique pourra un jour suffire à assurer ma subsistance et celle de ma famille. Je pense au contraire que mon métier me donne la chance rare de ne pas dépendre des ventes de mes livres pour vivre. Il me dégage donc de la pression matérielle, et me laisse la capacité de prendre le temps de mûrir mes projets. Don à double tranchant puisqu’en contrepartie il me prend beaucoup de temps, ce qui bloque parfois vraiment mes envies et mes capacités à écrire comme je le souhaiterais.

C’est donc plus de temps que je manque, comme nous en avons déjà discuté à d’autres reprises. Et toutes les solutions pour développer ma communauté qui empiéteront sur mon temps de création de façon disproportionnée seront à écarter.

De plus, les règles de la déontologie médicale m’imposent de séparer nettement les deux facettes. Il n’est donc en aucune manière question de promouvoir l’une en me servant de l’autre, que ce soit mon exercice de médecin par ma qualité d’écrivain ou mes livres par ma fonction de médecin.

La contrainte fondamentale de tout cela est donc le temps. Il me sera donc primordial de réserver ce temps à ce qui sera pour moi source de plaisir, de création, d’échanges féconds. Et de refuser de perdre ce temps à faire ce que je ne sais et ne saurai jamais faire, sous prétexte de promouvoir ce que j’écris.

Communautés communément rencontrées chez les créatures autoéditées

Vous savez cependant que je préfère le néologisme maison réalisauteur (réalisautrice au féminin, je fais ce que je veux, c’est moi qui ai inventé le mot), mais passons sur cette entorse à ma propre règle.

Pour qui ose tenter l’aventure de se passer d’un éditeur pour produire ses livres, il existe plusieurs moyens pour se faire connaître et développer une communauté.

Un blog

D’abord, les auteurs ouvrent un blog. Ça tombe bien, d’écaille & de plume existe déjà et commence à avoir une petite histoire depuis 2014. C’est certain, il n’attire pas les foules, et vous comprendrez sans doute mieux pourquoi dans le prochain article où je détaille tout ce que j’ai décidé de faire ici et qui ne se fait soi-disant pas quand on veut développer son blog.

Les réseaux dits sociaux

Ensuite, ils sont presque tous sur les réseaux dits sociaux, dans une stratégie que la langue de Justin Bieber nomme le social marketing. Ils y communiquent en se créant une toile de followers qui parfois répercutent leurs paroles, ou interagissent avec eux directement. Ils peuvent y annoncer la sortie de leur prochain livre ou de leur dernier article de blog, y faire des concours pour faire gagner un exemplaire dédicacé, y discuter habitudes d’écritures, techniques avancées, ou parfois de la pluie et du beau temps, voire de leur vie en général. Il y a tout un monde de stratèges qui vous expliqueront comment vous servir des réseaux numériques pour parvenir à promouvoir votre activité et vous promouvoir vous. Nombre de publications concernant votre promotion par rapport au nombre total de vos publications (ratio de 1/6 si je me rappelle bien), comment tweeter, comment retweeter, comment suivre, comment liker, comment écrire…

Certains paient même des annonces publicitaires sur ces réseaux.

Ceci n’est pas pour moi. J’ai essayé. Longtemps.

Mais décidément, soit je suis un asocial, soit les réseaux portent mal leur nom.

Facebook assume presque désormais son vrai visage (jeu de mots ?), celui d’une entreprise dédiée à la collecte et la revente des données de ses clients, sans aucune éthique et sans aucune vergogne, à d’autres entreprises dont le but est la manipulation (hello Cambridge Analytica). On ne m’y a jamais vu. On ne m’y verra jamais.

Instagram, racheté par Facebook, suit presque la même trajectoire, avec une variante, tout de même. Le poids de la publicité y est proche du ratio terrifiant : un espace de réclame pour un post des gens que vous suivez. Et en prime, vos données sont désormais versées dans le grand entonnoir de Facebook. J’ai tenté l’expérience sur les insistances de ma sœur. J’ai bien aimé au début. J’avais même commencé à raconter une histoire en m’astreignant à illustrer avec des photographies, ce que j’appelais mon projet #storygram. Mais l’omniprésence de la publicité m’a dégoûté. Et je suis parti. On ne m’y verra plus.

Twitter. Il me faut reconnaître qu’il y a quelques années, j’adorais Twitter. Un espace où j’ai rencontré plusieurs personnes, des vraies. Mais depuis pratiquement deux ans, Twitter est devenu un lieu étrange. Car maintenant, sur Twitter, tout le monde pense que tout le monde l’insulte ou l’attaque, que tout le monde lui en veut. Un tweet banal et informatif vaut souvent à son auteur une volée de bois vert de gens qui s’arrogent le droit de s’élever en redresseurs de torts et qui sont en constante recherche de combats à mener, quitte à en dénicher là où il n’y en a pas. Twitter est devenu le règne de la colère et de l’instinct de défense, de l’agressivité, de la malveillance. De la paranoïa. Un terrain où des luttes réelles et légitimes (#meetoo) côtoient les pires trolls et les donneurs de leçon et où la propagande s’épanouit. J’ai quitté le réseau le 31 décembre. On ne m’y verra plus.

Il pourrait y avoir les réseaux libres décentralisés, comme Mastodon.

Mais j’ai pris conscience il y a peu d’une tare consubstantielle au concept des réseaux sociaux numériques : ils sont tous des pièges attentionnels (même si cela n’est pas encore démontré scientifiquement, on s’en rapproche peu à peu). Tout est fait dans leur fonctionnement, mais également dans leur interface et plus encore dans leur essence même, pour retenir le plus longtemps possible l’utilisateur, le forcer à scroller indéfiniment sans pouvoir s’en extirper.

En cela, ils participent tous, libres ou commerciaux, au même paradigme de la capture de notre cerveau. Ils nous asservissent. Au lieu d’une démarche active de recherche ou d’une lecture attentive d’un article de bonne taille, argumenté et documenté, le principe d’un réseau social repose sur le changement permanent, la distraction constante. On ne lit que des phrases lapidaires, des punchlines parfois très bien tournées ou senties, mais sans aucun argumentaire. On passe d’un titre accrocheur à un autre. D’un interlocuteur à un autre. Impossible dans ces conditions de se concentrer sur quoi que ce soit.

Impossible également de ne pas rester scotché sur l’écran, dans une posture de passivité extrême, car le flux ne s’interrompt jamais. Notre cerveau est conçu, dans un but de survie, pour capter tout changement dans notre environnement. De changement en changement, le flux de distractions ininterrompu des posts qui se succèdent à l’infini garde notre cerveau en perpétuelle alerte sans lui permettre de poser son attention. Nous devenons des créatures stimulées en permanence. Notre cerveau perd l’habitude de se concentrer.

Je ne sais pas vous, mais moi, quand j’en ai pris conscience, j’ai eu peur. Parce que je me suis rendu compte que cela vampirisait mon temps. La chose la plus précieuse dans ma vie, aspirée à jamais dans un vortex interdimensionnel.

Il est donc évident que pour atteindre une communauté sur les réseaux sociaux, il faut y investir du temps. Beaucoup de temps. Beaucoup trop de temps pour moi, qui n’en dispose déjà que de très peu pour écrire. Donc consumer le peu de temps que j’ai à faire la promotion de ce que je n’avais plus le temps d’écrire… c’était un peu marcher sur la tête…

Une newsletter

Beaucoup offrent sur leur site la possibilité de s’abonner à une lettre d’information, une newsletter, comme dirait Justin. Mais moins nombreux sont ceux et celles qui en envoient une réellement. Pourtant, dans certaines d’entre elles, on peut nouer une véritable communauté. On a le temps de s’étendre un peu plus sur un sujet. On peut recevoir des réponses qui s’adressent spécifiquement à soi, pas à la totalité de l’univers connecté.

Convaincu depuis près de neuf mois, j’ai commencé à envoyer la mienne.

Et je crois que cela a beaucoup de potentiel dans mon cas, comme vous allez pouvoir le lire dans la suite de cet article.

Les salons littéraires

Beaucoup de réalisauteurs et de réalisautrices mouillent leur chemise et sortent de leur bureau pour se rendre dans des salons de littérature. Il y a une multitude de salons de littérature, même dans le genre de l’imaginaire dont je fais partie. C’est pour beaucoup l’occasion de rencontrer des lecteurs et des lectrices en chair et en os, de nouer des contacts, voire de vendre quelques exemplaires. De l’avis général, c’est un gros investissement, mais tous ceux et toutes celles avec qui j’ai pu discuter disent que c’est une expérience qui peut être très agréable.

Je rêve depuis des années de me rendre dans certains, des festivals prestigieux, comme les Imaginales, par exemple.

J’ai commencé il y a deux ans à rendre visite au salon de l’Imagina’livres, qui se tient tout près de chez moi (et qui va même se tenir dans la ville où je travaille en 2020). J’ai pu, comme simple visiteur, faire la connaissance en chair et en os de certains, comme Olivier Saraja et Fred Marty.

Pour passer de l’autre côté du miroir, il me semble cependant qu’il me manque une chose : une bibliographie un peu plus étoffée. Je n’ai à mon actif à ce jour que deux romans, dont un publié de façon classique mais dans des conditions peu satisfaisantes sur le plan des relations éditoriales, malgré l’attachement que je porte à ce texte.

Aussi, je crois que je ne suis pas encore prêt pour cette stratégie qui, je pense, est une des plus fortes pour rencontrer son public et créer une communauté.

Cependant, je projette de m’y intéresser dès lors que Fée du Logis, mon projet actuel, aura enfin vu le jour.

Nous en reparlerons.

Les séances de dédicace

Dans le même esprit, les séances de dédicace dans des librairies ou des lieux plus étonnants pour de la littérature permettent de rencontrer directement son public. C’est une bonne alternative aux salons de littérature, si l’on parvient à convaincre un libraire ou le gérant de l’endroit. Cela demande une organisation, une entente, et quelques démarches qui me semblent indispensables, comme de rédiger et signer un contrat pour que les deux parties (l’auteur et l’organisateur) y trouvent leur compte et soient protégées en cas de problème.

Un gros effort, donc, notamment en investissant du temps.

Mais ce temps peut potentiellement être récompensé bien plus facilement qu’à travers un réseau social.

Les services presse et les booktubeuses

Le milieu de l’auto-édition a acquis une certaine visibilité grâce aux prescripteurs (souvent des prescriptrices, d’ailleurs, d’où le nom de booktubeuses, qui s’est imposé) qui se sont développés sur internet, souvent à partir de YouTube, mais parfois aussi simplement sur des blogs de chroniqueurs ou de chroniqueuses.

Pour être un réseau social comme un autre, avec sa dette attentionnelle, YouTube a un fonctionnement différent dans la mise en avant d’un livre, car c’est souvent l’équivalent d’un vlog, un blog sous forme vidéo. On peut y développer un propos plus construit et cohérent que sur Twitter.

Il suffit pour cela de parvenir à faire lire son bouquin par l’une de ces prescriptrices, en espérant que la chronique sera positive. Puis de s’armer de patience, car la liste d’attente est longue, très longue. C’est pour cela que je n’avais pas franchi le pas lors de la sortie du Choix des Anges.

Mais j’ai bien envie de tenter l’expérience. Et en plus du contact direct, il existe le site SimPlement, qui permet de multiplier facilement les mises en relation.

Le mécénat

Depuis quelques années, internet a permis le développement d’une forme de financement de projets qu’on appelle financement participatif, ou crowdfunding (littéralement financement par la foule). L’idée est de lancer une souscription auprès d’un public potentiellement intéressé par la réalisation d’un projet (littéraire par exemple). Chaque internaute qui soutient le projet paie donc une participation selon un montant prédéfini par le porteur de projet. En fonction du niveau de participation financière que l’internaute décide, il a en échange droit à acquérir le projet une fois finalisé (comme pour une souscription classique, on reçoit le livre une fois qu’il a été écrit), mais aussi à des bonus, dont le plus emblématique est son nom dans les remerciements de l’œuvre. On peut également proposer d’autres contreparties aux souscripteurs, plus originales : des textes inédits autour de l’œuvre, une amélioration du livre physique (signet de lecture, couverture avec verni sélectif).

Est ensuite apparu le micromécénat. Des internautes donnent une somme à un artiste, mais ce n’est pas pour financer un projet en particulier. C’est pour aider l’artiste lui-même, en considérant que l’argent récolté lui permettra de financer ses outils (un logiciel d’écriture, un correcteur orthographique, l’hébergement de son site web) ou de passer plus de temps à créer. Dans ce cas, les internautes donnent une plus petite somme, mais s’engagent à la donner chaque mois. Par exemple, 1$, 2$, 5$. Je parle en dollars américains car le premier site à lancer l’idée a bien évidemment été créé sur le sol américain. Il s’appelle Patreon. Depuis, un équivalent français a été lancé, très en vogue en ce moment, j’ai nommé Tipeee.

Ainsi, c’est bien un artiste qu’on finance, et plus simplement un de ses projets. On devient un véritable mécène.

En contrepartie, en plus des habituels remerciements, il est d’usage de donner accès à des avant-premières, ou à la possibilité de faire un chat vidéo, ou même de rencontrer l’auteur ou l’autrice.

Ce type de communauté a un défaut majeur : il faut déjà avoir une audience prête à soutenir l’artiste. Et mettre de l’argent, même 1$ par mois, alors que nous avons sans doute tous un budget où les abonnements, les charges fixes et autres ponctions récurrentes sont légion, ce n’est pas donné à tout le monde.

Le revenu ainsi dégagé par l’artiste permet peu de choses (quelques dizaines d’euros par mois, en moyenne, ça ne permet pas de vivre), même si bien sûr il y a des exceptions. Cela permet juste de faire face à des investissements basiques ou récurrents et, me direz-vous (et vous aurez raison) c’est déjà ça pour faciliter la vie.

J’y vois pour mon cas personnel trois inconvénients.

D’abord, prosaïquement, le revenu dégagé ne me permettrait pas de m’offrir ce dont j’ai le plus besoin : du temps. Le reste, je l’ai déjà : un ordinateur qui tient la route, un site internet et un hébergement qui va avec et que je paie sur mes propres deniers car je suis assez chanceux d’en avoir les moyens, un correcteur orthographique correct, un logiciel d’écriture fantastique déjà acheté, un logiciel de mise en page professionnelle sans abonnement même s’il est au top. Et des idées, même si parfois elles sont tordues. Il ne me faut pas grand-chose de plus.

Ensuite, étonnamment (ou pas), je ne me sens pas légitime pour demander à quiconque de donner même un seul euro par mois pour soutenir ma création, car les contreparties seraient très aléatoires. Je n’ai déjà pas assez de temps pour écrire ce que je voudrais écrire absolument, alors écrire des contreparties en plus, je ne sais pas quand je le ferais.

Enfin, et c’est sans doute le plus important, j’ai un problème philosophique avec le concept qui met encore une fois l’argent au centre de tout. Car ce système induit que seuls ceux qui vous donnent de l’argent, juste leur argent, peuvent accéder à ces contreparties. Mais qui a dit que l’argent était la seule contribution qui comptait ? Okay, je sais que vous avez quelques noms en tête. Moi aussi. Mais ces noms appartiennent à des écoles philosophiques qui ne me conviennent pas.

Pour moi – et encore une fois, c’est de mon cas personnel qu’il est question, pas de quelqu’un d’autre qui pourra faire des choix différents aussi respectables que les miens – ce n’est pas l’argent qui montre que l’on s’implique le plus.

J’ai plutôt envie de promouvoir une façon différente de participer. Donnez-moi un peu de temps, donnez-moi une voix pour porter mes écrits plus loin. En échange, sans doute y a-t-il des choses que vous pourriez recevoir.

À la limite, j’accepterais les dons d’argent pour ce qu’ils sont. Des dons. Sans contrepartie aucune, à part des remerciements (car ma maman m’a bien élevé et je sais qu’un merci fait toujours plaisir). Mais comme je le disais dans les prémices de ce petit tour d’horizon, ce n’est pas d’argent dont j’ai le plus besoin pour développer mon activité littéraire, alors que je peux parfaitement saisir l’intérêt de cette stratégie quand on se lance comme artiste à son compte sans avoir d’autre source de revenus pour assurer sa subsistance et celle de sa famille.

Les sites d’écriture par épisodes

Si l’on ne donne pas d’argent, que peut-on donner, alors ?

On peut donner de soi-même.

Et c’est le but des sites qui proposent de publier en avant-première à un rythme particulier des morceaux de vos écrits à un public inscrit qui en échange pourra soit vous faire de la promotion, soit vous proposer leurs retours et leurs critiques, soit les deux. Nombreux sont les auteurs et les autrices à avoir adopté les wattpad et autres.

Pour ma part, le bât blesse sur ma régularité d’écriture, d’abord. Je n’ai hélas pas un rythme qui me permet de prévoir que je vais sortir un chapitre toutes les semaines ou tous les mois.

Mais plus encore, je fais partie des gens un peu psychorigides qui ont besoin que leur œuvre soit cohérente. Et donc je ne peux pas présenter mes chapitres au fur et à mesure qu’ils s’écrivent. Parce que souvent ils changent de forme, de place, de taille, de contenu. Jusqu’à la relecture finale.

Il est donc bien entendu que ces sites sont souvent faits pour tester une première mouture d’un texte par exemple. Ou pour s’adapter au fur et à mesure.

Je n’aime pas cela. J’aime avoir mon texte fignolé au maximum avant de le faire lire à mes bêta-lecteurs et mes bêta-lectrices.

Publier ensuite le texte à la découpe, un peu comme des épisodes de série télévisée (dont je suis un grand amateur) une fois qu’il est terminé, je ne dis pas, ça peut se concevoir pour moi. Mais un livre n’est pas exactement une série télévisée. Chaque chapitre ne peut pas toujours correspondre à un épisode. Parfois un épisode correspond à un chapitre, parfois il correspond à un seul paragraphe, parfois il correspond à un livre entier.

Les médias artistiques ont chacun une grammaire narrative propre (ce n’est pas moi qui le dis). Et je crois que si l’on peut emprunter à la série télévisuelle certains codes pour les transposer dans la littérature (ainsi que l’inverse), ce n’est pas possible pour tout. Je n’oublie pas les feuilletons publiés au XIXe siècle par les Dumas et consorts, qui peuvent contredire mon propos. Je dis juste que ce n’est pas ainsi que j’aime actuellement écrire mes bouquins (parce que des scénarios de jeu de rôle, peut-être plus).

Les forums d’entraide entre auteurs

Et les bêta-lecteurs, on en parle, des bêta-lecteurs ?

Voilà justement un soutien important à un auteur.

Et c’est aussi ce que proposent certains forums d’entraide entre auteurs, comme CoCyclics.

La bêta-lecture, cette activité qui ne consiste pas à lire comme si l’on était un imbécile mais au contraire à lire très attentivement un texte avant sa publication en analysant la forme comme le fond pour aider l’auteur ou l’autrice à lui donner ensuite une plus grande cohérence et une plus grande portée, est finalement un début de travail éditorial.

C’est comme participer un peu à la mise au monde d’un enfant littéraire.

C’est aussi difficile : il faut parfois pousser l’auteur à aller plus loin, l’encourager, le contredire, le houspiller, le fouetter (ne faites jamais cela à une femme enceinte, non plus).

C’est aussi long.

C’est aussi émouvant au final.

Mais il faut toujours se rappeler que c’est l’auteur qui aura le dernier mot, même si une bonne collaboration devrait permettre au bêta-lecteur de faire entendre des arguments construits qui vont peut-être faire évoluer le point de vue de l’auteur sur certains points qu’il peut ne pas avoir assez travaillé ou pas avoir réussi à rendre dans son texte.

Participer à un tel forum d’échange me plairait beaucoup. Je me heurte cependant au même problème, celui du temps. Et de plus, j’aime bien connaître un peu avant les personnes qui vont me “bêta-lire” ou dont je vais moi-même devenir le bêta-lecteur. Histoire de partager un peu nos façons de voir.

Ptérophidie

Alors, c’est bien joli, mais finalement, après avoir vu ce que je ne voulais ou ne pouvais pas faire, vous devez vous demander (ou pas) ce que j’ai décidé.

L’image des cercles concentriques se rapprochant peu à peu de moi et de mon travail me semble être une bonne base pour déterminer ma stratégie. J’ai envie d’organiser ces cercles sur un échange qui ne soit pas déterminé par l’investissement financier seulement, mais surtout par une qualité d’échanges. La fondation essentielle en sera naturellement la lettre d’écaille & de plume, cette newsletter trimestrielle dans laquelle j’écris ce qui m’a inspiré, bouleversé ou préoccupé pendant la saison passée.

Ainsi, j’espère que chacun de mes correspondants aura peu à peu l’occasion, s’il désire le faire, d’entrer dans des cercles où il deviendra lecteur, évangéliste de plume, bêta-lecteur, ou pourquoi pas co-créateur. Mon idée de tribu de Ptérophidiens et Ptérophidiennes, néologisme hellénisant dont je suis assez fier, est née. Voici comment.

Le premier cercle : le théorème des ricochets

Être lu, c’est donc la base de tout.

Et je me dis que cela commence par une simple chose. Il suffit parfois d’avoir eu dans les mains un livre qui nous a touchés ou qui nous a surpris, pour découvrir un auteur. Parfois, c’est l’univers du livre lui-même qui peut rester en nous. Ou bien celui, plus large, des autres œuvres de l’auteur. Un peu comme des ricochets dans l’eau. Un galet va toucher une première fois la surface du liquide, puis rebondir et la toucher plus loin encore, puis une troisième et éventuellement une quatrième fois.

Le premier vecteur que je peux utiliser est donc le livre lui-même, comme s’il était mon galet. Et j’ai trois idées pour cela.

In Libris

À l’intérieur du livre lui-même, il est de tradition de citer la bibliographie de l’auteur, qui est souvent placée soit après la page de titre soit à la fin du livre. On peut aussi trouver souvent une courte biographie. Et parfois même un extrait ou le premier chapitre d’un autre livre du même auteur.

Depuis que Nathalie Bagadey, dans une de ses newsletters, a confié comment elle se servait de QR Codes pour faire sa promotion sur des affiches, l’idée a commencé à trotter dans ma tête de considérer que mes livres et mon site pouvaient dialoguer.

Avec un livre numérique, c’est facile, il suffit d’insérer un lien hypertexte qui mène vers le site.

Dans un livre papier, pourquoi ne pas utiliser un QR Code ?

Mais pour diriger vers quelle page du site ?

J’ai pensé à trois possibilités.

Tout d’abord, puisque ma bibliographie est pour le moment peu étoffée, chaque titre peut prendre une certaine place sur la page. Pourquoi donc ne pas insérer un lien ou un petit QR Code vers la page de présentation de chaque titre de ma bibliographie sur le site ? On pourrait y lire un extrait, par exemple, et éventuellement commander le livre.

Ensuite, si l’univers du livre a plu au lecteur, pourquoi ne pas diriger vers une série de bonus ou un making-of ? Une page présentant quelques secrets de l’univers, ou des fichiers à télécharger, comme les chronologies que je construis à chaque fois pour valider la cohérence temporelle de certains éléments d’une intrigue, avec parfois des événements qui ne sont pas même mentionnés dans le récit mais qui m’aident à poser mon univers. Mes notes et mes cartes heuristiques permettant de suivre le raisonnement de ma construction narrative, pour ceux qui aiment passer de l’autre côté du miroir.

Enfin, pour faire le lien avec la tribu Ptérophidienne, un lien vers une page d’inscription à la lettre d’écaille & de plume. Cela peut transporter un lecteur ou une lectrice dans le deuxième cercle.

J’ai même décidé d’utiliser le troisième sur une carte de visite et sur des marque-pages. Ces derniers seront aussi porteurs d’un QR Code de la première catégorie pour faire la promotion d’un titre en particulier.

In blogae

Sur le site, les quelques modestes fichiers que je propose au téléchargement sont groupés en deux catégories.

Il y a d’abord ceux que j’ai envie de partager avec tous les visiteurs, quels qu’ils soient. Ce sont beaucoup de mes créations pour des jeux de rôle, ou les extraits de mes livres.

Il y a ensuite ceux que je réserve aux abonnés de la lettre d’écaille & de plume. Sans autre contrepartie que de s’inscrire à cette lettre de diffusion, ceux qui acceptent d’être transportés dans le deuxième cercle entrent dans la tribu ptérophidienne. Et ils peuvent accéder aux fichiers plus “techniques”, comme mes réglages ou templates pour Scrivener, par exemple.

Les boîtes à livres

Nous avons parlé des services presse quelques paragraphes plus tôt. Sur le même principe, je pense disperser quelques exemplaires de mes livres dans des boîtes à livres, ces petites constructions qui fleurissent dans de nombreuses villes ou villages pour inciter les habitants à lire. Chacun peut y déposer des livres ou en emprunter, librement. Un bon moyen de toucher un public nouveau.

Il ne s’agit pas non plus d’inonder le marché, et je compte faire cela avec seulement deux ou trois exemplaires. Pas plus.

Le deuxième cercle : se parler dans le langage des Serpents

Pour que le premier cercle s’étoffe, les membres du deuxième vont certainement être de précieux alliés.

Tout d’abord, je compte envoyer quelques services presse à via un profil SimPlement. Et attendre de voir.

Ensuite, les membres de la tribu Ptérophidienne (notamment ceux qui ont souscrit à l’option Phœnix de la lettre d’écaille & de plume) seront l’objet de toutes mes attentions. Je ne compte pas les inonder de mails. J’ai envie d’avoir beaucoup de choses à leur raconter à chaque message. Un peu comme ces longues missives que nous nous envoyions par la poste dans les temps reculés où internet n’existait pas encore. On y racontait les faits marquants de notre vie quotidienne mais on pouvait également aborder des sujets de fond, des impressions, des coups de cœur. Je crois donc que je vais me cantonner pour le moment aux quatre lettres par an, envoyées à chaque fête celtique.

Je vais sans doute également garder la forme générale qu’elles ont prise jusqu’à présent, mais peut-être en y intégrant plus d’interactivité. L’objectif est d’instaurer un dialogue.

Comme dans toute société, cela pourra être marqué au fil du temps par des rites marquant l’entrée dans un nouveau cycle. Ainsi, mes plus anciens abonnés (je n’ose dire vieux), mes plus fidèles, mes plus actifs, recevront eux aussi des bonus.

Le troisième cercle : mes pairs & mes maîtres

Nous traînons tous un peu sur internet, et fatalement, nous tombons souvent sur les sites des uns et des autres. Et puisque je suis sorti volontairement des réseaux commerciaux que je considère comme des pièges, je vais avoir plus de temps pour écumer le reste de la Toile. Je vais donc étoffer sensiblement la section Chants d’Ailleurs de ce site, pour faire découvrir encore plus les autres univers, ceux de mes pairs et de mes maîtres.

Comme un complément à l’excellente initiative lancée par Aemarielle sur Facebook d’un groupe privé de Sorciers & Sorcières créatives, mais hors de quelque réseau social que ce soit.

Know then that it is the year 2020

Pour paraphraser le Dune de David Lynch, parce que cette nouvelle année est comme un “delicate time” pour moi.

Qu’elle soit surtout l’occasion, comme si nous pouvions nous aussi profiter des bienfaits du Spice Melange, d’étendre notre conscience.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

Nephilim Quintessence, nouvelle incarnation

En ces temps-là, quand les hommes se multipliaient après qu’Adam eut quitté le Paradis, les Nephilim marchaient sur la terre.

Genèse 6:4

Dans mon panthéon personnel des jeux de rôle, Nephilim occupe une place à part.

Publié pour la première fois dans les années 1990 alors que je m’enhardissais à rejoindre un groupe de joueurs inconnus dans une association dont plusieurs devinrent des amis, il a incontestablement ce petit goût de madeleine de Proust qui me ramène à mes premières années d’étudiant. Je le concède volontiers.

Mais Nephilim est surtout une chimère vraiment réussie entre un univers fantastique contemporain plein de mystères et une ambiance occulte et poétique presque mystique dont les références sont ancrées dans la culture européenne, et française en particulier. Une rareté absolue à l’époque, où la production était très largement dominée (pour ne pas dire écrasée) par des univers d’inspiration anglo-saxonne. Seuls deux autres jeux avaient pu entrer dans cette catégorie des pépites poétiques : Maléfices, et Rêve de Dragon.

Comme le premier, il traite de créatures fantastiques, de sortilèges et de malédictions, d’alchimie et de combats occultes, et comme le dernier, il pousse les joueurs à se poser la question de l’aspect symbolique du personnage que l’on incarne.

D’alchimie, il en est vraiment question quand on se penche sur ce jeu atypique et presque inclassable, tant les ingrédients qui le composent ont été dosés avec précision et surtout tant la cohérence obtenue est extraordinaire quand on songe au syncrétisme dont elle résulte.

Jugez-en plutôt : si on mélange récits bibliques, créatures fantastiques, magie, guerres secrètes, quêtes ésotériques, légendes arthuriennes, occultisme du XIXe siècle, Nostradamus, Akhénaton, dinosaures, Atlantide, templiers, et esprits incarnés dans des humains dans un même creuset, on peut aussi bien obtenir une chose informe comme le Da Vinci Code que la magnifique trame de Nephilim.

D’alchimie, il en est encore question quand on aborde cet univers foisonnant, parfois complexe au point d’en rebuter le profane. C’est ainsi que Nephilim a une réputation de jeu complexe, presque autant que le monde de Glorantha pour Runequest.

Et pourtant, le pitch est assez simple.

Il peut être résumé en une phrase, en quelques mots, en un paragraphe ou en une page, comme dans la cinquième édition qui vient de paraître grâce à un financement participatif. Je trouve d’ailleurs que le bon compromis, c’est le paragraphe. Je le reproduis ici pour vous donner un petit aperçu.

Dans Nephilim Légende, le jeu de rôle de l’occulte contemporain, vous jouez un Nephilim, un esprit antédiluvien, composé d’un Pentacle de Feu, d’Air, de Terre, d’Eau et de Lune. Inspiré par la connaissance ésotérique des mystères du monde, votre Nephilim pratique les Sciences occultes comme la Magie, la Kabbale ou l’Alchimie. Vous recherchez l’harmonie suprême que certains Nephilim appellent l’Agartha. Depuis la catastrophe du Déluge, vous vous êtes incarné épisodiquement dans des êtres humains, vos Simulacres. Vous gardez jusqu’à aujourd’hui une mémoire partielle de ces époques passées. Depuis les années 90, vous et vos frères vous êtes réincarnés massivement. Entre les Grands Plans des sociétés secrètes, vos ennemies jurées, l’Apocalypse ou l’émergence d’Arcadia, une cité occulte universelle, il y a de multiples raisons à cela. Votre Nephilim devra poursuivre son initiation selon les symbolismes attachés à son élément dominant. Vous pourrez aussi vous intéresser aux jeux subtils des Arcanes Majeurs, ces familles Nephilim qui cherchent à vous adopter afin de vous initier à un chemin particulier vers l’Agartha. Quelle sera votre position vis-à-vis des humains ? Simples corps à manipuler ou, au contraire, profanes à initier aux beautés du monde magique ? Avez-vous fondé au cours des siècles, avec d’autres Nephilim, une fraternité occulte détentrice d’un des nombreux secrets majeurs du monde ésotérique ? Est-ce pour trouver le trésor des Templiers ? La Toison d’or, le Graal, le message secret des tableaux de Léonard de Vinci, le Sidh légendaire des Celtes, le Dragon des Nibelungen, les Pommes d’or du jardin des Hespérides ou surtout découvrir la vérité sur Arcadia ? Lutterez-vous contre les sombres complots des mortels Templiers ou des subtils Rose+Croix ? Préférerez-vous devenir un expert de la Kabbale ou de l’Alchimie ? Parcourrez-vous le monde à la recherche du royaume caché de la Cité des Vertiges et de ses prétendus douze sages blancs ? À vous de décider de cela et de bien d’autres choses avec Nephilim Légende !

Un nouveau Simulacre pour les règles

Qui dit nouveau jeu dit souvent nouveau système de jeu.

Car un jeu de rôle gagne souvent sa saveur grâce à la façon dont ses règles permettent de déterminer échecs et réussites, rebondissements et complications dans le cours de la narration. C’est en tous les cas comme cela que je vois les règles d’un jeu de rôle au moment où je rédige ces lignes, ce qui n’était pas forcément le cas dans mes plus jeunes années.

Sur ce plan, Nephilim change sans vraiment changer.

Nous retrouvons les dés de pourcentage, le cœur du système.

Mais il n’y a plus vraiment de compétences, qui ont été remplacées par des Vécus, regroupant des domaines variés d’actions et de connaissances.

Les Sciences occultes, qui font tout le charme du jeu (ah ! Les noms si évocateurs des Invocations de Kabbale, comme Ceux qui rampent et qui grignotent ou les Formules alchimiques telles le Navigateur des Lions écarlates…), changent également, même si leur habillage reste le même.

On reste en terrain connu. Mais quelques petits ajustements nous rappellent que nous sommes dans une nouvelle incarnation. L’Effet Rosenkreutz, par exemple, vient compliquer la tâche des plus puissants Nephilim, ou des plus imprudents.

Le système est donc sensiblement le même, un système classique, bien éprouvé. Il paraîtra peut-être un peu trop classique à ceux qui ont découvert les systèmes dits narratifs plus récents, comme FATE ou Dungeon World/Apocalypse.

Mais il marche bien, il est facile à prendre en main. Il ne demande pas de savants calculs ni de jeter des brouettes de dés.

Le petit bémol que je puis émettre concerne l’adaptation des anciens personnages.

Pour jouer votre Nephilim fétiche dans Quintessence, vous allez devoir faire quelques choix, notamment entre le nombre d’incarnations (et les époques d’incarnation elles-mêmes), et la puissance de ses Kâ-Éléments. En effet, le système de choix des incarnations passées de cette cinquième édition, parfait pour créer de nouveaux personnages, est sensiblement différent des précédents. Plus simple et plus complexe à la fois, il implique de créer une toute nouvelle enveloppe pour votre alter ego de papier. Car il est impossible de recréer un Nephilim ayant eu de nombreuses incarnations et un fort Kâ-Élément en même temps, ce qui était par contre faisable dans la quatrième édition.

La création d’un nouveau personnage est donc longue, la recréation d’un ancien est encore plus longue car il faut bien étudier toutes les possibilités pour respecter l’esprit du personnage ancienne mouture.

L’âme progressant vers l’Agartha

Nephilim est donc né dans les années 1990, mais il a su évoluer.

D’abord, comme vous avez pu le constater, cette cinquième édition (baptisée Légende ou Quintessence, c’est selon) met un peu plus l’accent que les autres sur l’accessibilité aux nouveaux venus dans l’univers du jeu. Les concepts principaux sont bien expliqués, et on entre pas à pas dans la richesse du monde occulte fictif, un peu à la manière d’une initiation. Les pitchs du jeu en une phrase, un paragraphe, une page, sont véritablement là pour ça. Mais tout au long du livre, les divers concepts sont abordés de façon à ne pas rebuter les néophytes. Même si tout cela foisonne de détails.

D’ailleurs, les auteurs ont eu la bonne idée de faire un petit historique du jeu depuis sa première édition, afin de placer l’actuelle dans son contexte.

Et si les profanes qui voudraient découvrir le jeu sont guidés, les vieux Initiés comme moi y trouvent aussi leur compte.

Car l’évolution du monde occulte est sensible. Beaucoup de choses changent pour les Nephilim, et leurs repères sont bouleversés au point que même les grands connaisseurs du jeu vont avoir à redécouvrir une ambiance très différente.

Les années 2020 qui sont le théâtre du jeu sont marquées par la technologie et son empreinte sur l’existence des créatures millénaires que sont les Nephilim, sur leurs luttes entre eux et contre les sociétés secrètes humaines qui cherchent à les contrôler ou à les détruire, et surtout sur la texture même du monde magique. Le ressort déjà utilisé dans les précédentes éditions du décalage entre la magie qui constitue l’essence même d’un Nephilim et le monde moderne, profane et incrédule, prend une nouvelle dimension dans notre époque où se côtoient fake news et platistes, sceptiques et complotistes. Ce fossé grandissant, celui de l’enchantement, du désenchantement, ou du réenchantement du monde, est un thème qui m’est particulièrement cher. Il traverse beaucoup de mes univers préférés de jeu (depuis Pendragon jusqu’à Rêve de Dragon, Vampire, Mage, Nephilim, ou même Runequest), mais aussi mes propres écrits et mon monde intérieur. Il trouve une nouvelle vie dans la façon dont Nephilim s’empare du phénomène. La technologie et l’hyperinformation brident la magie, le mysticisme, les créatures fantastiques, mais il se produit aussi un mouvement inverse où des bribes d’un Autre Monde aux accents celtiques se créent en marge (la mystérieuse cité d’Arcadia, dans le jeu).

Le thème de l’initiation, de la progression, des personnages, prend dans Nephilim une dimension plus psychologique que dans les autres jeux de rôle où chaque gain d’expérience ou de niveau est simplement une occasion de devenir plus puissant, plus fort, plus compétent.

Ici, il est surtout question de la compréhension intime par les Nephilim de leur nature profonde, de celle du monde, de la magie. Ils deviennent peu à peu qui ils sont, ou qui ils étaient avant la Chute (oui, il faut quand même que la Bible s’en mêle) de leur royaume originel atlante (parce que quand même, la Bible c’est bien, mais l’Atlantide, ça en jette).

Il s’agit d’une façon d’envisager l’évolution des personnages sous un angle différent.

Une véritable progression, dans le sens de progrès, mais non uniquement un progrès technique.

Plutôt un progrès initiatique. De la meilleure harmonie que les Nephilim peuvent trouver en eux et dans le monde.

En ce sens, comme Rêve de Dragon, j’ai la conviction que Nephilim est un jeu qui pousse ceux qui y entrent à s’interroger sur le sens de l’utopie.

J’y vois une sorte de résistance artistique et fictionnelle à cette mode des dystopies qui inonde les imaginaires de notre société depuis maintenant une vingtaine d’années.

Les dystopies, qui décrivent des mondes toujours sous le joug d’une tyrannie quelconque, ont pu servir à dénoncer les travers de notre société, à les exposer dans toute leur cruauté, à nous faire prendre conscience de ce qui pourrait nous arriver, ou de ce qui nous arrive déjà.

Mais il existe dans Nephilim cette idée que la “réalité” se rebiffe. Que la vie trouve toujours un chemin, comme dirait un célèbre acteur dans un film de dinosaures.

Notre monde, le monde réel, est fait de contradictions permanentes, de paradoxes et d’oxymores. Nephilim reflète cela jusque dans son monde fictif, l’intègre et le pousse plus loin.

Car oui, le monde est pourri. Mais il ne suffit pas de le dénoncer pour que cela change. Dans un monde qui ressemble de plus en plus à un mauvais remake de Blade Runner, abreuvés que nous sommes de toutes ces œuvres qui nous mettent en garde, depuis Hunger Games jusqu’à Altered Carbon, nous aurions eu largement de quoi réagir. Mais nous ne l’avons pas fait.

Pourquoi ?

Parce que dénoncer ne mène pas à grand chose.

Ce n’est pas suffisant.

Il faut savoir vers quoi nous voulons aller.

Et c’est là que les utopies sont utiles.

Je crois même profondément que nous en avons besoin. Plus encore à notre époque.

Réenchanter le monde, c’est penser ce qui pourrait remplacer la dystopie que nous vivons. Penser à ce que nous voulons plutôt qu’à ce que nous ne voulons pas ou plus.

C’est un peu ce que propose Nephilim dans son univers. Les créatures magiques que sont les personnages incarnés par les joueurs sont empêtrées dans le monde tel qu’il est devenu. Leurs sortilèges attirent l’attention, leur être même (les transformations physiques de leur métamorphe élémentaire) peut être un danger pour leur sécurité, ils sont pourchassés. Et pourtant, une chose extraordinaire se produit. Dans le monde, au sein des mégalopoles des humains, certaines rues, certains quartiers, parfois de simples parcelles de bâtiments, se transforment en des sanctuaires où tout redevient possible pour eux, où la technologie ne peut les atteindre, où leur magie retrouve sa splendeur des millénaires passés. Et ces petits morceaux de villes se connectent les uns aux autres pour former une Cité mystique. Arcadia.

Il y a là de quoi reprendre espoir et cette seule lueur dirige leurs efforts vers un idéal.

Comme tout idéal, il est appelé sans doute à être moins ou plus que ce qu’ils avaient imaginé.

En tous les cas à être autre.

Mais il est porteur d’un changement.

Chacune des cinq incarnations de Nephilim pousse ce concept de la Quête, de l’avancée spirituelle, de la progression vers une plus grande réalisation de soi, vers un Idéal. Il y a le Grand Réveil, l’Apocalypse, la Révélation. Il y a maintenant Arcadia.

Je trouve un grand plaisir à me lancer dans un imaginaire où il peut encore exister un espoir.

Cela m’aide peut-être à progresser moi-même dans la construction de ma propre utopie quotidienne, de ma propre Quête vers l’Agartha, celle de mon Humanité.

Le Secret caché au cœur du Labyrinthe du Serpent à Plume

Comme dans toute Quête, il vient enfin un moment où l’on trouve l’Illumination.

Parfois même ce n’est pas l’Illumination que l’on cherchait au début. Ou pas celle-ci, précisément. Souvent, on trouve ce que l’on ne cherchait pas. Et l’on découvre que c’était pourtant ce que l’on cherchait depuis le début.

Ce genre d’épiphanie survient à des moments particuliers dans l’année.

Les traditions ésotériques sont pleines de calculs permettant de choisir la date et l’heure précise qui sera le bon moment pour entreprendre une opération magique ou une quête.

Vous avez de la chance.

Car sur d’écaille & de plume, en cette période du Solstice d’Hiver, vous pouvez prétendre à découvrir un véritable Trésor de Sapience.

Avec l’accord des Grands Commandeurs Élémentaires, les Écrivains de Sable et de Voiles, Souverains de Mnémos, j’ai le plaisir de vous offrir une feuille de personnage au format pdf modifiable de Nephilim Légende.

Un jour, peut-être, je vous présenterai mon personnage fétiche, Sekhmet, Nephilim de la Terre au métamorphe de Sphinx.

Vous pouvez donc créer facilement vos personnages sur ces fiches réalisées à partir des pdf originaux du livre de règles en remplissant les cases sur votre ordinateur ou votre tablette. Et imprimer ce dont vous aurez ensuite besoin.

Ne me remerciez pas, c’est mon Pentacle élémentaire qui a tout fait.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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Tolkien, l’exposition à la BnF

Tolkien, l’exposition à la BnF

Tolkien, l’exposition à la BnF

Comme certaines et certains d’entre vous le savent, j’ai eu la chance de me trouver à Paris durant ce mois de novembre à l’occasion d’une formation, au moment où la Bibliothèque nationale de France présentait une très belle exposition sur Tolkien. Le professeur d’Oxford a eu une grande influence sur moi, comme sur d’innombrables autres personnes dans le domaine de l’imaginaire, en littérature, mais également dans les arts visuels. J’ai même ouvert ce blog avec un article défendant la thèse selon laquelle il était un véritable écrivain, et pas seulement un philologue génial ou un créateur de mondes imaginaires.

J’ai donc profité de mon passage dans la Ville Lumière pour plonger dans la vie et l’œuvre de Tolkien à travers ce rassemblement inédit en France de documents originaux, d’œuvres de sa main comme celles d’autres, contemporains ou non, qui entraient en écho avec ses propres créations.

En voici mes impressions personnelles, un peu décousues, certes, mais sincères.

L’écriture de Tolkien

La première chose qui m’a marquée a été de voir les pages manuscrites de la main même de Tolkien.

On peut admirer dans l’exposition plusieurs feuillets de son œuvre, à différents stades de la maturation de ses écrits. Des brouillons, des premiers jets, des notes. Et de nombreuses pages de ses versions définitives.

J’ai d’abord physiquement été étonné de sa façon de former les lettres. Il avait une écriture calligraphiée, extrêmement soignée, en très petites lettres, presque micrographiques, y compris dans ses brouillons. L’impression d’être face à un manuscrit médiéval m’a saisi tout au long de la visite, renforcée par la présence de plusieurs ouvrages anciens, notamment de lourds tomes enluminés qui étaient là pour illustrer la proximité des thèmes de son œuvre avec les écrits des légendes arthuriennes ou anglo-saxonnes tardives.

Puis, mais c’est uniquement en fonction de ce qui était présenté, forcément une sélection très partielle, j’ai été frappé par le peu de ratures au regard des manuscrits d’autres écrivains des temps préinformatiques. Donc soit il avait déjà des idées très claires de ce qu’il voulait écrire et de la façon dont il voulait l’écrire, soit nous n’avons pas pu avoir accès dans cette exposition aux premiers stades de son travail, malgré la quantité de notes présentes dans les marges.

On peut également voir des versions abouties sur le plan formel, mais comportant des changements de noms de personnages. Par exemple, dans Bilbo, une version où Gandalf a un autre nom et où le personnage de Thorin Oakenshield porte au départ le nom de Gandalf. Et dans la marge, Tolkien indique le changement de nom, chacun acquérant le patronyme sous lequel nous le connaissons aujourd’hui.

Un processus créatif qui rappellera sans doute bien des choses à tous les écrivains…

Tout comme les tâtonnements dans l’écriture et la grammaire de ses langues inventées. Sa façon de tracer les lettres elfiques est tout aussi soignée que son écriture de l’anglais. Et une vidéo nous dévoile que même Tolkien faisait des fautes d’orthographe en elfique, ce dont il s’amuse avec une espièglerie juvénile qui rend le vieil homme d’emblée sympathique.

Un réalisateur de livre ?

Surprenante, cette exposition l’est à plus d’un titre, car je ne savais pas que Tolkien était aussi illustrateur, dessinateur, peintre. Plusieurs de ses croquis, de ses toiles, sont présentées, et notamment les premières couvertures de la trilogie du Seigneur des Anneaux, qu’il a lui-même composées et réalisées, avec un certain art de la typographie comme de l’organisation des éléments sur la page. C’est d’ailleurs une de ces couvertures, celle de La Communauté de l’Anneau, qui sert de visuel à l’affiche de l’exposition.

Plusieurs illustrations également, lors des premières éditions, sont signées de sa main. Et il ne se débrouillait pas si mal.

Une démarche qui détone dans l’idée que l’on se fait d’un écrivain de l’époque, uniquement centré sur son texte.

J’ai reconnu celle d’un réalisateur de livre. Son monde imaginaire ne se limitait pas à des histoires et des langues, mais débordait sur le terrain de l’image.

Et aussi sur celui de la géographie.

Il est évident pour tous ceux qui ont découvert Tolkien dans les années 1990 comme moi, que c’est l’un des aspects les plus fascinants dans sa création : la carte de la Terre du Milieu a fait rêver bien des gamins, avant même de lire une traître ligne du Seigneur des Anneaux.

Les cartes que l’on peut admirer dans l’exposition de la BnF sont multiples et d’une précision que je ne m’étais pas imaginée avant. En bon professeur, la rigueur importait tant à Tolkien qu’il mesurait précisément les distances et faisait en sorte que son récit y colle le plus possible.

Il serait bon que certains scénaristes de séries de fantasy récentes retiennent la leçon (oui, septième saison de Game of Thrones, je parle de tes scénaristes à toi !).

Les influences évidentes

Le parcours de l’exposition est essentiellement organisé autour des différents peuples imaginés par Tolkien et de quelques thèmes qui traversent toute son œuvre comme la Nature, la guerre, le Mal, l’héroïsme des petites gens, etc.

On y rencontre bien sûr la materia prima qui a été à l’origine de l’alchimie de son monde : les contes populaires, les nombreuses influences mythiques, depuis la Scandinavie au mythe arthurien, dont on apprend aussi qu’il a écrit une version personnelle plus noire centrée sur Arthur, Lancelot, Guenièvre et Mordred (note pour plus tard : mettre la main sur ce texte, que je suis très curieux de lire, moi dont l’imaginaire est fortement influencé par la Matière de Bretagne).

Ce légendaire Celte transparaît aussi dans ses réflexions sur la souveraineté, un thème aussi central dans l’épopée de la Table Ronde que dans les figures royales de la Terre du Milieu. Mais également sur la place de la femme, qui est le plus souvent une inspiratrice peu présente (Arwen) même si essentielle, à l’exception d’Eowyn, la combattante, lointain écho à Boudicca et aux Valkyries ? Ces échos sont renforcés par la présence d’objets issus de différents peuples de notre propre réalité (armes celtes, scandinaves, livres, joyaux).

On se plonge aussi dans la place que la Nature prend dans l’œuvre du professeur, à travers notamment les arbres et les Ents, ce qui a encore renforcé l’étonnement pour moi de réaliser le nombre d’influences communes à nos deux vies.

Les associations artistiques

L’un des grands mérites de l’exposition tient dans le rapprochement de productions de Tolkien lui-même avec des objets issus d’autres collections. Des objets qui ont parfois un rapport direct avec lui (des œuvres inspirées par son monde) mais parfois qui entrent simplement en résonances avec lui.

D’abord avec des illustrateurs qui lui sont contemporains ou qui furent même des amis pour lui (Arthur Rackham, Dulac, Gustave Doré), ou des peintres, notamment les préraphaélites, dont le mouvement artistique est tant imprégné de médiévalisme (Edward Burne Jones, Dante Gabriel Rossetti).

Toutes ces œuvres, tous ces objets, dont des bijoux art nouveau aux courbes et motifs naturels si proches de l’univers elfique, forment un dialogue harmonieux avec la création de Tolkien et son monde.

Le conteur

Tous ceux qui ont lu Bilbo savent qu’il fut au départ un conte destiné à ses propres enfants, mais cette facette de Tolkien le Conteur allait beaucoup plus loin puisqu’il leur envoyait chaque année des lettres écrites de la main du Père Noël, avec la complicité de son facteur. Toute une partie est réservée à cet aspect-là, cette passion des histoires dans laquelle beaucoup d’écrivains vont se reconnaître.

J’ai aussi trouvé très émouvant de pouvoir entendre sa voix. D’abord quand il parle de ce qu’il a écrit, mais aussi et surtout quand il fait la lecture de certains passages de ces œuvres, avec l’emphase d’un scalde. On peut ainsi entendre sa lecture en anglais du chapitre de la chevauchée des Rohirrim lors de la bataille des champs du Pelenor, ou le poème de l’Anneau Unique, en anglais et en parler noir du Mordor.

L’exposition

Vous avez compris, je vous encourage, si vous aimez l’univers créé par Tolkien, à faire le détour par cette exposition unique et certainement exceptionnelle.

Vous pouvez le faire jusqu’au 16 février 2020, à la Bibliothèque nationale de France.

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Le livre papier et moi

Le livre papier et moi

Le livre papier et moi

J’aime lire. C’est pour moi un plaisir véritable, de ces plaisirs qui rendent la vie si belle que je ne la conçois pas sans. J’aime lire pendant des heures, la journée comme la nuit. J’aime être accroché par une histoire, emporté dans un univers. J’aime ce plaisir de me glisser dans d’autres mondes, dans d’autres vies que la mienne.

Pendant longtemps, je ne me suis pas posé de questions sur la façon dont je lisais.

Et puis la lecture numérique a fait son apparition, à la faveur des liseuses, d‘Amazon, du Kindle et de l’ePub.

J’ai résisté, longtemps. Et puis j’ai fini par essayer, en adoptant un iPad qui me permettait de me dire que ce ne serait pas que pour lire, mais aussi pour écrire, parfois, lorsque je ne suis pas chez moi.

Et j’ai aimé la lecture numérique.

Au point de publiquement le déclarer quelque temps après la naissance de ce site, dans un des premiers articles.

Et les années ont passé.

J’ai beaucoup lu sur écran. Puis, imperceptiblement, j’ai ressenti comme une lassitude.

J’ai vécu ma première expérience de réalisateur de livre, en créant à la fois la maquette papier et la maquette numérique du Choix des Anges.

Étonnamment, je me suis rendu compte que ce livre se vendait presque exclusivement en format papier, contrairement à tous les retours que pouvaient faire les auteurs et les autrices qui produisent dans le même genre littéraire que moi, l’imaginaire. Pour cinquante ventes en format papier, je n’ai à ce jour qu’une seule vente numérique… Un mystère que j’ai du mal à m’expliquer, puisque je sais avec certitude que le livre est parvenu à dépasser le cadre familial et amical. Il est évident que les proches aiment à posséder le livre physique, comme une preuve tangible, un totem ou un objet de fierté. Mais souvent, les personnes qui découvrent un auteur de l’imaginaire préfèrent le “tester” avec un format numérique, beaucoup moins cher donc beaucoup moins risqué si l’on n’accroche pas à l’univers ou au style.

Parallèlement, et sans vraiment de lien je pense, mon propre rapport au support de lecture a évolué.

Je revenais au papier, doucement mais sûrement.

Je suis conscient que tout ceci est éminemment personnel, que ce cheminement est seulement le mien.

J’ai pourtant envie de le poser noir sur blanc pour le comprendre un peu mieux.

Et j’espère que cela pourra entrer en résonnance avec certains ou certaines d’entre vous, qui, comme moi, aimez lire comme on aime la vie, pour ses ratés comme pour ses bonheurs. Vous pourrez peut-être m’aider à comprendre où m’emmène ce chemin étonnant qui louvoie entre les écrans et le papier, entre l’encre et la lumière des diodes, entre le virtuel et le réel, le concret et l’abstrait.

Je vais donc poser quelques réflexions, un peu comme elles viennent, sans vraiment les hiérarchiser ou les relier entre elles. Peut-être qu’une cohérence s’en dégagera a posteriori.

Bienvenue dans les états d’âme d’un lecteur du XXIe siècle…

Coûts

Avez-vous remarqué un étrange paradoxe ?

La version numérique d’un livre a un coût de production ridiculement faible une fois qu’on a le texte lui-même. La maquette ePub peut s’obtenir presque automatiquement avec certains outils, même si à mon humble avis, pour avoir quelque chose de propre et de vendable, mieux vaut mettre les mains dans le code. Même dans ce cas, le salaire d’un spécialiste n’atteindra pas les coûts énormes d’un imprimeur, d’un transporteur et d’un entrepôt.

Et pourtant, le prix d’un livre numérique vendu dans le circuit classique de l’édition est souvent très peu différent du format papier du même livre. Même dans le genre de l’imaginaire.

On peut parfois s’y retrouver lors des opérations spéciales faites dans certains circuits de distribution numérique, comme 7switch, mais cela reste tout de même assez rare. Ou bien avec les réalisateurs artisanaux de livres numériques (ceux que l’on appelle les autoédités).

Un livre en format papier ne coûte donc pas beaucoup plus cher que la version numérique, et pour la différence, on acquiert un objet physique dont la lecture est plus traditionnelle et ne nécessite pas de technologie.

Je trouve donc que, quitte à payer mon livre assez cher, je préfère l’avoir en papier.

Écologie

Encore un paradoxe.

Au début de la lecture numérique, dans les années 2000, il était courant d’entendre l’argument de l’empreinte écologique catastrophique du livre papier, qui était affublé du sobriquet de “format arbre mort”. Le livre numérique, virtuel, ne coûte pas la vie à un arbre et ne requiert pas de pétrole pour faire rouler les camions qui transportent des tonnes de bouquins hideusement emballés dans du plastique (encore de la pétrochimie).

Oui, mais nous avons un peu plus réfléchi, dans les années 2010, et un livre électronique nécessite tout de même un stockage informatique sur un serveur dans un datacenter qui consomme beaucoup, beaucoup d’électricité, produite parfois avec de la pétrochimie. Ce serveur est constitué de plastiques, mais aussi de composants électroniques qui sont obtenus à partir de terres rares, dont l’extraction est une calamité écologique. Il nécessite aussi, pour être lu, un appareil technologique obtenu à partir de composants utilisant également des terres rares. Cet engin fonctionne aussi à l’électricité, et consomme donc de l’énergie à chaque fois qu’on veut lire.

Tout bien considéré, qui peut dire quelle façon de lire est la moins polluante ?

Personne.

Genres et sujets

Autre paradoxe.

Si presque tous les livres de fiction (notamment dans les littératures de l’imaginaire) sont disponibles en numérique, alors qu’il n’est pas forcément vital de prendre des notes ou de rechercher précisément un terme rapidement pour le retrouver plus tard, les ouvrages de référence, donc de non-fiction, le sont rarement alors que ce serait une aide précieuse que de pouvoir prendre des notes, faire des renvois, disposer d’un glossaire renvoyant directement au passage recherché, et autres choses que permet exclusivement le format numérique.

En gros, ce sont les ouvrages dont on aurait le plus besoin qui manquent.

C’est particulièrement vrai dans mon domaine, celui du soin. 90 % des ouvrages n’ont qu’une édition papier (d’après un sondage réalisé à partir d’un échantillon représentatif de moi-même).

Plaisirs

L’odeur du papier, sa texture, celle de la couverture, parfois gaufrée ou vernie de façon sélective, sont des plaisirs évidents pour qui aime lire. Mais d’autres viennent peu à peu à manquer avec le numérique.

Le poids d’un livre, s’il peut parfois être un peu désagréable dans le cas des pavés gargantuesques de certaines éditions, est aussi paradoxalement un plaisir, même lorsqu’il frise l’obésité. Il est aussi impressionnant que rassurant. On se dit qu’on va avoir du chemin à accomplir avec les personnages, avec l’auteur, et ce chemin est physique. La mesure du compteur numérique d’un nombre de pages restant n’a pas cette force tangible.

Car pour moi lire est une immersion qui passe aussi par le corps. Et je m’en rends compte de plus en plus, avec les années. Je crois que lire n’est pas seulement un loisir de l’esprit, mais une attitude corporelle. On se tient d’une certaine manière, on change de position, on se crispe ou se décontracte en fonction de ce qu’on lit. Le corps est vigilant.

Ce n’est pas du sport, bien entendu. Mais ce n’est pas uniquement une activité intellectuelle.

Et d’autres plaisirs, d’autres sensations, y sont associées. L’odeur est aussi celle de l’encre.

La mise en page est diablement importante, et certains ouvrages pourront être doublement agréables à lire et immersifs pour peu que l’éditeur ait prévu une maquette plaisante. Cette réflexion est d’autant plus évidente à mes yeux maintenant que je me suis lancé à mon tour dans la réalisation de livres. Je me rends compte de l’importance primordiale de la maquette dans le confort de lecture et dans le pouvoir du livre à faire entrer le lecteur dans son monde.

Pour moi, une bonne maquette se compose de quelques ingrédients simples.

  • Une fonte confortable et lisible, mais si possible éloignée du Times New Roman de taille 12 points, qui fait trop penser à un document Word.
  • Une typographie qui épouse le sens du texte. Par exemple un changement de fonte pour signifier qu’il s’agit d’un SMS ou d’un mail, un changement en italique pour un flashback ou un flashforward.
  • Un en-tête et des numéros de page me permettant de savoir où j’en suis de la lecture.
  • Un interlignage calculé pour que les lignes ne soient ni trop proches ni trop éloignées les unes des autres.
  • Des lettres d’une bonne taille mais pas non plus trop grandes (j’aime lire des romans et des essais, pas des livres pour enfants, même si de temps à autre il ne me déplaît pas de faire la lecture à des bambins).
  • Et surtout, surtout, des marges confortables pour ne pas risquer de mettre mes doigts sur du texte.

Cela veut dire des marges extérieures plus importantes que les marges intérieures, elles-mêmes assez importantes pour que le texte ne fasse pas de plongeon à chaque fin de ligne sur la page de droite ou ne surgisse des ténèbres en début de ligne sur la page de gauche, ce qui oblige à plier la reliure du livre de façon excessive. Non seulement ça fait mal aux doigts mais en plus ça abîme le bouquin…

Or, tout au moins sur ce dernier point, on voit beaucoup l’inverse depuis quelques années (c’est-à-dire des marges extérieures plus petites que les marges intérieures) même sur des livres papier en grand format. Sans parler des livres de poche qui, pour avoir leur charme eux aussi, ont tendance à réduire les marges extérieures, intérieures, basses et hautes à leur plus simple expression. C’est inconfortable et ça me gâche parfois le plaisir.

On pourra alors penser que le livre numérique, qui offre la possibilité au lecteur de choisir sa fonte, son interlignage, la taille des caractères et des marges, est pour moi parfait.

Pas tout à fait.

Car peu de livres numériques sont conçus de manière à reproduire les changements de fontes et de typographie qui sont si importants pour moi, et puis le poids d’un iPad ou d’une liseuse n’est pas celui d’un livre, et enfin, surtout, on ne tient pas un iPad ou une liseuse comme on tient un livre. Je trouve la tenue moins naturelle et moins confortable.

Il est vrai que la lecture numérique a un avantage indéniable : pouvoir exister dans une pièce sombre ou même noire si on a un appareil rétroéclairé et un mode sombre.

La vie d’un livre

Un autre plaisir de lecteur assidu : relire un livre. Parfois plusieurs fois.

Frissonner lors des mêmes passages. Les anticiper. Et frissonner par anticipation.

Nous pouvons faire cette expérience en lisant sur papier ou en numérique.

Mais sur papier, nous aurons des repères physiques immuables alors que la pagination peut changer en numérique.

Mais sur papier, nous aurons aussi des marques possibles sur la texture. Une page cornée, par exemple.

Un livre papier vit. Il est organique, par essence. Il pourra garder des marques gagnées au cours de son existence entre les mains de ses différents lecteurs ou des différentes lectures.

Je ne suis pas de ceux qui annotent leurs lectures, mais il m’est arrivé d’hériter de livres dont les précédents propriétaires, parfois disparus depuis longtemps et que je ne connaissais même pas, avaient laissé quelques mots dans la marge, au crayon à papier. J’ai trouvé cela très beau.

Un fichier ePub ou Kindle restera le même, inchangé, durant l’éternité. Et s’il est plus facile de mettre des notes, celles-ci sont stockées dans l’appareil, pas dans le fichier. Il faut alors passer par quelques astuces pour récupérer ses notes et les transférer dans l’appareil suivant quand le premier tombe en rade…

Le caractère immuable du numérique peut aussi être un gage de longévité, pour peu que les technologies pour lire le format soient encore valables dans cent ou deux cents ans… mais lorsque l’on est suffisamment geek pour connaître l’histoire des formats technologiques, on sait ce qu’il peut advenir de supports aussi éternels que les cassettes VHS…

Un livre fait de papier, s’il est protégé de l’humidité et du feu, pourra être lu dans cent ou deux cents ans par quelqu’un qui maîtrisera la langue dans laquelle il est écrit.

Pour cela, bien sûr, il faut aussi que le livre soit suffisamment bien fabriqué.

Ce qui veut dire que les couvertures au dos carré collé qui sont la norme dans l’autoédition de par la prééminence technique d’Amazon ne sont pas forcément les mieux placées…

On préférera la reliure cousue… si l’on parvient à trouver à qui la faire réaliser…

Consommation

Le caractère virtuel d’un livre numérique l’assimile dans l’esprit des lecteurs aux autres fichiers informatiques. Que faisons-nous de nos fichiers informatiques ? Nous les archivons sans vraiment nous y intéresser. Nous les produisons et les oublions dans un coin de l’ordinateur.

Une preuve de ce que j’avance ?

Non, deux preuves, en deux mots : photographies, morceaux de musique (bon, quatre mots…).

Depuis l’avènement de la photographie numérique, nous prenons des photos tout le temps, à tout bout de champ, là où auparavant une photographie était un événement en soi. Qui parmi nous regarde encore ses photographies numériques de temps à autre ? Je veux dire, à part celles qu’on partage sur Instagram ? Je vous laisse juge de la quantité de musique que vous écoutez par rapport à la quantité de morceaux informatiques que vous possédez. C’est pire encore si comme moi vous vous êtes converti au streaming légal.

Je me rends compte que nous consommons la musique, nous ne l’écoutons plus vraiment, ou alors si rarement.

Nous consommons des photos sur Instagram. Nous ne regardons plus celles que nous prenons nous-mêmes.

Je me suis surpris à accumuler des fichiers de livres numériques et à les laisser dormir dans mon ordinateur ou mon iPad, de la même façon que pour mes photos.

Certains livres numériques sont là, à attendre mon bon vouloir, depuis quelques années.

Je n’ai pas lu tous les livres papier de ma bibliothèque (car j’en ai hérité parfois), mais acheter un livre papier revêt une autre importance, et généralement je commence assez vite ma lecture.

Lecture fractionnée

Le temps file. C’est le luxe ultime que de le posséder en quantité suffisante.

Suffisante pour lire, bien sûr. Lire vraiment, comme une véritable activité, en prenant son temps. En prévoyant une bonne heure rien que pour faire honneur à l’ouvrage, sans être interrompu par la sonnerie d’un mail ou d’un SMS. Sans décrocher parce qu’on doit accomplir une tâche en particulier, sans être dérangé par un coup de téléphone intempestif.

Ce temps-là devient rare.

Et lire peut rester un besoin vital pour certains, comme pour moi. Alors on s’adapte.

On adapte sa façon de lire. On fractionne sa lecture. On lit trois phrases dans un bus, un chapitre dans le métro, dix pages dans une salle d’attente. On lit donc sur liseuse, car c’est plus pratique qu’un livre, c’est moins encombrant, c’est plus léger, et cela peut être dégainé aussi simplement qu’un ticket de métro. Mieux, on finit par lire sur un téléphone portable, qui même s’il gagne en taille d’écran chaque année n’affiche que quelques phrases à la fois.

Certains auteurs l’ont bien compris, qui écrivent des chapitres très courts, nerveux, qui se lisent vite.

J’ai pour ma part envie de lire de longues heures d’affilée. De déguster les mots. Sans traîner. Mais sans me presser non plus.

Objet & possession

Posséder des livres, cela prend de la place. Beaucoup de place. Il faut des étagères, des bibliothèques. Des mètres carrés.

Un fichier informatique n’a pas d’encombrement physique. Rien n’empêche de stocker toute sa bibliothèque dans une seule liseuse, suivant le modèle que l’on possède. Et cela est économique quand on songe à toute cette place gagnée. Nous n’habitons pas tous dans des maisons ou des appartements assez vastes pour accueillir une pièce dédiée aux livres.

Et puis posséder prend une valeur différente dans notre société qui tente de mutualiser pour réduire son empreinte écologique ou économique. On mutualise les espaces de travail, les vélos, les voitures. Pourquoi ne pas mutualiser les livres en les empruntant à la bibliothèque ?

Pourtant, la possession d’un livre a une autre portée, symboliquement.

Finalement, on peut dire que je possède mes livres, mais aussi qu’ils m’ont adopté.

Notre civilisation a développé un lien purement utilitaire voire utilitariste aux objets. Un lien qui leur a ôté toute valeur autre. Même l’esthétique est parfois sacrifiée. Pourtant, il ne s’agit pas vraiment de dépouillement matériel, contrairement à ce qu’on pourrait croire, puisque nous finissons par posséder un nombre incalculable de choses. Un nombre si grand que les objets en perdent d’autant plus de valeur individuellement, sans que nous puissions cependant nous détacher d’eux. Nous sommes doublement prisonniers de notre matérialité : nous ne pouvons plus fonctionner sans objets, mais nous n’y attachons plus de valeur. C’est même étonnant de se rendre compte que la prise de conscience écologique pourrait encore amplifier cette tendance du matérialisme utilitariste désincarné.

Finalement, ne pas accorder d’importance aux objets en restant dans une dépendance vis-à-vis d’eux conduit à ne plus s’intéresser à l’objet lui-même, à ne plus en prendre soin, ce qui peut aller jusqu’à se désintéresser de la façon dont il est produit et dont il continuera sa vie (ou la finira) après que nous nous en sommes servis. Ce désintérêt est à la base de comportements actuellement délétères pour la Nature et pour nous-mêmes. Le tout-jetable, le tout-consommable.

Je suis partisan d’une approche radicalement différente.

Dans ma façon de voir les choses, un objet est la production d’un être humain qui y a mis toute son attention, parfois pendant un temps assez long. C’est le produit d’une chaîne d’inventeurs, d’avancées humaines. C’est un morceau de notre humanité. Comme tel, et surtout s’il a été fait dans le respect de certaines règles, incluant le souci de préserver les ressources naturelles, mais aussi la santé de ceux qui l’ont fabriqué, un objet n’a pas qu’une valeur utilitaire. Il a une valeur esthétique, une valeur symbolique. Une valeur émotionnelle, parfois. Et presque toujours.

Pour moi, on doit donc respecter un objet.

Cela inclut la nécessité de s’intéresser à la façon dont on en prend soin, dont il a été fabriqué, et à son devenir.

Certains objets ont une charge émotionnelle ou symbolique plus forte.

Pour moi, les livres entrent dans cette catégorie.

Un livre que l’on considère ainsi devient précieux, même s’il en existe des milliers ou des millions d’exemplaires à travers le monde. Et posséder un tel objet donne une certaine responsabilité. On doit en prendre soin. On doit aussi le faire découvrir, le faire lire à d’autres.

Je peux encore aller plus loin dans la description de mon lien affectif et émotionnel aux objets et aux livres.

Car certains ne sont pas loin d’avoir une âme, un esprit, dans ma façon de voir.

C’est que je me sens proche de la pensée animiste, sans me départir pourtant de ma posture agnostique. Je nomme souvent les objets dont je me sers souvent. Et en leur conférant un nom, je leur assigne non plus une fonction mais aussi une importance.

Mon ordinateur principal, celui avec lequel j’aime écrire, porte le nom de Tezcatlipoca, le Miroir Fumant, d’après le dieu aztèque. Autant vous dire que lorsqu’il sera temps de mettre Tezcatlipoca à la retraite, ce sera en m’assurant de son devenir.

On peut sourire de cette habitude (ne vous gênez pas, j’en souris et m’en moque moi-même) mais je crois qu’elle a au moins une vertu : celle de me faire prendre conscience de la responsabilité de posséder un objet dans un monde où les ressources sont limitées.

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Soigner & se soigner, un apprentissage

Soigner & se soigner, un apprentissage

Soigner & se soigner, un apprentissage

J’ai pour métier de soigner depuis maintenant plus de vingt ans (sans compter mes années d’étude avant l’internat de médecine générale, car je n’étais pas en responsabilité) et je continue à constater qu’il existe une large incompréhension entre la façon dont les professionnels voient le soin, et celle dont la population générale l’entend. Vous me direz avec justesse que si les uns voient et les autres entendent, ils risquent en effet de ne pas pouvoir se parler, ce qui nous ramènerait à la métaphore des trois singes…

C’est qu’il y a, je crois, un fossé entre ce qu’est profondément l’acte de soigner, et ce que notre société occidentale moderne en a retenu. Un fossé qui parfois a des allures de gouffre, d’ailleurs. Car les valeurs portées par les soignants sont souvent en contradiction avec celles de l’environnement social.

J’ai déjà essayé de montrer en quoi le métier de soin était un métier un peu à part.

J’ai déjà effleuré le sujet d’une démarche de soin à la fois respectueuse de ce qu’elle est et des personnes.

J’ai également clamé que pour moi, le métier de soignant n’a pas été et ne sera jamais une vocation.

Pourtant, j’ai parfois été confronté à la demande de patients qui, trouvant nos échanges en consultation agréables, voulaient passer à une relation plus amicale. La nécessaire séparation entre relation de soin et relation amicale n’est pas une évidence pour bon nombre de personnes.

Plus encore, l’opposition qui peut exister entre le soin aux autres et le soin accordé à soi-même chez les soignants montre que même ceux dont le métier est pourtant le soin ont du mal avec la notion même de ce qu’il peut recouvrir pour eux-mêmes.

Le concept de soin est victime d’une confusion entre l’empathie et la compassion, entre la distance et le cynisme, entre la bienveillance et le paternalisme, entre le pouvoir et la faiblesse, entre l’altruisme et le sacrifice. Chez ceux que l’on nomme les “patients”. Mais aussi chez les soignants.

J’en suis venu à penser que c’est sans doute parce que, loin d’être un concept évident, le soin est avant tout un apprentissage. Un apprentissage humain autant que technique. Un apprentissage de la relation à l’autre. Et surtout un apprentissage de la relation à soi-même et au monde.

Parce que cet apprentissage est toujours en cours pour moi, et sans doute parce qu’il le sera toute ma vie, j’avais envie de faire un peu le point sur ce que j’en ai compris jusqu’ici.

Soigner & prendre soin

Si l’on s’en tient à l’étymologie, soigner viendrait du latin soniare, s’occuper de.

Quand on soigne, on s’occupe de quelqu’un. On en prend soin. On y prête attention.

Les Anglo-saxons font une distinction assez intéressante entre le cure (soigner un malade atteint d’une maladie, donc, un traitement médical) et le care (prendre soin de quelqu’un même sans chercher à éradiquer une maladie, juste en veillant à ce que ses besoins soient satisfaits). Une distinction que l’on peut faire en français entre soigner et prendre soin.

Mais quelles que soient les définitions, l’acte de soin (care ou cure) est un acte d’aide, dans lequel quelqu’un va s’investir envers une autre personne. L’un va tendre la main vers l’autre pour le sortir d’une situation difficile, comme s’il l’aidait à escalader une paroi. Pour moi, le care et le cure visent à la même chose : rendre à l’autre sa capacité à vivre selon ses choix.

Il s’agit d’aider à conserver ou recouvrer la santé, qui “n’est pas simplement l’absence de maladie” (je vous renvoie à la définition de santé selon l’OMS).

Cette “main tendue” entre une personne qui aide (le soignant) et une autre qui est aidée (appelons-la le patient) est pour moi la meilleure métaphore de l’acte de soin, parce qu’elle exprime à la fois la position relative de chacun et les forces et faiblesses de ces positions l’une par rapport à l’autre.

Le soignant tend sa main depuis une position en surplomb. Il a une vision globale du problème qui se pose au soigné en dessous de lui. Il voit parfois bien les prises que celui-ci pourrait saisir. Il va fournir un effort pour soulever un peu plus le soigné vers ces prises, lui permettant de prendre appui et de se hisser enfin là où il le voulait. Mais il doit prendre garde à ne pas lui-même perdre l’équilibre, à ne pas se laisser entraîner par le poids de la personne qui lui tient fermement la main. Il doit prendre garde à ne pas confisquer la liberté de celui qu’il aide et à ne pas le mettre sur une voie qu’il ne voulait pas suivre au départ.

Le soigné, lui, est collé à la paroi, avec un déséquilibre qui menace de le faire chuter à tout instant. Il voit sans doute une prise, la plus évidente, mais elle est hors de portée de sa main. Il connaît bien son corps, les forces qu’il lui reste, les faiblesses qui l’empêchent de se hisser seul jusqu’à la prise. Il connaît le matériel dont il dispose, parce qu’il sait où il est allé l’acheter, qui le lui a donné. Il sait où il voudrait aller une fois l’équilibre atteint. Il n’a besoin que d’un petit coup de pouce pour se hisser jusqu’à la prise suivante et il pourra continuer son chemin. Mais cela restera son chemin à lui. Il doit prendre garde à ne pas se laisser dicter sa voie par celui qui se trouve en haut. Il doit trouver sa propre voie.

Il faut être conscient d’une chose essentielle à propos de la relation de soin : son asymétrie fondamentale.

Cette asymétrie existe même si la finalité de tout acte de soin est (ou devrait être) de l’abolir en rendant au patient le pouvoir sur sa vie, sa décision de prendre une prise ou une autre, de lui redonner la pleine maîtrise de ses responsabilités, pour qu’il poursuive sa route comme il l’entend.

Pendant l’acte de soin, cette asymétrie est un axiome indépassable, et l’on peut même s’en servir, jusqu’à l’inverser par exemple dans les thérapies systémiques brèves où le thérapeute peut sciemment utiliser une autre position que celle du haut de la falaise pour la remplacer par une place plus basse que celle du patient.

C’est d’ailleurs cette asymétrie, encore, qui permet la confiance du patient envers son soignant. Le soignant se voit confier quelque chose d’impalpable, qui est la croyance que le patient a sur le fait que le soignant/thérapeute peut l’aider (mais nous y reviendrons).

Pour résumer, il me semble que soigner c’est une aide respectueuse d’une personne envers une autre dans une situation de santé donnée, plus ou moins longue, afin d’atteindre un objectif impossible ou difficile à atteindre seul par le patient.

En ce sens, soigner et se soigner soi-même sont deux situations très différentes que nous verrons plus loin, mais se rejoignent sur une notion commune de respect.

Car se soigner soi-même, c’est tout d’abord prendre soin de soi, faire attention à soi (care). Cela peut aussi être traiter soi-même une affection dont on est atteint (cure). Avant d’aller plus avant dans le détail, j’insiste sur le respect de soi-même que cela implique. Faire attention à soi c’est respecter ses rythmes propres, son corps, son esprit, éviter de se maltraiter. Traiter soi-même une affection doit se faire aussi dans le respect de ces mêmes rythmes, de son corps, de son esprit, et éviter tout autant de se maltraiter. Et s’il n’y a pas ici de personne-ressource, de personne qui aide, on voit bien devant quelle difficulté on se trouve : on n’a pas de vision globale de la situation… ce qui peut facilement mener à se maltraiter soi-même…

Soigner

Mais entamons donc notre chemin vers le cœur du métier de soignant, puisque nous avons maintenant une définition de l’acte de soin qui, pour imparfaite qu’elle soit, peut constituer une base de discussion.

Aider quelqu’un nécessite quelques préalables.

D’abord avoir la capacité à savoir ce que cette personne peut ressentir dans la situation qui est la sienne. C’est l’empathie.

Puis la volonté de lui apporter du bien, la bienveillance.

Une fois que la personne aura saisi que le soignant possède ses deux qualités et qu’elles sont bien dirigées vers elle, alors peut naître la confiance que cette personne va accorder au soignant, mais aussi la confiance que le soignant aura dans son patient, parce que oui, la relation est vraie dans les deux sens.

La rencontre de ces deux confiances fera naître l’alliance thérapeutique, c’est-à-dire la qualité essentielle d’une relation capable de mener vers l’objectif grâce à la coopération du soignant et du soigné.

Corollaire de l’empathie est la faculté du soignant à prendre de la distance avec son patient. Il ne s’agit pas de se retrouver à ressentir les mêmes choses que la personne malade, mais juste à la comprendre pour avoir une chance de lui apporter des ressources qu’elle n’avait pas au départ (ou qu’elle ne savait pas posséder, nuance intéressante). Un degré de recul est donc nécessaire à chaque instant de la relation de soin ce qui, nous le verrons, peut rendre difficile certaines situations où des proches sont impliqués.

L’empathie

Première qualité indispensable à posséder dans votre trousse si vous êtes soignant ou pensez le devenir, l’empathie est cardinale, la pierre angulaire de tout. C’est elle qui va permettre de s’engager envers l’autre.

Pour une définition claire de l’empathie, je me tourne vers le site de La Toupie qui est particulièrement pertinent. Une approche plus scientifique dans la forme est aussi disponible là.

L’empathie est donc en psychologie la faculté de comprendre intellectuellement les émotions de l’autre, de savoir intimement ce qu’il peut ressentir, mais sans toutefois faire de confusion entre soi et l’autre.

Et c’est, je crois, le plus important à retenir.

Il ne s’agit pas de se laisser déborder par la souffrance éventuelle de l’autre, par ses émotions.

Nous devons la prendre en compte, la comprendre intimement. Mais nous ne sommes pas l’autre.

Il est donc important de se garder d’entrer en sympathie (littéralement ressentir avec l’autre, comme l’autre). Le mot a en effet un sens bien précis en psychologie, qui est un peu différent du sens qu’il a dans le langage courant, même si l’on comprend bien la filiation entre les deux. Nous pouvons trouver sympathique (donc aimable dans le sens que sympathie a dans le langage commun) une personne avec laquelle nous pouvons ressentir les mêmes émotions sans forcément en ressentir les mêmes causes. La distinction entre empathie et sympathie est elle aussi sujette à débats, mais cet article explique bien la différence entre les deux concepts. La sympathie y est bien décrite comme un état de “contagion émotionnelle” qui n’implique pas véritablement la compréhension de l’autre, mais simplement de l’émotion qu’il exprime.

En ce sens il est fondamental de distinguer les deux et pour un soignant de se tenir strictement du côté empathique, et non du côté sympathique.

La bienveillance

La bienveillance est la deuxième qualité nécessaire à un soignant.

Mais elle n’est pas aussi simple qu’il y paraît.

Littéralement, “veillez au bien” de quelqu’un, la bienveillance est le fait d’agir envers une personne dans le but qu’il en ressorte du bien pour elle. On pourrait presque superposer le terme à celui de soigner, prendre soin, et ce n’est pas anodin, puisque c’est une composante fondamentale du soin.

La bienveillance peut se concrétiser par un acte d’aide, mais suppose tout d’abord une intention.

Une intention qui vise d’abord à éviter toute malveillance, donc toute nuisance à l’autre, par ses paroles ou ses actes. C’est le fameux primum non nocere d’Hippocrate. Pour être sûr de veiller au bien de quelqu’un, la première étape est de s’assurer que l’on ne lui fait pas de mal. C’est pourquoi comme médecins nous faisons très attention aux effets secondaires potentiels des traitements ou des examens que nous prescrivons, ce qui peut parfois irriter les patients qui pensent que nous leur refusons par souci d’économie ou mauvaise foi. Non, si nous suivons le principe de bienveillance, nous nous assurons d’abord de ne pas nuire à notre patient, et nous le protégeons, y compris des écueils de notre propre technique médicale moderne. Y compris parfois de dangers dont il n’est pas conscient. Y compris en refusant de prescrire ce qui ne nous semble pas aller dans son intérêt.

Et c’est là que nous allons entrer dans les paradoxes qui expliquent pourquoi il est si compliqué d’être bienveillant parfois.

Car parfois, la bienveillance véritable peut avoir l’apparence d’un refus.

Plus encore, parfois, la bienveillance peut prendre l’apparence d’une absence d’aide.

On peut être amené à refuser de faire quelque chose pour quelqu’un dans le but bienveillant de lui permettre d’apprendre à le faire seul, à devenir autonome. Ainsi, il pourrait paraître maltraitant de ne pas prescrire de somnifères à une personne qui ne parvient pas à dormir convenablement. Or, au contraire, c’est rester bienveillant que de lui apprendre à gérer son sommeil et ses insomnies seule, sans l’aide d’une chimie aux effets secondaires trop bien connus. Cet apprentissage, une fois fait, lui permettra de ne plus avoir besoin d’aide par la suite.

Je ne sais si ce proverbe chinois existe vraiment, mais on raconte qu’il dit, en substance :

Donne un poisson à un mendiant, il mangera un jour ; apprends-lui à pêcher et il mangera toujours.
Proverbe Chinois

Et d’ailleurs, il ne sera dès lors plus un mendiant…

Il est donc plus bienveillant de ne pas combler le besoin le plus immédiat, mais d’aider à trouver les ressources qui permettront de devenir autonome.

Cela semble simple, mais en pratique, pour un soignant que toutes les écoles (médecins, infirmières, kinésithérapeutes, etc.) ont formé dans le soulagement de la souffrance, accepter de parfois différer le soulagement immédiat pour viser un plus grand bien est très difficile.

On peut aller encore plus loin, d’ailleurs, pour être bienveillant, et peut-être qu’un jour je vous parlerai des thérapies provocatrices.

Mais dans tout ce qui précède, certains vont déjà commencer à parler de paternalisme.

Et bien justement, non.

La bienveillance n’a rien à voir avec le paternalisme.

Refuser de prescrire n’a rien à voir avec du paternalisme (si l’on est bienveillant).

Le paternalisme, mot inventé au XIXe siècle après que le Code civil napoléonien a gravé dans le marbre la figure du patriarche comme maître incontesté d’une famille, consiste dans la certitude d’un thérapeute, un soignant, de savoir mieux que son patient ce qui est bon pour lui, et de le maintenir indéfiniment (si ce n’est infiniment) dans cet état de dépendance, comme un père abusif avec ses enfants toujours considérés comme étant sous sa tutelle.

Est paternaliste le médecin qui prend les décisions à la place de son patient.

Est paternaliste celui ou celle qui n’explique rien de ce qu’il sait, garde son savoir et s’en sert pour conserver le pouvoir que cela lui donne sur son patient.

Est paternaliste celui ou celle qui garde sa place de supériorité.

Or, comme nous venons de le voir, le but d’une véritable bienveillance est l’autonomisation du patient, son indépendance. C’est lui rendre sa liberté, justement, à l’inverse du paternalisme.

Et c’est pour cela que la véritable bienveillance est avant tout absence de jugement, notamment moral, sur le vécu du patient. Sur sa souffrance, ses symptômes, ses espoirs, ses désirs. Sur sa vie.

Plus encore, c’est une absence de jugement sur les croyances du patient. Y compris les croyances que nous ne partageons pas.

Et là encore, cela ne veut pas dire qu’il faut être d’accord avec lui. Ça ne veut pas dire que l’on entre en sympathie avec ces croyances… Rappelez-vous, l’empathie, c’est la faculté de comprendre ce que vit l’autre, pas de devenir l’autre.

Être à la fois empathique et bienveillant, c’est accepter l’autre tel qu’il est, même et y compris dans ce qu’il a de différent de soi-même. C’est bien faire la différence entre soi et l’autre, et pourtant, accepter que l’autre puisse avoir des croyances, des désirs, des buts, différents de soi-même.

Être à la fois empathique et bienveillant, c’est accepter d’entrer dans une véritable relation avec cet autre, et de trouver comment aider cet autre à trouver ou retrouver un équilibre, une autonomie. Lui permettre d’aller où il le désire, ou du moins le plus loin possible, en restant soi-même c’est-à-dire différent de lui.

D’autres que moi ont mieux expliqué cette disponibilité à l’autre, comme François Roustang qui l’a même érigée en fondement de la position de thérapeute.

Je ne vous avais pas menti en vous prévenant quelques paragraphes plus tôt que la bienveillance, ce n’était pas aussi simple qu’on le croit au premier abord.

D’ailleurs :

La confiance

La troisième force à l’œuvre dans une relation de soin est bien sûr la confiance.

Confiance du patient envers le soignant. Et aussi confiance du soignant envers le patient.

C’est parce que le soignant est à la fois empathique et bienveillant que le patient peut se sentir en confiance avec lui (ou elle) et peut s’autoriser à partager réellement le fond du problème, sans masquer ou enjoliver.

La confiance c’est cette certitude un peu impalpable que la personne qui nous aide, à laquelle on parle, possède quatre qualités indispensables.

L’empathie et la bienveillance, comme nous venons de le voir.

La compétence, ensuite. Il est en effet plus facile de se confier à quelqu’un que l’on sait posséder un savoir qui nous fait défaut, une expertise reconnue, une expérience étayée.

Le secret, enfin. Même si nous en parlerons dans un prochain article, le secret est la pierre angulaire de tout soin.

On touche tant à l’intime que se confier sans fard nécessite la certitude que ce que l’on dépose ne pourra pas être utilisé contre nous, ne pourra pas être dévoilé, à quiconque. C’est bien sûr particulièrement vrai dans des affections ou troubles psychologiques, mais ça peut aussi l’être dans une fracture de la jambe si elle a des conséquences que je veux cacher pour une quelconque raison, et sur lesquelles je veux que le soignant qui s’occupe de moi garde le secret envers qui que ce soit d’autre que moi.

Par défaut, le secret, en matière médicale, est absolu.

Rien de ce qui se dit entre les quatre murs de la salle de consultation ne peut en sortir. Absolument rien. Hormis bien entendu des cas très spécifiques qui sont très encadrés par la loi.

Ainsi, le soignant assure à son patient une écoute inconditionnelle, et le patient sait avec certitude qu’il sera respecté.

La rencontre : l’alliance thérapeutique

Une fois la confiance établie, peut naître ce que l’on appelle l’alliance thérapeutique.

Elle est un peu le bras armé de la confiance.

Comme une véritable alliance, elle suppose que chacun mette à disposition de l’autre des ressources qui seront utilisées dans un but commun.

Le soignant dépose dans cette alliance son expertise, sa bienveillance. Il va aider le patient à sortir de la situation qui le fait souffrir.

Le patient, quant à lui, dépose sa volonté de changement, sa confiance, et ses actes.

J’insiste sur le terme d’alliance car il suppose clairement la participation active du patient.

On peut déployer toute la science médicamenteuse du monde, si le patient ne prend pas ses médicaments, rien ne pourra se faire. On peut avoir le meilleur diagnostic au monde, si le patient ne dit pas certains symptômes (pour quelque bonne raison que ce soit), le diagnostic sera faux.

Il est donc essentiel que la relation soit basée sur une confiance réciproque et une même volonté, qui se traduise des deux côtés par des engagements.

Le patient s’engage à faire ce qu’il peut pour aller mieux, c’est-à-dire : ne rien cacher de ses symptômes, de ses difficultés, de ses craintes, de ses espoirs ; accomplir ce qui aura été “prescrit” (en réalité décidé à deux) : examens complémentaires, traitements ; faire un retour honnête de ce qui s’est passé pendant ce traitement, des nouveaux symptômes qui pourraient apparaître, sur ses craintes si de nouvelles apparaissaient.

Le soignant s’engage à faire ce qu’il peut pour aider le patient à aller mieux : à écouter ses symptômes, à respecter les croyances et mode de vie du patient, à ne pas le juger, à le conseiller au mieux de son savoir et de ses capacités, à passer la main à quelqu’un d’autre si besoin était. Il s’engage à l’aider tant que le patient continue à agir de son côté.

Parce que cette alliance est une véritable relation, si l’un des deux n’accomplit pas sa part, il ne peut y avoir de soin.

Et au risque de choquer, je le clame bien fort : le soignant n’est pas là pour aider les personnes qui ne veulent pas faire l’effort d’être aidées. Autrement dit : on ne soigne pas quelqu’un contre sa volonté.

Hormis les cas d’urgence vitale, il peut donc arriver que je dise à un patient que notre collaboration a atteint ses limites.

La distance

L’alliance thérapeutique nécessite cependant qu’une certaine distance existe entre le soignant et son patient.

Comme nous l’avons vu, l’empathie n’est pas la sympathie.

Comprendre ce que vit l’autre n’est pas la même chose que le vivre soi-même.

Plus encore, la confiance suppose l’absence de jugement de la part du soignant.

Plus précisément, puisque notre esprit est conçu pour juger en permanence, le soignant doit être conscient des jugements que son esprit émet lorsqu’ils surviennent afin de faire un pas de recul, de ne jamais les exprimer bien évidemment et de se recentrer sur la personne qui est en face de lui (ou elle).

Car on assiste bien à la rencontre de deux personnes différentes, qui potentiellement ont des valeurs de vie différentes, des opinions différentes, des ressentis différents, des vécus différents. Il n’est donc pas question pour le soignant de plaquer ses propres valeurs de vie, opinions, ressentis ou vécus sur le cas de son patient ou de sa patiente. Cela implique d’accepter le patient dans toutes ses dimensions, sans en juger aucune, même et surtout si elles sont différentes ou opposées aux siennes. Même et surtout si elles sont les mêmes que les siennes, ce qui est une position encore plus difficile.

Créer une distance est donc essentiel. Cette distance permet de voir de l’extérieur quelles sont les dimensions du patient, et de les différencier des siennes propres.

D’elle découle aussi une distance sur les affects.

François Roustang provoque un peu, mais est tout proche lorsqu’il dit que le thérapeute doit être indifférent au devenir du patient. Car si le soignant ne veut pas agir à la place du patient, s’il veut préserver la liberté fondamentale du patient, s’il veut être bienveillant, il doit pouvoir accepter même la possibilité que celui-ci agisse d’une manière différente ou opposée à ce qui serait attendu (par le thérapeute).

Ce qui est difficile lorsque l’on a la position du thérapeute, celui qui aide, mais plus encore du docteur, celui qui sait. D’abord parce que la tentation du paternalisme est très présente chez les soignants (“je sais plus de choses que vous, vous devez obéir à mes ordonnances – cela vient d’ordonner, je le rappelle”), mais aussi chez les patients (“Mais Docteur, vous choisiriez quoi, vous ?”). Ensuite parce que c’est un vrai paradoxe que d’être celui qui aide, mais pas celui qui choisit. Le patient est, comme nous l’avons rappelé plus tôt, en position d’infériorité, car il a besoin de l’aide qu’il vient chercher.

Mais soigner, quand on réfléchit, cela peut autant être compris comme l’acte qui sort le patient du trou où il est tombé pour le remettre au même niveau que nous, que comme celui de le materner (ou paterner) pour le laisser dans cette position d’infériorité.

Vous allez me dire (et vous aurez bien raison de faire avancer le débat) : quelle est la différence avec l’amitié ? C’est vrai, dans l’amitié, du moins telle qu’on l’imagine habituellement, il est admis que l’on peut s’accorder avec des personnes qui sont si différentes de nous qu’elles pourraient en paraître opposées ; il est admis que l’on doit s’abstenir de juger l’autre ; il est admis que l’on soit là pour l’aider, inconditionnellement et sans s’attendre à ce que l’autre suive aveuglément nos conseils.

La distance n’est cependant pas la même.

L’implication émotionnelle n’est pas la même.

Dans l’amitié se joue un rapprochement émotionnel fort. Si fort que l’on entre en résonnance sympathique avec l’autre. On l’aime. Ce qui lui arrive peut nous toucher comme si cela nous était arrivé à nous. Car comme dans toute relation où entrent en jeu des sentiments, nous y plaçons certaines attentes. En premier lieu la réciprocité. On imagine bien que notre amie aurait elle aussi à cœur de nous aider si nous en avions besoin, on sait que l’on peut compter sur elle. On s’attend à ce que notre ami ressente de l’amitié pour nous également, qu’il soit émotionnellement engagé envers nous. L’amitié est forcément une relation réciproque où les deux ont la même place : celle d’un ami. Il n’y a pas de distinction entre les deux personnes, quand dans un soin il y a un soignant et un patient.

Ce que l’on partage avec un ami, c’est une intimité à deux. C’est se dévoiler soi et accepter que l’autre se dévoile en retour, d’une manière équilibrée, réciproque, mais libre, et notamment libre de ne pas tout dire. Et l’implication émotionnelle est telle, les sentiments s’en mêlant, que parfois ils s’emmêlent et que l’orage peut gronder dans la relation. On peut se fâcher avec un ami, et devenir indifférent ou au contraire ennemi. On peut créer du ressentiment, de la gêne.

Or il n’est absolument pas question de réciprocité dans une relation de soin. Il est question d’alliance thérapeutique. S’il y a relation dans les deux sens, c’est bien une relation asymétrique.

On peut discuter le cas de mon métier actuel, la médecine générale, dite “de famille”, où le soignant suit une personne (et souvent une famille) sur des dizaines d’années. Ce but “ponctuel” ne l’est plus vraiment dans le temps. Mais il est toujours à la base du contrat qui a noué l’alliance thérapeutique. Le médecin de famille est là pour aider lorsque cela ne va pas, ou pour aider à ce que ça continue à aller bien dans le cas de la prévention.

S’il entre dans l’intimité de la personne, ce n’est pas sur un pied d’égalité. On lui livre une intimité que même les amis ne connaissent pas. Que parfois la famille proche ou la personne qui partage le quotidien ne connaissent pas et ne connaîtront jamais. Le patient lui-même instaure cette distance à partir du moment où il confie ce genre d’événement, de question, d’acte, à son soignant.

Et c’est cette distance juste qui permet à la fois la confiance et l’alliance thérapeutique.

Être proche de ses patients, ce n’est pas être leur ami. C’est comprendre ce qu’ils vivent.

Être proche de ses patients, ce n’est pas souffrir pour eux, comme je l’ai lu un jour sur un réseau commercial de la part d’un de mes confrères, pourtant assez médiatique. Et si c’est le cas, c’est que le positionnement du soignant est totalement à revoir.

Être proche de ses patients, c’est accepter leur monde, y entrer sans faire de bruit, et leur permettre d’y faire quelques changements pour qu’ils puissent continuer à y vivre.

C’est être un peu un témoin détaché, à la fois empathique et compréhensif, à la fois guide et confident.

Nous ne sommes pas les soignants de nos amis ni les amis de nos patients.

Soigner ses proches

Alors ceci posé, on comprendra que je sois réticent à soigner mes proches.

Car un proche, famille, amie, amante, est une personne qui m’est liée émotionnellement. Et ce lien est constitué de sentiments. Il implique une pudeur d’un côté comme de l’autre. Une réciprocité d’implication émotionnelle. Parfois des non-dits. Cela ne veut pas dire que je n’aie pas la tentation, parfois, de m’immiscer dans une situation précise, un diagnostic ou un traitement.

Dans certaines circonstances, cela a même été important pour moi de donner mon avis. Et je peux facilement le partager si on me le demande. Mais j’essaie de garder cette distance qui est le gage d’un raisonnement clair et non biaisé par les sentiments.

Parce que oui, les sentiments peuvent biaiser nos raisonnements. C’est même fréquent.

Nous avons tendance soit à redouter le pire pour nos proches (un mal de tête pouvant cacher un cancer, vous vous en doutez), ou au contraire à minimiser tout ce qui leur arrive, parce qu’on refuse qu’ils puissent être atteints de quelque chose de grave (“mais non, c’est pas cassé, tu vois bien que tu marches, même avec la jambe en équerre…”).

Laissez-moi vous raconter une anecdote, que j’ai réellement vécue.

Il y a quinze ans, alors que j’étais médecin remplaçant, je travaillais pour un médecin que je connaissais bien et qui se trouvait faire des vacations dans un EHPAD où résidait une de mes grand-mères. Un beau jour, en plein remplacement, je suis appelé pour une visite à domicile en urgence… pour ma grand-mère.

Une douleur abdominale, avec constipation.

Vous comprendrez mieux la situation quand je vous expliquerai que certaines constipations sont provoquées par un bouchon de matières fécales (appelé fécalome) qu’il faut extirper manuellement…

Vous imaginez accomplir un toucher rectal sur votre grand-mère ?

Moi pas.

Ce qui me bloquait pour elle, cela n’aurait pas été le cas pour une autre patiente, car ce geste, je l’avais déjà fait des dizaines de fois auparavant, autant pendant mes études que plus tard.

Comme il n’y avait pas d’urgence vitale, j’ai choisi de ne pas effectuer ce geste, et j’ai pris le risque de faire autrement. Néanmoins, je n’ai pas pu faire mon travail correctement, car cela aurait voulu dire vérifier l’absence de fécalome.

J’ai donc préservé sa pudeur et la mienne.

Mais le risque que j’ai pris, et dont j’étais conscient, m’a hanté pendant des jours.

En somme, soit je faisais mon travail correctement, et je franchissais une limite, un tabou, que je ne pouvais pas assumer de violer, soit je ne le faisais pas correctement, et je supportais l’idée monstrueuse d’avoir mal soigné ma propre grand-mère.

C’est ce que l’on appelle un double-lien, une situation à laquelle il n’existe pas de bonne solution, pas d’échappatoire.

Les choses sont bien sûr différentes dans une situation d’urgence vitale.

L’enjeu vital efface toute autre considération, et lorsque cela m’est arrivé, l’action a été immédiate et instinctive.

Mais la proximité émotionnelle, familiale, les tabous, les relations interpersonnelles, les histoires de vie avec les personnes de notre entourage nous placent dans une position qui n’est pas compatible, à mon sens, avec une relation de soin. Sauf à s’entourer d’avis extérieurs assez fréquemment pour s’assurer par exemple de ne pas passer à côté d’un diagnostic.

Là encore, il m’est arrivé de devoir prendre le rôle du soignant, et la seule façon pour que cela soit tenable a été pour moi de demander l’avis d’un spécialiste sur la pathologie que je suspectais.

Finalement tout dépend de l’enjeu.

Vacciner soi-même ses enfants est un acte qui implique peu d’enjeux. Il peut exister bien sûr des effets secondaires dans les vaccinations, comme dans tout acte de soin. Mais pour moi cet enjeu est gérable, même s’il advenait que mon acte de vaccination soit à l’origine du déclenchement d’un effet secondaire. Peut-être que cet acte ne serait pas gérable par une autre personne, un autre soignant. Je le respecte.

Par contre, mener les investigations diagnostiques et thérapeutiques dans le cadre d’une suspicion de cancer, ou entrer dans l’intimité psychologique d’un proche serait au-dessus de mes capacités à me distancier.

Franchir la frontière ?

Il m’est difficile de soigner mes proches car je sens que je manque d’objectivité, et que souvent là n’est pas ma place.

Mais imaginons que le sentiment naisse, et que l’on soit tenté de franchir la frontière, de devenir l’amie ou l’amant d’une personne que l’on soigne.

Suffirait-il de ne plus soigner cette personne pour que le dilemme soit évacué et que l’on puisse sereinement vivre une histoire d’amitié ou d’amour avec elle ?

Ce n’est pas si simple.

S’il s’agit d’une personne que l’on a ponctuellement aidée à surmonter une fracture de la jambe, une fois la relation de soin évacuée, on pourrait imaginer qu’une relation symétrique puisse se mettre en place.

Mais soigner quelqu’un veut souvent dire connaître l’existence de certains aspects dans la vie de cette personne qu’elle n’aurait pas dévoilés à un ami. Cela aura pour effet de prolonger très longtemps, voire pour toujours, l’asymétrie de la relation. L’intimité que l’on dévoile à un soignant n’est pas la même que celle que l’on dévoile à un ami.

De plus, ce savoir crée un ascendant, au moins temporaire, de l’ex-soignant sur l’ex-patient. Cet ascendant me semble malsain dans une relation équilibrée.

Une relation d’amitié asymétrique est-elle vraiment une relation d’amitié ?

Et que dire d’une relation amoureuse asymétrique ?

Se soigner

Et si l’on est soignant, peut-on se soigner soi-même ?

La question est souvent l’occasion de se rendre compte que les soignants font tout à l’envers (moi compris). Ils considèrent pouvoir s’autodiagnostiquer et s’autotraiter, mais ne prennent pas soin d’eux-mêmes.

La notion de respect, que nous avons posée comme base nécessaire à une relation de soin, est étonnamment plus facile à ressentir et à appliquer pour beaucoup de soignants envers les autres qu’envers eux-mêmes.

Influencés sans doute par la notion de vocation qui entoure dans notre société tous les métiers de soins (dont vous savez ce que je pense), les soignants sont souvent la proie de deux syndromes complémentaires : le syndrome du sacrifice, et le syndrome du sauveur.

J’ai déjà dit ce que la vocation avait de connotation religieuse, cette “voix” qui appelle celui qui l’entend vers le devoir sacré de soigner. Dès lors que l’on entend entrer en médecine (au sens large, hein, c’est la même chose pour les infirmières) comme on entre en religion, on s’identifie soi-même à un moine ou une moniale. On fait don de soi, et comme les moines et moniales, de façon inconditionnelle. À la seule différence qu’il ne s’agit pas de se donner corps et âme à Dieu, mais aux autres.

En poussant le raisonnement, on parvient souvent à confondre le don de soi et l’abandon de soi.

On passe du moine au martyr.

Après tout, dans notre société monothéiste, la figure du guérisseur est associée au plus connu d’entre eux : celui qui peut même ressusciter Lazare.

Je n’ai pas besoin de rappeler quel fut son destin. C’est par son sacrifice final qu’il prend figure de sauveur.

Or, je soutiens que nombre de soignants sont, la plupart du temps à leur insu, imprégnés de cette image qui veut qu’à l’instar du Christ ils ne puissent gagner le droit de sauver leur prochain de la maladie (et donc de la mort) qu’en se sacrifiant eux-mêmes à cette cause.

Il existe la croyance tenace que lorsque l’on est soignant, on se doit aux autres au péril de soi-même. Parce que les autres sont bien plus importants que soi, on accepte de ne pas manger le midi pour voir deux patients de plus, on accepte de finir très tard le soir pour la même raison, on accepte de rogner sur ses vacances, de ne pas voir suffisamment ses enfants.

On accepte de refuser de prendre en compte ses propres besoins.

On se sacrifie.

Et pour quoi faire ? Par altruisme, vraiment ?

Interrogeons nos motivations sans fard, amis soignants. Soyons honnêtes, parfaitement honnêtes, envers nous-mêmes.

Qu’est-ce qui nous pousse à cela ?

Ne serait-ce pas, même un peu, un tout petit peu, cette croyance que nous pouvons, nous, sauver les autres ?

Les sauver comme le Christ l’a fait, en se sacrifiant.

Les sauver, parce que nous avons la vocation.

Les sauver, parce que nous sommes investis d’un pouvoir, d’une responsabilité.

Les sauver, même d’eux-mêmes.

Osez me dire, confrères et consœurs, collègues soignants et soignantes, que ce n’est pas, au fond, la stricte vérité. Je vous mets au défi de me prouver le contraire.

Et comme vous n’y parviendrez pas, convenez avec moi que cette attitude, au demeurant non limitée aux soignants – car nombre d’êtres humains ont la même – est celle que toute la société entend nous voir adopter. Car toute la société considère qu’on ne peut être un soignant que si l’on est avant tout dévoué aux autres, au péril même de nous-mêmes. On va ainsi trouver admirable que tel médecin sacrifie sa vie de famille et ne prenne jamais de vacances, comme on trouve admirable que les infirmières et les infirmiers des urgences enchaînent les patients sans prendre le temps de manger ou que d’autres enchaînent les gardes sans repos. On trouve admirable de se noyer soi-même pour sortir les autres de l’eau…

Je soutiens que c’est une erreur, grossière et fatale, à la fois dommageable pour les autres et pour nous-mêmes.

D’abord parce que le syndrome du sauveur est la porte d’entrée vers le paternalisme tant décrié. Je rappelle que l’objectif du soin tel que nous l’avons posé plus haut est de rendre sa liberté au patient, de lui permettre de s’autonomiser, le plus rapidement possible. Il n’a donc pas besoin d’être sauvé, mais d’être aidé à reprendre le cours de sa vie. En se croyant investi d’une mission divine de sauvetage, le soignant prend sur lui la responsabilité entière du soin. Or une partie de cette responsabilité est celle du patient. C’est sa liberté, ses choix, son libre arbitre.

Il est nécessaire d’être investi auprès de lui, mais pas au détriment de sa liberté, donc pas dans la position du sauveur tout puissant. Nous ne sommes que des hommes et des femmes, pas des sauveurs. Comment aide-t-on mieux quelqu’un : en lui donnant un poisson à manger chaque jour, ou en lui apprenant à pêcher ?

Ensuite, se négliger soi-même est un mauvais calcul. Si nous ne prêtons pas attention à nous, si nous nous mettons en danger, qui prendra soin de nos patients une fois que nous aurons été empêchés de le faire par notre propre maladie, notre propre mort ? Parce que la condition de soignant ne protège pas contre la maladie et la mort, savez-vous. Elle ne protège pas mieux de l’accident, de l’erreur, de la fatigue, de l’inattention. Comment aide-t-on mieux : en étant présent pour de nombreux patients, ou en se noyant avec le premier que nous allons aider ?

Enfin, se négliger soi-même et se mettre en danger pour une mission illusoire est un manque de respect. D’abord et avant tout un manque de respect envers nous-mêmes. Mais aussi envers nos patients. Qui peut oser croire qu’un soignant qui n’a pas dormi assez parce qu’il a trop travaillé sera au plein potentiel de ses capacités de diagnostic ou de thérapeute ? Qui osera dire qu’il est respectueux de traiter des patients dans un état lamentable parce qu’on n’a pas fait attention à soi-même ? Personne, je crois. C’est d’ailleurs pour cela que veiller à sa propre bonne santé, à son propre équilibre, a été reconnu comme l’un des devoirs du médecin dans le Serment de Genève, l’équivalent international du Serment d’Hippocrate, qui stipule :

JE VEILLERAI à ma propre santé, à mon bien-être et au maintien de ma formation afin de prodiguer des soins irréprochables ;
Serment de Genève

Une injonction qui a du mal, cependant, à véritablement faire son chemin dans nos têtes, tant nous sommes investis de responsabilités à la fois par la société et par nos propres exigences envers nous-mêmes.

Alors avant même de penser à se traiter soi-même (cure), il est temps, plus que temps, de commencer par prendre soin de soi (care). Et cela passe d’abord par le refus.

Le refus de se croire investi d’une mission de sauveur.

Le refus de se sacrifier.

Le refus de se laisser entraîner dans des organisations de soin délétères pour nous-mêmes et donc pour les patients.

Le refus de se laisser entraîner par le consumérisme médical.

Alors seulement nous pouvons commencer à appliquer à nous-mêmes les principes du soin que nous avons vus plus haut.

Nosce te ipsum

Au départ, il y a cette maxime grecque antique qui proclame “connais-toi toi-même” et que les philosophes traduisent plus volontiers par “prends la mesure de ton humanité”. Ainsi, se connaître est la prise de conscience de ce qui fait sa propre identité : sa place dans le monde, sa mortalité. Pour un soignant, c’est aussi la conscience de sa place dans le système de soin, dans la relation soignant-patient. C’est surtout la conscience de sa propre valeur comme individu, et pas seulement comme soignant.

Mais c’est, plus fondamentalement, la capacité à écouter son propre corps, son propre esprit. La capacité à savoir si l’on se sent bien, ou mal. Plus prosaïquement, la capacité à savoir si l’on agit selon nos forces et nos faiblesses, dans le respect de nous-mêmes et pour notre bien.

Se connaître soi-même, parfois, ça veut dire se traiter soi-même.

Mais pour cela, il faut d’abord avoir la compétence de se diagnostiquer soi-même. Ce qui veut dire la capacité à se distancier de soi-même, de se regarder de l’extérieur. Un exercice difficile si l’on n’a pas, auparavant, compris ce qu’étaient nos besoins fondamentaux. Les besoins propres à chacun, et donc les besoins de notre propre corps, de notre propre esprit.

Savoir se distancier de soi-même, se voir de l’extérieur, est parfois impossible, englués que nous pouvons être dans nos biais cognitifs multiples et variés.

Voilà pourquoi, me semble-t-il, tout soignant devrait savoir confier sa santé à un autre, même si nous croyons souvent être mieux placés que quiconque. Notre hubris nous porte à croire que nous sommes les sauveurs de notre propre individualité. C’est faux. Nous aussi, parfois, nous pouvons avoir besoin d’aide. D’une aide qui ne passe pas par nous-mêmes.

Je sais que c’est difficile à admettre. Comme soignant, moi-même je n’admets pas facilement que je puisse avoir besoin d’être soigné par un autre.

Pourtant, s’il est des choses qu’un patient sait de lui-même mieux qu’un soignant, il est des choses qu’un soignant extérieur va mieux connaître de nous que nous-mêmes.

La bienveillance envers soi-même

Se connaître soi-même, ça veut dire déjà savoir qu’après quinze heures de travail, on n’est plus vraiment au top de ses propres capacités attentionnelles. Et qu’il vaudrait mieux arrêter.

C’est être bienveillant envers soi-même.

Or, le complexe du sacrifice empêche souvent les soignants d’être bienveillants envers eux-mêmes.

Ils sont habitués à faire passer l’autre avant leurs propres besoins à eux.

C’est une mauvaise habitude que tout soignant devrait combattre.

Chacun d’entre nous, chacune d’entre nous, devrait savoir écouter les besoins de son propre esprit, de son propre corps.

Chacun et chacune devrait prendre le temps de manger, de se reposer, de se cultiver, d’avoir des relations sociales, familiales, amoureuses. Chacun et chacune devrait prendre le temps de s’épanouir pour ensuite pouvoir donner son énergie en quantité suffisante aux autres.

Difficile d’être d’une aide quelconque pour remonter quelqu’un du trou si nous-mêmes nous ne sommes plus en mesure de nous porter sur nos jambes…

Dans le prochain épisode : la valeur du secret

Lorsque l’on n’est pas soignant, il est difficile d’imaginer jusqu’où et pourquoi le secret doit aller dans la relation de soin.

Parfois, même lorsque l’on est soignant, appliquer le secret peut avoir des conséquences inattendues.

C’est ce que nous verrons dans un prochain article.

Dans la mémoire du Serpent à Plumes

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